Bernard Natan

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Bernard Natan
Nom de naissance Natan Tannenzaft
Naissance
Iași, Roumanie
Nationalité Drapeau de la France France, naturalisé en 1921
Décès (à 56 ans)
Auschwitz, Pologne
Profession Producteur

Bernard Natan (1886-1942) (né Natan Tannenzapf[1],[2]) est un producteur franco-roumain des années 1920 et 1930.

Natan acquiert en 1929 l'une des deux plus importantes sociétés de cinéma françaises, Pathé. Pathé-Natan s'effondre en 1935, et Natan est accusé d'escroquerie. Il a contribué à fonder l'industrie du cinéma en France.

Biographie

Né le de parents juifs à Iași en Roumanie près de la frontière russo-roumaine, Natan Tannenzapf s'installe en France au début du XXe siècle. Lors de la déclaration de la Première Guerre mondiale, il se présente à la mairie du 10e arrondissement de Paris dès le , et s’engage dans la Légion étrangère comme volontaire étranger, pour la durée de la guerre. Il passe vingt-et-un mois au front, est gazé en 1916, cité à l’ordre de la division. Libéré le , il est naturalisé français en 1921, francisant son nom en Bernard Natan.

Il fonde son propre laboratoire, « Rapid Film », pour développer des films. Dans les années 1920, il travaille aussi pour Paramount Pictures. La réputation de Rapid Film devient telle que Natan est nommé membre du comité exécutif de la fédération des employeurs cinématographiques. En 1926, il ajoute deux ateliers pour le son sur disque. Il produit également les films d'autres studios[3],[4].

En février 1929, Bernard Natan s'associe avec Paul Thomas et achète la société Pathé, qui est alors la plus grande compagnie de cinéma de France. Il accepte de fusionner son propre studio, Rapid Films (qui valait 25 millions de l'époque) avec Pathé en échange de 50 millions de francs en actions. Après la fusion, Natan renomme la société Pathé-Natan[4],[5],[6].

Pathé subissait déjà une situation financière difficile. La reprise de Bernard Natan coïncide avec la Grande Dépression de 1929 qui atteint tous les secteurs de l'économie[7],[5],[6].

Bernard Natan tente de renflouer les caisses de Pathé et de moderniser les studios et leurs méthodes de travail. Il reprend un autre studio, la Société des cinéromans, d'Arthur Bernède et Gaston Leroux, qui permet à Pathé-Natan d'étendre ses activités à la manufacture électronique et à la projection. Cependant, Bernard Natan est attaqué sans répit par la presse française qui critique sa façon de diriger son groupe. Plusieurs de ces attaques sont d'ordre antisémite.

En novembre 1929, Bernard Natan s'associe avec l'Écossais John Logie Baird en fondant la première compagnie de télévision de France, Télévision-Baird-Natan. Un an après, c'est avec Fernand Vitus et la société anonyme Radio-Natan-Vitus filiale de Pathé Journal, qu'il prend le contrôle d'une station de radio à Paris, Radio Vitus[n 1], qui deviendra un véritable empire radiophonique[4],[7],[5],[6].

Entre 1930 et 1935, la compagnie Pathé-Natan gagne 100 millions de francs de profits, et produit plus de 60 films (autant que les studios américains de l'époque). Bernard Natan relance les films d'actualité Pathé Journal, qui n'ont plus vu le jour depuis 1927.

Cependant, en 1935 Pathé tombe en banqueroute. Dans le but de financer l'expansion de la société, le conseil de direction (qui comprend toujours Charles Pathé) vote en 1930 la vente de 105 millions de francs d'actions. Mais avec la dépression, seuls 50 % des actions sont vendus. L'une des banques qui avaient investi fait faillite et la société Pathé est forcée de continuer à acheter des chaînes de salles de cinéma, sans en avoir financièrement les moyens. Elle finit par perdre plus d'argent qu'elle n'en gagne[4],[7],[5],[6].

La chute de Pathé amène les autorités françaises à inculper Bernard Natan pour escroquerie. Il est accusé d'avoir créé des sociétés fictives, et de mauvaise gestion des affaires. On l'accuse même d'avoir caché ses origines roumaines et juives en changeant de nom. Il est arrêté et emprisonné en 1939. En 1942, il est déchu de la nationalité française et est donc dépourvu de toute nationalité[8]. Il est libéré en septembre 1942[4],[7],[5],[6] et, apatride, est envoyé au camp de Drancy.

Le gouvernement français le livre ensuite aux forces d'Occupation allemandes le . Il est alors envoyé au camp de concentration d'Auschwitz, par le Convoi No. 37, en date du , où il meurt quelques mois plus tard, probablement en 1943[9],[8].

La légende du « Bernard Natan pornographe »

Si les débuts de Bernard Natan dans la production cinématographique sont mal connus, c'est aussi parce qu'ils ont été interrompus par des poursuites à l'origine de la légende du « Bernard Natan pornographe ». Dans un livre publié en 2004[10], son neveu, l'éditeur et historien André Rossel-Kirschen (1926-2007)[11], l'un des premiers adhérents de l'Organisation spéciale qui réunissait au cours de la période 1940-1944 différentes structures clandestines au sein du Parti communiste français, fait le point à partir des éléments dont il dispose. Bernard Natan, alors âgé de 26 ans, est condamné à quatre mois de prison en 1911 pour « outrages aux bonnes mœurs ». Par la suite, la presse d'extrême droite lui reproche d'avoir été un pornographe. Mais a-t-il réellement produit des films pornographiques, c'est-à-dire où l'acte sexuel est montré et non suggéré, ou bien de simples films dits « grivois » que beaucoup de sociétés cinématographiques éditent couramment au début du XXe siècle ? La condamnation à une peine relativement faible de quatre mois de prison plaide en tout état de cause en faveur de l'hypothèse de films grivois destinés aux "tourneurs" de films forains (la loi prévoyait à l'époque jusqu'à deux ans de prison et les condamnations étaient généralement beaucoup plus sévères)[12]. Reste enfin l'accusation de la présence de Bernard Natan en tant qu'acteur de films pornographiques entre 1920 et 1926. Les films cités sont conservés dans quelques cinémathèques, indique André Rossel-Kirschen, ajoutant même page 53 de son livre, qu'il a pu lui-même en visionner la plupart à l'Institut Kinsey[13]. Il apparaît ainsi que l'acteur était beaucoup plus jeune, entre 18 et 25 ans, alors que Bernard Natan avait 40 ans en 1926.

Bernard Natan au cinéma

En 2013, un documentaire[8]consacré à Bernard Natan est réalisé par les Irlandais Paul Duane et David Cairns[14] : Natan, l'histoire effacée d'un génie du cinéma.

"Bernard Natan, le fantôme de la rue Francoeur", un film de Francis Gendron en collaboration avec Alain Braun (production Label, Evasion en Vidéo, Metaction), 2019.

Son histoire est également évoquée à travers le personnage d'André Korben dans le film Planetarium, de Rebecca Zlotowski, sortie en 2016.

Filmographie

Producteur

Références

  1. Jacques Mandelbaum, « "Bernard Natan, le fantôme de la rue Francoeur", l'histoire tragique d'un bouc-émissaire du cinéma français. », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  2. Sabine Delanglade, « Bernard Natan, la réhabilitation d'une légende oubliée du cinéma français. », Les Echos,‎ 21 mai 2015, mise à jour 6 août 2019. (lire en ligne)
  3. Willems, Gilles. "Rapid-Film et ses Branches Production." Pathé, Premier Empire du Cinéma. Jacques Kermabon, éd. Paris: Centre Georges Pompidou, 1994. (ISBN 2-85850-793-7)
  4. a b c d et e Willems, Gilles. "Les Origines du groupe Pathé-Natan et le modèle américain." Vingtième Siècle. 46 (avril-juin 1995).
  5. a b c d et e Abel, Richard. The Red Rooster Scare: Making Cinema American, 1900-1910. Berkeley: University of California Press, 1999. (ISBN 0-520-21478-1)
  6. a b c d et e Abel, Richard. French Cinema: The First Wave 1915-1929. Paperback ed. Princeton: Princeton University Press, 1987. (ISBN 0-691-00813-2)
  7. a b c et d Willems, Gilles. "Les origines de Pathé-Natan." In Une histoire économique du cinéma français (1895-1995), Regards croisés franco-américains. Pierre-Jean Benghozi et Christian Delage, éd. Paris: Harmattan, collection Champs visuels, 1997. Traduction anglaise disponible sur http://www.latrobe.edu.au/screeningthepast/classics/rr1199/gwrr8b.htm.
  8. a b et c « Bernard Natan » (présentation), sur l'Internet Movie Database, comportant des erreurs[réf. nécessaire]
  9. Dans le documentaire qui lui est consacré, diffusé sur Arte le , Serge Klarsfeld évoque une lettre écrite par Natan depuis Auschwitz datée du . Il déduit que sa mort a eu lieu en 1943, sans plus de précision.
  10. André Rossel-Kirschen, Pathé-Natan, La véritable histoire - Pilote24 Éditions/les Indépendants du Ier siècle, 2004 - (ISBN 2-912347-40-8)
  11. Mémoire et Espoirs de la Résistance [1]
  12. Brigitte Berg, Mise au point sur Bernard Natan, in Les Indépendants du premier cercle [2]
  13. http://www.iub.edu/~kinsey/
  14. Qui est Bernard Natan ?, article sur le site de Libération, écrit par Julien Gester, publié le

Notes

  1. Société anonyme constitué le . Capital 1.500.000 francs. Pathé Cinéma 950 actions, Natan, 50, Fernand Vitus 450

Liens externes