Député de la Loire, il soutient le retour du général de Gaulle au pouvoir dans le cadre de la crise de . Mais partisan déterminé de l’Algérie française, il cofonde un nouveau Conseil national de la Résistance, ce qui le conduit à s’exiler. Rentré en France en 1968, il ne retrouve pas de responsabilités de premier plan. Une rumeur fait de lui l'un des cofondateurs du Front national avec Jean-Marie Le Pen en 1972, dont il se serait éloigné au bout de quelques semaines.
Georges Augustin Bidault[1] est le fils de Georges Bidault (1848-), agent d'assurances et petit propriétaire terrien[2] à Moulins (Allier) et de Louise Françoise Augustine Traverse (née le 10 juillet 1860 à Thoissey dans l'Ain et morte le 17 juin 1901 à Moulins)[3],[4],[5].
Il fait partie d'une fratrie de six enfants. Il a trois sœurs : Marcelle Bidault (1901-1975)[6], également membre de la Résistance, Marie Marguerite Edwige Bidault[7] et Elisabeth Hélène Marie Bidault[8], ainsi que deux frères : François Louis Bidault[9] et Paul Philibert Bidault (né le 14 août 1882 à Moulins et mort le 24 octobre 1957)[10].
De 1926 à 1931, Georges Bidault est affecté à Reims[14], il y noue des liens étroits avec l'un de ses élèves, le futur sociologueRoger Caillois qui, en 1971 écrit, à son ancien professeur : « L'Histoire est, de loin, la moindre part de l'enseignement que j'ai reçu de vous. Vous m'avez appris bien davantage du côté du style et de la conduite de vie. »[15]. Nommé ensuite de 1931 à 1940 au lycée Louis-le-Grand, à Paris, il a pour élèves Jean Ferniot et Jean d'Ormesson, qui évoquera plus tard « l'éloquence froide » de son professeur et son « originalité d'esprit »[16].
En avril 1936, il est candidat du PDP aux élections législatives, dans la circonscription de Domfront (Orne) contre le député sortant Georges Roulleaux-Dugage, un notable catholique et conservateur, mais il est battu dès le premier tour, obtenant 25 % des suffrages exprimés[19]. Le , avec Francisque Gay, il lance les Nouvelles Équipes françaises, destinées à rassembler la mouvance démocrate-chrétienne.
C'est comme éditorialiste du quotidien catholique L'Aube à partir de 1934 que Georges Bidault se fait connaître. Il en devient le rédacteur en chef. La qualité de sa plume et de ses analyses lui vaut une influence qui dépasse celle du journal, comme en témoigne un jugement de Paul Reynaud en 1938 : « Il n'est pas un parlementaire digne de ce nom […] qui, à propos d'un problème d'actualité, ne lise L'Aube pour savoir ce qu'en pense Georges Bidault »[20].
L'historienJean-Pierre Rioux définit en 1983 son apport aux débats politiques des années 1930 : « Les droits de l'homme, une presse propre, un solide parlementarisme et la représentation proportionnelle : (...) toute une génération d'hommes neufs résume ainsi son sens du bien commun et du service public. Nombre d'entre eux l'ont appris en lisant Bidault »[21].
Georges Bidault poursuit ses polémiques avec l'Action française. En , il s'élève contre l'élection de Charles Maurras à l'Académie française, y voyant « le pouvoir de l'insulte sur la lâcheté », dans un éditorial intitulé « Le provocateur au meurtre sous la Coupole »[22].
Les questions de politique étrangère occupent une place croissante dans ses éditoriaux. Il observe avec inquiétude la consolidation du régime hitlérien : « Quand Hindenburg abandonna Brüning, il choisissait sans le savoir dans le Walhalla son exécuteur testamentaire »[23]. Il assimile l'Allemagne de la nuit des Longs Couteaux à « un ilote en proie à l'ivresse »[24].
Georges Bidault est mobilisé sur sa demande en avec le grade de sergent. Il participe à la bataille de France et est fait prisonnier à Soissons le [5]. Il est ensuite libéré en en sa qualité d'ancien combattant de la guerre de 1914-1918. Il s'installe alors en zone sud en et est affecté au lycée du Parc, à Lyon[25].
Au printemps 1943, en accord avec Jean Moulin, il entre au comité directeur du mouvement Front national de zone sud. En , il est membre du Conseil national de la Résistance (CNR) à sa fondation et Georges Bidault y représente le PDP. Il vit dans la clandestinité et quitte Lyon pour aller vivre à Paris.
En , il est élu président du CNR à la suite de la disparition de Jean Moulin.
Georges Bidault, à la droite du général de Gaulle, lors du défilé du .
Le , lors du défilé de la libération de Paris, Georges Bidault descend les Champs-Élysées, derrière le général de Gaulle, avec d’autres membres de la résistance intérieure. Celui-ci lui aurait alors lancé « Redressez-vous, Bidault ! », puis, lorsque Bidault s’avança pour marcher sur la même ligne que le général, « Monsieur, un peu en arrière, s’il vous plaît », refusant de voir dans le chef de la résistance intérieure son égal[29]. Après avoir fondé un nouveau CNR en 1962, Georges Bidault sera effacé de ces images[30].
Il est l'un des fondateurs du Mouvement républicain populaire (MRP, ), principale force politique chrétienne-démocrate qui ait jamais existé en France. Il en devient président d’honneur en [5].
Partisan de l'Algérie française, il s’oppose à toute création d’un exécutif algérien en 1957. C'est l'un des 80 députés qui votent l'« amendement Salan » selon lequel le gouvernement peut procéder à des appels sous les drapeaux des citoyens français appartenant à la disponibilité et à la première réserve domiciliés en Algérie.
Le 7 août 1957, Georges Bidault écrit dans Carrefour, hebdomadaire auquel il collabore régulièrement, que « si nous disons oui à une solution non française en Algérie, […] ce ne sont pas des jours d’amertume que nous nous préparons : c’est cinquante ans de décadence. Nous n’aurions pas consenti seulement à une nouvelle amputation du patrimoine national : nous aurions consenti à sa disparition totale prochaine. »[32]
En , il vote l’investiture du gouvernement du général de Gaulle. Il se sépare du MRP et crée la Démocratie chrétienne de France qui n’aura qu’un succès électoral limité.
Par la suite, l'ancien chef du CNR constate que le général de Gaulle s'oriente vers le retrait de la France en Algérie. Engagement qui découle de ce serment solennellement prononcé le 29 juin 1961 à l'Assemblée nationale : « Nous resterons fidèles à ceux qui sont fidèles à la terre française d'au-delà de la Méditerranée, à la continuité de notre destin. Rien ni personne ne nous arrachera du cœur ce qui est à la fois la vocation et le devoir de la France : garder aux Français d'Algérie, quelle que soit leur confession ou leur communauté, leur terre, leurs morts et leur drapeau. (Applaudissements prolongés au centre droit, à droite, sur de nombreux bancs au centre gauche et sur quelques bancs à gauche.) »
Et c'est en ces termes forts qu'il réagit à l'annonce de la signature des accords d'Evian, dans Carrefour du 21 mars 1962 :
« J'ai fait effort pour parler, avec une modération dont je me reproche l'excès, d'une abdication qui n'est pas humainement pardonnable. Quinze départements livrés d'un seul coup. Des garanties qui n'existent pas. Une « fumisterie » sinistre. L’abaissement des consciences et la mutilation de la patrie. Cette prodition, ce reniement, la miséricorde divine, qui sait ce qu’il y a de faiblesse au sein de l’orgueil peut seule faire au jour du jugement ce que la nation même unanime est hors d’état d’accomplir : pardonner.
Nous sommes à l’heure H. C’est vrai. L’heure de la honte. L’heure du reniement. L’heure de la trahison.
A celui et à ceux qui ont accompli cet acte impardonnable sur terre, il faut appliquer, même sans user du fer rouge, mais pour perpétuelle mémoire, le verdict énoncé par de Gaulle il y a vingt ans : « Malheur à ceux qui ont joué la défaite ! IL VAUDRAIT MIEUX POUR EUX QU’ILS NE FUSSENT JAMAIS NES. »[33] »
Accusé d'avoir participé à l'OAS à la suite de la découverte de documents du général Salan, il s'en est toujours défendu bien que s'affirmant pour une Algérie française et ne condamnant pas fermement l'organisation[34]. Néanmoins, en , au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, son immunité parlementaire est levée en raison de ces activités subversives[34].
Il quitte la France en 1963. Menant une vie clandestine, et apprenant l’enlèvement du colonel Antoine Argoud à Munich par des hommes des services spéciaux français, Georges Bidault publie un article virulent et est expulsé d’Allemagne ; le Portugal l’expulse à son tour vers le Brésil, où il passera, avec son épouse, plus de quatre ans.
Il s'installe en Belgique en 1967, et, à la suite de l'amnistie des anciens responsables de l'OAS en 1968 (conséquence inattendue des événements de mai 1968), rentre en France en juin de la même année. Il crée le Mouvement pour la justice et la liberté, qui soutient Alain Poher lors de l’élection présidentielle française de 1969.
Le , il aurait participé à la création du Front national sous l'égide d'Ordre nouveau et s'en serait retiré au bout de quelques jours, le 8 ou le 12[35], refusant « le compagnonnage des « petites frappes fascistes » d'Alain Robert »[36]. Cependant, selon Maxime Tandonnet, il n’en aurait jamais fait partie. La confusion viendrait de la présence de Guy Ribeaud, qui l'avait accompagné dans son exil, à la réunion fondatrice du Front national, initiative dont se serait désolidarisé Georges Bidault[37]. « Ainsi, contrairement à une rumeur ou une légende, cyniquement entretenue, Georges Bidault n’a jamais appartenu, ni de près ni de loin, au Front national, pas plus qu’il n’a été membre de l’OAS[38] », écrit le biographe.
Le , dans le 7e arrondissement de Paris, Georges Bidault épouse la résistante Suzanne Borel, première femme à avoir été attachée d'ambassade en 1930, et qui devint directrice adjointe de son cabinet[11]. Elle a largement inspiré le personnage de « Mademoiselle Crapotte » dans le roman autobiographique La Fin des ambassades de son collègue, le diplomate-écrivainRoger Peyrefitte (Roger Peyrefitte s'y moque aussi du côté « petit prof » de Georges Bidault). Suzanne Borel apparaît également dans les Propos secrets de Peyrefitte.
↑Le patronyme « Bidault » vient de « Bidwald », un ancien prénom d'origine germanique composé de « bid » signifiant « espoir », et de « wald » signifiant « qui gouverne ». C'est dans le Loiret que le patronyme est le plus répandu, ainsi que dans la Saône-et-Loire.
↑Georgette Elgey, Histoire de la IVe République, première partie : la république des illusions (1945-1951), Fayard, (ISBN978-2-2130-3023-4), partie préliminaire : la République avec le général de Gaulle (mai 1945-20 janvier 1946), chap. I (« Les deux forces »)
↑Laurent de Boissieu, « L’ancien résistant Georges Bidault a-t-il été membre du Front national ? », sur la-croix.com, 23 février 2024 (consulté le 23 février 2024).
Jean-Rémy Bézias, « Prélude au conseil de l'Europe : la déclaration de Georges Bidault à la Haye (19 juillet 1948) », Guerres mondiales et conflits contemporains, 4/ 2005 (n° 220), p. 115-128 (lire en ligne).