The Beatles
Autre nom | The Fab Four, Les Quatre garçons dans le vent[1], The Mop Tops[2] |
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Pays d'origine | Royaume-Uni |
Genre musical | Rock 'n' roll, pop, rock, rock psychédélique (voir liste détaillée) |
Années actives | 1960–1970 (réunion entre 1994 et 1996) |
Labels | Parlophone, Apple, Capitol, United Artists, Vee-Jay, Atco |
Site officiel | www.thebeatles.com |
Membres |
John Lennon (†) Paul McCartney George Harrison (†) Ringo Starr |
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Anciens membres |
Pete Best Stuart Sutcliffe (†) |
The Beatles [ðə ˈbiːtəlz][3] est un quatuor musical britannique originaire de Liverpool, en Angleterre. Le noyau du groupe se forme avec les Quarrymen fondés par John Lennon en 1957, il adopte son nouveau nom en 1960 et, à partir de 1962, prend sa configuration définitive, composé de John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et, le dernier à se joindre, Ringo Starr. Il est considéré comme le groupe le plus populaire et influent de l’histoire du rock. En dix ans d’existence et seulement sept ans d’enregistrement (de 1962 à 1969)[a], les Beatles ont enregistré douze albums originaux et composé près de 200 chansons majoritairement écrites par le tandem Lennon/McCartney, dont le succès dans l’histoire de l’industrie discographique reste inégalé.
Après avoir débuté sous le signe du skiffle des années 1950, les Beatles ont rapidement fait évoluer leur style, se nourrissant de nombreuses sources pour inventer leur propre langage musical. Leurs expérimentations techniques et musicales, leur popularité mondiale et leur conscience politique grandissante au fil de leur carrière, ont étendu l’influence des Beatles au-delà de la musique, jusqu’aux révolutions sociales et culturelles de leur époque.
Au tout début des années 1960, Lennon, McCartney et Harrison deviennent populaires dans les clubs de Liverpool et de Hambourg en reprenant des standards du rock'n'roll, mais Lennon et McCartney se sont également associés dès leur rencontre en 1957 pour écrire des chansons originales par dizaines, affinant progressivement leur technique.
En 1961, Brian Epstein devient leur manager, et les présente à des maisons de disques, sans succès dans un premier temps. L’année suivante, ils recrutent le batteur Richard Starkey, dit Ringo Starr, après avoir signé un contrat avec le label Parlophone dont le directeur artistique est George Martin, qui produit leur premier succès, Love Me Do, et occupera une place prépondérante à leurs côtés jusqu’à la fin du groupe. Ce titre lance leur carrière au Royaume-Uni à la fin 1962.
Après l’essor de la Beatlemania au Royaume-Uni et ensuite en Europe, les Beatles connaissent le succès en Amérique du Nord à partir de 1964, puis rapidement dans le monde entier. À partir de l’album Rubber Soul, en 1965, le groupe expérimente davantage et produit des albums aujourd'hui classiques à commencer par Revolver (1966), puis après avoir définitivement arrêté tournées et concerts pour entrer dans leur période appelée « les années studio », Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (1967), The Beatles (l’« Album blanc ») (1968) et Abbey Road (1969). Après leur séparation en 1970, les quatre membres poursuivent une carrière solo, et tous rencontrent le succès, particulièrement dans les années immédiates suivant la fin du groupe.
Paul McCartney et Ringo Starr sont les deux Beatles encore en vie, après l’assassinat de John Lennon en et la mort de George Harrison en .
Les Beatles demeurent les artistes ayant vendu le plus grand nombre de disques au monde. Ce chiffre était estimé par EMI dans les années 1980 à plus d’un milliard de CD et vinyles vendus à travers la planète, et il a continué à augmenter durant les décennies suivantes, atteignant un chiffre supérieur à deux milliards[b],[4].
Tenant une place de premier plan dans la « bande-son » des années 1960, les chansons des Beatles sont toujours jouées et reprises dans le monde entier, et leurs mélodies ont été adaptées à de nombreux genres musicaux, dont le jazz, la salsa, le reggae ou la musique classique.
Biographie
Formation et débuts sur scène (1957-1962)
Des Quarrymen aux Beatles
— John Lennon
John Lennon est un adolescent de Liverpool élevé par sa tante «Mimi» — Mary Elizabeth (en) de son vrai nom[6]. Son père, Alfred Lennon (en) (dit « Alf »), marin, a rapidement délaissé sa mère Julia Stanley ainsi que son enfant, John. Julia, qui n'a pas les moyens d’élever John seule, le confie à sa sœur Mimi.
John joue de l’harmonica à partir de 1947[7] et dès qu’il découvre Elvis et le rock 'n' roll, John veut devenir musicien. Il apprend de sa mère les rudiments du banjo, grâce auxquels il transpose les accords sur une guitare empruntée d’un copain[8]. Il se voit offrir par sa mère sa première guitare en 1957[9].
Aussitôt, en , alors âgé de seize ans, il forme un groupe de skiffle avec quelques amis de son lycée, le Quarry Bank High School. Initialement nommé The Blackjacks, le groupe change de nom après la découverte d’un autre groupe local se nommant déjà ainsi, et devient The Quarrymen[10].
Le , Lennon et les Quarrymen donnent un concert pour la fête paroissiale de l’église St. Peter[11]. À la fin du concert, Ivan Vaughan, un ami commun, présente Paul McCartney à Lennon. McCartney prend alors une guitare et joue Twenty Flight Rock d’Eddie Cochran devant Lennon, un peu éméché, mais néanmoins très impressionné. Quelques jours plus tard, Pete Shotton, autre membre des Quarrymen, propose à Paul de se joindre au groupe. Celui-ci, qui n'a alors que quinze ans, accepte.
En , McCartney invite son ami George Harrison à un concert des Quarrymen. Celui-ci joue de la guitare et est déjà doté d’une solide expérience. Lennon lui fait passer une audition pour rejoindre le groupe, et est impressionné par ses talents, mais il estime qu’il est trop jeune ; il n'a alors que quatorze ans.
Sur l’insistance de McCartney, George Harrison intègre le groupe comme guitariste soliste au mois de mars[12]. En , les amis de lycée de Lennon ont tous quitté le groupe pour se consacrer à leurs études au Liverpool College of Art[13].
À trois – guitaristes et chanteurs – au sein d’une formation à géométrie variable qui s’appelle tour à tour « Japage 3 »[14], « The Rainbows » et « Johnny and the Moondogs »[15], avec ou sans batteur[16], ils se produisent dans des clubs de Liverpool. Ils jouent notamment au Jaracanda, un coffee-shop dirigé par Allan Williams (en), qui sert d’agent au groupe débutant. Ils se produisent également au Casbah, dirigé par Mona Best, la mère de leur futur batteur Pete Best. D’autres portes s’ouvrent ensuite, dont le Cavern Jazz Club, alors que le rock 'n' roll et le Merseybeat, les styles des groupes de Liverpool, deviennent populaires dans la ville.
Autodidactes, influencés par le rock 'n' roll et le blues noir américain, ils jouent les morceaux de rock du moment « à l’oreille », sans partitions.
Toutefois, John Lennon et Paul McCartney s’associent déjà pour écrire ensemble des chansons, assis face à face avec leurs guitares dans une parfaite symétrie (McCartney étant gaucher), affinant peu à peu leur technique. Quelques-unes d’entre elles, comme One After 909, ressortiront sur les albums des Beatles des années plus tard[11]. Ils partagent également un drame qui les rapproche : Paul McCartney a perdu sa mère Mary, décédée des suites d’un cancer du sein en 1956, tandis que la mère de John, Julia, est tuée en étant happée par une voiture, conduite par un policier possiblement ivre en juillet 1958[15],[17].
Un ami peintre de John Lennon, Stuart Sutcliffe, rejoint le groupe en . Alors qu’il a vendu un de ses tableaux, Lennon l’encourage à s’acheter une guitare basse. Sutcliffe suggère d’adopter le nom de « Beatals », en hommage au groupe accompagnant le rocker Buddy Holly, The Crickets (« les criquets »)[18], ainsi qu’au film l'Équipée sauvage avec Marlon Brando, où il est question d’un gang du nom de « Beetles ». Ils utilisent ce nom jusqu’en mai, où ils adoptent celui de « Silver Beatles »[c] et, du 20 au , accompagnent le chanteur pop de Liverpool Johnny Gentle (en) pour une tournée en Écosse. Les membres du groupe se donnent pour l’occasion des noms de scène : Paul Ramon[d], Carl Harrison (en honneur de Carl Perkins), Stuart de Staël (pour Nicolas de Staël) et Johnny Lennon. Tommy Moore est recruté pour jouer de la batterie[19].
En , ils adoptent définitivement le mot-valise « Beatles », formé à partir de beat (« rythme ») et beetle (« scarabées »), avant d’honorer leur premier contrat dans un club de Hambourg[20]. Le 17 du même mois, cinq jours avant de partir pour l’Allemagne, ils auditionnent et engagent Pete Best comme batteur[11].
Séjours à Hambourg
Bruno Koschmider, propriétaire de l’Indra Club et du Kaiserkeller, deux clubs du quartier de Sankt Pauli à Hambourg, engage les Beatles sur les indications de leur agent Allan Williams[21]. Celui-ci conduit le groupe jusqu’à la cité hanséatique avec sa camionnette, pour honorer un contrat de trois mois et demi[22].
Pour satisfaire le public des clubs hambourgeois, les Beatles élargissent leur répertoire, donnent des concerts physiquement éprouvants, et, sauf pour Pete Best, recourent aux amphétamines pour rester éveillés. Les jeunes gens sont par ailleurs logés dans des conditions difficiles, voire quasiment insalubres.
En , lorsque Koschmider apprend que les Beatles se sont produits dans un club rival, le Top Ten Club (en), il met fin à leur contrat et dénonce Harrison aux autorités allemandes[23] ; en effet, celui-ci a menti sur son âge, et se fait expulser en Angleterre à la fin novembre[24]. McCartney et Best, qui tentent de récupérer leurs effets dans leur ancienne chambre peu éclairée, enflamment un préservatif accroché à un mur pour y faire de la lumière. Furieux, Koschmider les accuse d’avoir tenté d’incendier le logis, ils passent la nuit en prison et le lendemain se font également expulser [25],[26]. Lennon reste en Allemagne jusqu’en décembre, en compagnie de Sutcliffe[26].
Les Beatles effectuent en tout cinq séjours à Hambourg : d’août à , de mars à , d’avril à , puis en novembre et en [11]. Entre leurs différents voyages en Allemagne, ils continuent à se produire à Liverpool et dans ses environs, se constituant un solide noyau de fans, mais restent inconnus au-delà du « Merseyside ». En , ils ne jouent que devant dix-huit personnes à Aldershot, dans la lointaine banlieue de Londres[27].
Stuart Sutcliffe, bassiste du groupe depuis le début de l’année 1960, maîtrise mal son instrument : il se produit généralement dos au public afin que cela ne se remarque pas et « joue » même parfois sans que son instrument soit branché à un ampli[27]. Tombé amoureux de la photographe Astrid Kirchherr, qui prend les premières photos du groupe[28], il décide de rester à Hambourg lorsque ses camarades regagnent l’Angleterre début [29]. Après le départ de Sutcliffe, Paul McCartney, jusque-là guitariste au même titre que John Lennon et George Harrison, devient le bassiste du groupe, ses deux camarades n'étant pas enthousiastes pour tenir ce rôle. Sutcliffe meurt à 21 ans le d’une congestion cérébrale[11], trois jours avant que les Beatles ne posent à nouveau le pied sur le sol allemand pour un nouvel engagement de sept semaines au Star-Club.
D'autres groupes de Liverpool se produisent à Hambourg, notamment Rory Storm and The Hurricanes, dont le batteur se nomme Ringo Starr. Les Beatles envient sa notoriété et apprécient sa compagnie. Les deux groupes partagent l’affiche de très nombreuses fois à Liverpool[27], et se retrouvent au Kaiserkeller du côté de la Reeperbahn pendant plus d’un mois en octobre et [15]. Selon Paul McCartney, l’intérêt pour le groupe dans sa ville natale naît à leur retour de leur seconde résidence à Hambourg où ils ont acquis une solide expérience sur scène et élargi leur répertoire. Lors d’un concert, le , au Litherland Town Hall de Liverpool, salle municipale qui servait deux jours par semaine de dancing aux jeunes[30], au moment où le groupe se met à jouer, le plancher de danse se vide et l'assistance, abasourdie, se presse à la scène pour les écouter et les regarder[31].
C’est à cette époque qu’ils adoptent une coupe de cheveux caractéristique, la moptop, qui se différencie de la banane ou des cheveux des rockers, gominés et peignés en arrière. Astrid Kirchherr (sous l’influence des existentialistes ou des étudiants en Beaux-Arts de cette ville[32]) aurait été à l’origine de cette coupe de cheveux en bol lors de leur séjour à Hambourg. Elle aurait coiffé ainsi Sutcliffe, son amoureux. John Lennon et Paul McCartney l’ont ensuite adoptée, lors d’un court séjour à Paris en [33] effectuée par Jürgen Vollmer, un ami photographe de Hambourg, devenu l’assistant de William Klein[34]. Harrison suivra le pas mais Best, bien qu'il tente le coup, préfère garder sa coiffure gominée[35].
C’est aussi à Hambourg qu’ils décrochent leur premier contrat d’enregistrement, chez Polydor, en tant qu’accompagnateurs du chanteur et guitariste Tony Sheridan[e],[36]. Le 45 tours My Bonnie / The Saints crédité à « Tony Sheridan and The Beat Brothers » est publié en Allemagne en mais publié en Angleterre le cette fois au nom de « Tony Sheridan and the Beatles »[37]. Cry for a Shadow est la première chanson originale du groupe à être publiée lorsqu’elle apparaît, en , sur le super 45 tours français de Sheridan intitulé Mister Twist[38]. Les huit chansons tirées de ces séances seront compilées en sur le disque allemand The Beatles' First ![39] et du même coup éditées en singles un peu partout dans le monde.
« J'ai grandi à Hambourg, pas à Liverpool », dira plus tard John Lennon. Évoquant cette période des débuts, il racontera aussi : « Quand les Beatles déprimaient et se disaient : « On n'ira jamais nulle part, on joue pour des cachets merdiques, on est dans des loges merdiques », je disais : « Où va-t-on, les potes ? », et eux : « Au sommet, Johnny ! », et moi : « C’est où ça ? », et eux : « Au plus top du plus pop ! » (to the toppermost of the poppermost), et moi « Exact ! » Et on se sentait mieux[5]. » Par ailleurs, nostalgique de cette époque « cuir », on entend aussi John Lennon expliquer dans le disque Anthology 1 : « Ce que nous avons fait de meilleur n'a jamais été enregistré. Nous étions des performers, nous jouions du pur rock (straight rock) dans les salles de danse (dance halls), à Liverpool et à Hambourg, et ce que nous produisions était fantastique. Il n'y avait personne pour nous égaler en Grande-Bretagne (There was nobody to touch us in Britain)[40]. »
En 2008, Hambourg a dédié une place de la ville en hommage au groupe[41].
Apport décisif de Brian Epstein
Le , moins d’une semaine après que le 45 tours My Bonnie soit sorti en Allemagne, Raymond Jones, un jeune client du North End Music Store (NEMS), visite la boutique de musique de Brian Epstein et veut acheter ce single en importation. Deux jeunes filles font de même les jours suivants. Epstein contacte donc Polydor et en commande deux cents exemplaires[42].
À leur retour d’Allemagne, après leurs deux premiers séjours formateurs à Hambourg, les Beatles ont acquis la maturité qui leur manquait, techniquement d’abord, sur scène ensuite. Brian Epstein est intrigué par ce groupe local dont il a le 45 tours en magasin et qui figure souvent dans le Mersey Beat, le journal musical local de Bill Harry, lequel se vend comme des petits pains dans sa boutique. Le , accompagné de son assistant Alistair Taylor, il va voir les Beatles au Cavern Club de Liverpool[42], le café souterrain où ils se produiront près de 300 fois jusqu’au [11]. Disquaire à l’origine, Epstein n'a jamais dirigé de formation musicale auparavant, mais connaît quelques-uns des à-côtés qui mènent à la popularité d’un artiste et rêve d’une carrière dans le monde du spectacle. Il propose au groupe de devenir leur manager et un contrat est signé le [43],[f],[g], Epstein devient rapidement un mentor et un ami ; il les propulse au rang de musiciens professionnels. Afin de gommer leur image de sauvages, il leur fait abandonner les vêtements en cuir au profit de complets-vestons, comme les professionnels de l’époque.
En , Epstein apprend que le groupe a quelques chansons originales en poche mais tarde à les jouer régulièrement sur scène. Il n'est pas clair si c'est leur manager qui les a encouragé à les jouer, mais c'est à partir de ce moment que les Beatles intègrent ces chansons dans leur répertoire[44]. Le , le groupe organise The Beatles' Christmas Party au Cavern Club, invitant Gerry and the Pacemakers et King-Size Taylor and the Dominos à partager la scène. Pete Best est absent, malade à la maison, alors le groupe recrute pour la première fois leur ami Ringo Starr afin de le remplacer. Les trois musiciens sentent aussitôt que le batteur complète le groupe à sa façon de jouer et à son attitude hors scène. S'ils sont tentés de se départir de leur batteur à ce moment, la décision devra attendre car Starr quitte les Hurricanes pour aller jouer dans le groupe de Tony Sheridan à Hambourg jusqu'en février[45]. À son retour, Starr reprend sa place dans le groupe de Storm mais remplacera Best encore à quelques reprises; deux fois en mars et une troisième fois, un midi au Cavern Club, le mois suivant[46].
Déjà en 1961, Brian Epstein commence à prospecter auprès des maisons de disques de Londres, afin de tenter de leur faire signer un contrat d’enregistrement, multipliant sans succès les tentatives auprès des grandes compagnies discographiques. Il essuie des refus, même de la compagnie EMI, mais réussit tout de même à obtenir, pour son groupe, une audition chez Decca. Le [11], les Beatles, très nerveux, enregistrent quinze titres dans ce studio très froid et le résultat est bien en deçà des attentes[47]. Le directeur artistique Dick Rowe refuse de les prendre en main, préférant faire signer le groupe local Brian Poole and the Tremeloes, en déclarant : « Rentrez chez vous à Liverpool, M. Epstein, les groupes à guitares vont bientôt disparaître[48]. » Rowe sera par la suite surnommé, dans le milieu, the man who turned down The Beatles, « l’homme qui rejeta les Beatles ». En revanche, Epstein obtient la permission de garder ces enregistrements de bonne qualité sonore, pour pouvoir les faire écouter à d’autres producteurs potentiels[49]. Il se dirige vers le magasin de disque HMV sur Oxford Street pour demander conseil à une connaissance qui y travaille et celui-ci lui suggère de faire presser des disques 78 tours de ces chansons pour pouvoir facilement les faire écouter à des producteurs potentiels. Le technicien Jim Foy, qui s'occupe sur place de ce département, est impressionné par ce qu’il y entend et contacte Sid Coleman, de l’agence de publication de musique Ardmore and Beechwood associée à EMI, qui se situe dans le même édifice, pour initier une rencontre avec le manager[50].
Brian Epstein présente donc ces enregistrements à Coleman, en veillant à lui mentionner qu’ils contiennent quelques compositions originales. L'éditeur reconnait le potentiel d’une publication des compositions signées Lennon/McCartney et Epstein promet de lui donner les droits s’il l’aide à dénicher un contrat d’enregistrement. Un rendez-vous est pris avec George Martin le , pour lui faire écouter Hello Little Girl et Till There Was You et ce malgré le refus préalable de la maison-mère. Mais Martin n’est pas particulièrement impressionné par ce qu’il entend[51].
Entre-temps, Kim Bennett (de son vrai nom Thomas Whippey, ancien chanteur de charme et assistant de Sid Coleman), persiste à dire à son patron que la chanson Like Dreamers Do pourrait être un succès. Ils décident de produire eux-mêmes l’enregistrement dans les studios d’EMI, mais rencontrent le refus de Len Wood, un des directeurs. Cependant, sur l’insistance de Coleman, Wood se ravise et ordonne au producteur George Martin de procéder à l’enregistrement de la chanson, pour qu’Ardmore and Beechwood obtienne le copyright[52].
Le , un télégramme envoyé par Epstein à Hambourg, annonce au groupe qu’ils auront un contrat d’enregistrement avec EMI[53]. Aussitôt Lennon et McCartney achèvent l’écriture de Love Me Do et créent P.S. I Love You[54].
Le , exactement six mois après avoir vu les Beatles pour la première fois au Cavern Club, Brian Epstein rencontre George Martin pour valider le contrat. Il y est stipulé que six chansons seront enregistrées par EMI, qui financera le tout. Le label sera le propriétaire des enregistrements, mais ne donnera aucune avance sur les redevances (fixées à 1 penny par 45 tours vendu, sur 85 % des ventes)[h]. Le contrat a une durée de 4 ans pour le groupe, mais d’un an pour EMI, renouvelable à chaque anniversaire, et est valable pour le monde entier, mais avec des redevances réduites de moitié par rapport à celles perçues en Angleterre. Dans les faits, si par « miracle » le groupe vendait un million d’exemplaires d’un single, ses royalties seraient de 750 £ au Royaume Uni, et de 375 £ aux États-Unis[i],[55],[56] pour chaque membre du groupe et leur manager[57]. Le , Brian Epstein signe le contrat liant les « Beattles » à EMI (il fait une rature sur le second « t »). La date inscrite sur le contrat est le [58].
De cette époque « avant la gloire », des enregistrements rares et marginaux des Beatles ont été très recherchés, notamment ceux qu’ils ont réalisés à Hambourg, publiés par Polydor avec Tony Sheridan, ainsi que les fameuses « bandes Decca ». My Bonnie et Ain't She Sweet ont même atteint les charts de part et d’autre de l’Atlantique pendant la Beatlemania[59],[60],[61]. Ces deux titres et Cry for a Shadow ont été inclus, trois décennies plus tard, sur la compilation Anthology 1. Un enregistrement bootleg réalisé en 1962 sur la scène du Star-Club de Hambourg, avec Ringo Starr à la batterie, a été publié en 1977.
George Martin entre en scène
Le , en début d’après-midi, quatre jours après être revenus de Hambourg où ils honoraient un engagement au Star-Club (leur troisième séjour dans la ville allemande), Lennon, McCartney, Harrison et Best arrivent aux studios EMI de Londres, situés au 3, Abbey Road dans le quartier de St. John's Wood pour leur test d’artistes[62]. C’est leur première visite dans ces studios, qu’ils vont rendre mondialement célèbres. Ron Richards sera le producteur lors de la séance et Martin interviendra de temps à autre. Ils enregistrent Bésame mucho, Love Me Do, PS I Love You et Ask Me Why[63], mais pas Like Dreamers Do qui n’y sera finalement jamais réenregistrée par eux[j],[64]. Lorsque le groupe est invité pour la première fois dans la régie pour écouter les bandes, George Harrison raconte : « Les autres membres du groupe ont failli me tuer lorsque George Martin... nous a demandé : « Y a-t-il quelque chose qui ne vous plaît pas ? » Je l’ai regardé et j'ai dit : « Pour commencer, je n'aime pas votre cravate ». » Mais George Martin, qui avait lui aussi le sens de l’humour[48], est amusé par la réplique. « Ça a brisé la glace ! », note-t-on du côté du personnel technique des studios EMI[65].
Les semaines suivant cette première séance, George Martin et son assistant Ron Richards discutent encore du nom du groupe : « John Lennon and the Beatles » ou encore « Paul McCartney and the Beatles » – bien que ce nom « entomologique » ne leur plaise pas. Comme le groupe est composé de trois chanteurs qui jouent leurs propres instruments, Martin réalise qu’avoir simplement le nom « The Beatles » est une nouveauté dans la musique populaire et que celui-ci fera parfaitement l’affaire[66].
La chanson Love Me Do plaît à Richards, mais il n’aime pas le jeu de Pete Best qui peine à garder un tempo constant[67]. Martin est d’accord et écrit à Epstein qu’à la prochaine séance, il y aura un batteur studio. Craignant de devoir toujours enregistrer avec des batteurs inconnus[68], les trois autres membres saisissent l’occasion et se séparent de Best en [69], pour le remplacer par Ringo Starr, avec qui les affinités sont plus grandes et qu’ils considèrent être « un métronome »[70]. Le 18 août, Starr prend officiellement son poste à la batterie au Hulme Hall dans le village de Port Sunlight[71]. Cette éviction abrupte, actée par un Brian Epstein très nerveux et déçu[15], n'est pas sans conséquences. George Harrison explique : « On avait joué au Cavern Club et les gens hurlaient « Pete is best » (« Pete est meilleur ! », jeu de mots avec « best » en anglais), « Ringo never, Pete forever ! » (« Ringo jamais, Pete à jamais ! »). C’était devenu lassant, et je me suis mis à les engueuler. Après le concert, nous sommes sortis des loges, nous sommes entrés dans un tunnel tout noir, et quelqu’un m’a balancé un coup de poing au visage. Je me suis retrouvé avec un œil au beurre noir. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas faire pour Ringo[5] ! »
La seconde séance d’enregistrement s’effectue le . Martin décide de ne pas inviter de batteur studio pour pouvoir entendre le nouveau venu. À sa toute première séance dans un studio professionnel, Starr est très nerveux et ne l’impressionne pas. Le groupe enregistre How Do You Do It? (chanson imposée par le producteur et que le groupe n'aime guère) puis réenregistre Love Me Do[72]. Une semaine plus tard, le 11, le groupe revient en studio mais ce sera Andy White qui officiera à la batterie. Le groupe reprend une troisième fois Love Me Do, enregistre ce qui deviendra la face B de leur premier single, P.S. I Love You, et présente à Martin une nouvelle chanson, Please Please Me[73]. C’est un Ringo Starr dépité qui joue du tambourin sur Love Me Do et des maracas sur PS I Love You ; il n'a jamais oublié cette « humiliation »[15],[5],[k]. Malgré les réticences de Martin, c’est l’enregistrement avec Ringo Starr à la batterie qui est publié en face A du 45 tours réunissant ces deux titres[l],[74], tandis que la version figurant sur l’album est celle enregistrée avec Andy White[75], qui joue également du « cross-stick » sur PS I Love You, après qu’il a été convenu qu’une batterie complète n'était pas nécessaire pour cette chanson[76]. À l’écoute de Please Please Me, qui est effectuée avec un tempo lent dans le style de Roy Orbison, le producteur suggère de l’accélérer[m], et sera reprise plus tard.
Amer de son éviction des Beatles, Best refuse l’aide d’Epstein pour se trouver un nouveau groupe et intègre le Lee Curtis and the All Stars. En 1965, il sort son propre album au titre mensonger en forme de clin d’œil grinçant : Best of The Beatles, avec le Pete Best Combo ; sur la photo de la pochette, prise par Astrid Kirchherr au « Hugo Haase Fun Fair » à Hambourg en 1960[77], il est entouré de ses ex-camarades. Ce disque n'a pas le succès escompté et Best quitte le monde musical et devient boulanger pour ensuite travailler dans la fonction publique à Liverpool[78].
La Beatlemania (1963-1966)
Premier album et début de la Beatlemania (1963)
Le , sort Love Me Do, qui n'atteint que le 17e rang au palmarès britannique. Ce n'est pas encore la « Beatlemania », mais il s’agit là d’une grande satisfaction pour le groupe, particulièrement au moment où le titre passe de plus en plus à la radio. Leur deuxième 45 tours, Please Please Me / Ask Me Why, est mis en boîte le , cette fois avec Starr derrière sa batterie. Le groupe doit quitter l'Angleterre pour un dernier séjour à Hambourg où un enregistrement bootleg sera effectué et publié en 1977 sous le titre Live! at the Star-Club in Hamburg, Germany; 1962[79]. Leur second 45 tours est publié le et la face A, malgré un titre et des paroles osées pour l’époque (« You don't need me to show the way, love », que l’on peut traduire par « tu n'as pas besoin que je te montre comment faire, chérie »), est propulsé au premier ou au second rang, dépendamment des listes consultées[n]. Quoi qu’il en soit, le succès est indéniable, et les Beatles obtiennent ainsi l’occasion d’enregistrer un album complet. Ce disque inclura les quatre chansons publiées en single et dix autres qui seront enregistrées lors d’une seule séance de 585 minutes (9 heures et 45 minutes), le [80]. Reprenant le titre du dernier single, l’album Please Please Me sort le et atteint la première place du hit-parade, qu’il conserve durant 30 semaines (ou sept mois)[81].
Partie de Liverpool — où ils continuent jusqu’en à enflammer le Cavern Club —, la popularité des Beatles se répand dans tout le Royaume-Uni, qu’ils sillonnent inlassablement, y effectuant quatre tournées cette année-là[82]. Les succès se suivent : From Me to You en avril, puis She Loves You en août, sont classés no 1 des ventes de singles. She Loves You et son fameux « Yeah Yeah Yeah! » rend les Beatles célèbres dans toute l’Europe. Leur passage, le , dans le très populaire show télévisé londonien Sunday Night at the Palladium marque le début du phénomène que la presse britannique baptise la « Beatlemania[11] ». Disquaires pris d’assaut, presse déchaînée, ferveur généralisée, jeunes filles en transe… Le groupe va aligner douze no 1 successifs dans les charts britanniques de 1963 à 1966, jusqu’à la publication en du single « double face A » Strawberry Fields Forever / Penny Lane, qui se classe « seulement » no 2 (mais tout de même premier aux États-Unis).
L’image soignée et professionnelle du groupe passe aussi par la création d’un logo rapidement reconnaissable. Un premier logo des Beatles, en lettres cursives avec des antennes d’insecte sur un « B » stylisé, dessiné par Terry « Tex » O'Hara[o],[83], suivant les indications de Paul McCartney[84], est momentanément utilisé sur la grosse caisse de la batterie[85], puis pour la page d’introduction de The Beatles Book, le journal mensuel du fan club officiel, tout au long de son existence (1962-1972)[86]. Ce logo, adapté en « les Beatles », se retrouve sur les pochettes françaises de plusieurs E.P. et de quatre albums (Les Beatles, N° 1, Quatre garçons dans le vent et la compilation Les Beatles dans leurs 14 plus grands succès)[p].
En , Brian Epstein et Ringo Starr visitent la boutique Drum City de Londres pour remplacer la batterie Premier du batteur. Epstein, qui ne veut pas débourser les 238 £ de la Ludwig Downbeat perlée que Starr désire (une valeur de 5 017 £ en 2020[87]), négocie avec Ivor Arbiter, le propriétaire de la boutique. Ce dernier accepte finalement d'offrir la batterie, à condition que le logo de Ludwig — dont il est le distributeur britannique exclusif — reste visible sur la grosse caisse. Epstein accepte, tout en demandant qu'un logo du groupe soit ajouté. Arbiter esquisse sur le champ le logo le plus connu, en lettres capitales avec un « B » majuscule et un « T » abaissé pour mettre en évidence le mot « Beat » (rythme). Le logo sera finalisé et peint sur la membrane par Eddie Stokes, un peintre en lettres local. Le , la nouvelle batterie est directement livrée aux Alpha Television Studios de Birmingham, où les Beatles se produisent dans l’émission Thank Your Lucky Stars. Entre 1963 et 1969, sept membranes avec ce logo sont produites pour la batterie de Ringo Starr, peintes à la main (dont les quatre premières par Stokes[84]), chacune possédant des différences notables[88],[q],[84].
Le [11], les quatre musiciens de Liverpool se produisent devant la famille royale au Prince of Wales Theatre de Londres, pour le Royal Command Performance, où un John Lennon irrévérencieux, avant de se lancer dans l’interprétation de Twist and Shout, dit au public dans l'hilarité générale : « On the next number, would those in the cheaper seats clap your hands? All the rest of you, if you'll just rattle your jewelry! » (« Pour notre prochain titre, est-ce que les gens installés aux places les moins chères peuvent frapper dans leurs mains ? Et tous les autres, veuillez agiter vos bijoux[15] ! »).
En 1963, John Lennon et Paul McCartney écrivent tout le temps, en n'importe quel endroit, dans le bus qui les amène d’un lieu de concert à l’autre, dans leurs chambres d’hôtel, dans un coin des coulisses avant de monter sur scène, dans l’urgence avant d’enregistrer, quelquefois en une seule prise, autant de titres qui vont marquer leur histoire et celle de la musique rock[65].
En tête des ventes d’albums, Please Please Me n'est remplacé à la première place que par le deuxième album du groupe, With the Beatles, publié le . Ces deux disques sont exportés aux États-Unis respectivement sous les noms de Introducing... The Beatles, paru chez Vee-Jay Records, et Meet The Beatles, publié par Capitol Records. Dans un premier temps, la maison de disques américaine associée à EMI affiche un mépris pour ce qu’elle pense n'être qu’un phénomène passager : Capitol tarde à publier les disques du groupe, raccourcit la liste des chansons, modifie l’ordre des pistes, invente de nouvelles pochettes, et va jusqu’à modifier le son de certaines chansons (ajout de réverbération, mixages stéréo inédits). Le 45 tours, I Want to Hold Your Hand, est leur premier no 1 sur le marché américain et y reste du 1er février au . Il sera détrôné par She Loves You du 21 au , suivi de Can't Buy Me Love du au . Le classement du Billboard Hot 100 du aux États-Unis fait apparaître cinq titres des Beatles aux cinq premières places : la « Beatlemania » qui avait débuté au Royaume-Uni et traversé la Manche se propage de l’autre côté de l’Atlantique, et dans le monde entier.
Analyse du phénomène
La « Beatlemania » est un phénomène d’ampleur considérable et à plusieurs facettes. La jeunesse prend goût à se coiffer et s’habiller « à la Beatles », comme en témoignent les photos de l’époque prises dans les rues. Ils deviennent des trend-setters, expression anglophone que l’on peut traduire en français par « faiseurs de mode » ou « meneurs de tendances ». Les disquaires se spécialisent sur la discographie des Beatles, et pour mieux gérer ses stocks, la société EMI / Parlophone propose la pré-souscription des albums et des singles à suivre, même s’ils sont encore à l’état de projet. Les pré-commandes atteignent dès lors des sommets inouïs : par exemple, 2,1 millions pour Can't Buy Me Love en 1964[89].
Des magazines spécialisés fleurissent, comme le célèbre Beatles Monthly (aussi connu sous le nom de Beatles Book, 77 éditions de 1963 à 1969, intégralement republiées de 1977 à 1982) et se vendent comme des petits pains. L’atmosphère hystérique des concerts rend parfois ceux-ci presque inaudibles[90]. Le premier ministre britannique, Harold Wilson, remarque néanmoins que ces artistes constituent pour le pays une excellente exportation, notamment en termes d’image : celle de jeunes gens souriants, polis, bien habillés, et pleins d’un humour très britannique lors des interviews. Ils sont décorés par la reine du Royaume-Uni, le à Buckingham Palace, de la médaille de membre de l’Empire britannique (Member of the British Empire, ou MBE). Certains MBE — dont plusieurs sont des vétérans et des chefs militaires —, froissés, renvoient par dépit leur propre croix à la Reine. John Lennon réplique qu’il préfère recevoir cette distinction en divertissant[15]. Il s'agit en fait de la plus basse des décorations, les vrais honneurs officiels arriveront beaucoup plus tard, quand James Paul McCartney sera fait chevalier en 1997 et Richard Starkey, alias Ringo Starr, en 2018. Extrêmement liés, par le simple fait qu’ils sont les seuls à « vivre la Beatlemania de l’intérieur », considérant se trouver dans l’œil du cyclone, et voyant tout le monde s’agiter frénétiquement autour d’eux, se soudant autant que possible, très amis, les Beatles se voient affublés, par Mick Jagger[91], du surnom de « monstre à quatre têtes »[5].
Dans les années 1960, l’industrie musicale est en pleine expansion. Désormais, il est possible de donner des concerts dans des salles de plus en plus grandes. À la télévision, les émissions sont de plus en plus regardées par un public familial. Les Beatles participent dès 1963 à de nombreux shows avec les animateurs les plus populaires de la télévision britannique et bientôt nord-américaine. Ils seront les premiers musiciens à passer dans une émission diffusée en mondovision, le , avec la chanson All You Need Is Love. À partir de 1965, les Beatles ne chantent pratiquement plus qu’en playback à la télévision. McCartney s’en explique : « Nous faisons un très important travail de studio, corrigeant inlassablement la moindre imperfection avec une précision maniaque. Pas question d’offrir aux téléspectateurs, alors que ce son existe, un autre son déformé par les mauvais studios des plateaux de télévision ». Toujours en 1965, les Beatles prennent la résolution de ne plus donner d’autographes : « Nous n'avons tout simplement pas assez de bras, et nous devons tout de même pouvoir utiliser nos guitares de temps en temps ! ».
Les Beatles mêlent aux standards du rock comme Kansas City des chansons susceptibles de plaire à la génération précédente : Till There Was You, You've Really Got a Hold on Me ou Bésame mucho (qui reste dans les cartons). Ces chansons font d'ailleurs partie du répertoire des Beatles depuis Hambourg. Pour que le groupe ne soit pas catalogué comme « mods » et perde le public des « rockers », Brian Epstein a une idée : retrouvant un moment le cuir de leurs débuts, les Beatles sortent un EP (extended play) de quatre titres de rock pur et dur (Matchbox, I Call Your Name, Long Tall Sally et Slow Down), qui devient le « disque des initiés » et montre « ce que les Beatles savent vraiment faire quand ils le veulent ». Satisfaits par cet « os à ronger », les rockers ne dénigrent plus les Beatles eux-mêmes, mais les fans qui achètent leurs autres disques en ne sachant pas ce qu’est la « vraie » musique des Beatles. Pour se concilier ce public — mais aussi pour se faire plaisir — la présence d’un « standard du rock » devient un « incontournable » des albums suivants[92].
Dans le film A Hard Day's Night, tourné en noir et blanc — pour économiser sur les coûts mais aussi pour masquer le fait qu’ils n'ont pas la même couleur de cheveux — et réalisé par Richard Lester, les Beatles orchestrent habilement leur propre légende, avec un humour très britannique. Cet humour devient délirant avec le film suivant, Help!, sorti à l’été 1965, en couleurs, où les Beatles se moquent d’eux-mêmes. On va jusqu’à les comparer aux Marx Brothers, ce que John estime excessif. Plus tard, George Harrison, quant à lui, noue une solide amitié avec Eric Idle et l'ensemble des Monty Python, allant jusqu’à financer leur film La Vie de Brian. L’humour britannique est par ailleurs une composante majeure des Beatles. Ceux-ci, notamment dans le film A Hard Day's Night, n'hésitent pas à rivaliser de bons mots. À la question : « Comment avez-vous trouvé l’Amérique ? », les membres du groupe répondent : « Tournez à gauche au Groenland ! ».
John Lennon avait soigné son personnage avant-gardiste en écrivant en 1964 et 1965 deux livres de courtes nouvelles dans un style imagé et surréaliste, In His Own Write, puis A Spaniard in the Works. La critique de l’époque ne leur fait pas bon accueil, mais le premier a été traduit en français par Christiane Rochefort sous le titre « En flagrant délire », publié en 1965.
Entre-temps, le fan club des Beatles travaille à fidéliser un réseau de fans auxquels on concède dans le Beatles Book des bonus, notamment des photos inédites, et des disques hors commerce offerts à Noël. Un disque de Noël sortira ainsi chaque année durant les fêtes, de 1963 jusqu’en 1969.
Passage à Paris (1964)
À l’avènement de leur gloire internationale, c’est à l’Olympia de Paris et durant trois semaines du 16 janvier au , à raison d’un, deux ou trois shows quotidiens, soit 41 apparitions en tout[93], que les Beatles ont joué le plus longtemps au même endroit (en excluant leurs prestations au Star-Club de Hambourg et au Cavern Club de Liverpool). Après un « tour de chauffe » au cinéma Cyrano à Versailles le , ils donnent leur premier spectacle à l’Olympia le lendemain. L’affiche est imposante et donne tout son sens au mot « Music-hall ». Daniel Janin et son orchestre, les Hoganas, Pierre Vassiliu, Larry Griswold, Roger Comte, Gilles Miller et Arnold Archer, acrobates, jongleurs, humoristes, chanteurs se succèdent sur la scène avant la deuxième partie du spectacle avec les trois têtes d’affiche au fronton du Boulevard des Capucines : Trini Lopez, Sylvie Vartan et les Beatles, passant à chaque fois en dernier.
Les passages des Beatles sont assez courts puisqu’ils ne jouent à chaque fois que huit titres : From Me to You, Roll Over Beethoven, She Loves You, This Boy, Boys, I Want to Hold Your Hand, Twist and Shout, Long Tall Sally[93]. La surprise pour eux, c’est que la salle est composée en majorité de garçons, et qu’ils n'entendent pas, pour une fois, les cris féminins stridents qui les accompagnent d’habitude[5]. Au fur et à mesure, et malgré quelques incidents techniques au début, les Beatles conquièrent leur public. Durant leur séjour à Paris, les jours de relâche leur permettent d’aller faire un tour aux studios Pathé-Marconi de Boulogne-Billancourt. Le 29 janvier, ils y enregistrent leurs deux titres en langue allemande : Komm, gib mir deine Hand / Sie liebt dich (adaptés de I Want to Hold Your Hand et She Loves You). Le premier est entièrement réenregistré, voix et instruments (en 14 prises) ; le second n'est qu’un ajout vocal sur leurs propres pistes instrumentales. Le même jour, ils mettent également en boîte un nouveau tube composé par Paul : Can't Buy Me Love[94].
C’est aussi à Paris que les Beatles apprennent qu’ils viennent de décrocher leur premier no 1 aux États-Unis : I Want To Hold Your Hand. Cette nouvelle provoque une grande scène de joie collective dans leur chambre du George-V ; Mal Evans raconte : « Quand je suis rentré dans la pièce je suis resté stupéfait. Debout sur un fauteuil, John prononçait une sorte de discours dont je n'arrivais pas à saisir un mot. George donnait des bourrades à Ringo et je me demandais encore ce qui se passait quand Paul me sauta sur le dos ! Ils étaient heureux comme des collégiens en vacances et, à la réflexion, je reconnais qu’il y avait de quoi[5]. » Pendant ce séjour, John Lennon et Paul McCartney poursuivent par ailleurs le travail de composition pour leur futur album, A Hard Day's Night ; un piano a spécialement été installé à cet effet dans leur chambre de l’Hôtel George-V[95].
Le groupe pose également pour le sculpteur David Wynne (en) qui créera deux œuvres : leurs têtes, qu’il place une par-dessus l’autre, et des figurines du quatuor en spectacle avec leurs instruments. C’est la seule occasion où ils seront modèles pour un sculpteur[96] et celui-ci, qui deviendra rapidement un ami, présentera plus tard George Harrison au Maharishi Mahesh Yogi[97]. Les œuvres sont achetés par Sir Edward Beddington-Behrens (en) pour 4 200 $US[98],[r].
À la conquête de l’Amérique (1964-1965)
« Nous savions que l’Amérique ferait de nous des vedettes mondiales ou nous détruirait. En définitive, elle nous a faits. »
Trois jours après leur dernière prestation à l’Olympia, une foule immense est à leurs côtés à l’aéroport londonien de Heathrow, au moment où ils s’embarquent pour le Nouveau Monde. De l’autre côté de l’Atlantique, c’est encore la foule — plus de 10 000 fans — qui les attend lorsqu’ils se posent sur le tarmac de l’aéroport international John-F.-Kennedy de New York, le . Un événement majeur va secouer l’Amérique moins de 48 heures plus tard : plus de 73 millions de personnes (soit 40 % de la population) assistent en direct à leur première prestation télévisée, lors du Ed Sullivan Show diffusé sur CBS le 9 février. Une audience record pour l’époque, qui reste encore de nos jours une des plus élevées de l’histoire, hors retransmissions sportives. Certains médias iront jusqu’à affirmer que cet événement télévisuel a redonné le moral au pays, encore profondément traumatisé, 77 jours après l’assassinat du Président Kennedy[100],[101].
Dans le train qui les amène de New York à Washington, où ils vont donner le au Coliseum leur premier concert public sur le sol américain, un journaliste interroge Paul McCartney. Il lui dit : « Quelle place à votre avis vont prendre les Beatles dans la culture occidentale ? » Après lui avoir demandé si c’était une blague, le bassiste des Beatles, loin de se prendre au sérieux, lui répond « Ce n'est pas de la culture. C’est juste une grande rigolade »[102]. Après un premier concert au Coliseum dans des conditions difficiles — la scène est au milieu de la salle, comme un ring, Starr doit pivoter lui-même sa batterie et les musiciens, se retourner pour faire face à une partie ou à l’autre du public, le matériel fonctionne mal, etc. —, un autre le lendemain au Carnegie Hall de New York, et un nouveau passage au Ed Sullivan Show cette fois en direct de Miami le 16 février, les « Fab Four » (en français les « quatre fabuleux ») rentrent au pays. L’Amérique du Nord est emportée par la Beatlemania : on organise une première tournée de 26 dates à travers le pays, qui se déroulera à guichets fermés, du au [103].
C’est pendant cette tournée estivale des États-Unis que les Beatles rencontrent Bob Dylan, et que ce dernier leur fait essayer la marijuana pour la première fois[15]. Une découverte qui a une importance incontestable dans l’évolution de leur musique. La légende veut que Dylan ait pris le « I can't hide » (« je ne peux le cacher ») de I Want to Hold Your Hand pour « I get high » (« je plane ») et qu’il ne se soit ainsi pas gêné pour proposer un « reefer » aux Beatles[5].
L’histoire d’amour entre les Beatles et les États-Unis, où ils enchaînent les no 1 en 1964 et 1965, trouve un point d’orgue le en ouverture de leur seconde tournée de ce côté de l’Atlantique. Ce jour-là, ils sont le premier groupe de rock à se produire dans un stade, le Shea Stadium de New York, devant 56 000 fans déchaînés et dans des conditions singulières pour ce genre de spectacle, dans une telle arène, sous les hurlements de la foule. Les Beatles se produisent munis seulement de leurs amplis Vox, et sont repris par la sono du stade, c’est-à-dire les haut-parleurs utilisés par les « speakers » des matches de baseball. Il en résulte que ni eux ni le public n'entendent clairement une note de cette prestation historique. Les documents filmés ce jour-là montrent cependant que les Beatles arrivent à jouer, et que c’est John Lennon qui empêche ses partenaires de se retrouver paralysés par l’événement, en multipliant les pitreries, comme parler façon charabia en agitant ses bras pour annoncer un titre en se rendant compte que personne ne peut l’entendre, ou maltraiter un clavier avec ses coudes lors de l’interprétation de I'm Down[5].
Les contrats signés en 1965 par les Beatles pour qu’ils se produisent dans les arènes nord-américaines stipulent qu’ils refusent de jouer devant un public ségrégationniste. Déjà, le , le groupe avait publiquement déclaré son refus de se produire à Jacksonville, en Floride tant que le public noir ne serait pas en mesure de s’asseoir n'importe où sans restriction[104],[105],[106].
Pionniers de la British Invasion, terme utilisé aux États-Unis pour y décrire la prédominance des groupes de pop rock anglais — parmi lesquels les Rolling Stones, les Who ou encore les Kinks — au milieu des années 1960, les Beatles seront abonnés aux premières places des charts américains jusqu’à la fin de leur carrière. Ils détiennent d’ailleurs toujours, aujourd'hui, un record absolu avec 209 millions d’albums vendus sur ce seul territoire[107]. « La musique n'a plus jamais été la même depuis lors » affirme la RIAA (Recording Industry Association of America)[108].
Cinéma et « œufs brouillés »
Le film A Hard Day's Night (dont le titre français est Quatre garçons dans le vent) permet d’aborder et comprendre ce qu’était la Beatlemania en 1964. Ce film humoristique est réalisé en noir et blanc par Richard Lester et connaît un succès international. Le troisième disque des Beatles, qui porte le même nom, est sorti en Angleterre le chez Parlophone avec quatorze chansons mais le sur United Artists Records en Amérique du Nord, possédant onze titres dont quatre orchestrations tirées du film. Son titre a été accidentellement créé par Ringo Starr : sortant à une heure avancée des studios, il a dit « It's been a hard day » (« cela a été une dure journée »), puis s’apercevant que c’était la nuit, a ajouté « …'s night » (« …de nuit[11] »). Il représente un tour de force de John Lennon, auteur et chanteur principal de 10 des 13 chansons. Il est à cette époque au sommet de sa prédominance dans le groupe[11]. C’est le premier album des Beatles à ne comporter aucune reprise, tous les titres étant signés Lennon/McCartney. Il inclut notamment la première ballade portant réellement « la patte » de Paul McCartney, And I Love Her, ainsi que de nombreux futurs no 1. Les trois reprises enregistrées lors de ces séances sortiront sur le E.P. Long Tall Sally.
Pressés de toutes parts, littéralement poussés vers les studios au milieu d’incessantes tournées, les Beatles sortent dans la foulée, le , Beatles for Sale (titre évocateur : « les Beatles à vendre »), où ils se contentent de reprendre en studio leur répertoire scénique du moment en y incluant quelques nouvelles chansons, comme Eight Days a Week, I'm a Loser, Baby's in Black et No Reply ou une très ancienne comme I'll Follow the Sun. Le disque comprend donc six reprises de rock 'n' roll et sera livré avec une pochette qui comme celle de With the Beatles[109] (et d’autres à venir) sera parmi les plus pastichées au cours des décennies suivantes[110]. Au même moment, le titre I Feel Fine de John Lennon, publié en single le 27 novembre, est no 1 durant cinq semaines. Il démarre par un « feedback » de guitare ou effet Larsen, le premier du genre dans le rock, que l’on pourrait croire accidentel, alors que cet étonnant effet est délibéré. « Je défie quiconque de trouver la présence d’un feedback sur un disque avant I Feel Fine, à moins que ce soit un vieux disque de blues de 1922 » assure John Lennon[5].
La « Beatlemania » bat toujours son plein en 1965, lorsque sortent le film Help!, dont Ringo Starr est la vedette, — tourné par les Beatles dans les volutes de fumée de cigarettes très spéciales[5] — et le disque du même nom. Seule la moitié des titres de l’album fait partie de la bande-son du film et trois chansons vont marquer l’histoire du groupe, autant de no 1 dans les charts. Help! d’abord, où John Lennon — comme il l’avouera plus tard — se met à nu en appelant au secours. Le succès, la célébrité, ne lui apportent aucune réponse, il est — dira-t-il — dépressif et boulimique, dans sa période « Elvis gras[5] ». Ticket to Ride ensuite, considéré par Lennon comme le titre précurseur du hard rock[5] avec ses effets de guitare, ses roulements de toms et sa basse insistante. Yesterday enfin, la chanson mythique de Paul McCartney qu’il joue à tout son entourage, une fois composée sous le titre de travail Scrambled Eggs (« œufs brouillés »), se demandant sincèrement et interrogeant à la ronde pour savoir s’il a bien inventé cette mélodie — qui lui serait venue tout entière lors d’un rêve — ou si elle ne vient pas de quelque part, tant elle paraît évidente[111]. Elle deviendra la chanson la plus diffusée et la plus reprise du XXe siècle (près de 3 000 reprises). Yesterday et son fameux arrangement pour quatuor à cordes, suggéré et composé par George Martin en compagnie de l’auteur de la chanson qui, pour la première fois, l’enregistre seul à la guitare acoustique, sans les autres membres du groupe. Plus de 40 ans après, Paul mesure encore sa chance d’avoir rêvé cette chanson, de s’en être souvenu au réveil, qu’elle fût bien de lui, et qu’elle ait connu cet incroyable succès[112].
Tournant de Rubber Soul
Un soir d’, un ami dentiste de George Harrison et John Lennon charge leur café, ainsi que ceux de Pattie Boyd et Cynthia Lennon (respectivement compagne et épouse des deux musiciens), avec une substance pas encore illicite : le LSD[15],[113]. George et John découvrent donc cette drogue à leur insu, mais John va en devenir un gros consommateur pour au moins les deux années suivantes. Les quatre membres vont l’essayer (McCartney, très réticent, est le dernier à en prendre, en 1966, mais sera le premier à en parler à la presse), et d’une façon générale, la musique et les paroles des Beatles vont encore évoluer sous l’influence de cette substance hallucinogène[15]. À l’automne 1965, ils enregistrent un album charnière dans leur carrière : Rubber Soul. Le titre est un jeu de mots à partir de rubber sole — semelle en caoutchouc, soul music — la musique de l’âme, et plastic soul — âme influençable. Les textes sont plus philosophiques, plus fouillés (la poésie de Lennon, l’influence de Bob Dylan déjà présente dans You've Got to Hide Your Love Away de l’album Help!), abordant des thèmes plus sérieux. Devant sortir pour Noël, le disque est enregistré dans l’urgence, en quatre semaines, du au [65].
Leur musique est devenue plus élaborée ; les techniques d’enregistrement en studio sont en progression, le temps qui y est passé également. Leur immense succès est la garantie pour eux d’une liberté de plus en plus grande dans la création et la possibilité de bousculer les codes en vigueur (par exemple les horaires, ou le simple fait de pouvoir se déplacer de la salle d’enregistrement à la cabine, devant la table de mixage) dans les austères studios d’EMI. « C’est à cette époque que nous avons pris le pouvoir dans les studios » note John Lennon[5].
Les locaux de ce qui s’appelle encore « studios EMI » (ils deviendront « Abbey Road » plus tard) fourmillent d’instruments en tous genres, jusqu’aux placards, et les jeunes musiciens, désormais intéressés par toutes les formes de musique, commencent à tester et à intégrer les sons les plus divers dans leurs chansons. « On aurait pu emmener un éléphant dans le studio pour peu qu’il produise un son intéressant » raconte Ringo Starr[5]. Rubber Soul se caractérise par deux ruptures : Nowhere Man est la première chanson des Beatles ne parlant pas de filles et d’amour ; il n'y a pas une seule reprise d’un quelconque standard du rock 'n' roll ou autre sur ce sixième disque des Beatles, et il n'y en aura plus jamais. George Harrison, qui vient de s’acheter un sitar car il est tombé amoureux de la musique indienne en écoutant les disques de Ravi Shankar, est amené à l’utiliser spontanément sur la chanson Norwegian Wood (This Bird Has Flown) de John Lennon. Grande première dans le rock, l’initiative de Harrison inspire Brian Jones dans la composition du riff du Paint It, Black des Rolling Stones, sorti quelques mois plus tard.
Les Beatles étaient au départ un groupe basé sur sa maîtrise de l’harmonie vocale — leur maîtrise de la polyphonie n'a pas été étrangère à leur succès et a presque fait oublier les précédents représentants américains du genre, les Four Seasons[s] —, œuvrant dans la plus grande économie de moyens ; en 1965, la recherche instrumentale devient prépondérante. Les harmonies vocales restent toutefois très présentes (Drive My Car, Nowhere Man, If I Needed Someone, The Word, Wait), tout comme diverses facéties, comme sur le pont de la chanson Girl de John Lennon, que McCartney et Harrison ponctuent par des « Tit tit tit tit » (« nichon » en anglais).
La compétition et l’émulation battent leur plein entre les deux auteurs principaux du groupe : le jour de la publication de Rubber Soul (le ), sort également le 45 tours Day Tripper / We Can Work It Out. Le premier titre est de John (avec l’aide de Paul), le second de Paul (avec l’aide de John), et les deux compères se bagarrent pour figurer sur la face A du single, qui est le tube assuré. Il est alors décidé que ce seront deux faces A, lesquelles atteignent la première place des charts, et ce pour cinq semaines consécutives[t].
À l’époque, hors de leur « compétition interne », la plus sérieuse émulation pour les Beatles vient d’outre-Atlantique. En effet, si les Rolling Stones commencent tout juste à émerger en adoptant volontairement une attitude antagoniste de mauvais garçons, et un son plus brut, en dépit des apports éclectiques de Brian Jones (qui s’amenuiseront à mesure que son état de santé se dégradera), ce sont les Beach Boys qui leur opposent les qualités les plus grandes en termes d’harmonies vocales, de recherches mélodiques et de techniques d’enregistrement, sous l’influence grandissante de Brian Wilson — jeune homme au génie éclatant mais fragile psychologiquement, jouant tout à la fois les rôles de compositeur, producteur, chef d’orchestre, bassiste et chanteur principal. L’album Pet Sounds (), conçu par Wilson comme une réponse aux innovations de Rubber Soul (), est d’ailleurs une source d’inspiration majeure pour Revolver (), et les techniques de production révolutionnaires employées pour le titre Good Vibrations ( — préfigurant ce qu’aurait dû être l’album Smile abandonné lorsqu’il eu connaissance de la chanson Strawberry Fields Forever en 1967[114]) ont un impact décisif sur l’évolution ultérieure des Beatles. Les musicologues s’accordent généralement à dater la naissance de la « pop » de cette émulation entre les deux groupes en 1965-1966.
Demain ne sait jamais
À l’été 1966, leur album suivant, Revolver, sorti le en Angleterre, est de la même veine, repoussant encore les limites de l’expérimentation. John Lennon est au meilleur de sa forme, inspiré, innovant avec Doctor Robert, Tomorrow Never Knows, She Said She Said et dans I'm Only Sleeping, où le solo de guitare est passé à l’envers. Paul McCartney s’affirme en mélodiste talentueux avec Eleanor Rigby, For No One et Here, There and Everywhere. Il a aussi l’idée de la chanson Yellow Submarine pour Ringo Starr. And Your Bird Can Sing reprend et développe des effets de guitare qui n'apparaissaient que discrètement à la fin de Ticket to Ride. Le sitar indien, déjà entendu dans Norvegian Wood, a séduit George Harrison ; son admiration pour l’Inde — dont il ne se départira plus — devient évidente avec Love You To. Une autre chanson de George Harrison ouvre le disque, Taxman. La galerie de thèmes et de personnages s’élargit : un percepteur, une bigote solitaire, le sommeil et la paresse, le capitaine d’un sous-marin jaune, un docteur douteux, le Livre des morts tibétain, les psychotropes sous forme détournée[115],[116]... La pochette du disque est dessinée par leur ami Klaus Voormann[117].
Tomorrow Never Knows (« Demain ne sait jamais », encore un accident de langage signé Ringo Starr[11]), dernier titre de Revolver, est un cas particulier : joué sur un seul accord (le do), incluant des boucles sonores préparées par Paul, des bandes mises à l’envers, accélérées, mixées en direct avec plusieurs magnétophones en série actionnés par autant d’ingénieurs du son — une dizaine — envoyant les boucles à la demande vers la table de mixage, il ouvre l’ère du rock psychédélique (et peut aussi être considéré comme le titre précurseur de la techno). Les prouesses de George Martin et des ingénieurs du son des studios EMI — à commencer par Geoff Emerick — permettent de répondre aux demandes les plus extravagantes de John Lennon : celui-ci désirant que sa voix évoque celle « du Dalaï-lama chantant du haut d’une montagne », ils élaborent cet effet en faisant passer sa voix dans le haut-parleur tournant d’un orgue Hammond, le « Leslie speaker » ; celui-ci tourne sur lui-même pour donner au son de l’orgue un effet tournoyant, et le résultat donne l’impression que la voix de John « surgit de l’au-delà »[5].
« De tous les morceaux des Beatles, c’est celui qui ne pourrait pas être reproduit : il serait impossible de remixer aujourd'hui la bande exactement comme on l’a fait à l’époque ; le « happening » des bandes en boucle, quand elles apparaissent puis disparaissent très vite dans les fluctuations du niveau sonore sur la table de mixage, tout cela était improvisé. »
— George Martin, Summer of love, The Making of Sgt Pepper's
« Plus populaires que Jésus »
Chaque membre du groupe se prête au jeu d’une série d’interviews intitulées How Does a Beatle Live? (« Comment vit un Beatle ? ») réalisée par la journaliste Maureen Cleave, une proche du groupe, qui seront publiées dans le London Evening Standard. Les Beatles sont alors au sommet de leur popularité mondiale. Dans l’article avec Lennon, qui paraît le , celui-ci déclare : « Le christianisme disparaîtra. Il s’évaporera, décroîtra. Je n'ai pas à discuter là-dessus. J'ai raison, il sera prouvé que j'ai raison. Nous sommes plus populaires que Jésus, désormais. Je ne sais pas ce qui disparaîtra en premier, le rock 'n' roll ou le christianisme […] »[118],[119].
Ce qui passe complètement inaperçu au Royaume-Uni — et même ailleurs, dans un premier temps — finit par devenir un véritable scandale, quelques mois plus tard, aux États-Unis, lorsque l’article est repris dans le magazine pour adolescentes Datebook, ces propos sont amplifiés et déformés sur une station de radio de l’Alabama ; il y est suggéré que les disques des Beatles soient brûlés, en représailles de ces paroles jugées blasphématoires. La « Bible Belt » américaine ne tarde pas à mettre ces propos en application[120].
Paul McCartney tente bien de tourner l’affaire en dérision, en déclarant : « Il faut bien qu’ils les achètent avant de les brûler[15] ! », mais le mal est fait, et le malaise profond. Ainsi, à l’aube de leur ultime tournée, le à Chicago, John Lennon est obligé de se justifier devant les médias américains : « Si j'avais dit que la télévision était plus populaire que Jésus, j'aurais pu m’en tirer sans dommage […]. Je suis désolé de l’avoir ouverte. Je ne suis pas anti-Dieu, anti-Christ ou anti-religion. Je n'étais pas en train de taper dessus ou de la déprécier. J'exposais juste un fait, et c’est plus vrai pour l’Angleterre qu’ici [aux États-Unis]. Je ne dis pas que nous sommes meilleurs, ou plus grands, je ne nous compare pas à Jésus-Christ en tant que personne, ou à Dieu en tant qu’entité ou quoi qu’il soit. J'ai juste dit ce que j'ai dit et j'ai eu tort. Ou cela a été pris à tort. Et maintenant, il y a tout ça… »
Arrêt des tournées
Jusqu’en 1966, les Beatles enchaînent, à un rythme très soutenu, les tournées, les apparitions médiatiques, l’écriture, les séances d’enregistrement de leurs singles et albums. Mais plus leur succès grandit, plus leurs prestations publiques se déroulent dans des conditions impossibles. Ne voulant ou ne pouvant pas contrôler des foules à l’extérieur pendant que le groupe joue dans une salle trop petite, les autorités, particulièrement américaines, insistent qu’ils se produisent dans des salles ou des espaces en plein air de plus en plus grands, réunissant des dizaines de milliers de spectateurs[121]. Mais les moyens de sonorisation sont encore balbutiants, et surtout, les quatre musiciens se produisent sous les cris stridents de la gent féminine, qui couvrent complètement leur musique. Au point qu’ils ne s’entendent pas jouer et se rendent compte finalement que le public ne les entend pas non plus.
De plus, la différence entre leur production en studio, de plus en plus complexe, faisant appel à de plus en plus d’instruments divers et de nombreux overdubs, et ce qu’ils arrivent à délivrer sur scène dans leur configuration du départ (batterie, deux guitares, basse), devient flagrante. Leur répertoire scénique reste quasiment le même au fil des années — des standards du rock 'n' roll comme Rock 'n' Roll Music ou Long Tall Sally seront notamment joués jusqu’au bout —, et ils constatent les dégâts dès qu’ils s’attaquent à des titres plus récents, par exemple Nowhere Man ou Paperback Writer : au Budokan de Tokyo, fin juin, on voit George Harrison agiter la main en saluant le public pour le faire hurler, afin de couvrir le chœur a cappella de Paperback Writer qui sonne nettement faux… Ces concerts à Tokyo ayant déclenché une demande de 209 000 billets[122] se passent d’ailleurs dans une ambiance étouffante, les Beatles restant cloîtrés dans leur hôtel et bénéficiant de la plus grande protection policière jamais vue au XXe siècle pour un groupe ou un artiste, avec un dispositif (35 000 fonctionnaires mobilisés) de même ampleur que celui mis en place deux ans plus tôt pour les Jeux olympiques[123],[124].
Après cette série de concerts dans la capitale japonaise, les événements vont précipiter leur décision de mettre un terme définitif à ce que John Lennon considère comme « de foutus rites tribaux[5] ». À Manille, aux Philippines, ils passent tout près d’un lynchage, pour avoir malencontreusement snobé, à leur arrivée, une réception donnée en leur honneur par Imelda Marcos, épouse du dictateur Ferdinand Marcos, la veille de leurs concerts du 4 juillet. Le groupe répondra qu’il n'avait reçu aucune invitation, ce qui n'empêchera pas la presse locale de se déchaîner ni les Philippins d’envoyer des menaces d’attentat et de mort. Toute protection policière leur est retirée lorsqu’ils repartent, une foule hostile les attend à l’aéroport, ils sont agressés, parviennent difficilement jusqu’à leur avion qui va rester bloqué sur la piste, le temps que leur manager Brian Epstein en soit débarqué pour aller se faire délester de la recette des quelque 100 000 billets vendus pour leurs deux concerts[5],[125],[126].
Cette énorme frayeur les décide déjà à tout arrêter, mais il leur reste des dates estivales à honorer aux États-Unis. Là-bas, ils subissent les conséquences de la tempête provoquée par les paroles de John Lennon à propos du christianisme. Ils reçoivent des menaces, notamment du Ku Klux Klan, et craignent réellement pour leur sécurité, alors qu’ils se produisent dans des stades dans des conditions qui restent détestables. Ils n'en peuvent plus. La dernière date de cette tournée, le lundi , au Candlestick Park de San Francisco, onze titres interprétés en un peu moins de 35 minutes, sur une scène entourée de grillages, au milieu d’une pelouse où la chasse policière aux fans déchaînés bat son plein, devient leur dernier concert tout court. Seulement 25 000 billets ont été vendus pour 31 000 disponibles, ce qui a conduit la radio rock KYA, partenaire de l’opération, à organiser des jeux pour distribuer les billets restants[127].
Ringo Starr explique : « À Candlestick Park, on s’est sérieusement dit que tout ça devait s’arrêter. On pensait que ce concert à San Francisco pourrait bien être le dernier, mais je n'en ai été vraiment certain qu’après notre retour à Londres. John voulait laisser tomber plus que les autres. Il disait qu’il en avait assez. » John Lennon déclare quant à lui : « Je suis sûr qu’on pourrait envoyer quatre mannequins de cire à notre effigie, et que les foules seraient satisfaites. Les concerts des Beatles n'ont plus rien à voir avec la musique. Ce sont de foutus rites tribaux. » George Harrison se remémore : « C’était trop, toutes ces émeutes et ces ouragans. La « Beatlemania » avait prélevé sa dîme, la célébrité et le succès ne nous excitaient plus[5]. ». L’arrêt des tournées marque une première fissure dans la carrière des Beatles, partant du principe qu’un groupe de rock 'n' roll qui ne joue plus sur scène n'est plus vraiment un groupe. D’ailleurs, tandis que John s’exclame : « Mais qu’est-ce que je vais faire maintenant ? » — il partira tourner le film How I Won the War à Almería en Andalousie, avec Richard Lester —, George déclare tout de go : « Je ne suis plus un Beatle désormais ». Afin de donner un second souffle au groupe, après une pause de trois mois, Paul McCartney entraîne ses partenaires dans un nouveau projet, un nouveau départ, loin des foules hystériques. Un projet qui consiste à envoyer une autre formation, imaginaire, en tournée à leur place; celle du « Club des Cœurs Esseulés du Sergent Pepper ».
Années studio (1967-1968)
Triomphe de Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band
Adieu les tournées et les costumes « uniformes ». À la fin de l’année 1966, les Beatles s’installent quasiment à plein temps dans les studios EMI d’Abbey Road, et vont en exploiter toutes les possibilités. C’est le début de la période qui sera définie comme « les années studio » du groupe, caractérisées par une considérable progression de sa créativité. Les quatre musiciens s’amusent à coller des bouts des chansons, à lancer des bandes de musique par terre et à les recoller au hasard, à passer des morceaux à l’envers (comme sur la chanson Rain), en accéléré, à mélanger de nombreux instruments atypiques dans le rock 'n' roll : des violons, des instruments traditionnels, indiens, toutes sortes de claviers, ou même un orchestre symphonique complet ; à tenter tout ce qui est artistiquement possible en s’affranchissant du fardeau de leur image publique (ils sont les Beatles et doivent en permanence se mesurer à l’image que leur public a d’eux) pour prendre l’identité d’une fanfare à la fois « Edwardienne » et complètement dans l’air du temps, qui souffle depuis la Californie. Ce concept est signé Paul McCartney.
L’album Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band est publié le : ce disque est considéré par beaucoup comme leur chef-d'œuvre, et sera reconnu comme la meilleure œuvre rock de tous les temps dans plusieurs listes établies par des revues spécialisées (notamment celle de Rolling Stone en 2003). D’autres y voient au contraire un album d’adieu (illustré sur la pochette par un massif fleuri où quatre Beatles tristes du musée de cire de Madame Tussauds semblent assister à leur propre enterrement, tandis que les quatre vrais Beatles sont donc devenus des musiciens de fanfare moustachus, et où une poupée chiffon à l’effigie de Shirley Temple[128] annonce « Welcome the Rolling Stones »). Cet album marque en tout cas leur carrière et toute une génération.
Pour répondre aux demandes et besoins des musiciens, George Martin et son équipe doivent aller de plus en plus loin au niveau des innovations techniques. Ils inventent ainsi le « vari speed » qui permet de faire varier la vitesse de défilement de la bande (procédé notamment utilisé sur Strawberry Fields Forever pour fondre deux prises différentes en une seule, ou sur Lucy in the Sky with Diamonds pour la voix de John Lennon) et le « reduction mixdown » : les quatre pistes d’un magnétophone — le maximum dont ils disposent à l’époque — sont réduites en une seule sur un autre appareil identique synchronisé, et trois nouvelles pistes sont ainsi libres. On peut multiplier ce procédé et obtenir jusqu’à seize pistes[129], capacité qui ne sera disponible par défaut qu’au début des années 1970. Pour la première fois dans l’histoire du rock, un groupe va passer un peu plus de cinq mois en studio, de fin à , pour construire son album.
Les fructueuses séances de Sgt Pepper's ont débuté par les enregistrements des titres Penny Lane — de Paul McCartney — et Strawberry Fields Forever — de John Lennon — où chacun traite de la nostalgie de son enfance à Liverpool. La maison de disques EMI et Brian Epstein pressent George Martin de sortir un single pour l’hiver, et ce dernier livre, à contrecœur, ces chansons, qui sont tout simplement celles qui sont les plus avancées[130]. En conséquence, ces deux titres (publiés en Angleterre le ) ne sont pas inclus dans l’album à venir. De manière anecdotique, ils n'atteignent pas le no 1 du palmarès britannique, et le producteur considère aujourd'hui la décision de les avoir isolés sur un single « double face A » comme une « épouvantable erreur[5] ». Toujours à l’avant-garde, les Beatles se mettent en scène pour le titre de John Lennon, Strawberry Fields Forever, cet hiver-là, dans un mini-film tellement innovant qu’on peut en faire un des précurseurs des vidéo-clips musicaux tels qu’on les connaît aujourd'hui[131]. L’écriture et la réalisation de Sgt Pepper's se poursuit intensément durant les quatre premiers mois de 1967. La collaboration Lennon/McCartney atteint encore des sommets. Ensemble, ils écrivent With a Little Help from My Friends pour Ringo Starr, créent She's Leaving Home à partir d’un fait divers, concoctent Getting Better, où l’optimisme de l’un (« It's getting better all the time / Ça va de mieux en mieux tout le temps ») est contrebalancé par le pessimisme de l’autre (« Can't get no worse / Ça ne peut pas être pire »). Enfin, un bout de chanson de John (« I read the news today oh boy… »), où il met en paroles une série de nouvelles lues dans la presse, accolé à une « ritournelle » de Paul (« Woke up, fell out of bed… »), les deux sections étant séparés par 24 mesures contenant un fameux glissando d’orchestre symphonique (clairement repris de Krzysztof Penderecki (Thrène à la mémoire des victimes d’Hiroshima, 1960) et de Iannis Xenakis (Metastasis, 1955)), donnent le titre A Day in the Life, qui clôt le disque en apothéose. Ils écrivent ensemble la phrase « I'd love to turn you on » (« J'aimerais te brancher » ou « J'aimerais t’exciter » ou « J'aimerais te faire planer ») qui fait scandale pour son possible double sens sexuel ou stupéfiant, provoquant l’interdiction de la chanson sur la radio britannique.
Il est encore question de drogue, pour la plupart des observateurs de l’époque, avec le texte surréaliste — et surtout ses initiales (LSD) — de la chanson Lucy in the Sky with Diamonds. Mais John Lennon explique qu’il est parti d’un dessin que son fils Julian, alors âgé de quatre ans, a ramené de sa classe de maternelle en lui expliquant que c’était sa copine Lucy O'Donnell, « dans le ciel avec des diamants[11] ». Le compositeur, qui cite aussi Lewis Carroll et son Alice au pays des merveilles[5] comme source d’inspiration, est le premier étonné de l’interprétation qui est faite de son titre. Cependant, Paul McCartney a révélé trois décennies plus tard que l’allusion au LSD était intentionnelle[132].
L’héroïne joue un rôle dans le bannissement, à l’antenne, de deux autres chansons de l’album, troisième et quatrième chansons du groupe à être interdites de radio. D’abord Fixing a Hole, dont le titre peut laisser supposer que le chanteur se fait un « fix », puis Being for the Benefit of Mr. Kite!, entièrement composée par John Lennon à partir d’une affiche de spectacle de cirque du XIXe siècle[11], à cause du personnage « Henry the horse », « horse » signifiant héroïne en argot anglais. Ce sont bien sûr des interprétations totalement erronées de la part des « autorités compétentes »… Pour répondre aux demandes de Lennon, la production de cette dernière chanson entraîne de nouvelles prouesses techniques de la part de George Martin et de son équipe.
George Martin et les Beatles ont voulu faire de Sgt Pepper's un album-concept, en reliant certains morceaux, bien que les chansons n'aient aucun rapport thématique entre elles, hormis les deux du début (la chanson-titre et With a Little Help From My Friends). Pour unifier le tout, c’est Neil Aspinall, l’assistant du groupe, qui a l’idée de faire une reprise du morceau Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band comme avant-dernière piste de l’album. Ainsi, la fanfare du club des cœurs esseulés du Sergent Pepper accueille son public au début du spectacle — de l’album —, puis le salue à la fin, à travers le même morceau joué plus vite et dans une tonalité différente, en espérant que le spectacle lui a plu. Quarante ans plus tard, Paul McCartney reprend l’idée lors de sa tournée « Back in the U.S. » en 2002, en jouant la reprise de Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band en avant-dernier morceau.
L’album se clôt avec A Day in the Life, tel un rappel, et se termine par trois trouvailles :
- la longue décroissance — de 47 secondes — d’un accord de piano[133] ;
- un sifflement à 20 000 Hz, inaudible par l’homme et impossible à reproduire sur la plupart des électrophones de l’époque, mais dont John Lennon espère qu’il fera aboyer les chiens de ceux qui possèdent une bonne chaîne hi-fi[133] (à noter que l’album Pet Sounds des Beach Boys, source d’inspiration majeure des Beatles pour Sgt. Pepper's, se clôt sur des aboiements de chiens) ;
- un jingle sans fin sur le sillon intérieur[133], que ne pourront découvrir que les puristes de la Hi-Fi, ceux qui refusent d’avoir une platine à arrêt automatique en fin de disque — pour les autres, le bras se lèvera avant, ou juste au début (ce segment sera simplement ajouté à la suite de A Day in the Life sur la réédition en CD).
Sgt Pepper's fait école et tous les autres groupes majeurs de l’époque (les Rolling Stones, les Who, les Kinks, les Moody Blues, Aphrodite's Child, The Clouds, et bien d’autres) voudront aussi sortir leur « album-concept » — quand bien même Sgt Pepper's n'en est pas vraiment un, d’un point de vue strictement musical ou thématique ; il aura suffi que ses auteurs l’affirment pour que cela soit une réalité. L’album fait date dans l’histoire de la musique pop rock : jamais un groupe n'avait disposé d’autant de temps, de moyens et de liberté pour enregistrer un album. Les Beatles exploitent donc pleinement cette opportunité et George Martin joue bien sûr un rôle-clé dans l’exploration de nouvelles techniques. La pochette, très soignée et débordante de couleurs, a nécessité une centaine de lettres envoyées aux personnalités vivantes représentées, afin d’obtenir leur accord. Trois personnages en sont retirés « in extremis » : Hitler et Gandhi, au motif qu’ils risqueraient d’indisposer le public britannique, au grand désespoir du très provocateur John Lennon ; et un troisième personnage, l’acteur Leo Gorcey, qui voulait bien figurer sur la pochette mais à condition d’être rétribué, on juge plus simple de le faire disparaître. Cette pochette est, elle aussi, un événement. C’est la première fois qu’autant de soin est apporté au conditionnement du disque. Les paroles des chansons y sont incluses, pour la première fois également. Jusqu’ici, les pochettes se résumaient le plus souvent à une photo de l’artiste ou du groupe ; à partir de Sgt. Pepper's, la conception de la pochette devient un élément-clé (à la fois « marketing » et artistique) de la production d’un disque.
L’année suivante, Frank Zappa parodie la pochette avec l’album We're Only in It for the Money (« nous ne faisons ça que pour l’argent ») enregistré avec son groupe The Mothers of Invention.
Mort de Brian Epstein et premier échec
Le , les Beatles se produisent devant plus de 400 millions de téléspectateurs à travers le monde, à l’occasion de la toute première émission diffusée par satellite, Our World. En direct du studio 1 d’Abbey Road et en « Mondovision », ils interprètent une chanson spécialement composée par John Lennon pour l’occasion : All You Need Is Love[134]. Le triomphe est total. Le 45 tours publié le 7 juillet s’installe directement à la première place des charts et y reste trois semaines.
Le , paraît en pleine page dans The Times une pétition financée et signée par les quatre Beatles et leur manager intitulée « La loi interdisant la Marijuana est immorale en principe et inapplicable en pratique », un appel contre la prohibition en vigueur depuis l’instauration du Dangerous Drug Act en 1965[135],[136]. Mais c’est durant ce fameux « Summer of Love » (« l’été de l’amour ») sur fond de Sgt Pepper's que Brian Epstein est retrouvé sans vie dans sa maison, à 32 ans, à la suite d’une surdose de barbituriques, le . Les Beatles apprennent sa mort pendant un séminaire d’initiation à la méditation transcendantale avec Maharishi Mahesh Yogi à Bangor, au Pays de Galles, où chacun s’est vu délivrer un mantra. La disparition de leur manager les laisse totalement désemparés et marque une nouvelle fissure dans leur carrière[137],[15].
C’est également à la même époque que Paul McCartney prend clairement les rênes du groupe, un rôle laissé vacant par John Lennon dont l’ego se dissout sous l’effet du LSD. Bourreau de travail (« workaholic »), Paul est dès lors à l’origine de la plupart des projets, la majorité des no 1 ultérieurs des Beatles sont son œuvre, et il n'a de cesse de lutter contre la démobilisation progressive des autres membres du groupe.
L’année 1967 se termine par l’éreintement critique de leur film Magical Mystery Tour, considéré à sa sortie (une diffusion télévisée sur la BBC à Noël) comme leur premier véritable échec. Un film tourné sans scénario — « mystérieux » même pour ses acteurs — et dont les séquences filmées des titres I Am the Walrus et Your Mother Should Know constituent les meilleurs moments. Le fait que les téléspectateurs britanniques l’aient vu en noir et blanc ne sert assurément pas sa cause. La bande-son, publiée sous forme d’un « double EP » composé de 6 titres et sorti le , contient toutefois ces nouvelles perles que sont le très élaboré I Am the Walrus de John Lennon et The Fool on the Hill de Paul McCartney. Aux États-Unis, Magical Mystery Tour sort le en 33 tours. On y retrouve, compilés sur la face 2, les chansons tirées des 45 tours publiés en 1967, dont les indissociables Strawberry Fields Forever / Penny Lane ainsi que All You Need Is Love / Baby, You're a Rich Man. Hello, Goodbye, entendu lors du générique final et publié en 45 tours promotionnel pour le film, y est aussi inclus. Ce 33 tours est finalement publié au Royaume-Uni en 1976 et, à partir de la réédition de tout leur catalogue en CD au milieu des années 1980, intègre leur discographie officielle.
Les personnages du Walrus (tiré du livre De l’autre côté du miroir de Lewis Carroll), de Lady Madonna et du Fool on the Hill, ainsi que Strawberry Fields, réapparaissent sous forme de références dans Glass Onion du double album blanc en 1968 — « The Walrus was Paul » (« le morse, c’était Paul ») chante John Lennon, ironisant sur les folles interprétations suscitées par ses textes…
Fondation d’Apple Corps
Lorsque les Beatles, désormais « orphelins » de Brian Epstein, apprennent que leur capital peut être soit investi dans la création d’une entreprise, soit dilapidé en impôts divers, ils choisissent la première solution, débouchant sur la naissance de leur compagnie Apple Corps.
Le nom, comme le logo, proviennent d’un célèbre tableau de René Magritte acquis par Paul McCartney. Apple est créée le , et ses premiers locaux ouvrent le , avec ses divisions Apple Records (label sur lequel leurs disques seront désormais publiés), Apple Electronics, Apple Publishing, Apple Films et Apple Retail. En plus de couvrir les finances et les activités des Beatles, la compagnie est censée apporter de l’aide à tout artiste dans le monde qui voudrait lancer un projet artistique de valeur. Durant les deux dernières années d’existence du groupe, le résultat sera pour le moins contrasté. Des rêveurs et des utopistes tels que « The Fool », un groupe de jeunes dessinateurs de mode néerlandais, et Alex Mardas, alias « Magic Alex », feront perdre des milliers de livres aux Beatles[15].
l’Inde et le Maharishi
Les Beatles ont décidé de partir avec leurs épouses et amis dans le nord de l’Inde, à Rishikesh, rejoindre le Maharishi Mahesh Yogi, afin de recevoir son enseignement et approfondir leur expérience de la méditation transcendantale. Du 3 au [65], avant de se rendre au pied de l’Himalaya, ils entrent en studio pour enregistrer quatre titres (Lady Madonna, The Inner Light, Hey Bulldog et Across the Universe) qui connaîtront des destins divers en termes de publication. Ce sont les deux premiers qui sont choisis pour être publiés en single, le , durant l’absence du groupe. Lady Madonna, écrit par Paul, est no 1 au Royaume-Uni.
Mi-février, c’est le grand départ. Les Beatles intègrent l’âshram du Maharishi. Ringo Starr reste deux semaines, Paul McCartney quatre, John Lennon et George Harrison huit[138]. Ce séjour se traduit notamment par une des plus fécondes périodes créatives de l’histoire du groupe, puisqu’une quarantaine de chansons sont composées sur place, qui rempliront la quasi-totalité de leur prochain album, et jusqu’à leurs disques en solo, après leur séparation[11]. Avec des années de recul, chacun des quatre Beatles soulignera tout le bien que leur a fait cette expérience, ce repos spirituel loin de la folie qui les entourait dans le monde entier, et tout ce qu’ils en ont retiré[138], et tous resteront à long terme des adeptes de la méditation transcendantale. Sur le moment en revanche, leurs réactions sont mitigées et vont jusqu’au terrible ressentiment de John Lennon.
« Je ne suis resté que deux semaines », raconte Ringo Starr, qui compare l’āshram du Maharishi aux camps de vacances de son enfance[138]. « Je ne retirais pas ce que j'en espérais et la nourriture était impossible »[138]. Second membre du groupe à quitter Rishikesh, au bout d’un mois, Paul McCartney explique : « J'étais ravi, mais je me demandais comment les autres (John et George) allaient sortir de là. Ils sont revenus en racontant que le Maharishi avait dragué une jolie américaine blonde à cheveux courts »[138]. Il s’agit d’une rumeur concernant l’actrice Mia Farrow, présente, comme une importante troupe d’occidentaux et d’amis du groupe, à ce séminaire au pied de l’Himalaya. À Rishikesh, en , la possibilité que le « maître » ait des faiblesses coupables met John Lennon hors de lui. Il pense avoir « percé le bluff »[138] du Maharishi, quitte l’endroit sur-le-champ en compagnie de George Harrison[5] et compose la chanson accusatrice Sexy Sadie : « You made a fool of everyone / Tu t’es moqué de tout le monde ») où il présente le guru indien comme un imposteur[138].
Plus tard, le ressentiment envers le Maharishi s’estompe, George Harrison qualifiant « ces bruits, que les médias ont repris pendant des années au sujet du Maharishi, toutes ces conneries » de « pure invention »[138]. Quant à Lennon, il explique rester totalement favorable à la méditation, ajoutant : « Je ne sais pas à quel niveau se situe le maître, mais on a passé de chouettes vacances, on est revenus frais et dispos pour jouer les hommes d’affaires. (…) Je ne regrette rien à propos de la méditation. J'y crois encore et la pratique à l’occasion »[138]. Cet épisode a ouvert, du jour au lendemain, l’Occident à la méditation, au yoga et à la philosophie orientale, quasiment inconnus auparavant[139], et a eu une influence considérable sur les mouvements hippie à la fin des années 1960.
Yoko Ono et l’« Album blanc »
Cet hiver-là, John Lennon se rapproche de l’artiste d’avant-garde japonaise Yoko Ono, qui lui écrit quotidiennement lorsqu’il se trouve à Rishikesh… avec son épouse Cynthia. « J'ai rencontré Yoko avant de partir, j'ai eu beaucoup de temps là-bas pour réfléchir. Trois mois [sic] à ne rien faire d’autre que méditer et réfléchir. Je suis rentré à la maison et je suis tombé amoureux de Yoko. Cela a mis un point final à tout ça. Et c’est magnifique »[5] raconte Lennon. À son retour, le fondateur des Beatles consomme son amour avec Yoko et ne s’en sépare plus, délaissant Cynthia, la mère de son fils Julian qui n'a que cinq ans. Ils ne reverront quasiment plus John.
En mai, les Beatles entrent en studio pour enregistrer ce qui deviendra l’« Album blanc », un des premiers doubles albums de l’histoire de la musique populaire : sa pochette étant entièrement blanche avec pour seule inscription The Beatles, cet opus n'a pas de titre à proprement parler et est désigné par le nom du groupe, par métonymie, mais habituellement par référence à sa couleur. Les premières éditions britanniques sont numérotées individuellement. Le contenu musical est conçu majoritairement à partir du matériel composé en Inde, sur le seul instrument dont disposaient les musiciens, la guitare acoustique. Plusieurs chansons créées et jouées durant leur séjour, comme Dear Prudence et Julia de Lennon — sur lesquelles John met en pratique une nouvelle technique de picking, apprise de Donovan[140] — ainsi que Blackbird, Mother Nature's Son, I Will et Rocky Raccoon, de McCartney, apparaîtront sur le disque, jouées en solo par leur auteur ou enregistrées en formation réduite.
Selon leur habitude — publier des titres sur 45 tours qui ne sont pas inclus dans les albums — les Beatles sortent en août le single Hey Jude / Revolution enregistré durant les séances de l’« Album blanc », qui connaît de nouveau un grand succès, malgré la longueur tout à fait inhabituelle de Hey Jude : 7 minutes dont quatre sont une répétition en chœur et crescendo de « Na na na nananana, nananana, Hey Jude ». C’est une chanson de McCartney, divisée en deux parties distinctes, destinée au fils de John, Julian, qui est unanimement saluée. Lennon quant à lui a tenu à délivrer un message politique en plein bouillonnement de la jeunesse occidentale — mai 1968 en France, notamment — avec le titre Revolution. Dans la version rock — celle qui figure en face B du 45 tours — il dit : « But when you talk about destruction, don't you know that you can count me out / Si tu parles de destruction, ne compte pas sur moi », alors que dans la version blues, plus lente, enregistrée plus tôt, et qui figure sur l’album, il avait répété la deuxième partie de la phrase en rajoutant in à la suite du out (« ne compte pas sur moi / compte sur moi »). Lennon a expliqué que, encore indécis sur ce sujet, il avait préféré, dans un premier temps, considérer les deux options… Rock & Folk, dans son numéro consacré à cet album[141], qualifiera la version rapide d’un peu « réactionnaire » et se félicitera de la version lente, considérée comme tournant selon lui en dérision le dénigrement de l’idée de révolution.
Ces séances à Abbey Road sont tendues, la présence de Yoko Ono dans le studio, aux côtés de John, perturbe ses camarades. L’ambiance se dégrade. Chacun enregistre souvent séparément et se sert des autres comme « musiciens de studio » sur ses propres compositions. D’ailleurs, avant de coucher sur bande le titre qui ouvre cet album, Back in the U.S.S.R., Ringo Starr se met en congé du groupe. Les « Fab Four » continuent à enregistrer : Paul McCartney se met à la batterie — il en joue donc sur Back in the U.S.S.R. mais aussi sur Dear Prudence — et George Harrison à la basse.
Ce qu’en dit Ringo témoigne bien de l’atmosphère qui régnait lors de ces séances : « Je suis parti parce que j'éprouvais deux sentiments : celui de ne pas très bien jouer et celui que les trois autres étaient vraiment heureux, et que j'étais un étranger. Je suis allé voir John. […] Je lui ai dit : « Je quitte le groupe parce que je ne joue pas bien. Parce que j'ai l’impression de ne pas être aimé, d’être exclu. Alors que vous êtes tellement proches tous les trois ». John m’a répondu : « Je croyais que c’était vous trois qui étiez très liés ! » Je suis ensuite allé voir Paul et je lui ai dit la même chose. Paul m’a répondu « Je croyais que c’était vous trois ! » Je n'ai pas pris la peine d’aller voir George, j'ai dit : « Je pars en vacances ». J'ai pris les gosses et je suis parti pour la Sardaigne[5]. »
Lorsque Ringo Starr revient de Sardaigne, il découvre sa batterie couverte de fleurs dans le studio d’Abbey Road. Les quatre musiciens se resserrent dans un tout petit espace pour enregistrer en direct le Yer Blues de John Lennon[5], se déchaînent en interprétant Helter Skelter de Paul McCartney : on entend même Ringo hurler « J'ai des ampoules aux doigts ! » (« I've got blisters on my fingers »), à la fin du morceau. L’origine de cette chanson est à chercher dans un article d’un magazine musical, à propos du titre I Can See for Miles des Who : l’article disait que ce titre était d’une « violence » inouïe. Paul décide, avant même d’avoir entendu la chanson en question, d’écrire un titre encore plus violent — il se rend compte plus tard, à l’audition de I Can See For Miles, que la revue exagérait quelque peu… Ce titre aura une sinistre influence, puisqu’il sera cité en référence par Charles Manson (ainsi que d’autres titres tels Piggies, Revolution et Blackbird[142]), qui en fera une interprétation délirante et paranoïaque, servant de fil rouge dans ses discours auprès de ses adeptes.
La tension accumulée durant ces séances de l’été et l’automne 1968 retombe également lorsque George Harrison invite Eric Clapton, pour jouer le solo de guitare sur son titre While My Guitar Gently Weeps.
Publié le , The Beatles est salué comme une grande réussite et connaît un immense succès commercial. Le public est cependant déconcerté par Revolution 9, un long collage sonore expérimental de neuf minutes, réalisé par John Lennon et Yoko Ono. George Martin et les trois autres Beatles supplient John de retirer ce titre du disque, en vain. Dans le genre expérimental, Lennon et Ono font encore plus fort en publiant, le même mois, leur album Unfinished Music No.1: Two Virgins, enregistré en , le soir où ils consommèrent leur amour pour la première fois, et sur la pochette duquel tous deux apparaissent entièrement nus[143].
Projet Get Back
Le , les Beatles se retrouvent autour d’un nouveau projet initié par Paul McCartney : filmer et enregistrer des répétitions pour aboutir à une prestation en public, manière de revenir aux origines, jouer « live » comme un vrai groupe de rock 'n' roll, bannir tout ajout en studio, interdire le mot overdub ou les trucages en tous genres. De plus, le tout devra déboucher sur un film. Pourquoi ? Pour un futur show télévisé ? Pour montrer des répétitions avant un concert ? Pour que l’on voie les Beatles en train de créer un album ? Et si un concert doit être organisé, où et dans quelles conditions ? Le groupe a beaucoup de mal à se mettre d’accord sur les tenants et aboutissants du projet[5].
Les séances du projet « Get Back » — ainsi nommé d’après la chanson homonyme, qui aurait dû donner son titre à l’album en préparation — se passent mal. Les tensions initiées lors des séances de l’« Album blanc » renaissent dans les froids studios de cinéma de Twickenham, à des heures matinales. La présence constante de Yoko Ono, à la limite de l’ingérence, n'arrange pas l’ambiance, tout comme le « dirigisme » de Paul. Devant des caméras tournant en continu, ils jouent beaucoup et de façon souvent désordonnée — une centaine de titres sont abordés, en quelques notes seulement pour certains — au cours de séances non dirigées qui s’apparentent plutôt à du bœuf, jouent souvent mal et sans conviction[144]. John Lennon apparaît largement démobilisé, tandis que George Harrison est de plus en plus excédé : après Ringo, c’est lui qui quitte le groupe, le 10 janvier, revenant toutefois 12 jours plus tard. Son ressentiment, sa frustration de rester, en tant que compositeur, à l’ombre du tandem Lennon/McCartney et de se voir fréquemment refuser des chansons qu’il aimerait voir placées sur les disques du groupe, ne cessent de s’accentuer[144].
Les Beatles se rabattent ensuite sur leur propre studio, au 3 Savile Row, où est situé le siège de leur compagnie Apple. À l’initiative de George Harrison[145], ils s’adjoignent Billy Preston aux claviers et finissent par donner leur ultime prestation publique sur le toit de l’immeuble, le . Mais elle est interrompue au bout de 42 minutes par la police, à la suite de plaintes pour cause de vacarme[146]. Les événements de ce mois de figureront, un an plus tard, dans le film Let It Be, chronique de la dissolution d’un groupe. On y voit notamment George Harrison interpeller Paul McCartney : « OK, bon, je m’en fous. Je jouerai ce que tu veux que je joue, ou je ne jouerai pas du tout si tu ne veux pas que je joue. Je ferai tout ce qui pourra te faire plaisir. » Les kilomètres de bandes enregistrées en un mois sont, dans un premier temps, rangées dans un placard, tant les membres du groupe s’en montrent insatisfaits.
Le , l’ingénieur du son Glyn Johns est appelé par le groupe pour mixer un album à partir des bandes existantes. Johns compile alors plusieurs versions des chansons de ce futur disque, enregistrées live en studio et sur le toit de l’immeuble de leur compagnie, mais les Beatles rejettent l’ensemble de son travail. Il en résultera tout de même le single Get Back / Don't Let Me Down, publié le . Le reste des bandes retourne sur les étagères et ne sera exploité qu’un an plus tard.
Abbey Road, l’ultime réussite
Avec l’idée de ne pas rester sur cet échec, Paul McCartney contacte George Martin en lui proposant de faire un disque « comme avant ». « Comme vous étiez ? Avec John ? John est d’accord ? » demande le producteur, ce que le bassiste confirme[5]. Les Beatles vont se réunir une dernière fois dans les studios EMI d’Abbey Road, durant les deux mois de l’été 1969, bien décidés à mettre de côté leurs dissensions, à tirer dans le même sens, afin de « partir sur une note positive ». Cependant, John Lennon rate le début des séances, le temps d’être soigné après un accident de voiture en Écosse[15].
Une collection de chansons, dont certaines ont été composées en Inde, enregistrées sous forme de démos à l’époque de l’« Album blanc » ou répétées en pour le projet Get Back, sont retravaillées pour aboutir à l’album Abbey Road. Quoi de plus simple que de donner, à leur ultime œuvre commune, le nom de la rue — ils se font photographier sur le passage piéton, le 8 août, pour la pochette du disque — où sont situés les studios dans lesquels ils ont enregistré l’immense majorité de leurs chansons depuis sept ans ? Il aura toutefois été question, un moment, d’appeler cet album Everest, en raison de la marque de cigarettes fumées par Geoff Emerick[65].
Les titres d’Abbey Road évoquent les tracas et frustrations du moment, parlant d’argent qu’on n'arrive pas à obtenir, de dettes, de négociations juridiques (You Never Give Me Your Money de Paul McCartney), de poids à porter pour longtemps, de marteau d’argent qui s’abat sur la tête des gens dès que les choses vont mieux (Carry That Weight et Maxwell's Silver Hammer, Paul à nouveau), de retour du soleil après un hiver long, froid et solitaire (Here Comes the Sun, où George Harrison évoque les grands moments de tension au sein du groupe), ou encore d’un jardin sous-marin où « il n'y a personne pour nous dire ce que [nous] devons faire » (Ringo Starr dans Octopus's Garden). Malgré tout, l’ambiance musicale est généralement lumineuse, apaisée.
C’est leur premier — et dernier — album entièrement réalisé en huit pistes, et également un des premiers dans l’histoire du rock où l’on entend du synthétiseur, un Moog en l’occurrence, acquis par George Harrison auprès de son créateur, Robert Moog[5]. Les harmonies polyphoniques, qui avaient rendu les Beatles célèbres, sont de retour et contribuent au succès d’Abbey Road, sorti le (c'est leur album le plus vendu après Sgt Pepper's). Leur sommet dans ce domaine est sans doute constitué par Because, titre que John Lennon a composé en entendant Yoko Ono jouer la Sonate pour piano no 14 de Beethoven, plus connue sous le nom de « sonate au clair de lune », morceau qu’il lui a demandé de jouer à l’envers. Sur Because, les trois voix de John, Paul et George se superposent trois fois, soit une poignante harmonie à neuf voix, qui sera rééditée en version a cappella sur le disque Anthology 3 sorti en 1996 et, de nouveau sur Love en 2006.
La particularité d’Abbey Road est d’être constitué en partie de collages à partir de chansons ébauchées et inachevées. L’habitude fut prise de dire que la face A de l’album, qui s’ouvre sur Come Together et se referme sur I Want You (She's So Heavy) de John Lennon, reflète principalement son influence, tandis que la face B, qui contient le fameux « medley » long de 16 minutes, reflète celle de Paul McCartney. George Harrison se montre toutefois très inspiré avec Here Comes the Sun et surtout Something, qui est son premier et unique no 1 avec les Beatles. La chanson Here Comes the Sun a été pressentie pour figurer sur le Voyager Golden Record, placé à bord des sondes Voyager, à l’initiative de Carl Sagan, mais la compagnie EMI a opposé un refus[147] (la seule chanson de l’épopée pop-rock à avoir été retenue est Johnny B. Goode de Chuck Berry).
Le medley, articulé autour du thème musical de You Never Give Me Your Money de Paul, et qui contient en son sein trois bouts de chansons de John (Sun King, Mean Mr. Mustard et Polythene Pam), est élaboré par George Martin et Paul McCartney. Mais, contrairement à beaucoup d’idées reçues émises postérieurement — et comme l’expliquent John Lennon et George Harrison — le groupe collabore dans son ensemble pour décider de l’ordre des morceaux, trouver de quoi remplir les mesures entre chacun, les enchaînements et les breaks[5].
L’apparente dernière plage du disque, qui clôture le medley, s’intitule The End et se termine par une inédite série de solos (Ringo à la batterie d’abord, puis Paul, George et John, tour à tour, à la guitare, trois fois, sur deux mesures chacun) et la fameuse phrase « And in the end, the love you take is equal to the love you make » (« Et au bout du compte, on reçoit autant d’amour que l’on en donne »). La vraie dernière plage du dernier disque des Beatles (selon la chronologie d’enregistrement), d’une durée très courte (23 secondes), est Her Majesty, morceau caché par un « blanc » sur le sillon du 33 tours, qui parle d’une manière peu commune de la reine d’Angleterre (le narrateur déclare qu’elle est « une chouette fille qui n'a pas grand chose à dire » et qu’un jour elle sera sienne…). À l’origine, elle se situait au cœur du medley, entre Mean Mr. Mustard et Polythene Pam, et Paul McCartney avait demandé à l’ingénieur du son John Kurlander de la retirer. Mais ce dernier, à des fins de sauvegarde — la consigne générale était qu’aucun enregistrement des Beatles ne devait jamais être jeté — la place en fin de bande, après un blanc de 15 secondes, derrière The End, coupée net. Après avoir écouté le résultat, Paul donne son accord, appréciant cet effet incongru. N'étant pas crédité au dos de la pochette originale du 33 tours, Her Majesty est considérée comme le premier morceau caché (hidden track) de l’histoire du rock.
Le , les Beatles complètent l’enregistrement du titre de John Lennon I Want You (She's So Heavy) : c’est la dernière fois qu’ils sont réunis tous les quatre en studio[11]. Le succès d'Abbey Road est énorme et, selon les acteurs, cette ultime collaboration est « heureuse »; les Beatles disent donc ici, pour de bon, adieu aux Beatles, en montrant une dernière fois l’aspect miraculeux de leur association. « Tout le monde a incroyablement bien travaillé. C’est pourquoi j'aime particulièrement cet album » dira George Martin[5].
« Paul est mort »
Paul McCartney est par ailleurs, au même moment, l’objet d’une incroyable rumeur, selon laquelle il se serait tué dans un accident de voiture en et aurait été remplacé par un sosie. Pour les partisans de cette thèse, qui fait son apparition en 1969, tout est bon pour l’accréditer, grâce à plusieurs indices, dont ceux-ci :
- À l’intérieur de la pochette de Sgt. Pepper's, McCartney porte un badge sur lequel on peut lire « OPD », ce qui donne bien sûr « Officially Pronounced Dead » (« officiellement déclaré mort »). Ce n'est pas « OPD » qui est inscrit, mais « OPP », soit « Ontario Provincial Police ». On va aussi jusqu’à poser un miroir devant les mots « LONELY HEARTS » au centre de la grosse caisse devant laquelle pose le groupe : cela donne « 1 ONE I X HE ^ DIE », et bien sûr les folles interprétations qui s’ensuivent. Enfin, au verso de la pochette, ses trois camarades sont de face et lui, de dos.
- Dans la chanson Revolution 9 — comme les neuf lettres de McCartney —, l’on entendrait nettement dans ce long collage sonore — œuvre de John Lennon et Yoko Ono — le bruit d’un accident de voiture. Les partisans de la thèse évoquée ici trouvent également de très nombreuses « preuves » de leurs allégations en passant Revolution 9 à l’envers.
- La phrase « He blew his mind out in a car » (« Il s’est éclaté la cervelle dans un accident de voiture ») dans A Day in the Life. Lennon évoque le jeune héritier des brasseries Guinness, Tara Browne, qui s’est tué à 21 ans au volant de sa Lotus Elan en .
- La pochette d’Abbey Road constitue le point de départ de cette légende urbaine. Elle fourmille d’indices pour étayer le postulat délirant : Paul traverse le passage piéton pieds nus, comme les morts que l’on enterre en Inde. La Volkswagen blanche est immatriculée « LMW 28 IF » soit « Living-McCartney-Was 28 years old-If » (« McCartney aurait eu 28 ans s’il était encore vivant », ce qui ne peut pas vraiment concorder car McCartney avait 27 ans lorsque l’album Abbey Road est sorti), il tient sa cigarette de la main droite alors qu’il est gaucher, etc.
- Les mots mystérieux de John Lennon à la fin de Strawberry Fields Forever. Selon les tenants de cette théorie, on l’entendrait dire « I buried Paul » (« J'ai enterré Paul »), alors qu’il prononce « cranberry sauce » (« sauce aux canneberges »), clairement entendu sur la version d’Anthology 2.
La liste des indices est donc longue, et non exhaustive dans ce chapitre. Le canular est énorme, tout comme le tintamarre médiatique qu’il a généré. Paul McCartney finit par faire face à cette rumeur pour apporter un cinglant démenti. Il publiera même, en 1993, l’album en spectacle Paul Is Live, l’homonyme y faisant référence. Malgré tout, il existe encore, cinq décennies plus tard, des gens qui tentent de faire perdurer ce mythe. On trouve par exemple sur Internet des dossiers détaillés avec analyses photographiques à l’appui[148].
Séparation (1969-1970)
« J'ai fondé les Beatles et je les ai dissous, c’est aussi simple que cela »
— John Lennon
Le single Something / Come Together va occuper partout la tête des palmarès, tandis que le 33 tours Abbey Road restera, à partir du , 17 semaines no 1 en Angleterre. Le , deux semaines avant la sortie de cet album et au moment où Ringo Starr est hospitalisé pour des examens pour des douleurs à l’intestin, John Lennon utilise un magnétophone pour lui enregistrer les discussions d’une réunion du groupe. Lors de celle-ci, Lennon propose que le prochain album des Beatles, à être publié vers la période des fêtes, soit composé de quatre de ses chansons, quatre de McCartney (toutes crédités individuellement), quatre de Harrison et deux de Starr (« s’il les veut »)[149]. Cette possibilité de retourner en studio meurt dans l’œuf quand, le , au retour d’un concert au Toronto Rock and Roll Revival Festival avec le Plastic Ono Band naissant, Lennon annonce aux autres Beatles qu’il quitte définitivement le groupe, lors d’une réunion mouvementée chez Apple[150], en réponse à Paul McCartney qui, dans une ultime tentative de relance, proposait à son tour de repartir en tournée dans des petites salles[5]. Ils conviennent que cette nouvelle doit rester secrète, compte tenu des enjeux commerciaux de la renégociation des contrats de distribution avec EMI au Royaume-Uni et Capitol Records aux États-Unis.
Les Beatles se sont sévèrement disputés autour du nom de leur nouveau manager, entre Allen Klein, soutenu par Lennon, Harrison et Starr, et Lee Eastman, avocat, père de Linda, l’épouse de Paul. Klein, que Paul déteste et qui refuse de poser sa signature en bas du contrat qui le lie aux Beatles, sera leur dernier manager.
Pour couronner le tout, ils perdent également la propriété de tout leur catalogue de chansons. Northern Songs était en effet détenu à 51 %, soit la majorité des parts, par Brian Epstein à travers sa société NEMS. Une fois ce dernier disparu, sa famille, et Dick James, éditeur du groupe et administrateur de Northern Songs depuis les débuts en 1963, décident en 1969 de vendre le catalogue à l’empire ATV (Associated Television), sans que les Beatles ne puissent rien faire[5]. Un déboire qui pèse aussi de tout son poids dans l’ambiance délétère menant à la dissolution du groupe. C’est ce catalogue détenu par ATV que Michael Jackson rachètera pour 47,5 millions de dollars[151] en 1985.
La toute dernière séance d’enregistrement des Beatles se déroule en l’absence définitive de John Lennon. Elle a lieu les 3 et avec le titre de George Harrison I Me Mine[11] qui sera entendue dans le film Let It Be mais qui n'est pas finalisée pour l'album. En introduction de la version publiée sur le disque Anthology 3, on peut entendre ce dernier lâcher une plaisanterie à ce sujet : « You all will have read that Dave Dee is no longer with us, but Mickey and Tich and I, just like to carry on the good work that's always gone down in number two », ce qui signifie : « Vous aurez tous lu que Dave Dee n'est plus avec nous, mais Mickey, Tich et moi-même apprécions de poursuivre le bon travail qu’on a toujours fait au [studio] numéro deux » ; ces noms faisant référence à un groupe britannique populaire du moment, Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick and Tich. Quatre mois s’écouleront encore sans aucune activité musicale commune, avant que la séparation ne soit rendue publique.
En mars, à l’initiative d’Allen Klein, et avec l'accord de John Lennon et George Harrison[5], les bandes enregistrées en sont confiées au producteur nord-américain Phil Spector, afin qu’il mixe et assemble ce qui deviendra l’album Let It Be. Spector, fidèle à son style de production, ajoute chœurs féminins, arrangements de cordes et effets sonores divers à ces chansons qui devaient rester « brutes ». En entendant le résultat sur son titre The Long and Winding Road, Paul McCartney, qui n'a pas été consulté, pique une énorme colère. Il expédie une lettre adressée à Allen Klein chez Apple dont les derniers mots sont : « Ne refaites plus jamais ça[5] ! » Toutefois, l’album est publié, avec ces nouveaux arrangements, le , et cette polémique interne n'entame en rien son succès, ni celui des chansons Get Back, Let It Be et The Long and Winding Road, toutes no 1 des deux côtés de l’Atlantique.
Les Beatles n'ont plus aucune activité commune et Paul McCartney prépare son premier album solo, quand Ringo Starr débarque à la porte de son domicile, porteur d’une lettre commune aux trois autres membres lui demandant de retarder la sortie de son disque pour laisser la place à Let It Be dont la sortie est prévue pour le . Furieux, McCartney l’envoie au diable et lui claque la porte au nez[152]. Quelques jours plus tard, le , il sort donc son premier album solo, sobrement intitulé McCartney, et annonce, à travers un communiqué de presse (une « interview » dans The Daily Mirror où il fait les questions et les réponses[153]) inséré dans les pressages « promotionnels » de son disque solo, qu’il ne fait plus partie du groupe à la suite de « désaccords sur les plans personnel, financier et artistique[11] ». Il rompt donc lui-même le secret et s’attribue de facto la pleine responsabilité de la séparation, ce qui aura le don d’outrer ses camarades, surtout John Lennon qui ne lui pardonnera jamais cette attitude (il l’interprète comme un simple coup publicitaire dans le but de faire vendre l’album McCartney)[152].
« Je n'avais pas l’intention que ce communiqué signifie que je quittais le groupe. C’est un gros malentendu. Quand j'ai vu les unes des journaux, j'ai juste pensé : « Seigneur, qu’ai-je fait ? » Et maintenant, on y est. Je n'ai pas quitté les Beatles. Les Beatles ont quitté les Beatles, mais personne ne veut être celui qui dira que la fête est terminée », se justifie Paul à chaud[5]. Ringo Starr déclarera de son côté : « Oui, j'étais dans les Beatles. Oui, nous avons fait des grands disques ensemble. Oui, j'aime ces gars. Mais c’est la fin de l’histoire. » Quant à John Lennon il dira plus tard : « J'ai fondé les Beatles et je les ai dissous, c’est aussi simple que cela »[5],[152].
Après séparation (depuis 1970)
Années 1970 : les enregistrements solo
Fin , McCartney intente un procès à ses trois camarades afin de mettre un terme définitif à l’entité juridique Beatles, et d’empêcher Allen Klein, toujours manager du groupe, de faire main basse sur l’argent que celui-ci continuait à générer[154]. La dissolution juridique du groupe sera finalement prononcée en 1975. Malgré cette dissidence, lorsqu’il s’agira pour McCartney et Lennon de jouer, chacun de son côté, au jeu du « qui a fait quoi ? » sur les plus de 200 titres cosignés Lennon/McCartney, ils se montreront globalement d’accord, à de très rares exceptions près (notamment In My Life et Eleanor Rigby) entre ce qui est à 100 % composé collectivement, à 50-50, à 60-40 ou à 80-20 de l’un ou de l’autre. À l’exception d’un bœuf enregistré en 1974 et diffusé sur un album pirate sous le nom A Toot and a Snore in '74 (en) mais jamais officiellement publié, les deux collaborateurs n'ont jamais plus été en studio ensemble après la séparation du groupe.
Les quatre membres du groupe publient chacun un album solo en 1970. Ils disposent alors d’un grand nombre de chansons déjà composées, et pour certaines ébauchées et répétées en groupe, voire enregistrées et quasiment finalisées, depuis le séjour en Inde et les séances de l’« Album blanc » ou de Let It Be.
À la suite de la publication de son premier album solo, avec lequel il a annoncé la séparation du groupe, Paul McCartney sort en 1971 l’album Ram sur lequel il s’offre, sur la chanson Too Many People, une petite pointe à Lennon avec les vers « Too many people preaching practices, don't let them tell you what you want to be » [u],[155]. Il fonde le groupe Wings la même année et en 1973, il publie l’album Band on the Run, le plus grand succès commercial et critique de sa carrière[156].
Même avant la séparation officielle du groupe, John Lennon sort des singles engagés ou plus personnels (Give Peace a Chance et Instant Karma!) et un album live fin 1969 (Live Peace in Toronto), puis son premier véritable album studio en solo, John Lennon/Plastic Ono Band, paraît le (Two Virgins et Life with the Lions étaient des albums de musique expérimentale). En 1971 suit l’album Imagine contenant la chanson homonyme qui devient un succès mondial. Dans cet album, en réponse à la prétendue attaque de son ex-collègue, il l’apostrophe dans le titre How Do You Sleep? (« Comment dors-tu ? »)[v]. De plus, on insère dans la pochette de l’album une photo de Lennon tenant un cochon par les oreilles qui parodie la pose que prend McCartney, sur la pochette du disque Ram, tenant un bélier par les cornes[157]. McCartney lui répond dans le premier disque de Wings, Wild Life, avec la chanson Dear Friend : « Are you afraid or is it true? » (« As-tu peur ou est-ce vrai ? ») et plus tard sur Band on the Run, avec la chanson Let Me Roll It qui reprend le style de son vieil ami[158].
George Harrison sort le un triple album (le premier de l’histoire du rock) intitulé All Things Must Pass qui est apprécié de la critique et qui atteint la première place des palmarès britannique, américain et de plusieurs autres pays. Puis, il organise, le au Madison Square Garden de New York, le Concert for Bangladesh, avec à ses côtés Bob Dylan, Eric Clapton, Ravi Shankar, Billy Preston et Ringo Starr.
Starr, quant à lui, publie, le , l’album Sentimental Journey, puis Beaucoups of Blues le de l’année suivante. Le premier est composé de reprises de standards des années 1920 à 1950 et le second, né d’une collaboration avec le réalisateur artistique américain Pete Drake et ses musiciens, contient des chansons de musique country écrites pour lui et enregistrées à Nashville. En 1973 sort l’album Ringo, qui comprend des titres composés et interprétés par chacun des ex-Beatles, mais séparément (hormis pour I'm the Greatest où jouent ensemble tous les ex-Beatles sauf McCartney).
Cependant, durant le reste de la décennie, la popularité des anciens membres décline. La mode disco et le mouvement punk, en passant par les premiers groupes heavy metal, prennent à présent une très grande part du marché. Les sorties des albums Some Time in New York City en 1972 à Rock 'n' Roll en 1975 de John Lennon (et qui se retire de la scène musicale cette année-là), Living in the Material World en 1973 à l’album homonyme en 1979 de George Harrison, Goodnight Vienna en 1975 à Bad Boy en 1979 de Ringo Starr et Venus and Mars en 1975 et Back to the Egg en 1979 de Paul McCartney and Wings varie en qualité et se vendent de façon modeste. Les ex-Beatles ne retrouveront le succès qu’en 1980 lorsque l’assassinat de John Lennon replacera les souvenirs de la Beatlemania à l’avant plan dans l’actualité.
Dans les années 1970, la question du retour des Beatles reste toujours d’actualité. En , six années après leur séparation, un promoteur pop de Los Angeles, Bill Sargent, leur propose, pour un unique concert d’une durée minimum de vingt minutes retransmis à travers le monde, la somme de cinquante millions de dollars[159],[160]. Les Beatles refusent. Sept mois plus tard, le , un autre promoteur, Sid Bernstein, leur offre publiquement 230 millions de dollars pour un concert de charité[161],[162]. Fin de non-recevoir. Plus jamais, par la suite, un artiste ne se verra proposer des montants aussi astronomiques pour un seul concert. À ce sujet, Paul McCartney précise, en : « En fait, nous en avons beaucoup discuté. Et nous nous sommes toujours dits que si nous le faisions, ce ne serait peut-être pas génial, alors que la carrière des Beatles l’avait été. Et même si les offres étaient énormes, et qu’il y avait des gens pour nous dire : « On vous payera tant pour le faire », nous nous sommes mis d’accord sur le fait que la boucle était bouclée et qu’il y aurait quelque chose de pas correct là-dedans »[163],[164]. En 1979, Kurt Waldheim, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, a tenté lui aussi de convaincre les Beatles d’effectuer un concert caritatif au profit des « Boat-people », les réfugiés de l’Asie du Sud-Est. Le groupe a refusé mais Paul McCartney organisera tout de même les Concerts for the People of Kampuchea en décembre de la même année[165].
Pendant cette décennie, et les autres qui suivront, les Beatles, en tant que groupe, restent très populaire. En 1973, Apple Records sort les deux fameuses compilations, le Red et le Blue Album qui regroupent 54 chansons à succès du groupe. Sur les pochettes respectives de ces doubles albums, les Beatles posent en 1963 dans les étages des locaux d’EMI (même pose que sur leur premier disque, Please Please Me), et sont au même endroit dans la même position en 1969 : c’est la photo qui avait été prise pour l’album Get Back, en préparation au début de cette année. Les compilations rouge et bleue atteignent des sommets en matière de ventes, permettant à toute une génération — celle qui succède aux « baby boomers » et était encore un peu trop jeune pour vivre la Beatlemania — de découvrir leur musique à travers un choix de titres très judicieux. Ce sont les deux compilations « posthumes » les mieux vendues du XXe siècle.
Capitol Records, qui a hérité des droits de publication des chansons du quatuor anglais, publie trois albums thématiques (Rock 'n' Roll Music, Love Songs et Reel Music) et une compilation des meilleurs succès (20 Greatest Hits). Mais le plus important est l’album live, The Beatles at the Hollywood Bowl, produit par George Martin et publié en , enregistré lors de concerts donnés à Los Angeles en 1964 et 1965 ; celui-ci ne sera remastérisé et augmenté qu’en 2016, en complément à la sortie du film The Beatles: Eight Days a Week réalisé par Ron Howard.
Années 1980 : assassinat de John Lennon et parution des Past Masters
Si le rêve de voir les Beatles se produire ensemble perdure, un drame y met un terme définitif : John Lennon, revenu à son métier de musicien après cinq années de retrait de la vie publique, est assassiné à 40 ans, au pied de son appartement du Dakota Building à New York, le par un déséquilibré, Mark David Chapman à qui Lennon avait signé un autographe quelques heures plus tôt. Dès lors, George Harrison aura ce trait d’humour : « les Beatles ne se reformeront pas tant que John Lennon restera mort » (« … there won't be a Beatles reunion as long as John Lennon remains dead. »)[166].
Au lendemain de sa mort, la carrière des anciens membres, alors en déclin (à l’exception de McCartney dont son album McCartney II sorti six mois auparavant est disque d’or), connaissent à nouveau le succès : l’album Double Fantasy du duo Lennon/Ono, sorti moins d’un mois plus tôt et fraîchement accueilli, se vend très bien et les ventes explosent à la suite de sa mort ; All Those Years Ago, la chanson hommage à Lennon de Harrison sur laquelle les McCartney et Ringo Starr participent aux chœurs et ce dernier aussi à la batterie, connait un succès important, tandis que le batteur publie l’année suivante l’album Stop and Smell the Roses, qui sera un succès critique, et McCartney (qui a dissout les Wings) retrouve le producteur George Martin pour l’album Tug of War qui connait du succès en 1982 à sa sortie. Mais cela n'est qu’éphémère, puisque Harrison et Starr vont chacun sortir un album qui seront des échecs, avant de se retirer de la musique jusqu’à avant la fin de la décennie. Bien que McCartney continue à sortir régulièrement des albums, le succès de ceux-ci diminuent au fil des années. La veuve de Lennon publie quelques albums posthumes de son mari; Milk and Honey (dont Lennon a enregistré certaines parties le jour de sa mort) où elle participe en duo et Menlove Ave. comprenant des démos et quelques chansons inédites. Ces deux albums n'ont pas le succès escompté.
En 1988 sont publiés, à la suite de la première réédition des albums des Beatles en format CD, les deux volumes Past Masters, où sont compilées, entre autres, toutes les faces A et B des 45 tours publiés entre les albums et qui ne figuraient donc pas sur ceux-ci, complétant ainsi la discographie du groupe.
Entre-temps, Harrison renoue avec le succès en 1987 avec Cloud Nine produit par Jeff Lynne. Ces deux musiciens formeront bientôt le supergroupe les Traveling Wilburys, complété par Bob Dylan, Tom Petty et Roy Orbison. McCartney, en collaboration avec Elvis Costello, publiera Flowers in the Dirt en 1989 et qui atteindra le sommet du palmarès et Starr, la même année, se lance en tournée avec son nouveau groupe, à géométrie variable, le All-Starr Band.
Années 1990 : le projet Anthology
Depuis que les droits des chansons du groupe ont été récupérés par Apple Records, le label continue de publier des albums du groupe. Une compilation des prestations des Beatles sur la radio nationale britannique, Live at the BBC, est sortie en 1994 (suivie en 2013 par On Air – Live at the BBC Volume 2).
Mais le projet le plus important porte le nom d’Anthology qui réunit, en 1994, Paul McCartney, George Harrison, Ringo Starr (qu’on surnomme pour le coup les « Threetles ») et leur producteur George Martin. Il comporte trois doubles albums sortis entre 1995 et 1996, un documentaire télévisé de près de six heures (disponible à présent en coffret DVD/BD) et un livre (traduit en français en 2000). Chaque album double, publié chronologiquement, propose des versions ou prises alternatives de leurs chansons, des versions live, des documents sonores rares, des essais, des expériences — comme n'entendre que les violons d’Eleanor Rigby, ou que les voix de Because — sans oublier quelques chansons inédites restées dans les cartons. Pete Best, qu’on peut entendre sur une dizaine de titres et qui vient de prendre sa retraite, peut enfin profiter monétairement de sa participation au groupe avec les redevances qui lui reviennent; dans la foulée, il reformera le Pete Best Combo et effectuera des tournées qui l’amèneront dans plusieurs pays. Le clou de la collection demeure la présence de deux nouvelles chansons. Il s’agit, au départ, des démos Real Love et Free as a Bird, écrites et enregistrées sur cassette par John Lennon durant sa période de retrait de toute activité publique. À la demande de McCartney, Yoko Ono confie ses bandes aux autres Beatles survivants pour qu’ils puissent les compléter et y ajouter leurs voix et leurs instruments, le tout produit par Jeff Lynne.
En 1997, Paul McCartney arrêtera d’écrire les chansons pendant près de deux ans lorsque sa femme Linda sera diagnostiquée d’un cancer du sein duquel elle décédera le . En 1997, George Harrison apprend lui aussi qu’il est atteint d’un cancer, de la gorge dans son cas. À la suite de traitements et d’une opération, sa santé semble se rétablir. Mais le , un homme souffrant de troubles mentaux entre par effraction dans sa maison et lui assène une quarantaine de coups de couteau[167]. Il survit à l’attaque brutale, mais en est fort affaibli. Sa maladie évolue à nouveau, et le plus jeune des Beatles meurt le à Los Angeles, à 58 ans, d’un cancer généralisé[168]. Avant sa mort, il achève son dernier album Brainwashed, qui sera une réussite à sa sortie posthume.
De 2000 à 2009 : parutions de 1, Let It Be... Naked et Love
Si les Beatles ont été consacrés 5es meilleurs vendeurs d’albums aux États-Unis durant les années 1990, la décennie suivante les verra terminer en deuxième place (en fonction des ventes générées par la réédition de tout leur catalogue remasterisé) avec plus de 27,5 millions d’albums vendus (le plus gros vendeur des années 2000 étant Eminem)[169].
Le groupe entre dans le nouveau millénaire avec une autre compilation, 1, où figurent les 27 chansons des Beatles ayant atteint la première place des ventes en Grande-Bretagne et aux États-Unis entre 1963 et 1970. Bien que cette compilation soit parue trente ans après la séparation des Beatles, c’est à ce jour l’album le plus rapidement écoulé de tous les temps : publié le , il s’est vendu à 13,5 millions d’exemplaires dans le monde dans son premier mois de commercialisation[170].
Le , Paul McCartney fait publier le disque Let It Be... Naked (c'est-à-dire « nu », sans ornements) avec l’accord donné juste avant sa mort par George Harrison et avec celui de Yoko Ono, héritière de John Lennon. Débarrassé des arrangements et effets de production de Phil Spector, permettant donc d’entendre ces chansons enregistrées en direct sans aucun ajout en studio, ce disque s’accorde avec le projet original. L’ordre des morceaux est modifié par rapport au Let It Be original et Don't Let Me Down de John Lennon y est inclus. Pour dramatiser le double objectif d’un retour aux sources et d’une simplicité voulue, sa pochette reprend en négatifs noir et blanc les photos de Let It Be à l’exception de celle de Harrison qu’on voit dans une nouvelle pose.
Concernant la restauration du film Let It Be, tant attendue par les fans, Paul McCartney et Ringo Starr s’opposent à ce que le film soit à nouveau lancé sur le marché estimant que cette réédition n'apporterait rien de plus au public que de leur montrer le côté sombre de toute cette aventure. Ni l’un ni l’autre ne seraient à l’aise avec l’idée de publiciser un film montrant les Beatles en train de se taper sur les nerfs les uns les autres. Le projet d’un nouveau film tiré de ces images sera annoncé à la fin de la prochaine décade[171].
En est publié, une fois de plus sous la houlette de George Martin, aidé cette fois par son fils Giles, le disque Love[172]. Il s’agit d’un « patchwork » de la musique des Beatles, constitué de titres remixés et de « mash-up » (plusieurs chansons emmêlées), préparé au départ pour le spectacle donné par le Cirque du Soleil au Mirage de Las Vegas et qui est toujours présenté, plus de dix ans après sa création.
2009 à 2014 : remastérisation du catalogue
La réédition remastérisée en CD des treize albums originaux accompagné des deux Past Masters (désormais réunis en un seul album double) constitue un important dépoussiérage et une amélioration notable par rapport à la réédition de 1987[173],[174]. Maintes fois repoussée, la date de commercialisation choisie, le , n'est pas un hasard ; on peut la rattacher au célèbre « number nine » répété dans le montage sonore Revolution 9 entendu sur l’« Album blanc ». Le jeu vidéo The Beatles: Rock Band est commercialisé simultanément à la sortie du boîtier[173].
La compagnie Apple explique :
« Chaque coffret CD propose la réplique des pochettes originales des albums britanniques, ainsi que des livrets complets contenant de nouvelles notes historiques en compagnie d’informations sur les enregistrements, et des photos rares. Chaque CD contient aussi un court film documentaire sur chaque album. Les albums ont été remastérisés par une équipe d’ingénieurs, dédiée aux studios Abbey Road sur une période de quatre ans, utilisant une technologie de pointe en même temps que les équipements de studio de l’époque, afin de précautionneusement maintenir l’authenticité et l’intégrité des enregistrements analogiques originaux. Le résultat de ce processus laborieux est le catalogue de la plus haute fidélité depuis les publications originales »[173].
La mise en vente du catalogue remastérisé se présente sous la forme de deux coffrets : 14 albums en stéréo, et 11 albums en mono. Seuls les disques en stéréo sont vendus à l’unité. Pour écouter les Beatles dans la forme sonore où tous les albums ont été conçus jusqu’en 1968, il faut donc se procurer le coffret mono entier. Les premiers chiffres de vente, une semaine après la commercialisation du catalogue, font apparaître un formidable succès commercial, entraînant le retour du groupe au sommet des charts des deux côtés de l’Atlantique (2,25 millions de copies vendues en 5 jours[175]), tandis que les distributeurs font face à des ruptures de stock. C’est l’album Abbey Road qui devance toutes les autres œuvres du groupe en tête des ventes et des classements[176],[177]. Moins de cinq mois après la parution de ces remasterisations, environ 13 millions d’albums ont déjà été vendus[178].
Depuis le , tout le catalogue Beatles est disponible en téléchargement légal sur iTunes[179]. C’est la conclusion du différend judiciaire entre Apple Corps et Apple computer qui a duré près de 30 ans pour s’achever sur un accord à l’amiable en , et dont on attendait qu’il débouche sur la mise en ligne des titres et des albums du groupe phare des années 1960. Un peu moins de trois ans plus tard, C’est désormais chose faite. Le lancement du catalogue « dématérialisé » sur Internet a été précédé d’une annonce sur iTunes le : « Demain est un jour que vous n'oublierez jamais. Revenez demain pour découvrir une annonce exceptionnelle » avec quatre horloges indiquant l’heure du lancement, en Californie, à New York, à Londres et à Tokyo, soit précisément 16h00 le heure de Paris[180]. L’ironie de cette affaire veut que le catalogue de chaque Beatle en solo soit depuis longtemps disponible.
Depuis 2015 : opération remixage pour les cinquante ans des albums
En 2015, la compilation 1 ressort remixé par Giles Martin (le fils de George) et l’ingénieur de son Sam Okell à partir des bandes d’enregistrements du groupe afin de proposer au public un son réactualisé. C’est le second album du groupe à ressortir remixé après Let It Be... Naked en 2003, mais le premier d’une longue série de cette opération qui suivra à raison d’un album par an. L’année suivante, l’album The Beatles: Live at the Hollywood Bowl parait en version remixée augmenté de nouvelles chansons, en conjonction au documentaire The Beatles: Eight Days a Week qui traite des tournées du groupe, paru le et réalisé par Ron Howard. En 2017, Apple se lance dans le remixage des albums pour célébrer leurs cinquantenaire, qui incluent des enregistrements inédits, avec la réédition du disque Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band[181], en 2018 pour l’« Album blanc »[182] et en 2019 pour Abbey Road[183].
Le jour du 50e anniversaire du « concert sur le toit »[184], il est annoncé qu’une réédition du film Let It Be et surtout de la création de The Beatles: Get Back, un nouveau montage d’images inédites réalisé par le cinéaste Peter Jackson, sortira en 2021[185]. Le , de nombreux articles de presse dans le monde entier soulignent le cinquantenaire de la séparation du groupe[186].
Style musical et influences
L’analyse de la musique des Beatles fut l’une des premières occurrences d’analyse musicologique de pop / rock[187].
Influences
— John Lennon
Influencés par le skiffle, dont Lonnie Donegan est son porte-étendard britannique, McCartney décide à 14 ans d’échanger la trompette, que son père lui a offert, pour une guitare[188] et le groupe skiffle The Quarrymen, formé par John Lennon, utilise la guitare, la batterie et des instruments fabriqués à la main, telles la washboard et la tea-chest bass. Rapidement les Quarrymen se transforment en Beatles et adoptent un style beat, typique du rock 'n' roll des années 1950, contribuant à forger le Merseybeat (du nom du fleuve Mersey traversant Liverpool).
Les membres des Beatles se sont nourris de diverses influences musicales, à commencer par le rock 'n' roll nord-américain d’Elvis Presley, Carl Perkins, Chuck Berry et Little Richard[189]. Ce dernier, en avril-, alors en résidence avec les jeunes Beatles au Star-Club de Hambourg, leur donne des conseils techniques pour mieux interpréter leurs chansons[190]. Ils sont également influencés par d’autres auteurs-compositeurs nord-américains comme Buddy Holly, Eddie Cochran, Roy Orbison[191] ou les Everly Brothers[192], ainsi que par le blues et le rhythm and blues (nom alors donné au rock des artistes noirs-américains, à une époque où les classements étaient séparés du fait de la ségrégation en vigueur).
En début de carrière, ils s’inspirent d’autres rockers britanniques comme Cliff Richard ou The Shadows. Même après avoir rencontré le succès, le groupe continue à incorporer diverses influences de groupes ou artistes contemporains. À mesure que les Beatles introduisent davantage d’expérimentation dans leurs compositions, se fait sentir l’influence de la poésie surréaliste de Bob Dylan dans leurs textes, de l’éclectisme musical de Frank Zappa et de groupes nord-américains plus proches de leur style, comme The Byrds et The Lovin' Spoonful[193]. Enfin, les recherches mélodiques des Beach Boys — sous l’impulsion de Brian Wilson — ont largement influencé la période psychédélique du groupe : Paul McCartney a été fortement impressionné par leur album de 1966, Pet Sounds (album du reste conçu comme une « réponse » à Rubber Soul par Brian Wilson qui s’est lancé à cette époque — et quasiment seul pour ce qui est de la composition et de la production — dans une concurrence artistique effrénée avec les Beatles, jusqu’à sombrer dans la dépression). Évoquant le leader du groupe californien, George Martin déclarera : « Personne n'a eu autant d’influence sur les Beatles que Brian Wilson »[194].
En dehors de la musique rock, les Beatles sont également influencés par la musique folk galloise, les grands compositeurs classiques et contemporains, et la musique indienne. Le virtuose de sitar Ravi Shankar, avec qui George Harrison a étudié durant six semaines en Inde à la fin 1966, exerça une influence déterminante sur les derniers albums du groupe[195].
Genres musicaux abordés
Au fil de leur carrière, les Beatles ont exploré de nombreux genres et sous-genres musicaux, élargissant les frontières de la notion de musique pop. La porte s’ouvre en grand lorsque ce « boys band » publie Yesterday accompagné d’un quatuor à cordes, qui devient un succès intergénérationnel.
Plusieurs chansons se situent au croisement de plusieurs influences : un exemple remarquable est la chanson You Know My Name (Look Up the Number) qui mêle le rock, la samba et le jazz[196]. La chanson Till There Was You, tirée d’une comédie musicale et placée sur leur deuxième album, annonce également leur refus de s’enfermer dans un genre. Les comptines All Together Now ou Yellow Submarine n'appartiennent à aucun genre défini.
Du fait de cette diversité d’influences et d’instruments utilisés, les compositions des Beatles mélangent fréquemment musique tonale et modale.
Rock
Beaucoup de titres des débuts, comme I Saw Her Standing There, sont emblématiques du rock 'n' roll des années 1950 et du rhythm and blues. Leurs premiers succès, comme Love Me Do, constituent une adaptation britannique du rock 'n' roll américain. Cette influence reste prégnante tout au long de leur carrière, par exemple avec I'm Down, dans le style de Little Richard, ou Back in the U.S.S.R., un pastiche du Back in the U.S.A. de Chuck Berry.
Les Beatles se sont peu à peu ouverts à différents sous-genres du rock, qui préexistaient parfois mais qu’ils ont contribué à enrichir. Le rock psychédélique, en vogue aux États-Unis depuis le milieu des années 1960, est présent dès l’album Revolver avec le titre Tomorrow Never Knows. L’album suivant, Sgt. Pepper, et la compilation Magical Mystery Tour, appartiennent au genre psychédélique, avec des morceaux emblématiques tels que Lucy in the Sky with Diamonds, A Day in the Life, I Am the Walrus, Strawberry Fields Forever et All You Need Is Love. Quant à la sophistication des arrangements musicaux, par exemple A Day in the Life où un orchestre symphonique est utilisé, elle annonce le rock progressif alors en cours d’élaboration.
l’« Album blanc », paru en 1968 avec sa trentaine de chansons disparates, comporte diverses incursions dans les sous-genres du rock : le blues rock avec Revolution 1, ou encore le hard rock avec Helter Skelter, qui fait partie des premiers morceaux du genre[197].
Sur Abbey Road figurent des accents de funk rock avec Come Together.
Musique country et folk
Des titres peuvent être apparentés à la musique country notamment les chansons chantées par Ringo Starr (Act Naturally, What Goes On et sa composition Don't Pass Me By), dont la voix et le registre vocal donnent aux chansons un accent country rock. La chanson Rocky Raccoon, écrite et chantée par McCartney, emprunte aussi à ce style. Les Beatles s’inspirent des sons de musique folk avec You've Got to Hide Your Love Away, Norwegian Wood ou Blackbird.
Musique afro-américaine
Les Beatles ont également été influencés par la musique afro-américaine, dans toutes ses composantes. Ils ont repris des chansons de groupes vocaux féminins (The Shirelles, The Cookies et The Donays) ou de Chuck Berry, Little Richard, Arthur Alexander et plusieurs autres artistes afro-américains.
When I'm Sixty-Four évoque la musique de bastringue à tendance jazz, avec la présence de deux clarinettistes. Martha My Dear et Lady Madonna, avec leurs parties au piano, se rattachent au ragtime, genre précurseur du jazz. Le groupe aborde également le blues classique avec Yer Blues et la soul avec Don't Let Me Down.
Musiques du monde
George Harrison rencontre des musiciens indiens sur le plateau du film Help! et c’est le coup de foudre ; le guitariste commence aussitôt son apprentissage du sitar qu’on entendra sur Norwegian Wood. Cette influence se retrouve dans ses titres Love You To, Within You Without You et The Inner Light. Plusieurs instruments indiens sont entendus sur certaines chansons du disque Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band.
Le groupe aborde aussi le boléro cubain dans And I Love Her et le ska jamaïcain dans Ob-La-Di, Ob-La-Da.
Musique classique
George Martin, le producteur des Beatles, a une formation de musicien classique et réalise de nombreux arrangements orchestraux. Dans Yesterday on entend un quatuor à cordes, tandis que sur Eleanor Rigby c’est un sextuor à cordes qui accompagne le chanteur. Pour Strawberry Fields Forever, A Day in the Life et I Am the Walrus, entre autres, un orchestre est utilisé pour enrichir les arrangements, et dans Penny Lane il est fait usage d’instruments à vent, en particulier la trompette piccolo dont le solo est joué par David Mason. Le solo de piano-forte de In My Life, joué par Martin lui-même, est accéléré au mixage ce qui lui donne des allures de clavecin et rappelant la musique baroque. La chanson Good Night, quant à elle, est totalement orchestrale avec harpe, violons, vents et chœurs[198].
Musique expérimentale
Les années 1966 à 1968 témoignent d’une volonté accrue d’expérimentation, tendant parfois jusqu’à la musique sérielle. L’influence de Yoko Ono conduit à la production d’une chanson en collages sonores, Revolution 9 et d’une chanson longtemps inédite, What's The New Mary Jane, incluse dans l’album Anthology 3, qui visent à créer une ambiance psychédélique aux accents de musique expérimentale, bien que Paul McCartney s’y soit déjà essayé par le passé avec, entre autres, son « mythique » Carnival of Light. Harrison s’y met aussi avec des titres comme Only a Northern Song et Blue Jay Way, bien que celles-ci soient plus structurées musicalement.
Sur Tomorrow Never Knows, la mélodie est rattachée à un bourdon en do, emprunté à la musique indienne, et contient selon certains musicologues la première rythmique techno de l’histoire de la musique[199].
Héritage
Influence sur son époque
La marque laissée par les Beatles sur la jeunesse des années 1960 est indélébile : la longueur des cheveux chez les garçons, la philosophie « Peace and Love », l’apparition de la contre-culture hippie, etc[200]. Bien qu’il soit faux de croire que le groupe ait initié ces changements culturels, celui-ci était, en quelque sorte, le porte-étendard des bouleversements de la société. Même la frénésie de la Beatlemania n'était pas inédite ; par exemple, la listzomanie en 1840, les bobby-soxers de Frank Sinatra exactement un siècle plus tard, ou les fans d’Elvis Presley dans la décennie 1950. Mais, avec le « baby boom, l’avènement de la télévision et la possibilité de voyager en avion de ligne, le phénomène Beatles fut le premier à connaitre une envergure globale dans ce nouveau monde devenu plus petit. Un demi-siècle plus tard, leur musique est encore présente et leur image toujours représentative de cette décennie marquante.
Impact sur la musique
Les Beatles ont exercé une grande influence sur la musique populaire occidentale. Tout d’abord, ils ont popularisé la structure du groupe de rock à « deux guitares, une basse et une batterie », avant de s’éloigner de cette formule en utilisant une très large palette d’instruments. Par ailleurs, après avoir commencé par interpréter des standards du rock 'n' roll, les Beatles ont imposé le fait pour un groupe d’interpréter ses propres compositions. Un grand nombre des leurs sont aujourd'hui devenues des classiques du rock et de la pop, et plusieurs d’entre elles figurent parmi les plus interprétées au monde[w]. Un certain nombre de ces reprises sont d’ailleurs devenues de grands succès[201]. C’est aussi le premier groupe vocal pop dans lequel il y a plusieurs chanteurs et auteurs qui se définit au nom du groupe tout au long de leur carrière. A contrario, les musiciens accompagnateurs d’Elvis étaient plutôt anonymes ou Buddy Holly and the Crickets où le chanteur et auteur, à partir du second album, était la tête d’affiche, etc.
Impact sur l’industrie discographique
Avant la venue des Beatles, les artistes avaient peu de pouvoir décisionnel sur l’enregistrement et la présentation de leur produit. Les maisons de disques contrôlaient ce qu’elles produisaient. Le fait que les Beatles aient pris le contrôle du studio a ouvert la porte à ceux qui les ont suivis[202].
Dans le monde du rock, ce sont principalement les Beatles qui ont redéfini la conception des albums pour en faire des ensembles cohérents, c’est-à-dire reflétant une véritable démarche artistique, plus qu’un empilement de chansons. Rubber Soul, sorti fin 1965, constitue un jalon majeur de cette évolution. Jusque là, c’était le format single ou 45 tours qui primait dans l’industrie du disque. Contribuant à cette genèse, les Beach Boys répondent à Rubber Soul avec Pet Sounds, dont la cohésion sonore et thématique est encore plus poussée, puis le morceau Good Vibrations ; les Beatles ripostent avec Revolver, et l’année suivante avec Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band : c’est la naissance d’une nouvelle notion, celle d’album-concept, dans la lignée de Freak Out! de Frank Zappa sorti un an plus tôt. Au-delà de la musique, c’est ce qui l’entoure qui révolutionne l’industrie du disque, en particulier cette pochette particulièrement soignée, qui s’ouvre, qui est agrémentée des paroles imprimées au dos et d’une planche d’accessoires à découper : désormais la pochette d’un album ne sera plus une simple nécessité commerciale mais fera partie intégrante du projet artistique.
En 2011, le groupe prête son nom et sa musique pour la cause du téléchargement légal de musique avec une vidéo intitulée Why Music Matters[203].
Reprises et adaptations
Les chansons des Beatles ont fait l’objet d’adaptations par milliers dans le monde entier et dans presque toutes les langues, y compris en français et dans toute la francophonie[204]. Elles ont aussi été conjuguées dans tous les styles musicaux, et des albums entiers de reprises — instrumentales, a cappella ou chantées — leur sont consacrés. Durant les années 1960, George Martin enregistre quelques albums de musique symphonique inspirée des Beatles. On commercialise des adaptations aussi variées que le Reggae Tribute to the Beatles, enregistré par des chanteurs jamaïcains, le Tropical Tribute to the Beatles, avec des artistes d’Amérique latine, le Beatles Go Baroque, issu des pays de l’Est, ou encore des versions jazz tels Basie On The Beatles (1970) et Basie's Beatle Bag (1998), par Count Basie ou Meets the Beatles de John Pizzarelli[x].
Le groupe The Punkles en a fait des versions punk rock, Beatallica s’est évertué à mélanger leurs compositions avec celles du groupe Metallica, le Beatles Rumba Band en fait des reprises rumba, tandis que le DJ Danger Mouse a mixé des samples de chansons du double blanc avec la voix du rappeur Jay-Z sur The Grey Album, et que les Easy Star All-Stars publient, en , une reprise intégrale de Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band en version reggae.
En 1988, Michael Jackson fera une reprise de Come Together pour son film Moonwalker et l’intègrera, des années plus tard, dans son album HIStory. Le groupe Tears for Fears a produit un pastiche des Beatles avec la chanson Sowing the Seeds of Love en 1989[205]. Le groupe britannique Oasis, très inspiré par les Beatles, a repris I Am the Walrus sur scène, publiée en 45 tours en 1994 [206] et incluse sur la compilation The Masterplan en 1998[207].
Les chansons du groupe ont souvent été entendues dans la bande musicale de films, soit en versions originales (comme When I'm Sixty-Four dans The World According to Garp[208]), soit en reprises (Here Comes the Sun par Sheryl Crow pour le film Bee Movie[209]).
Plusieurs films n'utilisent que des airs des Beatles en guise de bande originale, comme I Am Sam de Jessie Nelson. Le titre du film, voire l’intrigue, peuvent aussi s’en inspirer directement. C’est le cas, bien sûr, du Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band de Michael Schultz ou de Across the Universe réalisé par Julie Taymor[208]. D’autres encore racontent l’histoire du groupe, comme I Wanna Hold Your Hand de Robert Zemeckis, Backbeat de Iain Softley ou encore Nowhere Boy de Sam Taylor-Wood.
Plusieurs émissions de télévisions utilisent les chansons des Beatles. Ainsi, l’émission Va Savoir, présentée par Gérard Klein sur La Cinquième, était exclusivement constituée de musiques du quatuor de Liverpool, mais on se souvient plus facilement du générique, le fameux Magical Mystery Tour. De même, l’éphémère Les enfants de John, également sur la Cinquième, avait pour générique Revolution. Les scénarios de la série animée pour enfants Beat Bugs utilisent les chansons des Beatles comme point de départ[210]. Toujours d’actualité, des reprises de chansons, des films de fiction et des documentaires, des bouquins et des rééditions de disques des Beatles seront commercialisés, même cinquante ans après la séparation du groupe.
Historiographie
Dans son ouvrage The Beatles and the Historians, Erin Torkelson Weber utilise la façon dont l'histoire du groupe a été présentée au cours des décennies afin de démontrer l'importance d'une bonne méthodologie historiographique.
Durant la période où le groupe était actif, la version officielle voulait créer et entretenir le mythe des Fab Four, un groupe uni de jeunes musiciens issus de la classe ouvrière qui ressemblaient à leurs caricatures présentées dans le film A Hard Day's Night. La biographie de Hunter Davies (en) en est le parfait exemple : les parties plus sombres, telles que la prise de drogues, le départ de Pete Best ou les aventures sexuelles sont presque balayées du revers de la main. Publiée avant l'arrivée de Yoko Ono et d’Allen Klein, cette biographie officielle ne fait évidemment pas mention des dissensions subséquentes.
Les biographies qui suivent la dissolution du groupe ont tendance à encenser Lennon au détriment de McCartney, qui hérite du blâme de la rupture et qui est présenté comme un musicien commercial et charmeur, et minimisant l’apport de Harrison et Starr. Les livres Lennon Remembers (en) de Jann Wenner (en) et Shout!: The Beatles in Their Generation (en) de Philip Norman (en) sont caractéristiques de cette situation. À la suite de la mort de Lennon, les biographies et les articles de magazines et de journaux le représentent de façon quasiment hagiographique. À l’opposé, Albert Goldman (en) publie en 1988 une biographie (en) très négative portant sur Lennon[211]. C’est aussi à cette époque que les proches du groupe publient des mémoires quelquefois sensationnalistes (The Love You Make (en) de Peter Brown) ou plus descriptives (Here There and Everywhere de Geoff Emerick, All You Need Is Ears (en) de George Martin et, beaucoup plus tard, Magical Mystery Tours (en) de Tony Bramwell) mais qui sont quelques fois teintés d’une préférence personnelle pour l’un ou l’autre des membres de groupe.
Au milieu des années 1990, le projet Anthology, la nouvelle biographie officielle, utilise, dans un souci d’équité, les interviews des quatre Beatles à parts égales. Encore une fois, leur histoire est épurée et les aspects problématiques ne sont qu’effleurés.
Depuis, les œuvres plus importantes sont devenues moins dithyrambiques et plus posées, se basant sur de nouvelles sources primaires ou secondaires (des enregistrements, de la correspondance, des interviews de témoins pour la plupart contre-vérifiés) et exposant plus d’un point de vue si nécessaire. On peut nommer les livres, Can’t Buy Me Love (en) de Jonathan Gould, You Never Give Me Your Money (en) de Peter Doggett, Revolution in the Head (en) de Ian MacDonald (en) et les titres de Mark Lewisohn (The Complete Beatles Recording Sessions (en), The Complete Beatles Chronicle et surtout The Beatles: All These Years (en) - Tune In, le tome 1 de sa trilogie en trois ou six volumes) qui peuvent maintenant être considérés véritablement comme des ouvrages historiques[212].
Dans la culture populaire
Starr, McCartney et Harrison ont chacun été invités dans des épisodes de la série animée Les Simpson[y], ce dernier dans l’épisode qui est calqué sur la carrière du groupe. Nombre d’autres épisodes de la série sont émaillés d’allusions aux Beatles[213] notamment Et la cavalerie arriva (saison 14, épisode 21) où Bart saccage la collection d’objets des Beatles de Ned Flanders[214]. Ils sont aussi parodiés dans plusieurs dessins animés tels The Flintstones[215], Family Guy[216] ou South Park[217].
Les Beatles ont également été déclinés en personnages de bande dessinée. Ils font une apparition dans l’album Astérix chez les Bretons, et la femme d’Ordralfabétix, le poissonnier, s’appelle Iélosubmarine. Les auteurs Yves Sente et André Juillard ont utilisé la première rencontre de John Lennon et de Paul McCartney pour une scène du tome La Machination Voronov, publié en 1999, de la série de bande dessinée Blake et Mortimer[218]. Dans une histoire de la série Strange Tales (#130 en ) des éditions Marvel Comics, la Torche humaine et La Chose tentent de recouvrir les recettes d’un concert des Beatles à Manhattan[219] tandis que DC Comics, dans un comic book de Batman (#222 en ), met en scène la rumeur du décès supposé de McCartney[220]. Publiée en 2012, la bande dessinée Liverfool de Gihef et Vanders (Emmanuel Proust éditions), retrace l’histoire du premier manager des Beatles, Allan Williams. De plus, la vie de Brian Epstein est contée dans The Fifth Beatle, une bande dessinée sortie le chez Dark Horse Comics, écrite par l’écrivain et producteur de théâtre américain Vivek Tiwary et illustrée par Andrew Robinson. Une adaptation cinématographique de celle-ci est en cours de préparation ; initialement confiée à Bruce Cohen (American Beauty) la production devrait finalement être assurée par Simon Cowell[221],[222]. Pour célébrer le cinquantième anniversaire de la sortie du film d’animation Yellow Submarine, une adaptation BD du scénario, illustrée par Bill Morrison, a été publié le par Titan Comics[223].
l’image et l’histoire des Beatles ont en outre été abondamment parodiés. En la matière, l’une des plus célèbres et des plus réussies, à laquelle George Harrison a apporté son concours, est certainement le pastiche des Rutles, avec Paul Simon et Mick Jagger qui y jouent leur propre rôle, dans le film All You Need Is Cash. Les pastiches des chansons sont autant de clins d’œil aux « tics » musicaux de leurs modèles — Ouch! imité de Help!, Cheese and Onions qui a des accents d’A Day in the Life, Piggy in the Middle évoquant I Am the Walrus, Doubleback Alley qui est le cousin de Penny Lane, etc. Les Bidochons, pour leur part, ont déformé les textes de leurs chansons dans l’album Quatre Beadochons dans le vent. Les Beatles apparaissent aussi sous les traits des Mosquitoes lors de l’épisode Don't Bug the Mosquitoes (saison 2, épisode 12[224]) de l’émission jeunesse américaine Gilligan's Island (Les Joyeux naufragés). Dans la version originale en anglais, les personnages s’appellent Bingo, Bango, Bongo et Irving[z]. Le groupe américain The Monkees, originellement des personnages d’une émission de télévision de la chaîne NBC, est aussi un pastiche des Beatles. Le groupe est aussi parodié dans le film Walk Hard: The Dewey Cox Story[225].
Enfin, les visuels du groupe ont aussi été allègrement copiés, comme la pochette de Sgt. Pepper pastichée par Frank Zappa dès l’année suivante pour son album We're Only in It for the Money (et, en France, pour l’album Beadochons) ou celle d’Abbey Road, reproduite par les Red Hot Chili Peppers sur The Abbey Road E.P., ainsi que Paul McCartney lui-même pour son album Paul Is Live. Le rappeur Kanye West parodie également ce lieu pour la pochette de son Late Orchestration, album live enregistré aux mêmes studios.
Plusieurs productions théâtrales ont été montées au sujet de la musique des Beatles, la comédie musicale Let It Be (en) de 2012 en est un exemple. En 2016, dans la production londonienne The Sessions, on peut suivre l’histoire du groupe en studio avec un acteur personnifiant George Martin comme narrateur[226].
Tourisme, monuments et lieux dédiés
Angleterre
La ville de Liverpool a développé diverses activités touristiques autour de la carrière des Beatles. Un rapport du conseil municipal de 2016 indique qu’un emploi sur cent est directement ou indirectement lié au groupe[227]. Sur l’Albert Dock, le musée The Beatles Story (en) leur est consacré. Le conseil de la ville a approuvé, au fil des ans, la toponymie de diverses rues aux noms de leurs plus célèbres citoyens et leur histoire ; John Lennon Drive, Paul McCartney Way, George Harrison Close et Ringo Starr Drive, dans le projet domiciliaire Kensington Fields, Epstein Court, Apple Court, Cavern Court dans les environs ainsi que Pete Best Drive et le Casbah Close dans le West Derby[228]. Les lieux emblématiques du groupe, tels que le Cavern Club, Strawberry Field (en), Penny Lane (en), ou encore les maisons d’enfance de McCartney au 20 Forthlin Road, de Lennon au 251 Menlove Avenue, de Harrison au 10 Admiral Grove et de la famille Starkey au 12 Arnold Grove se visitent en circuit organisé. En 2007, un luxueux hôtel à thème, le Hard Day's Night Hotel, a ouvert ses portes[229]. Le George Harrison Woodland Walk est un espace de douze acres du quartier Allerton, qui sera aménagé pour y intégrer des installations d’artistes basées sur l’œuvre du guitariste. Le réaménagement du Allerton Towers ornamental gardens and woodland walk, acheté par le conseil de ville de Liverpool en 2018, devrait être complété au printemps 2021[230].
Chaque année, fin août, est organisé à Liverpool l’International Beatles Week Festival[231]. L’aéroport de la cité portuaire est devenu en 2002 le Liverpool John Lennon Airport. Enfin, le , cinquante ans jour pour jour après leur dernière prestation dans leur ville natale, est inauguré un ensemble de statues de bronze des Beatles sur la rive du fleuve Mersey, près des bâtiments Pier Head[232]. Offertes à la ville par le Cavern Club, ces statues de 1,2 tonne et mesurant 2 mètres sont l’œuvre du sculpteur Andy Edwards[233]. Une murale a été dévoilée le sur Mason Street à New Brighton (en), à quelques pas du site du Tower Ballroom, aujourd'hui disparu, où le groupe a joué vingt-sept fois entre 1961 et 1963. On y voit la silhouette des Beatles et des reproductions d’affiches promotionnelles des soirées à la salle créées à l’époque par l’artiste Tony Booth (en)[234].
À l’instar de Liverpool, Londres offre également des circuits pour visiter les lieux où ont vécu et travaillé les Beatles, notamment le passage pour piétons d’Abbey Road[235] ou l’édifice qui abritait leur maison de disques Apple Corps au 3 Savile Row où a eu lieu le « concert sur le toit ».
Le , à Plymouth dans le comté du Devon, est dévoilée une sculpture à l’endroit où les membres du groupe posèrent pour une photo en 1967, assis dans l’herbe du parc Plymouth Hoe, devant la tour Smeaton. Des traces de leurs postérieurs, de leurs jambes, de leurs pieds et de leurs mains, moulées avec du cuivre, sont installées, à l’endroit exact où chacun était positionné, afin que les passants puissent s’y asseoir pour reproduire cette célèbre photographie de David Redfern (en), prise pendant le tournage du film Magical Mystery Tour[236].
Hambourg
À Hambourg, au croisement de Große Freiheit et de la Reeperbahn — à mi-distance entre le Top Ten Club (en) et le Kaiserkeller (en), deux clubs où les Beatles se produisirent au tout début des années 1960[237] — une Beatles-Platz a été inaugurée en . Au centre de cette place qui prend la forme d’un disque longue durée, le groupe est représenté par cinq silhouettes métalliques (avec Stuart Sutcliffe, un peu à l’écart), tandis que le batteur est stylisé de façon que l’on puisse aussi bien reconnaître Pete Best, qui officiait avec le groupe à l’époque, que Ringo Starr, qui ne le rejoignit qu’à partir des deux derniers passages dans la ville allemande[238]. Le musée « Beatlemania », aménagé sur cinq étages au cœur de la Reeperbahn, est ouvert de 2009 à 2012.
Ailleurs dans le monde
On trouve des statues et des musées sur les Beatles partout dans le monde, et notamment à La Havane (Cuba)[240], à Lima (Pérou)[241], à Iekaterinbourg et Samara (Russie)[242],[243], à Houston (Texas)[244] ou encore à Oulan-Bator (Mongolie)[245], en Pologne[246], en Écosse[247] ou à Brescia (Italie)[248].
Par ailleurs, John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr ont chacun deux étoiles sur le Walk of Fame de Hollywood Boulevard à Los Angeles : l’une en tant que membre des Beatles, et l’autre pour honorer leurs carrières solo respectives[249].
En 2017, à Houston au Texas, des statues des Beatles tels qu’ils étaient vers la fin des années 1960 ont été créées par David Adickes. Hautes de dix mètres, les statues seront en place pour au moins un an et ensuite vendues pour 350 000 $US[250].
À Brest en France, un carrefour giratoire situé sur le port près de la salle de concert La Carène porte le nom « Rond-point Sgt Pepper - Album des Beatles »[251].
En décembre 2021, dans la ville portuaire mexicaine de Mazatlán Sinaloa, la ruelle Malpica a été renommée Liverpool Alley et décorée dans le thème du groupe avec, entre autres, des statues grandeur nature de la mise en scène de la pochette d'Abbey Road et la reproduction du sous-marin jaune du dessin animé[252].
Autres hommages
Philatélie
Le , la Royal Mail a émis deux séries de timbres-poste célébrant l’apport des Beatles à la culture populaire britannique : six timbres reprenant l’image des pochettes des disques Please Please Me, Help!, Revolver, Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, Abbey Road et Let It Be, et quatre autres sur lesquels figurent des objets de collection de l’époque de la Beatlemania[253]. Au fil des ans, plusieurs autres pays, tels les États-Unis[254], le Tchad[255] et le Burkina Faso[256], ont aussi créé des timbres postaux où figure la thématique des Fab Four.
Sciences
Le paléontologue Yves Coppens a donné le nom de Lucy au spécimen de l’Australopithecus afarensis qu’il a découvert en 1974 en Éthiopie, parce qu’il écoutait les Beatles, et notamment la chanson Lucy in the Sky with Diamonds, en répertoriant les ossements[257].
Cinq astéroïdes faisant partie de la ceinture principale ont été nommés en leur honneur: (4147) Lennon, (4148) McCartney, (4149) Harrison, (4150) Starr et (8749) Beatles. Des astronomes de Harvard ont aussi surnommé « Lucy » l’étoile BPM 37093 en référence à cette chanson[258], car cette naine blanche possèderait un énorme cristal de diamant comme noyau[259]. Le lundi , la NASA a par ailleurs diffusé la chanson Across the Universe à travers la galaxie, pour fêter le 40e anniversaire de son enregistrement. La chanson voyagera à la vitesse de la lumière pour une durée totale de 431 ans, avant d’atteindre l’étoile polaire[260].
Autres
Le [261], le groupe est intronisé au Rock and Roll Hall of Fame à Cleveland, présenté par leur ami Mick Jagger[262], et ce musée possède depuis 2012 une exposition permanente d’artéfacts du groupe[263]. Les membres du groupe ont aussi été intronisés individuellement au Hall of Fame (Lennon en 1994[264], McCartney en 1999[265], Harrison en 2004[266] et Starr en 2015[267]).
Le groupe a reçu 23 nominations et gagné 7 trophées Grammy au fils des ans[268] et trois des quatre membres du groupe ont reçu des Grammy pour l’ensemble de leur carrière individuelles; McCartney en 1990[269], Lennon en 1991[270] et Harrison en 2015[271]. Le groupe fait aussi partie des artistes récompensés par un Grammy afin d'honorer l’ensemble de leur carrière (Lifetime Achievement Award). Celui-ci est remis aux deux membres survivants par la Recording Academy le 26 janvier 2014[272]. Un spectacle hommage a eu lieu le lendemain mettant en vedette McCartney et Starr avec des musiciens accompagnateurs tels Joe Walsh et Peter Frampton. Des artistes invités (Stevie Wonder, Alicia Keys, Keith Urban et les Eurythmics, pour ne nommer que ceux-là) ont aussi interprété des chansons du groupe. Des présentateurs, tels Johnny Depp, Jeff Bridges et Sean Penn ont animé la soirée. Une émission télé intitulée The Night That Changed America: A Grammy Salute to the Beatles (en) en est tirée et est présentée sur le réseau CBS le suivant, le soir du 50e anniversaire de la première prestation du groupe au Ed Sullivan Show[273].
De nombreux hommages sont rendus aux Beatles lors des Jeux Olympiques de Londres 2012, et notamment lors de la cérémonie d’ouverture, Paul McCartney faisant chanter Hey Jude par tout le Stade olympique (dont le public reprend aussi en chœur All You Need Is Love le [274],[275]), ainsi que la cérémonie de clôture, où les chansons Because, Here Comes the Sun et I Am the Walrus sont interprétées par différents artistes. On voit aussi apparaître durant ce spectacle des taxis en papier journal, référence directe au vers « Newspaper taxis appear on the shore / waiting to take you away » de la chanson Lucy in the Sky with Diamonds.
Produits dérivés
Le même jour que l’édition remastérisée du catalogue complet sur CD, une autre société, MTV Games, met en vente The Beatles: Rock Band. Ce jeu vidéo a été imaginé par Dhani Harrison et commercialisé avec l’accord de Paul McCartney, Ringo Starr, Yoko Ono et Olivia Harrison qui ont aussi participé à sa conception. Décliné pour les consoles PlayStation 3, Xbox 360 et Wii, il s’agit d’un jeu de rythme permettant à six joueurs au maximum de participer à ce groupe virtuel. Giles Martin, qui avait déjà travaillé avec son père George sur l’album Love, est responsable de la production musicale. C’est la première fois qu’Apple Corps autorise l’utilisation de la musique des Beatles pour un jeu vidéo. Un mois et demi après, les ventes aux États-Unis atteignent les 595 000 exemplaires[276].
Cursus universitaire
L’université Hope de Liverpool a inauguré, en , un cursus de maîtrise en arts dédiée au groupe, pour étudier son impact et son influence sur la musique populaire et la société en général[277],[278]. « Plus de 8 000 ouvrages ont été écrits sur les Beatles mais il n'y a jamais eu d’études académiques sérieuses et c’est ce que nous allons faire », explique Mike Brocken, directeur des études à l’université Hope. « Les Beatles ont eu une telle influence sur la société, pas seulement avec leur musique, mais également dans le domaine de la mode avec leurs vestes sans col ou leurs vêtements psychédéliques... Quarante ans plus tard, c’est le bon moment. Liverpool est le meilleur endroit pour étudier les Beatles. Il s’agit assurément de la première maîtrise sur les Beatles dans ce pays et je dirais probablement la première dans le monde »[279]. Le cours est intitulé « les Beatles, musique populaire et société », il débute en septembre et dure 12 mois à temps complet ou 24 mois à temps partiel[280].
Records établis
Au cours d’une carrière discographique longue de seulement huit années, les Beatles ont établi bon nombre de records de ventes. Voici une liste non exhaustive de records que les Beatles ont établi durant leur carrière.
Albums
- Plus grand nombre de disques vendus estimé à 600 millions, tous supports confondus, à travers le monde[281].
- Les Beatles détiennent le plus grand nombre d’albums numéro 1 au niveau international : 37 albums[282].
- Aux États-Unis, les Beatles détiennent, avec la superstar de la musique country Garth Brooks, le plus grand nombre d’albums certifiés « diamant » (plus de 10 millions d’exemplaires vendus). Ils sont au nombre de six : Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, l’Album blanc, Abbey Road, The Beatles 1962–1966, The Beatles 1967–1970, et 1[283].
- Aux États-Unis, les Beatles détiennent avec Elvis Presley le plus grand nombre d’albums certifiés multi-platine : 24[284].
- Aux États-Unis, les Beatles sont le groupe musical qui détient le record d’albums certifié platine (plus d’un million d’exemplaires vendus) : 39[284].
- Aux États-Unis, les Beatles détiennent le record d’albums ayant atteint la première place : 19 (14 parus pendant leur carrière sur la période 1964-1970 et 5 parus après leur séparation).
- Au Royaume-Uni, les Beatles détiennent le record d’albums ayant atteint la première place : 15 (11 parus pendant leur carrière sur la période 1963-1970 et 4 parus après leur séparation)[285].
- Aux États-Unis, plus grand nombre de semaines passées à la première place des ventes : 132.
- Au Royaume-Uni, plus grand nombre de semaines passées à la première place des ventes : 174.
- Plus grand succès durant la première semaine de vente pour un double album, avec 855 473 exemplaires du disque Anthology 1 écoulés aux États-Unis entre le 21 et le .
- La compilation 1 des Beatles parue en est devenue, dans le monde, le disque grand format le plus rapidement vendu de l’histoire de l’industrie discographique : 3,6 millions d’exemplaires vendus en une seule semaine et plus de 12 millions d’exemplaires vendus en trois semaines[286]. Il a depuis sa parution, franchi le cap des 31 millions d’exemplaires vendus[287].
Singles
- Aux États-Unis seulement, le groupe a écoulé 1,6 milliard de singles[281].
- Les Beatles ont obtenu plus de no 1 dans le monde que n'importe quel autre groupe ou artiste, notamment 23 en Australie et aux Pays-Bas, 22 au Canada, 21 en Norvège, 20 aux États-Unis[288], 18 en Suède et 17 au Royaume-Uni[289].
- Ils détiennent :
- d’une part le plus grand nombre de chansons ayant atteint la première place des charts internationaux,
- d’autre part la meilleure moyenne de chansons numéro 1 par année.
- Les Beatles ont réussi à placer 66 chansons numéro 1 à travers le monde, dont 64 au cours de leur carrière, soit une moyenne de 8 chansons numéro 1 par an[282]. (Ils auraient pu en décrocher encore davantage si leurs propres singles n'étaient pas entrés en compétition « interne ». Par exemple, le 45 tours Penny Lane/Strawberry Fields Forever fut publié en tant que « double face A », ce qui entraîna un comptage de ventes et de diffusion séparé au lieu d’être collectif[290]).
- Dans les « charts » britanniques et nord-américains, John Lennon et Paul McCartney sont les auteurs les plus « couronnés » de l’histoire : 29 no 1 pour Lennon et 28 pour McCartney au Royaume-Uni (dont 25 en collaboration) ; 32 pour McCartney et 26 pour Lennon aux États-Unis (dont 23 en collaboration).
- Durant la semaine du , les chansons des Beatles étaient aux cinq premières places du classement du Billboard aux États-Unis. Personne n'avait jamais réalisé un tel exploit auparavant, et personne ne l’a fait depuis lors. Les chansons étaient dans l’ordre : Can't Buy Me Love, Twist and Shout, She Loves You, I Want to Hold Your Hand, et Please Please Me. La semaine suivante, , 14 chansons des Beatles figuraient dans le Billboard Hot 100.
- Ils détiennent un autre record dans ce « Billboard Hot 100 » : le fait d’avoir placé trois titres l’un derrière l’autre à la première place : en 1964, Can't Buy Me Love (5 semaines) détrôna She Loves You (2 semaines), qui avait supplanté I Want to Hold Your Hand (7 semaines), sur un total de 14 semaines d’affilée.
- La plus rapide vente de single de tous les temps est également à mettre à leur crédit : 250 000 exemplaires de I Want to Hold Your Hand vendues en trois jours aux États-Unis, un million en deux semaines, 10 000 exemplaires écoulés par heure durant les 20 premiers jours dans la seule ville de New York.
- En précommandes, le record est de 2,1 millions pour Can't Buy Me Love (940 225 exemplaires vendus le jour de la sortie).
- Au Royaume-Uni, les Beatles détiennent le record de singles vendus à plus d’un million d’exemplaires, au nombre de cinq : She Loves You, I Want To Hold Your Hand, Can't Buy Me Love, I Feel Fine, We Can Work It Out / Day Tripper[291].
- Le , avant la publication de la chanson Yesterday, leur maison d'édition Northern Songs révélait que 1 337 reprises de leurs chansons avaient déjà été enregistrées, après seulement 32 mois de carrière discographique.
- Yesterday est la chanson la plus reprise de l’histoire de l’industrie musicale. Le Livre Guinness des records recense plus de 3 000 versions enregistrées. C’est aussi la chanson la plus diffusée de l’histoire internationale de la radio.
Prestations
Les Beatles ont également établi le record d’audience à la télévision aux États-Unis (hors retransmissions sportives) avec plus de 70 millions de téléspectateurs assistant à leur prestation au Ed Sullivan Show sur CBS le [292].
En se produisant au Shea Stadium de New York le , les Beatles établirent un nouveau record du monde de spectateurs (environ 56 000) et de rentabilité. Ce fut la première fois dans l’histoire de la musique populaire qu’un groupe ou un artiste se produisit dans un stade. Le concert a été filmé et présenté à la télévision en 1966 au Royaume-Uni et en 1967 aux États-Unis[293]. En 2016, une version restaurée a été présentée en salle en supplément à la sortie du documentaire The Beatles: Eight Days a Week.
Ils furent aussi le premier groupe musical à jouer au Budokan de Tokyo, jusque là exclusivement réservé aux arts martiaux. Fin , les cinq spectacles en trois jours ont attiré plus de 10 000 spectateurs chacun[292].
Le , les Beatles jouent All You Need Is Love dans l’émission Our World retransmise en direct dans le monde entier. Entre 400 et 700 millions de téléspectateurs ont assisté à cette prestation[65].
Membres
Les Fab Four
À l’été 1956, John Lennon fonde un groupe de skiffle, The Quarrymen, avec des amis de son lycée. En , il recrute Paul McCartney, puis accepte en l’arrivée d’un ami de celui-ci, George Harrison[294]. Au départ, tous trois jouent de la guitare, mais les rôles se répartissent dès 1961 avec Lennon à la guitare rythmique, Harrison à la guitare solo et McCartney à la basse qui remplace Stuart Sutcliffe le bassiste original du groupe. Le quatrième membre, Richard Starkey, dit Ringo Starr, est recruté plus tard : il ne tient la batterie qu’à partir de l’été 1962, en remplacement de Pete Best[295].
Si, pour les premiers albums du groupe, les quatre musiciens s’en tiennent généralement à leurs instruments respectifs, ils ne tardent pas à diversifier leur palette musicale, jouant de toutes sortes de claviers, percussions, instruments divers, et allant parfois jusqu’à inverser les rôles. C’est ainsi Paul McCartney qui se charge du solo de Taxman à la place de George Harrison[296], et il joue également de la batterie dans quelques chansons comme Back in the U.S.S.R.[297]. À l’inverse, il arrive à Lennon ou à Harrison de tenir la basse, comme dans Helter Skelter ou Two of Us. Lennon et McCartney jouent, seuls, de tous les instruments dans The Ballad of John and Yoko[298]. Les membres du groupe adoptent également de nouveaux instruments : Paul McCartney, qui joue également du piano, est un des premiers à utiliser le mellotron fin 1966. George Harrison introduit la guitare électrique à 12 cordes sur l’album A Hard Day's Night et joue de plusieurs instruments indiens, notamment le sitar, dans plusieurs chansons à partir de 1965. Il est également un pionnier de l’utilisation du synthétiseur dans le rock, sur l’album Abbey Road[299].
Les quatre membres des Beatles chantent en solo. En règle générale, Lennon, McCartney et Harrison interprètent leurs propres compositions. Au niveau des chœurs, le chanteur principal est accompagné par les deux autres, sans compter les harmonies à deux ou trois voix, voire jusqu’à neuf voix virtuelles dans la chanson Because grâce à un subterfuge de production. Jusqu’à l’album Help!, Harrison chante sur un à trois titres — reprises de standards du rock ou chansons composées par le duo Lennon/McCartney — mais introduit dès le deuxième album une de ses propres compositions, Don't Bother Me. À partir de 1965, on retrouvera habituellement deux de ses compositions sur chacun des albums. Quant à Starr, il interprète une reprise ou une composition de Lennon/McCartney sur chaque album, à l’exception de A Hard Day's Night et Let It Be où il ne chante pas. Il est également l’auteur de deux chansons du répertoire du groupe pour lesquelles il sera le chanteur principal, Don’t Pass Me By et Octopus’s Garden[300].
Anciens membres
- Pete Best (né le ) a été le batteur du groupe de 1960 à 1962, durant les séjours des Beatles à Hambourg et leurs concerts au Cavern Club de Liverpool. Au mois d’, alors que le groupe décroche auprès de George Martin et du label Parlophone son premier contrat d’enregistrement, il est évincé du groupe et remplacé par Ringo Starr[301]. Par la suite, sa carrière ne décollera jamais, lui valant de passer à la postérité comme l’homme qui a raté de peu le succès[302]. Il doit attendre 1995 et la publication du disque Anthology 1 pour pouvoir obtenir une rétribution financière d’environ quatre millions de livres, pour sa contribution aux enregistrements publiés sur cet album[303].
- Stuart Sutcliffe ( - ), ami peintre de John Lennon, est le premier bassiste des Beatles. Sans véritablement maîtriser son instrument, il participe aux premières tournées du groupe à Hambourg, avant de reprendre ses études d’art en . Il meurt prématurément d’une hémorragie cérébrale[304] avant que le groupe connaisse le succès international[305]. John Lennon, très marqué par cette disparition, y fait allusion dans plusieurs chansons, dont In My Life (1965).
Musiciens additionnels
Durant leur carrière, les Beatles ont fait appel à de nombreux musiciens de studio, qu’il s’agisse de musiciens classiques jouant des cuivres et des instruments à cordes (par exemple pour Yesterday ou Penny Lane)[306], ou même d’orchestres symphoniques entiers pour des chansons comme A Day in the Life ou plusieurs titres d’Abbey Road[307]. Leur producteur et arrangeur George Martin joue fréquemment du piano et des claviers sur leurs albums. Il arrive aussi que des proches se joignent occasionnellement au groupe, comme Nicky Hopkins (sur Revolution), Eric Clapton (sur While My Guitar Gently Weeps) ou Brian Jones des Rolling Stones (sur You Know My Name (Look Up the Number)) [308].
Parmi les musiciens ayant collaboré avec les Beatles, Jimmy Nicol est le seul à être monté sur scène avec eux en pleine Beatlemania : au mois de , alors que Ringo Starr est hospitalisé en urgence, atteint d’une infection aux amygdales, Nicol est chargé de le remplacer à la batterie pour une dizaine de concerts durant une tournée en Europe puis en Océanie[309].
Billy Preston (1946-2006) est quant à lui le seul musicien à avoir participé à plusieurs séances en studio du groupe ; on l’entend sur certains titres de Let It Be et Abbey Road. Il est d’ailleurs exceptionnellement crédité comme musicien additionnel sur l’étiquette du 45 tours Get Back/Don't Let Me Down[310]. Il participe également au concert sur le toit de l’immeuble Apple en [311].
Le « cinquième Beatle »
Au cours du temps, un grand nombre de personnes ont pu prétendre au titre de « cinquième Beatle », à commencer par les quatre musiciens qui ont joué avec eux en concert : le bassiste Stuart Sutcliffe, les batteurs Pete Best et Jimmy Nicol, et Billy Preston pour son travail aux claviers sur l’album Let It Be[311]. S’y ajoute également l’artiste et bassiste Klaus Voormann, ami du groupe depuis leurs séjours à Hambourg, qui a souvent joué avec eux durant leurs carrières en solo et a contribué à plusieurs travaux du groupe, notamment la conception de la pochette de l’album Revolver, qui remporta un Grammy Award[312].
Sont également cités Neil Aspinall, road manager du groupe de ses débuts à 1963, devenu leur assistant personnel et enfin le président d’Apple Corps durant quarante ans, mais aussi Derek Taylor, leur attaché de presse et confident. George Harrison a déclaré que Taylor et Aspinall étaient sans contestation les deux « cinquièmes » Beatles[313]. Certains, plus éloignés du groupe, se sont vus attribuer le titre pour d’autres raisons. Le journaliste Ed Rudy s’est ainsi surnommé « le cinquième Beatle » pour avoir été le seul journaliste à accompagner le groupe durant sa première tournée américaine et en avoir tiré de nombreuses interviews. Le disc-jockey Murray Kauffman (dit Murray the K), également proche des « Fab Four » durant leur première tournée et fervent défenseur de leurs disques, assure en direct avoir été intronisé « cinquième Beatle » par George Harrison lui-même ; il s’est avéré par la suite qu’il n'en était rien. Enfin, le footballeur George Best, joueur britannique emblématique dans les années 1960, acquiert un tel statut, à l’époque, qu’il se fait humoristiquement surnommer ainsi[314].
Deux personnes sont généralement considérées comme le « cinquième Beatle » pour leur rôle dans la carrière du groupe. Paul McCartney a déclaré au sujet de Brian Epstein, manager des Beatles de 1962 à sa mort en 1967, qui a façonné leur image et décroché leurs premiers contrats au Royaume-Uni, que « si quelqu’un a été le cinquième Beatle, c’était Brian »[315]. Enfin, George Martin est fréquemment qualifié ainsi pour avoir engagé les Beatles sur son label Parlophone, en 1962, et avoir été leur producteur du début à la fin de leur carrière. Il a également joué des claviers dans de nombreuses chansons, contribué à leur éveil musical et à l’introduction de nouveaux instruments dans leur musique. Il a aussi écrit la plupart des arrangements, parmi lesquels ses partitions pour Eleanor Rigby ou All You Need Is Love[316].
Discographie
Voici la liste des albums, maxis (de chansons inédites) et singles officiels publiés en Angleterre par les Beatles entre 1962 et 1970, complétée de quelques autres enregistrements notables. Dans le reste du monde, les albums pouvaient être édités différemment, surtout pendant les années avant « Sgt. Pepper's ». D’autres albums et singles furent publiés après leur séparation ; on retrouve plus bas une courte liste des plus notables de ces albums. À présent, toutes les chansons qui n'étaient pas parues sur leurs 33 tours originaux sont disponibles en CD sur les compilations Past Masters ou sur la version augmentée du disque Magical Mystery Tour.
Albums studio
Il s’agit des 33 tours Parlophone (puis Apple) publiés au Royaume-Uni (et aussi en Italie[317], en Grèce[318], aux Pays-Bas[319], dans les pays scandinaves[320],[321],[322],[323], en Inde[324], etc.), et dans certains autres pays sous l’étiquette Odeon (en France[325], en Allemagne[326], en Espagne[327], en Argentine[328], etc.[aa]), où le standard était de quatorze chansons par album. Jusqu’à Revolver, ils furent redécoupés pour les États-Unis, où le standard du label Capitol Records était de onze ou douze chansons par album seulement, donnant naissance à d’autres titres d’albums : Meet the Beatles!, Something New, Yesterday and Today, etc. D’autres labels, comme Musart Records au Mexique[329], publieront aussi des versions raccourcies.
- Please Please Me ()
- With the Beatles ()
- A Hard Day's Night ()
- Beatles for Sale ()
- Help! ()
- Rubber Soul ()
- Revolver ()
- Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band ()
- The Beatles (l'« Album blanc ») ()
- Yellow Submarine ()
- Abbey Road ()
- Let It Be ()
EP avec chansons inédites
Au début de leur carrière et jusqu’en 1966, plusieurs EP reprenant des chansons déjà publiées ont été commercialisées, mais seul Long Tall Sally contenait des pièces inédites. Le double EP Magical Mystery Tour, comportant six titres, fut publié en 1967 pour accompagner la sortie du téléfilm homonyme. La maison de disques Capitol Records y rajoutera cinq autres chansons précédemment parues en singles et ce 33 tours comportant onze titres sera publié aux États-Unis et ailleurs. À partir de 1976, cette version augmentée sera finalement commercialisée en Angleterre et intégrera éventuellement la discographie officielle du groupe[158].
- Long Tall Sally ()
- Magical Mystery Tour ( – double EP sorti au Royaume Uni) / ( – album LP sorti aux USA)
Singles britanniques
Les singles sont présentés suivant l’ordre « Face A / Face B ». Les singles accompagnés du symbole « 2ƒA » sont des singles « double face A ». L’astérisque dénote une chanson qui se retrouve aussi sur un album ou EP et le symbole ≈ dénote une version différente d’une chanson parue sur un 33 tours.
- Love Me Do≈ / P.S. I Love You* ()
- Please Please Me* / Ask Me Why* ()
- From Me to You / Thank You Girl ()
- She Loves You / I'll Get You ()
- I Want to Hold Your Hand / This Boy ()
- Can't Buy Me Love* / You Can't Do That* ()
- A Hard Day's Night* / Things We Said Today* ()
- I Feel Fine / She's a Woman ()
- Ticket to Ride* / Yes It Is ()
- Help!* / I'm Down ()
- We Can Work It Out / Day Tripper () (2ƒA)
- Paperback Writer / Rain ()
- Yellow Submarine* / Eleanor Rigby* () (2ƒA)
- Strawberry Fields Forever / Penny Lane () (2ƒA)
- All You Need Is Love* / Baby, You're a Rich Man ()
- Hello, Goodbye / I Am the Walrus* ()
- Lady Madonna / The Inner Light ()
- Hey Jude / Revolution≈ ()
- Get Back≈ / Don't Let Me Down ()
- The Ballad of John and Yoko / Old Brown Shoe ()
- Something* / Come Together* ()
- Let It Be≈ / You Know My Name (Look Up the Number) ()
Divers
Quelques autres chansons ou enregistrements seront publiés parallèlement aux disques officiels britanniques.
- Komm, gib mir deine Hand / Sie liebt dich – Single publié en Allemagne ()
- The Beatles' First ! - Compilation allemande des enregistrements faits à Hambourg publiée par Polydor ()
- Bad Boy – Chanson inédite parue sur l’album américain Beatles VI ()
- Across the Universe – Version originale parue sur un album caritatif intitulé No One's Gonna Change Our World (en) ()
- Les enregistrements de Noël des Beatles – Collection de flexi discs humoristiques, plus ou moins improvisés, offerts aux abonnés du fan club.
Compilations notables et albums post-séparation
- A Collection of Beatles Oldies (but Goldies) - compilation des meilleurs succès (1966)
- Hey Jude - titré The Beatles Again en France (1970)
- The Beatles 1962–1966 et 1967–1970 (1973)
- The Beatles: Live at the Hollywood Bowl - enregistrements de concerts à Los Angeles en 1964 et 1965 (1977 pour la première édition, 2016 pour la seconde avec une pochette différente et des titres supplémentaires)
- Past Masters - chansons sorties en 45 tours qui ne figuraient pas sur les albums studio officiels, ou, pour certaines, dans des versions différentes (1988 pour la première édition en deux volumes, 2009 pour l’édition en album double)
- Live at the BBC (1994) et On Air - Live at the BBC Volume 2 (2013)
- Anthology 1 (1995), 2 (1996) et 3 (1996)
- Yellow Submarine Songtrack (1999)
- 1 (2000) et 1+ (2015)
- Let It Be... Naked - version remixée de Let It Be en réduisant les arrangements au minimum, et avec une liste de titres différente (2003)
- Love - trame sonore du spectacle du Cirque du Soleil (2006)
Filmographie
Films officiels
- A Hard Day's Night, film musical de Richard Lester () : acteurs.
- Help!, film musical de Richard Lester () : acteurs.
- Magical Mystery Tour, téléfilm musical réalisé par Bernard Knowles et les Beatles () : acteurs et producteurs.
- Yellow Submarine, film d’animation de George Dunning () : producteurs.
- Let It Be, documentaire musical de Michael Lindsay-Hogg () : producteurs et sujets du documentaire.
Documentaires notables
- 1982 : The Compleat Beatles (en), produit par Patrick Montgomery (en) et avec Malcolm McDowell à la narration, explore la carrière des Fab Four à travers de nombreuses interviews de proches et collaborateurs[330].
- 1995 : The Beatles Anthology raconte l’histoire des Beatles par l’entremise d’entrevues avec des membres du groupe et des gens de leur entourage.
- 2009 : How the Beatles Rocked the Kremlin, réalisé par Leslie Woodhead (en), examine l’influence des Beatles sur la jeunesse et la société derrière le rideau de fer[331].
- 2013 : Good Ol’ Freda, réalisé par Ryan White, ce documentaire raconte la carrière des Beatles vécue par la responsable du fan club du groupe, Freda Kelly[332].
- 2016 : The Beatles: Eight Days a Week est construit à partir d’images des archives d’Apple et de séquences inédites récupérées de fans du monde entier et réalisé par Ron Howard. Ce film traite principalement des tournées du groupe à partir des spectacles au Cavern Club de Liverpool en 1962 jusqu’à leur dernier concert au Candlestick Park de San Francisco en 1966[333].
- 2017 : How the Beatles Changed the World, réalisé par Tom O'Dell, ce documentaire analyse l’impact musical et culturel que les Beatles ont eu sur le monde, à travers des interviews et des images d’archives du légendaire groupe britannique[334].
- 2021 : The Beatles: Get Back, une réalisation de Peter Jackson. Ce documentaire de près de huit heures, en trois épisodes, est constitué d'images, la plupart inédites, tournées en janvier 1969 lors de la réalisation du film Let It Be[335].
Autres
Séries d’animation
- The Beatles est une série de dessins animés, diffusée aux États-Unis entre et , faisant intervenir les quatre Beatles dans leur précédent style, c’est-à-dire sans moustaches ni lunettes. Les voix des personnages n'avaient plus rien en commun avec celles des Beatles, leur accent de Liverpool ayant été considéré comme difficilement compréhensible par le public américain. Chaque épisode comportait une chanson des « vrais » Beatles[336].
- Beat Bugs est une série animée par ordinateur, en onde depuis , qui met en scène des insectes anthropomorphiques dans un jardin de banlieue, où l’histoire est tirée d’une chanson du groupe qui est reprise pour les besoins de l’épisode par des chanteurs connus[210].
Vidéographie
- Au cours de leur carrière, des films promotionnels ont été tournés pour promouvoir certaines de leurs chansons. Ceux-ci ont été compilés dans la réédition de luxe du disque 1 publié le . Cette collection comprend aussi plusieurs clips créés à la suite de la séparation du groupe[337].
Films biographiques
- 1979 : Birth of the Beatles (en) de Richard Marquand raconte les débuts du groupes à Liverpool et Hambourg[338].
- 1994 : Backbeat, de Iain Softley, se rapporte à leurs séjours à Hambourg en 1960-61.
- 2000 : In His Life : The John Lennon Story (en), téléfilm de David Carson qui traite de l’adolescence de John Lennon.
- 2009 : Nowhere Boy, de Sam Taylor-Wood, traite de l’adolescence de John Lennon et de la genèse de sa carrière musicale.
- 2021 : Midas Man, de Jonas Åkerlund, traitera de la vie du manager Brian Epstein[339]
Films de fiction
- 1978 : I Wanna Hold Your Hand, de Robert Zemeckis, raconte les mésaventures d’adolescents qui tentent d’assister à la prestation des Beatles au Ed Sullivan Show lors de leur première tournée nord-américaine.
- 2000 : Le téléfilm Two of Us (en), réalisé par Michael Lindsay-Hogg et mettant en vedette Jared Harris dans le rôle de John Lennon et Aidan Quinn sous les traits de Paul McCartney, se déroule le , au moment où les deux ex-Beatles passent une journée ensemble à New York.
- 2007 : Across the Universe, de Julie Taymor, est une comédie musicale rythmée par 33 titres des Beatles, qui conte une histoire d’amour des années 1960 entre Jude (interprété par Jim Sturgess), jeune ouvrier de Liverpool venu aux États-Unis à la recherche de son père, et Lucy (interprétée par Evan Rachel Wood), belle blonde dont le frère est un étudiant révolté de Princeton.
- 2019 : Yesterday est une comédie, réalisée par Danny Boyle et écrite par Richard Curtis, qui raconte l’histoire de Jack, un musicien inconnu, (Himesh Patel) victime d’un accident de la route subi au même moment qu’une panne de courant affecte la planète entière. Subséquemment, il devient le seul à connaître les Beatles et leurs chansons ce qui lui permet de devenir une vedette de la musique[340].
Notes et références
Notes
- Bien que l’album Let It Be soit sorti en 1970, il a été principalement enregistré l’année précédente.
- Cinq albums différents publiés entre 1995 et 2006 ont atteint le no 1 des palmarès britannique et américain.
- Utilisant quelquefois la graphie « Beetles ».
- Quatorze ans plus tard, les membres du groupe punk The Ramones emprunteront ce nom. Source : https://www.rollingstone.com/culture/culture-news/the-curse-of-the-ramones-165741/.
- Le 15 octobre 1960, Lu Walters, bassiste du groupe Rory Storm and The Hurricanes, invite Ringo Starr, le batteur de ce groupe, accompagné de Lennon, McCartney et Harrison, pour enregistrer la chanson Summertime chez Akustik, un studio amateur de Hambourg. Cet enregistrement 78 tours est aujourd'hui disparu.
- Ce contrat est mis aux enchères chez Sotheby's en 2019 et adjugé 275 000 £. Source : The Guardian, https://www.theguardian.com/music/2019/jul/10/the-beatles-first-contract-with-manager-brian-epstein-sells-for-275k
- Le groupe devra retourner en studio à Hambourg afin de se défaire du contrat qui les lie à Bert Kaempfert. Source : Joe Goodden, https://www.beatlesbible.com/1962/05/24/recording-sweet-georgia-brown-swanee-river/
- Un album, qui comprend 12 à 14 chansons, rapporterait 6 ou 7 pence.
- Respectivement des valeurs approximatives de 16 000 £ et 8 000 £ en 2020.
- À partir du second single, George Martin retirera les droits des chansons à Ardmore and Beechwood pour les offrir à Dick James.
- Ce sont deux des cinq titres publiés par le groupe où ce n'est pas lui qu’on entend « derrière les fûts ». Paul McCartney, également excellent batteur, remplace Starr sur Back in the U.S.S.R., Dear Prudence et The Ballad of John and Yoko. Certaines sources affirment aussi qu'il est le batteur sur Old Brown Shoe.
- La version avec Pete Best sera finalement incluse sur Anthology 1 en 1995, tandis que celle avec Ringo Starr, publiée aux USA pour la première fois en 1980 sur Rarities (bien que publiée en 45 tours au Canada en février 1963), sera placée sur Past Masters Volume One, compilation diffusée mondialement en 1988. Les bandes master ayant été effacées par Martin pour s’assurer que la version qu’il juge la meilleure soit toujours employée pour les publications subséquentes, c’est un repiquage du 45 tours qui sera utilisé pour ces compilations.
- Il n'est pas sûr que celle-ci a été enregistrée, mais si oui, cet enregistrement est aujourd'hui disparu.
- C’est la raison pour laquelle cette chanson n'est pas incluse dans l’album 1 publié en 2000.
- Un peintre en lettres de Liverpool et frère de Brian O'Hara, guitariste des Fourmost.
- Source :https://www.beatlesbible.com/discography/france/
- Une autre membrane, avec le mot « Love » peint en jaune sur un fond orangé, est utilisée dans le film Magical Mystery Tour.
- Plus de 35 000 $US en 2020. Source https://www.in2013dollars.com/us/inflation/1964?amount=4200
- Le E.P. Yesterday fut d’ailleurs édité avec chaque membre du groupe chantant une des chansons.
- Le palmarès hebdomadaire de la BBC ne jouait que l’un des deux titres, en alternance chaque semaine avec l’autre. Day Tripper y fut donc diffusé trois fois et We Can Work It Out deux seulement. Il aurait été suicidaire pour tout autre groupe de disperser ainsi l’attention de son public sur deux chansons nouvelles en même temps.
- « Trop de gens prêchent des pratiques, ne les laissez pas vous dire qui vous voulez être. »
- Il dit, à propos de son ex-ami : « The only thing you done was Yesterday » (« La seule chose que tu as faite, c’était Yesterday », jeu de mots entre « hier » et le titre de la chanson no 1 en 1965) et « Those freaks was right when they said you was dead » (« Ces maboules avaient raison de dire que tu étais mort »).
- C’est notamment le cas de Yesterday dont on compte plus de 3000 versions.
- Voir The Beatles tribute albums pour une liste des albums hommages.
- Starr dans Le Pinceau qui tue, le 18e épisode de la saison 2, Harrison dans Le Quatuor d'Homer, le premier épisode de la saison 5, et finalement McCartney dans Lisa la végétarienne, le 5e de la saison 7. John Lennon est aperçu dans Simpson Horror Show XIX, le 4e épisode de la saison 20, mais sa voix est imitée par Hank Azaria (https://www.imdb.com/title/tt1291168/), un des acteurs principaux de la série.
- Le premier est joué par le musicien et acteur Les Brown, Jr. (en) et les trois autres, par les membres du groupe The Wellingtons (en), les mêmes qui chantent la chanson-thème de la série.
- Odeon publiera des versions différentes de ces disques au Japon.
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Liens externes
- (en) Site officiel
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