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Rafle du billet vert

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Rafle du billet vert
Image illustrative de l’article Rafle du billet vert
Enregistrement des victimes de la rafle du billet vert par la gendarmerie française à leur arrivée au camp de Pithiviers.

Type Rafle (Shoah en France)
Pays Drapeau de la France France
Localisation Paris
Coordonnées 48° 50′ 30″ nord, 2° 21′ 58″ est
Organisateur Drapeau de l'Allemagne nazie Reich allemand
Drapeau de l'État français État français
Date
Participant(s) police française
Répression
Arrestations 3 700 hommes juifs étrangers

Géolocalisation sur la carte : Paris
(Voir situation sur carte : Paris)
Rafle du billet vert

La « rafle » du billet vert est la convocation et l'arrestation de Juifs étrangers par la police française le . Les autorités françaises arrêtent ainsi 3 700 hommes juifs[1], principalement de nationalités polonaise et tchécoslovaque, ou des apatrides. L'ensemble de l'opération est conjointement dirigée par Theodor Dannecker et l'amiral François Bard, préfet de police de Paris.

Bien que le terme de rafle soit impropre puisque les victimes ont répondu à une convocation, il a été consacré par l'usage puisqu'il s'agit de la première vague d'arrestations massives de Juifs sous le régime de Vichy, avant notamment la rafle du Vel d'Hiv de mi-.

Contexte et préparatifs

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Vue du camp de Pithiviers en 1941.

À partir de , les autorités françaises recensent les Juifs étrangers sur ordre des Allemands. Le régime de Vichy prend ensuite l'initiative de promulguer une loi sur le statut des Juifs (loi du ). Theodor Dannecker, représentant d'Adolf Eichmann à Paris, souhaite cependant accélérer l'exclusion des Juifs, non seulement en les recensant et en les spoliant mais également en les internant. Il peut compter sur Carltheo Zeitschel, qui partage avec lui les mêmes objectifs, et qui est chargé à l'ambassade d'Allemagne à Paris des relations avec le Commissariat général aux questions juives, créé le .

Le , Dannecker informe le préfet Jean-Pierre Ingrand, représentant du ministère de l'Intérieur en zone occupée[2], de la transformation du camp de prisonniers de Pithiviers en camp d'internement, avec transfert de sa gestion aux autorités françaises. Les Allemands exigent dans le même temps l'application de la loi du qui permet l'internement des Juifs étrangers. Le seul camp de Pithiviers étant insuffisant, celui de Beaune-la-Rolande est également requis, pour une capacité totale de 5 000 places[3].

Déroulement des opérations

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Sur la base des recensements effectués, 6 694 Juifs étrangers, Polonais pour la plupart, des hommes de 18 à 40 ans habitant en région parisienne, reçoivent une convocation pour « examen de situation » (le billet vert)[4] les sommant de se rendre, accompagnés d'un proche, dans divers lieux de rassemblement le , dont le gymnase Japy. Plus de la moitié (3 747) obéissent puisqu'ils pensent qu'il ne s'agit que d'une formalité administrative, et ils sont aussitôt arrêtés pendant que la personne qui les accompagne est invitée à aller leur chercher des affaires et des vivres. Ils sont transférés en autobus à la gare d'Austerlitz et déportés le jour même par quatre trains spéciaux vers les camps d'internement du Loiret (à peu près 1 700 à Pithiviers et 2 000 à Beaune-la-Rolande)[5].

Destin des raflés

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Entre et , environ 800 prisonniers réussissent à s'échapper, mais ils sont souvent arrêtés à nouveau. Dans leur très grande majorité, les victimes de cette opération sont déportées lors des premiers convois de et et assassinées à Auschwitz-Birkenau.

Parmi les personnes raflées se trouvaient le grand-père de l'animateur de télévision Michel Cymes, mort à Auschwitz[6], Abraham Reiman, père d'Arlette Testyler, mort lui aussi à Auschwitz, ainsi que Daniel Finkielkraut, père d'Alain Finkielkraut, qui survécut à la déportation.

La réaction de Je suis partout

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Le journal antisémite Je suis partout, dans son édition du , réagit à ces arrestations en masse en publiant cet article : « La police française a pris enfin la décision de purger Paris et de mettre hors d'état de nuire les milliers de Juifs étrangers, roumains, polonais, tchèques, autrichiens qui, depuis plusieurs années, faisaient leurs affaires aux dépens des nôtres. Mercredi matin, la Préfecture de Police a réussi un beau coup de filet, puisque cinq mille habitants ont été mis en état d'arrestation. L'affaire fut menée dans le plus grand secret. Les gens du ghetto, qui ne manquent cependant pas de nez, crurent à une simple vérification de police. Bien vite, un officier s'empressa de les détromper. Il s'agissait d'une arrestation, en bonne et due forme. Il faut dire que les Juifs ne goûtèrent pas cette invitation de se rendre, à leur tour, immédiatement et sans délai, quelque part en France. Jusqu'ici, les Français avaient eu seuls à en faire les frais. Sous les voûtes de ce gymnase Japy où, au cours de multiples « meetings », ces mêmes Juifs s'étaient réunis pour préparer, décider et fignoler leur guerre, là, sur la tribune d'où Bernard Lecache les haranguait, les voici réunis. Des femmes, à bout de nerfs, se renversent, échevelées. Elles viennent de découvrir la douleur de perdre mari, fils ou père[7]. »

Photographies

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Au début des années , 200 planches-contacts traitant de Paris sous l'occupation réapparaissent lors d'une foire à Reims. Cinq d'entre elles, soit une centaine de clichés, concernent la rafle du billet vert et la vie des déportés aux camps de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers. Un brocanteur normand les achète et n'y pense guère jusqu'au visionnage d'un documentaire sur la Seconde Guerre mondiale. Il prend alors contact avec des collectionneurs, qui finissent par les léguer au Mémorial de la Shoah. Leur photographe est Harry Croner, membre d'une Compagnie de propagande qui accompagnait ce jour-là Theodor Dannecker et quelques officiels allemands venus assister aux opérations[8]. Certaines photos furent publiées dans la presse collaborationniste, figurant par la suite dans des fonds d'archives ou des ouvrages historiques mais sans que le nom du photographe soit indiqué. L'un des clichés est célèbre pour avoir été repris dans le film Nuit et Brouillard (1956) d'Alain Resnais. Il était autrefois convenu qu'il avait été pris à Pithiviers, mais on sait de nos jours qu'il s'agit de Beaune-la-Rolande[5].

Plaque commémorative de la rue de Béarn.

Une plaque commémorative rappelle cet épisode à la gare d'Austerlitz. Une autre existe également devant le gymnase Japy.

Depuis , plusieurs plaques commémoratives sont dévoilées par la Ville de Paris sur les lieux de convocation des Juifs étrangers[9], notamment aux adresses suivantes :

Notes et références

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  1. « La rafle du billet vert. Première arrestation massive de juifs en France », France 24, (consulté le ).
  2. Éric Conan, « Les regrets d'un serviteur de Vichy », L'Express, (version du sur Internet Archive).
  3. Denis Peschanski, La France des camps : L'internement, , Paris, Gallimard, coll. « La suite des temps », (ISBN 2-07-073138-3), p. 198–202. Texte remanié de Denis Peschanski (sous la dir. d'Antoine Prost), Les camps français d'internement () (thèse de doctorat en histoire contemporaine, Paris-1, no 2000PA010665), , 948 p., vol. (HAL tel-00362523, SUDOC 059975016, résumé).
  4. «  La « rafle du billet vert » », sur herodote.net, (consulté le ).
  5. a et b Benoît Hopquin, « Des photos inédites lèvent le voile sur la « rafle du billet vert », en , dans Paris occupé », Le Monde, .
  6. Paris Match, no 3754, semaine du au , p. 31 : « Mon grand-père Joseph, il fait partie de la rafle des billets verts : les policiers français l'ont convoqué dans un gymnase du 11e arrondissement. Il a été déporté à Auschwitz où il est mort. »
  7. Robert Klein, Je suis partout, les Juifs, , , 190 p. (ISBN 9781731151193), p. 91–92.
  8. Gilles Heuré, « Le Mémorial de la Shoah expose les photos inédites d'une rafle de Juifs à Paris, en  », Télérama, , mis à jour le (consulté le ).
  9. « Commémorations des 80 ans de la rafle du billet vert », sur paris.fr, (consulté le ).
  10. « Rafle du "billet vert": pose d'une plaque rue Notre-Dame de Nazareth (Paris 3ème) », sur afma.fr, Association fonds mémoire d'Auschwitz (consulté le ).

Bibliographie

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  • Agathe Demersseman, « La rafle du billet vert et les campagnes antisémites du journal Le Matin », En jeu : Histoire & mémoires vivantes, no 10 « Nouvelles recherches sur les déportations et les camps »,‎ , p. 13–30 (DOI 10.34745/numerev_1647, HAL hal-03711817, lire en ligne).
  • David Diamant (pseudonyme de David Erlich) (préf. Marcel Paul), Le Billet vert : Vie et lutte à Pithiviers et Beaune-la-Rolande, camps pour juifs, camps pour chrétiens, camps pour patriotes, Paris, Éditions du Renouveau, , 334 p. (BNF 34708849).
  • Lior Lalieu-Smadja, « Découverte d'un reportage inédit de la rafle du dite « du Billet vert » », Revue d'histoire de la Shoah, no 215,‎ , p. 327–343 (DOI 10.3917/rhsho.215.0327, lire en ligne).
  • La rafle du billet vert, , et l'ouverture des camps d'internement du Loiret (conférence-débat du , organisée par le Cercle d'étude de la déportation et de la Shoah-Amicale d'Auschwitz), Paris, Union des déportés d'Auschwitz, Association des professeurs d'histoire et de géographie, Cercle d'étude de la déportation et de la Shoah-Amicale d'Auschwitz, coll. « Petit cahier / 2e série » (no 17), , 122 p. (ISBN 978-2-917828-12-0).

Articles connexes

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Liens externes

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