Aller au contenu

Adélaïde Hautval

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuis Heidi Hautval)
Adélaïde Hautval
une illustration sous licence libre serait bienvenue
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Marthe Adelhaïde HautvalVoir et modifier les données sur Wikidata
Surnom
HaïdiVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Université de Strasbourg (d) (doctorat) (jusqu'en )
Université de StrasbourgVoir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Autres informations
Directeur de thèse
Lieux de détention
Distinctions
Plaque commémorative

Adélaïde Hautval, surnommée Haïdi, née Marthe Adélaïde Haas le au Hohwald (Bas-Rhin) et morte le à Groslay (Val-d'Oise), est une psychiatre française, rescapée des camps de concentration nazis et reconnue Juste parmi les nations.

Surnommée Haïdi, Adélaïde est la fille du pasteur de l’Église réformée d'Alsace-Lorraine Philippe Haas-Hautval[1],[2]. Elle naît dans un village qui appartient alors à l'Empire allemand[3]. Pro-français, le pasteur Haas avait décidé en 1920 d'accoler le nom français Hautval à son patronyme[2]. Elle est la septième et plus jeune enfant de la famille[4]. Elle fait du scoutisme chez les éclaireuses unionistes de Guebwiller[5] au sein de la Fédération française des Éclaireuses. Elle est autorisée à porter le nom de Hautval par jugement du 27 décembre 1951.

Adélaïde Hautval fait ses études de médecine à Strasbourg, puis travaille dans des hôpitaux et des instituts neuro-psychiatriques[4] locaux et en Suisse[6].

Seconde Guerre mondiale

[modifier | modifier le code]

Son arrestation a lieu en , alors qu'elle traversait la ligne de démarcation à Vierzon pour des raisons personnelles[4] (les funérailles de sa mère[6]). À la prison de Bourges où elle est internée, elle prend la défense en allemand d'une famille juive maltraitée par un soldat allemand[7]. Les Allemands lui disent alors « puisque vous défendez les juifs, vous partagerez leur sort[4] ». Elle est emprisonnée à Bourges[4] puis internée à Pithiviers[3], les Allemands lui font porter sur la poitrine une étoile jaune avec une banderole « amie des juifs[4]. » Elle est ensuite transférée à Beaune-la-Rolande le 24 septembre 1942 et y reste jusqu'au 5 novembre 1942[3], elle passe quelques jours à la prison d'Orléans en , et arrive enfin à la prison de Romainville le de la même année[4],[3]. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi du , dit convoi des 31000[3], où elle a le matricule 31 802[4].

Sa qualité de médecin est reconnue au bout de quelques jours et elle devient médecin dans un des revier [n 1] de Birkenau[4]. Les conditions médicales sont plus que déplorables. Elle est d'abord affectée au block 22, où elle s'occupe de détenues allemandes, puis est envoyée en au block 10 du camp principal[4]. Le médecin-chef y pratique des « expériences », notamment des stérilisations de femmes en brûlant leurs organes avec des produits caustiques[4]. Adélaïde Hautval refuse d'y participer et est chargée des soins post-opératoires[4]. Lorsqu'un nouveau médecin-chef est affecté à ce service, il ordonne à Adélaïde Hautval de l'assister, ce qu'elle refuse et elle est renvoyée, en parmi les autres détenues du camp[4]. Elle y est relativement isolée : en quelques mois la population du camp s'est renouvelée et les détenues qu'elle avait rencontrées en prison ou lors de son transfert sont mortes ou ont été transférées dans un autre block[4]. Le , elle apprend par Orli Reichert-Wald chargée de l'administration du revier qu'elle serait exécutée le lendemain si elle n'acceptait pas de participer aux opérations, ce qui ne la fait pas changer d'avis. Orli lui administre alors un somnifère, fait peut-être passer un autre cadavre pour le sien en prétendant qu'elle est déjà morte et lui sauve ainsi la vie[4].

Adélaïde Hautval est par la suite de nouveau affectée comme médecin au camp[4]. En tant que psychiatre, elle est amenée à examiner des femmes devenues folles avec comme ordre de les déclarer « inaptes au travail », ce qui les conduira directement à la chambre à gaz. Elle ne comprend pas pourquoi on lui demande ici des justifications médicales pour pouvoir assassiner. Volontaire pour « voir » et « dire après », elle assiste à plusieurs séries d'expériences des médecins nazis, notamment celles du Docteur Carl Clauberg spécialisé dans la stérilisation et la castration, tout en soulageant ses camarades et en les faisant échapper à la mort[8]. Elle souffre du typhus de jusqu'en février-mars de l'année suivante[4].

Elle est transférée à Ravensbrück le [3] où on l'envoie comme médecin au camp de concentration de Watenstedt (une usine de munitions), puis, l'administration s'apercevant qu'elle était classée Nuit et brouillard, elle ne peut plus travailler à l'extérieur de Ravensbrück où elle est ramenée. Elle est alors de nouveau médecin au Revier[4]. Elle voit la libération du camp en avril 1945 mais y reste avec Marie-Claude Vaillant-Couturier afin de s'occuper des malades qui ne peuvent être immédiatement transportés[4]. Elle quitte le camp pour la France avec les derniers malades français le [4].

N'appartenant à aucun réseau ou organisation de résistance, Adélaïde Hautval n'obtient qu'avec difficulté une carte de déportée résistante[4] qui lui est donnée en 1963[3]. Elle est décorée de l'Ordre national de la Légion d'honneur en pour son dévouement envers les autres déportés dans les camps[4].

Après guerre

[modifier | modifier le code]

En 1946, Adélaïde Hautval écrit Médecine et crimes contre l'humanité, qui sera édité en 1991[9].

En , elle témoigne en Angleterre au procès en diffamation de l’écrivain Leon Uris contre Vladislav Dering (Dering v Uris (en)), un médecin polonais qui avait participé à des expérimentations médicales à Auschwitz et qui réfutait une note de bas de page de son roman Exodus[6],[10].

Le , Adélaïde Hautval reçoit la médaille des Justes parmi les nations[11].

Se découvrant des signes de la maladie de Parkinson[12], elle met fin à ses jours le .

Distinctions

[modifier | modifier le code]

Hommages posthumes

[modifier | modifier le code]

Noms de rue

[modifier | modifier le code]

Plaques commémoratives

[modifier | modifier le code]
  • Sa commune natale du Hohwald a érigé en 1991 une fontaine sur laquelle est inscrite en onze langues sa devise : « Pense et agis selon les eaux claires de ton être »[15].
  • À Groslay, où elle vécut après la guerre, une plaque est apposée sur le mur de sa maison en
  • Une plaque commémorative a été apposée en gare de Rothau (Bas-Rhin) le .

Institutions

[modifier | modifier le code]
  • Une exposition lui est consacrée par le Centre d'étude et de recherche sur les camps d'internement du Loiret et de la déportation juive (Cercil) à Orléans en
  • Adélaïde H. une résistante alsacienne, réalisé par Daniel Cling, 51min, 2021[18]

Publications

[modifier | modifier le code]
  • Adélaïde Hautval, Médecine et crimes contre l'humanité : le refus d'un médecin, déporté à Auschwitz, de participer aux expériences médicales, Éditions du Félin, , 120 p. (ISBN 2866456335 et 978-2866456337)
  • Marion Muller-Collard, "La spiritualité ne dit rien de l'ancrage de quelqu'un !", dans Dimanche , 14 janvier 2024, p.2, sur. Adélaïde Hautval.
  • Bulletin du Cercle généalogique d'Alsace, mars 2024, n° 225 ; recension par P.-A. M (Pierre-André Meyer) dans Généalo-J, Revue française de généalogie juive, n° 158, juin 2024, p. 36-37.
  • Denis Labayle, Adélaïde Hautval : la psychiatre qui a tenu tête aux médecins nazis : récit inspiré de l'histoire du docteur Adélaïde Hautval, Plon, 2024, 267 p. (ISBN 9782259318419)

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Le mot revier, prononcé par les déportés français revir, est l'abréviation de Krankenrevier, le quartier des malades dans un bâtiment militaire. Selon Charlotte Delbo, déportée à Auschwitz par le même convoi qu'Adélaïde Hautval, la signification qu'à ce mot au camp n'est pas traduisible en français car « ce n'est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C'est un lieu infect où les malades pourrissent sur trois étages. » Delbo, p. 24

Références

[modifier | modifier le code]
  1. Contribution à la localisation des troubles psychiques post-commotionnels (les aphasies, les bradypsychies), Université de Strasbourg, 1934, 146 p. (thèse de Médecine) [1]
  2. a et b Maryvonne Braunschweig et Georges Hauptmann, Docteur Adélaïde Hautval, dite « Haïdi », 1906 – 1988. Des camps du Loiret à Auschwitz et Ravensbrück. Juste parmi les Nations., Conférence-débat du Cercle d’étude du 26 novembre 2014 : conférence de G. Hauptmann, témoignages de G. Obœuf, d’A. Postel-Vinay, nombreux documents originaux., Paris, édition du Cercle d’étude, , 240 p., cité par « Adélaïde Hautval, (1906-1988) une biographie », sur le site du Cercle d’Études de la Déportation et de la Shoah.
  3. a b c d e f et g Bruno Halioua et Georges Hauptmann, « Adélaïde Hautval (1906–1988) : une personnalité médicale exemplaire », La Presse Médicale, vol. 44, no 12, Part 1,‎ , p. 1290–1296 (ISSN 0755-4982, DOI 10.1016/j.lpm.2015.05.012, lire en ligne, consulté le )
  4. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u et v Delbo, p. 141-143
  5. Alice Faverot, Christian Krieger pour l'EPRAL, avec l'aide de Georges Hautpmann, « Livret expo Adélaïde Hautval »,
  6. a b et c (en) Laura Windsor, Women in Medicine: An Encyclopedia : Adélaïde Hautval, ABC-CLIO, (ISBN 978-1-57607-392-6, lire en ligne), p. 92
  7. Lucien Lazare, « Adélaïde Hautval », sur le site du judaïsme d'Alsace et de Lorraine
  8. Caroline Moorehead, Un train en Hiver, Cherche Midi, , 592 p. (ISBN 978-2-266-25872-2), p. 349
  9. Médecine et crimes contre l'humanité : témoignage manuscrit « Déportation » écrit en 1946, revu par l'auteur en 1987, Actes Sud, Paris, 1991, 101 p. (ISBN 2-86869-657-0) [2]
  10. Watson, Geoffrey, « The 'misunderstood' doctor of Auschwitz », Bar News: The Journal of the New South Wales Bar Association, New South Wales Bar Association,‎ (lire en ligne Accès libre [PDF])
  11. Dossier n° 100, consulté sur le site de Yad Vashem.
  12. Florence Hervé, « Adelaïde Hautval », in Histoires et visages d'alsaciennes, Cabédita, Divonne-les-Bains, 2005, p. 82 (ISBN 2-88295-448-4)
  13. « Dossier n°100, Adélaïde Hautval », sur yadvashem-france.org (consulté le )
  14. Bertrand Merle, 50 mots pour comprendre la résistance alsacienne : 1939-1945, (ISBN 978-2-7468-4334-9 et 2-7468-4334-X, OCLC 1356270846, lire en ligne)
  15. Mengus, Nicolas., Ces Alsaciens qui ont fait l'histoire (ISBN 978-2-917875-87-2 et 2-917875-87-9, OCLC 1010595094, lire en ligne), p. 71
  16. « GUEBWILLER. Ecole Adélaïde-Hautval : « Une rentrée historique » », sur www.lalsace.fr (consulté le )
  17. « L'hôpital de Villiers-le-Bel, Charles Richet, renommé Adélaïde Hautval après une longue polémique », sur Le Huffington Post, (consulté le )
  18. « Adélaïde H, une résistante alsacienne - Daniel Cling », sur Fondation pour la Mémoire de la Shoah (consulté le )

Bibliographie

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]