Chaim Herman

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Chaim Herman
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Biographie
Naissance
Décès
Nationalité

Chaim Herman, né le à Varsovie[1] en Pologne et mort au camp de concentration d’Auschwitz en Pologne. Pendant une cinquantaine d'années, il est considéré comme l'auteur du seul texte d'un déporté rédigé en français retrouvé à Auschwitz. À la fin des années 2010, la paternité du document est finalement attribuée à un autre.

Avant Auschwitz[modifier | modifier le code]

Issu d'une famille juive polonaise, Chaim Herman (identité longtemps supposée[2]) s'installe en France à une date inconnue. On sait peu de chose de sa vie avant la déportation. Sur les documents administratifs conservés, il est présenté comme célibataire et sans enfant. Son nom est également associé au métier de prothésiste dentaire. Sa dernière adresse se situe au 45 rue de Montreuil, dans le 11e arrondissement de Paris[1].

Une archive du camp de Drancy atteste qu'il est une première fois détenu pendant sept semaines, d'août à novembre 1941. Un œdème occasionne sa remise en liberté pour raison de santé[3]. Le 21 février 1943, il est à nouveau arrêté et interné. Comme un millier d'autres personnes, il est déporté à Auschwitz par le convoi 49, parti de Drancy le 2 mars 1943[4].

Éléments tangibles et hypothèses sur son parcours en déportation[modifier | modifier le code]

Jugé « apte au travail » à sa descente du train, le 4 mars, il intègre le camp sous le matricule 106113[5]. Deux documents attestent de sa présence en déportation. Le 3 juillet 1943, le registre d’admission du service de rayons x du camp fait état d'un passage du déporté. Le diagnostic révèle une atteinte pulmonaire incurable, avec d'importantes lésions des voies respiratoires. L'extrême dureté des conditions de vie à Auschwitz-Birkenau suggère de très faibles chances d'une survie prolongée en déportation dans pareil cas[6]. Trois mois plus tard, le 12 octobre 1943, une carte postale rédigée par Chaïm Herman arrive à Paris (l'adresse d'expédition, "maison 17a, Birkenau" pouvant correspondre à un baraquement du camp principal). Ce courrier atteste que le déporté Herman fut concerné par la campagne épistolaire de désinformation orchestrée par les nazis en 1943. La visée réelle du camp d'Auschwitz n'est en rien révélée dans ces courriers et les envois furent faits de manière groupée, de sorte que la date de réception est possiblement éloignée de la date de rédaction. Impossible dès lors de savoir si Chaïm Herman est encore en vie le 12 octobre 1943 à l'arrivée de son message[7].

Chaïm Herman a-t-il été asservi dans le Sonderkommando, comme le postulent la plupart des études mentionnant son nom ? Selon l’historien Andreas Kilian, cette hypothèse n’est pas la plus probable. L'auteur de la lettre longtemps attribuée à Chaïm Herman indique qu’à l’arrivée de son convoi, « le 4 au crépuscule », « cent personnes étaient triées pour descendre dans le camp » et suggère quelques lignes plus loin que ce groupe fut ensuite affecté « dans le fameux Sonder-komando »[8]. Pourtant, sur les 4 hommes du convoi 49 toujours en vie à la libération, seul l'un d'entre eux, David Olère, avait effectivement était affecté dans un crématorium. Les Sonderkomandos, porteurs du secret du fonctionnement de la solution finale, vivaient au sein du centre d’extermination, à l'écart du reste des déportés et avec leur propre service médical. Compte tenu des indications administratives sur le déporté Chaïm Herman, qui renvoient au camp de travail de Birkenau, il paraît raisonnable de penser qu'il n'a pas appartenu à cette unité[9].

La lettre signée "Hermann" et son attribution à Chaïm Herman[modifier | modifier le code]

Une lettre en français signée « Hermann » est découverte dans la zone du crématorium III en février 1945[10]. Il s'agit d'une lettre d'adieu en date du 6 novembre 1944 écrite par un Sonderkommando français à l'attention de ses proches. Des recherches conduisent finalement à une remise du courrier à la famille d'un certain Hersz Strasfogel en 1948[10]. À la fin des années 1960, le ministère des Anciens combattants qui avait fait une retranscription du document, en transmet une copie au musée d'Auschwitz. Deux historiens qui travaillent là identifient alors Chaïm Herman comme l'auteur de la lettre[11]. Plusieurs indices contenus dans le message les conduisent à cette déduction. L'auteur, qui souhaite voir son courrier remis à une adresse du 11e arrondissement, celui où résidait Chaïm Herman, est d'origine polonaise, comme lui. Surtout, le rédacteur du manuscrit enterré affirme être arrivé à Auschwitz le 4 mars 1943. Or, de tous les hommes jugés « aptes au travail » à l'arrivée du convoi, Chaïm Herman est celui dont le nom de famille se rapproche le plus de la mention « Hermann » qui conclut la lettre. Jusqu'en 2018, la lettre signée « Hermann » devient donc la « lettre de Chaïm Herman » pour les historiens spécialistes de la question.

La résolution de l’énigme[modifier | modifier le code]

Cette attribution aurait pu être rapidement invalidée, car l'auteur du message donne des indications sur son travail (dans le secteur textile), sa famille (il s'adresse à sa femme et sa fille) et son état de santé (excellent) qui ne correspondent pas à ce qui est su de la vie de Chaïm Herman. Finalement, une suite d'événements conduit le service des archives du Mémorial de la Shoah à remonter jusqu’au texte original en 2018[12]. La famille Strasfogel avait conservé, comme document privé, la lettre remise en 1948, ignorant tout de son attribution à une autre personne déportée par le convoi 49. La certitude sur l’attribution du manuscrit à Hersz Strasfogel étant acquise, la nouvelle est rendue publique au début de l’année 2019[13].

Il apparaît finalement que c’est par le prénom Hermann, version francisée de Hersz, que H. Strasfogel se faisait appeler depuis son départ de Pologne à la fin des années 1920. La signature Hermann correspondant dès lors à un prénom plutôt qu’à un nom. Quant à l'absence de mention du nom Strasfogel, il faut probablement y voir la précaution d’un déporté qui, enterrant un message dans le sol de Birkenau avant son élimination, ne veut pas prendre le risque de compromettre la survie des siens, si le document venait à parvenir entre de mauvaises mains.

Le destin inconnu de Chaïm Herman[modifier | modifier le code]

L’attribution à Hersz Strasfogel de la lettre d’adieu dissimulée à proximité du KIII, invalide ce que les historiens pensaient connaître du destin de Chaïm Herman. L’auteur du manuscrit, asservi au Sonderkommando, a selon toute vraisemblance été exécuté le 26 novembre 1944, lors de la dernière sélection opérée au sein de l’unité[14]. Or, c’est à cette date que l’on postulait jusqu’en 2018 la mort de Chaïm Herman. L’état de santé particulièrement dégradé du déporté 106113 quatre mois après son arrivée à Birkenau, suggère un décès au cours de la deuxième moitié de l’année 1943, sans qu’il soit possible d’en établir la date ou les circonstances exactes.

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Beate Klarsfeld et Serge Klarsfeld, Le Mémorial de la déportation des Juifs de France : Nouvelle édition, mise à jour, avec une liste alphabétique des noms.FFDJF (Fils et Filles des Déportés Juifs de France, .
  2. « VIDEO. Auschwitz : une lettre écrite en français par un déporté juif chargé de vider les chambres à gaz retrouvée »,
  3. Document conservé au service des archives départementales du Calvados consulté par Andreas Kilian
  4. Déportés politiques à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942.
  5. Ivan Jablonka, Histoire des grands-parents que je n'ai pas eus, Paris, Seuil, , 448 p. (lire en ligne), Voir chapitre 9 : de l'autre côté du monde pour plus d'information sur l'arrivée du convoi 49
  6. Nicholas Chare, Dominic Williams (dir.), Testimonies of Resistance: Representations of the Auschwitz-Birkenau Sonderkommando, Berghahn Books, , 398 p. (lire en ligne), Voir le Chapitre 3 " Farewell letter from the Crematorium" rédigé par Andreas Kilian section State of Health, 108-110
  7. Même référence que la note précédente, p. 107-108.
  8. Lire la retranscription de la lettre
  9. Le nom de Chaïm Herman n'est au demeurant jamais évoqué dans les sources issues du Sonderkommando, qu'il s'agisse des manuscrits enterrés ou des témoignages écrits ou oraux des rescapés de l'unité.
  10. a et b Sur les péripéties liées à la découverte et à la circulation de ce document, voir la vidéo de la rencontre organisée par le Mémorial de la Shoah autour du manuscrit Hermann en 2019
  11. Voir chapitre d'Andreas Kilian p.107
  12. Pour en savoir plus sur les circonstances de cette "découverte"
  13. Reportage de France Télévisions consacré à ce sujet le 27 janvier 2019
  14. Jacek Leociak (trad. Marcin Rey), « Entre la France et la Pologne : les chemins de la liberté – les chemins de la Shoah », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem,‎ , Section 28 (lire en ligne)