Suzanne Borel (diplomate)

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Suzanne Borel
Suzanne Borel et Georges Bidault en 1946.
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Marie Nancy Suzanne BorelVoir et modifier les données sur Wikidata
Surnom
Suzy Borel
Nationalité
Formation
Activités
Conjoint
Parentèle
Jules Fontan (d) (grand-père)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Distinctions
Archives conservées par
Archives diplomatiques (470PAAP)

Suzanne Borel, née le à Toulon et morte le à Louveciennes, est une écrivaine et diplomate française.

Elle est la première diplomate française professionnelle.

Biographie[modifier | modifier le code]

Famille et enfance[modifier | modifier le code]

Le père de Suzanne Borel, Élie, polytechnicien, est colonel du cadre colonial en retraite, et sa mère, née Louise Fontan, est la fille[1] d'un célèbre médecin général de la Marine, le Pr Jules Fontan, qui fut l'auteur en 1900 de la première suture cardiaque faite avec succès[2].

Elle passe son enfance dans plusieurs pays (France, Sénégal, Madagascar et Vietnam)[3], la famille suivant son père en fonction de ses affectations[4].

Formation[modifier | modifier le code]

Titulaire d'une licence ès lettres (philosophie)[3] de la Sorbonne, diplômée de chinois de l’École nationale des langues orientales[3], élève de l'École libre des sciences politiques, Suzanne Borel réussit après une première tentative infructueuse en 1929[3] le concours du Quai d'Orsay[5], malgré plusieurs obstacles (un huissier du ministère des Affaires étrangères refusa ainsi initialement sa candidature au motif qu'elle n'avait pas réalisé son service militaire, chose pourtant impossible pour les femmes à l'époque[3]).

Début de carrière diplomatique[modifier | modifier le code]

À sa prise de fonction, le directeur du personnel explique à Suzanne Borel que seul un rôle dans la presse, le service de la Société des Nations et le service des Œuvres lui est possible et que donc les services politiques ne lui sont pas accessibles[3]. Son professeur et ami André Siegfried lui confie : « Vous êtes reçue ; maintenant il faut vous faire admettre »[3]. Elle débute ainsi au service des Œuvres, où elle reste pendant 9 ans[3]. De fait, elle devient la première femme nommée attachée d’ambassade, le [6]. Sa nomination provoque un recours de l’Association des agents du ministère des Affaires étrangères devant le Conseil d’État, la réglementation ne prévoyant pas la possibilité de nommer des femmes[7]. Un décret gouvernemental de 1928 avait certes ouvert les concours de la diplomatie aux femmes, mais en leur interdisant de prétendre à des postes à l'étranger[3]. Elle devient secrétaire d’ambassade de deuxième classe au 30 juin 1933[5]. En 1934, elle est nommée ministre plénipotentiaire[8] mais sa carrière est entravée, faute d'être citoyenne de plein droit (les femmes ne pourront voter qu'à partir de 1944). Le recours de ses collègues masculins devant le Conseil d'État conduit le ministère à ne plus recruter de femmes diplomates jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 1944, toutes les carrières du ministère sont ouvertes aux femmes, même s'il subsiste un plafond de verre[9].

Au service des Œuvres, elle prend part à la création du Festival de Cannes lorsque la Mostra de Venise est sujet à controverse en 1938[10]. Elle est membre du jury des festivals de 1949, 1951 et 1952[11].

Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Benjamin Crémieux invite Suzanne Borel à faire partie du service « Propagande et journaux » du réseau Combat en mai 1942[12]. Sa position au ministère des Affaires étrangères lui permet d’accéder à de nombreuses informations et elle rejoint divers réseaux de Résistance (NAP et Super-NAP, Combat, Martial-Armand), en dépit de leurs rivalités et appartenances politiques[13]. Après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, elle rejoint le réseau Martial-Armand[12] et c'est la valise diplomatique de Madrid qui lui permet de partager des informations et d'organiser des évasions vers la France libre[13]. En 1944, ces réseaux sont peu à peu démantelés et elle quitte Vichy pour échapper de justesse à l’occupant et se réfugier à Hyères en mai 1944[14].

Retour au Quai d'Orsay[modifier | modifier le code]

Georges Bidault, le nouveau ministre des Affaires étrangères, demande à Suzanne Borel de rejoindre son cabinet à la Libération de la France, le 22 septembre 1944[14]. C'est sur les recommandations de Marcelle Campana que Georges Bidault la nomme directrice adjointe aux Affaires étrangères[15]. Elle est enfin assimilée, administrativement parlant, à l'ensemble de ses camarades de promotion[16]. Georges Bidault lui promet un poste à la légation de Kiev lors de sa nomination et elle voyage à Washington puis Londres en août et septembre 1945 respectivement[17]. Son mariage avec Bidault met fin à tout espoir de devenir ambassadrice, puisque le protocole ne permet pas aux femmes mariées de postuler à ce poste[18] et qu'elle ne peut cumuler les deux rôles en raison des exigences de représentation[19]. Elle se met en disponibilité à partir du 26 décembre 1945[19].

Elle occupe au ministère diverses fonctions (service des Œuvres françaises à l’étranger, au premier cabinet de Georges Bidault, ou plus tard l’OFPRA créé en 1952).

Alors à Bordeaux pour un congrès en avril 1961, elle découvre que son mari se cache à la suite du putsch des généraux[20], puisque celui-ci est partisan de l’Algérie française. Elle reste sans nouvelles de lui jusqu'au mois de mars 1962, où Georges Bidault la rencontre à Zurich[20]. Elle assiste à la création du Conseil national de la Résistance et quitte Zurich le 1er mai[20]. À son arrivée à Paris, elle est interrogée pendant sept heures par la sûreté nationale[20].

Ne se considérant pas comme féministe[21], elle écrit dans son autobiographie Par une porte entrebâillée : « Je suis simplement une femme qui a le goût de la justice, qui pense que les femmes sont plus capables qu'on ne l’a cru longtemps, et qu'il n’est que juste qu'on leur donne leur chance »[3].

Vie privée[modifier | modifier le code]

En décembre 1945, Suzanne Borel et Georges Bidault se marient[22]. Son mari occupe durant la majeure partie de la IVe République les fonctions de ministre des Affaires étrangères ou de chef du gouvernement.

Dans la littérature[modifier | modifier le code]

Suzanne Borel a inspiré à son collègue le diplomate-écrivain Roger Peyrefitte - tous deux liés par une détestation réciproque - le personnage de « Mademoiselle Crapote » dans La Fin des ambassades (1953)[21] ; il évoque ainsi des hommes diplomates qui la ridiculisent en la surnommant « la crapucelle d'Orléans »[8]. Elle apparaît également dans ses Propos secrets (tome I, 1977), où il évoque entre autres un épisode qui eut pour cadre le château de Rochecotte à Saint-Patrice (Indre-et-Loire), séjour forcé de quelques diplomates et fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères à l'été 1940.

Publications[modifier | modifier le code]

Décorations[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Élodie Lejeune, Suzanne Bidault : une pionnière oubliée : Essai biographique sur la première femme diplomate française (1930-1962), université Paris I, (lire en ligne)[7]
  • Élodie Lejeune, Suzanne Bidault : une pionnière oubliée, vol. 118, Relations internationales, (lire en ligne), p. 139–154
  • Françoise Gaspard, « Les femmes dans les relations internationales », Politique étrangère,‎ , p. 3-4
  • Yves Denéchère (dir.) et Élodie Lejeune, Femmes et diplomatie : France : XXe siècle, Bruxelles, Peter Lang, , 200 p. (ISBN 90-5201-233-4, lire en ligne), chap. 2 (« Suzanne Borel, une pionnière »)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Fiche "Louise Fontan" », sur Geneanet (consulté le )
  2. « Antoine Émile Jules Fontan », sur cths.fr (consulté en ).
  3. a b c d e f g h i et j « La pionnière : Suzanne Borel, première femme diplomate en France », sur diplomatie.gouv.fr (consulté en ).
  4. Lejeune 2004, p. 139
  5. a et b Claude Sarraute, « Mme Georges Bidault, ministre plénipotentiaire », sur Le Monde diplomatique, (consulté le )
  6. Marc Semo, « Le Quai d’Orsay mis à l’amende pour non-respect des quotas de femmes », sur lemonde.fr, (consulté le )
  7. a et b « Institut Pierre Renouvin | Axe - IPR », sur ipr.pantheonsorbonne.fr (consulté le )
  8. a et b Franck Renaud et Jean-Baptiste Roques, « Les conquérantes du quai d'Orsay », Vanity Fair, no 9,‎ , p. 152-157, 216-217.
  9. « Les femmes "diplomates" en Europe de 1815 à nos jours », sur Écrire une histoire nouvelle de l'Europe (consulté le ).
  10. Lejeune 2004, p. 145
  11. « Madame Georges BIDAULT - Festival de Cannes 2023 », sur www.festival-cannes.com (consulté le )
  12. a et b Lejeune 2004, p. 146
  13. a et b Denéchère 2004, p. 78
  14. a et b Denéchère 2004, p. 77
  15. Denéchère 2005, p. 79
  16. Élodie Lejeune, « Suzanne Bidault : une pionnière oubliée », Relations internationales, no 118,‎ , p. 139–154 (ISSN 0335-2013, lire en ligne, consulté le )
  17. Denéchère 2004, p. 81
  18. « Trois vedettes de la diplomatie » Accès libre, sur Gallica, La Femme, (consulté le ), p. 14
  19. a et b Denéchère 2004, p. 82
  20. a b c et d Lejeune 2004, p. 152
  21. a et b Yves Denéchère, « La place et le rôle des femmes dans la politique étrangère de la France contemporaine », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2003/2 (n°78), p. 89-98.
  22. Lejeune 2004, p. 149
  23. a b et c « La diplomatie sans faiblesse: Suzy Bidault n'est plus », L'Amicale du M.R.P.,‎ (lire en ligne Accès libre [PDF])
  24. Ordre de la Libération, « Médaille de la Résistance française avec rosette - fiche Suzanne Marie Nancy BOREL » (consulté le )

Article connexe[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]