Joseph Benzacar

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Joseph Benzacar
Naissance
Bordeaux
Décès (à 81 ans)
Auschwitz
Nationalité Française
Pays de résidence France
Diplôme
Activité principale
Distinctions
Chevalier de la Légion d'honneur, rue du Professeur Benzacar à Bordeaux
Conjoint
Marguerite-Clotilde Kraemer, Juliette Esther Bernheim
Descendants
quatre enfants

Joseph Benzacar, né le à Bordeaux, mort en déportation à Auschwitz le , est un professeur français de sciences économiques.

Biographie[modifier | modifier le code]

Joseph Benzacar naît à Bordeaux en 1862, d'un père rentier, au sein une famille israélite française, installée à Bordeaux dès 1781, d'origine portugaise[1]. Il a un frère, Nathaniel Aaron Benzacar, né le , à Bordeaux[2].

Joseph Benzacar est bachelier à 20 ans, titulaire du baccalauréat ès sciences en 1882 et du baccalauréat ès lettres en 1883[3]. En 1886, il est licencié en droit en 1886 de la Faculté de droit de Bordeaux.

Fort de ce diplôme, il s'inscrit au barreau de Bordeaux dès 1887, barreau qu'il ne quittera qu'en 1922.

Il poursuit ses études juridiques en parallèle et, le , il obtient le grade universitaire de docteur en droit de l'université de Bordeaux. Il soutient deux thèses de doctorat : « De la bonne foi : ses effets sur les contrats du premier au sixième siècle de l'Empire en droit romain »[4] et « Les accidents du travail manuel dans le louage de services en droit français »[5].

Il poursuit son activité d'avocat et, à partir de 1895, il est chargé d'un cours d'économie politique à la Faculté de Bordeaux.

Il présente et réussit le concours de l'agrégation de sciences économiques en 1897 et se trouve nommé professeur à Bordeaux où il commence sa carrière qui durera 37 ans. Il prend sa retraite le [6] mais son service est prolongé jusqu'au [3].

Sur un plan personnel, il se marie une première fois le [7] avec Marguerite-Clotilde Kraemer. Leur union, jusqu'en 1905, leur donnera 3 enfants dont Joseph Benzacar obtiendra la garde exclusive lors du divorce. Trois ans plus tard, il se marie une seconde fois, le , avec Juliette Esther Bernheim, morte en déportation. Ils ont un enfant, Pierre Benzacar, qui exerce comme avocat à Bordeaux.

Joseph Benzacar connaît les deux conflits mondiaux. Pendant la Première Guerre mondiale, déjà âgé de 52 ans, il est réformé mais il souhaite servir son pays, en donnant des conférences dans la région sur les emprunts de guerre et la remise d'or à la Banque de France[8]. La Seconde Guerre mondiale lui est fatale. Alors qu'il est professeur d'université et adjoint au maire de Bordeaux, du fait de sa religion juive, il est persécuté, spolié, déchu de son mandat municipal en 1940 et tué en déportation avec une partie de sa famille en 1944.

Activités et fonctions académiques[modifier | modifier le code]

Étudiant, Joseph Benzacar est cofondateur puis premier président de l'Association générale des étudiants[8].

Dans le cadre de son activité académique, en plus de ses enseignements, il est directeur de l'Institut d'études et de documentation économiques et sociales de la Faculté de droit, et vice-président de l'Institut colonial.

Actif dans le domaine des recherches historiques en économie et dans les publications scientifiques, il est président de la Société de l'histoire de Bordeaux, membre du Comité des travaux historiques, secrétaire du Comité local de publication des documents de la Révolution et vice-président de la Société d'économie politique. Il participe par ailleurs à la création de la Revue de la Société de l'histoire de Bordeaux ainsi que de la Revue économique de Bordeaux qu'il dirige également[6].

Enseignement et recherche[modifier | modifier le code]

Joseph Benzacar est un tenant de l'école de pensée de Charles Gide[8]. Son enseignement et ses recherches portent principalement sur l'économie financière et l'économie politique[9]. Il enseigne principalement l'économie politique, la science financière, la législation industrielle et la législation coloniale.

Économiste et historien, ses travaux de recherche concernent l'histoire économique et sociale de la ville de Bordeaux à laquelle il est très attaché[10], notamment les subsistances à Bordeaux (1905), la vente des biens nationaux en Gironde[11], l'administration de l'intendant Tourny[12], la démographie bordelaise, les finances et l'activité économique de la ville[13],[14],[15], l'activité économique du port de Bordeaux, le droit des vins de Bordeaux[16], l'historiographie bordelaise, etc.[17].

Activités politiques et sociales[modifier | modifier le code]

Joseph Benzacar est engagé dans le domaine social en tant qu'administrateur du Bureau de bienfaisance de Bordeaux et membre la Commission départementale d'action économique et du coût de la vie.

Militant du Parti radical-socialiste, il prend part à la vie politique bordelaise dont il devient une figure notable. Bien qu'il se présente sans succès aux élections législatives de 1914, c'est après une première candidature aux élections municipales de 1912 qu'il est élu au conseil municipal en 1925. Il conserve son mandat sans discontinuer de 1925 à 1938. Il participe à l'action municipale en tant qu'adjoint au maire, Adrien Marquet, chargé de l'état civil et du contentieux pendant ces 13 années[6].

Cet engagement pour la ville de Bordeaux ne le protège pas : son activité politique se termine en 1940 avec les persécutions[18]. Il est déchu de son mandat municipal par la loi portant statut juif du 3 octobre 1940, préparée alors qu'Adrien Marquet, dont il est l'adjoint, est encore ministre d'État puis ministre de l'Intérieur du régime de Vichy.

Persécutions antisémites pendant la Seconde Guerre Mondiale[modifier | modifier le code]

En 1940, la déchéance de son mandat municipal est une première conséquence des persécutions des Juifs en France pendant cette période. L'occupation nazie aboutit à la réquisition de son domicile, au sein duquel seules deux pièces lui sont laissées. En 1942, son compte bancaire est bloqué et saisi.

À l'âge de 81 ans, le , Joseph Benzacar est arrêté avec son épouse Juliette Esther Benzacar, née Bernheim (63 ans), née le à Eauxvives[2], son frère Nathaniel Aaron Benzacar (74 ans) et sa belle-sœur Emma Hélena Benzacar, née Molina (62 ans), née le à Bordeaux[2]. La dernière adresse de Joseph et Juliette Benzacar est au 29 rue Emile Fourcaud à Bordeaux et celle de Nathaniel et Emma Benzacar est au 104 cours d'Alsace Lorraine à Bordeaux[2].

Ils sont enfermés à Bordeaux, puis déplacés à Mérignac. Le , ils sont transférés de Bordeaux au camp de Drancy[19]. Le , ils quittent Drancy pour le camp d'extermination nazi d'Auschwitz par le convoi de déportation n°74[19].

Ils trouvent la mort à Auschwitz où ils sont gazés dès leur arrivée le [20].

Tous les quatre sont déclarés morts en déportation en application de la loi n°85-528 du sur les actes et jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation. La mention est portée sur leur état-civil[21],[18].

Distinctions[modifier | modifier le code]

Hommage[modifier | modifier le code]

  • La ville de Bordeaux donne, en 1951, à une rue de Bordeaux le nom de rue du Professeur Benzacar[22].
  • Un amphithéâtre de la Faculté de droit de Bordeaux reçoit le nom de Joseph Benzacar le [22].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jean Cavignac, « L’immigration des juifs portugais à Bordeaux au XVIIIe siècle, dans le Sud-Ouest et la péninsule ibérique », Revue de Pau et du Béarn,‎ , p. 125-138 (ISSN 0241-7413)
  2. a b c et d Klarsfeld 2012.
  3. a et b « Benzacar, Joseph », sur SIPROJURIS (consulté le )
  4. Joseph Benzacar, De la bonne foi : ses effets sur les contrats du premier au sixième siècle de l'Empire en droit romain (Thèse de droit), Bordeaux, , VIII-91 p. (SUDOC 047215453, lire en ligne)
  5. Joseph Benzacar, Les accidents du travail manuel dans le louage de services en droit français (Thèse de droit), Bordeaux, , XV-250 p. (SUDOC 047215453, lire en ligne)
  6. a b et c Marc Malherbe, La Faculté de droit de Bordeaux : 1870-1970, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, , 489 p. (ISBN 2-86781-163-5, SUDOC 003850439, lire en ligne), p. 271-272
  7. Archives municipales de Bordeaux, 2MI D4/116 (acte du mariage en date du 2 novembre 1898)
  8. a b et c André Garrigou-Lagrange, « Cérémonie du souvenir. Éloge de Joseph Benzacar », Annales de la Faculté de droit de l'Université de Bordeaux, nos 1-2,‎ , p. 9-12 (ISSN 0988-2324, SUDOC 013303619)
  9. Joseph Benzacar, « Le créateur d'une science nouvelle au XVIIIe siècle, François Quesnay », Revue économique de Bordeaux,‎ (ISSN 2017-8425)
  10. Robert Poplawski, « Cérémonie du souvenir. Discours de M. Robert Poplawski », Annales de la Faculté de droit de l'université de Bordeaux, nos 1-2,‎ , p. 5-9 (ISSN 0988-2324, SUDOC 013303619)
  11. Marcel Marion, Joseph Benzacar et Gustaaf Caudrillier, Documents relatifs à la vente des biens nationaux : Département de la Gironde. 1, Districts de Bordeaux et de Bourg, Bordeaux, Cadoret, , XXXVIII-710 p. (SUDOC 010791655)
  12. Joseph Benzacar, Règles économiques de l'administration d'Aubert de Tourny, intendant de Bordeaux, Paris, Imprimerie nationale, , 81 p. (SUDOC 163645574)
  13. « Éclaircissements sur les finances de Bordeaux (XVIIIe siècle - 1701 - mai 1791) », Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, nos 1, 3, 5 et 6 de 1916 ; 2, 4 et 6 de 1917,‎ 1916-1917 (ISSN 0242-6838)
  14. Joseph Benzacar, « Enquête sur la Banque royale de Law dans l'élection de Bordeaux », Bulletin de la Section des sciences économiques et sociales du Comité des travaux historiques et scientifiques,‎ (ISSN 1243-2601, SUDOC 144803607)
  15. Joseph Benzacar, « Les jeux de hasard à Bordeaux (1701-1789) », Revue philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, no 5,‎ (ISSN 1245-6233, SUDOC 16370032X)
  16. Joseph Benzacar, Fondements juridiques de la délimitation du cru bordelais : l'appellation et la marque "Bordeaux", Bordeaux, Imprimerie Barthélémy, , 31 p. (SUDOC 163607249)
  17. Joseph Benzacar, « Dom Devienne, historiographe de Guienne (XVIIIe siècle) », Revue philomatique de Bordeaux et du Sud-Ouest, no 4,‎ (ISSN 1245-6233, SUDOC 163751110)
  18. a et b Marc Malherbe, « Un universitaire victime de la Shoah : Joseph BENZACAR (1862-1944) », L'écho des carrières, no 59,‎ , p. 5-23 (ISSN 1246-2772, SUDOC 204152283, lire en ligne)
  19. a et b Synagogue de Bordeaux, Plaques commémoratives des convois Bordeaux-Drancy.
  20. Gilles Guitton, « Joseph Benzacar, l’élu du convoi 74 », Sud Ouest,‎ (ISSN 0299-0288, SUDOC 039513025, lire en ligne)
  21. France. Ministère de la défense, « Arrêté du 22 janvier 2009 portant apposition de la mention« Mort en déportation » sur les actes et jugements déclaratifs de décès », Journal officiel de la République française, no 30,‎ , p. 2073 (ISSN 0373-0425, SUDOC 013303414, lire en ligne)
  22. a b et c Synagogue de Bordeaux. Biographie enregistrée de Joseph Benzacar