« Honoré de Balzac » : différence entre les versions

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{{Voir homonymes|Balzac (homonymie)}}
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{{Voir_homonymes|Balzac (homonymie)}}
| charte = écrivain
{{Infobox Écrivain
| nom = Honoré de Balzac
| nom = Honoré de Balzac
| image = HBalzac original.jpg
| image = Honoré de Balzac (1842) Detail.jpg
| légende = Portrait par [[Louis-Auguste Bisson]] (1842)
| légende = Honoré de Balzac en 1842<br />([[Balzac et le daguerréotype|daguerréotype]] de [[Louis-Auguste Bisson]]).
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| lieu de décès = [[Ancien 1er arrondissement de Paris]]
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| activités = [[Roman (littérature)|Romancier]]<br />[[Dramaturge]]<br />[[Journaliste]]<br />[[Imprimerie|Imprimeur]]<br />[[Critique littéraire]]
| activités = [[Roman (littérature)|Romancier]]<br />[[Journaliste]]<br />[[Imprimerie|Imprimeur]]<br />[[Critique littéraire]]
| date de naissance = {{date de naissance|20|mai|1799}}
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| adjectifs dérivés = « [[wikt:balzacien|Balzacien]] »
| langue = [[Français]]
| œuvres principales = * ''[[La Comédie humaine]]'' (cycle romanesque) (1831-1850)
| mouvement = [[Réalisme (littérature)|réalisme]] visionnaire
** ''[[Les Chouans]]'', 1829
| genre =
** ''[[La Peau de chagrin]]'', 1831
| distinctions = Chevalier de la [[Ordre national de la Légion d'honneur|Légion d'honneur]]<br />Fondateur et président de la [[Société des gens de lettres]]
** ''[[Eugénie Grandet]]'', 1833
| adjectifs dérivés = balzacien
** ''[[Le Père Goriot]]'', 1835
| œuvres principales = * ''[[La Comédie humaine]]'' (cycle romanesque), ([[1831]]-[[1850]])
** ''[[Les Chouans]]'', [[1829]]
** ''[[Le Colonel Chabert]]'', 1832
** ''[[La Peau de chagrin]]'', [[1831]]
** ''[[Le Lys dans la vallée]]'', 1836
** ''[[Eugénie Grandet]]'', [[1833]]
** ''[[La Rabouilleuse]]'', 1842
** ''[[Le Père Goriot]]'', [[1835]]
** ''[[Illusions perdues]]'', 1837-1843
** ''[[Le Colonel Chabert]]'', [[1835]]
** ''[[Splendeurs et misères des courtisanes]]'', 1838-1846
** ''[[Le Lys dans la vallée]]'', [[1836]]
** ''[[La Cousine Bette]]'', 1846
| distinction = {{Déco CLH}} <small>(1845)</small>
** ''[[Illusions perdues]]'', [[1837]]-[[1843]]
| complément = ''[[La Comédie humaine]]'' a été publiée en vingt volumes illustrés de [[1842 en littérature|1842]] à [[1852 en littérature|1852]] par [[Charles Furne]] en association avec Houssiaux, [[Pierre-Jules Hetzel|Hetzel]], [[Jacques-Julien Dubochet|Dubochet]] et Paulin.
** ''[[Splendeurs et misères des courtisanes]]'', [[1838]]-[[1846]]
| signature = Honoré de Balzac signature c1842-43.svg
| complément = ''[[La Comédie humaine]]'' a été publiée en vingt volumes illustrés de [[1842 en littérature|1842]] à [[1852 en littérature|1852]] par [[Charles Furne]] en association avec Houssiaux, [[Pierre-Jules Hetzel|Hetzel]], [[Jacques-Julien Dubochet|Dubochet]] et Paulin.
| signature = Honoré de Balzac signature c1842-43.svg
| employeur = [[La Presse (France)|La Presse]]
}}
}}


'''Honoré de Balzac''', '''Honoré Balzac''' à [[Tours]] le {{date de naissance|20|mai|1799}} ({{1er}} [[prairial]] [[an VII]] du [[calendrier républicain]]), et mort à [[Paris]] le {{date de décès|18|août|1850|20|mai|1799}}, est un [[écrivain]] [[France|français]]. [[Roman (littérature)|Romancier]], [[dramaturge]], [[critique littéraire]], [[critique d'art]], [[essai|essayiste]], [[journaliste]] et [[imprimerie|imprimeur]], il a laissé l'une des plus imposantes œuvres [[roman (littérature)|romanesques]] de la littérature française, avec plus de quatre-vingt-dix romans et nouvelles parus de [[1829 en littérature|1829]] à [[1855 en littérature|1855]], réunis sous le titre ''[[La Comédie humaine]]''. À cela s'ajoutent ''[[Les Cent Contes drolatiques]]'', ainsi que des romans de jeunesse publiés sous des pseudonymes et quelque vingt-cinq œuvres ébauchées.
'''Honoré de Balzac''', [[nom de plume]] d''''Honoré Balzac'''<ref group="n">Balzac ajoutera la particule en 1831, deux ans après la mort de son père.</ref>, né le {{date-|20|mai|1799}} ({{1er}} [[prairial]] [[an VII]] du [[calendrier républicain]]) à [[Tours]] et mort le {{date-|18|août|1850}} à [[Paris]], est un [[écrivain]] [[France|français]]. [[Roman (littérature)|Romancier]], [[critique d'art]], [[dramaturge]], [[critique littéraire]], [[essai (littérature)|essayiste]], [[journaliste]] et [[imprimerie|imprimeur]], il a laissé l'une des plus imposantes œuvres romanesques de la littérature française, avec plus de quatre-vingt-dix romans et nouvelles parus de [[1829 en littérature|1829]] à [[1855 en littérature|1855]], réunis sous le titre de ''[[La Comédie humaine]]''. À cela s'ajoutent ''[[Les Cent Contes drolatiques]]'', ainsi que des romans de jeunesse publiés sous des pseudonymes et quelque vingt-cinq œuvres ébauchées.


Il est un maître du [[roman (littérature)|roman]] français, dont il a abordé plusieurs genres, du roman philosophique avec ''[[Le Chef-d'œuvre inconnu]]'' au roman [[fantastique]] avec ''[[La Peau de chagrin]]'' ou encore au roman [[poésie|poétique]] avec ''[[Le Lys dans la vallée]]''. Il a surtout excellé dans la veine du [[réalisme (littérature)|réalisme]], avec notamment ''[[Le Père Goriot]]'' et ''[[Eugénie Grandet]]'', mais il s'agit d'un réalisme visionnaire, que transcende la puissance de son imagination créatrice.
Il est un maître du roman français, dont il a abordé plusieurs genres, du roman philosophique avec ''[[Le Chef-d'œuvre inconnu]]'' au roman [[fantastique]] avec ''[[La Peau de chagrin]]'' ou encore au roman [[poésie|poétique]] avec ''[[Le Lys dans la vallée]]''. Il a surtout excellé dans la veine du [[réalisme (littérature)|réalisme]], avec notamment ''[[Le Père Goriot]]'' et ''[[Eugénie Grandet]].''


Comme il l'explique dans son ''[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-Propos à ''La Comédie humaine'']]'', il a pour projet d'identifier les {{citation|Espèces sociales}} de son époque, tout comme [[Georges-Louis Leclerc de Buffon|Buffon]] avait identifié les espèces zoologiques. Ayant découvert par ses lectures de [[Walter Scott]] que le roman pouvait atteindre à une {{citation|valeur philosophique}}, il veut explorer les différentes classes sociales et les individus qui les composent, afin {{citation|d'écrire l’histoire oubliée par tant d’historiens, celle des mœurs}} et {{Citation|faire concurrence à l'[[état civil]]}}.
Comme il l'explique dans son [[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|avant-propos à ''La Comédie humaine'']], il a pour projet d'identifier les {{citation|espèces sociales}} de son époque, tout comme [[Georges-Louis Leclerc de Buffon|Buffon]] avait identifié les espèces zoologiques. Ayant découvert par ses lectures de [[Walter Scott]] que le roman pouvait aspirer à une {{citation|valeur philosophique}}, il veut explorer les différentes classes sociales et les individus qui les composent afin d'{{citation|écrire l'histoire oubliée par tant d'historiens, celle des mœurs}} et de {{Citation|faire concurrence à l'[[état civil]]}}.


L'auteur décrit la montée du capitalisme et l'absorption par la bourgeoisie d'une noblesse incapable de s'adapter aux réalités nouvelles. Intéressé par les êtres qui ont un destin, il crée des personnages plus grands que nature, au point qu'on a pu dire que, dans ses romans, {{citation|chacun, même les portières, a du génie}}.
L'auteur décrit la montée du [[capitalisme]], l'essor de la [[bourgeoisie]] face à la [[noblesse]], dans une relation complexe faite de mépris et d'intérêts communs. Intéressé par les êtres qui ont un destin, il crée des personnages plus grands que nature : {{citation|Chacun, chez Balzac, même les portières, a du génie}} ([[Charles Baudelaire|Baudelaire]]).


Ses opinions politiques sont ambiguës : s’il affiche des convictions [[Légitimisme|légitimistes]] en pleine [[Monarchie de Juillet]], il s’est auparavant déclaré libéral, et défendra les ouvriers en 1840 et en 1848, même s'il ne leur accorde aucune place dans ses romans. Tout en professant des idées conservatrices, il a produit une œuvre admirée par [[Karl Marx|Marx]] et [[Friedrich Engels|Engels]], et qui invite par certains aspects à l'anarchisme et à la révolte.
Ses opinions politiques sont ambiguës : s'il affiche des convictions [[Légitimisme|légitimistes]] en pleine [[monarchie de Juillet]], il s'est auparavant déclaré libéral. Il défend les ouvriers en 1840 et en 1848, bien que ceux-ci ne soient dépeints que dans un seul de ses romans, ''[[L'Interdiction]]''. Tout en professant des idées conservatrices, il a produit une œuvre admirée par [[Karl Marx|Marx]] et [[Friedrich Engels|Engels]], et qui invite par certains aspects à l'[[anarchisme]] et à la révolte.


Outre sa production littéraire, il écrit des articles dans les journaux et dirige successivement deux revues, qui feront faillite. Convaincu de la haute mission de l'écrivain, qui doit régner par la pensée, il lutte pour le respect des droits d'auteur et contribue à la fondation de la [[Société des gens de lettres]].
Outre sa production littéraire, il a écrit des articles dans les journaux et a dirigé successivement deux revues, qui feront faillite. Convaincu de la haute mission de l'écrivain, qui doit régner par la pensée, il lutte pour le respect des droits d'auteur et contribue à la fondation de la [[Société des gens de lettres]].


Travailleur forcené, fragilisant par ses excès une santé précaire, endetté à la suite d'investissements hasardeux et de dépenses somptuaires, fuyant ses créanciers sous de faux noms dans différentes demeures, Balzac a aussi eu de nombreuses liaisons féminines avant d'épouser, en [[1850]], la [[Ewelina Hańska|comtesse Hańska]], qu'il avait courtisée pendant dix-sept ans. Comme l’argent qu’il gagnait avec sa plume ne suffisait pas à payer ses dettes, il avait sans cesse en tête des projets mirobolants : une imprimerie, un journal, une mine d'argent. C’est dans un palais situé [[Rue Balzac|rue Fortunée]] qu’il meurt profondément endetté au milieu d’un luxe inouï.
Travailleur forcené, fragilisant par ses excès une santé précaire, endetté à la suite d'investissements hasardeux et d'excès somptuaires, fuyant ses créanciers sous de faux noms dans différentes demeures, Balzac a aussi eu de nombreuses liaisons amoureuses, avant d'épouser en 1850 la [[Ewelina Hańska|comtesse Hańska]], qu'il avait courtisée pendant dix-sept ans. Comme l'argent qu'il gagnait avec sa plume ne suffisait pas à payer ses dettes, il avait sans cesse en tête des projets mirobolants : une imprimerie, un journal, une mine d'argent.


C'est dans un palais situé [[Rue Balzac|rue Fortunée]] qu'il meurt, profondément endetté, au milieu d'un luxe inouï.
Lu et admiré dans toute l'Europe, Balzac a fortement influencé les écrivains de son temps et du siècle suivant. Le roman ''[[L'Éducation sentimentale]]'' de [[Gustave Flaubert]] est directement inspiré du ''Lys dans la vallée'', et ''[[Madame Bovary]]'', de ''[[La Femme de trente ans]]''. Le principe du retour de personnages évoluant et se transformant au sein d'un vaste cycle romanesque a notamment inspiré [[Émile Zola]] et [[Marcel Proust]]. Ses œuvres continuent d'être rééditées. Le cinéma a adapté ''[[La Marâtre]]'' dès [[1906 au cinéma|1906]] ; depuis, les [[Films basés sur l'œuvre d'Honoré de Balzac|adaptations cinématographiques et télévisuelles]] de cette œuvre immense se sont multipliées, avec plus d'une centaine de films et téléfilms produits à travers le monde.

Lu et admiré dans toute l'[[Europe]], Balzac a fortement influencé les écrivains de son temps et du siècle suivant. Le roman ''[[L'Éducation sentimentale]]'' de [[Gustave Flaubert]] est directement inspiré du ''[[Le Lys dans la vallée|Lys dans la vallée]]'', et ''[[Madame Bovary]]'', de ''[[La Femme de trente ans]]''{{Référence nécessaire}}.

Le principe du retour de personnages évoluant et se transformant au sein d'un vaste cycle romanesque a notamment inspiré [[Émile Zola]] (1840-1902), [[Guy de Maupassant]] (1850-1893), [[Marcel Proust]] (1871-1922) et, à l'étranger, l'écrivain britannique [[Anthony Trollope]] (1815-1882). Ses œuvres continuent d'être rééditées. Le cinéma a adapté ''[[La Marâtre]]'' dès [[1906 au cinéma|1906]] ; depuis, les [[Films basés sur l'œuvre d'Honoré de Balzac|adaptations cinématographiques et télévisuelles]] de cette œuvre immense se sont multipliées, avec plus d'une centaine de films et de téléfilms produits à travers le monde.


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{{Sommaire|niveau=2}}
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== Biographie ==
== Biographie ==
=== Enfance et années de formation ===
=== Enfance et années de formation ===
Honoré de Balzac est le fils de Bernard-François Balssa<ref name="Maurois p7">{{Harvsp|Maurois 1965|p=7}}.</ref> (1746-1829), secrétaire au [[Conseil du roi de France|Conseil du roi]], directeur des vivres et des approvisionnements aux Armées, adjoint au maire et administrateur de l’hospice de [[Tours]], et d'Anne-Charlotte-Laure Sallambier (1778-1854), issue d'une famille parisienne de [[Passementerie|passementiers]] du [[Le Marais (quartier parisien)|quartier du Marais]]<ref name="Sipriot p41">{{Harvsp|Sipriot 1992|p=41}}.</ref>. Bernard-François Balssa transforma le nom originel de la famille en Balzac, par une démarche faite à [[Paris]] entre 1771 et 1783, soit avant la [[Révolution française|Révolution]]<ref group="n">{{Harvsp|Dega 1998}}. Voir {{Harvsp|Dieudonné 1999|p=27-32}} ; {{Harvsp|Arnaud 1923|p=75}} ; ICC, 1958, 523 ; France Généalogique 1969 ; [[Généalogie d'Honoré de Balzac]].
[[Fichier:Trinite StMartin.JPG|vignette|[[Abbaye de la Trinité de Vendôme|La Trinité]] et le clocher St Martin de [[Vendôme]].|alt=Paysage d'hiver, arbres partiellement dénudés, avec une église gothique, chœur avec arcs-boutants toit en ardoise, surmontée d'une flèche pointue recouverte aussi d'ardoises, et un clocher conique en pierre ; au premier plan un bassin d'eau verte]]


Honoré de Balzac est le fils de Bernard-François Balssa<ref name="Maurois p7">{{Harvsp|Maurois 1965|p=7}}.</ref>, secrétaire au [[Conseil du roi de France|conseil du Roi]], directeur des vivres, maire adjoint et administrateur de l’hospice de [[Tours]], et d'Anne-Charlotte-Laure Sallambier, issue d'une famille de [[Passementerie|passementiers]] du [[Le Marais (quartier parisien)|Marais]]<ref name="Sipriot p41">{{Harvsp|Sipriot 1992|p=41}}.</ref>. Bernard-François Balssa transforma le nom originel de la famille en Balzac, par une démarche faite à Paris entre 1771 et 1783, soit avant la [[Révolution française|Révolution]]<ref group=n>{{Harvsp|Dega 1998}}. Voir {{Harvsp|Dieudonné 1999|p=27-32}} ; {{Harvsp|Arnaud 1923|p=75}} ; ICC, [[1958]], 523 ; France Généalogique [[1969]] ; [[Généalogie d'Honoré de Balzac]].<br>Le père de Balzac a prétendu {{Citation|être de la souche de la maison Balzac d'où venaient collatéralement les d'Entraigues}}, famille qui s'est illustrée par plusieurs femmes célèbres, dont [[Catherine Henriette de Balzac d'Entragues|Henriette]], maîtresse d'Henri IV {{Harv|Pierrot 1994|p=6}}. Lors de son voyage à [[Vienne (Autriche)|Vienne]] en 1835, l'écrivain fera peindre les [[Héraldique|armoiries]] de la famille d'Entragues sur la calèche louée pour l'occasion ({{Harvsp|Pierrot 1994|p=255}} ; {{Harvsp|Zweig 1950|p=7}}; reproduction dans {{Harvsp|Livre du centenaire|p=111}}).</ref>. Bernard-François avait trente-deux ans de plus que sa femme, qu'il a épousée en 1797, alors qu'elle n'avait que 18 ans. Il est athée et voltairien, tandis qu'elle est décrite comme {{citation|une mère mondaine et amorale<ref>{{harvsp|Bertault 1980}}</ref>}}, qui s'intéresse aux [[magnétiseur]]s et aux [[Illuminisme|illuministes]].
Le père de Balzac a prétendu {{Citation|être de la souche de la maison Balzac d'où venaient collatéralement les d'Entragues}}, famille qui s'est illustrée par plusieurs femmes célèbres, dont [[Catherine Henriette de Balzac d'Entragues|Henriette]], maîtresse d'Henri IV {{Harv|Pierrot 1994|p=6}}. Lors de son voyage à [[Vienne (Autriche)|Vienne]] en 1835, l'écrivain fera peindre les [[Héraldique|armoiries]] de la famille d'Entragues sur la calèche louée pour l'occasion ({{Harvsp|Pierrot 1994|p=255}} ; {{Harvsp|Zweig 1950|p=7}} ; reproduction dans {{Harvsp|Livre du centenaire|p=111}}).</ref>. Bernard-François avait trente-deux ans de plus que sa femme, qu'il avait épousée en 1797, alors qu'elle avait {{nobr|18 ans}}. Le père de Balzac se dit athée et [[Voltaire|voltairien]], tandis que sa mère est décrite comme {{citation|mondaine et amorale<ref>{{harvsp|Bertault 1980}}</ref>}}, s'intéressant aux [[magnétiseur]]s et aux [[Illuminisme|illuministes]].


Bernard-François est né le 22 juillet 1746 à la Nougayrié, commune de [[Montirat (Tarn)|Montirat]] dans le nord du département du [[Tarn (département)|Tarn]]. Il quittera rapidement la ferme familiale. On le retrouve en 1776, à l'âge de 30 ans, comme secrétaire d'un [[maître des requêtes]] du [[Conseil du roi de France|Conseil du Roi]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=Jean Ducourneau|titre=Album Pléiade Honoré de Balzac|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1962|isbn=9782071001001}}</ref>. Il travaille ensuite comme secrétaire général de la banque [[Daniel Doumerc]] à Paris ; c'est dans ce milieu qu'il rencontre les Sallambier dont il épouse l'une des filles. Le couple s'installe à Tours en 1798<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=11}}</ref>.
Né le 20 mai 1799, Honoré est mis en nourrice immédiatement et ne regagnera la maison familiale qu'au début de 1803. Cet épisode de la première enfance lui donnera le sentiment d'avoir été délaissé par sa mère, tout comme le sera le personnage de [[Félix de Vandenesse]], son « double » du ''[[Le Lys dans la vallée|Lys dans la vallée]]''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=18}}.</ref>. Il est l’aîné des quatre enfants du couple (Laure, Laurence et Henry). Sa sœur [[Laure Surville|Laure]], de seize mois sa cadette, est de loin sa préférée : il y a entre eux une complicité et une affection réciproque qui ne se démentiront jamais. Elle lui apportera son soutien à de nombreuses reprises : elle écrit avec lui<ref group=n>''Le voyage en coucou'' de Laure deviendra avec Balzac ''[[Un début dans la vie]]'' selon {{ouvrage|nom1=Macé|prénom1=Gérard|lien auteur1=Gérard Macé|titre=Un début dans la vie|éditeur=Folio classique|année=1976|passage=13}}.</ref>, et publiera la biographie de son frère en [[1858 en littérature|1858]]<ref>{{Harvsp|Surville 1858}}.</ref>.


Né dans cette ville le {{date-|20 mai 1799}} à 11 h 00 du matin au 25 de la rue de l'Armée d'Italie<ref>{{Lien web |titre=Archives de touraine |url=https://archives.touraine.fr/ark:/37621/245mz8d60xf1/cc6c3f39-6341-4d70-8ea4-f08f4aaa9c63}}</ref>, Honoré est mis en nourrice immédiatement, et ne regagnera la maison familiale qu'au début de 1803. Cet épisode de la première enfance lui donnera le sentiment d'avoir été délaissé et ignoré par sa mère, tout comme le sera le personnage de [[Félix de Vandenesse]], son « double » du ''[[Le Lys dans la vallée|Lys dans la vallée]]''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=18}}.</ref>.
De [[1807]] à [[1813]], Honoré est pensionnaire au collège des [[Congrégation de l'Oratoire|oratoriens]] de [[Vendôme]]<ref group=n>{{Harvsp|Maurois 1965|p=18}} : {{citation|Les [[Congrégation de l'Oratoire|oratoriens]] de [[Vendôme]] passaient pour des libéraux. Les deux hommes qui dirigeaient le collège au temps de Balzac (Mareschal et Dessaignes) avaient accepté de prêter serment à la nation. Tous deux s’étaient mariés tout en conservant leur foi catholique et ils maintenaient dans le collège une discipline presque conventuelle.}}.</ref>. Au cours des six ans qu'il y passe, sans jamais rentrer chez lui, même pour les vacances, le jeune Balzac dévore des livres de tout genre : la lecture était devenue pour lui {{Citation|une espèce de faim que rien ne pouvait assouvir [...] son œil embrassait sept à huit lignes d'un coup et son esprit en appréciait le sens avec une vélocité pareille à celle de son esprit<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=25}}.</ref>.}} Cependant, ces lectures, qui meublent son esprit et développent son imagination, ont pour effet d'induire chez lui une espèce de coma dû à {{citation|une congestion d'idées}}. La situation s'aggrave au point que, en avril 1813, les oratoriens s'inquiètent pour sa santé et le renvoient dans sa famille, fortement amaigri<ref group=n>{{Harvsp|Maurois 1965|p=26}}. Le héros de ''[[Louis Lambert]]'' présente de nombreux points communs avec le jeune collégien, selon {{Harvsp|Pierrot 1994|p=26-29}}.</ref>.


Honoré est l’aîné des quatre [[Enfant|enfants]] du couple (Honoré, Laure, Laurence et Henri). Sa sœur [[Laure Surville|Laure]], de seize mois sa cadette, est de loin sa préférée : il y a entre eux une [[complicité]] et une affection réciproque qui ne se démentiront jamais. Elle lui apportera son soutien à de nombreuses reprises : elle écrit avec lui<ref group="n">''Le Voyage en coucou'' de Laure deviendra avec Balzac ''[[Un début dans la vie]]'' selon {{Ouvrage|prénom1=Gérard|nom1=Macé|lien auteur1=Gérard Macé|titre=Un début dans la vie|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|collection=Folio classique|année=1976|passage=13|isbn=}}.</ref> et publiera la biographie de son frère en [[1858 en littérature|1858]]<ref>{{Harvsp|Surville 1858}}.</ref>.
De juillet à novembre 1814, il est externe au collège de [[Tours]]. Son père ayant été nommé directeur des vivres pour la Première division militaire, la famille déménage à Paris et s’installe au 40, [[rue du Temple]], dans le [[Le Marais (quartier parisien)|quartier du Marais]]. L'adolescent est admis comme interne à la pension Lepître, située [[rue de Turenne (Paris)|rue de Turenne]] à [[Paris]], puis en [[1815]] à l’institution de l’abbé Ganser, [[rue de Thorigny]]. Les élèves de ces deux institutions suivent en fait les cours du [[lycée Charlemagne]], où se trouve aussi [[Jules Michelet]], dont les résultats scolaires sont toutefois plus brillants que les siens<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=36}}.</ref>.


[[Fichier:Trinite StMartin.JPG|vignette|gauche|[[Abbaye de la Trinité de Vendôme|La Trinité]] et le clocher Saint-Martin de [[Vendôme]], où le jeune Balzac fut en pension.|alt=Paysage d'hiver, arbres partiellement dénudés, avec une église gothique, chœur avec arcs-boutants toit en ardoise, surmontée d'une flèche pointue recouverte aussi d'ardoises, et un clocher conique en pierre ; au premier plan un bassin d'eau verte.]]
Le {{date|4|novembre|1816}}, le jeune Balzac s’inscrit en [[droit]]<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=38}}.</ref>. En même temps, il prend des leçons particulières et suit des cours à la [[Sorbonne]]. Il fréquente aussi le [[Muséum national d'histoire naturelle|Muséum d'Histoire naturelle]], où il s'intéresse aux théories de [[Georges Cuvier|Cuvier]] et de [[Étienne Geoffroy Saint-Hilaire|Geoffroy Saint-Hilaire]].
Du {{date-|22 juin 1807}} à 1813<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Chronologie: Honoré de Balzac|url=http://www.kronobase.org/chronologie-texte-Honor%C3%A9+de+Balzac.html|site=kronobase.org|date=|consulté le=2018-06-26}}.</ref>, Honoré est pensionnaire au collège des [[Congrégation de l'Oratoire|oratoriens]] de [[Vendôme]]<ref group="n">{{Harvsp|Maurois 1965|p=18}} : {{citation|Les oratoriens de Vendôme passaient pour des libéraux. Les deux hommes qui dirigeaient le collège au temps de Balzac (Mareschal et Dessaignes) avaient accepté de prêter serment à la nation. Tous deux s’étaient mariés tout en conservant leur foi catholique et ils maintenaient dans le collège une discipline presque conventuelle.}}</ref>. Au cours des six ans qu'il y passe, sans jamais rentrer chez lui, même pour les vacances, le jeune Balzac dévore des [[Livre (document)|livres]] de tout genre : la lecture était devenue pour lui {{Citation|une espèce de faim que rien ne pouvait assouvir […] son œil embrassait sept à huit lignes d'un coup et son esprit en appréciait le sens avec une vélocité pareille à celle de son esprit}}<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=25}}.</ref>.


Cependant, ces lectures, qui meublent son esprit et développent son [[imagination]], ont pour effet d'induire chez lui une espèce de [[coma]] dû à {{citation|une congestion d'idées}}. La situation s'aggrave au point que, en {{date-|avril 1813}}, les oratoriens s'inquiètent pour sa santé et le renvoient dans sa famille, fortement amaigri<ref group="n">{{Harvsp|Maurois 1965|p=26}}. Le héros de ''[[Louis Lambert]]'' présente de nombreux points communs avec le jeune collégien, selon {{Harvsp|Pierrot 1994|p=26-29}}.</ref>.
Son père tenant à ce qu'il associe la pratique à la théorie, Honoré doit, en plus de ses études, travailler chez un [[Avoué (France)|avoué]], ami de la famille, Jean-Baptiste Guillonnet-Merville, homme cultivé qui avait le goût des lettres. Il exerce le métier de [[clerc de notaire]] dans cette étude où [[Jules Janin]] était déjà « saute-ruisseau<ref group=n>Jeune clerc de notaire ou d’avoué chargé de faire les courses. Voir la {{lien web|url=http://www.cnrtl.fr/definition/saute-ruisseau|titre=définition du CNRTL}}.</ref>». Il utilisera cette expérience pour restituer l’ambiance chahuteuse d’une étude d’avoué dans ''[[Le Colonel Chabert]]'' et créer les personnages de [[Maître Derville]] et d'Oscar Husson dans ''[[Un début dans la vie]]''. Une plaque, [[rue du Temple]] à [[Paris]], atteste son passage chez cet avoué, dans un immeuble du quartier du Marais. En même temps, il dévore, résume et compare quantité d'ouvrages de philosophie, signe de ses préoccupations métaphysiques et de sa volonté de comprendre le monde<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=43}}.</ref>. Il passe avec succès le premier examen du [[Baccalauréat en France|baccalauréat]] en droit le 4 janvier [[1819]], mais ne se présentera pas au deuxième examen et ne poursuivra pas jusqu'à la [[Licence (France)|licence]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=53}}.</ref>.


De juillet à {{date-|novembre 1814}}, il est externe au collège de [[Tours]]. Son père ayant été nommé directeur des vivres pour la Première division militaire, la famille déménage à [[Paris]] et s’installe au 40, [[rue du Temple]], dans le [[Le Marais (quartier parisien)|quartier du Marais]]. L'adolescent est admis comme interne à la [[Pension Lepitre|pension Lepître]], située [[rue de Turenne (Paris)|rue de Turenne]] à [[Paris]], puis en 1815 à l’institution de l’abbé Ganser, [[rue de Thorigny]]. Les élèves de ces deux institutions suivent en fait les cours du [[lycée Charlemagne]], où se trouve aussi [[Jules Michelet]], dont les résultats scolaires sont toutefois plus brillants que les siens<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=36}}.</ref>.
=== L'écrivain débutant ===

Le {{date-|4|novembre|1816}}, le jeune Balzac s’inscrit en [[droit]]<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=38}}.</ref>. En même temps, il prend des leçons particulières et suit des cours à la [[Sorbonne]]. Il fréquente aussi le [[Muséum national d'histoire naturelle|Muséum d'histoire naturelle]], où il s'intéresse aux théories de [[Georges Cuvier|Cuvier]] et de [[Étienne Geoffroy Saint-Hilaire|Geoffroy Saint-Hilaire]].

Son père tenant à ce qu'il associe la pratique à la théorie, Honoré doit, en plus de ses études, travailler chez un [[Avoué (France)|avoué]], ami de la famille, Jean-Baptiste Guillonnet-Merville, homme cultivé qui avait le goût des lettres. Il exerce le métier de [[clerc de notaire]] dans cette étude, où [[Jules Janin]] était déjà « saute-ruisseau<ref group=n>Jeune clerc de notaire ou d’avoué chargé de faire les courses. Voir la {{lien web|url=http://www.cnrtl.fr/definition/saute-ruisseau|titre=définition du CNRTL}}.</ref>». Il utilisera cette expérience pour restituer l’ambiance chahuteuse d’une étude d’avoué dans ''[[Le Colonel Chabert]]'' et créer les personnages de [[maître Derville]] et d'Oscar Husson dans ''[[Un début dans la vie]]''. Une plaque, [[rue du Temple]] à Paris, atteste son passage chez cet avoué, dans un immeuble du quartier du Marais. En même temps, il dévore, résume et compare quantité d'ouvrages de philosophie, signe de ses préoccupations métaphysiques et de sa volonté de comprendre le monde<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=43}}.</ref>. Il passe avec succès le premier examen du [[Baccalauréat en France|baccalauréat]] en droit le {{date-|4 janvier 1819}}, mais ne se présentera pas au deuxième examen et ne poursuivra pas jusqu'à la [[Licence (France)|licence]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=53}}.</ref>.

=== L’écrivain débutant ===
{{Article détaillé|Œuvres de jeunesse de Balzac}}
{{Article détaillé|Œuvres de jeunesse de Balzac}}
[[Fichier:Balzac1820s.jpg|vignette|upright|Portrait d’Honoré de Balzac vers [[1825]], attribué à [[Achille Devéria]].|alt=Dessin représentant un homme jeune en chemise blanche, col ouvert, cheveux noirs hirsutes]]
[[Fichier:Achille Devéria - portrait de Balzac jeune.jpg|vignette|Portrait en [[lavis]] d’Honoré de Balzac vers 1825, attribué à [[Achille Devéria]].]]
Son père alors âgé de 73 ans ayant été mis à la retraite, la famille n'a plus les moyens de vivre à Paris et déménage à [[Villeparisis]]. Le jeune Balzac ne veut pas quitter Paris et dit vouloir se consacrer à la [[littérature]]. Ses parents le logent alors, en août 1819, dans une mansarde, au 9, [[rue de Lesdiguières]], et lui laissent deux ans pour écrire. Balzac rappellera dans ''[[Illusions perdues]]'' cette période de sa vie<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=45}}.</ref>. Dans ''[[Facino Cane (Balzac)|Facino Cane]]'', il mentionne même le nom de la rue et évoque le plaisir qu'il prenait à s'imaginer la vie des autres : {{citation bloc|En entendant ces gens, je pouvais épouser leur vie, je me sentais leurs guenilles sur le dos, je marchais les pieds dans leurs souliers percés ; leurs désirs, leurs besoins, tout passait dans mon âme, ou mon âme passait dans la leur. C’était le rêve d’un homme éveillé. Je m’échauffais avec eux contre les chefs d’atelier qui les tyrannisaient, ou contre les mauvaises pratiques qui les faisaient revenir plusieurs fois sans les payer. Quitter ses habitudes, devenir un autre que soi par l’ivresse des facultés morales, et jouer ce jeu à volonté, telle était ma distraction. À quoi dois-je ce don ? Est-ce une seconde vue ? est-ce une de ces qualités dont l’abus mènerait à la folie ? Je n’ai jamais recherché les causes de cette puissance ; je la possède et m’en sers, voilà tout<ref>''[[s:Facino Cane|Facino Cane]]'', {{p.|62}}</ref>.}}
Son père, alors âgé de 73 ans, ayant été mis à la retraite, la famille n'a plus les moyens de vivre à [[Paris]] et déménage à [[Villeparisis]]. Le jeune Balzac ne veut pas quitter Paris et dit vouloir se consacrer à la [[Littérature française du XIXe siècle|littérature]]. Ses parents le logent alors, en {{date-|août 1819}}, dans une [[mansarde]], au 9, [[rue de Lesdiguières]], et lui laissent deux ans pour {{citation|devenir écrivain}} et un budget annuel d'une centaine de [[Franc français|francs]]<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=34}}</ref>. Balzac rappellera dans ''[[Illusions perdues]]'' cette période de sa vie<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=45}}.</ref>. Dans ''[[Facino Cane (Balzac)|Facino Cane]]'', il mentionne même le nom de la rue et évoque le plaisir qu'il prenait à s'imaginer la vie des autres : {{citation bloc|En entendant ces gens, je pouvais épouser leur vie, je me sentais leurs guenilles sur le dos, je marchais les pieds dans leurs souliers percés ; leurs désirs, leurs besoins, tout passait dans mon âme, ou mon âme passait dans la leur. C’était le rêve d’un homme éveillé. Je m’échauffais avec eux contre les chefs d’atelier qui les tyrannisaient, ou contre les mauvaises pratiques qui les faisaient revenir plusieurs fois sans les payer. Quitter ses habitudes, devenir un autre que soi par l’ivresse des facultés morales, et jouer ce jeu à volonté, telle était ma distraction. À quoi dois-je ce don ? Est-ce une seconde vue ? est-ce une de ces qualités dont l’abus mènerait à la folie ? Je n’ai jamais recherché les causes de cette puissance ; je la possède et m’en sers, voilà tout<ref>''[[s:Facino Cane|Facino Cane]]'', {{p.|62}}.</ref>.}}


Il travaille à un projet de ''Discours sur l'immortalité de l'âme'', lit [[Nicolas Malebranche|Malebranche]], [[René Descartes|Descartes]] et entreprend de traduire [[Baruch Spinoza|Spinoza]] du latin au français<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=71}}.</ref>. En même temps, il se lance en littérature et, prenant son inspiration dans un personnage de [[William Shakespeare|Shakespeare]], rédige une [[tragédie]] de {{unité|1906|[[alexandrin]]s}}, ''Cromwell'' ([[1820 au théâtre|1820]]). Lorsqu'il présente cette pièce à ses proches, l'accueil se révèle décevant. Consulté, l'académicien [[François Andrieux]] le décourage de poursuivre dans cette voie<ref>{{Harvsp|Barbéris 1973|p=27}}.</ref>.
Il travaille à un projet de ''Discours sur l'immortalité de l'âme'', lit [[Nicolas Malebranche|Malebranche]], [[René Descartes|Descartes]] et entreprend de traduire [[Baruch Spinoza|Spinoza]] du latin au français<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=71}}.</ref>. En même temps, il se lance en littérature et, prenant son inspiration dans un personnage de [[William Shakespeare|Shakespeare]], rédige une [[tragédie]] de {{unité|1906|[[alexandrin]]s}}, ''Cromwell'' ([[1820 au théâtre|1820]]). Lorsqu'il présente cette pièce à ses proches, l'accueil se révèle décevant. Consulté, l'académicien [[François Andrieux]] le décourage de poursuivre dans cette voie<ref>{{Harvsp|Barbéris 1973|p=27}}.</ref>.


[[Fichier:Maturin.jpg|vignette|left|Portrait de l'Irlandais [[Charles Robert Maturin]], dont Balzac lit les [[roman gothique|romans gothiques]].]]
Le jeune homme s’oriente alors vers le [[roman historique]] dans la veine de [[Walter Scott]], dont la traduction d'''[[Ivanhoé]]'', parue en avril 1820, rencontre en France un immense succès. Sous le titre ''Œuvres de l'abbé Savonati'', il réunit d'abord deux textes, ''Agathise'' (entièrement disparu) et ''[[Falthurne]]'', récit {{Citation|dont l'action se situait dans l'Italie vers le temps de [[Pénitence de Canossa|Canossa]] (...), attribué à un abbé imaginaire, Savonati, et « traduit » de l'italien par {{M.|Matricante}}, instituteur primaire<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=66}}.</ref>.}} Dans un autre texte, ''Corsino'', il imagine un jeune Provençal, nommé Nehoro (anagramme d'Honoré) qui rencontre dans un château écossais un Italien avec lequel il discute de métaphysique. Ces ébauches sont vite abandonnées et ne seront pas publiées de son vivant. Il en va de même de ''[[Sténie|Sténie ou les Erreurs philosophiques]]'', un roman par lettres esquissé l'année précédente et qui s'inspire de ''[[Julie ou la Nouvelle Héloïse|La Nouvelle Héloïse]]''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=88-92}}.</ref>.
Le jeune homme s’oriente alors vers le [[roman historique]] dans la veine de [[Walter Scott]], dont la traduction d{{'}}''[[Ivanhoé]]'', parue en {{date-|avril 1820}}, rencontre en France un immense succès. Sous le titre ''Œuvres de l'abbé Savonati'', il réunit d'abord deux textes, ''Agathise'' (entièrement disparu) et ''[[Falthurne]]'', récit {{Citation|dont l'action se situait dans l'Italie vers le temps de [[Pénitence de Canossa|Canossa]] […], attribué à un abbé imaginaire, Savonati, et « traduit » de l'italien par {{M.|Matricante}}, instituteur au primaire<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=66}}.</ref>.}}. Dans un autre texte, ''Corsino'', il imagine un jeune Provençal, nommé Nehoro (anagramme d'Honoré) qui rencontre dans un château écossais un Italien, avec lequel il discute de métaphysique. Ces ébauches sont vite abandonnées et ne seront pas publiées de son vivant. Il en va de même de ''[[Sténie|Sténie ou les Erreurs philosophiques]]'', un roman par lettres, esquissé l'année précédente et qui s'inspire de ''[[Julie ou la Nouvelle Héloïse|La Nouvelle Héloïse]]''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=88-92}}.</ref>.
[[Image:Maturin.jpg|vignette|upright|left|Outre [[Walter Scott]], il lit les [[roman gothique|romans gothiques]] de l'Irlandais [[Charles Robert Maturin]] dont il s'inspire dans ''La Dernière fée'' (1823).]]

En 1821, Balzac s'associe avec [[Étienne Arago]] et [[Auguste Le Poitevin de L'Égreville|Lepoitevin]] pour produire ce qu'il appelle lui-même de « petites opérations de littérature marchande ». Soucieux de ne pas salir son nom par une production qu'il qualifie lui-même de {{Citation|cochonneries littéraires<ref>{{date-|2|avril|1822}}, {{Harvsp|Pierrot 1969}}, {{t.|I}}, {{p.|515}}.</ref>}}, il publie sous le [[pseudonyme]] de Lord R’hoone (autre anagramme d'Honoré)<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=96-97}}.</ref>. Parmi ces œuvres, on compte notamment : ''[[L'Héritière de Birague]]'', ''[[Clotilde de Lusignan]]'', ''[[Le Vicaire des Ardennes]]'' (interdit et saisi, mais c'est le seul roman de cette époque qui ait échappé à l'échec commercial)<ref name="Bardèche 1967 162">{{Harvsp|Maurice Bardèche|1967|p=162|id=Bardèche 1967}}.</ref> et ''Jean-Louis''. Ces ouvrages en petit format [[In-duodecimo|in-12]] rencontrent un certain public dans les [[Cabinet de lecture|cabinets de lecture]], si bien que l'auteur croit avoir trouvé un filon productif. Dans une lettre à sa sœur [[Laure]], datée de {{date-|juillet 1821}}, il se fait fort de produire un roman par mois : {{Citation|Dans peu, Lord R'hoone sera l'homme à la mode, l'auteur le plus fécond, le plus aimable, et les dames l'aimeront comme la prunelle de leurs yeux, et le reste ; et alors, le petit brisquet d'Honoré arrivera en équipage, la tête haute, le regard fier et le gousset plein<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=14}}.</ref>.}}. En fait, il dépasse même cet objectif, car il déclare un peu plus tard avoir écrit huit volumes en trois mois<ref group=n>{{Harvsp|Chollet}}, {{vol.|XXX}}, {{p.|14-15}}. Selon [[Hippolyte Taine|Taine]], Balzac aurait écrit {{citation|quarante volumes de mauvais romans, qu'il savait mauvais, avant d'aborder sa ''Comédie humaine''}} ({{harvsp|Taine 1866|p=92}}).</ref>. De cette période date, notamment, ''[[L'Anonyme, ou, Ni père ni mère]]'' signé sous le double pseudonyme de son commanditaire [[Auguste Le Poitevin de L'Égreville|A. Viellerglé Saint-Alme]] et [[Auguste Le Poitevin de L'Égreville]]<ref>Publié en 1823 ([https://books.google.fr/books?id=OIVvXwAACAAJ&dq=L%27Anonyme+ou+ni+p%C3%A8re+ni+m%C3%A8re&hl=fr&sa=X&ei=c90EU6PVLo_K0AXil4DQBA&ved=0CDcQ6AEwAQ lire en ligne]) et réédité en 2003.</ref>.


En 1822, il abandonne ce pseudonyme pour celui de Horace de Saint-Aubin. C'est celui qu'il utilise pour signer ''[[Le Centenaire ou les Deux Beringheld]]'' chez Pollet à Paris<ref>En 1948, une seconde édition sous le nom ''Le Sorcier'' en trois tomes fut publiée chez Pressédition</ref> et ''[[Le Vicaire des Ardennes]]''. Ce dernier ouvrage est dénoncé au roi, et saisi. En 1823, il publie ''[[Annette et le Criminel]]'', puis ''La Dernière Fée ou La Nouvelle Lampe merveilleuse'', mais ce livre, mauvais [[pastiche]] d'un vaudeville de [[Eugène Scribe|Scribe]] et d'un roman de [[Charles Robert Maturin|Maturin]], est « exécrable<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=99}}.</ref> ».
En 1821, Balzac s'associe avec [[Étienne Arago]] et [[Auguste Le Poitevin de L'Égreville|Lepoitevin]] pour produire ce qu'il appelle lui-même de « petites opérations de littérature marchande ». Soucieux de ne pas salir son nom par une production qu'il qualifie lui-même de {{Citation|cochonneries littéraires<ref>{{date|2|avril|1822}}, {{Harvsp|Pierrot 1969}}, {{t.|I}}, {{p.|515}}.</ref>}}, il publie sous le [[pseudonyme]] de Lord R’hoone (autre anagramme d'Honoré)<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=96-97}}.</ref>. Parmi ces œuvres, on compte notamment : ''[[L'Héritière de Birague]]'', ''[[Clotilde de Lusignan]]'', ''[[Le Vicaire des Ardennes]]'' (interdit et saisi, mais c'est le seul roman de cette époque qui ait échappé à l'échec commercial)<ref name="Bardèche 1967 162">{{Harvsp|Maurice Bardèche|1967|p=162|id=Bardèche 1967}}.</ref> et ''Jean-Louis''. Ces ouvrages en petit format [[In-duodecimo|in-12]] rencontrent un certain public dans les [[Cabinet de lecture|cabinets de lecture]], si bien que l'auteur croit avoir trouvé un filon productif. Dans une lettre à sa sœur Laure, datée de juillet 1821, il se fait fort de produire un roman par mois : {{Citation|Dans peu, Lord R'hoone sera l'homme à la mode, l'auteur le plus fécond, le plus aimable, et les dames l'aimeront comme la prunelle de leurs yeux, et le reste ; et alors, le petit brisquet d'Honoré arrivera en équipage, la tête haute, le regard fier et le gousset plein.}}<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=14}}.</ref>. En fait, il dépasse même cet objectif, car il déclare un peu plus tard avoir écrit huit volumes en trois mois<ref group=n>{{Harvsp|Chollet}}, {{vol.|XXX}}, {{p.|14-15}}. Selon [[Taine]], Balzac aurait écrit {{citation|quarante volumes de mauvais romans, qu'il savait mauvais, avant d'aborder sa ''Comédie humaine''}} ({{harvsp|Taine 1866|p=92}}).</ref>. De cette période date notamment ''[[L'Anonyme, ou, Ni père ni mère]]'' signé sous le double pseudonyme de son commanditaire [[Auguste Le Poitevin de L'Égreville|A. Viellerglé Saint Alme]] et [[Auguste Le Poitevin de L'Égreville]]<ref>Publié en 1823 ([http://books.google.fr/books?id=OIVvXwAACAAJ&dq=L%27Anonyme+ou+ni+p%C3%A8re+ni+m%C3%A8re&hl=fr&sa=X&ei=c90EU6PVLo_K0AXil4DQBA&ved=0CDcQ6AEwAQ lire en ligne]) et réédité en 2003.</ref>.
[[Fichier:Clotilde-de-Lusignan.jpg|vignette|upright|Balzac, ''Clotilde de Lusignan'' (1822).]]
[[Fichier:Couverture-de-Wann-Chlore.jpg|vignette|upright|Couverture de ''[[Wann-Chlore]]'' (1825).]]
Il collabore au ''Feuilleton littéraire'', qui cessera de paraître le {{date-|7 septembre 1824}}, et rédige divers ouvrages utilitaires répondant à la demande du public<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=131}}.</ref>. Après un ''Code de la toilette'' (1824), il publie un ''Code des gens honnêtes,'' dans lequel il affirme avec cynisme que tout l'état social repose sur le vol, et qu'il faut donc donner aux gens honnêtes les moyens de se défendre contre les ruses des avocats, avoués et notaires<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=107}}.</ref>. Il travaille aussi à un ''Traité de la prière'' et publie une ''Histoire impartiale des Jésuites'' (1824). Il rédige aussi sous pseudonyme un ouvrage sur ''Le Droit d'aînesse'' (1824), sujet qui sera chez lui un thème récurrent<ref group=n>Barbéris pense que ces deux derniers écrits étaient {{citation|peut-être des textes provocateurs destinés à faire crier contre les projets prêtés au ministère}} {{Harvsp|Barbéris 1973|p=149}}. Balzac revient cependant sur la question du droit d'aînesse dans divers romans et estime que l'abolition de celui-ci a eu des effets délétères sur les grandes fortunes de la noblesse et contribué à un nivellement social qu'il déplore ainsi qu'à l'expansion de l'individualisme (voir notamment ''[[s:Autre étude de femme|Autre étude de femme]]'', {{p.|438-439}}, ''[[s:Le Curé de village/4|Le Curé de village]]'', {{p.|674}}, ''[[s:Mémoires de deux jeunes mariées/Chapitre 31|Mémoires de deux jeunes mariées]]'', {{p.|120}}, ''[[s:L’Envers de l’histoire contemporaine/2|L’Envers de l’histoire contemporaine]]'', {{p.|169}} et [[s:Sur Catherine de Médicis/Introduction|Introduction à ''Sur Catherine de Médicis'']], {{p.|474}}.).</ref>. Son père, qui avait mis la main sur cette brochure anonyme, s'indigna contre un « auteur arriéré » défenseur d'une institution périmée et entreprit de le réfuter, ignorant qu'il s'agissait de son fils<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=104}}.</ref>.


Vers la fin de l'année 1824, en proie à une profonde crise morale et intellectuelle, Balzac abandonne la littérature commerciale et rédige le testament littéraire de Horace de Saint-Aubin, qu'il place dans la postface de ''[[Wann-Chlore]]'' ou ''Jane la Pâle''. Il se moquera plus tard des intrigues sommaires et dépourvues de style des romans de cette époque, et en fera un pastiche désopilant dans un long passage de ''[[La Muse du département]]''<ref>[[s:La Muse du département (ed. Houssiaux)|''La Muse du département'']], {{p.|425-439}}.</ref>. Il se met alors à la rédaction de ''L'Excommunié'', roman de transition, achevé par une main étrangère, et qui ne sera publié qu'en 1837. Cet ouvrage consomme sa rupture avec la littérature facile et sera le premier jalon d'un cycle de romans historiques<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=133}}.</ref>. Féru d'histoire, Balzac aura alors l'idée de présenter l'histoire de France sous une forme romanesque, ce qui donnera notamment ''[[Sur Catherine de Médicis]]''. Il s'essaie aussi une nouvelle fois au théâtre, avec ''Le Nègre'', un sombre mélo, tout en étant conscient de gaspiller son génie<ref name="Maurois 1965 98"/>, et esquisse un poème en vers qui n'aboutira pas : ''Fœdora''<ref>{{Harvsp|Chollet}}.</ref>.
En 1822, il abandonne ce pseudonyme pour celui de Horace de Saint-Aubin. C'est celui qu'il utilise pour signer ''[[Le Centenaire ou les Deux Beringheld]]'' et ''[[Le Vicaire des Ardennes]]''. Ce dernier ouvrage est dénoncé au Roi et saisi. En 1823, il publie ''[[Annette et le Criminel]]'', puis ''La dernière Fée ou La Nouvelle Lampe merveilleuse'', mais ce livre, mauvais [[pastiche]] d'un vaudeville de [[Eugène Scribe|Scribe]] et d'un roman de [[Charles Robert Maturin|Maturin]], est « exécrable »<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=99}}.</ref>.
[[Fichier:Clotilde-de-Lusignan.jpg|vignette|upright|Balzac, ''Clotilde de Lusignan'' (1822)]]
[[Fichier:Couverture-de-Wann-Chlore.jpg|vignette|upright||Couverture de ''[[Wann-Chlore]]'', 1825]]
Il collabore au ''Feuilleton littéraire'', qui cessera de paraître le 7 septembre 1824, et rédige divers ouvrages utilitaires répondant à la demande du public<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=131}}.</ref>. Après un ''Code de la toilette'' (1824), il publie un ''Code des gens honnêtes'' dans lequel il affirme avec cynisme que tout l'état social repose sur le vol et qu'il faut donc donner aux gens honnêtes les moyens de se défendre contre les ruses des avocats, avoués et notaires<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=107}}.</ref>. Il travaille aussi à un ''Traité de la Prière'' et publie une ''Histoire impartiale des Jésuites'' (1824). Il rédige aussi sous pseudonyme un ouvrage sur ''Le Droit d'aînesse'' (1824), sujet qui sera chez lui un thème récurrent<ref group=n>Barbéris pense que ces deux derniers écrits étaient {{citation|peut-être des textes provocateurs destinés à faire crier contre les projets prêtés au ministère}} {{Harvsp|Barbéris 1973|p=149}}. Balzac revient cependant sur la question du droit d'aînesse dans divers romans et estime que l'abolition de celui-ci a eu des effets délétères sur les grandes fortunes de la noblesse et contribué à un nivellement social qu'il déplore ainsi qu'à l'expansion de l'individualisme (voir notamment ''[[s:Autre étude de femme|Autre étude de femme]]'', {{p.|438-439}}, ''[[s:Le Curé de village/4|Le Curé de village]]'', {{p.|674}}, ''[[s:Mémoires de deux jeunes mariées/Chapitre 31|Mémoires de deux jeunes mariées]]'', {{p.|120}}, ''[[s:L’Envers de l’histoire contemporaine/2|L’Envers de l’histoire contemporaine]]'', {{p.|169}} et [[s:Sur Catherine de Médicis/Introduction|Introduction à ''Sur Catherine de Médicis'']], {{p.|474}}.).</ref>. Son père, qui avait mis la main sur cette brochure anonyme, s'indigna contre un « auteur arriéré » défenseur d'une institution périmée et entreprit de le réfuter, ignorant qu'il s'agissait de son fils<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=104}}.</ref>.


En dépit de leurs défauts, ces [[Œuvres de jeunesse de Balzac|œuvres de jeunesse]], publiées de [[1822 en littérature|1822]] à [[1827 en littérature|1827]], contiennent, selon [[André Maurois]], les germes de ses futurs romans : {{Citation|Il sera un génie malgré lui<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=90}}.</ref>.}}. Balzac, toutefois, les désavoue et les proscrira de l’édition de ses œuvres complètes<ref group=n>Lire l'avant-dernier paragraphe de l'[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|avant-propos de ''La Comédie humaine'']].</ref>, tout en les republiant en 1837 sous le titre ''Œuvres complètes de Horace de Saint-Aubin'', et en faisant compléter certains ouvrages par des collaborateurs, notamment le marquis de Belloy et le [[Ferdinand de Gramont|comte de Gramont]]<ref>{{Harvsp|Chollet}}, {{vol.|XXXVII}}, {{p.|11}}.</ref>. Pour mieux brouiller les pistes, et couper tout lien avec son pseudonyme, il chargera [[Jules Sandeau]] de rédiger un ouvrage intitulé ''Vie et malheurs de Horace de Saint-Aubin''<ref>{{Harvsp|Chollet}}, {{vol.|XXXVII}}, {{p.|9}}.</ref>.
Vers la fin de l'année 1824, en proie à une profonde crise morale et intellectuelle, Balzac abandonne la littérature commerciale et rédige le testament littéraire de Horace de Saint-Aubin, qu'il place dans la postface de ''[[Wann-Chlore]]'' ou ''Jane la Pâle''. Il se moquera plus tard des intrigues sommaires et dépourvues de style des romans de cette époque, et en fera un pastiche désopilant dans un long passage de ''[[La Muse du département]]''<ref>[[s:La Muse du département (ed. Houssiaux)|''La Muse du département'']], {{p.|425-439}}.</ref>. Il se met alors à la rédaction de ''L'Excommunié'', roman de transition achevé par une main étrangère et qui ne sera publié qu'en 1837. Cet ouvrage consomme sa rupture avec la littérature facile et sera le premier jalon d'un cycle de romans historiques<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=133}}.</ref>. Féru d'histoire, Balzac aura alors l'idée de présenter l'histoire de France sous une forme romanesque, ce qui donnera notamment ''[[Sur Catherine de Médicis]]''. Il s'essaie aussi une nouvelle fois au théâtre, avec ''Le Nègre'', un sombre mélo, tout en étant conscient de gaspiller son génie<ref name="Maurois 1965 98"/> et esquisse un poème en vers qui n'aboutira pas : ''Fœdora''<ref>{{Harvsp|Chollet}}.</ref>.


Désespérant de devenir riche avec une littérature alimentaire qu'il méprise, il décide de se lancer dans les affaires et devient libraire-éditeur. Le {{date-|19|avril|1825}}, il s’associe à [[Urbain Canel]] et Augustin Delongchamps pour publier des éditions illustrées de [[Molière]] et de [[Jean de La Fontaine|La Fontaine]]. Il acquiert aussi une partie du matériel de l'ancienne fonderie Gillé & Fils<ref>[https://www.flickr.com/photos/ajeremia/14302028130/ Fonderie Gillé & Fils. Lettes ombrées ornées].</ref> et fonde une imprimerie. Toutefois, les livres ne se vendent pas aussi bien qu'il le souhaitait, et la faillite menace.
En dépit de leurs défauts, ces [[Œuvres de jeunesse de Balzac|œuvres de jeunesse]], publiées de [[1822 en littérature|1822]] à [[1827 en littérature|1827]], contiennent selon [[André Maurois]] les germes de ses futurs romans : {{Citation|Il sera un génie malgré lui<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=90}}.</ref>}}. Balzac, toutefois, les désavoue et les proscrira de l’édition de ses œuvres complètes<ref group=n>Lire l'avant-dernier paragraphe de l'[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-propos de ''La Comédie humaine'']].</ref>, tout en les republiant en 1837 sous le titre ''Œuvres complètes de Horace de Saint-Aubin'', et en faisant compléter certains ouvrages par des collaborateurs, notamment le comte de Belloy et le comte de Grammont<ref>{{Harvsp|Chollet}}, {{vol.|XXXVII}}, {{p.|11}}.</ref>. Pour mieux brouiller les pistes et couper tout lien avec son pseudonyme, il chargera [[Jules Sandeau]] de rédiger un ouvrage intitulé ''Vie et malheurs de Horace de Saint-Aubin''<ref>{{Harvsp|Chollet}}, {{vol.|XXXVII}}, {{p.|9}}.</ref>.


Désespérant de devenir riche avec une littérature alimentaire qu'il méprise, il décide de se lancer dans les affaires et devient libraire-éditeur. Le {{date|19|avril|1825}}, il s’associe à [[Urbain Canel]] et Delongchamps pour publier des éditions illustrées de [[Molière]] et de [[Jean de La Fontaine|La Fontaine]]. Il acquiert aussi une partie du matériel de l'ancienne fonderie Gillé & Fils<ref>[https://www.flickr.com/photos/ajeremia/14302028130/ Fonderie Gillé & Fils - Lettes ombrées ornées]</ref> et fonde une imprimerie. Toutefois, les livres ne se vendent pas aussi bien qu'il le souhaitait et la faillite menace. Lâché par ses associés, Balzac se retrouve, le {{date|1er|mai|1826}}, avec une énorme dette<ref>{{harvsp|Sipriot 1992|p=131}}.</ref>. Au lieu de jeter l'éponge, il pousse plus loin l'[[intégration verticale]] et décide, le {{date|15|août|1827}}, de créer une [[Fonderie typographique|fonderie de caractères]] avec le typographe André Barbier<ref>{{harvsp|Sipriot 1992|p=132-133}}.</ref>. Cette affaire se révèle également un échec financier. Au {{date|16|avril|1827}}, il croule sous une dette dont le chiffre varie selon les sources de {{Unité|53619|francs}}<ref>{{Harvsp|Bouvier 1938|p=70}}.</ref>, à {{Unité|60000|francs}} de l'époque<ref group=n>[[Samuel Silvestre de Sacy]] évalue la dette à {{Unité|60000|francs}} dont {{Unité|50000}} dus à sa famille, dans « La Vie de Balzac », appendice à {{Harvsp|Abellio 1980|p=254}}.</ref>.
Lâché par ses associés, Balzac se retrouve, le {{date-|1er|mai|1826}}, avec une énorme dette<ref>{{harvsp|Sipriot 1992|p=131}}.</ref>. Au lieu de jeter l'éponge, il pousse plus loin l'[[intégration verticale]] et décide, le {{date-|15|août|1827}}, de créer une [[Fonderie typographique|fonderie de caractères]] avec le typographe André Barbier<ref>{{harvsp|Sipriot 1992|p=132-133}}.</ref>. Cette affaire se révèle également un échec financier. Au {{date-|16|avril|1827}}, il croule sous une dette dont le chiffre varie selon les sources de {{Unité|53619|francs}}<ref>{{Harvsp|Bouvier 1938|p=70}}.</ref> à {{Unité|60000|francs}} de l'époque<ref group="n">[[Samuel Silvestre de Sacy]] évalue la dette à {{Unité|60000|francs}} {{nobr|dont {{Unité|50000}}}} dus à sa famille, dans « La vie de Balzac », appendice à {{Harvsp|Abellio 1980|p=254}}.</ref>.


===Vers une nouvelle forme de roman ===
=== Vers une nouvelle forme de roman ===
[[Fichier:Le dernier chouan.jpg|vignette|upright|Couverture de la première édition des Chouans. 1829. (Source {{lien web|url=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k113302x/f3.image|titre=Gallica}}).|alt=Couverture en noir et blanc d'un livre sans illustration sur lequel est écrit : ''Le dernier chouan ou la Bretagne en 1800'', par Honoré de Balzac.]]
[[Fichier:Le dernier chouan.jpg|vignette|Couverture de la première édition des ''Chouans'', 1829 (source : {{lien web|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k113302x/f3.image|titre=Gallica}}).|alt=Couverture en noir et blanc d'un livre sans illustration sur lequel est écrit : ''Le dernier chouan ou la Bretagne en 1800'', par Honoré de Balzac.]]
[[Fichier:Ivanhoe de Walter Scott Gallica.jpg|vignette|Couverture d'une traduction des ''Œuvres complètes'' de Walter Scott, 1826 (source : {{lien web|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61421208/f10.image|titre=Gallica}}).|alt=Couverture d'un livre en noir et blanc portant le titre Œuvres complètes de Walter Scott et illustré par un soldat du {{s-|XIX|e}} assis]]
[[Fichier:Madame Hamelin by Andrea Appiani, musée Carnavalet 02.jpg|vignette|upright|[[Fortunée Hamelin]], une ''[[Incroyables et Merveilleuses|merveilleuse]]'' dont Balzac fréquentait le salon. Portrait par [[Andrea Appiani]] (1798).|alt=Portrait peint d'une femme aux cheveux bruns, longs et bouclés, elle porte une étole blanche sur une chemise blanche en croisant les bras.]]
[[Fichier:Ivanhoe de Walter Scott Gallica.jpg|vignette|upright|Couverture d'une traduction des Œuvres complètes de Walter Scott. 1826. (Source : {{lien web|url=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61421208/f10.image|titre=Gallica}}).|alt=Couverture d'un livre en noir et blanc portant le titre Œuvres complètes de Walter Scott et illustré par un soldat du {{s-|XIX|e}} assis]]


Passionné par les idées et les théories explicatives<ref group=n>{{citation|Il avait des idées générales sur tout () Il raisonne et ses personnages raisonnent à chaque instant. Chacun arrive avec la masse de réflexions accumulées par toute une vie ; et toutes ces masses opposées et liées les unes aux autres composent par leur union et leur contraste l'encyclopédie du monde social.}} {{harvsp|Taine 1866|p=154-155}}.</ref>, Balzac s'intéresse aux écrits de [[Emanuel Swedenborg|Swedenborg]], ainsi qu'au [[martinisme]] et aux [[Occultisme|sciences occultes]]. Convaincu de la puissance de la volonté, il croit que l'homme {{Citation|a le pouvoir d'agir sur sa propre force vitale et de la projeter hors de soi-même, pratiquant occasionnellement le magnétisme curatif, comme sa mère, par l'imposition des mains<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=101}}.</ref>}}. Il connaît par expérience la force que recèle le roman, mais ne voit pas encore celui-ci comme un outil de transformation sociale. Ainsi écrit-il dans une préface : {{Citation|Ah ! si j'étais une fois conseiller d'État, comme je dirais au roi, et en face encore : « Sire, faites une bonne ordonnance qui enjoigne à tout le monde de lire des romans !...» En effet, c'est un conseil machiavélique, car c'est comme la queue du chien d'[[Alcibiade]] ; pendant qu'on lirait des romans, on ne s'occuperait pas de politique<ref>{{lien web|url=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626530t/f22.image|titre= Préface, ''Annette et le Criminel'', {{p.|12}}}}.</ref>.}}
Passionné par les idées et les théories explicatives<ref group=n>{{citation|Il avait des idées générales sur tout [] Il raisonne et ses personnages raisonnent à chaque instant. Chacun arrive avec la masse de réflexions accumulées par toute une vie ; et toutes ces masses opposées et liées les unes aux autres composent par leur union et leur contraste l'encyclopédie du monde social.}} {{harvsp|Taine 1866|p=154-155}}.</ref>, Balzac s'intéresse, comme sa mère, aux écrits de [[Emanuel Swedenborg|Swedenborg]], ainsi qu'au [[martinisme]] et aux [[Occultisme|sciences occultes]]. Convaincu de la puissance de la volonté, il croit que l'homme {{Citation|a le pouvoir d'agir sur sa propre force vitale et de la projeter hors de soi-même, pratiquant occasionnellement le magnétisme curatif, comme sa mère, par l'imposition des mains<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=101}}.</ref>}}. Il connaît par expérience la force que recèle le roman, mais ne voit pas encore celui-ci comme un outil de transformation sociale. Ainsi écrit-il dans une préface : {{Citation|Ah ! si j'étais une fois conseiller d'État, comme je dirais au roi, et en face encore : « Sire, faites une bonne ordonnance qui enjoigne à tout le monde de lire des romans !» En effet, c'est un conseil machiavélique, car c'est comme la queue du chien d'[[Alcibiade]] ; pendant qu'on lirait des romans, on ne s'occuperait pas de politique<ref>{{lien web|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626530t/f22.image|titre= Préface, ''Annette et le Criminel'', {{p.|12}}}}.</ref>.}}.


Il perçoit maintenant les limites de [[Walter Scott]], un modèle jadis fort admiré et à qui il rendra encore hommage dans son ''Avant-Propos'' de 1842<ref>''[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-Propos à La Comédie humaine]]''.</ref>. Comme le déclarera plus tard un de ses personnages dans un avertissement lancé à un jeune écrivain : {{Citation|Si vous voulez ne pas être le singe de Walter Scott, il faut vous créer une manière différente<ref>D'Arthez à Lucien de Rubempré, dans ''[[s:Illusions perdues/Un grand homme de province à Paris|Un grand homme de province à Paris]]'', Wikisource, {{p.|173}}.</ref>.}}
Il perçoit maintenant les limites de [[Walter Scott]], un modèle fort admiré et à qui il rendra encore hommage dans son avant-propos de 1842<ref>[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-propos à ''La Comédie humaine'']].</ref>. Comme le déclarera plus tard un de ses personnages dans un avertissement lancé à un jeune écrivain : {{Citation|Si vous voulez ne pas être le singe de Walter Scott, il faut vous créer une manière différente<ref>D'Arthez à Lucien de Rubempré, dans ''[[s:Illusions perdues/Un grand homme de province à Paris|Un grand homme de province à Paris]]'', Wikisource, {{p.|173}}.</ref>.}}.


S'il peut envisager la possibilité de dépasser son modèle, c'est aussi parce qu'il a découvert, en 1822, ''L’Art de connaître les hommes par la physionomie'' de [[Johann Kaspar Lavater|Lavater]] et qu'il en est fortement imprégné. La [[physiognomonie]], qui se flatte de pouvoir associer « scientifiquement » des traits de caractère à des caractéristiques physiques, et qui recense quelque {{unité|6000|types}} humains, devient pour lui une sorte de [[Bible]]. Cette théorie contient en effet en germe {{Citation|l'esquisse d'une étude de tous les groupes sociaux<ref name="Maurois 1965 98">{{Harvsp|Maurois 1965|p=98}}.</ref>}}. Le romancier aura souvent recours à cette théorie pour dresser le portrait de ses personnages : {{citation bloc| Les lois de la physionomie sont exactes, non seulement dans leur application au caractère, mais encore relativement à la fatalité de l’existence. Il y a des physionomies prophétiques. S’il était possible, et cette statistique vivante importe à la Société, d’avoir un dessin exact de ceux qui périssent sur l’échafaud, la science de Lavater et celle de Gall prouveraient invinciblement qu’il y avait dans la tête de tous ces gens, même chez les innocents, des signes étranges<ref>''[[s:Une ténébreuse affaire|Une ténébreuse affaire]]'', {{p.|228}}</ref>.}}
S'il peut envisager la possibilité de dépasser son modèle, c'est aussi parce qu'il a découvert, en 1822, ''L’Art de connaître les hommes par la physionomie'' de [[Johann Kaspar Lavater|Lavater]] et qu'il en est fortement imprégné. La [[physiognomonie]], qui se flatte de pouvoir associer « scientifiquement » des traits de caractère à des caractéristiques physiques et qui recense quelque {{unité|6000|types}} humains, devient pour lui une sorte de bible. Cette théorie contient en effet en germe {{Citation|l'esquisse d'une étude de tous les groupes sociaux<ref name="Maurois 1965 98">{{Harvsp|Maurois 1965|p=98}}.</ref>}}. Le romancier aura souvent recours à cette théorie pour brosser le portrait de ses personnages : {{citation bloc| Les lois de la physionomie sont exactes, non seulement dans leur application au caractère, mais encore relativement à la fatalité de l’existence. Il y a des physionomies prophétiques. S’il était possible, et cette statistique vivante importe à la Société, d’avoir un dessin exact de ceux qui périssent sur l’échafaud, la science de Lavater et celle de Gall prouveraient invinciblement qu’il y avait dans la tête de tous ces gens, même chez les innocents, des signes étranges<ref>''[[s:Une ténébreuse affaire|Une ténébreuse affaire]]'', {{p.|228}}</ref>.}}


D'une vieille fille méchante et bornée, il écrit ainsi que {{citation|la forme plate de son front trahissait l'étroitesse de son esprit<ref>''[[s:Le Curé de Tours|Le Curé de Tours]]'', {{p.|27}}.</ref>.}} Pour un criminel : {{citation|Un trait de sa physionomie confirmait une assertion de Lavater sur les gens destinés au meurtre, il avait les dents de devant croisées<ref>''[[s:Le Curé de village/3|Le Curé de village]]'', {{p.|597}}</ref>.}} Ailleurs, il décrit ainsi un banquier : {{citation|L’habitude des décisions rapides se voyait dans la manière dont les sourcils étaient rehaussés vers chaque lobe du front. Quoique sérieuse et serrée, la bouche annonçait une bonté cachée, une âme excellente, enfouie sous les affaires, étouffée peut-être, mais qui pouvait renaître au contact d’une femme<ref>''[[s:Le Curé de village/1|Le Curé de village]]'', {{p.|529}}</ref>.}}
D'une vieille fille méchante et bornée, il écrit ainsi que {{citation|la forme plate de son front trahissait l'étroitesse de son esprit<ref>''[[s:Le Curé de Tours|Le Curé de Tours]]'', {{p.|27}}.</ref>}}. Pour un criminel : {{citation|Un trait de sa physionomie confirmait une assertion de Lavater sur les gens destinés au meurtre, il avait les dents de devant croisées<ref>''[[s:Le Curé de village/3|Le Curé de village]]'', {{p.|597}}.</ref>.}}. Ailleurs, il décrit ainsi un banquier : {{citation|L’habitude des décisions rapides se voyait dans la manière dont les sourcils étaient rehaussés vers chaque lobe du front. Quoique sérieuse et serrée, la bouche annonçait une bonté cachée, une âme excellente, enfouie sous les affaires, étouffée peut-être, mais qui pouvait renaître au contact d’une femme<ref>''[[s:Le Curé de village/1|Le Curé de village]]'', {{p.|529}}</ref>.}}.


Après sa faillite comme éditeur, Balzac revient à l’écriture. En septembre 1828, cherchant la sérénité et la documentation nécessaires à la rédaction des ''[[Les Chouans|Chouans]]'', roman politico-militaire, il obtient d'être hébergé par le général [[Gilbert de Pommereul|Pommereul]] à [[Fougères]]. Il polit particulièrement cet ouvrage, car il veut le faire éditer en format {{page h'|In-octavo|in-octavo}}, beaucoup plus prestigieux que le format [[in-duodecimo|in-12]] de ses livres précédents destinés aux [[Cabinet de lecture|cabinets de lecture]]. Le roman paraît finalement en 1829 sous le titre ''[[Les Chouans|Le Dernier Chouan ou la Bretagne]]''. C'est le premier de ses ouvrages à être signé « Honoré Balzac »<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=156-157}}.</ref>.
Après sa faillite comme éditeur, Balzac revient à l’écriture. En {{date-|septembre 1828}}, cherchant la sérénité et la documentation nécessaires à la rédaction des ''[[Les Chouans|Chouans]]'', roman politico-militaire, il obtient d'être hébergé par le général [[Gilbert de Pommereul|Pommereul]] à [[Fougères]]. Il polit particulièrement cet ouvrage, car il veut le faire éditer en format {{page h'|In-octavo|in-octavo}}, beaucoup plus prestigieux que le format [[in-duodecimo|in-12]] de ses livres précédents destinés aux [[Cabinet de lecture|cabinets de lecture]]. Le roman paraît finalement en 1829 sous le titre ''[[Les Chouans|Le Dernier Chouan ou la Bretagne]]''. C'est le premier de ses ouvrages à être signé « Honoré Balzac<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=156-157}}.</ref> ».


[[Fichier:Achille Devéria - Portrait de Balzac.jpg|vignette|Portrait d’Honoré de Balzac vers 1829, attribué à [[Achille Devéria]].]]
Cette même année 1829 voit la parution de ''[[Physiologie du mariage]]'' « par un jeune célibataire »<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=165}}.</ref>. Balzac y montre une {{Citation|étonnante connaissance des femmes}}, qu'il doit sans doute aux confidences de ses amantes, {{Mme|de Berny}} et la duchesse d'Abrantès, ainsi qu'à [[Fortunée Hamelin]] et [[Sophie Gay]], des « [[Incroyables et Merveilleuses|merveilleuses]] » dont il fréquente les salons<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=157}}.</ref>. Décrivant le mariage comme un combat, l'auteur prend le parti des femmes et défend le principe de l'égalité des sexes, alors mis de l'avant par les [[Saint-simonisme|saint-simoniens]]. L'ouvrage remporte un grand succès auprès des femmes, qui s'arrachent le livre, même si certaines le trouvent choquant<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=158}}.</ref>.
Cette même année 1829 voit la parution de ''[[Physiologie du mariage]]'' « par un jeune célibataire<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=165}}.</ref> ». Balzac y montre une {{Citation|étonnante connaissance des femmes}}, qu'il doit sans doute aux confidences de ses amantes, {{Mme|de Berny}} et la [[duchesse d'Abrantès]], ainsi qu'à [[Fortunée Hamelin]] et [[Sophie Gay]], des [[Incroyables et Merveilleuses|Merveilleuses]] dont il fréquente les salons<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=157}}.</ref>. Décrivant le mariage comme un combat, l'auteur prend le parti des femmes, et il défend le principe de l'égalité des sexes, alors mis en avant par les [[Saint-simonisme|saint-simoniens]]. L'ouvrage remporte un grand succès auprès des [[Femme|femmes]], qui s'arrachent le livre, même si certaines le trouvent choquant<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=158}}.</ref>.


[[Fichier:Andrea Appiani - Portrait de Madame Hamelin, née Fortunée Lormier-Lagrave (1776-1851) - P1685 - Musée Carnavalet.jpg|vignette|gauche|[[Fortunée Hamelin]], une [[Incroyables et Merveilleuses|Merveilleuse]] dont Balzac fréquentait le salon. Portrait par [[Andrea Appiani]] (1798).|alt=Portrait peint d'une femme aux cheveux bruns, longs et bouclés, elle porte une étole blanche sur une chemise blanche en croisant les bras.]]
Balzac commence dès lors à être un auteur connu. Il est introduit au salon de [[Juliette Récamier]], où se retrouve le gratin littéraire et artistique de l'époque. Il fréquente aussi le salon de la princesse russe [[Piotr Ivanovitch Bagration|Catherine Bagration]], où il se lie notamment avec le [[Édouard de Fitz-James (1776-1838)|duc de Fitz-James]], oncle de {{Mme|de Castries}}<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=160-161}}.</ref>. Toutefois, ses livres ne se vendent pas assez : ses revenus ne sont pas à la hauteur de ses ambitions et de son train de vie. Il cherche alors à gagner de l'argent dans le journalisme.
Balzac commence dès lors à être un auteur connu. Il est introduit au salon de [[Juliette Récamier]], où se retrouve le gratin littéraire et artistique de l'époque. Il fréquente aussi le salon de la princesse russe [[Piotr Ivanovitch Bagration|Catherine Bagration]], où il se lie notamment avec le [[Édouard de Fitz-James (1776-1838)|duc de Fitz-James]], oncle de {{Mme|de Castries}}<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=160-161}}.</ref>. Toutefois, ses livres ne se vendent pas assez : ses revenus ne sont pas à la hauteur de ses ambitions et de son train de vie. Il cherche alors à gagner de l'argent dans le journalisme.


En 1830, il écrit dans la ''[[Revue de Paris]]'', la ''[[Revue des deux Mondes]]'', ''[[La Mode (revue française)|La Mode]]'', ''[[La Silhouette]]'', ''[[Le Voleur (revue française)|Le Voleur]]'', ''[[La Caricature]]''. Il devient l'ami du patron de presse [[Émile de Girardin]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=172-175 et 179}}.</ref>. Deux ans après la mort de son père, l'écrivain ajoute une particule à son nom lors de la publication de ''[[L'Auberge rouge (Balzac)|L'Auberge rouge]]'', en [[1831 en littérature|1831]], qu'il signe ''de'' Balzac<ref>Anne-Marie Meininger, Introduction à ''L'Auberge rouge'', La Pléiade, 1980, {{t.|XI}}, {{p.|84-85}}.</ref>{{,}}<ref>[[Pierre Barbéris]], appendice à ''[[César Birotteau]]'', Le livre de poche Hachette, 1984, {{p.|363}}.</ref>. Ses textes journalistiques sont d'une grande diversité. Certains portent sur ce qu'on appellerait aujourd'hui la politique culturelle, tels « De l'état actuel de la librairie » et « Des artistes ». Ailleurs est esquissée une « Galerie physiologique », avec « L'épicier » et « Le Charlatan ». Il écrit aussi sur les mots à la mode, la mode en littérature et esquisse une nouvelle théorie du déjeuner. Il publie en parallèle des contes fantastiques et se met à écrire sous forme de lettres des réflexions sur la politique<ref group=n>Ces textes sont réunis dans {{Harvsp|Pléiade 1996}}.</ref>.
En 1830, il écrit dans la ''[[Revue de Paris]]'', la ''[[Revue des deux Mondes]]'', ''[[La Mode (revue française)|La Mode]]'', ''[[La Silhouette]]'', ''[[Le Voleur (revue française)|Le Voleur]]'', ''[[La Caricature]]''. Il devient l'ami du patron de presse [[Émile de Girardin]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=172-175 et 179}}.</ref>. Deux ans après la mort de son père, survenue le 19 juin 1829<ref>{{Ouvrage|langue=fr|titre=Actes de l'état-civil reconstitué de Paris (07/12/1779-16/05/1832), 5Mi1 2339|éditeur=Archives de Paris|année=|pages totales=54|passage=47-48|isbn=|lire en ligne=https://archives.paris.fr/arkotheque/visionneuse/visionneuse.php?arko=YTo2OntzOjQ6ImRhdGUiO3M6MTA6IjIwMjItMDUtMTIiO3M6MTA6InR5cGVfZm9uZHMiO3M6MTE6ImFya29fc2VyaWVsIjtzOjQ6InJlZjEiO2k6Mzk7czo0OiJyZWYyIjtpOjE3MDIwNTtzOjE2OiJ2aXNpb25uZXVzZV9odG1sIjtiOjE7czoyMToidmlzaW9ubmV1c2VfaHRtbF9tb2RlIjtzOjQ6InByb2QiO30=|consulté le=12 mai 2022}}</ref>, l'écrivain ajoute une particule à son nom lors de la publication de ''[[L'Auberge rouge (Balzac)|L'Auberge rouge]]'', en [[1831 en littérature|1831]], qu'il signe «de» Balzac<ref>Anne-Marie Meininger, introduction à ''L'Auberge rouge'', La Pléiade, 1980, {{t.|XI}}, {{p.|84-85}}.</ref>{{,}}<ref>[[Pierre Barbéris]], appendice à ''[[César Birotteau]]'', Le Livre de poche Hachette, 1984, {{p.|363}}.</ref>. Ses textes journalistiques sont d'une grande diversité. Certains portent sur ce qu'on appellerait aujourd'hui la politique culturelle, tels « De l'état actuel de la librairie » et « Des artistes ». Ailleurs est esquissée une « Galerie physiologique », avec « L'Épicier » et « Le Charlatan ». Il écrit aussi sur les mots à la mode, la mode en littérature et esquisse une nouvelle théorie du déjeuner. Il publie en parallèle des contes fantastiques et se met à écrire sous forme de lettres des réflexions sur la politique<ref group=n>Ces textes sont réunis dans {{Harvsp|Pléiade 1996}}.</ref>.


En même temps, il travaille à ''[[La Peau de chagrin]]'', qu'il voit comme {{Citation|une véritable niaiserie en fait de littérature, mais où il a essayé de transporter quelques situations de cette vie cruelle par laquelle les hommes de génie ont passé avant d'arriver à quelque chose<ref>''Correspondance''. Cité par {{Harvsp|Maurois 1965|p=176}}.</ref>}}. D'inspiration romantique par son intrigue, qui fait {{citation|se dérouler dans le Paris de 1830 un conte oriental des mille et une nuits<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=129}}</ref>}}, le conte explore l'opposition entre une vie fulgurante consumée par le désir, et la longévité morne que donne le renoncement à toute forme de désir. Son héros, [[Raphaël de Valentin]], s'exprime comme l'auteur lui-même, qui veut tout : la gloire, la richesse, les femmes : {{Citation bloc|Méconnu par les femmes, je me souviens de les avoir observées avec la sagacité de l’amour dédaigné. (...) Je voulus me venger de la société, je voulus posséder l’âme de toutes les femmes en me soumettant les intelligences, et voir tous les regards fixés sur moi quand mon nom serait prononcé par un valet à la porte d’un salon. Je m’instituai grand homme<ref>''[[s:La Peau de chagrin/Chapitre 2|La Peau de Chagrin]]'', {{p.|7}}. Cité dans {{Harvsp|Maurois 1965|p=181}}.</ref>.}} Balzac dira plus tard de ce roman qu'il est {{Citation|la clé de voûte qui relie les études de mœurs aux études philosophiques par l'anneau d’une fantaisie presque orientale où la vie elle-même est prise avec le Désir, principe de toute passion<ref>Propos rapportés dans {{Harvsp|Vannier 1984|p=127}}.</ref>}}.
En même temps, il travaille à ''[[La Peau de chagrin]]'', qu'il voit comme {{Citation|une véritable niaiserie en fait de littérature, mais où il a essayé de transporter quelques situations de cette vie cruelle par laquelle les hommes de génie ont passé avant d'arriver à quelque chose<ref>''Correspondance''. Cité par {{Harvsp|Maurois 1965|p=176}}.</ref>}}. D'inspiration romantique par son intrigue, qui fait {{citation|se dérouler dans le Paris de 1830 un conte oriental des Mille et une Nuits<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=129}}.</ref>}}, le conte explore l'opposition entre une vie fulgurante consumée par le désir, et la longévité morne que donne le renoncement à toute forme de désir. Son héros, [[Raphaël de Valentin]], s'exprime comme l'auteur lui-même, qui veut tout : la gloire, la richesse, les femmes : {{Citation bloc|Méconnu par les femmes, je me souviens de les avoir observées avec la sagacité de l’amour dédaigné. […] Je voulus me venger de la société, je voulus posséder l’âme de toutes les femmes en me soumettant les intelligences, et voir tous les regards fixés sur moi quand mon nom serait prononcé par un valet à la porte d’un salon. Je m’instituai grand homme<ref>''[[s:La Peau de chagrin/Chapitre 2|La Peau de Chagrin]]'', {{p.|7}}. Cité dans {{Harvsp|Maurois 1965|p=181}}.</ref>.}} Balzac dira plus tard de ce roman qu'il est {{Citation|la clé de voûte qui relie les études de mœurs aux études philosophiques par l'anneau d’une fantaisie presque orientale où la vie elle-même est prise avec le Désir, principe de toute passion<ref>Propos rapportés dans {{Harvsp|Vannier 1984|p=127}}.</ref>}}.


Dans la préface de l'édition de 1831, il expose son esthétique réaliste : {{Citation|L'art littéraire ayant pour objet de reproduire la nature par la pensée est le plus compliqué de tous les arts. [...] L'écrivain doit être familiarisé avec tous les effets, toutes les natures. Il est obligé d'avoir en lui je ne sais quel miroir concentrique où, suivant sa fantaisie, l'univers vient se réfléchir<ref>''[http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8600285b/f35.image La Peau de chagrin]'', {{p.|20-21}}.</ref>.}} Ce livre {{incise|qu'il dédie à la ''Dilecta''<ref>Laure de Berny, {{Harvsp|Pierrot 1994|p=208}}.</ref>}} paraîtra finalement en [[1831 en littérature|1831]]. C'est un succès immédiat. Balzac est devenu {{Citation|avec trois ouvrages, l'ambition des éditeurs, l'enfant chéri des libraires, l'auteur favori des femmes<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=184}}.</ref>.}}
Dans la préface de l'édition de 1831, il expose son esthétique réaliste : {{Citation|L'art littéraire ayant pour objet de reproduire la nature par la pensée est le plus compliqué de tous les arts. [] L'écrivain doit être familiarisé avec tous les effets, toutes les natures. Il est obligé d'avoir en lui je ne sais quel miroir concentrique où, suivant sa fantaisie, l'univers vient se réfléchir<ref>[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8600285b/f35.image ''La Peau de chagrin''], {{p.|20-21}}.</ref>.}}. Ce livre {{incise|qu'il dédie à la ''dilecta''<ref>Laure de Berny, {{Harvsp|Pierrot 1994|p=208}}.</ref>}} paraîtra finalement en 1831. C'est un succès immédiat. Balzac est devenu {{Citation|avec trois ouvrages, l'ambition des éditeurs, l'enfant chéri des libraires, l'auteur favori des femmes<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=184}}.</ref>}}.


=== Le grand projet de ''La Comédie humaine'' ===
=== Le grand projet de ''La Comédie humaine'' ===
{{Article détaillé|La Comédie humaine}}
{{Article détaillé|La Comédie humaine}}


====Une œuvre colossale et rigoureusement planifiée====
==== Une œuvre colossale et rigoureusement planifiée ====
[[Fichier:Father Goriot by H. Daumier (1842).JPG|vignette|upright|left|Le père Goriot par [[Honoré Daumier|Daumier]] (1842). Ce roman inaugure le retour des personnages.|alt=Gravure d'un homme préoccupé vu de profil, il est assis sur une chaise les mains croisées posées sur ses jambes croisées.]]
[[Fichier:Father Goriot by H. Daumier (1842).JPG|vignette|left|Le père Goriot par [[Honoré Daumier|Daumier]] (1842). Ce roman inaugure le retour des personnages.|alt=Gravure d'un homme préoccupé vu de profil, il est assis sur une chaise les mains croisées posées sur ses jambes croisées.]]
''[[La Peau de chagrin]]'' marque le début d'une période créative au cours de laquelle prennent forme les grandes lignes de ''La Comédie humaine''. Les « études philosophiques », qu’il définit comme la clé permettant de comprendre l’ensemble de son œuvre<ref>''La Comédie humaine'', dans {{Harvsp|Vannier 1984|p=127}}.</ref>, ont pour base cet ouvrage, qui sera suivi de ''[[Louis Lambert]]'' ([[1832 en littérature|1832]]), ''[[Séraphîta]]'' ([[1835 en littérature|1835]]) et ''[[La Recherche de l'absolu]]'' ([[1834 en littérature|1834]]).
''[[La Peau de chagrin]]'' marque le début d'une période créative au cours de laquelle prennent forme les grandes lignes de ''La Comédie humaine''. Les « études philosophiques », qu’il définit comme la clé permettant de comprendre l’ensemble de son œuvre<ref>''La Comédie humaine'', dans {{Harvsp|Vannier 1984|p=127}}.</ref>, ont pour base cet ouvrage, qui sera suivi de ''[[Louis Lambert]]'' ([[1832 en littérature|1832]]), ''[[Séraphîta]]'' ([[1835 en littérature|1835]]) et ''[[La Recherche de l'absolu]]'' ([[1834 en littérature|1834]]).


Les ''Scènes de la vie privée'', qui inaugurent la catégorie des « études de mœurs », commencent avec ''[[Gobseck]]'' ([[1830 en littérature|1830]]) et ''[[La Femme de trente ans]]'' ([[1831 en littérature|1831]]). La construction de « l'édifice », dont il expose le plan dès 1832 à sa famille avec un enthousiasme fébrile<ref name=Maurois160>{{Harvsp|Maurois 1965|p=160}}.</ref>, se poursuit avec les ''scènes de la vie parisienne'' dont fait partie ''[[Le Colonel Chabert]]'' ([[1832 en littérature|1832]]-[[1835 en littérature|1835]]). Il aborde en même temps les ''scènes de la vie de province'' avec ''[[Le Curé de Tours]]'' ([[1832 en littérature|1832]]) et ''[[Eugénie Grandet]]'' ([[1833 en littérature|1833]]), ainsi que les ''scènes de la vie de campagne'' avec ''[[Le Médecin de campagne]]'' ([[1833 en littérature|1833]]), dans lequel il expose un système économique et social de type [[Saint-simonisme|saint-simonien]]<ref name=Maurois160/>.
Les ''Scènes de la vie privée'', qui inaugurent la catégorie des «études de mœurs», commencent avec ''[[Gobseck]]'' ([[1830 en littérature|1830]]) et ''[[La Femme de trente ans]]'' ([[1831 en littérature|1831]]). La construction de « l'édifice », dont il expose le plan dès 1832 à sa famille avec un enthousiasme fébrile<ref name=Maurois160>{{Harvsp|Maurois 1965|p=160}}.</ref>, se poursuit avec les ''Scènes de la vie parisienne'' dont fait partie ''[[Le Colonel Chabert]]'' (1832-1835). Il aborde en même temps les ''Scènes de la vie de province'' avec ''[[Le Curé de Tours]]'' (1832) et ''[[Eugénie Grandet]]'' ([[1833 en littérature|1833]]), ainsi que les ''Scènes de la vie de campagne'' avec ''[[Le Médecin de campagne]]'' ([[1833 en littérature|1833]]), dans lequel il expose un système économique et social de type [[Saint-simonisme|saint-simonien]]<ref name=Maurois160/>.


Ainsi commence « le grand dessein » qui, loin d’être une simple juxtaposition d’œuvres compilées ''a posteriori'', se développe instinctivement au fur et à mesure de ses écrits<ref>[[Félix Davin]], Introduction aux études philosophiques, {{Harvsp|Pléiade|1979}}, {{t.|X}}, {{p.|1202-1220}}. Texte sur {{lien web|url=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k690200/f7.image|titre=Gallica}}.</ref>. Il envisage le plan d'une œuvre immense, qu'il compare à une cathédrale<ref>Balzac, lettre à Zulma Carraud, janvier 1845. {{Harvsp|Lotte 1961|p=231}}.</ref>. L’ensemble doit être organisé pour embrasser du regard toute l’époque, tous les milieux sociaux et l'évolution des destinées. Profondément influencé par les théories de [[Georges Cuvier|Cuvier]] et de [[Étienne Geoffroy Saint-Hilaire|Geoffroy Saint-Hilaire]], il part du principe qu'il existe « des Espèces Sociales comme il y a des Espèces Zoologiques » et que les premières sont beaucoup plus variées que les secondes, car « les habitudes, les vêtements, les paroles, les demeures d’un prince, d’un banquier, d’un artiste, d’un bourgeois, d’un prêtre et d’un pauvre sont entièrement dissemblables et changent au gré des civilisations. » Il en résulte que la somme romanesque qu'il envisage doit {{citation|avoir une triple forme : les hommes, les femmes et les choses, c’est-à-dire les personnes et la représentation matérielle qu’ils donnent de leur pensée ; enfin l’homme et la vie<ref>[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-Propos à ''La Comédie humaine'']] {{p.|20}}.</ref>.}}
Ainsi commence « le grand dessein » qui, loin d’être une simple juxtaposition d’œuvres compilées ''a posteriori'', se développe instinctivement au fur et à mesure de ses écrits<ref>[[Félix Davin]], introduction aux ''Études philosophiques'', {{Harvsp|Pléiade 1979|p=1202-1220}}, {{t.|X}}. Texte sur {{lien web|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k690200/f7.image|titre=Gallica}}.</ref>. Il envisage le plan d'une œuvre immense, qu'il compare à une [[cathédrale]]<ref>Balzac, lettre à Zulma Carraud, janvier 1845. {{Harvsp|Lotte 1961|p=231}}.</ref>. L’ensemble doit être organisé pour embrasser du regard toute l’époque, tous les milieux sociaux et l'évolution des destinées. Profondément influencé par les théories de [[Georges Cuvier|Cuvier]] et de [[Étienne Geoffroy Saint-Hilaire|Geoffroy Saint-Hilaire]], il part du principe qu'il existe {{citation|des Espèces Sociales comme il y a des Espèces Zoologiques}} et que les premières sont beaucoup plus variées que les secondes, car {{citation|les habitudes, les vêtements, les paroles, les demeures d’un prince, d’un banquier, d’un artiste, d’un bourgeois, d’un prêtre et d’un pauvre sont entièrement dissemblables et changent au gré des civilisations}}. Il en résulte que la somme romanesque qu'il envisage doit {{citation|avoir une triple forme : les hommes, les femmes et les choses, c’est-à-dire les personnes et la représentation matérielle qu’ils donnent de leur pensée ; enfin l’homme et la vie<ref>[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-propos à ''La Comédie humaine'']], {{p.|20}}.</ref>}}.


''[[Le Père Goriot]]'', commencé en [[1834 en littérature|1834]], marque l’étape la plus importante dans la construction de son œuvre, car Balzac a alors l'idée du retour des personnages, qui est une caractéristique majeure de ''La Comédie humaine''<ref>{{Harvsp|Marceau|p=23|texte=Marceau 1986}}.</ref>. L'œuvre n'a pu prendre corps qu'avec l'idée de ce retour<ref>{{harvsp|Picon 1956|p=120}}.</ref>. Elle est étroitement liée à l'idée d'un cycle romanesque {{Citation|faisant concurrence à l’état civil}}. Ainsi, un personnage qui avait joué un rôle central dans un roman peut reparaître dans un autre quelques années plus tard comme personnage secondaire, tout en étant présenté sous un nouveau jour, exactement comme, dans la vie, des gens que nous avons connus peuvent disparaître longtemps de nos relations pour ensuite refaire surface. Le roman arrive ainsi à restituer {{Citation|la part de mystère qui subsiste dans chaque vie et dans tout être. Dans la vie aussi, rien ne se termine<ref>{{Harvsp|Marceau|p=24|texte=Marceau 1955}}.</ref>.}} De même, anticipant la vogue des « [[préquelle]]s », il peut présenter dans un roman la jeunesse d'une personne qu'on avait rencontrée sous les traits d'une femme mûre dans un roman précédent, telle {{Citation|l'actrice Florine peinte au milieu de sa vie dans ''[[Une fille d'Ève]]'' et [que l'on retrouve] à son début dans ''Illusions perdues''<ref>Préface de Balzac à ''Une fille d'Ève'', citée par {{Harvsp|Lotte 1961|p=229}}.</ref>}}.
''[[Le Père Goriot]]'', commencé en 1834, marque l’étape la plus importante dans la construction de son œuvre, car Balzac a alors l'idée du retour des personnages, qui est une caractéristique majeure de ''La Comédie humaine''<ref>{{Harvsp|Marceau|p=23|texte=Marceau 1986}}.</ref>. L'œuvre n'a pu prendre corps qu'avec l'idée de ce retour<ref>{{harvsp|Picon 1956|p=120}}.</ref>. Elle est étroitement liée à l'idée d'un cycle romanesque {{Citation|faisant concurrence à l’état civil}}. Ainsi, un personnage qui avait joué un rôle central dans un roman peut reparaître dans un autre quelques années plus tard comme personnage secondaire, tout en étant présenté sous un nouveau jour, exactement comme, dans la vie, des gens que nous avons connus peuvent disparaître longtemps de nos relations pour ensuite refaire surface. Le roman arrive ainsi à restituer {{Citation|la part de mystère qui subsiste dans chaque vie et dans tout être. Dans la vie aussi, rien ne se termine<ref>{{Harvsp|Marceau|p=24|texte=Marceau 1955}}.</ref>}}. De même, anticipant la vogue des « [[préquelle]]s », il peut présenter dans un roman la jeunesse d'une personne qu'on avait rencontrée sous les traits d'une femme mûre dans un roman précédent, telle {{Citation|l'actrice Florine peinte au milieu de sa vie dans ''[[Une fille d'Ève]]'' et [que l'on retrouve] à son début dans ''Illusions perdues''<ref>Préface de Balzac à ''Une fille d'Ève'', citée par {{Harvsp|Lotte 1961|p=229}}.</ref>}}.


Une fois le plan élaboré, les publications se succèdent à un rythme accéléré : ''[[Le Lys dans la vallée]]'' paraît en [[1835 en littérature|1835]]-[[1836 en littérature|1836]], puis ''[[César Birotteau|Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau]]'' en [[1837 en littérature|1837]], suivi de ''[[La Maison Nucingen]]'' en [[1838 en littérature|1838]], ''[[Le Curé de village]]'' et ''[[Béatrix (Balzac)|Béatrix]]'' en [[1839 en littérature|1839]], ''[[Ursule Mirouët]]'' et ''[[Une ténébreuse affaire]]'' en [[1841 en littérature|1841]], ''[[La Rabouilleuse]]'' en [[1842 en littérature|1842]]. La rédaction d''[[Illusions perdues]]'' s’étend de 1837 à [[1843 en littérature|1843]], tandis que celle de ''[[Splendeurs et misères des courtisanes]]'' va de 1838 à 1847. Paraissent encore deux chefs-d'œuvre : ''[[La Cousine Bette]]'' [[1846 en littérature|1846]] et ''[[Le Cousin Pons]]'' [[1847 en littérature|1847]].
Une fois le plan élaboré, les publications se succèdent à un rythme accéléré : ''[[Le Lys dans la vallée]]'' paraît en 1835-[[1836 en littérature|1836]], puis ''[[César Birotteau|Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau]]'' en [[1837 en littérature|1837]], suivi de ''[[La Maison Nucingen]]'' en [[1838 en littérature|1838]], ''[[Le Curé de village]]'' et ''[[Béatrix (Balzac)|Béatrix]]'' en [[1839 en littérature|1839]], ''[[Ursule Mirouët]]'' et ''[[Une ténébreuse affaire]]'' en [[1841 en littérature|1841]], ''[[La Rabouilleuse]]'' en [[1842 en littérature|1842]]. La rédaction d{{'}}''[[Illusions perdues]]'' s’étend de 1837 à [[1843 en littérature|1843]], tandis que celle de ''[[Splendeurs et misères des courtisanes]]'' va de 1838 à 1847. Paraissent encore deux chefs-d'œuvre : ''[[La Cousine Bette]]'' ([[1846 en littérature|1846]]) et ''[[Le Cousin Pons]]'' ([[1847 en littérature|1847]]).


Le plan de l'ouvrage est constamment refait et s'allonge au fil des ans, jusqu'à compter 145 titres en 1845, dont 85 sont déjà écrits. Mais ses forces déclinent et il doit réduire son projet. Au total, ''La Comédie humaine'' comptera 90 titres publiés du vivant de l'auteur<ref group=n>L'Avant-propos n'est pas compté dans ce total de 90 titres. ''Illusions perdues'' et ''Splendeurs et misères'' sont comptés chacun comme un seul titre.</ref>.
Le plan de l'ouvrage est constamment refait et s'allonge au fil des ans, jusqu'à compter 145 titres en 1845, dont 85 sont déjà écrits. Mais ses forces déclinent et il doit réduire son projet. Au total, ''La Comédie humaine'' comptera 90 titres publiés du vivant de l'auteur<ref group=n>L'avant-propos n'est pas compté dans ce total de 90 titres. ''Illusions perdues'' et ''Splendeurs et misères'' sont comptés chacun comme un seul titre.</ref>.


==== Une passion du détail vrai ====
==== Une passion du détail vrai ====
[[Fichier:BalzacCousinBette01.jpg|vignette|upright|left|Illustration tirée de ''[[La Cousine Bette]]''|alt=Jeune fille au chevet d'un mourant sur un grabat dans un grenier.]]
[[Fichier:BalzacCousinBette01.jpg|vignette|Illustration tirée de ''[[La Cousine Bette]]''.|alt=Jeune fille au chevet d'un mourant sur un grabat dans un grenier.]]
{{encadré texte
{{encadré texte
|align=right
|align=right
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|texte={{citation|Enfin, toutes les horreurs que les romanciers croient inventer sont toujours au-dessous de la vérité.}}
|texte={{citation|Enfin, toutes les horreurs que les romanciers croient inventer sont toujours au-dessous de la vérité.}}
''Le Colonel Chabert''<ref>''[[s:Le Colonel Chabert|Le Colonel Chabert]]'', {{p.|60}}</ref>|
''Le Colonel Chabert''<ref>''[[s:Le Colonel Chabert|Le Colonel Chabert]]'', {{p.|60}}.</ref>|
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Doté du génie de l'observation, Balzac attache une grande importance à la documentation et décrit avec précision les lieux de ses intrigues, n'hésitant pas à se rendre sur place pour mieux s'imprégner de l'atmosphère, ou interrogeant des personnes originaires d'une ville qui joue un rôle dans son récit. Il a un sens aigu du détail vrai et son style devient jubilatoire dès qu'il s'agit de décrire<ref>{{Harvsp|Rosen 1996|p=205}}.</ref>. C'est pour cela que les personnages prennent tellement de place dans son œuvre et qu'il ne pouvait pas rivaliser avec [[Eugène Sue]] dans le [[roman-feuilleton]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=409}}.</ref>. Il décrit minutieusement une rue, l'extérieur d'une maison, la topographie d'une ville, la démarche d'un personnage<ref>Par exemple, ''[http://books.google.fr/books?q=anatomie&id=R3oTAAAAMAAJ&hl=fr&output=text#v=onepage&q&f=false Théorie de la démarche]'', {{p.|60-63}}.</ref>, les nuances de la voix et du regard. Il est à la fois scénographe, costumier et régisseur : {{Citation|Balzac, par sa gestion si particulière de l'espace et du temps, a inventé l'écriture cinématographique<ref>{{ouvrage|auteur1=Anne-Marie Baron|titre=Balzac cinéaste|éditeur=Méridiens Klinksieck|année=1990|passage=35 |isbn=2865632687 }}.</ref>.}} Les minutieuses descriptions de l’ameublement d’une maison, d'une collection d'antiquités<ref>Voir par exemple [[s:La Muse du département (ed. Houssiaux)|''La Muse du département'']], {{p.|373}}.</ref>, des costumes des personnages jusque dans les moindres détails {{incise|passementerie, étoffes, teintes}} sont celles d’un scénographe, voire d'un cinéaste<ref>Gilles Visy : ''Le Colonel Chabert au cinéma'', Université de Limoges, Publibook, 2003. {{p.}}23 {{ISBN|2748302109}}.</ref>. L’auteur de ''La Comédie humaine'' plante ses décors avec un soin presque maniaque, ce qui explique l’engouement des metteurs en scène pour ses textes, souvent adaptés à l’écran (voir [[Films basés sur l'œuvre d'Honoré de Balzac]]). Il accorde un même soin à décrire le fonctionnement d'une prison<ref>[[Histoire du palais de la Cité|Prison de la Conciergerie]] dans [[s:Splendeurs et misères des courtisanes/Quatrième partie|''La dernière incarnation de Vautrin'']].</ref>, les rouages de l'administration, la mécanique judiciaire, les techniques de spéculation boursière<ref>[[s:La Maison Nucingen|''La Maison Nucingen'']].</ref>, les plus-values que procure un monopole<ref>[[s:Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau|''Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau'']].</ref> ou une soirée à l'opéra et les effets de la musique<ref>[[s:Massimilla Doni|''Massimilla Doni'']].</ref>.
Doté du génie de l'[[observation]], Balzac attache une grande importance à la [[documentation]] et décrit avec précision les lieux de ses intrigues, n'hésitant pas à se rendre sur place pour mieux s'imprégner de l'[[atmosphère]], ou interrogeant des personnes originaires d'une ville qui joue un rôle dans son récit. Il a un sens aigu du détail vrai et son style devient jubilatoire dès qu'il s'agit de décrire<ref>{{Harvsp|Rosen 1996|p=205}}.</ref>. C'est pour cela que les personnages prennent tellement de place dans son œuvre et qu'il ne pouvait pas rivaliser avec [[Eugène Sue]] dans le [[roman-feuilleton]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=409}}.</ref>. Il décrit minutieusement une rue, l'extérieur d'une maison, la topographie d'une ville, la démarche d'un personnage<ref>Par exemple, [https://books.google.fr/books?q=anatomie&id=R3oTAAAAMAAJ&hl=fr&output=text#v=onepage&q&f=false ''Théorie de la démarche''], {{p.|60-63}}.</ref>, les nuances de la voix et du regard. Il est à la fois [[scénographe]], [[costumier]] et [[Régisseur (théâtre)|régisseur]] : {{Citation|Balzac, par sa gestion si particulière de l'espace et du temps, a inventé l'écriture cinématographique<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Anne-Marie Baron|titre=Balzac cinéaste|lieu=Paris|éditeur=Méridiens Klinksieck|année=1990|pages totales=204|passage=35|isbn=2865632687}}.</ref>.}}. Les minutieuses descriptions de l’ameublement d’une maison, d'une collection d'antiquités<ref>Voir par exemple [[s:La Muse du département (ed. Houssiaux)|''La Muse du département'']], {{p.|373}}.</ref>, des costumes des personnages jusque dans les moindres détails {{incise|passementerie, étoffes, teintes}} sont celles d’un scénographe, voire d'un [[cinéaste]]<ref>Gilles Visy, ''« Le Colonel Chabert » au cinéma'', Université de Limoges, Publibook, 2003, {{p.}}23 {{ISBN|2748302109}}.</ref>. L’auteur de ''La Comédie humaine'' plante ses décors avec un soin presque maniaque, ce qui explique l’engouement des metteurs en scène pour ses textes, souvent adaptés à l’écran (voir [[Films basés sur l'œuvre d'Honoré de Balzac]]). Il accorde un même soin à décrire le fonctionnement d'une prison<ref>[[Palais de la Cité|Prison de la Conciergerie]] dans [[s:Splendeurs et misères des courtisanes/Quatrième partie|''La dernière incarnation de Vautrin'']].</ref>, les rouages de l'administration, la mécanique judiciaire, les techniques de spéculation boursière<ref>[[s:La Maison Nucingen|''La Maison Nucingen'']].</ref>, les plus-values que procure un monopole<ref>[[s:Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau|''Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau'']].</ref> ou une soirée à l'Opéra et les effets de la musique<ref>[[s:Massimilla Doni|''Massimilla Doni'']].</ref>.


Par cet ensemble de romans et nouvelles, Balzac se veut un témoin de son siècle, dont il dresse un état des lieux pour les générations futures. Il s'attache à des réalités de la vie quotidienne qui étaient ignorées par les auteurs classiques. Grâce à la précision et à la richesse de ses observations, ''La Comédie humaine'' a aujourd'hui valeur de témoignage socio-historique et permet de suivre la montée de la bourgeoisie française de 1815 à 1848<ref>{{Harvsp|Barbéris 1973|p=256}}.</ref>.
Par cet ensemble de romans et nouvelles, Balzac se veut un [[témoin]] de son [[siècle]], dont il dresse un état des lieux pour les [[Génération|générations]] futures. Il s'attache à des réalités de la vie quotidienne qui étaient ignorées par les auteurs classiques. Grâce à la précision et à la richesse de ses observations, ''La Comédie humaine'' a aujourd'hui valeur de témoignage socio-historique et permet de suivre la montée de la bourgeoisie française de 1815 à 1848<ref>{{Harvsp|Barbéris 1973|p=256}}.</ref>.


Pour cette raison, on a vu en lui un auteur réaliste, alors que le génie balzacien excède une catégorie réductrice que dénonçait déjà Baudelaire : {{Citation bloc|J'ai maintes fois été étonné que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur ; il m'avait toujours semblé que son principal mérite était d'être visionnaire, et visionnaire passionné. Tous ses personnages sont doués de l'ardeur vitale dont il était animé lui-même. Depuis le sommet de l'aristocratie jusqu'aux bas-fonds de la plèbe, tous les acteurs de sa ''Comédie'' sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, plus patients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre. Bref, chacun, chez Balzac, même les portières, a du génie<ref>{{Harvsp|Baudelaire 1869|p=177}}.</ref>.}}
Pour cette raison, on a vu en lui un auteur réaliste, alors que le génie balzacien excède une catégorie réductrice que dénonçait déjà [[Charles Baudelaire|Baudelaire]] : {{Citation bloc|J'ai maintes fois été étonné que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur ; il m'avait toujours semblé que son principal mérite était d'être visionnaire, et visionnaire passionné. Tous ses personnages sont doués de l'ardeur vitale dont il était animé lui-même. Depuis le sommet de l'aristocratie jusqu'aux bas-fonds de la plèbe, tous les acteurs de sa ''Comédie'' sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, plus patients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre. Bref, chacun, chez Balzac, même les portières, a du génie<ref>{{Harvsp|Baudelaire 1869|p=177}}.</ref>.}}


Baudelaire reconnaît toutefois au romancier un {{citation|goût prodigieux du détail, qui tient à une ambition immodérée de tout voir, de tout faire voir, de tout deviner, de tout faire deviner<ref>{{Harvsp|Baudelaire 1869|p=177}}</ref>}}. Nombre de critiques ont salué {{citation|une imagination débordante et d'une richesse infinie, l'imagination créatrice la plus fertile et la plus dense qui ait jamais existé depuis Shakespeare<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=10}}.</ref>}}. En poussant la précision du détail jusqu'à l'[[Hyperbole (rhétorique)|hyperbole]], le réalisme balzacien devient incandescent et se transforme en vision<ref>{{Harvsp|Béguin 1946|p=46-59 et 171}}.</ref>. Certains récits relèvent de la veine [[fantastique]] tandis que d'autres baignent dans une veine [[mystique]] et [[Ésotérisme|ésotérique]].
Baudelaire reconnaît toutefois au romancier un {{citation|goût prodigieux du détail, qui tient à une ambition immodérée de tout voir, de tout faire voir, de tout deviner, de tout faire deviner<ref>{{Harvsp|Baudelaire 1869|p=177}}</ref>}}. Nombre de critiques ont salué {{citation|une imagination débordante et d'une richesse infinie, l'imagination créatrice la plus fertile et la plus dense qui ait jamais existé depuis Shakespeare<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=10}}.</ref>}}. En poussant la précision du détail jusqu'à l'[[Hyperbole (rhétorique)|hyperbole]], le réalisme balzacien devient incandescent et se transforme en vision<ref>{{Harvsp|Béguin 1946|p=46-59 et 171}}.</ref>. Certains récits relèvent de la veine [[fantastique]] tandis que d'autres baignent dans une veine [[mystique]] et [[Ésotérisme|ésotérique]].
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==== Liens avec sa propre vie ====
==== Liens avec sa propre vie ====
[[Fichier:Grandville - Balzac et les personnages de la Comédie humaine.jpg|vignette|redresse=2.1|Balzac et les [[Liste des personnages de la Comédie humaine|personnages]] de ''[[La Comédie humaine]]''.<br> Dessin à la plume de [[Grandville]] pour un projet d'éventail, vers 1835-1836.]]
L’œuvre est indissociable de sa vie, dont les vicissitudes font comprendre ce qui a nourri son « monde<ref>{{Harvsp|Marceau|p=34 et 210-226|texte=Marceau 1986}}.</ref> ». Il fascine ses contemporains par ses bagues, sa canne à pommeau d'or, sa loge à l'opéra<ref>{{Harvsp|Gozlan 1886}}, {{lire en ligne|url=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k620418/f11.image|consulté le= |partie= |numéro chapitre=|titre chapitre=Balzac en pantoufles|passage=3}}.</ref>. Il vit avec une gourmandise insatiable<ref group=n>Voir le menu d'un déjeuner dans ''[[s:Les Comédiens sans le savoir|Les Comédiens sans le savoir]]'', {{p.|158}}.</ref>, un appétit {{Citation|d'argent, de femmes, de gloire, de réputation, de titres, de vins et de fruits<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=11}}, {{Harvsp|Taine 1866|p=76}}.</ref>}}.
L’œuvre est indissociable de sa vie, dont les vicissitudes font comprendre ce qui a nourri son « monde<ref>{{Harvsp|Marceau|p=34 et 210-226|texte=Marceau 1986}}.</ref> ». Il fascine ses contemporains par ses bagues, sa canne à pommeau d'or, sa loge à l'Opéra<ref>{{Harvsp|Gozlan 1886}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k620418/f11.image|consulté le= |partie= |numéro chapitre=|titre chapitre=Balzac en pantoufles|passage=3}}.</ref>. Il vit avec une gourmandise insatiable<ref group=n>Voir le menu d'un déjeuner dans ''[[s:Les Comédiens sans le savoir|Les Comédiens sans le savoir]]'', {{p.|158}}.</ref>, un appétit {{Citation|d'argent, de femmes, de gloire, de réputation, de titres, de vins et de fruits<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=11}}, {{Harvsp|Taine 1866|p=76}}.</ref>}}.


Il a multiplié déménagements, faillites, dettes, spéculations ruineuses<ref group=n>Balzac avait englouti dans l'achat d'actions de la Compagnie du chemin de fer du Nord une somme de {{unité|130000|francs}} que lui avait envoyée [[Ewelina Hańska|{{Mme|Hańska}}]] en 1845, investissement qui s'est révélé ruineux lorsque le cours a baissé. Voir {{Harvsp|Pierrot 1994|p=459}}.</ref>, amours simultanées, emprunts de faux noms, séjours dans des châteaux, que ce soit à [[Château de Saché|Saché]] ou à [[Château de Frapesle|Frapesle]], et a fréquenté tous les milieux sociaux. L'accès à l'aisance financière {{citation|Avoir ou n’avoir pas de rentes, telle était la question, a dit Shakspeare<ref>''[[s:Le Cousin Pons|Le Cousin Pons]]'', {{p.|490}}</ref>}} est la motivation majeure de la plupart des mariages dans ses romans —comme ce le fut pour lui. Il montre un auteur poursuivi pour n'avoir pas livré à temps un manuscrit promis à son éditeur, tout comme cela lui est arrivé à lui-même<ref>''[[s:L’Envers de l’histoire contemporaine/2|L’Envers de l’histoire contemporaine]]'', {{p.|170}}</ref>. Alors qu'il a dû se cacher longtemps dans un appartement secret pour échapper à ses créanciers, en inventant mille stratagèmes (voir ci-dessous « Rue des Batailles »), il met en scène un détective privé qui gagne sa vie en s'emparant de débiteurs insaisissables<ref>''[[s:Les Comédiens sans le savoir|Les Comédiens sans le savoir]]'', {{p.|163-166}}.</ref>. À l'époque où, muni de l'argent que lui a confié [[Ewelina Hańska|{{Mme}} Hańska]], il court les antiquaires à la recherche de tableaux et d'objets d'art pour meubler fastueusement leur demeure commune (voir ci-dessous « La Folie Beaujon ou le dernier palais »)<ref>{{harvsp|Zweig 1952|p=435}}</ref>, il dessine le personnage du cousin Pons, un collectionneur passionné qui {{citation|pendant ses courses à travers Paris, avait trouvé pour dix francs ce qui se paye aujourd’hui mille à douze cents francs<ref>''[[s:Le Cousin Pons|Le Cousin Pons]]'', {{p.|391}}</ref>}} et avait ainsi amassé une collection exceptionnelle.
Il a multiplié déménagements, faillites, dettes, spéculations ruineuses<ref group=n>Balzac avait englouti dans l'achat d'actions de la Compagnie du chemin de fer du Nord une somme de {{unité|130000|francs}} que lui avait envoyée [[Ewelina Hańska|{{Mme|Hańska}}]] en 1845, investissement qui s'est révélé ruineux lorsque le cours a baissé. Voir {{Harvsp|Pierrot 1994|p=459}}.</ref>, amours simultanées, emprunts de faux noms, séjours dans des châteaux, que ce soit à [[Château de Saché|Saché]] ou à [[Château de Frapesle|Frapesle]], et a fréquenté tous les milieux sociaux. L'accès à l'aisance financière {{incise|{{citation|Avoir ou n’avoir pas de rentes, telle était la question, a dit Shakspeare<ref>''[[s:Le Cousin Pons|Le Cousin Pons]]'', {{p.|490}}.</ref>}}}} est la motivation majeure de la plupart des mariages dans ses romans — comme ce le fut pour lui. Il montre un auteur poursuivi pour n'avoir pas livré à temps un manuscrit promis à son éditeur, tout comme cela lui est arrivé à lui-même<ref>''[[s:L’Envers de l’histoire contemporaine/2|L’Envers de l’histoire contemporaine]]'', {{p.|170}}.</ref>. Alors qu'il a dû se cacher longtemps dans un appartement secret pour échapper à ses créanciers, en inventant mille stratagèmes (voir ci-dessous « Rue des Batailles »), il met en scène un détective privé qui gagne sa vie en s'emparant de débiteurs insaisissables<ref>''[[s:Les Comédiens sans le savoir|Les Comédiens sans le savoir]]'', {{p.|163-166}}.</ref>. À l'époque où, muni de l'argent que lui a confié [[Ewelina Hańska|{{Mme}} Hańska]], il court les antiquaires à la recherche de tableaux et d'objets d'art pour meubler fastueusement leur demeure commune (voir ci-dessous « La Folie Beaujon ou le dernier palais<ref>{{harvsp|Zweig 1950|p=435}}.</ref> »), il dessine le personnage du cousin Pons, un collectionneur passionné qui {{citation|pendant ses courses à travers Paris, avait trouvé pour dix francs ce qui se paye aujourd’hui mille à douze cents francs<ref>''[[s:Le Cousin Pons|Le Cousin Pons]]'', {{p.|391}}.</ref>}} et avait ainsi amassé une collection exceptionnelle.


Par leur psychologie, plusieurs personnages sont intimement liés à la personnalité de Balzac et apparaissent comme des doubles de leur créateur. On peut voir une part de lui dans les personnages de ''[[Séraphîta]]'', ''[[Louis Lambert]]'', ''[[La Fille aux yeux d'or]]'' et ''[[Mémoires de deux jeunes mariées]]''. On le reconnaît aussi dans le narrateur de ''[[Facino Cane]]'' et surtout en [[Lucien de Rubempré]], dont la trajectoire, qui s'étend sur ses deux plus grands romans (''[[Illusions perdues]]'' et ''[[Splendeurs et misères des courtisanes]]''), comporte de nombreux points communs avec la sienne : même début dans la poésie, même liaison de jeune homme avec une femme mariée, même ambition littéraire, même désir de quitter la province pour percer à Paris, etc. Tout comme Lucien se donne un titre de noblesse et des [[Armoiries imaginaires|armoiries]], Balzac a ajouté une particule nobiliaire à son nom et a fait peindre des armoiries sur la calèche qu'il avait louée pour aller rencontrer [[Ewelina Hańska|{{Mme}} Hańska]] à [[Vienne (Autriche)|Vienne]]<ref>Sur les armoiries, voir note 1</ref>. (Voir la section [[La Comédie humaine#Les doubles|Les doubles]]).
Par leur psychologie, plusieurs personnages sont intimement liés à la personnalité de Balzac et apparaissent comme des doubles de leur créateur. On peut voir une part de lui dans les personnages de ''[[Séraphîta]]'', ''[[Louis Lambert]]'', ''[[La Fille aux yeux d'or]]'' et ''[[Mémoires de deux jeunes mariées]]''. On le reconnaît aussi dans le narrateur de ''[[Facino Cane]]'' et surtout en [[Lucien de Rubempré]], dont la trajectoire, qui s'étend sur ses deux plus grands romans (''[[Illusions perdues]]'' et ''[[Splendeurs et misères des courtisanes]]''), comporte de nombreux points communs avec la sienne : même début dans la poésie, même liaison de jeune homme avec une femme mariée, même ambition littéraire, même désir de quitter la province pour percer à Paris, etc. Tout comme Lucien se donne un titre de noblesse et des [[Armoiries imaginaires|armoiries]], Balzac a ajouté une particule nobiliaire à son nom et a fait peindre des armoiries sur la calèche qu'il avait louée pour aller rencontrer [[Ewelina Hańska|{{Mme}} Hańska]] à [[Vienne (Autriche)|Vienne]]<ref>Sur les armoiries, voir note 1.</ref>. (Voir la section [[La Comédie humaine#Les doubles|Les doubles]]).


====Style et méthode de travail====
==== Style et méthode de travail ====
[[Fichier:Gustave Dore Contes drolatiques Prologue 02.jpg|vignette|upright|Illustration des ''[[Les Cent Contes drolatiques|Contes drolatiques]]'' par [[Gustave Doré]]|alt=Enfants dansant une ronde autour de deux personnages fantastiques.]]
[[Fichier:Gustave Dore Contes drolatiques Prologue 02.jpg|vignette|Illustration des ''[[Les Cent Contes drolatiques|Contes drolatiques]]'' par [[Gustave Doré]].|alt=Enfants dansant une ronde autour de deux personnages fantastiques.]]
Voir la section correspondante dans l'article sur ''[[La Comédie humaine#Le style|La Comédie humaine]]''.
Voir la section correspondante dans l'article sur ''[[La Comédie humaine#Le style|La Comédie humaine]]''.


Il a presque toujours plusieurs ouvrages en chantier, étant à même de puiser dans sa galerie de personnages pour les intégrer à une intrigue et répondre à la demande d'un éditeur qui lui demande une nouvelle. Décrivant la méthode de travail de Balzac, [[André Maurois]] imagine que des centaines de romans flottent sur ses pensées {{Citation|comme des truites dans un vivier, le besoin venu, il en saisit un. Quelquefois, il n'y réussit pas tout de suite. [...] Si un livre vient mal, Balzac le rejette au vivier. Il passe à autre chose<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=391}}.</ref>.}} Il n'hésite pas à refondre ses textes antérieurs, changeant le titre d'un roman ou des noms de personnages, reprenant un texte d'abord publié sous forme de nouvelle pour l'intégrer dans une suite romanesque. Il élimine aussi dans l'édition définitive la division en chapitres.
Il a presque toujours plusieurs ouvrages en chantier, étant à même de puiser dans sa galerie de personnages pour les intégrer à une intrigue et répondre à la demande d'un éditeur qui lui demande une nouvelle. Décrivant la méthode de travail de Balzac, [[André Maurois]] imagine que des centaines de romans flottent sur ses [[pensées]] {{Citation|comme des truites dans un vivier, le besoin venu, il en saisit un. Quelquefois, il n'y réussit pas tout de suite. [] Si un livre vient mal, Balzac le rejette au vivier. Il passe à autre chose<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=391}}.</ref>}}. Il n'hésite pas à refondre ses textes antérieurs, changeant le titre d'un roman ou des noms de personnages, reprenant un texte d'abord publié sous forme de nouvelle pour l'intégrer dans une suite romanesque. Il élimine aussi dans l'édition définitive la division en chapitres{{sfn|Lovenjoul 1879|p=118}}.


Très doué pour le [[pastiche]], Balzac imite facilement des écrivains et des voix particulières. Il va volontiers jusqu'à la [[caricature]], comme pour le langage de la concierge du ''[[Le Cousin Pons|Cousin Pons]]''<ref>''[[s:Le Cousin Pons|Le Cousin Pons]]'', {{p.|433}}</ref> ou le [[jargon]] du banquier Nucingen<ref>''[[s:La Maison Nucingen|La Maison Nucingen]]'', {{p.|30}}.</ref>. Il inscrit dans la trame de ses romans d'innombrables analogies cachées qui en forment l'armature symbolique et contribuent à donner un accent de vérité au récit<ref>{{Harvsp|Béguin 1946|p=23}}.</ref>. Son style, qui a été critiqué pour des fautes de goût dans les premières années, commence à s'élever à force de travail et dénote par la suite une grande maîtrise<ref>{{Harvsp|Barbéris 1973|p=332-333}}.</ref>. Il corrige inlassablement ses épreuves<ref>Épreuves corrigées de la main de Balzac sur [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k202718g/f1.image.r=Balzac,%20Honor%C3%A9%20de.langFR Gallica].</ref>, exigeant parfois qu'elles soient reprises jusqu'à quinze ou seize fois, et retournant à l'imprimeur des pages tellement barbouillées de corrections qu'elles faisaient le désespoir des typographes<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=180-182}}.</ref>, mais suscitent maintenant l'admiration<ref group=n>{{Citation|Et quand on voit les derniers placards de ''[[César Birotteau]]'', c'est admirable, visuellement, car c'est une page imprimée avec des explosions. C'est comme un feu d'artifice de suppléments, de rajouts [...]; cela a vraiment une beauté plastique, et, finalement, c'est bien l'emblème de l'écriture qui est une prolifération, une dissémination le long de la page.}} [[Roland Barthes]], ''Œuvres complètes 1972-1976'', t. IV, Seuil, 2002, {{p.|552}}.</ref>.
Très doué pour le [[pastiche]], Balzac imite facilement des [[Écrivain|écrivains]] et des voix particulières. Il va volontiers jusqu'à la [[caricature]], comme pour le langage de la concierge du ''[[Le Cousin Pons|Cousin Pons]]''<ref>''[[s:Le Cousin Pons|Le Cousin Pons]]'', {{p.|433}}.</ref> ou le [[jargon]] du banquier Nucingen<ref>''[[s:La Maison Nucingen|La Maison Nucingen]]'', {{p.|30}}.</ref>. Il inscrit dans la trame de ses romans d'innombrables [[Analogie|analogies]] cachées qui en forment l'armature symbolique et contribuent à donner un [[accent]] de vérité au récit<ref>{{Harvsp|Béguin 1946|p=23}}.</ref>. Son style, qui a été critiqué pour des fautes de goût dans les premières années, commence à s'élever à force de travail et dénote par la suite une grande maîtrise<ref>{{Harvsp|Barbéris 1973|p=332-333}}.</ref>. Il corrige inlassablement ses épreuves<ref>Épreuves corrigées de la main de Balzac sur [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k202718g/f1.image.r=Balzac,%20Honor%C3%A9%20de.langFR Gallica].</ref>, exigeant parfois qu'elles soient reprises jusqu'à quinze ou seize fois, et retournant à l'imprimeur des pages tellement barbouillées de corrections qu'elles faisaient le désespoir des typographes<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=180-182}}.</ref>, mais suscitent maintenant l'admiration<ref group=n>{{Citation|Et quand on voit les derniers placards de ''[[César Birotteau]]'', c'est admirable, visuellement, car c'est une page imprimée avec des explosions. C'est comme un feu d'artifice de suppléments, de rajouts [] ; cela a vraiment une beauté plastique, et, finalement, c'est bien l'emblème de l'écriture qui est une prolifération, une dissémination le long de la page.}} [[Roland Barthes]], ''Œuvres complètes 1972-1976'', t. IV, Seuil, 2002, {{p.|552}}.</ref>.


Pour se délasser et servir d'antidote au {{citation|sérieux romantique<ref>{{Harvsp|Pléiade 1990|p=1134}}</ref>}}, Balzac travaille aux ''[[Les Cent Contes drolatiques|Contes drolatiques]]'', qu'il rédige en parallèle à ses romans, de 1832 à 1837, s'inspirant de [[Rabelais]] et pastichant l'[[ancien français]] tout en inventant force néologismes.
Pour se délasser et servir d'antidote au {{citation|sérieux romantique<ref>{{Harvsp|Pléiade 1990|p=1134}}.</ref>}}, Balzac travaille aux ''[[Les Cent Contes drolatiques|Contes drolatiques]]'', qu'il rédige en parallèle à ses romans, de 1832 à 1837, s'inspirant de [[Rabelais]] et pastichant l'[[ancien français]] tout en inventant force néologismes.


=== Balzac journaliste ===
=== Balzac journaliste ===
[[Fichier:BalzacLostIllusions03.jpg|vignette|upright|[[Daniel d'Arthez]] met en garde [[Lucien de Rubempré]] sur les dangers du journalisme (''[[Illusions perdues]]''). |alt=Un homme accoudé à une table écoute attentivement un autre jeune homme lisant un livre avec emphase.]]
[[Fichier:BalzacLostIllusions03.jpg|vignette|[[Daniel d'Arthez]] met en garde [[Lucien de Rubempré]] sur les dangers du journalisme (''[[Illusions perdues]]''). |alt=Un homme accoudé à une table écoute attentivement un autre jeune homme lisant un livre avec emphase.]]
[[Image:Honoré Daumier - Gargantua.jpg|thumb|left|''Gargantua''. Caricature de [[Louis-Philippe Ier|Louis-Philippe]] par [[Daumier]] (1831).]]
[[Fichier:Honoré Daumier - Gargantua.jpg|vignette|''Gargantua''. Caricature de [[Louis-Philippe Ier|Louis-Philippe]] par [[Daumier]] (1831).]]
Le journalisme attire Balzac parce que c'est une façon d'exercer un pouvoir sur la réalité, lui qui rêve parfois de devenir maître du monde littéraire et politique grâce à l'association ''Le Cheval rouge'' qu'il voulait créer<ref>Voir le récit de {{Harvsp|Gautier 1859|p=89-92}}, {{lire en ligne|url=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1097542/f94.image|consulté le= |partie= |numéro chapitre=|titre chapitre=Honoré de Balzac|passage=}}.</ref>.
Le journalisme attire Balzac parce que c'est une façon d'exercer un pouvoir sur la réalité, lui qui rêve parfois de devenir maître du monde littéraire et politique grâce à l'association Le Cheval rouge qu'il voulait créer<ref>Voir le récit de {{Harvsp|Gautier 1859|p=89-92}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1097542/f94.image|consulté le= |partie= |numéro chapitre=|titre chapitre=Honoré de Balzac|passage=}}.</ref>.


En même temps, il est bien conscient des dangers que cette carrière représente pour l'écrivain, parce que, forcé d'écrire sous des contraintes impératives, le journaliste est {{citation|une pensée en marche comme le soldat en guerre<ref>''[[s:La Fille aux yeux d’or|La Fille aux yeux d’or]]'', {{p.|246}}.</ref>}}. Dans ''[[Illusions perdues]]'', il fait dire aux sages du [[Le Cénacle (Balzac)|Cénacle]], lorsque [[Lucien de Rubempré]] annonce qu’il va {{citation|se jeter dans les journaux}} : {{citation bloc|Gardez-vous en bien, là serait la tombe du beau, du suave Lucien que nous aimons (). Tu ne résisterais pas à la constante opposition de plaisir et de travail qui se trouve dans la vie des journalistes ; et résister au fond, c’est la vertu. Tu serais si enchanté d’exercer le pouvoir, d’avoir le droit de vie et de mort sur les œuvres de la pensée, que tu serais journaliste en deux mois<ref>''[[s:Illusions perdues/Un grand homme de province à Paris|Illusions perdues]]'', {{p.|285}}.</ref>.}}
En même temps, il est bien conscient des dangers que cette carrière représente pour l'écrivain, parce que, forcé d'écrire sous des contraintes impératives, le journaliste est {{citation|une pensée en marche comme le soldat en guerre<ref>''[[s:La Fille aux yeux d’or|La Fille aux yeux d’or]]'', {{p.|246}}.</ref>}}. Dans ''[[Illusions perdues]]'', il fait dire aux sages du [[Le Cénacle (Balzac)|Cénacle]], lorsque [[Lucien de Rubempré]] annonce qu’il va {{citation|se jeter dans les journaux}} : {{citation bloc|Gardez-vous en bien, là serait la tombe du beau, du suave Lucien que nous aimons []. Tu ne résisterais pas à la constante opposition de plaisir et de travail qui se trouve dans la vie des journalistes ; et résister au fond, c’est la vertu. Tu serais si enchanté d’exercer le pouvoir, d’avoir le droit de vie et de mort sur les œuvres de la pensée, que tu serais journaliste en deux mois<ref>''[[s:Illusions perdues/Un grand homme de province à Paris|Illusions perdues]]'', {{p.|285}}.</ref>.}}


Ailleurs, il revient sur les compromissions auxquelles doit souvent se résoudre le journaliste : {{citation|Quiconque a trempé dans le journalisme, ou y trempe encore, est dans la nécessité cruelle de saluer les hommes qu’il méprise, de sourire à son meilleur ennemi, de pactiser avec les plus fétides bassesses, de se salir les doigts en voulant payer ses agresseurs avec leur monnaie. On s’habitue à voir faire le mal, à le laisser passer ; on commence par l’approuver, on finit par le commettre<ref>''[[s:Splendeurs et misères des courtisanes/Première partie|Splendeurs et misères des courtisanes]]'', {{p.|343}}</ref>.}}
Ailleurs, il revient sur les compromissions auxquelles doit souvent se résoudre le journaliste : {{citation|Quiconque a trempé dans le journalisme, ou y trempe encore, est dans la nécessité cruelle de saluer les hommes qu’il méprise, de sourire à son meilleur ennemi, de pactiser avec les plus fétides bassesses, de se salir les doigts en voulant payer ses agresseurs avec leur monnaie. On s’habitue à voir faire le mal, à le laisser passer ; on commence par l’approuver, on finit par le commettre<ref>''[[s:Splendeurs et misères des courtisanes/Première partie|Splendeurs et misères des courtisanes]]'', {{p.|343}}.</ref>.}}.


Pour sa part, en tant que journaliste, il s'engage dès 1830 dans la défense des intérêts des gens de lettres, affirmant que l'artiste doit bénéficier d'un statut spécial car il constitue une force idéologique, un contre-pouvoir, voire une menace révolutionnaire que le gouvernement a tort de dédaigner, car son génie le place à égalité avec l'homme d'État<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=447}}.</ref>. Il dénonce le rapport de forces inégal entre une pléthore d'écrivains débutants et la poignée d'éditeurs qui les exploite. Ce combat débouchera sur la création de la Société des gens de lettres (voir section ci-dessous).
Pour sa part, en tant que journaliste, il s'engage dès 1830 dans la défense des intérêts des gens de lettres, affirmant que l'artiste doit bénéficier d'un statut spécial, car il constitue une force idéologique, un contre-pouvoir, voire une menace révolutionnaire, que le gouvernement a tort de dédaigner, car son génie le place à égalité avec l'homme d'État<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=447}}.</ref>. Il dénonce le rapport de forces inégal entre une pléthore d'écrivains débutants et la poignée d'éditeurs qui les exploite. Ce combat débouchera sur la création de la Société des gens de lettres (voir section ci-dessous).


Il livre aussi un combat, en septembre 1839, pour la révision du procès de [[Sébastien-Benoît Peytel]], un ancien confrère du journal ''[[Le Voleur (revue française)|Le Voleur]]'' et auteur d'un violent pamphlet contre [[Louis-Philippe Ier|Louis-Philippe]], condamné à mort pour le meurtre de son épouse et de son domestique. Il tente d'en faire une cause nationale, mais sans succès<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=461-466}}.</ref>.
Il livre aussi un combat, en {{date-|septembre 1839}}, pour la révision du procès de [[Sébastien-Benoît Peytel]], un ancien confrère du journal ''[[Le Voleur (revue française)|Le Voleur]],'' et auteur d'un violent pamphlet contre [[Louis-Philippe Ier|Louis-Philippe]], condamné à mort pour le meurtre de son épouse et de son domestique. Il tente d'en faire une cause nationale, mais sans succès<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=461-466}}.</ref>.


Outre sa profonde connaissance des milieux du journalisme, il participe aussi, en tant qu'écrivain, à la révolution du roman-feuilleton : en 1836, il livre au journal ''[[La Presse (France)|La Presse]]'' de son ami [[Émile de Girardin|Girardin]], ''[[La Vieille Fille (Balzac)|La Vieille Fille]]'', qui paraît en douze livraisons. En 1837, il y fera paraître ''[[Les Employés ou la Femme supérieure]]''. Dans les années qui suivent, il donnera aussi divers romans au ''[[Le Constitutionnel|Constitutionnel]]'' et au ''[[Le Siècle (journal)|Siècle]]''. À partir de l'automne 1836, presque tous ses romans paraîtront d'abord découpés en tranches quotidiennes dans un journal, avant d'être édités en volumes. Cette formule entraîne une censure de la moindre allusion sexuelle dans le texte livré aux journaux<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=293-295}}.</ref>.
Outre sa profonde connaissance des milieux du journalisme, il participe aussi, en tant qu'écrivain, à la révolution du roman-feuilleton : en 1836, il livre au journal ''[[La Presse (France)|La Presse]]'' de son ami [[Émile de Girardin|Girardin]], ''[[La Vieille Fille (Balzac)|La Vieille Fille]]'', qui paraît en douze livraisons. En 1837, il y fera paraître ''[[Les Employés ou la Femme supérieure]]''. Dans les années qui suivent, il donnera aussi divers romans au ''[[Le Constitutionnel|Constitutionnel]]'' et au ''[[Le Siècle (journal)|Siècle]]''. À partir de l'automne 1836, presque tous ses romans paraîtront d'abord découpés en tranches quotidiennes dans un [[journal]], avant d'être édités en volumes. Cette formule entraîne une censure de la moindre allusion sexuelle dans le texte livré aux journaux<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=293-295}}.</ref>.


==== ''La Chronique de Paris'' ====
==== ''La Chronique de Paris'' ====
[[Fichier:François Pierre Guillaume Guizot.jpg|vignette|upright|[[François Guizot]] « est une girouette qui, malgré son incessante mobilité, reste sur le même bâtiment»|alt=Lithographie du portrait d'un homme assis qui glisse la main gauche dans sa veste]]
[[Fichier:François Pierre Guillaume Guizot.jpg|vignette|[[François Guizot]] « est une girouette qui, malgré son incessante mobilité, reste sur le même bâtiment ».|alt=Lithographie du portrait d'un homme assis qui glisse la main gauche dans sa veste]]
En [[1835]], apprenant que ''[[La Chronique de Paris|La Chronique de Paris, journal politique et littéraire]]'', feuille sans position politique bien tranchée, est à vendre, Balzac l’achète, avec des fonds qu’il ne possède pas {{incise|comme à son habitude|stop}}<ref>{{Harvsp|Bouvier 1938|p=217-219}}.</ref>. L’entreprise, qui aurait paru dramatique à tout autre, le remplit de joie et il construit aussitôt ses « châteaux en Espagne ». Il veut en faire l'organe du {{Citation|parti des intelligentiels<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=274}}.</ref>}}.
En 1835, apprenant que ''[[La Chronique de Paris|La Chronique de Paris, journal politique et littéraire]]'', feuille sans position politique bien tranchée, est à vendre, Balzac l’achète, avec des fonds qu’il ne possède pas {{incise|comme à son habitude|stop}}<ref>{{Harvsp|Bouvier 1938|p=217-219}}.</ref>. L’[[entreprise]], qui aurait paru dramatique à tout autre, le remplit de joie et il construit aussitôt ses « châteaux en Espagne ». Il veut en faire l'organe du {{Citation|parti des intelligentiels<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=274}}.</ref>}}.


Quand enfin ''La Chronique de Paris'' paraît, le {{date|1|janvier|1836}}, l’équipe comprend des plumes importantes : [[Victor Hugo]], [[Gustave Planche]], [[Alphonse Karr]] et [[Théophile Gautier]], dont Balzac apprécie le jeune talent ; pour les illustrations, le journal s'attache les noms de [[Henry Monnier]], [[Grandville]] et [[Honoré Daumier]]<ref>{{Harvsp|Gautier 1874|p=48}}.</ref>. Balzac se réserve la politique, car le journal est un outil de pouvoir. Il fournira aussi des nouvelles. En réalité, si les membres de la rédaction festoient beaucoup chez Balzac, bien peu d’entre eux tiennent leurs engagements et Balzac est pratiquement le seul à y écrire<ref name=M309>{{Harvsp|Maurois 1965|p=308-309}}.</ref>. Il y publie des textes dont certains se retrouveront plus tard dans ''[[La Comédie humaine]]'', mais remaniés cent fois selon son habitude, notamment ''[[L'Interdiction]]'', ''[[La Messe de l'athée]]'' et ''[[Facino Cane (Balzac)|Facino Cane]]''<ref name=M309/>.
Quand enfin ''La Chronique de Paris'' paraît, le {{date-|1|janvier|1836}}, l’équipe comprend des plumes importantes : [[Victor Hugo]], [[Gustave Planche]], [[Alphonse Karr]] et [[Théophile Gautier]], dont Balzac apprécie le jeune talent ; pour les illustrations, le journal s'attache les noms de [[Henry Monnier]], [[Grandville]] et [[Honoré Daumier]]<ref>{{Harvsp|Gautier 1874|p=48}}.</ref>. Balzac se réserve la politique, car le journal est un outil de pouvoir. Il fournira aussi des nouvelles. En réalité, si les membres de la rédaction festoient beaucoup chez Balzac, bien peu d’entre eux tiennent leurs engagements et Balzac est pratiquement le seul à y écrire<ref name=M309>{{Harvsp|Maurois 1965|p=308-309}}.</ref>. Il y publie des textes dont certains se retrouveront plus tard dans ''[[La Comédie humaine]]'', mais remaniés cent fois, selon son habitude, notamment ''[[L'Interdiction]]'', ''[[La Messe de l'athée]]'' et ''[[Facino Cane (Balzac)|Facino Cane]]''<ref name=M309/>.


Quant aux articles politiques signés de sa main, le ton en est donné par cet extrait paru le {{date|12|mai|1836}} : {{Citation|Ni {{M.|Guizot}} ni {{M.|Thiers}} n'ont d'autre idée que celle de nous gouverner. {{M.|[[Adolphe Thiers|Thiers]]}} n’a jamais eu qu’une seule pensée : il a toujours songé à {{M.|Thiers}} (). {{M.|[[François Guizot|Guizot]]}} est une girouette qui, malgré son incessante mobilité, reste sur le même bâtiment<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=310}}.</ref>.}}
Quant aux articles politiques signés de sa main, le ton en est donné par cet extrait paru le {{date-|12|mai|1836}} : {{Citation|Ni {{M.|Guizot}} ni {{M.|Thiers}} n'ont d'autre idée que celle de nous gouverner. {{M.|[[Adolphe Thiers|Thiers]]}} n’a jamais eu qu’une seule pensée : il a toujours songé à {{M.|Thiers}} []. {{M.|[[François Guizot|Guizot]]}} est une girouette qui, malgré son incessante mobilité, reste sur le même bâtiment<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=310}}.</ref>.}}.


Balzac décrit avec une assez juste vision des choses la rivalité entre l'Angleterre et la Russie pour le contrôle de la Méditerranée. Il proteste contre l'alliance de la France et de l'Angleterre et dénonce le manque de plan de la diplomatie française. Enfin, il prophétise la domination de la [[Prusse]] sur une Allemagne unifiée<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=278}}.</ref>. Il publie aussi dans ce journal des romans et des nouvelles.
Balzac décrit avec une assez juste vision des choses la rivalité entre l'Angleterre et la Russie pour le contrôle de la Méditerranée. Il proteste contre l'alliance de la France et de l'Angleterre et dénonce le manque de plan de la diplomatie française. Enfin, il prophétise la domination de la [[Prusse]] sur une Allemagne unifiée<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=278}}.</ref>. Il publie aussi dans ce journal des romans et des nouvelles.


Au début, ''La Chronique de Paris'' a un grand succès, et cette entreprise aurait pu être une véritable réussite. Mais Balzac est obligé de livrer, en même temps, à [[Louise-Marie-Julienne Charles-Béchet|Madame Béchet]] et [[Edmond Werdet]], les derniers volumes des ''Études de mœurs''. Il a par ailleurs fait faillite dans une affaire chimérique avec son beau-frère Surville. Enfin il se brouille avec [[François Buloz|Buloz]], nouveau propriétaire de la ''[[Revue de Paris]]'', qui avait sans doute communiqué des épreuves du ''[[Le Lys dans la vallée|Lys dans la vallée]]'' pour une publication en [[Russie]] par ''La Revue étrangère''. Balzac refuse dès lors de continuer à livrer son texte et il s'ensuit un procès<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=313-314}}.</ref>. Par ailleurs, il est arrêté par la Garde nationale parce qu'il refuse d'accomplir ses devoirs de soldat-citoyen, et est conduit à la maison d’arrêt, où il passe une semaine avant que l’éditeur Werdet réussisse à l'en faire sortir. S'ensuivent cinq mois pénibles, durant lesquels il avoue son découragement à ses proches : {{Citation|La vie est trop pesante, je ne vis pas avec plaisir}}<ref name=Maurois314>{{Harvsp|Maurois 1965|p=314}}</ref>{{,}}<ref>{{Harvsp|Lettres 1899|p=327-328}}, {{t.|I}}</ref>. Le jugement lui donne toutefois raison contre Buloz, mais il est aussitôt poursuivi pour retard dans la livraison des romans promis à un autre éditeur, la veuve Béchet<ref name=Maurois314/>. Menacé d’être mis en faillite, il décide, en juillet 1836 d’abandonner ''La Chronique''<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=318}}.</ref>.
Au début, ''La Chronique de Paris'' a un grand succès, et cette entreprise aurait pu être une véritable réussite. Mais Balzac est obligé de livrer, en même temps, à [[Louise-Marie-Julienne Charles-Béchet|Madame Béchet]] et [[Edmond Werdet]], les derniers volumes des ''Études de mœurs''. Il a par ailleurs fait faillite dans une affaire chimérique avec son beau-frère Surville. Enfin, il se brouille avec [[François Buloz|Buloz]], nouveau propriétaire de la ''[[Revue de Paris]]'', qui avait sans doute communiqué des épreuves du ''[[Le Lys dans la vallée|Lys dans la vallée]]'' pour une publication en [[Russie]] par ''La Revue étrangère''. Balzac refuse dès lors de continuer à livrer son texte et il s'ensuit un procès<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=313-314}}.</ref>. Par ailleurs, il est arrêté par la Garde nationale parce qu'il refuse d'accomplir ses devoirs de soldat-citoyen, et est conduit à la maison d’arrêt, où il passe une semaine avant que l’éditeur Werdet réussisse à l'en faire sortir. S'ensuivent cinq mois pénibles, durant lesquels il avoue son découragement à ses proches : {{Citation|La vie est trop pesante, je ne vis pas avec plaisir<ref name=Maurois314>{{Harvsp|Maurois 1965|p=314}}.</ref>{{,}}<ref>{{Harvsp|Lettres 1899|p=327-328}}, {{t.|I}}.</ref>.}}. Le jugement lui donne toutefois raison contre Buloz, mais il est aussitôt poursuivi pour retard dans la livraison des romans promis à un autre éditeur, la veuve Béchet<ref name=Maurois314/>. Menacé d’être mis en faillite, il décide, en {{date-|juillet 1836}}, d’abandonner ''La Chronique''<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=318}}.</ref>.


Les mésaventures qu'il vient de connaître alimenteront la création d'un de ses plus beaux romans, alors en chantier, ''[[Illusions perdues]]'', dont la deuxième partie sera {{Citation|le poème de ses luttes et de ses rêves déçus<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=315-316}}.</ref>}}.
Les mésaventures qu'il vient de connaître alimenteront la création d'un de ses plus beaux romans, alors en chantier, ''[[Illusions perdues]]'', dont la deuxième partie sera {{Citation|le poème de ses luttes et de ses rêves déçus<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=315-316}}.</ref>}}.


==== ''Revue parisienne'' ====
==== ''Revue parisienne'' ====
[[Fichier:SainteBeuve.jpg|vignette|upright|[[Charles-Augustin Sainte-Beuve|Sainte-Beuve]]|alt=Portrait en buste. Crâne surmonté d'un foulard blanc.]]
[[Fichier:SainteBeuve.jpg|vignette|[[Charles-Augustin Sainte-Beuve|Sainte-Beuve]].|alt=Portrait en buste. Crâne surmonté d'un foulard blanc.]]
[[Fichier:Stendhal.jpg|vignette|upright|[[Stendhal]] en 1840.|alt=Portrait peint d'un homme brun à collier de barbe portant une veste noire]]
[[Fichier:Stendhal.jpg|vignette|[[Stendhal]] en 1840.|alt=Portrait peint d'un homme brun à collier de barbe portant une veste noire]]
L’expérience ruineuse de ''[[La Chronique de Paris]]'' aurait dû décourager Balzac à jamais de toute entreprise de presse. Mais en [[1840]], [[Armand Dutacq]] —directeur du grand quotidien ''[[Le Siècle (journal)|Le Siècle]]'' et initiateur, avec [[Émile de Girardin]], du [[roman-feuilleton]] lui offre de financer une petite revue mensuelle. Aussitôt Balzac imagine la ''[[Revue parisienne]]'', dont Dutacq serait administrateur et avec lequel il partagerait les bénéfices. L’entreprise est censée servir les intérêts du feuilletoniste Balzac à une époque où [[Alexandre Dumas]] et [[Eugène Sue]] gèrent habilement le genre dans les quotidiens et utilisent au mieux le principe du découpage et du suspense<ref>{{harvsp|Pierrot 1994|p=409}}</ref>. Balzac se lance alors dans la compétition, tout en rédigeant pratiquement seul pendant trois mois une revue qu’il veut également littéraire et politique<ref>{{Harvsp|Guise 1964|p=199}}.</ref>. Il ouvre le premier numéro avec ''[[Z. Marcas]]'' le {{date|25|juillet|1840|en littérature}}, nouvelle qui sera intégrée à ''[[La Comédie humaine]]'' en août [[1846 en littérature|1846]] dans les ''Scènes de la vie politique''.
L’expérience ruineuse de ''[[La Chronique de Paris]]'' aurait dû décourager Balzac à jamais de toute entreprise de presse. Mais en 1840, [[Armand Dutacq]] {{incise|directeur du grand quotidien ''[[Le Siècle (journal)|Le Siècle]]'' et initiateur, avec [[Émile de Girardin]], du [[roman-feuilleton]]}} lui offre de financer une petite revue mensuelle. Aussitôt, Balzac imagine la ''[[Revue parisienne]]'', dont Dutacq serait administrateur et avec lequel il partagerait les bénéfices. L’entreprise est censée servir les intérêts du feuilletoniste Balzac à une époque où [[Alexandre Dumas]] et [[Eugène Sue]] gèrent habilement le genre dans les quotidiens et utilisent au mieux le principe du découpage et du suspense<ref>{{harvsp|Pierrot 1994|p=409}}.</ref>. Balzac se lance alors dans la compétition, tout en rédigeant pratiquement seul pendant trois mois une revue qu’il veut également littéraire et politique<ref>{{Harvsp|Guise 1964|p=199}}.</ref>. Il ouvre le premier numéro avec ''[[Z. Marcas]]'' le {{date-|25|juillet|1840|en littérature}}, nouvelle qui sera intégrée à ''[[La Comédie humaine]]'' en août [[1846 en littérature|1846]] dans les ''Scènes de la vie politique''.


Outre ses attaques contre le régime monarchique, la ''[[Revue parisienne]]'' se distingue par des critiques littéraires assez poussées dans la charge comme dans l’éloge. Parmi ses victimes on compte [[Henri de Latouche]] avec lequel Balzac est brouillé et qu’il méprise désormais<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=410}}.</ref> : {{Citation|Le véritable roman se réduit à deux cents pages dans lesquelles il y a deux cents événements. Rien ne trahit plus l'impuissance d'un auteur que l'entassement des faits<ref>{{ouvrage|titre=La Revue parisienne|jour=15|mois=juillet|année=1840|passage = 50-69|lire en ligne=http://books.google.ca/books?id=C3gGAAAAQAAJ&hl=fr&pg=PA61#v=onepage&q=l'int%C3%A9r%C3%AAt&f=false}}.</ref>.}}
Outre ses attaques contre le régime monarchique, la ''[[Revue parisienne]]'' se distingue par des critiques littéraires assez poussées, dans la charge, comme dans l’éloge. Parmi ses victimes, on compte [[Henri de Latouche]] avec lequel Balzac est brouillé et qu’il méprise désormais<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=410}}.</ref> : {{Citation|Le véritable roman se réduit à deux cents pages dans lesquelles il y a deux cents événements. Rien ne trahit plus l'impuissance d'un auteur que l'entassement des faits<ref>{{Ouvrage|titre=La Revue parisienne|éditeur=|année=1840|mois=juillet|jour=15|passage=50-69|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=C3gGAAAAQAAJ&pg=PA61&q=l%27int%C3%A9r%C3%AAt}}.</ref>.}}.


Il attaque son vieil ennemi, [[Charles-Augustin Sainte-Beuve|Sainte-Beuve]], et se déchaîne contre son ''[[Port-Royal (Sainte-Beuve)|Port-Royal]]'', se vengeant des humiliations passées : {{Citation bloc|Monsieur Sainte-Beuve a eu la pétrifiante idée de restaurer le genre ennuyeux. [...] Tantôt l'ennui tombe sur vous, comme parfois vous voyez tomber une pluie fine qui finit par vous percer jusqu'aux os. Les phrases à idées menues, insaisissables pleuvent une à une et attristent l'intelligence qui s'expose à ce français humide. Tantôt l'ennui saute aux yeux et vous endort avec la puissance du magnétisme, comme en ce pauvre livre qu'il appelle l'histoire de Port-Royal<ref>« Sur M. Sainte-Beuve, à propos de ''Port-Royal'', {{p.|194}}, {{ouvrage|titre=La Revue parisienne|jour=25|mois=août|année=1840|passage = 273-342|lire en ligne=http://books.google.ca/books?id=C3gGAAAAQAAJ&hl=fr&pg=PA194#v=onepage&q&f=false}}.</ref>.}}
Il attaque son vieil ennemi [[Charles-Augustin Sainte-Beuve|Sainte-Beuve]] et se déchaîne contre son ''[[Port-Royal (Sainte-Beuve)|Port-Royal]]'', se vengeant des humiliations passées : {{Citation bloc|Monsieur Sainte-Beuve a eu la pétrifiante idée de restaurer le genre ennuyeux. [] Tantôt l'ennui tombe sur vous, comme parfois vous voyez tomber une pluie fine qui finit par vous percer jusqu'aux os. Les phrases à idées menues, insaisissables pleuvent une à une et attristent l'intelligence qui s'expose à ce français humide. Tantôt l'ennui saute aux yeux et vous endort avec la puissance du magnétisme, comme en ce pauvre livre qu'il appelle l'histoire de Port-Royal<ref>« Sur M. Sainte-Beuve, à propos de ''Port-Royal'', {{p.|194}}, {{Ouvrage|titre=La Revue parisienne|éditeur=|année=1840|mois=août|jour=25|passage=273-342|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=C3gGAAAAQAAJ&pg=PA194}}.</ref>.}}


Balzac s’en prend encore, çà et là, assez injustement, à [[Eugène Sue]], mais rend un hommage vibrant à ''[[La Chartreuse de Parme]]'' de [[Stendhal]], à une époque où, d’un commun accord, la presse ignorait complètement cet écrivain : {{Citation bloc|Monsieur Stendhal a écrit un livre où le sublime éclate de chapitre en chapitre. Il a produit, à l’âge où les hommes trouvent rarement des sujets grandioses, et après avoir écrit une vingtaine de volumes extrêmement spirituels, une œuvre qui ne peut être appréciée que par les âmes et les gens supérieurs ()<ref>« Étude sur M. Beyle », {{p.|279}}, {{ouvrage|titre=La Revue parisienne|jour=25|mois=septembre|année=1840|passage = 273-342|lire en ligne=http://books.google.ca/books?id=C3gGAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=273&f=false}}.</ref>.}}
Balzac s’en prend encore, çà et là{{Référence nécessaire|date=28 octobre 2023}}, assez injustement{{Non neutre|date=octobre 2023}}, à [[Eugène Sue]], critique [[Hernani]] de [[Victor Hugo]] et [[Le Rouge et le Noir]] de [[Stendhal]], mais rend un hommage vibrant à ''[[La Chartreuse de Parme]]'' du même auteur, à une époque où, d’un commun accord, la presse ignorait complètement cet écrivain : {{Citation bloc|Monsieur Stendhal a écrit un livre où le sublime éclate de chapitre en chapitre. Il a produit, à l’âge où les hommes trouvent rarement des sujets grandioses, et après avoir écrit une vingtaine de volumes extrêmement spirituels, une œuvre qui ne peut être appréciée que par les âmes et les gens supérieurs []<ref>« Étude sur M. Beyle », {{p.|279}}, {{Ouvrage|titre=La Revue parisienne|éditeur=|année=1840|mois=septembre|jour=25|passage=273-342|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=C3gGAAAAQAAJ&printsec=frontcover&q=273}}.</ref>.}}


Il publie aussi un article intitulé « Sur les ouvriers », dans lequel il se rapproche des idées de [[Charles Fourier|Fourier]]<ref>{{harvsp|Pierrot 1994|p=356}}</ref>. Mais cela marque le dernier numéro de la ''[[Revue parisienne]]'', qui s’éteindra après la troisième parution, le 25 septembre 1840. Balzac et Dutacq partageront les pertes qui n’étaient d’ailleurs pas très lourdes<ref>{{harvsp|Pierrot 1994|p=357}}</ref>. Cependant, une fois encore, Balzac a échoué dans la presse, et dans les affaires.
Il publie aussi un article intitulé « Sur les ouvriers », dans lequel il se rapproche des idées de [[Charles Fourier|Fourier]]<ref>{{harvsp|Pierrot 1994|p=356}}.</ref>. Mais cela marque le dernier numéro de la ''[[Revue parisienne]]'', qui s’éteindra après la troisième parution, le {{date-|25 septembre 1840}}. Balzac et Dutacq partageront les pertes, qui n’étaient d’ailleurs pas très lourdes<ref>{{harvsp|Pierrot 1994|p=357}}.</ref>. Cependant, une fois encore, Balzac a échoué dans la presse, et dans les affaires.


==== ''Monographie de la presse parisienne'' ====
==== ''Monographie de la presse parisienne'' ====
Dans cette monographie humoristique ([[1843 en littérature|1843]]), Balzac propose une analyse complète des composantes de la presse. On trouve dans ce [[pamphlet]] la définition du publiciste, du [[journaliste]], du « faiseur d'articles de fond », du « pêcheur à la ligne » (le pigiste payé à la ligne), du « rienologue » : {{Citation|Vulgarisateur, alias : ''homo papaver'', nécessairement sans aucune variété (), qui étend une idée d’idée dans un baquet de lieux communs, et débite mécaniquement cette effroyable mixtion philosophico-littéraire dans des feuilles continues<ref>{{harvsp|Monographie 1843|p=93}}. [http://www.leboucher.com/pdf/balzac/b_bal_j.pdf En ligne, {{p.|33}}]</ref>.}} Balzac sait se montrer désinvolte dans la [[satire]], mais celle-ci lui vaudra une froide réception dans les milieux journalistiques<ref>Voir le compte rendu de [[Jules Janin]], [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k446116b/f1.image ''Monographie de la presse parisienne'']. Repris dans {{Harvsp|Vachon 1999|p=105-115}}</ref>.
Dans cette monographie humoristique ([[1843 en littérature|1843]]), Balzac propose une analyse complète des composantes de la presse. On trouve dans ce [[pamphlet]] la définition du publiciste, du [[journaliste]], du « faiseur d'articles de fond », du « pêcheur à la ligne » (le pigiste payé à la ligne), du « rienologue » : {{Citation|Vulgarisateur, alias : ''homo papaver'', nécessairement sans aucune variété [], qui étend une idée d’idée dans un baquet de lieux communs, et débite mécaniquement cette effroyable mixtion philosophico-littéraire dans des feuilles continues<ref>{{harvsp|Monographie 1843|p=93}}. [http://www.leboucher.com/pdf/balzac/b_bal_j.pdf En ligne, {{p.|33}}]</ref>.}}. Balzac y invente le terme « gendelettre », qu’il dit construit « [https://books.google.fr/books?id=yi5UAAAAcAAJ&pg=PA378#v=onepage&q&f=false comme gendarme] ». En naturaliste, plus loin dans l’ouvrage, il présente un [https://books.google.fr/books?id=yi5UAAAAcAAJ&pg=PA435#v=onepage&q&f=false « Tableau synoptique de l’ordre G<small>ENDELETTRE"</small> »], à la manière d’un [[Carl von Linné|Linné]]. L’ordre G<small>ENDELETTRE</small> est organisé en deux genres (P<small>UBLICISTE</small> et C<small>RITIQUE</small>), eux-mêmes divisés en sous-genres où l’on retrouve plusieurs des catégories citées ci-dessus. Si le tableau manque un peu d’humour et n’est pas passé à la postérité, il n’en est pas de même du terme « [[wikt:gendelettre|gendelettre]] », devenu mot commun et apparaissant en tant que nom propre dans au moins trois romans de différents auteurs<ref>{{Ouvrage|auteur1=Louis Tiercelin|titre=La Comtesse Gendelettre|lieu=Paris|éditeur=Albert Savine|année=1887}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Paul Belon|titre=Gendelettre, roman parisien|lieu=Paris|éditeur=Édouard Dentu|année=1891}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Maurice Léon (ouvrage posthume)|titre=Livre du petit gendelettre|éditeur=|année=|isbn=}}.</ref>.


Balzac sait se montrer désinvolte dans la [[satire]], mais celle-ci lui vaudra une froide réception dans les milieux journalistiques<ref>Voir le compte rendu de [[Jules Janin]], [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k446116b/f1.image ''Monographie de la presse parisienne'']. Repris dans {{Harvsp|Vachon 1999|p=105-115}}.</ref>.
La préface par [[Gérard de Nerval]] est dans le même ton. Dans un style pince-sans-rire, celui-ci donne une définition du ''canard'' : {{Citation|information fabriquée colportée par des feuilles satiriques et d’où est né le mot argot « canard » pour désigner un journal<ref>« Histoire véridique du canard », {{harvsp|Monographie 1843|p=9-23}}.</ref>}}.

La préface par [[Gérard de Nerval]] est dans le même ton. Dans un style pince-sans-rire, celui-ci donne une définition du « canard » : {{Citation|Information fabriquée colportée par des feuilles satiriques et d’où est né le mot argot “canard” pour désigner un journal<ref>« Histoire véridique du canard », {{harvsp|Monographie 1843|p=9-23}}.</ref>.}}.


=== Un forçat littéraire ===
=== Un forçat littéraire ===
[[Fichier:Compiègne Château 21.jpg|vignette|left|Lorsqu'il s'installe dans la maison de la rue Cassini, Balzac place sur la cheminée une statuette de [[Napoléon Ier|Napoléon]] et colle sur la base un papier où est écrit : « Ce qu'il a entrepris par l'épée, je l'accomplirai par la plume<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=116}}</ref>.»]]
[[Fichier:Compiègne Château 21.jpg|vignette|left|Lorsqu'il s'installe dans la maison de la rue Cassini, Balzac place sur la cheminée une statuette de [[Napoléon Ier|Napoléon]] et colle sur la base un papier où est écrit : « Ce qu'il a entrepris par l'épée, je l'accomplirai par la plume<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=116}}</ref>. »]]
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Balzac était un écrivain d'une fécondité prodigieuse, il pouvait écrire vite, beaucoup et inlassablement. Ainsi, c’est en une seule nuit, chez son amie [[Zulma Carraud]] à La Poudrerie d’[[Angoulême]], qu’il écrivit ''[[La Grenadière]]'' : {{citation|La Grenadière, cette jolie perle, fut écrite en jouant au billard. Il quittait le jeu, me priant de l’excuser, et griffonnait sur un coin de table, puis revenait à la partie pour la quitter bientôt<ref>Zulma Carraud, citée par R. Pierrot, notice sur ''[[La Grenadière]]'', [[Bibliothèque de la Pléiade]], 1976, t. II, {{p.}}458.</ref>.}}
Balzac était un écrivain d'une fécondité prodigieuse, il pouvait écrire vite, beaucoup et inlassablement. Ainsi, c’est en une seule nuit, chez son amie [[Zulma Carraud]] à la poudrerie d’[[Angoulême]], qu’il écrivit ''[[La Grenadière]]'' : {{citation|La Grenadière, cette jolie perle, fut écrite en jouant au billard. Il quittait le jeu, me priant de l’excuser, et griffonnait sur un coin de table, puis revenait à la partie pour la quitter bientôt<ref>Zulma Carraud, citée par R. Pierrot, notice sur ''[[La Grenadière]]'', [[Bibliothèque de la Pléiade]], 1976, t. II, {{p.}}458.</ref>.}}.


Même s'il avait une constitution apparemment robuste {{incise|{{Citation|col d'athlète ou de taureau (...) Balzac, dans toute la force de l'âge présentait les signes d'une santé violente<ref>{{Harvsp|Gautier 1859}}, {{lire en ligne|url=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1097542/f10.image|consulté le= |partie= |numéro chapitre=|titre chapitre=Honoré de Balzac|passage=6-7}}.</ref>}}}}, il malmena sa santé par un régime épuisant, consacrant de seize à dix-huit heures par jour à l'écriture, et parfois même vingt heures quotidiennes<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=272}}.</ref>. Dès 1831, il confiait à son amie [[Zulma Carraud|Zulma]] : {{Citation|Je vis sous le plus dur des despotismes : celui qu'on se fait à soi-même<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=18}}.</ref>.}} Il estime que la volonté doit être un sujet d'orgueil plus que le talent : {{citation|il n’existe pas de grand talent sans une grande volonté. Ces deux forces jumelles sont nécessaires à la construction de l’immense édifice d’une gloire. Les hommes d’élite maintiennent leur cerveau dans les conditions de la production, comme jadis un preux avait ses armes toujours en état<ref>''[[s:La Muse du département (ed. Houssiaux)|La Muse du département]]'', {{p.|479}}.</ref>.}}
Même s'il avait une constitution apparemment robuste {{incise|{{Citation|col d'athlète ou de taureau […] Balzac, dans toute la force de l'âge présentait les signes d'une santé violente<ref>{{Harvsp|Gautier 1859}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1097542/f10.image|consulté le= |partie= |numéro chapitre=|titre chapitre=Honoré de Balzac|passage=6-7}}.</ref>}}}}, il malmena sa santé par un régime épuisant, consacrant de seize à dix-huit heures par jour à l'écriture, et parfois même vingt heures quotidiennes<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=272}}.</ref>. Dès 1831, il confiait à son amie [[Zulma Carraud|Zulma]] : {{Citation|Je vis sous le plus dur des despotismes : celui qu'on se fait à soi-même<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=18}}.</ref>.}}. Il estime que la volonté doit être un sujet d'orgueil plus que le talent : {{citation|Il n’existe pas de grand talent sans une grande volonté. Ces deux forces jumelles sont nécessaires à la construction de l’immense édifice d’une gloire. Les hommes d’élite maintiennent leur cerveau dans les conditions de la production, comme jadis un preux avait ses armes toujours en état<ref>''[[s:La Muse du département (ed. Houssiaux)|La Muse du département]]'', {{p.|479}}.</ref>.}}.


Selon [[Stefan Zweig]], la production littéraire de Balzac durant les années 1830-1831 est pratiquement sans équivalent dans les annales de la littérature : le romancier doit avoir écrit une moyenne de seize pages imprimées par jour, sans compter les corrections sur épreuves<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=126}}.</ref>. Pour cela, il travaille surtout la nuit, pour ne pas être dérangé : {{Citation|J'ai repris la vie de forçat littéraire. Je me lève à minuit et me couche à six heures du soir ; à peine ces dix-huit heures de travail peuvent-elles suffire à mes occupations<ref>Lettre du {{1er}} septembre 1836, citée par {{Harvsp|Maurois 1965|p=338}}.</ref>.}} Ou encore : {{Citation|Quand je n'écris pas mes manuscrits, je pense à mes plans, et quand je ne pense pas à mes plans et ne fais pas de manuscrits, j'ai des épreuves à corriger. Voici ma vie<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=15}}.</ref>.}}
Selon [[Stefan Zweig]], la production littéraire de Balzac durant les années 1830-1831 est pratiquement sans équivalent dans les annales de la littérature : le romancier doit avoir écrit une moyenne de seize pages imprimées par jour, sans compter les corrections sur épreuves<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=126}}.</ref>. Pour cela, il travaille surtout la nuit, pour ne pas être dérangé : {{Citation|J'ai repris la vie de forçat littéraire. Je me lève à minuit et me couche à six heures du soir ; à peine ces dix-huit heures de travail peuvent-elles suffire à mes occupations<ref>Lettre du {{1er}} septembre 1836, citée par {{Harvsp|Maurois 1965|p=338}}.</ref>.}}. Ou encore : {{Citation|Quand je n'écris pas mes manuscrits, je pense à mes plans, et quand je ne pense pas à mes plans et ne fais pas de manuscrits, j'ai des épreuves à corriger. Voici ma vie<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=15}}.</ref>.}}.


Pour soutenir ce rythme, il fait depuis des années une consommation excessive de [[caféine|café]], qu'il boit « concassé à la turque » afin de stimuler « sa manufacture d'idées » : {{Citation|Si on le prend à jeun, ce café enflamme les parois de l'estomac, le tord, le malmène. Dès lors tout s'agite : les idées s'ébranlent comme les bataillons de la [[Grande Armée]] sur le terrain d'une bataille, et la bataille a lieu. Les souvenirs arrivent au pas de charge, enseignes déployées ; la cavalerie légère des comparaisons se développe par un magnifique galop ; l'artillerie de la logique accourt avec son train et ses gargousses ; les traits d'esprit arrivent en tirailleurs ; les figures se dressent, le papier se couvre d'encre<ref>{{Ouvrage|auteur1=Balzac|titre=[[Traité des excitants modernes]]}}, cité par {{Harvsp|Maurois 1965|p=231}}.</ref>...}}
Pour soutenir ce rythme, il fait depuis des années une consommation excessive de [[caféine|café]], qu'il boit « concassé à la turque » afin de stimuler « sa manufacture d'idées » : {{Citation|Si on le prend à jeun, ce café enflamme les parois de l'estomac, le tord, le malmène. Dès lors tout s'agite : les idées s'ébranlent comme les bataillons de la [[Grande Armée]] sur le terrain d'une bataille, et la bataille a lieu. Les souvenirs arrivent au pas de charge, enseignes déployées ; la cavalerie légère des comparaisons se développe par un magnifique galop ; l'artillerie de la logique accourt avec son train et ses gargousses ; les traits d'esprit arrivent en tirailleurs ; les figures se dressent, le papier se couvre d'encre<ref>{{Ouvrage|auteur1=Balzac|titre=[[Traité des excitants modernes]]|éditeur=|année=|isbn=}}, cité par {{Harvsp|Maurois 1965|p=231}}.</ref> […].}}.


Ce régime lui était nécessaire pour parvenir à livrer à son éditeur la centaine de romans devant composer ''[[La Comédie humaine]]'', en plus des articles promis aux journaux et revues. À cela s'ajoute aussi l'énorme recueil des ''[[Les Cent Contes drolatiques|Cent Contes drolatiques]]'' qu'il rédige entre [[1832 en littérature|1832]] et [[1837 en littérature|1837]], dans une veine et un style rabelaisiens. Il cherche toujours, par cette production continue, à régler les dettes que son train de vie frénétique et fastueux lui occasionne. Il entretient aussi une importante correspondance et fréquente les salons où il rencontre les modèles de ses personnages.
Ce régime lui était nécessaire pour parvenir à livrer à son éditeur la centaine de romans devant composer ''[[La Comédie humaine]]'', en plus des articles promis aux journaux et revues. À cela s'ajoute aussi l'énorme recueil des ''[[Les Cent Contes drolatiques|Cent Contes drolatiques]]'' qu'il rédige entre [[1832 en littérature|1832]] et [[1837 en littérature|1837]], dans une veine et un style rabelaisiens. Il cherche toujours, par cette production continue, à régler les dettes que son train de vie frénétique et fastueux lui occasionne. Il entretient aussi une importante correspondance et fréquente les salons où il rencontre les modèles de ses personnages.


Il a une haute opinion du rôle de l'écrivain et considère sa tâche comme un sacerdoce : {{citation|Aujourd'hui l'écrivain a remplacé le prêtre, il a revêtu la chlamyde des martyrs, il souffre mille maux, il prend la lumière sur l'autel et la répand au sein des peuples. Il est prince, il est mendiant. Il console, il maudit, il prophétise. Sa voix ne parcourt pas seulement la nef d'une cathédrale, elle peut quelquefois tonner d'un bout du monde à l'autre<ref>LOV. A 196 ''Le Prêtre catholique''. Ébauche citée dans {{harvsp|Bertault 1980|p=434}}.</ref>.}}
Il a une haute opinion du rôle de l'écrivain et considère sa tâche comme un sacerdoce : {{citation|Aujourd'hui l'écrivain a remplacé le prêtre, il a revêtu la chlamyde des martyrs, il souffre mille maux, il prend la lumière sur l'autel et la répand au sein des peuples. Il est prince, il est mendiant. Il console, il maudit, il prophétise. Sa voix ne parcourt pas seulement la nef d'une cathédrale, elle peut quelquefois tonner d'un bout du monde à l'autre<ref>LOV. A 196 ''Le Prêtre catholique''. Ébauche citée dans {{harvsp|Bertault 1980|p=434}}.</ref>.}}.


=== Liaisons féminines ===
=== Liaisons féminines ===
[[Fichier:Pierre-Jean David d'Angers - Honoré de Balzac (1799-1850) - Walters 54838.jpg|vignette|upright|left|Tête de Balzac par [[Pierre-Jean David d'Angers]] (1843).|alt=Profil d'une tête d'homme regardant vers sa gauche]]
[[Fichier:Honoré de Balzac caricaturé par Grandville - Grande course au clocher académique (détail).jpg|vignette|redresse=1.3|Balzac caricaturé par [[Grandville]].<br> [[Détail]] de la ''Grande course au clocher académique'' (1839).]]
Mal aimé par sa mère, qui lui préférait son jeune frère Henry, Balzac {{Citation|a toujours cherché l'amour fou, la femme à la fois ange et courtisane, maternelle et soumise, dominatrice et dominée, grande dame et complice}}<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=59}}.</ref>{{,}}<ref group=n>{{citation|Qu'on ne se laisse pas induire en erreur par les ''Contes drolatiques'' et leur sensualité exubérante et vantarde, phallique même. Balzac n'a jamais été un Don Juan, un Casanova, un érotomane et ses vœux vont à la femme au sens bourgeois.}} ({{Harvsp|Zweig 1950|p=146}})</ref>. De petite taille et doté d'une tendance à l'embonpoint, il n'était pas spécialement séduisant<ref group=n>Sophie Koslowska, qui l'a connu en 1836, le décrit ainsi : {{Citation|M. de Balzac ne peut être appelé un bel homme parce qu'il est petit, gras, rond, trapu ; de larges épaules, bien carrées ; une grosse tête ; un nez comme de la gomme élastique, carré du bout ; une très jolie bouche, mais presque sans dents ; les cheveux noirs de jais, raides et mêlés de blanc. Mais il y a dans ses yeux bruns, un feu, une expression si forte que, sans le vouloir, vous êtes obligé de convenir qu'il y a peu de têtes aussi belles.}} Cité par {{Harvsp|Maurois 1965|p=323}}.</ref>, mais il avait un regard d'une force extraordinaire, qui impressionnait, comme le confirment de nombreux témoignages<ref group=n>Un voyageur russe : {{Citation|Il est petit, un peu gros et a beaucoup de feu dans les yeux}} ; un journaliste italien : {{Citation|un œil de dompteur de fauves}} ; la comtesse de Bocarmé : {{Citation|deux yeux à la fois merveilleusement doux et spirituels}} {{Harv|Pierrot 1994|p=305, 371 et 386}}.</ref>, notamment celui de [[Théophile Gautier]] : {{Citation bloc|Quant aux yeux, il n'en exista jamais de pareils. Ils avaient une vie, une lumière, un magnétisme inconcevables. Malgré les veilles de chaque nuit, la sclérotique en était pure, limpide, bleuâtre, comme celle d'un enfant ou d'une vierge, et enchâssait deux diamants noirs qu'éclairaient par instants de riches reflets d'or : c'étaient des yeux à faire baisser la prunelle aux aigles, à lire à travers les murs et les poitrines, à foudroyer une bête fauve furieuse, des yeux de souverain, de voyant, de dompteur<ref group=n>{{Harvsp|Gautier 1859}}, {{lire en ligne|url=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1097542/f12.image|consulté le= |partie= |numéro chapitre=|titre chapitre=Honoré de Balzac|passage=8}}. Voir aussi cette description de Mme de Pommereul, chez qui il a séjourné en 1828 : {{citation|Vous ne pouvez pas comprendre ce front et ces yeux-là, vous qui ne les avez pas vus : un grand front où il y avait un reflet de lampe et des yeux bruns remplis d'or qui exprimaient tout avec autant de netteté que la parole. Il avait un gros nez carré, une bouche énorme qui riait toujours, malgré ses mauvaises dents. Il portait la moustache épaisse et ses cheveux très longs rejetés en arrière. Il y avait dans tout son ensemble, dans ses gestes, dans sa manière de parler, de se tenir, tant de bonté, tant de naïveté, tant de franchise qu'il était impossible de le connaître sans l'aimer.}} ({{Harvsp|Zweig 1950|p=121-122}})</ref>.}}
Mal aimé par sa mère, qui lui préférait son jeune frère Henry, Balzac {{Citation|a toujours cherché l'amour fou, la femme à la fois ange et courtisane, maternelle et soumise, dominatrice et dominée, grande dame et complice<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=59}}.</ref>{{,}}<ref group=n>{{citation|Qu'on ne se laisse pas induire en erreur par les ''Contes drolatiques'' et leur sensualité exubérante et vantarde, phallique même. Balzac n'a jamais été un Don Juan, un Casanova, un érotomane et ses vœux vont à la femme au sens bourgeois.}} ({{Harvsp|Zweig 1950|p=146}}.)</ref>}}. De petite taille et doté d'une tendance à l'embonpoint, il n'était pas spécialement séduisant<ref group="n">Sophie Koslowska, qui l'a connu en 1836, le décrit ainsi : {{Citation|M. de Balzac ne peut être appelé un bel homme parce qu'il est petit, gras, rond, trapu ; de larges épaules, bien carrées ; une grosse tête ; un nez comme de la gomme élastique, carré du bout ; une très jolie bouche, mais presque sans dents ; les cheveux noirs de jais, raides et mêlés de blanc. Mais il y a dans ses yeux bruns, un feu, une expression si forte que, sans le vouloir, vous êtes obligé de convenir qu'il y a peu de têtes aussi belles.}}. Cité par {{Harvsp|Maurois 1965|p=323}}.</ref>, mais il avait un regard d'une force extraordinaire, qui impressionnait, comme le confirment de nombreux témoignages<ref group="n">Un voyageur russe : {{Citation|Il est petit, un peu gros et a beaucoup de feu dans les yeux}} ; un journaliste italien : {{Citation|un œil de dompteur de fauves}} ; la comtesse de Bocarmé : {{Citation|deux yeux à la fois merveilleusement doux et spirituels}} {{Harv|Pierrot 1994|p=305, 371 et 386}}.</ref>, notamment celui de [[Théophile Gautier]] : {{Citation bloc|Quant aux yeux, il n'en exista jamais de pareils. Ils avaient une vie, une lumière, un magnétisme inconcevables. Malgré les veilles de chaque nuit, la sclérotique en était pure, limpide, bleuâtre, comme celle d'un enfant ou d'une vierge, et enchâssait deux diamants noirs qu'éclairaient par instants de riches reflets d'or : c'étaient des yeux à faire baisser la prunelle aux aigles, à lire à travers les murs et les poitrines, à foudroyer une bête fauve furieuse, des yeux de souverain, de voyant, de dompteur<ref group=n>{{Harvsp|Gautier 1859}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1097542/f12.image|consulté le= |partie= |numéro chapitre=|titre chapitre=Honoré de Balzac|passage=8}}. Voir aussi cette description de {{Mme|de Pommereul}}, chez qui il a séjourné en 1828 : {{citation|Vous ne pouvez pas comprendre ce front et ces yeux-là, vous qui ne les avez pas vus : un grand front où il y avait un reflet de lampe et des yeux bruns remplis d'or qui exprimaient tout avec autant de netteté que la parole. Il avait un gros nez carré, une bouche énorme qui riait toujours, malgré ses mauvaises dents. Il portait la moustache épaisse et ses cheveux très longs rejetés en arrière. Il y avait dans tout son ensemble, dans ses gestes, dans sa manière de parler, de se tenir, tant de bonté, tant de naïveté, tant de franchise qu'il était impossible de le connaître sans l'aimer.}} ({{Harvsp|Zweig 1950|p=121-122}}.)</ref>.}}


Si Balzac attire les femmes, c'est d'abord parce qu'il les décrit dans ses romans avec une grande finesse psychologique. Comme le note un de ses contemporains : {{citation|Le grand, l'immense succès de Balzac lui est venu par les femmes : elles ont adoré en lui l'homme qui a su avec éloquence, par de l'ingéniosité encore plus que par la vérité, prolonger indéfiniment chez elles l'âge d'aimer et surtout celui d'être aimées<ref>{{Harvsp|Gozlan 1886}}, {{lire en ligne|url=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k620418/f13.image|consulté le= |partie= |numéro chapitre=|titre chapitre=Balzac en pantoufles|passage=5}}.</ref>.}} Une caricature le montre porté en triomphe par des femmes de trente ans<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=48}}.</ref>.
Si Balzac attire les femmes, c'est d'abord parce qu'il les décrit dans ses romans avec une grande finesse psychologique. Comme le note un de ses contemporains : {{citation|Le grand, l'immense succès de Balzac lui est venu par les femmes : elles ont adoré en lui l'homme qui a su avec éloquence, par de l'ingéniosité encore plus que par la vérité, prolonger indéfiniment chez elles l'âge d'aimer et surtout celui d'être aimées<ref>{{Harvsp|Gozlan 1886}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k620418/f13.image|consulté le= |partie= |numéro chapitre=|titre chapitre=Balzac en pantoufles|passage=5}}.</ref>.}}. Une caricature le montre porté en triomphe par des femmes de trente ans<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=48}}.</ref>.


[[Fichier:Pierre-Jean David d'Angers - Honoré de Balzac (1799-1850) - Walters 54838.jpg|vignette|gauche|Tête de Balzac par [[Pierre-Jean David d'Angers]] (1843).|alt=Profil d'une tête d'homme regardant vers sa gauche]]
En dépit de son inimitié viscérale pour le romancier, [[Charles-Augustin Sainte-Beuve|Sainte-Beuve]] confirme le succès que celui-ci rencontre auprès du public féminin et en explique l'origine : {{citation|M. de Balzac sait beaucoup de choses des femmes, leurs secrets sensibles ou sensuels ; il leur pose, en ses récits, des questions hardies, familières, équivalentes à des privautés. C'est comme un docteur encore jeune qui a une entrée dans la ruelle et dans l'alcôve (...)<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=325}}.</ref>.}}
En dépit de son inimitié viscérale pour le romancier, [[Charles-Augustin Sainte-Beuve|Sainte-Beuve]] confirme le succès que celui-ci rencontre auprès du public féminin et en explique l'origine : {{citation|M. de Balzac sait beaucoup de choses des femmes, leurs secrets sensibles ou sensuels ; il leur pose, en ses récits, des questions hardies, familières, équivalentes à des privautés. C'est comme un docteur encore jeune qui a une entrée dans la ruelle et dans l'alcôve […]<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=325}}.</ref>.}}.


Dans son ''[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-propos]]'', Balzac reproche à [[Walter Scott]] l'absence de diversité dans ses portraits de femmes et attribue cette faiblesse à son éthique protestante : {{citation|Dans le protestantisme, il n’y a plus rien de possible pour la femme après la faute ; tandis que dans l’Église catholique l’espoir du pardon la rend sublime. Aussi n’existe-t-il qu’une seule femme pour l’écrivain protestant, tandis que l’écrivain catholique trouve une femme nouvelle dans chaque nouvelle situation<ref>''[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-propos]]''.</ref>.}}
Dans son [[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|avant-propos à ''La Comédie humaine'']], Balzac reproche à [[Walter Scott]] l'absence de diversité dans ses portraits de femmes et attribue cette faiblesse à son éthique protestante : {{citation|Dans le protestantisme, il n’y a plus rien de possible pour la femme après la faute ; tandis que dans l’Église catholique l’espoir du pardon la rend sublime. Aussi n’existe-t-il qu’une seule femme pour l’écrivain protestant, tandis que l’écrivain catholique trouve une femme nouvelle dans chaque nouvelle situation<ref>[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-propos]].</ref>.}}.


Ce sont souvent les femmes qui ont fait le premier pas vers le romancier, en lui écrivant une lettre ou en lui lançant une invitation. C'est le cas, notamment, de Caroline Landrière des Bordes, baronne Deurbroucq, riche veuve qu'il rencontre au château de Méré, chez le banquier [[famille Goüin|Goüin]], et qu'il eut brièvement le projet d'épouser en [[1832]]<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=199}}.</ref>. Dans le cas de Louise, qui se présente anonymement comme « une des femmes les plus élégantes de la société actuelle », le contact qu'elle a pris en 1836 est resté purement épistolaire et s'est arrêté après un an sans que son identité lui ait jamais été révélée<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=283-286}}.</ref>. Une autre admiratrice, Hélène Marie-Félicité de Valette, qui se présente comme « bretonne et célibataire », mais qui en fait était veuve et avait un amant<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=402}}.</ref>, lui écrit après avoir lu ''[[Béatrix (Balzac)|Beatrix]]'' en feuilleton, et l'accompagnera dans un voyage en Bretagne, en avril 1841<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=368-369}}.</ref>.
Ce sont souvent les femmes qui ont fait le premier pas vers le romancier, en lui écrivant une lettre ou en lui lançant une invitation. C'est le cas, notamment, de Caroline Landrière des Bordes, baronne Deurbroucq, riche veuve qu'il rencontre au [[château de Méré]], entre [[Artannes-sur-Indre|Artannes]] et [[Pont-de-Ruan]], chez le banquier [[famille Goüin|Goüin]], et qu'il eut brièvement le projet d'épouser en 1832<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=199}}.</ref>. Au début de l'année 1831, il a une relation pendant deux mois avec Lady [[Jane Digby|Jane Ellenborough]], qui inspirera le personnage de Lady Arabelle Dudley, la belle et scandaleuse Anglaise du'' [[Le Lys dans la vallée|Lys dans la vallée]]''<ref>Irving Wallace, ''The Nympho and other maniacs'', New York, Simon and Schuster, 1971, p. 131-136.</ref>. Dans le cas de Louise, qui se présente anonymement comme « une des femmes les plus élégantes de la société actuelle », le contact qu'elle a pris en 1836 est resté purement épistolaire et s'est arrêté après un an sans que son identité lui ait jamais été révélée<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=283-286}}.</ref>. Une autre admiratrice, Hélène Marie-Félicité de Valette, qui se présente comme « Bretonne et célibataire », mais qui en fait était veuve et avait un amant<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=402}}.</ref>, lui écrit après avoir lu ''[[Béatrix (Balzac)|Beatrix]]'' en feuilleton, et l'accompagnera dans un voyage en Bretagne, en {{date-|avril 1841}}<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=368-369}}.</ref>.


====Laure de Berny====
==== Laure de Berny ====
En 1821, alors qu'il est de retour chez ses parents à [[Villeparisis]], Balzac entre en relation avec {{Mme|[[Laure de Berny|de Berny]]}}. Quoique son prénom usuel soit Antoinette, Balzac l'appellera toujours par son deuxième prénom, Laure, qui est aussi celui de sa sœur, ou la désigne comme la ''Dilecta'' (la bien-aimée). Celle-ci, qui est alors âgée de {{unité|45|ans}}, a neuf enfants, parmi lesquels quatre filles, dont Julie, issue d'une liaison avec André Campi, ayant duré seize ans, de 1799 à 1815<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=113}}</ref>. Encore belle<ref group=n>{{lien web|url=http://home.arcor.de/frank.weidemann/dilecta2.jpg|titre=Portrait de Laure de Berny|format=JPG}}.</ref>, dotée d'une grande sensibilité et d'une expérience du monde, elle éblouit le jeune homme, qui en devient l’amant en [[1822]], préférant la mère à sa fille Julie qu'elle lui proposait d'épouser<ref name=Pier114>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=114}}.</ref>. Laure lui tient lieu d'amante et de mère et forme l'écrivain. Elle l’encourage, le conseille, lui prodigue sa tendresse et lui fait apprécier le goût et les mœurs de l’[[Ancien Régime]]. Elle lui apporte aussi une aide financière substantielle lorsqu'il a des problèmes d'argent et qu'il est poursuivi par les huissiers. Il lui gardera une reconnaissance durable. À sa mort, en 1836, Balzac écrit : {{Citation|Mme de Berny a été comme un Dieu pour moi. Elle a été une mère, une amie, une famille, un ami, un conseil ; elle a fait l'écrivain<ref>{{Harvsp|Lettres 1899|p=418}}, t.1. {{lire en ligne|url=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5470610b/f389.image.r|consulté le= |partie= |numéro chapitre=CLXXV |titre chapitre=Lettres à Louise, Paris (1836-1837)|passage=371-372}}.</ref>}}. Leur correspondance ayant presque entièrement été détruite, seules quelques rares lettres témoignent aujourd'hui de la jalousie qu'elle éprouva lors des liaisons subséquentes de son amant, mais sans jamais lui en tenir rigueur<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=201}}.</ref>.
En 1821, alors qu'il est de retour chez ses parents à [[Villeparisis]], Balzac entre en relation avec {{Mme|[[Laure de Berny|de Berny]]}}. Quoique son prénom usuel soit Antoinette, Balzac l'appellera toujours par son deuxième prénom, Laure, qui est aussi celui de sa sœur et de sa mère, ou la désigne comme la ''dilecta'' (la bien-aimée). Celle-ci, qui est alors âgée de {{unité|45|ans}}, a neuf enfants, parmi lesquels quatre filles, dont Julie, issue d'une liaison avec André Campi ayant duré seize ans, de 1799 à 1815<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=113}}.</ref>. Encore belle<ref group=n>{{lien web|url=http://home.arcor.de/frank.weidemann/dilecta2.jpg|titre=Portrait de Laure de Berny|format=JPG}}.</ref>, dotée d'une grande sensibilité et d'une expérience du monde, elle éblouit le jeune homme, qui en devient l’amant en 1822, préférant la mère à sa fille Julie qu'elle lui proposait d'épouser<ref name=Pier114>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=114}}.</ref>. Laure lui tient lieu d'amante et de mère et forme l'écrivain. Elle l’encourage, le conseille, lui prodigue sa tendresse et lui fait apprécier le goût et les mœurs de l’[[Ancien Régime]]. Elle lui apporte aussi une aide financière substantielle lorsqu'il a des problèmes d'argent et qu'il est poursuivi par les huissiers. Il lui gardera une reconnaissance durable. À sa mort, en 1836, Balzac écrit : {{Citation|Mme de Berny a été comme un Dieu pour moi. Elle a été une mère, une amie, une famille, un ami, un conseil ; elle a fait l'écrivain<ref>{{Harvsp|Lettres 1899|p=418}}, t.1. {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5470610b/f389.image.r|consulté le= |partie= |numéro chapitre=CLXXV |titre chapitre=Lettres à Louise, Paris (1836-1837)|passage=371-372}}.</ref>.}}. Leur correspondance ayant presque entièrement été détruite, seules quelques rares lettres témoignent aujourd'hui de la jalousie qu'elle éprouva lors des liaisons subséquentes de son amant, mais sans jamais lui en tenir rigueur<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=201}}.</ref>.


Balzac s'en inspire pour créer le personnage de [[Madame de Mortsauf]], héroïne du ''[[Le Lys dans la vallée|Lys dans la vallée]]'', et lui dédie d'ailleurs l'ouvrage. Elle a aussi des points en commun avec le personnage de Flavie Colleville des ''[[Les Petits Bourgeois|Petits Bourgeois]]''<ref name=Pier114/>. Stefan Zweig la reconnaît aussi dans la description de l'héroïne de ''[[Madame Firmiani (Balzac)|Madame Firmiani]]'' : {{Citation|Sa raillerie caresse et sa critique ne blesse point... elle ne vous fatigue jamais, et vous laisse satisfait d’elle et de vous. Chez elle, tout flatte la vue, et vous y respirez comme l’air d’une patrie... Cette femme est naturelle. Franche, elle sait n’offenser aucun amour-propre ; elle accepte les hommes comme Dieu les a faits... À la fois tendre et gaie, elle oblige avant de consoler<ref>[[s:Madame Firmiani|Madame Firmiani]], {{p.|240}}. Cité par {{Harvsp|Zweig 1950|p=78}}.</ref>.}}
Balzac s'en inspire pour créer le personnage de [[madame de Mortsauf]], héroïne du ''[[Le Lys dans la vallée|Lys dans la vallée]]'', et lui dédie d'ailleurs l'ouvrage. Elle a aussi des points communs avec le personnage de Flavie Colleville des ''[[Les Petits Bourgeois (Balzac)|Petits Bourgeois]]''<ref name=Pier114/>. Stefan Zweig la reconnaît aussi dans la description de l'héroïne de ''[[Madame Firmiani (Balzac)|Madame Firmiani]]'' : {{Citation|Sa raillerie caresse et sa critique ne blesse point […] elle ne vous fatigue jamais, et vous laisse satisfait d’elle et de vous. Chez elle, tout flatte la vue, et vous y respirez comme l’air d’une patrie […] Cette femme est naturelle. Franche, elle sait n’offenser aucun amour-propre ; elle accepte les hommes comme Dieu les a faits […] À la fois tendre et gaie, elle oblige avant de consoler<ref>[[s:Madame Firmiani|''Madame Firmiani'']], {{p.|240}}. Cité par {{Harvsp|Zweig 1950|p=78}}.</ref>.}}.


====Zulma Carraud====
==== Zulma Carraud ====
[[Fichier:Zulma Carraud.jpg|vignette|upright|Portrait de Zulma Carraud et de son fils Ivan âgé de six mois, par Édouard Viénot.|alt=Tableau représentant une femme vêtue d'une robe grise qui porte dans ses bras un bébé à demi-nu]]
[[Fichier:Zulma Carraud.jpg|vignette|Portrait de Zulma Carraud et de son fils Ivan, âgé de six mois, par Édouard Viénot.|alt=Tableau représentant une femme vêtue d'une robe grise qui porte dans ses bras un bébé à demi-nu]]
[[Zulma Carraud]] était une amie d'enfance de sa sœur Laure. Cette « femme de haute valeur morale, stoïcienne virile<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=144}}.</ref> » vivait à [[Issoudun]], était mariée et avait des enfants. Balzac la connaît depuis 1818, mais leur amitié ne se noue que lors de l'installation de sa sœur à [[Versailles]], en 1824. Leur correspondance aurait commencé dès cette date, mais les premières années en ont été perdues<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=172-173}}.</ref>. Dans ses lettres, Zulma se révèle une des amies les plus intimes et les plus constantes de l'écrivain. C'est chez elle qu'il se réfugie quand il est malade, découragé, surmené ou poursuivi par ses créanciers<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=242}}.</ref>. Elle lui rappelle l'idéal républicain et l'invite à plus d'empathie pour les souffrances du peuple<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=557}}.</ref>. Quoique n'étant pas elle-même très riche, elle vole sans relâche à son secours<ref name=Floyd>{{Harvsp|Floyd}}.</ref>. Elle est parmi les femmes qui ont joué un grand rôle dans sa vie.
[[Zulma Carraud]] était une amie d'enfance de sa sœur Laure. Cette « femme de haute valeur morale, stoïcienne virile<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=144}}.</ref> » vivait à [[Issoudun]], était mariée et avait des enfants. Balzac la connaît depuis 1818, mais leur amitié ne se noue que lors de l'installation de sa sœur à [[Versailles]], en 1824. Leur correspondance aurait commencé dès cette date, mais les premières années en ont été perdues<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=172-173}}.</ref>. Dans ses lettres, Zulma se révèle une des amies les plus intimes et les plus constantes de l'écrivain. C'est chez elle qu'il se réfugie quand il est malade, découragé, surmené ou poursuivi par ses créanciers<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=242}}.</ref>. Elle lui rappelle l'idéal républicain et l'invite à plus d'empathie pour les souffrances du peuple<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=557}}.</ref>. Quoique n'étant pas elle-même très riche, elle vole sans relâche à son secours<ref name=Floyd>{{Harvsp|Floyd}}.</ref>. Elle est parmi les femmes qui ont joué un grand rôle dans sa vie.


==== La duchesse d'Abrantès ====
==== La duchesse d'Abrantès ====
[[Fichier:Laure Junot.jpg|vignette|upright|left|[[Laure Junot d'Abrantès]].|alt=Lithographie : portrait de femme, vêtement blanc à petits volants, gros nœud autour du cou, cheveux longs mais plaqués sur le dessus, boucles sophistiquées sur les côtés et l'arrière de la tête]]
[[Fichier:Laure Junot.jpg|vignette|gauche|[[Laure Junot d'Abrantès]].|alt=Lithographie : portrait de femme, vêtement blanc à petits volants, gros nœud autour du cou, cheveux longs mais plaqués sur le dessus, boucles sophistiquées sur les côtés et l'arrière de la tête]]


En 1825, il commence une autre liaison avec la [[Laure Junot d'Abrantès|duchesse d'Abrantès]]. Cette femme, qui a {{unité|15|ans}} de plus que lui, le fascine par ses relations et son expérience du monde. Veuve du général [[Jean-Andoche Junot|Junot]], qui avait été élevé au rang de duc par Napoléon, elle a connu les fastes de l'Empire avant de fréquenter les milieux royalistes. Elle a été l'amante du comte de [[Klemens Wenzel von Metternich|Metternich]]. Ruinée et forcée de vendre ses bijoux et son mobilier, elle s'installe modestement à [[Versailles]]. C'est par une amie de sa sœur, qui vivait aussi à Versailles, que Balzac fait sa connaissance. Il est séduit, mais elle ne lui offre d'abord que son amitié, qui se transforme peu après en amour partagé<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=116-117}}.</ref>.
En 1825, il commence une autre liaison avec la [[Laure Junot d'Abrantès|duchesse d'Abrantès]]. Cette femme, qui a quinze ans de plus que lui, le fascine par ses relations et son expérience du monde. Veuve du général [[Jean-Andoche Junot|Junot]], qui avait été élevé au rang de duc par Napoléon, elle a connu les fastes de l'Empire avant de fréquenter les milieux royalistes. Elle a été l'amante du comte de [[Klemens Wenzel von Metternich|Metternich]]. Ruinée et forcée de vendre ses bijoux et son mobilier, elle s'installe modestement à [[Versailles]]. C'est par une amie de sa sœur, qui vivait aussi à Versailles, que Balzac fait sa connaissance. Il est séduit, mais elle ne lui offre d'abord que son amitié, qui se transforme peu après en amour partagé<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=116-117}}.</ref>.


Quoiqu'elle se prénomme Laure, Balzac ne l'appellera jamais que Marie<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=142}}.</ref>. Elle lui donne des renseignements sur la vie dans les châteaux et les personnalités qu'elle a côtoyées. De son côté, il lui conseille d'écrire ses mémoires et lui tient lieu de conseiller et de correcteur littéraire<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=140-141}}.</ref>.
Quoiqu'elle se prénomme Laure, Balzac ne l'appellera jamais que Marie<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=142}}.</ref>. Elle lui donne des renseignements sur la vie dans les châteaux et les personnalités qu'elle a côtoyées. De son côté, il lui conseille d'écrire ses mémoires et lui tient lieu de conseiller et de correcteur littéraire<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=140-141}}.</ref>.


La [[Laure Junot d'Abrantès|duchesse d'Abrantès]] a servi de modèle à la fois à la [[Vicomtesse de Beauséant]] dans ''[[la Femme abandonnée]]'', ouvrage qui lui est dédié<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=206}}.</ref>, et à la [[duchesse de Carigliano]] dans ''[[la Maison du chat-qui-pelote]]'', ainsi qu'à certains traits de [[Félicité des Touches]]<ref name=Floyd/>. Balzac rédige ''La Maison'' à [[Maffliers]], près de [[L'Isle-Adam]] en [[1829]], alors que la duchesse d’Abrantès séjourne chez les [[Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord|Talleyrand-Périgord]] non loin de là<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=164}}.</ref>.{{clr}}
La [[Laure Junot d'Abrantès|duchesse d'Abrantès]] a servi de modèle à la fois à la [[vicomtesse de Beauséant]] dans ''[[La Femme abandonnée]]'', ouvrage qui lui est dédié<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=206}}.</ref>, et à la [[duchesse de Carigliano]] dans ''[[La Maison du chat-qui-pelote]]'', ainsi qu'à certains traits de [[Félicité des Touches]]<ref name=Floyd/>. Balzac rédige ''La Maison'' à [[Maffliers]], près de [[L'Isle-Adam]] en 1829, alors que la duchesse d’Abrantès séjourne chez les [[Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord|Talleyrand-Périgord]] non loin de là<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=164}}.</ref>.{{clr}}


==== Aurore Dudevant / George Sand ====
==== Aurore Dudevant / George Sand ====
[[Fichier:Eugène Ferdinand Victor Delacroix 041.jpg|vignette|upright|left|George Sand cousant, par [[Eugène Delacroix|Delacroix]] (1838). Détail.|alt=Portrait peint d'une femme cousant, elle porte une robe noire]]
[[Fichier:Eugène Ferdinand Victor Delacroix 041.jpg|vignette|George Sand cousant, par [[Eugène Delacroix|Delacroix]] (1838). Détail.|alt=Portrait peint d'une femme cousant, elle porte une robe noire]]
En 1831, Balzac fait la connaissance d'[[George Sand|Aurore Dudevant]] venue tenter sa chance à Paris et fuir son mari. Il lui fait lire ''La Peau de chagrin'' et cet ouvrage suscite son enthousiasme.
En 1831, Balzac fait la connaissance d'[[George Sand|Aurore Dudevant]] fuyant son mari et tentant sa chance à Paris. Il lui fait lire ''La Peau de chagrin'' et cet ouvrage suscite son enthousiasme.


En février 1838, il va retrouver « le camarade George Sand » dans son château de Nohant. Au cours des six jours qu'il y est resté, ils passent les nuits à bavarder, de « {{unité|5|heures}} du soir après le dîner jusqu'à {{unité|5|heures}} du matin ». Elle lui fait fumer « un [[Narguilé|houka]] et du lataki ». Rendant compte de cette expérience, il espère que le tabac lui permettra de {{Citation|quitter le café et de varier les excitants dont j'ai besoin pour le travail<ref group =n>En fait, Balzac n'aimait pas le tabac. Il n'aimait pas non plus les drogues qui obligent à abdiquer la volonté et se serait abstenu de goûter au haschisch lors d'une séance de démonstration en 1835, à laquelle [[Baudelaire]] assistait {{Harv|Pierrot 1994|p=319-321 et 422}}.</ref>}}.
En {{date-|février 1838}}, il va retrouver « le camarade George Sand » dans son château de Nohant. Au cours des six jours qu'il y est resté, ils passent les nuits à bavarder, de « {{unité|5|heures}} du soir après le dîner jusqu'à {{unité|5|heures}} du matin ». Elle lui fait fumer « un [[Narguilé|houka]] et du lataki ». Rendant compte de cette expérience, il espère que le tabac lui permettra de {{Citation|quitter le café et de varier les excitants dont j'ai besoin pour le travail<ref group =n>En fait, Balzac n'aimait pas le tabac. Il n'aimait pas non plus les drogues qui obligent à abdiquer la volonté et se serait abstenu de goûter au haschisch lors d'une séance de démonstration en 1835, à laquelle [[Baudelaire]] assistait {{Harv|Pierrot 1994|p=319-321 et 422}}.</ref>}}.


Par la suite, il continue à la rencontrer dans le salon qu'elle tient à Paris, où elle vit en couple avec [[Frédéric Chopin|Chopin]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=370}}.</ref>. Ils échangent sur des questions de structure romanesque ou de psychologie des personnages et elle lui donne parfois des suggestions d'intrigues qu'elle ne pouvait pas traiter elle-même, notamment ''Les Galériens'' et ''Béatrix ou les Amours forcés''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=320}}.</ref>. Il est aussi arrivé qu'elle signe un récit de Balzac que ce dernier ne pouvait pas faire accepter par son éditeur parce qu'il y en avait déjà trop de sa plume dans un même recueil<ref name=Floyd/>. Balzac lui dédie les ''[[Mémoires de deux jeunes mariées]]''.
Par la suite, il continue à la rencontrer dans le salon qu'elle tient à Paris, où elle vit en couple avec [[Frédéric Chopin|Chopin]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=370}}.</ref>. Ils échangent sur des questions de structure romanesque ou de psychologie des personnages et elle lui donne parfois des suggestions d'intrigues qu'elle ne pouvait pas traiter elle-même, notamment ''Les Galériens'' et ''Béatrix ou les Amours forcés''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=320}}.</ref>. Il est aussi arrivé qu'elle signe un récit de Balzac que ce dernier ne pouvait pas faire accepter par son éditeur parce qu'il y en avait déjà trop de sa plume dans un même recueil<ref name=Floyd/>. Balzac lui dédie les ''[[Mémoires de deux jeunes mariées]]''.
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==== Olympe Pélissier ====
==== Olympe Pélissier ====
[[Fichier:OlympePélissierStudy.jpg|vignette|upright|left|Étude d’[[Olympe Pélissier]] par [[Horace Vernet]] pour son tableau ''Judith et [[Holopherne]]''.|alt=Portrait peint : buste d'une femme nue sur fond jaune uniforme, tournée vers sa droite et regardant vers sa gauche, dont un sein est caché par son bras replié, et l'autre apparent, cheveux bruns longs mais remontés en chignon négligé ; signature en noir en bas à gauche : Rome 1830 H Vernet]]
[[Fichier:OlympePélissierStudy.jpg|vignette|Étude d’[[Olympe Pélissier]] par [[Horace Vernet]], pour son tableau ''Judith et [[Holopherne]]''.|alt=Portrait peint : buste d'une femme nue sur fond jaune uniforme, tournée vers sa droite et regardant vers sa gauche, dont un sein est caché par son bras replié, et l'autre apparent, cheveux bruns longs mais remontés en chignon négligé ; signature en noir en bas à gauche : Rome 1830 H Vernet]]


Dès 1831, Balzac fréquente le salon d'[[Olympe Pélissier]], « belle courtisane intelligente » qui fut la maîtresse d’[[Eugène Sue]] avant d’épouser [[Gioachino Rossini|Rossini]] en 1847. Il a avec elle une brève liaison.
Dès 1831, Balzac fréquente le salon d'[[Olympe Pélissier]], « belle courtisane intelligente » qui fut la maîtresse d’[[Eugène Sue]] avant d’épouser [[Gioachino Rossini|Rossini]] en 1847. Il a avec elle une brève liaison.


Les personnages de [[demi-mondaine]]s qui traversent ''La Comédie humaine'', telles [[Florine (Balzac)|Florine]] et [[Tullia (Balzac)|Tullia]], lui doivent beaucoup. La scène de chambre de ''[[La Peau de chagrin]]'' aurait été jouée par Balzac lui-même chez Olympe<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=182}}.</ref>, mais celle-ci ne ressemble en rien à [[Comtesse Fœdora|Fœdora]], et elle aura toujours avec lui des rapports amicaux et bienveillants. Ce dernier continuera à fréquenter son salon<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=179}}.</ref>. Quant à la Fœdora de la nouvelle, Balzac précise dans une lettre : {{Citation|J'ai fait Fœdora de deux femmes que j'ai connues sans être entré dans leur intimité. L'observation m'a suffi outre quelques confidences<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=162}}.</ref>.}}{{clr}}
Les personnages de [[demi-mondaine]]s qui traversent ''La Comédie humaine'', telles [[Florine (Balzac)|Florine]] et [[Tullia (Balzac)|Tullia]], lui doivent beaucoup. La scène de chambre de ''[[La Peau de chagrin]]'' aurait été jouée par Balzac lui-même chez Olympe<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=182}}.</ref>, mais celle-ci ne ressemble en rien à [[Comtesse Fœdora|Fœdora]], et elle aura toujours avec lui des rapports amicaux et bienveillants. Ce dernier continuera à fréquenter son salon<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=179}}.</ref>. Quant à la Fœdora de la nouvelle, Balzac précise dans une lettre : {{Citation|J'ai fait Fœdora de deux femmes que j'ai connues sans être entré dans leur intimité. L'observation m'a suffi outre quelques confidences<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=162}}.</ref>.}}.


==== La duchesse de Castries ====
==== La duchesse de Castries ====
Au début de l'année 1832, parmi les nombreuses lettres qui lui viennent de ses admiratrices, Balzac en reçoit une de la [[Claire de Maillé de La Tour-Landry|duchesse de Castries]], belle rousse au front élevé, qui tient un salon littéraire et dont l'oncle est le chef du parti légitimiste<ref group=n>Elle a alors une liaison publique avec le prince Victor de Metternich. [[Stendhal]], à propos de son roman ''[[Armance]]'', écrit {{citation|{{Mme|d'Aumale}}, c'est {{Mme|de Castries}} que j'ai faite sage.}} {{Harvsp|Pierrot 1994|p=196}}.</ref>. Immédiatement intéressé, Balzac va lui rendre visite et lui offre des feuillets manuscrits de ''[[La Femme de trente ans]]'', dont elle est en fait le modèle, au physique et au moral<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=197}}.</ref>. En amoureux transi, il se rend à son château d'[[Aix-les-Bains]], où il passe plusieurs jours à écrire, tout en faisant la connaissance du baron [[James de Rothschild]], avec qui il noue une relation durable<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=206}}.</ref>. Il l'accompagne ensuite à [[Genève]] en octobre de la même année, mais rentre dépité de ne pas voir ses sentiments partagés, et va se faire réconforter auprès de la ''dilecta''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=207-208}}.</ref>.
Au début de l'année 1832, parmi les nombreuses lettres qui lui viennent de ses admiratrices, Balzac en reçoit une de la [[Claire de Maillé de La Tour-Landry|duchesse de Castries]], belle rousse au front élevé, qui tient un salon littéraire et dont l'oncle est le chef du parti légitimiste<ref group="n">Elle a alors une liaison publique avec le prince Victor de Metternich. [[Stendhal]], à propos de son roman ''[[Armance]]'', écrit : {{citation|{{Mme|d'Aumale}}, c'est {{Mme|de Castries}} que j'ai faite sage.}} {{Harvsp|Pierrot 1994|p=196}}.</ref>. Immédiatement intéressé, Balzac va lui rendre visite et lui offre des feuillets manuscrits de ''[[La Femme de trente ans]]'', dont elle est en fait le modèle, au physique et au moral<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=197}}.</ref>. En amoureux transi, il se rend à son château d'[[Aix-les-Bains]], où il passe plusieurs jours à écrire, tout en faisant la connaissance du baron [[James de Rothschild]], avec qui il noue une relation durable<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=206}}.</ref>. Il l'accompagne ensuite à [[Genève]] en octobre de la même année, mais rentre dépité de ne pas voir ses sentiments partagés et va se faire réconforter auprès de la ''dilecta''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=207-208}}.</ref>.


Il témoigne de cette déception amoureuse dans ''[[La Duchesse de Langeais]]'' : {{Citation|elle avait reçu de la nature les qualités nécessaires pour jouer les rôles de coquette... Elle faisait voir qu'il y avait en elle une noble courtisane... Elle paraissait devoir être la plus délicieuse des maîtresses en déposant son corset<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=215}}.</ref>.}} On l'a également reconnue dans le personnage de [[Diane de Maufrigneuse]]<ref>{{Harvsp|Béguin 1946|p=31}}.</ref>. {{Mme|de Castries}}, qui avait du sang britannique, inspirera aussi en partie le personnage de lady Arabelle Dudley du ''[[Le Lys dans la vallée|Lys dans la vallée]]''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=256}}.</ref>. Balzac lui dédie ''[[L'Illustre Gaudissart]]'', une pochade qu’elle juge indigne de son rang, alors qu'elle est « un des plus anciens blasons du [[faubourg Saint-Germain]] »<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=195, 240}}.</ref>. Il continue toutefois à la voir de façon sporadique et c'est sans doute grâce à elle qu'il peut avoir une entrevue avec [[Klemens Wenzel von Metternich|Metternich]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=256-257}}.</ref>.
Il témoigne de cette déception amoureuse dans ''[[La Duchesse de Langeais]]'' : {{Citation|Elle avait reçu de la nature les qualités nécessaires pour jouer les rôles de coquette […] Elle faisait voir qu'il y avait en elle une noble courtisane […] Elle paraissait devoir être la plus délicieuse des maîtresses en déposant son corset<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=215}}.</ref>.}}. On l'a également reconnue dans le personnage de [[Diane de Maufrigneuse]]<ref>{{Harvsp|Béguin 1946|p=31}}.</ref>. {{Mme|de Castries}}, qui avait du sang britannique, inspirera aussi en partie le personnage de lady Arabelle Dudley du ''[[Le Lys dans la vallée|Lys dans la vallée]]''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=256}}.</ref>. Balzac lui dédie ''[[L'Illustre Gaudissart]]'', une pochade qu’elle juge indigne de son rang, alors qu'elle est {{citation|un des plus anciens blasons du [[faubourg Saint-Germain]]<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=195, 240}}.</ref>}}. Il continue toutefois à la voir de façon sporadique et c'est sans doute grâce à elle qu'il peut avoir une entrevue avec [[Klemens Wenzel von Metternich|Metternich]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=256-257}}.</ref>.


==== Marie du Fresnay ====
==== Marie du Fresnay ====
[[Fichier:Marie-Caroline du Fresnay, fille de Maria du Fresnay et Honoré de Balzac-Ministère de la culture.jpg|thumb|upright|[[Marie-Caroline du Fresnay]], fille de [[Maria du Fresnay]] et d'Honoré de Balzac, par Henriette Girouard-Lucquin (1865)]]
[[Fichier:Marie-Caroline du Fresnay, fille de Maria du Fresnay et Honoré de Balzac-Ministère de la culture.jpg|vignette|[[Marie-Caroline du Fresnay]], fille de [[Maria du Fresnay]] et d'Honoré de Balzac, par Henriette Girouard-Lucquin (1865).]]


En 1833, il noue une intrigue secrète avec {{Citation|une gentille personne, la plus naïve créature qui soit tombée comme une fleur du ciel ; qui vient chez moi, en cachette, n'exige ni correspondance ni soins et qui dit : « Aime-moi un an ! Je t'aimerai toute ma vie<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=240-241}}.</ref>.}}
En 1833, il noue une intrigue secrète avec {{Citation|une gentille personne, la plus naïve créature qui soit tombée comme une fleur du ciel ; qui vient chez moi, en cachette, n'exige ni correspondance ni soins et qui dit : « Aime-moi un an ! Je t'aimerai toute ma vie<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=240-241}}.</ref>}}.


[[Marie du Fresnay]], surnommée Maria, avait alors {{unité|24|ans}} et attendait une fille de Balzac, [[Marie-Caroline du Fresnay]]. Balzac lui dédiera en 1839 le roman ''[[Eugénie Grandet]]'', qu'il était alors en train d'écrire et dont l'héroïne est inspirée de la jeune femme. Il citera également sa fille dans son testament<ref group=n>[[Marie-Caroline du Fresnay]], fille supposée de Balzac, est née à Sartrouville le 4 juin 1834. Elle est décédée en 1930 ({{Harvsp|Pierrot 1994|p=235-240}}).</ref>.
[[Marie du Fresnay]], surnommée Maria, avait alors {{unité|24|ans}} et attendait une fille de Balzac, [[Marie-Caroline du Fresnay]]. Balzac lui dédiera en 1839 le roman ''[[Eugénie Grandet]]'', qu'il était alors en train d'écrire et dont l'héroïne est inspirée de la jeune femme. Il citera également sa fille dans son testament<ref group=n>[[Marie-Caroline du Fresnay]], fille supposée de Balzac, est née à Sartrouville le 4 juin 1834. Elle est décédée en 1930 ({{Harvsp|Pierrot 1994|p=235-240}}).</ref>.


==== La comtesse Guidoboni-Visconti ====
==== La comtesse Guidoboni-Visconti ====
En avril 1835, Balzac a le coup de foudre pour la [[Frances-Sarah Guidoboni-Visconti|comtesse Guidoboni-Visconti]], née Frances-Sarah Lovell, issue de la plus ancienne ''[[gentry]]'' anglaise. Il la décrira plus tard comme {{Citation|une des plus aimables femmes, et d'une infinie, d'une exquise bonté, d'une beauté fine, élégante (...) douce et pleine de fermeté<ref>Lettre du 10 février 1840. {{Harvsp|Pierrot 1994|p=253}}.</ref>}}. Une jeune amie de la ''Contessa'' décrit ainsi les affinités entre ces deux personnalités : {{Citation bloc|Tu me demandes qu'est-ce que c'est que cette (...) passion de {{M.|de Balzac}} pour Madame Visconti ? Ce n'est autre chose que, comme Madame Visconti est remplie d'esprit, d'imagination, et d'idées fraîches et neuves, {{M.|de Balzac}} qui est aussi un homme supérieur, goûte la conversation de Madame Visconti, et comme il a beaucoup écrit et écrit encore, il lui emprunte souvent de ces idées originales qui sont si fréquentes chez elle, et leur conversation est toujours excessivement intéressante et amusante<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=281}}.</ref>.}}
En {{date-|avril 1835}}, Balzac a le coup de foudre pour la [[Frances-Sarah Guidoboni-Visconti|comtesse Guidoboni-Visconti]], née Frances-Sarah Lovell, issue de la plus ancienne ''[[gentry]]'' anglaise. Il la décrira plus tard comme {{Citation|une des plus aimables femmes, et d'une infinie, d'une exquise bonté, d'une beauté fine, élégante […] douce et pleine de fermeté<ref>Lettre du 10 février 1840. {{Harvsp|Pierrot 1994|p=253}}.</ref>}}. Une jeune amie de la ''contessa'' décrit ainsi les affinités entre ces deux personnalités : {{Citation bloc|Tu me demandes qu'est-ce que c'est que cette […] passion de {{M.|de Balzac}} pour Madame Visconti ? Ce n'est autre chose que, comme Madame Visconti est remplie d'esprit, d'imagination, et d'idées fraîches et neuves, {{M.|de Balzac}} qui est aussi un homme supérieur, goûte la conversation de Madame Visconti, et comme il a beaucoup écrit et écrit encore, il lui emprunte souvent de ces idées originales qui sont si fréquentes chez elle, et leur conversation est toujours excessivement intéressante et amusante<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=281}}.</ref>.}}


Ils se verront très fréquemment durant cinq ans. Balzac l'accompagne dans sa loge à l'opéra et, selon certaines sources, elle aurait eu un enfant de lui<ref group=n>Lionel Richard Guidoboni-Visconti, né le 29 mai 1836 {{Harv|Zweig 1950|p=323}}.</ref>. D'une grande indépendance d'esprit, elle ne cherche pas à accaparer l'écrivain comme le fait {{Mme|Hańska}}, à qui celui-ci continue à écrire des lettres l'assurant d'un amour exclusif et niant qu'il y ait autre chose qu'une relation platonique avec la ''Contessa''<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=322-224}}.</ref>. En 1836, celle-ci et son mari confieront à Balzac une mission en Italie, au cours de laquelle l'écrivain se fait accompagner de [[Caroline Marbouty]], jeune femme un peu fantasque, à qui il demande de se travestir en « page » et qu'il appelle Marcel, dans l'espoir d'éviter les commérages<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=330-337}}.</ref>. À son retour, il apprend la mort de {{Mme|de Berny}}.
Ils se verront très fréquemment durant cinq ans. Balzac l'accompagne dans sa loge à l'Opéra et, selon certaines sources, elle aurait eu un enfant de lui<ref group=n>Lionel Richard Guidoboni-Visconti, né le 29 mai 1836 {{Harv|Zweig 1950|p=323}}.</ref>. D'une grande indépendance d'esprit, elle ne cherche pas à accaparer l'écrivain comme le fait {{Mme|Hańska}}, à qui celui-ci continue à écrire des lettres l'assurant d'un amour exclusif et niant qu'il y ait autre chose qu'une relation platonique avec la ''contessa''<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=322-224}}.</ref>. En 1836, celle-ci et son mari confieront à Balzac une mission en Italie, au cours de laquelle l'écrivain se fait accompagner de [[Caroline Marbouty]], jeune femme un peu fantasque, à qui il demande de se travestir en « page » et qu'il appelle Marcel, dans l'espoir d'éviter les commérages<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=330-337}}.</ref>. À son retour, il apprend la mort de {{Mme|de Berny}}.


Les Guidoboni-Visconti l'aideront financièrement à plusieurs reprises, le faisant échapper à la prison pour dette, lui donnant asile pendant plusieurs semaines en 1838<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=311}}.</ref> et dissimulant ses objets précieux lorsqu'il est poursuivi par les huissiers. Cette relation devient tendue lorsque, en 1840, le comte lui-même est attaqué en justice pour avoir aidé Balzac à échapper à ses créanciers<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=365-366}}.</ref>, mais il signera encore une prolongation de prêt à l'écrivain en 1848<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=476}}.</ref>.
Les Guidoboni-Visconti l'aideront financièrement à plusieurs reprises, le faisant échapper à la prison pour dette, lui donnant asile pendant plusieurs semaines en 1838<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=311}}.</ref> et dissimulant ses objets précieux lorsqu'il est poursuivi par les huissiers. Cette relation devient tendue lorsque, en 1840, le comte lui-même est attaqué en justice pour avoir aidé Balzac à échapper à ses créanciers<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=365-366}}.</ref>, mais il signera encore une prolongation de prêt à l'écrivain en 1848<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=476}}.</ref>.


La comtesse a inspiré le personnage de [[Lady Dudley]] du ''[[Le Lys dans la vallée|Lys dans la vallée]]'', du moins au plan physique, car si elle avait le feu et la passion du personnage, elle était plus généreuse et n'en avait pas la perversité<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=324-326}}.</ref>.
La comtesse a inspiré le personnage de [[Lady Dudley]] du ''[[Le Lys dans la vallée|Lys dans la vallée]]'', du moins sur le plan physique, car, si elle avait le feu et la passion du personnage, elle était plus généreuse et n'en avait pas la perversité<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=324-326}}.</ref>.


==== {{Mme|Hańska}} ====
==== {{Mme|Hańska}} ====
[[Fichier:Hanska Holz Sowgen 1825.jpg|vignette|left|upright|[[Ewelina Hańska]] peinte par Holz Sowgen en octobre 1825.|alt=Portrait peint en couleurs d'une femme, teint pâle, cheveux noir avec des anglaises sur les côtés, portant un voile léger de couleur claire ; signature en noir en bas à droite : Sowgen 1825]]
[[Fichier:Hanska Holz Sowgen 1825.jpg|vignette|left|[[Ewelina Hańska]] peinte par Holz Sowgen en octobre 1825.|alt=Portrait peint en couleurs d'une femme, teint pâle, cheveux noirs avec des anglaises sur les côtés, portant un voile léger de couleur claire ; signature en noir en bas à droite : Sowgen 1825]]
[[Fichier:Waldmüller Hańska portrait.jpg|vignette|upright|''La [[Ewelina Hańska|comtesse Hańska]] et son chien'' par [[Ferdinand Georg Waldmüller]], en 1835.|alt=Tableau d'une femme semi-assise, vêtue d'une robe jaune et d'une chemise blanche ayant ses pieds un chien blanc à tâches rousses, dans un paysage lointain de montagnes, avec un temple à colonnes de style grec, et un rosier en pot sur un muret.]]
[[Fichier:Waldmüller - Porträt der Mme Hanska (Eva Hanska).jpg|vignette|''La [[Ewelina Hańska|Comtesse Hańska]] et son chien'' par [[Ferdinand Georg Waldmüller]], en 1835.|alt=Tableau d'une femme semi-assise, vêtue d'une robe jaune et d'une chemise blanche ayant ses pieds un chien blanc à taches rousses, dans un paysage lointain de montagnes, avec un temple à colonnes de style grec, et un rosier en pot sur un muret.]]
Balzac voue sa passion la plus durable à la [[Ewelina Hańska|comtesse Hańska]], une admiratrice polonaise mariée à un maréchal résidant en Ukraine<ref name=Maurois226>{{Harvsp|Maurois 1965|p=226}}.</ref>{{,}}<ref group=n>Contrairement à ce que laisse croire Balzac, Monsieur Hanski n'était ni comte ni prince, mais un richissime propriétaire terrien de petite noblesse ({{Harvsp|Pierrot 1994|p=212}}.</ref>. Sans doute en guise de jeu, celle-ci lui adresse une première lettre, qui lui arrive le {{date|28|février|1832}}<ref group=n>{{Harvsp|Zweig 1950|p=241}}. L'hypothèse du jeu s'appuie sur une lettre qu'aurait écrite Éveline à son jeune frère : [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4058961/f596.image extrait sur Gallica].</ref>. Signant ''L'Étrangère'', elle demandait de lui en accuser réception dans le journal ''[[La Gazette (France)|La Gazette de France]]''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=198}}.</ref>. Elle avait alors trente-et-un ans, mais en avouait vingt-cinq, et avait eu plusieurs enfants, dont seule Anna avait survécu<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=215}}.</ref>.
Balzac voue sa passion la plus durable à la [[Ewelina Hańska|comtesse Hańska]], une admiratrice polonaise mariée à un maréchal résidant en Ukraine<ref name=Maurois226>{{Harvsp|Maurois 1965|p=226}}.</ref>{{,}}<ref group=n>Contrairement à ce que laisse croire Balzac, M. Hanski n'était ni comte ni prince, mais un richissime propriétaire terrien de petite noblesse ({{Harvsp|Pierrot 1994|p=212}}).</ref>. Sans doute en guise de jeu, celle-ci lui adresse une première lettre, qui lui arrive le {{date-|28|février|1832}}<ref group="n">{{Harvsp|Zweig 1950|p=241}}. L'hypothèse du jeu s'appuie sur une lettre qu'aurait écrite Éveline à son jeune frère : [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4058961/f596.image extrait sur Gallica].</ref>. Signant ''L'étrangère'', elle demandait de lui en accuser réception dans le journal ''[[La Gazette (France)|La Gazette de France]]''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=198}}.</ref>. Elle avait alors {{nobr|31 ans}}, mais en avouait 25, et avait eu plusieurs enfants, dont seule une fille, Anna, avait survécu<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=215}}.</ref>.


Balzac fait paraître sa réponse le {{date|2|avril|1832}} et lui envoie un court billet en mai 1832, mais n'entame leur correspondance directe qu'en janvier 1833, en utilisant comme intermédiaire la gouvernante de la petite Anna. Dès la troisième lettre, il lui déclare un amour indéfectible, alors même qu'il ne l'a jamais vue, ne sait pas son âge et ne connaît rien d'elle ; selon [[Stefan Zweig]], l'écrivain voulait ainsi se donner une passion romantique comparable à celles des écrivains et artistes qui défrayaient alors la chronique<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=251-252}}.</ref>. Ils se voient pour la première fois en septembre 1833 au bord du [[lac de Neuchâtel]], puis en décembre à [[Genève]]. Il reçoit enfin les gages de son amour le 26 janvier 1834, lors d'une promenade à la [[Villa Diodati]] de [[Cologny]], un endroit d'autant plus mythique dans son imaginaire que [[lord Byron]] y avait vécu et que {{Mme|de Castries}} s'y était autrefois refusée à lui<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=232}}.</ref>.
Balzac fait paraître sa réponse le {{date-|2|avril|1832}} et lui envoie un court billet en {{date-|mai 1832}}, mais n'entame leur correspondance directe qu'en {{date-|janvier 1833}}, en utilisant comme intermédiaire la gouvernante de la petite Anna. Dès la troisième lettre, il lui déclare un amour indéfectible, alors même qu'il ne l'a jamais vue, ne sait pas son âge et ne connaît rien d'elle ; selon [[Stefan Zweig]], l'écrivain voulait ainsi se donner une passion romantique comparable à celles des écrivains et artistes qui défrayaient alors la chronique<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=251-252}}.</ref>. Ils se voient pour la première fois en {{date-|septembre 1833}} au bord du [[lac de Neuchâtel]], puis en décembre à [[Genève]]. Il reçoit enfin les gages de son amour le {{date-|26 janvier 1834}}, lors d'une promenade à la [[villa Diodati]] de [[Cologny]], un endroit d'autant plus mythique dans son imaginaire que [[lord Byron]] y avait vécu et que {{Mme|de Castries}} s'y était autrefois refusée à lui<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=232}}.</ref>.


Épouser cette comtesse, qu'il appelle son « étoile polaire<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=383}}.</ref> » devient dès lors son grand rêve et son ultime ambition, car cela consacrerait son intégration à la haute société de l'époque<ref name=Maurois422/>. Il va la courtiser pendant dix-sept ans au moyen d'une abondante correspondance<ref group=n>Madame Hańska a conservé religieusement les {{unité|414|lettres}} que Balzac lui a adressées, mais a détruit les siennes après la mort de l'écrivain. Celles de l'écrivain, publiées sous le titre {{harvsp|Lettres 1899}}, sont souvent très longues : leur masse correspond au quart du texte de l'ensemble de ''La Comédie humaine'' {{Harv|Pierrot 1994|p=216}}.</ref>, dans laquelle l'écrivain lui assure qu'il mène une vie monacale et ne pense qu'à la revoir, conformément aux exigences très strictes qu'elle lui avait imposées<ref group=n>Elle s'attendait à ce que Balzac mène une vie de moine et ne lui permettait que des amours vénales. {{Harv|Zweig 1950|p=322}}.</ref>. Une deuxième rencontre a lieu en mai 1835 lors d'un séjour à [[Vienne (Autriche)|Vienne]], où elle lui fait rencontrer la haute société polono-russe et dont il revient plus amoureux que jamais<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=255-263}}.</ref>.
Épouser cette comtesse, qu'il appelle son « étoile polaire<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=383}}.</ref> » devient dès lors son grand rêve et son ultime ambition, car cela consacrerait son intégration à la haute société de l'époque<ref name=Maurois422/>. Il va la courtiser pendant dix-sept ans, au moyen d'une abondante correspondance<ref group="n">Madame Hańska a conservé religieusement les {{unité|414|lettres}} que Balzac lui a adressées, mais a détruit les siennes après la mort de l'écrivain. Celles de l'écrivain, publiées sous le titre {{harvsp|Lettres 1899}}, sont souvent très longues : leur masse correspond au quart du texte de l'ensemble de ''La Comédie humaine'' {{Harv|Pierrot 1994|p=216}}.</ref>, dans laquelle l'écrivain lui assure qu'il mène une vie monacale et ne pense qu'à la revoir, conformément aux exigences très strictes qu'elle lui avait imposées<ref group=n>Elle s'attendait à ce que Balzac mène une vie de moine et ne lui permettait que des amours vénales. {{Harv|Zweig 1950|p=322}}.</ref>. Une deuxième rencontre a lieu en mai 1835 lors d'un séjour à [[Vienne (Autriche)|Vienne]], où elle lui fait rencontrer la haute société polono-russe et dont il revient plus amoureux que jamais<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=255-263}}.</ref>.


Lorsqu'elle devient veuve en novembre 1841<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=459}}.</ref>, il espère à nouveau pouvoir réaliser son rêve et lui écrit une lettre enflammée, mais la comtesse répond froidement en lui reprochant de ne pas être allé la voir depuis sept ans et de l'avoir trompée avec d'autres femmes<ref group=n>Ce refus est formulé dans une lettre que Balzac reçoit le {{date|21|février|1842}}, mais dont le contenu n'est connu que par la réponse qu'il rédige le même jour. {{Harvsp|Lettres 1899}}, {{t.|II}}, {{p.|10-12}}.</ref>. Consterné de voir lui échapper la possibilité d'un mariage qui le renflouerait et lui permettrait une vie princière, Balzac multiplie les lettres dans lesquelles il se met à ses pieds en lui professant une totale dévotion, si bien qu'il finit par obtenir qu'elle lui laisse de nouveau espérer le mariage<ref group=n>{{Harvsp|Zweig 1950|p=281-282 et 402-405}} compare la relation entre l'écrivain et [[Ewelina Hańska|Madame Hańska]] à celle d'un serf avec sa maîtresse et juge sévèrement la supériorité de caste dont celle-ci fait preuve, la considérant incapable de passion.</ref>. Il obtient enfin de la revoir à l'été 1843 à [[Saint-Pétersbourg]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=389}}.</ref>.
Lorsqu'elle devient veuve en {{date-|novembre 1841}}<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=459}}.</ref>, il espère à nouveau pouvoir réaliser son rêve et lui écrit une lettre enflammée, mais la comtesse répond froidement en lui reprochant de ne pas être allé la voir depuis sept ans et de l'avoir trompée avec d'autres femmes<ref group=n>Ce refus est formulé dans une lettre que Balzac reçoit le {{date-|21|février|1842}}, mais dont le contenu n'est connu que par la réponse qu'il rédige le même jour. {{Harvsp|Lettres 1899}}, {{t.|II}}, {{p.|10-12}}.</ref>. Consterné de voir lui échapper la possibilité d'un mariage qui le renflouerait et lui permettrait une vie princière, Balzac multiplie les lettres dans lesquelles il se met à ses pieds en lui professant une totale dévotion, si bien qu'il finit par obtenir qu'elle lui laisse de nouveau espérer le mariage<ref group="n">{{Harvsp|Zweig 1950|p=281-282 et 402-405}}, compare la relation entre l'écrivain et [[Ewelina Hańska|Madame Hańska]] à celle d'un serf avec sa maîtresse et juge sévèrement la supériorité de caste dont celle-ci fait preuve, la considérant incapable de passion.</ref>. Il obtient enfin de la revoir à l'été 1843, à [[Saint-Pétersbourg]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=389}}.</ref>.


En mai 1843, il apprend qu'Éveline, alors âgée de 42 ans, est enceinte. Il s'imagine que ce sera un garçon et décide de l'appeler Victor-Honoré. Malheureusement, Éveline lui annonce en novembre qu'il faut renoncer à cet espoir en raison d'une fausse couche. Très affecté par cette nouvelle, il a pleuré « trois heures, comme un enfant »<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=427 et 441}}.</ref>. Il ressentira cette mort comme un échec symbolique de son activité de création<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=121}}.</ref>.
En {{date-|mai 1843}}, il apprend qu'Évelyne, alors âgée de {{nobr|42 ans}}, est enceinte. Il s'imagine que ce sera un garçon et décide de l'appeler Victor-Honoré. Malheureusement, Évelyne lui annonce en novembre qu'il faut renoncer à cet espoir en raison d'une fausse couche. Très affecté par cette nouvelle, il pleure {{citation|trois heures, comme un enfant<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=427 et 441}}.</ref>}}. Il ressentira cette mort comme un échec symbolique de son activité de création<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=121}}.</ref>.


En 1845 et 1846, Balzac fait de nombreux voyages à travers l'Europe avec {{Mme|Hańska}}, sa fille Anna et son gendre, Georges Mniszech. {{Mme|Hańska}} vient vivre chez lui à Paris durant les mois de février et mars 1847, et sa présence stimulera la puissance créatrice de Balzac, qui publie trois romans durant ce temps. En septembre 1847, il peut enfin aller la rejoindre dans son château de [[Verkhovnia|Wierzchownia]], en Ukraine, à {{unité|60|km}} de toute ville habitée. La châtelaine règne sur une propriété de {{unité|21000|hectares}}, avec plus de {{unité|1000|serfs}} et son château compte plus de {{unité|300|domestiques}}. Il échafaude un projet d'exploitation des forêts de chêne du domaine afin de fournir des traverses aux chemins de fer européens, mais ce projet n'aura pas de suite. En janvier 1848, il décide de rentrer à Paris<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=463-467}}.</ref>.
En 1845 et 1846, Balzac fait de nombreux voyages à travers l'Europe avec {{Mme|Hańska}}, sa fille Anna et son gendre, Georges Mniszech. {{Mme|Hańska}} vient vivre chez lui à Paris durant les mois de février et {{date-|mars 1847}}, et sa présence stimulera la puissance créatrice de Balzac, qui publie trois romans durant ce laps de temps. En {{date-|septembre 1847}}, il peut enfin aller la rejoindre dans sa grande demeure de [[Verkhivnia]], en Ukraine, à {{unité|60|km}} de toute ville habitée. La châtelaine règne sur une propriété de {{unité|21000|hectares}}, avec plus de {{unité|1000|serfs}}, et son château compte plus de {{unité|300|domestiques}}. Il échafaude un projet d'exploitation des forêts de chêne du domaine, afin de fournir des traverses aux chemins de fer européens, mais ce projet n'aura pas de suite. En {{date-|janvier 1848}}, il décide de rentrer à Paris<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=463-467}}</ref>, mais, en octobre de la même année, il retourne vivre dans son château<ref group="n">Ses appartements dans ce château ont été préservés. Voir {{Article|auteur=Ariane Chemin|titre=Les tribulations de Balzac en Ukraine|périodique=Le Monde|date=7 juillet 2022|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/international/article/2022/07/07/les-tribulations-de-balzac-en-ukraine_6133679_3210.html|id=Chemin}}</ref>.


Le mariage ne se fera finalement qu'en 1850.
Le mariage ne se fera finalement que le 14 mars 1850, dans l'église Sainte-Barbe de [[Berdytchiv]]{{sfn|Chemin}}.


===Les demeures===
=== Les demeures ===
Les demeures de Balzac font partie intégrante de ''[[La Comédie humaine]]''. Obligé de quitter un appartement pour échapper à ses créanciers, il possède parfois deux logements en même temps.
Les demeures de Balzac font partie intégrante de ''[[La Comédie humaine]]''. Obligé de quitter un appartement pour échapper à ses créanciers, il possède parfois deux logements en même temps.


==== Les fastes de la rue Cassini ====
==== Les fastes de la rue Cassini ====
[[Fichier:Plaque Balzac, 17 rue Visconti, Paris 6.jpg|vignette|Plaque au {{numéro}}17 [[rue Visconti]] (Paris).]]
En [[1826]], Balzac s'installe chez [[Henri de Latouche]], rue des Marais-Saint-Germain<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=122}}.</ref> (aujourd’hui [[rue Visconti]]). Son ami lui aménage une garçonnière au premier étage, où l’écrivain peut recevoir [[Laure de Berny|Madame de Berny]]<ref>{{Harvsp|Ruxton 1909|p=93}}.</ref>. Surtout, cette demeure offre au rez-de-chaussée un espace assez vaste pour installer l'imprimerie dont il a fait l'acquisition<ref>{{harvsp|Pierrot 1994|p=145}}.</ref>. Très vite, cependant, cette entreprise commerciale échoue. [[Alexandre Deberny]], sixième des neuf enfants de [[Laure de Berny]], prend la direction de l’affaire. Il sauve du désastre la fonderie de caractères qui deviendra la célèbre fonderie Deberny & Peignot, qui ne fermera que le {{date|31|décembre|1972}}<ref>{{lien web|url=http://www.typographie.org/gutenberg/balzac/balzac_3.html|titre=Typographie et Civilisation}}.</ref>{{,}}<ref group=n>Bien qu'Alexandre Deberny ait abandonné sa particule, Balzac la lui rétablit dans sa dédicace des ''[[Les Secrets de la princesse de Cadignan|Secrets de la princesse de Cadignan]]'' : « À mon cher Alexandre de Berny ». (Samuel S. de Sacy, ''[[Les Secrets de la princesse de Cadignan]]'', Folio classique, 1993, {{p.|400}}).</ref>.
En 1826, Balzac s'installe chez [[Henri de Latouche]], rue des Marais-Saint-Germain<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=122}}.</ref> (aujourd’hui [[rue Visconti]]). Son ami lui aménage une garçonnière au premier étage, où l’écrivain peut recevoir [[Laure de Berny|{{Mme}} de Berny]]<ref>{{Harvsp|Ruxton 1909|p=93}}.</ref>. Surtout, cette demeure offre au rez-de-chaussée un espace assez vaste pour installer l'imprimerie dont il a fait l'acquisition<ref>{{harvsp|Pierrot 1994|p=145}}.</ref>. Très vite, cependant, cette entreprise commerciale échoue. [[Alexandre Deberny]], sixième des neuf enfants de [[Laure de Berny]], prend la direction de l’affaire<ref name="Maurois">{{Harvsp|Maurois 1965|p=125}}.</ref>. Il sauve du désastre ce qui deviendra la célèbre [[fonderie Deberny et Peignot]] ; celle-ci ne fermera que le {{date-|31|décembre|1972}}<ref>{{lien web|url=http://www.typographie.org/gutenberg/balzac/balzac_3.html|titre=Typographie et Civilisation}}.</ref>{{,}}<ref group="n">Bien qu'Alexandre Deberny ait abandonné sa particule, Balzac la lui rétablit dans sa dédicace des ''[[Les Secrets de la princesse de Cadignan|Secrets de la princesse de Cadignan]]'' : « À mon cher Alexandre de Berny » (Samuel S. de Sacy, ''[[Les Secrets de la princesse de Cadignan]]'', coll. « Folio classique », 1993, {{p.|400}}).</ref>.
[[Fichier:Observatoire Paris 20030404.jpg|vignette|[[Observatoire de Paris]], côté sud.|alt=Photographie en couleurs d'un bâtiment à deux niveaux vu d'un parc arboré, à droite, il est surmonté par une coupole]]
[[Fichier:Observatoire Paris 20030404.jpg|vignette|L'[[Observatoire de Paris]], côté sud.|alt=Photographie en couleurs d'un bâtiment à deux niveaux vu d'un parc arboré, à droite, il est surmonté par une coupole]]


En 1828, assailli par ses créanciers, Balzac se réfugie au {{numéro|1}} de la [[rue Cassini]], logement que son beau-frère Surville a loué pour lui<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=128}}.</ref> dans le quartier de l’[[observatoire de Paris]], considéré à l’époque comme « le bout du monde » et qui inspirera sans doute l’environnement géographique de l'''[[Histoire des Treize]]''. Latouche, qui a en commun avec Balzac le goût du mobilier, participe activement à la décoration des lieux, choisissant, comme pour la garçonnière de la [[rue Visconti]], de couvrir les murs d’un tissu bleu à l’aspect soyeux<ref name=Maur129>{{Harvsp|Maurois 1965|p=128-129}}.</ref>. Balzac se lance dans un aménagement fastueux, avec des tapis, une pendule à piédestal en marbre jaune, une bibliothèque d’acajou remplie d’éditions précieuses. Son cabinet de bain en stuc blanc est éclairé par une fenêtre en verre dépoli de couleur rouge qui inonde les lieux de rayons roses<ref name=Maur129/>. Le train de vie de Balzac est à l’avenant : costumes d’une élégance recherchée, objets précieux<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=252}}.</ref>, dont une canne à pommeau d’or ciselée avec ébullitions de turquoises et de pierres précieuses, qui deviendra légendaire<ref group=n>{{Harvsp|Maurois 1965|p=288}}. Balzac avait commandé en 1834 au joaillier Lecointe {{citation|la plus belle canne de Paris}} : {{Lien web|langue = français|titre = La canne aux turquoises de Balzac|url = http://www.lepoint.fr/culture/les-incroyables-tresors-de-l-histoire-la-canne-aux-turquoises-d-honore-balzac-29-11-2014-1885484_3.php?google_editors_picks=true|site = |date = |consulté le = }}. Il avait fait graver sur le [[Pommeau (poignée)|pommeau]] en [[cornaline]] une devise en [[turc]] : {{citation|Je suis briseur d'obstacles}} ({{harvsp|Taine 1866|p=75}}). [[Delphine de Girardin]] en a fait un conte : ''[[s:La Canne de Monsieur de Balzac|La Canne de Monsieur Balzac]]'' ([[1836 en littérature|1836]]) et Balzac écrit à la [[Ewelina Hańska|comtesse Hańska]] : {{Citation|Ce bijou menace d’être européen… Si l’on vous dit dans vos voyages que j’ai une canne fée, qui lance des chevaux, fait éclore des palais, crache des diamants, ne vous étonnez pas et riez avec moi.}} ({{Harvsp|Lettres 1899}}, {{t.|I}}, {{p.|244}}).</ref>.
En 1828, assailli par ses créanciers, Balzac se réfugie au {{numéro|1}} de la [[rue Cassini]], logement que son beau-frère Surville a loué pour lui<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=128}}.</ref> dans le quartier de l’[[Observatoire de Paris]], considéré à l’époque comme « le bout du monde » et qui inspirera sans doute l’environnement géographique de l'''[[Histoire des Treize]]''. Latouche, qui a en commun avec Balzac le goût du mobilier, participe activement à la décoration des lieux, choisissant, comme pour la garçonnière de la [[rue Visconti]], de couvrir les murs d’un tissu bleu à l’aspect soyeux<ref name=Maur129>{{Harvsp|Maurois 1965|p=128-129}}.</ref>. Balzac se lance dans un aménagement fastueux, avec des tapis, une pendule à piédestal en marbre jaune, une bibliothèque d’acajou remplie d’éditions précieuses. Son cabinet de bain en stuc blanc est éclairé par une fenêtre en verre dépoli de couleur rouge qui inonde les lieux de rayons roses<ref name=Maur129/>. Le train de vie de Balzac est à l’avenant : costumes d’une élégance recherchée, objets précieux<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=252}}.</ref>, dont une canne à pommeau d’or ciselée avec ébullitions de turquoises et de pierres précieuses, qui deviendra légendaire<ref group="n">{{Harvsp|Maurois 1965|p=288}}. Balzac avait commandé en 1834 au joaillier Lecointe {{citation|la plus belle canne de Paris}} : {{Lien web |langue=français |titre=La canne aux turquoises de Balzac |url=http://www.lepoint.fr/culture/les-incroyables-tresors-de-l-histoire-la-canne-aux-turquoises-d-honore-balzac-29-11-2014-1885484_3.php?google_editors_picks=true |site= |date= |consulté le=}}. Il avait fait graver sur le [[Pommeau (poignée)|pommeau]] en [[cornaline]] une devise en [[turc]] : {{citation|Je suis briseur d'obstacles}} ({{harvsp|Taine 1866|p=75}}). [[Delphine de Girardin]] en a fait un conte : ''[[s:La Canne de Monsieur de Balzac|La Canne de Monsieur Balzac]]'' ([[1836 en littérature|1836]]) et Balzac écrit à la [[Ewelina Hańska|comtesse Hańska]] : {{Citation|Ce bijou menace d’être européen […] Si l’on vous dit dans vos voyages que j’ai une canne fée, qui lance des chevaux, fait éclore des palais, crache des diamants, ne vous étonnez pas et riez avec moi.}} ({{Harvsp|Lettres 1899}}, {{t.|I}}, {{p.|244}}.)</ref>.


Le fidèle Latouche s’endette pour aider son ami à réaliser sa vision du « luxe oriental » en agrandissant par achats successifs le logement qui deviendra un charmant pavillon<ref>{{Harvsp|Werdet 1859|p=326-328}} cité dans {{Harvsp|Maurois 1965|p=129}}.</ref>. C’est dans ce lieu que naîtront nombre de ses romans, notamment ''[[Les Chouans]]'', la ''[[Physiologie du mariage]]'', ''[[La Peau de chagrin]]'', ''[[La Femme de trente ans]]'', ''[[Le Curé de Tours]]'', ''[[Histoire des Treize]]'' et ''[[La Duchesse de Langeais]]'', qui est inspiré en partie par le couvent des [[Ordre du Carmel|Carmélites]], proche de la rue Cassini. Balzac jettera pendant ces années-là les premières bases de ''[[La Comédie humaine]]''.
Le fidèle Latouche s’endette pour aider son ami à réaliser sa vision du « luxe oriental », en agrandissant par achats successifs le logement qui deviendra un charmant pavillon<ref>{{Harvsp|Werdet 1859|p=326-328}}, cité dans {{Harvsp|Maurois 1965|p=129}}.</ref>. C’est dans ce lieu que naîtront nombre de ses romans, notamment ''[[Les Chouans]]'', la ''[[Physiologie du mariage]]'', ''[[La Peau de chagrin]]'', ''[[La Femme de trente ans]]'', ''[[Le Curé de Tours]]'', l{{'}}''[[Histoire des Treize]]'' et ''[[La Duchesse de Langeais]]'', au monastère inspiré en partie par le couvent des [[Ordre du Carmel|Carmélites]], proche de la rue Cassini. Balzac jettera pendant ces années-là les premières bases de ''[[La Comédie humaine]]''.


Mais son train de vie luxueux dépasse de loin ses revenus et, après quelques années, il croule sous des dettes énormes, malgré l’argent que lui rapporte son énorme production littéraire et en dépit du fait qu'il est l'écrivain le plus lu de l'époque<ref>{{harvsp|Zweig 1950|p=291}}.</ref>. En mars 1835, il va se cacher provisoirement dans un autre appartement, rue des Batailles, tout en gardant le logement de la rue Cassini<ref>{{harvsp|Pierrot 1994|p=251}}.</ref>. Pourchassé par la [[Garde nationale (France)|Garde nationale]]<ref group=n>Balzac ayant été condamné plusieurs fois par la [[Garde nationale (monarchie de Juillet)|Garde nationale]] pour s'être dérobé à des convocations pour monter la garde, qui était alors un devoir civique.</ref>, il est finalement arrêté, dans son logement de la rue Cassini, le 27 avril 1836 et incarcéré jusqu'au 4 mai<ref>{{harvsp|Pierrot 1994|p=279}}.</ref>. Rapidement libéré, il doit cependant encore échapper à ses créanciers.
Mais son train de vie luxueux dépasse de loin ses revenus et, après quelques années, il croule sous des dettes énormes, malgré l’argent que lui rapporte son énorme production littéraire et en dépit du fait qu'il est l'écrivain le plus lu de l'époque<ref>{{harvsp|Zweig 1950|p=291}}.</ref>. En {{date-|mars 1835}}, il va se cacher provisoirement dans un autre appartement, rue des Batailles, tout en gardant le logement de la rue Cassini<ref>{{harvsp|Pierrot 1994|p=251}}.</ref>. Pourchassé par la [[Garde nationale (France)|Garde nationale]]<ref group=n>Balzac avait déjà été condamné plusieurs fois par la [[Garde nationale (monarchie de Juillet)|Garde nationale]] pour s'être dérobé à des convocations le sommant de monter la garde, qui était alors un devoir civique.</ref>, il est finalement arrêté dans son logement de la rue Cassini, le {{date-|27 avril 1836}}, et incarcéré jusqu'au {{date-|4 mai}}<ref>{{harvsp|Pierrot 1994|p=279}}.</ref>. Rapidement libéré, il doit cependant encore échapper à ses créanciers.


==== Rue des Batailles ====
==== Rue des Batailles ====
[[Fichier:place d iena.JPG|vignette|La place d’Iéna et l’[[avenue d'Iéna]] dans le prolongement.|alt=Photographie en couleur d'une place ornée d'une statue de cavalier, à gauche un immeuble en rotonde, à droite une avenue]]
[[Fichier:place d iena.JPG|vignette|La place d’Iéna et l’[[avenue d'Iéna]] dans le prolongement.|alt=Photographie en couleur d'une place ornée d'une statue de cavalier, à gauche un immeuble en rotonde, à droite une avenue]]
En mars 1835, pour fuir les créanciers qui le harcèlent, il se réfugie dans un second logement, au 13, rue des Batailles (aujourd'hui [[avenue d'Iéna]]), dans le [[quartier de Chaillot|village de Chaillot]], qu'il loue sous le nom de veuve Durand<ref name="Maurois p284">{{Harvsp|Maurois 1965|p=284}}.</ref>. On n’y entre qu’en donnant un mot de passe, il faut traverser des pièces vides, puis un corridor pour accéder au cabinet de travail de l’écrivain. La pièce est richement meublée, avec des murs matelassés. Elle ressemble étrangement au logis secret de ''[[La Fille aux yeux d'or]]''. Là, Balzac travaille jour et nuit à l’achèvement de son roman ''[[Le Lys dans la vallée]]'', dont il a rédigé l’essentiel au [[château de Saché]]. En même temps, il écrit ''[[Séraphîta]]'' qui lui donne beaucoup de mal : {{Citation|(...) depuis vingt jours, j’ai travaillé constamment douze heures à ''Séraphîta''. Le monde ignore ces immenses travaux ; il ne voit et ne doit voir que le résultat. Mais il a fallu dévorer tout le mysticisme pour le formuler. ''Séraphîta'' est une œuvre dévorante pour ceux qui croient.(...)<ref>{{Harvsp|Lettres 1899}}, {{t.|I}}, {{p.|242}}.</ref>.}}
En {{date-|mars 1835}}, pour fuir les créanciers qui le harcèlent, il se réfugie dans un second logement, au 13 rue des Batailles (aujourd'hui [[avenue d'Iéna]]), dans le [[quartier de Chaillot|village de Chaillot]], qu'il loue sous le nom de veuve Durand<ref name="Maurois p284">{{Harvsp|Maurois 1965|p=284}}.</ref>. On n’y entre qu’en donnant un mot de passe, il faut traverser des pièces vides, puis un corridor pour accéder au cabinet de travail de l’écrivain. La pièce est richement meublée, avec des murs matelassés. Elle ressemble étrangement au logis secret de ''[[La Fille aux yeux d'or]]''. Là, Balzac travaille jour et nuit à l’achèvement de son roman ''[[Le Lys dans la vallée]]'', dont il a rédigé l’essentiel au [[château de Saché]]. En même temps, il écrit ''[[Séraphîta]]'', qui lui donne beaucoup de mal : {{Citation|[…] Depuis vingt jours, j’ai travaillé constamment douze heures à ''Séraphîta''. Le monde ignore ces immenses travaux ; il ne voit et ne doit voir que le résultat. Mais il a fallu dévorer tout le mysticisme pour le formuler. ''Séraphîta'' est une œuvre dévorante pour ceux qui croient. […]<ref>{{Harvsp|Lettres 1899}}, {{t.|I}}, {{p.|242}}.</ref>.}}.


==== Le château de Saché ====
==== Le château de Saché ====
[[Fichier:Saché Castle.jpg|vignette|Le [[château de Saché]].|alt=Photographie couleur d'une bâtiment en pierre sur quatre niveaux dont le toit est en ardoise]]
{{Article détaillé|Château de Saché}}
{{Article détaillé|Château de Saché}}
[[Fichier:Saché Castle.jpg|vignette|Le [[château de Saché]].|alt=Photographie couleur d'une bâtiment en pierre sur quatre niveaux dont le toit est en ardoise]]
[[Fichier:Table de travail de Balzac à Saché.jpg|gauche|vignette|Table de travail de Balzac au château de Saché avec sa légendaire cafetière.|229x229px]]
Lorsque, pourchassé par ses créanciers ou terrassé par la fatigue, Balzac voulait fuir Paris, il se rendait au [[château de Saché]] en [[Touraine]], faisant des séjours entre 1825 et 1848<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Georges Poisson]]|titre=Les Maisons d'écrivain|éditeur=Presses Universitaires de France|année=1997|passage=31|isbn=}}.</ref>, chez son ami le châtelain Jean de Margonne, auquel la rumeur prête une liaison avec la mère de l'écrivain, dont serait né un enfant — mais on n’a aucune preuve sur ce point<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=15 et 645}}.</ref>. C'est là qu'il a travaillé à l'écriture du ''[[Le Père Goriot|Père Goriot]]'', d'''[[Illusions perdues]]'' et de ''[[La Recherche de l'absolu]]''. Mais il y a surtout trouvé l'inspiration pour ''[[Le Lys dans la vallée]]''. La vallée de l’[[Indre (rivière)|Indre]], ses châteaux et sa campagne ont servi de cadre au roman. Le château de Saché est d'ailleurs surnommé le « château du Lys » ; il est devenu dans le roman le château de Frapesle, demeure de [[Laure de Berny]]<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=344}}.</ref>. Depuis 1951, le château abrite un musée consacré à la vie de Balzac. Il expose de nombreux documents d'époque, dont quelques portraits de l'écrivain (le plus précieux étant dû à [[Louis Boulanger]]), et conserve en l’état au deuxième étage la petite chambre où il se retirait pour écrire. Une pièce de théâtre de [[Pierrette Dupoyet]], ''Bal chez Balzac'', prend pour cadre le château de Saché en 1848.


==== La Maison des Jardies ====
Balzac a fait plusieurs séjours au [[château de Saché]] en [[Touraine]] de [[1830]] à [[1837]], chez son ami Jean de Margonne, auquel la rumeur prête une liaison avec la mère de l'écrivain, dont serait né un enfant. Mais on n’a aucune preuve sur ce point<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=15 et 645}}.</ref>. C'est là qu'il a travaillé à l'écriture du ''[[Le Père Goriot|Père Goriot]]'', d'''[[Illusions perdues]]'' et de ''[[La Recherche de l'absolu]]''. Mais il y a surtout trouvé l'inspiration pour ''[[Le Lys dans la vallée]]''. La vallée de l’[[Indre (rivière)|Indre]], ses châteaux et sa campagne ont servi de cadre au roman. Le château de Saché est d'ailleurs surnommé le « château du Lys » ; il est devenu dans le roman le château de Frapesle, demeure de [[Laure de Berny]]<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=344}}.</ref>. Depuis [[1951]], le château abrite un musée consacré à la vie de Balzac. Il expose de nombreux documents d'époque dont quelques portraits de l'écrivain (le plus précieux étant dû à [[Louis Boulanger]]), et conserve en l’état au deuxième étage la petite chambre où il se retirait pour écrire. Une pièce de théâtre de [[Pierrette Dupoyet]], ''Bal chez Balzac'', prend pour cadre le château de Saché en 1848.

==== La maison des Jardies ====
{{Article détaillé|Maison des Jardies}}
{{Article détaillé|Maison des Jardies}}
[[Fichier:Maison-gambetta.JPG|vignette|Façade extérieure de la Maison des Jardies.|alt=Photographie couleurs d'une maison à deux niveaux à volets rouges.]]
[[Fichier:Maison-gambetta.JPG|vignette|Façade extérieure de la Maison des Jardies.|alt=Photographie couleurs d'une maison à deux niveaux à volets rouges.]]


Balzac achète la [[maison des Jardies]] à [[Sèvres]] en [[1837]], dans l'espoir d'y finir ses jours en paix<ref name=Maur415>{{Harvsp|Maurois 1965|p=415}}.</ref>. Cette maison située non loin de la voie de chemin de fer qui vient d’être créée entre Paris et [[Versailles]] lui permet de s'éloigner de l'enfer de la capitale. Il entrevoit aussi la possibilité de spéculer sur les terrains environnants en vendant aux habitants de la capitale des parcelles à lotir. Il élargit sa propriété par des achats successifs et loue une de ses maisons pour trois ans au comte [[Frances-Sarah Guidoboni-Visconti|Guidoboni-Visconti]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=332, 343 et 358}}.</ref>.
Balzac achète la [[Maison des Jardies]] à [[Sèvres]] en 1837, dans l'espoir d'y finir ses jours en paix<ref name=Maur415>{{Harvsp|Maurois 1965|p=415}}.</ref>. Cette maison située non loin de la voie de chemin de fer qui vient d’être créée entre Paris et [[Versailles]] lui permet de s'éloigner de l'enfer de la capitale. Il entrevoit aussi la possibilité de spéculer sur les terrains environnants en vendant aux habitants de la capitale des parcelles à lotir. Il élargit sa propriété par des achats successifs et loue une de ses maisons pour trois ans au comte [[Frances-Sarah Guidoboni-Visconti|Guidoboni-Visconti]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=332, 343 et 358}}.</ref>.

Léon Gozlan<ref>{{Harvsp|Gozlan 1886|p=28}}.</ref> et [[Théophile Gautier]]<ref>{{Harvsp|Gautier 1859|p=93}}.</ref> ont été témoins de la folie des grandeurs de Balzac qui a d’abord voulu transformer la maison en palais avec des matériaux précieux<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=383-385}}.</ref> et qui a vaguement fait allusion à des plantations d’ananas. Mais cette anecdote reste une légende déformée et amplifiée, car Balzac rêvait d’arbres et de [[Fruit tropical|fruits tropicaux]]. Il y travaille à une pièce, ''L'École des ménages'', qu'il ne parviendra pas à faire jouer, et se met à la deuxième partie d{{'}}''Illusions perdues''.


En février 1839, il y dédicace au comte Auguste-Benjamin de Belloy, son ami, le livre ''Gambara'' et le remercie pour, grâce à son étincelante conversation, lui avoir inspiré ce personnage digne d'Hoffman (sic) et déclare qu'il s'est contenté de l'habiller <ref>Voir la dédicace de l'édition de Melinne, Cans & Cie, Bruxelles et Leipzig, 1839, p. 4-5. S'agirait-il d'Hoffmann l'auteur des contes ?</ref>.
Léon Gozlan<ref>{{Harvsp|Gozlan 1886|p=28}}.</ref> et [[Théophile Gautier]]<ref>{{Harvsp|Gautier 1859|p=93}}.</ref> ont été témoins de la folie des grandeurs de Balzac qui a d’abord voulu transformer la maison en palais avec des matériaux précieux<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=383-385}}.</ref>, et qui a vaguement fait allusion à des plantations d’ananas. Mais cette anecdote reste une légende déformée et amplifiée, car Balzac rêvait d’arbres et de [[Fruit tropical|fruits tropicaux]]. Il y travaille à une pièce, ''L'École des ménages'', qu'il ne parviendra pas à faire jouer, et se met à la deuxième partie d'''Illusions perdues''.


En 1840, recherché pour dettes par la garde nationale et par les huissiers<ref group=n>Son refuge a été dénoncé à la police par [[Caroline Marbouty]], qui se venge d'avoir été évincée par la comtesse ({{Harvsp|Zweig 1950|p=343-344}}).</ref>, il met la propriété en vente et va se cacher à [[Passy (Seine)|Passy]]<ref name=Maur415/>. La seule trace qu’il ait laissée de son passage est un buffet rustique.
En 1840, recherché pour dettes par la Garde nationale et par les huissiers<ref group=n>Son refuge avait été dénoncé à la police par [[Caroline Marbouty]], qui se vengeait ainsi d'avoir été évincée par la comtesse ({{Harvsp|Zweig 1950|p=343-344}}).</ref>, il met la propriété en vente et va se cacher à [[Passy (Seine)|Passy]]<ref name=Maur415/>. La seule trace qu’il ait laissée de son passage est un buffet rustique.


==== La maison de Passy ====
==== La maison de Passy ====
[[Fichier:Balzac Boulanger2.jpg|vignette|left|upright|Balzac dans sa célèbre robe de chambre (aussi désignée comme une robe de [[Bure (étoffe)|bure]]), par Maxime Dastugue, d’après [[Louis Boulanger]].|alt=Portrait peint d'un homme moustachu, les bras croisés portant une robe de chambre blanche]]
[[Fichier:Balzac (par Boulanger).jpg|vignette|gauche|Balzac dans sa célèbre robe de chambre (aussi désignée comme une robe de [[Bure (étoffe)|bure]]), par [[Louis Boulanger]].|alt=Portrait peint d'un homme moustachu, les bras croisés portant une robe de chambre blanche]]
{{Article détaillé|Maison de Balzac}}
{{Article détaillé|Maison de Balzac}}


En octobre 1840, sous le nom de « Madame de Breugnol », Balzac s’installe rue Basse à [[Passy (Seine)|Passy]] (actuellement [[rue Raynouard]]) dans un logement à deux issues où l’on n'est autorisé à pénétrer qu’en donnant un mot de passe. Madame de Breugnol, de son vrai nom Louise Breugniol, née en 1804, existe réellement. Elle tient lieu de « gouvernante » à l’écrivain {{incise|ce qui provoquera des crises de jalousie chez [[Ewelina Hańska|{{Mme|Hańska}}]] lorsque celle-ci soupçonnera la nature exacte de leurs rapports, au point qu'elle finira par exiger son renvoi, en 1845<ref group =n>Louise, dépitée et jalouse, aurait volé 22 lettres intimes à Balzac afin de faire du chantage auprès de [[Ewelina Hańska|{{Mme|Hańska}}]], mais les spécialistes soupçonnent que Balzac ne dit pas toute la vérité dans cette affaire. À la suite de cela, Évelyne exige la destruction de toutes ses lettres. {{Harv|Pierrot 1994|p=364 et 456-458}}.</ref>|stop}}. Elle filtre les visiteurs et n'introduit que les personnes « sûres » comme le directeur du journal ''L’Époque'' auquel Balzac doit livrer un feuilleton. L’écrivain vivra sept ans dans un appartement de cinq pièces situé en rez-de-jardin du bâtiment. L’emplacement est très commode pour rejoindre le centre de Paris en passant par la barrière de Passy ''via'' la [[rue Berton]], en contrebas. Balzac apprécie le calme du lieu et le jardin fleuri. C’est ici que sa production littéraire est la plus abondante. Dans le petit cabinet de travail, Balzac écrit, vêtu de sa légendaire robe de chambre blanche, avec pour tout matériel une petite table, sa cafetière et sa plume<ref name=Maur415/>.
En {{date-|octobre 1840}}, sous le nom de « Madame de Breugnol », Balzac s’installe rue Basse à [[Passy (Seine)|Passy]] (actuellement [[rue Raynouard]]), dans un logement à deux issues où l’on n'est autorisé à pénétrer qu’en donnant un mot de passe. {{Mme}} de Breugnol, de son vrai nom Louise Breugniol, née en 1804, existe réellement. Elle tient lieu de « gouvernante » à l’écrivain {{incise|ce qui provoquera des crises de jalousie chez [[Ewelina Hańska|{{Mme|Hańska}}]] lorsque celle-ci soupçonnera la nature exacte de leurs rapports, au point qu'elle finira par exiger son renvoi, en 1845<ref group =n>Louise, dépitée et jalouse, aurait volé 22 lettres intimes à Balzac afin de faire du chantage auprès de [[Ewelina Hańska|{{Mme|Hańska}}]], mais les spécialistes soupçonnent que Balzac ne dit pas toute la vérité dans cette affaire. À la suite de cela, Éveline exige la destruction de toutes ses lettres. {{Harv|Pierrot 1994|p=364 et 456-458.}}</ref>|stop}}. Elle filtre les visiteurs et n'introduit que les personnes « sûres » comme le directeur du journal ''L’Époque'' auquel Balzac doit livrer un feuilleton. L’écrivain vivra sept ans dans un appartement de cinq pièces situé en rez-de-jardin du bâtiment. L’emplacement est très commode pour rejoindre le centre de Paris en passant par la barrière de Passy via la [[rue Berton]], en contrebas. Balzac apprécie le calme du lieu et le jardin fleuri. C’est ici que sa production littéraire est la plus abondante. Dans le petit cabinet de travail, Balzac écrit, vêtu de sa légendaire robe de chambre blanche, avec pour tout matériel une petite table, sa cafetière et sa plume<ref name=Maur415/>.


Dans la maison de Passy, il produit entre autres ''[[La Rabouilleuse]]'', ''[[Splendeurs et misères des courtisanes]]'', ''[[La Cousine Bette]]'', ''[[Le Cousin Pons]]'', et remanie l’ensemble de ''[[La Comédie humaine]]''. Cette maison, devenue aujourd’hui la [[maison de Balzac]], a été transformée en musée, en hommage à ce géant de la littérature. On y trouve ses documents, manuscrits, lettres autographes, éditions rares, et quelques traces de ses excentricités comme la fameuse canne à turquoises, et sa cafetière avec les initiales « HB ». Outre l’appartement de Balzac, le musée occupe trois niveaux et s’étend sur plusieurs pièces et dépendances autrefois occupées par d’autres locataires. Une ''Généalogie des personnages de La Comédie humaine'' est présentée sous la forme d’un tableau long de {{unité|14.50|m}} où sont référencés {{unité|1000|personnages}} sur les quelque {{formatnum:2500}} que compte ''La Comédie humaine''.
Dans la maison de Passy, il produit entre autres ''[[La Rabouilleuse]]'', ''[[Splendeurs et misères des courtisanes]]'', ''[[La Cousine Bette]]'', ''[[Le Cousin Pons]]'', et remanie l’ensemble de ''[[La Comédie humaine]]''. Cette maison, devenue aujourd’hui la [[Maison de Balzac]], a été transformée en musée, en hommage à ce géant de la littérature. On y trouve ses documents, manuscrits, lettres autographes, éditions rares et quelques traces de ses excentricités comme la fameuse canne à turquoises, et sa cafetière avec les initiales « HB »<ref>Jean-François Lixon, [https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/a-paris-la-maison-de-balzac-rouvre-apres-un-an-de-travaux_3582447.html « A Paris, la Maison de Balzac rouvre après un an de travaux »], francetvinfo.fr, 19 août 2019.</ref>. Outre l’appartement de Balzac, le musée occupe trois niveaux et s’étend sur plusieurs pièces et dépendances autrefois occupées par d’autres locataires. Une généalogie des personnages de ''La Comédie humaine'' est présentée sous la forme d’un tableau long de {{unité|14.50|m}} où sont référencés {{unité|1000|personnages}} sur les quelque {{formatnum:2500}} que compte ''La Comédie humaine''.


André Maurois considère qu’il y a, à cette époque-là, deux êtres en Balzac : {{Citation|L’un est un gros homme qui vit dans le monde humain ; [...] qui a des dettes et craint les huissiers. L’autre est le créateur d’un monde ; éprouve et comprend les sentiments les plus délicats ; et mène, sans s'occuper des misérables questions d'argent, une existence fastueuse. Le Balzac humain subit les petits bourgeois de sa famille ; le Balzac prométhéen fréquente les illustres familles qu’il a lui-même inventées<ref name="Maurois422">{{Harvsp|Maurois 1965|p=422}}.</ref>.}}
André Maurois considère qu’il y a, à cette époque-là, deux êtres en Balzac : {{Citation|L’un est un gros homme qui vit dans le monde humain ; [] qui a des dettes et craint les huissiers. L’autre est le créateur d’un monde ; éprouve et comprend les sentiments les plus délicats ; et mène, sans s'occuper des misérables questions d'argent, une existence fastueuse. Le Balzac humain subit les petits bourgeois de sa famille ; le Balzac prométhéen fréquente les illustres familles qu’il a lui-même inventées<ref name="Maurois422">{{Harvsp|Maurois 1965|p=422}}.</ref>.}}.


==== La Folie Beaujon ou le dernier palais ====
==== La folie Beaujon ou le dernier palais ====
[[Fichier:Maison de Balzac, rue Fortunée.jpg|vignette|Maison de Balzac, rue Fortunée.|alt=Peinture représentant un immeuble sur trois niveaux vu de la rue]]
[[Fichier:Maison de Balzac, rue Fortunée.jpg|vignette|Maison de Balzac, rue Fortunée.|alt=Peinture représentant un immeuble sur trois niveaux vu de la rue]]


Balzac a une idée fixe : épouser la [[Ewelina Hańska|comtesse Hańska]] et aménager pour sa future femme un palais digne d’elle. Pour cela, le {{date|28|septembre|1846|en littérature}}, il achète, avec l’argent de la comtesse, la Chartreuse Beaujon, une dépendance de la [[Folie Beaujon]], située rue Fortunée (aujourd’hui [[rue Balzac]])<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=515}}.</ref>. Il la décore selon ses habitudes avec une splendeur qui enchante son ami [[Théophile Gautier]]<ref>{{Harvsp|Gautier 1874|p=121-122}}.</ref>, accumulant meubles anciens, tapis précieux et tableaux de maîtres<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=435-447}}.</ref>, mais ce travail de collectionneur lui prend tout le temps qu’il devrait consacrer à l’écriture. D’ailleurs, Balzac n’a plus le goût d’écrire. Il lui faudra aller à [[Verkhovnia]], en [[Ukraine]], pour retrouver son élan et produire le deuxième épisode de ''[[L'Envers de l'histoire contemporaine]]'', ''[[La Femme auteur]]''. Mais, de retour à Paris, c’est un Balzac à bout de force qui entame, dès [[1848 en littérature|1848]], ''[[Les Paysans]]'' et ''[[Le Député d'Arcis]]'', romans restés inachevés à sa mort<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=545}}.</ref>. C’est d’ailleurs ce « palais » de la rue Fortunée qui aurait dû être le musée Balzac si le bâtiment n’avait été détruit et les collections dispersées.
Balzac a une idée fixe : épouser la [[Ewelina Hańska|comtesse Hańska]] et aménager pour sa future femme un palais digne d’elle. Pour cela, le {{date-|28|septembre|1846|en littérature}}, il achète, avec l’argent de la comtesse, la chartreuse Beaujon, une dépendance de la [[folie Beaujon]], située au {{numéro|14}} de la rue Fortunée (aujourd’hui [[rue Balzac]])<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=515}}.</ref>. Il la décore selon ses habitudes, avec une splendeur qui enchante son ami [[Théophile Gautier]]<ref>{{Harvsp|Gautier 1874|p=121-122}}.</ref>, accumulant meubles anciens, tapis précieux et tableaux de maître<ref>{{Harvsp|Zweig 1950|p=435-447}}.</ref>, mais ce travail de collectionneur lui prend tout le temps qu’il devrait consacrer à l’écriture. D’ailleurs, Balzac n’a plus le goût d’écrire. Il lui faudra aller à [[Verkhovnia]], en [[Ukraine]], pour retrouver son élan et produire le deuxième épisode de ''[[L'Envers de l'histoire contemporaine]]'', ''[[La Femme auteur]]''. Mais, de retour à Paris, c’est un Balzac à bout de force qui entame, dès [[1848 en littérature|1848]], ''[[Les Paysans]]'' et ''[[Le Député d'Arcis]]'', romans restés inachevés à sa mort<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=545}}.</ref>. C’est d’ailleurs ce « palais » de la rue Fortunée, renommée rue Balzac, qui aurait dû être le musée Balzac si le bâtiment n’avait été détruit et les collections dispersées.


=== Fondation de la Société des gens de lettres===
=== Fondation de la Société des gens de lettres ===
[[Fichier:Hotel Thiroux de Montsauge.jpg|vignette|Hôtel Thiroux de Montsauge, [[hôtel de Massa]], siège de la [[Société des gens de lettres]], photographie d’[[Eugène Atget]] (1906).|alt=Photographie couleur sépia : un immeuble à deux niveaux sur une parcelle séparée de la rue par un muret muni de grille métallique, nombreuses fenêtres presque toutes obturées par des volets à persiennes, chiens assis dépassant du toit]]
[[Fichier:Hotel Thiroux de Montsauge.jpg|vignette|gauche|Hôtel Thiroux de Montsauge, [[hôtel de Massa]], siège de la [[Société des gens de lettres]], photographie d’[[Eugène Atget]] (1906).|alt=Photographie couleur sépia : un immeuble à deux niveaux sur une parcelle séparée de la rue par un muret muni de grille métallique, nombreuses fenêtres presque toutes obturées par des volets à persiennes, chiens assis dépassant du toit]]
Balzac a beaucoup milité pour le respect des écrivains. Dès 1834, dans une « Lettre adressée aux écrivains français du {{s-|XIX|e}} », il les exhorte à régner sur l’Europe par la pensée plutôt que par les armes, leur rappelant que le fruit de leurs écrits rapporte des sommes énormes dont ils ne bénéficient pas : {{Citation|La loi protège la terre ; elle protège la maison du prolétaire qui a sué ; elle confisque l’ouvrage du poète qui a pensé ()<ref>{{Harvsp|Pléiade 1990}}, {{t.|II}} {{p.|1250}}; [https://books.google.fr/books?id=i0jPAAAAMAAJ&pg=PA62&dq#v=onepage&q&f=false en ligne]</ref>.}} Il agit comme témoin lors d'un procès en contrefaçon et veut aller en Russie pour obtenir une loi de réciprocité sur la propriété littéraire<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=350 et 344}}.</ref>.
Balzac a beaucoup milité pour le respect des écrivains. Dès 1834, dans une « Lettre adressée aux écrivains français du {{s-|XIX|e}} », il les exhorte à régner sur l’Europe par la pensée plutôt que par les armes, leur rappelant que le fruit de leurs écrits rapporte des sommes énormes dont ils ne bénéficient pas : {{Citation|La loi protège la terre ; elle protège la maison du prolétaire qui a sué ; elle confisque l’ouvrage du poète qui a pensé []<ref>{{Harvsp|Pléiade 1990}}, {{t.|II}}, {{p.|1250}} ; [https://books.google.fr/books?id=i0jPAAAAMAAJ&pg=PA62&dq#v=onepage&q&f=false en ligne]</ref>.}}. Il agit comme témoin lors d'un procès en contrefaçon et veut aller en Russie pour obtenir une loi de réciprocité sur la propriété littéraire<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=350 et 344}}.</ref>.


S'il n'a pas participé à la séance de fondation de la [[Société des gens de lettres]], en [[1838]], il y adhère toutefois dès la fin de cette année et devient membre du Comité le printemps suivant. La Société se définit comme une association d’auteurs destinée à défendre le [[droit moral]], les intérêts patrimoniaux et juridiques des auteurs de l’écrit<ref group=n>La Société existe toujours et est actuellement sise en l’[[hôtel de Massa]], [[Rue Saint-Jacques (Paris)|rue Saint-Jacques]] à Paris.</ref>. Il en devient le président le 16 août [[1839]] et président honoraire en 1841<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=343-345, 358}}.</ref>. En tant que président, il plaide au nom de la Société contre le ''Mémorial de Rouen'', afin de gagner un procès en contrefaçon<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=350}}. Texte de sa plaidoirie dans {{Harvsp|Balzac Code 1872|p=281-283}}</ref>. En 1840, il rédige un ''Code littéraire'' comptant 62 articles répartis en six sections<ref>Texte dans {{Harvsp|Balzac Code 1872|p=285-298}} et [http://www.bmlisieux.com/curiosa/sgdl01.htm en ligne]</ref>, encadrant les contrats de cession des droits de l'écrivain, exigeant le respect de l'intégrité des œuvres de l'esprit et établissant le droit de paternité. En mars 1841, il soumet l'essentiel de ce code à la [[Chambre des députés (Monarchie de Juillet)|Chambre des députés]] sous la forme de ''Notes sur la propriété littéraire''<ref>Texte dans {{Harvsp|Balzac Code 1872|p=299-325}}</ref>, mais son intervention reste sans succès<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=367}}</ref>. Les principales propositions de Balzac ne seront reconnues par le législateur que bien plus tard<ref name=Lecam>Stéphanie Lecam, « La propriété intellectuelle », dans {{Harvsp|Dissaux 2012|p=312-325}}</ref>.
S'il n'a pas participé à la séance de fondation de la [[Société des gens de lettres]], en 1838, il y adhère toutefois dès la fin de cette année et devient membre du Comité le printemps suivant. La Société se définit comme une association d’auteurs destinée à défendre le [[droit moral]], les intérêts patrimoniaux et juridiques des auteurs de l’écrit<ref group=n>La Société existe toujours et est actuellement sise en l’[[hôtel de Massa]], [[Rue Saint-Jacques (Paris)|rue Saint-Jacques]] à Paris.</ref>. Il en devient le président le {{date-|16 août 1839}} et président honoraire en 1841<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=343-345, 358}}.</ref>. En tant que président, il plaide au nom de la Société contre le mémorial de Rouen, afin de gagner un procès en contrefaçon<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=350}}. Texte de sa plaidoirie dans {{Harvsp|Balzac Code 1872|p=281-283}}.</ref>. En 1840, il rédige un ''Code littéraire'' comptant {{nobr|62 articles}} répartis en six sections<ref>Texte dans {{Harvsp|Balzac Code 1872|p=285-298}} et [http://www.bmlisieux.com/curiosa/sgdl01.htm en ligne].</ref>, encadrant les contrats de cession des droits de l'écrivain, exigeant le respect de l'intégrité des œuvres de l'esprit et établissant le droit de paternité. En {{date-|mars 1841}}, il soumet l'essentiel de ce code à la [[Chambre des députés (Monarchie de Juillet)|Chambre des députés]] sous la forme de ''Notes sur la propriété littéraire''<ref>Texte dans {{Harvsp|Balzac Code 1872|p=299-325}}.</ref>, mais son intervention reste sans succès<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=367}}.</ref>. Les principales propositions de Balzac ne seront reconnues par le législateur que bien plus tard<ref name="Lecam">Stéphanie Lecam, « La propriété intellectuelle », dans {{Harvsp|Dissaux 2012|p=312-325}}.</ref>.


L'action de Balzac, raillée par [[Charles-Augustin Sainte-Beuve|Sainte-Beuve]] qui ridiculisait {{Citation|ce compagnonnage ouvrier et ces maréchaux de France de la littérature qui offrent à l’exploitation une certaine surface commerciale<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=426}}.</ref>}}, a contribué au rapprochement des écrivains autour d'une identité commune et a servi la condition littéraire<ref name=Lecam/>. Elle aura par la suite un soutien important en [[Émile Zola]], qui poursuivra la tâche.
L'action de Balzac, raillée par [[Charles-Augustin Sainte-Beuve|Sainte-Beuve]] qui ridiculisait {{Citation|ce compagnonnage ouvrier et ces maréchaux de France de la littérature qui offrent à l’exploitation une certaine surface commerciale<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=426}}.</ref>}}, a contribué au rapprochement des écrivains autour d'une identité commune et a servi la condition littéraire<ref name=Lecam/>. Elle aura par la suite un soutien important en [[Émile Zola]], qui poursuivra la tâche.


=== Les voyages ===
=== Les voyages ===
Balzac a beaucoup voyagé : [[Ukraine]], [[Russie]], [[Prusse]], [[Autriche]], [[Italie]]. Le {{date|13|octobre|1846}}, il assiste au mariage d'Anna Hańska, fille d'[[Ewelina Hańska]], à [[Wiesbaden]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1969|p=302-305}}.</ref>. Mais bien peu de lieux, en dehors de [[Paris]] et de la [[Anciennes provinces de France|province française]], seront une source d’inspiration pour lui. Seule l’Italie lui inspire une passion qu’il exprime dans de nombreux écrits, notamment les [[conte]]s et [[nouvelle]]s [[philosophique]]s. En Russie, c’est plutôt Balzac qui laissera ses traces en inspirant [[Fiodor Dostoïevski|Dostoïevski]].
Balzac a beaucoup voyagé : [[Ukraine]], [[Russie]], [[Prusse]], [[Autriche]], [[Italie]]. Le {{date-|13|octobre|1846}}, il assiste au mariage d'Anna Hańska, fille d'[[Ewelina Hańska]], à [[Wiesbaden]]<ref>{{Harvsp|Pierrot 1969|p=302-305}}.</ref>. Mais bien peu de lieux, en dehors de [[Paris]] et de la [[Territoires du royaume de France|province française]], seront une source d’inspiration pour lui. Seule l’Italie lui inspire une passion qu’il exprime dans de nombreux écrits, notamment les [[conte]]s et [[nouvelle]]s [[philosophique]]s. En Russie, c’est plutôt Balzac qui laissera ses traces en inspirant [[Fiodor Dostoïevski|Dostoïevski]].


==== L’Italie ====
==== L’Italie ====
[[Fichier:Campo de l'Arsenal.jpg|vignette|left|L’[[Arsenal de Venise|Arsenal]] de [[Venise]].|alt=Photographie couleurs d'une porte fortifiée ornée de lions, à droite une tour à horloge]]
[[Fichier:Campo de l'Arsenal.jpg|vignette|left|L’[[Arsenal de Venise|Arsenal]] de [[Venise]].|alt=Photographie couleurs d'une porte fortifiée ornée de lions, à droite une tour à horloge]]


En 1836, il se rend en Italie en qualité de mandataire de ses amis Guidoboni-Visconti afin de régler à [[Turin]] une obscure affaire de succession. Il est accompagné par [[Caroline Marbouty]], déguisée en jeune homme. Le voyage est assez bref<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=287-288}}.</ref>.
En 1836, il se rend en Italie, en qualité de mandataire de ses amis Guidoboni-Visconti, afin de régler à [[Turin]] une obscure affaire de succession. Il est accompagné par [[Caroline Marbouty]], déguisée en jeune homme. Le voyage est assez bref<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=287-288}}.</ref>.


En février 1837, les Guidoboni-Visconti lui confient une autre mission, cette fois à [[Milan]], pour régler une autre affaire de succession, tout en lui permettant ainsi d'échapper aux poursuites des huissiers. Sa réputation l'ayant précédé, il est fêté par l'aristocratie. Il fréquente assidument le salon de [[Clara Maffei]] et partage à [[La Scala]] la loge du prince Porcia et de sa sœur, la comtesse Sanseverino-Vimercati. Sa rencontre avec le poète [[Alessandro Manzoni|Manzoni]], la gloire littéraire de Milan, est décevante pour ses hôtes, car Balzac ne l'a pas lu et ne parle que de lui. L'écrivain se rend ensuite à [[Venise]], où il passe neuf jours à visiter musées, églises, théâtres et palais. Il laissera une lumineuse description littéraire de cette ville dans ''[[Massimilla Doni]]''. Sa mission ayant été un succès, tout comme la précédente, il fait ensuite un séjour à [[Florence]], passe par [[Bologne]] pour saluer [[Gioachino Rossini|Rossini]] et rentre en France le 10 mai<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=304-309}}.</ref>. À la suite de ce voyage, il peindra la femme italienne comme un modèle de fidélité amoureuse<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=348-352}}</ref>.
En {{date-|février 1837}}, les Guidoboni-Visconti lui confient une autre mission, cette fois à [[Milan]], pour régler une autre affaire de succession, tout en lui permettant ainsi d'échapper aux poursuites des huissiers. Sa réputation l'ayant précédé, il est fêté par l'aristocratie. Il fréquente assidument le salon de [[Clara Maffei]] et partage à [[la Scala]] la loge du prince Porcia et de sa sœur, la comtesse Sanseverino-Vimercati. Sa rencontre avec le poète [[Alessandro Manzoni|Manzoni]], la gloire littéraire de Milan, est décevante pour ses hôtes, car Balzac ne l'a pas lu et ne parle que de lui. L'écrivain se rend ensuite à [[Venise]], où il passe neuf jours à visiter musées, églises, théâtres et palais. Il laissera une lumineuse description littéraire de cette ville dans ''[[Massimilla Doni]]''. Sa mission ayant été un succès, tout comme la précédente, il fait ensuite un séjour à [[Florence]], passe par [[Bologne]] pour saluer [[Gioachino Rossini|Rossini]] et rentre en France le {{date-|10 mai}}<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=304-309}}.</ref>. À la suite de ce voyage, il peindra la femme italienne comme un modèle de fidélité amoureuse<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=348-352}}.</ref>.


Il retourne en Italie en mars 1838, via la [[Corse]], afin de lancer une entreprise de récupération du minerai d'argent contenu dans les scories des anciennes mines de [[Sardaigne]]. Malheureusement, il a été pris de vitesse par un Génois à qui il avait parlé de son projet lors de sa visite précédente. Il se lie avec le marquis Gian Carlo di Negro et le marquis Damaso Pareto<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=324-328}}.</ref>.
Il retourne en Italie en {{date-|mars 1838}}, via la [[Corse]], afin de lancer une entreprise de récupération du minerai d'argent contenu dans les scories des anciennes mines de [[Sardaigne]]. Malheureusement, il a été pris de vitesse par un Génois à qui il avait parlé de son projet lors de sa visite précédente. Il se lie avec le marquis Gian Carlo di Negro et le marquis Damaso Pareto<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=324-328}}.</ref>.


Il aime l’[[Italie]], cette {{citation|mère de tous les arts}}, pour sa beauté naturelle, pour la générosité de ses habitants, pour la simplicité et l’élégance de son [[aristocratie]], qu’il considère comme {{citation|la première d’Europe<ref>{{ouvrage|auteur1=[[Pierre Brunel]]|titre=Massimilla Doni|collection=Folio Classique|année=1995|numéro dans collection=2817|passage=159}}.</ref>}}, et ne tarit pas d’éloges sur ses splendeurs. Il exalte la beauté de ses opéras, auxquels il consacre deux nouvelles jumelles : ''[[Gambara (nouvelle)|Gambara]]'', qui évoque ''[[Le Barbier de Séville]]'', et ''[[Massimilla Doni]]'', dans laquelle il donne une magistrale interprétation du ''[[Moïse|Mosé]]''. Il est également fasciné par la richesse de sa peinture. Il met en scène la sculpture et la ville de [[Rome]] dans ''[[Sarrasine]]''.
Il aime l’[[Italie]], cette {{citation|mère de tous les arts}}, pour sa beauté naturelle, pour la générosité de ses habitants, pour la simplicité et l’élégance de son [[aristocratie]], qu’il considère comme {{citation|la première d’Europe<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Pierre Brunel]]|titre=Massimilla Doni|éditeur=|collection=Folio classique|numéro dans collection=2817|année=1995|passage=159|isbn=}}.</ref>}}, et ne tarit pas d’éloges sur ses splendeurs. Il exalte la beauté de ses opéras, auxquels il consacre deux nouvelles jumelles : ''[[Gambara (nouvelle)|Gambara]]'', qui évoque ''[[Le Barbier de Séville]]'', et ''[[Massimilla Doni]]'', dans laquelle il donne une magistrale interprétation du ''[[Moïse et Pharaon|Mosé]]''. Il est également fasciné par la richesse de sa peinture. Il met en scène la sculpture et la ville de [[Rome]] dans ''[[Sarrasine]]''.


==== La Russie ====
==== La Russie ====
[[Fichier:Neva-StPetersburg2.JPG|vignette|[[Forteresse Pierre-et-Paul]], [[Saint-Pétersbourg]].|alt=Photographie couleurs de quatre flèches de monuments dépassant d'un mur de forteresse devant un fleuve]]
[[Fichier:Neva-StPetersburg2.JPG|vignette|[[Forteresse Pierre-et-Paul]], [[Saint-Pétersbourg]].|alt=Photographie couleurs de quatre flèches de monuments dépassant d'un mur de forteresse devant un fleuve.]]


C’est au contraire avec un peu de méfiance qu’on le voit arriver à [[Saint-Pétersbourg]] en [[1843 en littérature|1843]] pour aider [[Ewelina Hańska|{{Mme|Hańska}}]] dans une affaire de succession<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=467 et 481-485}}.</ref>. Sa réputation d’endetté perpétuel est notoire et l’a précédé. À Paris déjà, lorsqu’il demande un visa, le secrétaire d’ambassade Victor de Balabine suppose qu’il va en [[Russie]] parce qu’il n’a pas le sou<ref>''Journal de Balabine'' publié par [[Ernest Daudet]], {{p.|141}}, Paris, 1914.</ref>, et le chargé d’affaires russe à Paris propose à son gouvernement {{citation|d’aller au-devant des besoins d’argent de Monsieur de Balzac et de mettre à profit la plume de cet auteur, qui garde encore une certaine popularité ici… pour écrire une réfutation du livre calomniateur de [[Astolphe de Custine|Monsieur de Custine]]<ref>{{harvsp|Pierre 1943}}.</ref>.}} Ce en quoi il se trompe, car Balzac ne réfutera pas cet ouvrage, pas plus qu’il ne cherchera des subsides à [[Saint-Pétersbourg]] : il n’est venu que pour voir madame Hańska. Il est déjà très aimé et très lu en [[Russie]] où il est considéré comme l’écrivain qui a {{citation|le mieux compris les sentiments des femmes}}<ref name=Pier391>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=391-393}}.</ref>.
C’est avec un peu de méfiance qu’on le voit arriver à [[Saint-Pétersbourg]], en [[1843 en littérature|1843]], pour aider [[Ewelina Hańska|{{Mme|Hańska}}]] dans une affaire de succession<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=467 et 481-485}}.</ref>. Sa réputation d’endetté perpétuel est notoire et l’a précédé<ref>''Le Siècle'', 4 août 1843, p. 3 ([https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k720878t/ lire en ligne]).</ref>. À Paris déjà, lorsqu’il demande un visa, le secrétaire d’ambassade Victor de Balabine suppose qu’il va en [[Russie]] parce qu’il n’a pas le sou<ref>''Journal de Balabine'' publié par [[Ernest Daudet]], {{p.|141}}, Paris, 1914.</ref>, et le chargé d’affaires russe à Paris propose à son gouvernement {{citation|d’aller au-devant des besoins d’argent de Monsieur de Balzac et de mettre à profit la plume de cet auteur, qui garde encore une certaine popularité ici […] pour écrire une réfutation du [[La Russie en 1839|livre calomniateur]] de [[Astolphe de Custine|Monsieur de Custine]]<ref>{{harvsp|Pierre 1943}}.</ref>}}, ce en quoi il se trompe, car Balzac ne réfutera pas cet ouvrage, pas plus qu’il ne cherchera des subsides à [[Saint-Pétersbourg]] : il n’est venu que pour voir madame Hańska<ref>{{Article|auteur1=Vera Miltchina|auteur2=Alexandre Ospovat|titre=Le cabinet de Saint-Pétersbourg face au marquis de Custine : une réfutation inédite de La Russie en 1839|périodique=Romantisme|année=1996|numéro=92|passage=19-20|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1996_num_26_92_4261}}</ref>. Il est déjà très aimé et très lu en [[Russie]] où il est considéré comme l’écrivain qui a {{citation|le mieux compris les sentiments des femmes<ref name=Pier391>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=391-393}}.</ref>}}.


Il prend le bateau à [[Dunkerque]] et arrive à Saint-Pétersbourg le 29 juillet 1843. Invité à se joindre aux personnalités qui assistent à la grande revue annuelle des troupes, il côtoie divers princes et généraux russes. Les amants se verront, discrètement, durant deux mois<ref name=Pier391/>. Le 7 octobre, il regagne la France par voie de terre, tout en faisant un court séjour à [[Berlin]] et une visite des champs de bataille napoléoniens de [[Leipzig]] et [[Dresde]] en vue d'un futur ouvrage.
Il prend le bateau à [[Dunkerque]] et arrive à Saint-Pétersbourg le {{date-|29 juillet 1843}}. Invité à se joindre aux personnalités qui assistent à la grande revue annuelle des troupes, il côtoie divers princes et généraux russes. Les amants se verront, discrètement, durant deux mois<ref name=Pier391/>. Le {{date-|7 octobre}}, il regagne la France par voie de terre, tout en faisant un court séjour à [[Berlin]] et une visite des champs de bataille napoléoniens de [[Leipzig]] et [[Dresde]], en vue d'un futur ouvrage.


=== Les dernières années et la mort ===
=== Les dernières années et la mort ===
[[Fichier:Dessin de Nadar 1850.jpg|vignette|upright|left|Balzac vu par [[Nadar]] en 1850 (source : {{lien web|url=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b103155135/f1.item|titre=Gallica}}).|alt=Dessin de Balzac en pied, où la tête est grossie.]]
[[Fichier:Dessin de Nadar 1850.jpg|vignette|gauche|Balzac vu par [[Nadar]] en 1850 (source : {{lien web|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b103155135/f1.item|titre=Gallica}}).|alt=Dessin de Balzac en pied, où la tête est grossie.]]


Dès 1845, le rythme de la production ralentit et Balzac se lamente dans ses lettres de ne pas pouvoir écrire. En 1847, il avoue sentir se désagréger ses forces créatrices. Comme le héros de son premier grand livre, ''[[La Peau de chagrin]]'', il semble avoir eu très jeune le pressentiment d'un écroulement prématuré<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=76 et 82}}.</ref>.
Dès 1845, le rythme de la production de Balzac ralentit, et il se lamente dans ses lettres de ne pas pouvoir écrire. En 1847, il avoue sentir se désagréger ses forces créatrices. Comme le héros de son premier grand livre, ''[[La Peau de chagrin]]'', il semble avoir eu très jeune le pressentiment d'un écroulement prématuré<ref>{{Harvsp|Picon 1956|p=76 et 82}}.</ref>.


En août [[1848]], il obtient finalement du pouvoir russe un nouveau passeport pour se rendre en [[Ukraine]]. Il y arrive le 2 octobre. Il apprend sans surprise que l'[[Académie française]] a écarté une nouvelle fois sa candidature<ref group=n>Sa candidature est écartée le 11 janvier 1849 en faveur du [[duc de Noailles]] et le 18 janvier en faveur du comte de Saint-Priest ({{harvsp|Pierrot 1994|p=483-484}}). Il avait envisagé de se présenter en septembre 1839, mais s'était désisté en faveur de [[Victor Hugo]], qui n'avait d'ailleurs pas été élu [{{harvsp|Pierrot 1994|p=350}}).</ref>. Il espère toujours épouser la [[Ewelina Hańska|comtesse Hańska]], mais la situation des amants est compliquée par la loi russe qui prévoit que la femme d'un étranger perd automatiquement ses biens fonciers, sauf [[ukase|oukase]] exceptionnel signé par le tsar. Or, ce dernier refuse sèchement<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=485-486}}.</ref>. Le séjour en Ukraine ne réussit guère à l'écrivain épuisé et sa santé se détériore. Il attrape un gros rhume, qui évolue en bronchite, et son souffle se fait court. Trop faible pour voyager, il doit rester au repos de nombreux mois. Comme les relations deviennent tendues avec [[Ewelina Hańska|{{Mme|Hańska}}]], en raison des folles dépenses faites pour aménager la Chartreuse Beaujon, il écrit à sa mère de renvoyer la bonne afin de réaliser des économies<ref>{{harvsp|Zweig 1950|p=475-476}}.</ref>.
En août 1847, il obtient finalement du pouvoir russe un nouveau passeport pour se rendre en [[Ukraine]]. Il y arrive le {{date-|2 octobre}}. Il apprend au début de 1849, sans surprise, que l'[[Académie française]] a écarté une nouvelle fois sa candidature<ref group=n>Sa candidature est écartée le 11 janvier 1849 en faveur du [[duc de Noailles]] et le 18 janvier en faveur du comte de Saint-Priest ({{harvsp|Pierrot 1994|p=483-484}}). Il avait envisagé de se présenter en septembre 1839, mais s'était désisté en faveur de [[Victor Hugo]], qui n'avait d'ailleurs pas été élu {{harv|Pierrot 1994|p=350}}.</ref>. Il espère toujours épouser la [[Ewelina Hańska|comtesse Hańska]], mais la situation des amants est compliquée par la loi russe qui prévoit que la femme d'un étranger perd automatiquement ses biens fonciers, sauf [[ukase|oukase]] exceptionnel signé par le tsar. Or, ce dernier refuse sèchement<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=485-486}}.</ref>. Le séjour en Ukraine ne réussit guère à l'écrivain épuisé et sa santé se détériore. Il attrape un gros rhume, qui évolue en bronchite, et son souffle se fait court. Trop faible pour voyager, il doit rester au repos de nombreux mois. Comme les relations deviennent tendues avec [[Ewelina Hańska|{{Mme|Hańska}}]], en raison des folles dépenses faites pour aménager la chartreuse Beaujon, il écrit à sa mère de renvoyer la bonne afin de réaliser des économies<ref>{{harvsp|Zweig 1950|p=475-476}}.</ref>.


[[Fichier:Giraud - Balzac sur son lit de mort.jpg|vignette|Balzac sur son lit de mort. Huile sur toile de Giraud, 1850, [[musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon]].]]
Le mariage peut enfin avoir lieu le {{date|14|mars|1850}}, à sept heures du matin, dans l'église Sainte-Barbe de [[Berdytchiv]]<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=584}}.</ref>. Sa vanité est comblée<ref group=n>{{citation|En apprenant que je suis le mari de la petite nièce de [[Marie Leszczyńska]] ; que je deviens le beau-frère d'un aide de camp général de S.M. l'empereur de toutes les Russies, le comte A. Rzewuski, beau-père du comte Orloff, le neveu de la comtesse Rosalie Rzewuska, {{1re}} dame d'honneur de S.M. l'impératrice ; le beau-frère du comte Henri Rzewuski, le Walter Scott de la Pologne...}} Cité par {{Harvsp|Pierrot 1994|p=489}}.</ref>, mais sa santé continue à se dégrader ; il est malade du cœur et les crises d'étouffement sont de plus en plus fréquentes. Les époux décident toutefois de rentrer à leur demeure de la [[rue Balzac|rue Fortunée]] à Paris. Ils quittent [[Kiev]] le 25 avril, mais le voyage est éprouvant, leur voiture s'enfonçant parfois dans la boue jusqu'aux portières<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=586}}.</ref>. Ils arrivent finalement à Paris le {{date|21|mai|1850}}. Le docteur Nacquart, qui soigne l’écrivain avec trois confrères pour un œdème généralisé, ne parvient pas à éviter une [[péritonite]], suivie de [[gangrène]]<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=589-597}}.</ref>. Le romancier était épuisé par les efforts prodigieux déployés au cours de sa vie et le régime de forçat qu'il s'était imposé. La rumeur voudrait qu’il eût appelé à son chevet d’agonisant [[Horace Bianchon]], le grand médecin de ''La Comédie humaine'' : il avait ressenti si intensément les histoires qu’il forgeait que la réalité se confondait avec la fiction<ref>{{harvsp|Zweig 1950|p=491}}.</ref>. Il entre en agonie le dimanche [[18 août]] dans la matinée et meurt à 23 heures 30<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=595}}.</ref>. [[Victor Hugo]], qui fut son ultime visiteur, a rendu un témoignage émouvant et précis sur ses derniers moments<ref>Victor Hugo, {{lire en ligne|url=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6391322b/f295.image|consulté le= |partie= |numéro chapitre=|titre chapitre=Choses vues|passage=283}}. Balzac est mort peu de temps après le départ de Hugo.</ref>.
Le mariage peut enfin avoir lieu le {{date-|14|mars|1850}}, à sept heures du matin, en l'église Sainte-Barbe de [[Berdytchiv]]<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=584}}.</ref>. Sa vanité est comblée<ref group=n>{{citation|En apprenant que je suis le mari de la petite-nièce de [[Marie Leszczyńska]] ; que je deviens le beau-frère d'un aide de camp général de S.M. l'empereur de toutes les Russies, le comte A. Rzewuski, beau-père du comte Orloff, le neveu de la comtesse Rosalie Rzewuska, {{1re}} dame d'honneur de S.M. l'impératrice ; le beau-frère du comte Henri Rzewuski, le Walter Scott de la Pologne […].}}. Cité par {{Harvsp|Pierrot 1994|p=489}}.</ref>, mais sa santé continue à se dégrader ; il est malade du cœur et les crises d'étouffement sont de plus en plus fréquentes. Les époux décident toutefois de rentrer à leur demeure de la [[rue Balzac|rue Fortunée]] à Paris. Ils quittent [[Kiev]] le {{date-|25 avril}}, mais le voyage est éprouvant, leur voiture s'enfonçant parfois dans la boue jusqu'aux portières<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=586}}.</ref>. Ils arrivent finalement à Paris le {{date-|21|mai|1850}}. Le [[Jean-Baptiste Nacquart|docteur Nacquart]], qui, avec trois confrères, soigne l’écrivain pour un œdème généralisé, ne parvient pas à éviter une [[péritonite]], suivie de [[gangrène]]<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=589-597}}.</ref>. Le romancier était épuisé par les efforts prodigieux déployés au cours de sa vie et le régime de forçat qu'il s'était imposé. La légende voudrait qu’il eût appelé à son chevet d’agonisant [[Horace Bianchon]], le grand médecin de ''La Comédie humaine'' : il avait ressenti si intensément les histoires qu’il forgeait que la réalité se confondait avec la fiction<ref>{{harvsp|Zweig 1950|p=491}}.</ref>. Il entre en agonie le dimanche {{date-|18 août}} dans la matinée et meurt à 23 heures 30<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=595}}.</ref>. [[Victor Hugo]], qui fut son ultime visiteur, a rendu un témoignage émouvant et précis sur ses derniers moments<ref>Victor Hugo, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6391322b/f295.image|consulté le= |partie= |numéro chapitre=|titre chapitre=Choses vues|passage=283}}. Balzac est mort peu de temps après le départ de Hugo.</ref>.


Lors des funérailles, le 21 août, au [[cimetière du Père-Lachaise]] (division 48), la foule était imposante et comptait notamment de nombreux ouvriers typographes. [[Alexandre Dumas]] et le ministre de l'Intérieur étaient auprès du cercueil, avec Victor Hugo, qui prononça l’[[Éloge funèbre|oraison funèbre]]<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=598}}.</ref> :
Lors des funérailles, le {{date-|21 août}}, au [[cimetière du Père-Lachaise]] (division 48), la foule était imposante et comptait notamment de nombreux ouvriers typographes. [[Alexandre Dumas]] et le ministre de l'Intérieur [[Pierre Jules Baroche]] étaient auprès du cercueil, avec Victor Hugo, qui prononça l’[[Éloge funèbre|oraison funèbre]]<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=598}}.</ref> :
{{Citation bloc|Tous ses livres ne forment qu'un livre, livre vivant, lumineux, profond, où l'on voit aller et venir, et marcher et se mouvoir, avec je ne sais quoi d'effaré et de terrible mêlé au réel, toute notre civilisation contemporaine, livre merveilleux que le poète a intitulé ''Comédie'' et qu'il aurait pu intituler ''Histoire'' (...) À son insu, qu'il le veuille ou non, qu'il y consente ou non, l'auteur de cette œuvre immense et étrange est de la forte race des écrivains révolutionnaires<ref>Victor Hugo, ''Actes et paroles. Avant l'exil'', [[s:Enterrements 1843-1850|Lire en ligne]]</ref>.}}
{{Citation bloc|Tous ses livres ne forment qu'un livre, livre vivant, lumineux, profond, où l'on voit aller et venir, et marcher et se mouvoir, avec je ne sais quoi d'effaré et de terrible mêlé au réel, toute notre civilisation contemporaine, livre merveilleux que le poète a intitulé ''Comédie'' et qu'il aurait pu intituler ''Histoire'' […] À son insu, qu'il le veuille ou non, qu'il y consente ou non, l'auteur de cette œuvre immense et étrange est de la forte race des écrivains révolutionnaires<ref>Victor Hugo, ''Actes et paroles. Avant l'exil'', [[s:Enterrements 1843-1850|lire en ligne]].</ref>.}}


Il laissait à sa veuve une dette de {{unité|100000|francs}}. Celle-ci accepta toutefois la succession et continua de verser à la mère de Balzac une rente viagère, conformément au testament qu'il avait laissé<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=513-514}}.</ref>. Elle prend soin aussi de son œuvre et demande à [[Champfleury (écrivain)|Champfleury]] de terminer les romans que Balzac avait laissés inachevés. Comme celui-ci refuse, elle confie à [[Charles Rabou]] le soin de compléter ''[[Le Député d'Arcis]]'' (écrit en [[1847 en littérature|1847]] et inachevé) et ''[[Les Petits Bourgeois]]'' (inachevé), mais {{Citation|Rabou aura la main lourde en ajoutant de longs développements de son cru aux manuscrits laissés sans plan par Balzac<ref name="Pier16"/>}}. ''[[Le Député d'Arcis]]'' paraîtra en 1854 et ''[[Les Petits Bourgeois]]'' en 1856. En [[1855 en littérature|1855]], {{Mme|Ève de Balzac}} fait publier ''[[Les Paysans]]'' (écrit en [[1844 en littérature|1844]] et inachevé).
Il laissait à sa veuve une dette de {{unité|100000|francs}}. Celle-ci accepta toutefois la succession et continua de verser à la mère de Balzac une rente viagère, conformément au testament qu'il avait laissé<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=513-514}}.</ref>. Elle prend soin aussi de son œuvre et demande à [[Champfleury (écrivain)|Champfleury]] de terminer les romans que Balzac avait laissés inachevés. Comme celui-ci refuse, elle confie à [[Charles Rabou]] le soin de compléter ''[[Le Député d'Arcis]]'' (écrit en [[1847 en littérature|1847]] et inachevé) et ''[[Les Petits Bourgeois]]'' (inachevé), mais {{Citation|Rabou aura la main lourde en ajoutant de longs développements de son cru aux manuscrits laissés sans plan par Balzac<ref name="Pier16"/>}}. ''[[Le Député d'Arcis]]'' paraîtra en 1854 et ''[[Les Petits Bourgeois]]'' en 1856. En [[1855 en littérature|1855]], {{Mme|Ève de Balzac}} fait publier ''[[Les Paysans]]'' (écrit en [[1844 en littérature|1844]] et inachevé).


[[Octave Mirbeau]], écrivain et journaliste français, inséra dans son récit de voyage ''[[La 628-E8]]'' trois chapitres sur [[s:La Mort de Balzac|''La Mort de Balzac'']], qui firent scandale en raison du comportement prêté à [[Ewelina Hańska]] pendant l'agonie de Balzac, selon des confidences que lui avait faites le peintre [[Jean Gigoux]]<ref group=n>Sur la prière de la fille de {{Mme|Hańska}}, Mirbeau consentit à faire retirer cette section, alors que le volume était déjà imprimé. Voir le détail de « L’affaire Octave Mirbeau » sur la page de [[Ewelina Hańska]].</ref>.
[[Octave Mirbeau]], écrivain et journaliste français, inséra dans son récit de voyage ''[[La 628-E8]]'' trois chapitres sur [[s:La Mort de Balzac|''La Mort de Balzac'']], qui firent scandale en raison du comportement prêté à [[Ewelina Hańska]] pendant l'agonie de Balzac, selon des confidences que lui avait faites le peintre [[Jean Gigoux]]<ref group="n">Sur la prière de la fille de {{Mme|Hańska}}, Mirbeau consentit à faire retirer cette section, alors que le volume était déjà imprimé. Voir le détail de « l’affaire Octave Mirbeau » sur la page de [[Ewelina Hańska]].</ref>.


== Opinions politiques et sociales ==
== Opinions politiques et sociales ==
Il n'est pas facile de synthétiser la pensée du romancier. Comme le signale un spécialiste, {{citation|Ce serait une faute de systématiser à outrance les idées de Balzac : il n'a pas cherché à le faire lui-même. Ses divers personnages représentent des moments de son intelligence, reflètent l'activité de son esprit, l'effort de ses recherches. Il en résulte des tâtonnements, des nuances, des oppositions, sinon des contradictions, qui ne se fondent pas sans heurt<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=212}}.</ref>.}}
Il n'est pas facile de synthétiser la pensée du romancier. Comme le signale un spécialiste, {{citation|ce serait une faute de systématiser à outrance les idées de Balzac : il n'a pas cherché à le faire lui-même. Ses divers personnages représentent des moments de son intelligence, reflètent l'activité de son esprit, l'effort de ses recherches. Il en résulte des tâtonnements, des nuances, des oppositions, sinon des contradictions, qui ne se fondent pas sans heurt<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=212}}.</ref>}}.


Dérangeant les élites de son temps, Balzac est devenu en 1840 un paria du monde politique. Un parlementaire l'accuse en Assemblée d'ébranler la société en la corrompant, de pervertir le peuple au lieu de l'éduquer et de saper les valeurs traditionnelles<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=543-545}}.</ref>. Il est méprisé par le roi [[Louis-Philippe Ier|Louis-Philippe]], qui fera interdire sa pièce ''[[Vautrin (1840)|Vautrin]]'', mais lui donnera quand même la [[légion d'honneur]] en 1845 —récompense dérisoire en comparaison du statut dont jouissaient des écrivains comme [[Victor Hugo]] et [[Alexandre Dumas]]<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=548}}.</ref>. Écarté de la société aristocratique du [[faubourg Saint-Germain]], qui ne veut pas se reconnaître dans l'image qu'il en donne, il n'est admis que dans les salons de seconde classe<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=550}}.</ref>. Il inquiète les bien-pensants, qui le voient comme une réincarnation de Satan et un danger public en raison de ses idées révolutionnaires. Il est rejeté par la droite aussi bien que par la gauche<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=566-579}}.</ref>.
Dérangeant les élites de son temps, Balzac, en 1840, est devenu un paria du monde politique. Un parlementaire l'accuse à la Chambre d'ébranler la société en la corrompant, de pervertir le peuple au lieu de l'éduquer et de saper les valeurs traditionnelles<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=543-545}}.</ref>. Il est méprisé par le roi [[Louis-Philippe Ier|Louis-Philippe]], qui fera interdire sa pièce ''[[Vautrin (1840)|Vautrin]]'', mais lui donnera quand même la [[Légion d'honneur]] en 1845 — récompense dérisoire en comparaison du statut dont jouissaient des écrivains comme [[Victor Hugo]] et [[Alexandre Dumas]]<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=548}}.</ref>. Écarté de la société aristocratique du [[faubourg Saint-Germain]], qui ne veut pas se reconnaître dans l'image qu'il en donne, il n'est admis que dans les salons de seconde classe<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=550}}.</ref>. Il inquiète les bien-pensants, qui le voient comme une réincarnation de Satan et un danger public en raison de ses idées révolutionnaires. Il est rejeté par la droite aussi bien que par la gauche<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=566-579}}.</ref>.


===Régime politique===
=== Régime politique ===
[[Fichier:Talleyrand 01.jpg|vignette|Balzac admirait [[Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord|Talleyrand]] qu'il réussit à rencontrer en 1836<ref>{{Harvsp||Pierrot 1994|p=298-299}}.</ref>.|alt=Portrait de Talleyrand, en buste, chevelure bouclée, foulard blanc noué autour du cou]]
[[Fichier:Talleyrand 01.jpg|vignette|Balzac admirait [[Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord|Talleyrand]] qu'il réussit à rencontrer en 1836<ref>{{Harvsp||Pierrot 1994|p=298-299}}.</ref>.|alt=Portrait de Talleyrand, en buste, chevelure bouclée, foulard blanc noué autour du cou.]]


[[Fichier:Fouché Joseph Duke of Otranto.jpg|vignette|Il était fasciné par [[Joseph Fouché|Fouché]], évoqué dans ''[[Une ténébreuse affaire]]''<ref>{{Harvsp||Pierrot 1994|p=112-113}}.</ref>|alt=Portrait de Fouché en pied, la tête tournée vers la droite, la main appuyée sur une balustrade. Il est vêtu d'un habit somptueux, rouge et or.]]
[[Fichier:Fouché Joseph Duke of Otranto.jpg|vignette|Il était fasciné par [[Joseph Fouché|Fouché]], évoqué dans ''[[Une ténébreuse affaire]]''<ref>{{Harvsp||Pierrot 1994|p=112-113}}.</ref>.|alt=Portrait de Fouché en pied, la tête tournée vers la droite, la main appuyée sur une balustrade. Il est vêtu d'un habit somptueux, rouge et or.]]


Les opinions politiques de Balzac ont été variables et beaucoup commentées<ref group=n>{{Citation|Libéral avant 1830 mais favorable au droit d'aînesse, il devient royaliste en 1831. En 1829, (...) dans ''[[Les Chouans]]'', il mettait en scène des royalistes aveuglés (...), dans l'[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-propos à ''La Comédie humaine'']] (1842), il dit écrire à la lumière de deux vérités éternelles : la Religion et la Monarchie. (...) Dans ''[[L'Envers de l'histoire contemporaine]]'', un enfant du siècle s'intègre à un cercle de croyants (...). Retour à Dieu, seconde vie consacrée à l'amour du prochain, à contre-courant du mouvement général de l'histoire.}} Extrait de {{ouvrage|prénom1=Gérard|nom1=Gengembre|titre=Dictionnaire de la Contre-Révolution|éditeur=Perrin|année=2011|passage=78|lire en ligne=http://books.google.fr/books?id=YkHx0AglQf4C&pg=PT87&lpg=PT87&dq=Dictionnaire+des+contre-r%C3%A9volutionnaire,+G%C3%A9rard+gengembre&source=bl&ots=w-4QNzS1F8&sig=PuPKhBAF0Iht9kb203lMKJyB7ik&hl=fr&sa=X&ei=cOIEU9asBcSV0AX02YG4Aw&ved=0CEMQ6AEwAw#v=onepage&q=Balzac&f=false|isbn=978-2-262-03370-5|pages totales=552}}.</ref>.
Les opinions politiques de Balzac ont été variables et beaucoup commentées<ref group=n>{{Citation|Libéral avant 1830 mais favorable au droit d'aînesse, il devient royaliste en 1831. En 1829, […] dans ''[[Les Chouans]]'', il mettait en scène des royalistes aveuglés […], dans l'[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|avant-propos à ''La Comédie humaine'']] (1842), il dit écrire à la lumière de deux vérités éternelles : la Religion et la Monarchie. […] Dans ''[[L'Envers de l'histoire contemporaine]]'', un enfant du siècle s'intègre à un cercle de croyants […]. Retour à Dieu, seconde vie consacrée à l'amour du prochain, à contre-courant du mouvement général de l'histoire.}}. Extrait de {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Gérard|nom1=Gengembre|titre=Dictionnaire de la Contre-Révolution|sous-titre={{sp-|XVIII|-|XX}}|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Perrin|Perrin]]|année=2011|pages totales=552|passage=78|isbn=978-2-262-03370-5|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=YkHx0AglQf4C&pg=PT87&q=Balzac}}.</ref>.
Critique des royalistes égarés dans ''[[Les Chouans]]'' (1829), il est d'abord [[Libéralisme économique|libéral]] sous la [[Restauration (histoire de France)|Restauration]]. Aux élections de 1831, désireux de se faire élire député, il présente sa candidature à [[Tours]], à [[Fougères]] et à [[Cambrai]], mais sans succès. Son échec est alors attribué à l’ambiguïté de ses opinions, ni libérales ni légitimistes. Sous l’influence de la [[Claire de Maillé de La Tour-Landry|duchesse de Castries]], il affiche ensuite des opinions légitimistes et brigue les suffrages des électeurs sous cette bannière à [[Chinon]] en [[1832]], mais c'est un nouvel échec<ref name=Bertault195>{{Harvsp|Bertault 1980|p=195}}.</ref>. Ayant développé ces opinions monarchistes et catholiques dans le journal [[légitimisme|légitimiste]] ''Le Rénovateur'', son royalisme n'est dès lors plus douteux<ref name=Bertault195/>. Il fait reposer sa doctrine sociale sur l’autorité politique et religieuse, en contradiction totale avec ses opinions d’origine, forgées avec son amie [[Zulma Carraud]], une ardente [[république|républicaine]], qui l'admoneste dans une lettre : {{Citation|Vous vous jetez dans la politique, m’a-t-on dit. Oh ! Prenez garde, prenez bien garde ! Mon amitié s’effraye (…) ne salissez pas votre juste célébrité de pareille solidarité (…). Cher, bien cher, respectez-vous (…)<ref name=Pierrot710>3 mai 1832, {{Harvsp|Pierrot 1969}}, {{t.|I}}, {{p.|710-711}}.</ref>.}} L'écrivain lui répond en exposant ses convictions politiques :


Critique des royalistes égarés dans ''[[Les Chouans]]'' (1829), il est d'abord [[Libéralisme économique|libéral]] sous la [[Restauration (histoire de France)|Restauration]]. Aux élections de 1831, désireux de se faire élire député, il présente sa candidature à [[Tours]], à [[Fougères]] et à [[Cambrai]], mais sans succès. Son échec est alors attribué à l’ambiguïté de ses opinions, ni libérales ni légitimistes. Sous l’influence de la [[Claire de Maillé de La Tour-Landry|duchesse de Castries]], il affiche ensuite des opinions légitimistes et brigue les suffrages des électeurs sous cette bannière à [[Chinon]] en 1832, mais c'est un nouvel échec<ref name=Bertault195>{{Harvsp|Bertault 1980|p=195}}.</ref>. Ayant développé ces opinions monarchistes et catholiques dans le journal [[légitimisme|légitimiste]] ''Le Rénovateur'', son royalisme n'est dès lors plus douteux<ref name=Bertault195/>. Il fait reposer sa doctrine sociale sur l’autorité politique et religieuse, en contradiction totale avec ses opinions d’origine, forgées avec son amie [[Zulma Carraud]], une ardente [[république|républicaine]], qui l'admoneste dans une lettre : {{Citation|Vous vous jetez dans la politique, m’a-t-on dit. Oh ! Prenez garde, prenez bien garde ! Mon amitié s’effraye […] ne salissez pas votre juste célébrité de pareille solidarité […]. Cher, bien cher, respectez-vous […]<ref name=Pierrot710>3 mai 1832, {{Harvsp|Pierrot 1969}}, {{t.|I}}, {{p.|710-711}}.</ref>.}}. L'écrivain lui répond en exposant ses convictions politiques :
{{Citation bloc|Jamais je ne me vendrai. Je serai toujours, dans ma ligne, noble et généreux. La destruction de toute noblesse hors la Chambre des Pairs ; la séparation du clergé d'avec Rome ; les limites naturelles de la France ; l'égalité parfaite de la classe moyenne ; la reconnaissance des supériorités réelles ; l'économie des dépenses, l'augmentation des recettes par une meilleure entente de l'impôt, l'instruction pour tous, voilà les principaux points de ma politique, auxquels vous me trouverez fidèle. [...] Je veux le pouvoir fort<ref>Lettre de Balzac à Zulma, {{Harvsp|Pierrot 1994|p=205}}.</ref>.}}


{{Citation bloc|Jamais je ne me vendrai. Je serai toujours, dans ma ligne, noble et généreux. La destruction de toute noblesse hors la Chambre des Pairs ; la séparation du clergé d'avec Rome ; les limites naturelles de la France ; l'égalité parfaite de la classe moyenne ; la reconnaissance des supériorités réelles ; l'économie des dépenses, l'augmentation des recettes par une meilleure entente de l'impôt, l'instruction pour tous, voilà les principaux points de ma politique, auxquels vous me trouverez fidèle. […] Je veux le pouvoir fort<ref>Lettre de Balzac à Zulma, {{Harvsp|Pierrot 1994|p=205}}.</ref>.}}
''[[Le Médecin de campagne]]'', publié en 1833, expose des opinions très conservatrices sur le suffrage électoral ({{citation|le droit d’élection ne doit être exercé que par les hommes qui possèdent la fortune, le pouvoir ou l’intelligence<ref>''[[s:Le Médecin de campagne/3|Le Médecin de campagne]]'', p. 423.</ref>}}), le droit d'aînesse, les classes sociales, le régime patriarcal<ref group=n>{{citation|Là, les mœurs sont patriarcales : l’autorité du père est illimitée, sa parole est souveraine ; il mange seul assis au haut bout de la table, sa femme et ses enfants le servent, ceux qui l’entourent ne lui parlent point sans employer certaines formules respectueuses, devant lui chacun se tient debout et découvert.}}, ''[[s:Le Médecin de campagne/2|Le Médecin de campagne]]'', {{p.|363}}.</ref> et la religion ({{citation|seule force qui puisse relier les Espèces sociales et leur donner une forme durable''<ref name=M363>''[[s:Le Médecin de campagne/2|Le Médecin de campagne]]'', p. 363.</ref>}}) —à tel point que cet ouvrage a été qualifié de propagande électorale<ref>[[François Ost]], dans {{Harvsp|Dissaux 2012|p=372}}.</ref>. En même temps, ce roman critique les classes oisives et met en scène un personnage de médecin qui se dévoue entièrement au service des malades et qui a prévu laisser par héritage un fonds de réserve qui permettrait à la commune {{citation|de payer plusieurs bourses à des enfants qui donneraient de l’espérance pour les arts ou pour les sciences<ref>''[[s:Le Médecin de campagne/2|Le Médecin de campagne]]'', {{p.|378}}.</ref>}}. Tout en reconnaissant l'existence des pauvres, et la nécessité de cette classe pour la prospérité d'un pays, il insiste sur la nécessité de la justice sociale : {{citation bloc|Une seule iniquité se multiplie par le nombre de ceux qui se sentent frappés en elle. Ce levain fermente. Ce n’est rien encore. Il en résulte un plus grand mal. Ces injustices entretiennent chez le peuple une sourde haine envers les supériorités sociales. Le bourgeois devient et reste l’ennemi du pauvre, qui le met hors la loi, le trompe et le vole. Pour le pauvre, le vol n’est plus ni un délit, ni un crime, mais une vengeance. Si, quand il s’agit de rendre justice aux petits, un administrateur les maltraite et filoute leurs droits acquis, comment pouvons-nous exiger de malheureux sans pain résignation à leurs peines et respect aux propriétés<ref>''[[s:Le Médecin de campagne/2|Le Médecin de campagne]]'', p. 375.</ref> ?}}


''[[Le Médecin de campagne]]'', publié en 1833, expose des opinions très conservatrices sur le suffrage électoral ({{citation|le droit d’élection ne doit être exercé que par les hommes qui possèdent la fortune, le pouvoir ou l’intelligence<ref>''[[s:Le Médecin de campagne/3|Le Médecin de campagne]]'', p. 423.</ref>}}), le droit d'aînesse, les classes sociales, le régime patriarcal<ref group=n>{{citation|Là, les mœurs sont patriarcales : l’autorité du père est illimitée, sa parole est souveraine ; il mange seul assis au haut bout de la table, sa femme et ses enfants le servent, ceux qui l’entourent ne lui parlent point sans employer certaines formules respectueuses, devant lui chacun se tient debout et découvert.}} ''[[s:Le Médecin de campagne/2|Le Médecin de campagne]]'', {{p.|363}}.</ref> et la religion ({{citation|seule force qui puisse relier les Espèces sociales et leur donner une forme durable<ref name=M363>''[[s:Le Médecin de campagne/2|Le Médecin de campagne]]'', p. 363.</ref>}}) {{incise|à tel point que cet ouvrage a été qualifié de propagande électorale|stop}}<ref>[[François Ost]], dans {{Harvsp|Dissaux 2012|p=372}}.</ref>. En même temps, ce roman critique les classes oisives et met en scène un personnage de médecin qui se dévoue entièrement au service des malades et qui a prévu de laisser par héritage un fonds de réserve qui permettrait à la commune {{citation|de payer plusieurs bourses à des enfants qui donneraient de l’espérance pour les arts ou pour les sciences<ref>''[[s:Le Médecin de campagne/2|Le Médecin de campagne]]'', {{p.|378}}.</ref>}}. Tout en reconnaissant l'existence des pauvres et la nécessité de cette classe pour la prospérité d'un pays, il insiste sur la nécessité de la justice sociale : {{citation bloc|Une seule iniquité se multiplie par le nombre de ceux qui se sentent frappés en elle. Ce levain fermente. Ce n’est rien encore. Il en résulte un plus grand mal. Ces injustices entretiennent chez le peuple une sourde haine envers les supériorités sociales. Le bourgeois devient et reste l’ennemi du pauvre, qui le met hors la loi, le trompe et le vole. Pour le pauvre, le vol n’est plus ni un délit, ni un crime, mais une vengeance. Si, quand il s’agit de rendre justice aux petits, un administrateur les maltraite et filoute leurs droits acquis, comment pouvons-nous exiger de malheureux sans pain résignation à leurs peines et respect aux propriétés<ref>''[[s:Le Médecin de campagne/2|Le Médecin de campagne]]'', p. 375.</ref> ?}}
Le meilleur régime politique est, selon lui, celui qui produit la plus grande énergie, qui s'obtient en concentrant l'autorité de l'État<ref name="Maurois 431">{{Harvsp|Maurois 1965|p=431}}.</ref>. Se disant en faveur d'un pouvoir absolu<ref group=n>George Sand nuance toutefois cette position : {{Citation|Un jour il revenait de Russie, et pendant un dîner où il était placé près de moi, il ne tarissait pas d'admiration sur les prodiges de l'autorité absolue. Son idéal était là, dans ce moment-là. Il raconta un trait féroce dont il avait été témoin et fut pris d'un rire qui avait quelque chose de convulsif. Je lui dis à l'oreille : Ça vous donne envie de pleurer, n'est-ce pas ? Il ne répondit rien, cessa de rire, comme si un ressort se fût brisé en lui, fut très sérieux tout le reste de la soirée et ne dit plus un mot sur la Russie}}. Cité dans {{Harvsp|Pierrot 1994|p=403}}.</ref>, il dénonce la permanente instabilité d'une démocratie représentative : {{Citation|Ce qu'on nomme un gouvernement représentatif est une tempête perpétuelle [...] Or, le propre d'un gouvernement est la fixité<ref name="Maurois 431"/>.}} Il craint les dangers du [[Populisme (politique)|populisme]] : {{Citation bloc|Sans être l’ennemi de l’Élection, principe excellent pour constituer la loi, je repousse l’Élection prise comme unique moyen social, et surtout aussi mal organisée qu’elle l’est aujourd’hui, car elle ne représente pas d’imposantes minorités aux idées, aux intérêts desquelles songerait un gouvernement monarchique. L’Élection, étendue à tout, nous donne le gouvernement par les masses, le seul qui ne soit point responsable, et où la tyrannie est sans bornes, car elle s’appelle la loi<ref name=AP24>''[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-propos]]'', {{p.|24}}.</ref>.}}


Le meilleur régime politique est, selon lui, celui qui produit la plus grande énergie, qui s'obtient en concentrant l'autorité de l'État<ref name="Maurois 431">{{Harvsp|Maurois 1965|p=431}}.</ref>. Se disant en faveur d'un pouvoir absolu<ref group="n">George Sand nuance toutefois cette position : {{Citation|Un jour il revenait de Russie, et pendant un dîner où il était placé près de moi, il ne tarissait pas d'admiration sur les prodiges de l'autorité absolue. Son idéal était là, dans ce moment-là. Il raconta un trait féroce dont il avait été témoin et fut pris d'un rire qui avait quelque chose de convulsif. Je lui dis à l'oreille : “Ça vous donne envie de pleurer, n'est-ce pas ?” Il ne répondit rien, cessa de rire, comme si un ressort se fût brisé en lui, fut très sérieux tout le reste de la soirée et ne dit plus un mot sur la Russie.}}. Cité dans {{Harvsp|Pierrot 1994|p=403}}.</ref>, il dénonce la permanente instabilité d'une démocratie représentative : {{Citation|Ce qu'on nomme un gouvernement représentatif est une tempête perpétuelle […] Or, le propre d'un gouvernement est la fixité<ref name="Maurois 431"/>.}}. Il fustige la possibilité démocratique de l'absence d'un pouvoir fort (en étendant l'élection à tous) et ainsi d'une tyrannie des masses minées par les intérêts de quelques-uns ; il souhaite garder une tête au sommet de l'État (comme au sein d'un gouvernement monarchique), afin de prévenir de telles dérives (à l'instar de [[Platon]] et de [[Alexis de Tocqueville|Tocqueville]]) : {{Citation bloc|Sans être l’ennemi de l’Élection, principe excellent pour constituer la loi, je repousse l’Élection prise comme unique moyen social, et surtout aussi mal organisée qu’elle l’est aujourd’hui, car elle ne représente pas d’imposantes minorités aux idées, aux intérêts desquelles songerait un gouvernement monarchique. L’Élection, étendue à tout, nous donne le gouvernement par les masses, le seul qui ne soit point responsable, et où la tyrannie est sans bornes, car elle s’appelle la loi<ref name=AP24>[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-propos]], {{p.|24}}.</ref>.}}
Il se fait volontiers l'avocat d'un régime où un petit groupe d'hommes de talent exercerait une dictature collective, comme dans ''[[Ferragus]]''<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=432}}.</ref>. Cette même idée qu'il suffit de rassembler quelques volontés fortes pour faire un coup d'État par la ruse et sans violence revient dans ''[[Le Contrat de mariage]]''<ref>''[[s:Le Contrat de mariage|Le Contrat de mariage]]'', {{p.|279}}.</ref>. Ailleurs, il fait l'éloge de [[Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord|Talleyrand]] et de [[Joseph Fouché|Fouché]], experts en manipulation et gestion du secret<ref>{{Harvsp|Marceau|p=413-414|texte=Marceau 1955}}.</ref>. Grand admirateur de Napoléon<ref group=n>Dans ''[[Le Médecin de campagne]]'', Balzac intitule un chapitre « Le Napoléon du peuple », dans lequel il présente le récit de l'épopée napoléonienne, fait à la veillée dans une grange, par un ex-fantassin de Napoléon, Goguelat. Balzac effleure ici un projet dont il avait tracé le plan et commencé la rédaction sous le titre : ''Les Batailles napoléoniennes''.</ref> et des êtres exceptionnels, Balzac ne croit pas à une égalité naturelle : {{Citation|L'égalité sera peut-être un ''droit'' mais aucune puissance humaine ne saurait le convertir en ''fait''<ref>{{Harvsp|Marceau|p=416|texte=Marceau 1955}}.</ref>}}. Il s'oppose au système des concours, convaincu que {{citation|jamais aucun effort administratif ou scolaire ne remplacera les miracles du hasard auquel on doit les grands hommes<ref>''[[s:Le Cousin Pons|Le Cousin Pons]]'', {{p.|388}}.</ref>}} et caricature les défenseurs de l'égalité en les présentant comme des ennemis du génie<ref group=n>{{citation|le génie est un odieux privilège à qui l’on accorde trop en France et nous serons forcés de démolir quelques-uns de nos grands hommes pour apprendre aux autres à savoir être simples citoyens.}}, ''[[s:Les Comédiens sans le savoir|Les Comédiens sans le savoir]]'', {{p.|203}}.</ref>.


Il se fait volontiers l'avocat d'un régime où un petit groupe d'hommes de talent exercerait une dictature collective, comme dans ''[[Ferragus]]''<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=432}}.</ref>. Cette même idée qu'il suffit de rassembler quelques volontés fortes pour faire un coup d'État par la ruse et sans violence revient dans ''[[Le Contrat de mariage]]''<ref>''[[s:Le Contrat de mariage|Le Contrat de mariage]]'', {{p.|279}}.</ref>. Ailleurs, il fait l'éloge de [[Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord|Talleyrand]] et de [[Joseph Fouché|Fouché]], experts en manipulation et gestion du secret<ref>{{Harvsp|Marceau|p=413-414|texte=Marceau 1955}}.</ref>. Grand admirateur de Napoléon<ref group="n">Dans ''[[Le Médecin de campagne]]'', Balzac intitule un chapitre « Le Napoléon du peuple », dans lequel il présente le récit de l'épopée napoléonienne, fait à la veillée dans une grange, par un ex-fantassin de Napoléon, Goguelat. Balzac effleure ici un projet dont il avait tracé le plan et commencé la rédaction sous le titre : ''Les Batailles napoléoniennes''.</ref> et des êtres exceptionnels, Balzac ne croit pas à une égalité naturelle : {{Citation|L'égalité sera peut-être un ''droit'' mais aucune puissance humaine ne saurait le convertir en ''fait''<ref>{{Harvsp|Marceau|p=416|texte=Marceau 1955}}.</ref>.}}. Il s'oppose au système des concours, convaincu que {{citation|jamais aucun effort administratif ou scolaire ne remplacera les miracles du hasard auquel on doit les grands hommes<ref>''[[s:Le Cousin Pons|Le Cousin Pons]]'', {{p.|388}}.</ref>}} et caricature les défenseurs de l'égalité en les présentant comme des ennemis du génie<ref group=n>{{citation|Le génie est un odieux privilège à qui l’on accorde trop en France et nous serons forcés de démolir quelques-uns de nos grands hommes pour apprendre aux autres à savoir être simples citoyens.}} ''[[s:Les Comédiens sans le savoir|Les Comédiens sans le savoir]]'', {{p.|203}}.</ref>.
===Programme économique===
[[Fichier:Claude Henri de Saint-Simon.jpg|vignette|upright|left|Les positions socio-économiques de Balzac s'inspirent des théories de [[Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint Simon|Claude Henri de Saint-Simon]].|alt=Dessin du buste d'un homme regardant vers sa gauche, cheveux noirs, visage aux traits fins, nez allongé]]
Au plan économique, il ne met pas en cause le principe de la propriété privée, mais en ébauche les limites. Il défend la liberté du travail, la liberté d'entreprendre et la liberté de la presse, rejoignant en cela les théories de [[Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint Simon|Saint-Simon]], qui associent de façon cohérente progrès social et progrès économique<ref>{{Harvsp|Métadier 1990|p=348}}.</ref>. Tout comme ce dernier, Balzac veut réorganiser la société en prenant pour base le travail : il fustige les oisifs et dénonce l'exploitation de l'homme par l'homme<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=429-431}}.</ref>. Il insiste sur l'importance de l'économie et le développement du commerce : {{citation|La vraie politique d’un pays doit tendre à l’affranchir de tout tribut envers l’étranger, mais sans le secours honteux des douanes et des prohibitions. L’industrie ne peut être sauvée que par elle-même, la concurrence est sa vie. Protégée, elle s’endort ; elle meurt par le monopole comme sous le tarif. Le pays qui rendra tous les autres ses tributaires sera celui qui proclamera la liberté commerciale, il se sentira la puissance manufacturière de tenir ses produits à des prix inférieurs à ceux de ses concurrents<ref>[[s:Le Médecin de campagne/1|Le Médecin de campagne]], {{p.|349}}.</ref>.}}


=== Programme économique ===
Cette importance qu'il attache à l'économie, plus qu'à la politique, le rapproche de Marx<ref>{{Harvsp|Métadier 1990|p=356}}.</ref>. Le critique marxiste [[Georg Lukács]] voit dans ''[[Illusions perdues]]'' {{Citation|l'épopée tragi-comique de la capitalisation de l'esprit, la transformation en marchandise de la littérature<ref>{{harvsp|Lukács 1967|p=50}}. Cité dans {{Harvsp|Dissaux 2012|p=371}}.</ref>}}. Dans un article de 1840, intitulé ''Sur les ouvriers'', Balzac va jusqu'à montrer des sympathies pour les idées de [[Charles Fourier|Fourier]], et il proposera même, en 1843, de publier un feuilleton intitulé ''Peines de cœur d'un vieux millionnaire'' dans le journal socialiste ''La Démocratie pacifique''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=356 et 402}}.</ref>.
[[Fichier:Claude Henri de Rouvroy.jpg|vignette|Les positions socio-économiques de Balzac s'inspirent des théories de [[Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint Simon|Claude Henri de Saint-Simon]].|alt=Dessin du buste d'un homme regardant vers sa gauche, cheveux noirs, visage aux traits fins, nez allongé.]]
Sur le plan économique, il ne met pas en cause le principe de la propriété privée, mais en ébauche les limites. Il défend la liberté du travail, la liberté d'entreprendre et la liberté de la presse, rejoignant en cela les théories de [[Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint Simon|Saint-Simon]], qui associent de façon cohérente progrès social et progrès économique<ref>{{Harvsp|Métadier 1990|p=348}}.</ref>. Tout comme ce dernier, Balzac veut réorganiser la société en prenant pour base le travail : il fustige les oisifs et dénonce l'exploitation de l'homme par l'homme<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=429-431}}.</ref>. Il insiste sur l'importance de l'économie et le développement du commerce : {{citation|La vraie politique d’un pays doit tendre à l’affranchir de tout tribut envers l’étranger, mais sans le secours honteux des douanes et des prohibitions. L’industrie ne peut être sauvée que par elle-même, la concurrence est sa vie. Protégée, elle s’endort ; elle meurt par le monopole comme sous le tarif. Le pays qui rendra tous les autres ses tributaires sera celui qui proclamera la liberté commerciale, il se sentira la puissance manufacturière de tenir ses produits à des prix inférieurs à ceux de ses concurrents<ref>[[s:Le Médecin de campagne/1|''Le Médecin de campagne'']], {{p.|349}}.</ref>.}}.


Cette importance qu'il attache à l'économie, plus qu'à la politique, le rapproche de Marx<ref>{{Harvsp|Métadier 1990|p=356}}.</ref>. Le critique marxiste [[Georg Lukács]] voit dans ''[[Illusions perdues]]'' {{Citation|l'épopée tragi-comique de la capitalisation de l'esprit, la transformation en marchandise de la littérature<ref>{{harvsp|Lukács 1967|p=50}}. Cité dans {{Harvsp|Dissaux 2012|p=371}}.</ref>}}. Dans un article de 1840, intitulé « Sur les ouvriers », Balzac va jusqu'à montrer des sympathies pour les idées de [[Charles Fourier|Fourier]], et il proposera même, en 1843, de publier un feuilleton intitulé ''Peines de cœur d'un vieux millionnaire'' dans le journal fouriériste ''[[La Démocratie pacifique]]''<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=356 et 402}}.</ref>.
Toutefois, [[Charles Fourier|Fourier]] est vivement critiqué et présenté comme fou dans ''[[Les Comédiens sans le savoir]]'' (1846). Dans ce même ouvrage, un pédicure révolutionnaire du nom de Publicola Masson énonce un programme d'égalitarisme total —absolument opposé aux idées de Balzac— dans lequel on pressent déjà l'essentiel du [[Manifeste du Parti communiste]] : {{citation|On fabriquera pour le compte de l’État, nous serons tous usufruitiers de la France… On y aura sa ration comme sur un vaisseau, et tout le monde y travaillera selon ses capacités<ref>''[[s:Les Comédiens sans le savoir|Les Comédiens sans le savoir]]'', {{p.|204}}.</ref>.}} Les protagonistes de ce récit rejettent le programme de Masson comme un tragique ''[[remake]]'' de 1793.


Toutefois, [[Charles Fourier|Fourier]] est vivement critiqué et présenté comme fou dans ''[[Les Comédiens sans le savoir]]'' (1846). Dans ce même ouvrage, un pédicure révolutionnaire du nom de Publicola Masson énonce un programme d'égalitarisme total {{incise|absolument opposé aux idées de Balzac}} dans lequel on pressent déjà l'essentiel du ''[[Manifeste du Parti communiste]]'' : {{citation|On fabriquera pour le compte de l’État, nous serons tous usufruitiers de la France […] On y aura sa ration comme sur un vaisseau, et tout le monde y travaillera selon ses capacités<ref>''[[s:Les Comédiens sans le savoir|Les Comédiens sans le savoir]]'', {{p.|204}}.</ref>.}}. Les protagonistes de ce récit rejettent le programme de Masson comme une tragique [[Remake|reprise]] de 1793.
===Positions sociales===

[[Fichier:Illustration du Médecin de campagne.png|vignette|Dessin de deux paysans dans ''[[Le Médecin de campagne]]'']]
=== Positions sociales ===
Balzac expose ses convictions politiques et sociales dans l'''Avant-propos'' à ''[[La Comédie humaine]]'', rédigé en 1842. Après les émeutes de 1840, il rappelle que le pouvoir en place n'existe que par et pour le peuple et que l'intérêt général doit l'emporter sur l'intérêt particulier : {{citation|Le pouvoir doit (...) protéger et défendre les déshérités, ne pas laisser une classe de la société dominer le gouvernement<ref>{{Harvsp|Métadier 1990|p=353}}.</ref>.}} Il revient sur cette question en 1848 : {{Citation|Un État où les bons et sages ouvriers, en travaillant tant qu'ils veulent, tant qu'ils peuvent, ne trouvent pas l'aisance pour leur famille, cet État est mal ordonné<ref>{{Harvsp|Béguin 1946|p=139}}.</ref>.}} Toutefois, les ouvriers sont absents de son univers, comme s'il en avait peur, et les paysans sont présentés comme des êtres brutaux, cupides et égoïstes<ref>{{Harvsp|Béguin 1946|p=142 et 144}}.</ref>. En revanche, {{citation|un pays est fort quand il se compose de familles riches, dont tous les membres sont intéressés à la défense du trésor commun<ref>[[s:Mémoires de deux jeunes mariées/Chapitre 12|''Mémoires de deux jeunes mariées'']], {{p.|45}}.</ref>.}} Fasciné par la noblesse, il la montre inéluctablement absorbée par la bourgeoisie et incapable de s'adapter aux réalités nouvelles ; il n'est pas plus tendre envers la bourgeoisie et dit vouloir peindre, dans ''[[Les Petits Bourgeois|Les Petits Bourgeois de Paris]]'', le « Tartuffe-démocrate-philanthrope » de la bourgeoisie de 1830<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=408}}.</ref>. Il pressent, selon certains, {{Citation|la victoire des masses qui absorberont un jour la bourgeoisie comme la bourgeoisie a absorbé la noblesse<ref>{{Harvsp|Métadier 1990|p=357}}.</ref>}}.
[[Fichier:Illustration du Médecin de campagne.png|vignette|gauche|Dessin de deux paysans dans ''[[Le Médecin de campagne]]''.]]
Balzac expose ses convictions politiques et sociales dans l'avant-propos à ''[[La Comédie humaine]]'', rédigé en 1842. Après les émeutes de 1840, il rappelle que le pouvoir en place n'existe que par et pour le peuple et que l'intérêt général doit l'emporter sur l'intérêt particulier : {{citation|Le pouvoir doit […] protéger et défendre les déshérités, ne pas laisser une classe de la société dominer le gouvernement<ref>{{Harvsp|Métadier 1990|p=353}}.</ref>.}}. Il revient sur cette question en 1848 : {{Citation|Un État où les bons et sages ouvriers, en travaillant tant qu'ils veulent, tant qu'ils peuvent, ne trouvent pas l'aisance pour leur famille, cet État est mal ordonné<ref>{{Harvsp|Béguin 1946|p=139}}.</ref>.}}. Toutefois, les ouvriers sont absents de son univers, comme s'il en avait peur, et les paysans sont présentés comme des êtres brutaux, cupides et égoïstes<ref>{{Harvsp|Béguin 1946|p=142 et 144}}.</ref>. En revanche, {{citation|un pays est fort quand il se compose de familles riches, dont tous les membres sont intéressés à la défense du trésor commun<ref>[[s:Mémoires de deux jeunes mariées/Chapitre 12|''Mémoires de deux jeunes mariées'']], {{p.|45}}.</ref>.}}. Fasciné par la noblesse, il la montre inéluctablement absorbée par la bourgeoisie et incapable de s'adapter aux réalités nouvelles ; il n'est pas plus tendre envers la bourgeoisie et dit vouloir peindre, dans ''[[Les Petits Bourgeois|Les Petits Bourgeois de Paris]]'', le « Tartuffe-démocrate-philanthrope » de la bourgeoisie de 1830<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=408}}.</ref>. Il pressent, selon certains, {{Citation|la victoire des masses qui absorberont un jour la bourgeoisie comme la bourgeoisie a absorbé la noblesse<ref>{{Harvsp|Métadier 1990|p=357}}.</ref>}}.


Dans ses romans, les forces sociales et les institutions ne sont jamais présentées comme des abstractions, mais sont incarnées dans des personnages qui ont chacun une histoire, des intérêts particuliers, engagés dans des intrigues. Les tribunaux sont composés de juges dont Balzac {{citation|décrit précisément l'origine sociale et les perspectives de carrière}}, de sorte qu'on peut voir ces institutions comme liées objectivement à des intérêts de classe<ref>{{Harvsp|Lukács 1967|p=41-42}}.</ref>.
Dans ses romans, les forces sociales et les institutions ne sont jamais présentées comme des abstractions, mais sont incarnées dans des personnages qui ont chacun une histoire, des intérêts particuliers, engagés dans des intrigues. Les tribunaux sont composés de juges dont Balzac {{citation|décrit précisément l'origine sociale et les perspectives de carrière}}, de sorte qu'on peut voir ces institutions comme liées objectivement à des intérêts de classe<ref>{{Harvsp|Lukács 1967|p=41-42}}.</ref>.


Si, à certains égards, Balzac est assez éloigné des idées politiques de [[Victor Hugo]] et de [[Gustave Flaubert|Flaubert]], son message est plus complexe qu'il n'y paraît à première vue. Selon [[Alain (philosophe)|Alain]], {{Citation|il soutient le trône et l'autel sans croire ni à l'un ni à l'autre<ref>Cité par {{Harvsp|Maurois 1965|p=432}}.</ref>}}. [[Friedrich Engels|Engels]], qui avait lu Balzac sur la recommandation de [[Karl Marx|Marx]], disait qu’il avait plus appris sur la société du {{s-|XIX|e}} dans ''La Comédie humaine'' que dans tous les livres des historiens, économistes et statisticiens professionnels<ref>{{Harvsp|Vannier 1984|p=133}}.</ref>. Même constat de la part de Zola : {{citation|Balzac est à nous, Balzac, le royaliste, le catholique a travaillé pour la république, pour les sociétés et les religions libres de l’avenir<ref>{{ouvrage|auteur1=[[Émile Zola]]|titre=Œuvres complètes|tome=X|passage=925}}.</ref>.}} De fait, dans ''La Comédie humaine'', les républicains sont toujours des personnages austères, probes et intransigeants<ref>{{Harvsp|Métadier 1990|p=354}}.</ref>.
Si, à certains égards, Balzac est assez éloigné des idées politiques de [[Victor Hugo]] et de [[Gustave Flaubert|Flaubert]], son message est plus complexe qu'il n'y paraît à première vue. Selon [[Alain (philosophe)|Alain]], {{Citation|il soutient le trône et l'autel sans croire ni à l'un ni à l'autre<ref>Cité par {{Harvsp|Maurois 1965|p=432}}.</ref>}}. [[Friedrich Engels|Engels]], qui avait lu Balzac sur la recommandation de [[Karl Marx|Marx]], disait qu’il avait plus appris sur la société du {{s-|XIX|e}} dans ''La Comédie humaine'' que dans tous les livres des historiens, économistes et statisticiens professionnels<ref>{{Harvsp|Vannier 1984|p=133}}.</ref>. Même constat de la part de Zola : {{citation|Balzac est à nous, Balzac, le royaliste, le catholique a travaillé pour la république, pour les sociétés et les religions libres de l’avenir<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Émile Zola]]|titre=Œuvres complètes|tome=X|éditeur=|année=|passage=925|isbn=}}.</ref>.}} De fait, dans ''La Comédie humaine'', les républicains sont toujours des personnages austères, probes et intransigeants<ref>{{Harvsp|Métadier 1990|p=354}}.</ref>.
{{encadré texte
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|texte={{citation|À la honte des hommes, quand j’ai voulu donner une poignée de main à la vertu, je l’ai trouvée grelottant dans un grenier, poursuivie de calomnies, vivotant avec quinze cents francs de rente ou d’appointements, et passant pour une folle, pour une originale ou une bête.}}
|texte={{citation|À la honte des hommes, quand j’ai voulu donner une poignée de main à la vertu, je l’ai trouvée grelottant dans un grenier, poursuivie de calomnies, vivotant avec quinze cents francs de rente ou d’appointements, et passant pour une folle, pour une originale ou une bête.}}
''L'Interdiction''<ref>''[[s:L'Interdiction|L'Interdiction]]'', {{p.|125}}</ref>|
''L'Interdiction''<ref>''[[s:L'Interdiction|L'Interdiction]]'', {{p.|125}}.</ref>|
}}
}}

Alors que le sociologue et le politique sont du côté de la droite et du conservatisme, l'écrivain pose un constat dévastateur sur la société qu'il dépeint et le capitalisme conquérant<ref>{{Article|prénom1=Jean-Claude|nom1=Lebrun|lien auteur1=Jean-Claude Lebrun|url=http://www.humanite.fr/node/382909|titre=Anniversaire. Il y a deux cents ans naissait Balzac|périodique=L'Humanité|jour=27|mois=mai|année=1999|lien périodique=l'Humanité}}.</ref> : {{Citation|Chacun sait que ce gros homme entendait faire une œuvre de défense et illustration des valeurs de défense sociale, voire de l'ordre moral, et qu'il a dressé, en fait, le plus formidable acte d'accusation qui ait jamais été lancé contre une civilisation<ref>{{Harvsp|Barbéris 1973|p=19}}.</ref>.}} Cette condamnation, qui ne porte pas seulement sur la société qu'il a sous les yeux mais sur tout ordre social, est une invitation à l'anarchisme et à la révolte<ref>{{Harvsp|Guyon 1947|p=697}}.</ref>. Mais cet anarchisme peut facilement céder la place à un autoritarisme à tendances totalitaires<ref>{{Harvsp|Guyon 1947|p=699}}.</ref> :
Alors que le sociologue et le politique sont du côté de la droite et du conservatisme, l'écrivain pose un constat dévastateur sur la société qu'il dépeint et le capitalisme conquérant<ref>{{Article|prénom1=Jean-Claude|nom1=Lebrun|lien auteur1=Jean-Claude Lebrun|url=https://www.humanite.fr/node/382909|titre=Anniversaire. Il y a deux cents ans naissait Balzac|périodique=L'Humanité|jour=27|mois=mai|année=1999|lien périodique=L'Humanité}}.</ref> : {{Citation|Chacun sait que ce gros homme entendait faire une œuvre de défense et illustration des valeurs de défense sociale, voire de l'ordre moral, et qu'il a dressé, en fait, le plus formidable acte d'accusation qui ait jamais été lancé contre une civilisation<ref>{{Harvsp|Barbéris 1973|p=19}}.</ref>.}}. Cette condamnation, qui ne porte pas seulement sur la société qu'il a sous les yeux mais sur tout ordre social, est une invitation à l'anarchisme et à la révolte<ref>{{Harvsp|Guyon 1947|p=697}}.</ref>. Mais cet anarchisme peut facilement céder la place à un autoritarisme à tendances totalitaires<ref>{{Harvsp|Guyon 1947|p=699}}.</ref> :
{{citation bloc|Qu’est-ce que la France de 1840 ? un pays exclusivement occupé d’intérêts matériels, sans patriotisme, sans conscience, où le pouvoir est sans force, où l’Élection, fruit du libre arbitre et de la liberté politique, n’élève que les médiocrités, où la force brutale est devenue nécessaire contre les violences populaires, et où la discussion, étendue aux moindres choses, étouffe toute action du corps politique ; où l’argent domine toutes les questions, et où l’individualisme, produit horrible de la division à l’infini des héritages qui supprime la famille, dévorera tout, même la nation, que l’égoïsme livrera quelque jour à l’invasion<ref>[[s:Sur Catherine de Médicis/Introduction|Introduction à ''Sur Catherine de Médicis'']], {{p.|474}}.</ref>.}}
{{citation bloc|Qu’est-ce que la France de 1840 ? un pays exclusivement occupé d’intérêts matériels, sans patriotisme, sans conscience, où le pouvoir est sans force, où l’Élection, fruit du libre arbitre et de la liberté politique, n’élève que les médiocrités, où la force brutale est devenue nécessaire contre les violences populaires, et où la discussion, étendue aux moindres choses, étouffe toute action du corps politique ; où l’argent domine toutes les questions, et où l’individualisme, produit horrible de la division à l’infini des héritages qui supprime la famille, dévorera tout, même la nation, que l’égoïsme livrera quelque jour à l’invasion<ref>[[s:Sur Catherine de Médicis/Introduction|Introduction à ''Sur Catherine de Médicis'']], {{p.|474}}.</ref>.}}


===Mariage et condition féminine===
=== Mariage et condition féminine ===
[[Fichier:BalzacMemoirsYoungWives01.jpg|vignette|Couverture de ''[[Mémoires de deux jeunes mariées]]'' (1842)|alt=Un homme s'adresse à une jeune femme en train d'écrire à sa table sur une terrasse qui domine un parc.]]
[[Fichier:BalzacMemoirsYoungWives01.jpg|vignette|Couverture de ''[[Mémoires de deux jeunes mariées]]'' (1842).|alt=Un homme s'adresse à une jeune femme en train d'écrire à sa table sur une terrasse qui domine un parc.]]
Le mariage et la condition féminine sont chez Balzac des thèmes dominants, qu'il analyse sous diverses formes<ref>{{Harvsp|Michel 1978|p=11}}.</ref>. Estimant que {{citation|La femme porte le désordre dans la société par la passion<ref>[[s:Illusions perdues/Un grand homme de province à Paris|''Illusions perdues'']], p. 172.</ref>}}, il consacre de nombreux romans à mettre en scène les configurations que peut prendre ce « désordre ». En cela, il est conscient de faire œuvre nouvelle et d'explorer des territoires jusque-là laissés dans l'ombre : {{citation|Il se jouait en effet à La Baudraye une de ces longues et monotones tragédies conjugales qui demeureraient éternellement inconnues, si l’avide scalpel du Dix-Neuvième Siècle n’allait pas, conduit par la nécessité de trouver du nouveau, fouiller les coins les plus obscurs du cœur, ou, si vous voulez, ceux que la pudeur des siècles précédents avait respectés<ref>[[s:La Muse du département (ed. Houssiaux)|''La Muse du département'']], p. 374.</ref>.}}
Le mariage et la condition féminine sont chez Balzac des thèmes dominants, qu'il analyse sous diverses formes<ref>{{Harvsp|Michel 1978|p=11}}.</ref>. Estimant que {{citation|la femme porte le désordre dans la société par la passion<ref>[[s:Illusions perdues/Un grand homme de province à Paris|''Illusions perdues'']], p. 172.</ref>}}, il consacre de nombreux romans à mettre en scène les configurations que peut prendre ce « désordre ». En cela, il est conscient de faire œuvre nouvelle et d'explorer des territoires jusque-là laissés dans l'ombre : {{citation|Il se jouait en effet à La Baudraye une de ces longues et monotones tragédies conjugales qui demeureraient éternellement inconnues, si l’avide scalpel du Dix-Neuvième Siècle n’allait pas, conduit par la nécessité de trouver du nouveau, fouiller les coins les plus obscurs du cœur, ou, si vous voulez, ceux que la pudeur des siècles précédents avait respectés<ref>[[s:La Muse du département (ed. Houssiaux)|''La Muse du département'']], p. 374.</ref>.}}.


Étant donné que la famille constitue le véritable élément social et non l'individu<ref>[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-Propos à La Comédie humaine]], {{p.|24}}.</ref>, la maternité est présentée comme l'accomplissement ultime de la femme : {{citation|une femme qui n'est pas mère est un être incomplet et manqué<ref>[[s:Mémoires de deux jeunes mariées/Chapitre 31|''Mémoires de deux jeunes mariées'']].</ref>.}} Un mariage réussi doit donc reposer sur la raison et l'intérêt partagé plutôt que sur l'amour ou, pire, la passion : {{citation|le mariage ne saurait avoir pour base la passion, ni même l'amour<ref name=Mem191/>.}} Défenseur de l'institution du mariage, vu essentiellement comme un arrangement financier<ref>Voir par exemple ''[[s:Le Cousin Pons|Le Cousin Pons]]'', {{p.|445-446}} ou ''[[Le Contrat de mariage]]''.</ref>, le romancier s'oppose au divorce : {{citation|rien ne prouve mieux la nécessité d’un mariage indissoluble que l’instabilité de la passion. Les deux sexes doivent être enchaînés comme des bêtes féroces qu’ils sont, dans des lois fatales sourdes et muettes<ref>[[s:Autre étude de femme|''Autre étude de femme'']], {{p.|432}}.</ref>.}} Il rejette donc le féminisme saint-simonien qui vise à l'émancipation de la femme : {{citation|le féminisme balzacien est féminisme du mariage — la femme doit trouver sa liberté en assumant son esclavage<ref>{{Harvsp|Michel 1978|p=324}}.</ref>.}} Dans ''[[Mémoires de deux jeunes mariées]]'', cette conception du mariage est illustrée par les destins contrastés des deux protagonistes et de nombreuses déclarations explicites : {{citation|Oui, la femme est un être faible qui doit, en se mariant, faire un entier sacrifice de sa volonté à l’homme, qui lui doit en retour le sacrifice de son égoïsme<ref name=Mem191>[[s:Mémoires de deux jeunes mariées/Chapitre 57|''Mémoires de deux jeunes mariées'']], {{p.|191}}.</ref>.}}
Étant donné que la famille constitue le véritable élément social et non l'individu<ref>[[s:Avant-Propos de La Comédie humaine|Avant-propos à ''La Comédie humaine'']], {{p.|24}}.</ref>, la maternité est présentée comme l'accomplissement ultime de la femme : {{citation|Une femme qui n'est pas mère est un être incomplet et manqué<ref>[[s:Mémoires de deux jeunes mariées/Chapitre 31|''Mémoires de deux jeunes mariées'']].</ref>.}}. Un mariage réussi doit donc reposer sur la raison et l'intérêt partagé plutôt que sur l'amour ou, pire, la passion : {{citation|le mariage ne saurait avoir pour base la passion, ni même l'amour<ref name=Mem191/>.}}. Défenseur de l'institution du mariage, vu essentiellement comme un arrangement financier<ref>Voir par exemple ''[[s:Le Cousin Pons|Le Cousin Pons]]'', {{p.|445-446}} ou ''[[Le Contrat de mariage]]''.</ref>, le romancier s'oppose au divorce : {{citation|Rien ne prouve mieux la nécessité d’un mariage indissoluble que l’instabilité de la passion. Les deux sexes doivent être enchaînés comme des bêtes féroces qu’ils sont, dans des lois fatales sourdes et muettes<ref>[[s:Autre étude de femme|''Autre étude de femme'']], {{p.|432}}.</ref>.}}. Il rejette donc le féminisme saint-simonien qui vise à l'émancipation de la femme : {{citation|le féminisme balzacien est féminisme du mariage — la femme doit trouver sa liberté en assumant son esclavage<ref>{{Harvsp|Michel 1978|p=324}}.</ref>.}}. Dans ''[[Mémoires de deux jeunes mariées]]'', cette conception du mariage est illustrée par les destins contrastés des deux protagonistes et de nombreuses déclarations explicites : {{citation|Oui, la femme est un être faible qui doit, en se mariant, faire un entier sacrifice de sa volonté à l’homme, qui lui doit en retour le sacrifice de son égoïsme<ref name=Mem191>[[s:Mémoires de deux jeunes mariées/Chapitre 57|''Mémoires de deux jeunes mariées'']], {{p.|191}}.</ref>.}}.


Enfin, le législateur devrait tout mettre en œuvre pour maintenir la famille au lieu d'encourager l'individualisme par les lois napoléoniennes sur les successions, qui ont aboli le [[droit d'aînesse]] : {{citation|En proclamant l’égalité des droits à la succession paternelle, ils ont tué l’esprit de famille, ils ont créé le fisc ! Mais ils ont préparé la faiblesse des supériorités et la force aveugle de la masse, l’extinction des arts, le règne de l’intérêt personnel et frayé les chemins à la Conquête<ref>''[[s:Mémoires de deux jeunes mariées/Chapitre 12|Mémoires de deux jeunes mariées]]'', {{p.|45}}.</ref>.}}
Enfin, le législateur devrait tout mettre en œuvre pour maintenir la famille au lieu d'encourager l'individualisme par les lois napoléoniennes sur les successions, qui ont aboli le [[droit d'aînesse]] : {{citation|En proclamant l’égalité des droits à la succession paternelle, ils ont tué l’esprit de famille, ils ont créé le fisc ! Mais ils ont préparé la faiblesse des supériorités et la force aveugle de la masse, l’extinction des arts, le règne de l’intérêt personnel et frayé les chemins à la Conquête}}<ref>''[[s:Mémoires de deux jeunes mariées/Chapitre 12|Mémoires de deux jeunes mariées]]'', {{p.|45}}.</ref>.


En même temps, le romancier maintient sa foi dans un idéal d'amour partagé, même si celui-ci se brise constamment contre la réalité. À partir de 1836, on note chez lui un pessimisme grandissant et un {{citation|féminisme tragique}}<ref>{{Harvsp|Michel 1978|p=328}}.</ref>. Demandant à la femme {{citation|un amour qui se renonce, il a trop profond le sentiment de la souffrance pour la juger<ref>{{Harvsp|Michel 1978|p=329}}.</ref>.}} Il met en scène des amours coupables et de nombreux personnages de femme mal mariée, humiliée, adultère. Cela lui vaudra un lectorat féminin enthousiaste, comme en témoigne un récit de [[Sainte-Beuve]], selon lequel une épouse arrêtée par la police alors qu'elle s'enfuyait avec son amant aurait, pour se défendre, débité au juge des pages de Balzac<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=569}}.</ref>.
En même temps, le romancier maintient sa foi dans un idéal d'amour partagé, même si celui-ci se brise constamment contre la réalité. À partir de 1836, on note chez lui un pessimisme grandissant et un {{citation|féminisme tragique}}<ref>{{Harvsp|Michel 1978|p=328}}.</ref>. Demandant à la femme {{citation|un amour qui se renonce, il a trop profond le sentiment de la souffrance pour la juger}}<ref>{{Harvsp|Michel 1978|p=329}}.</ref>. Il met en scène des amours coupables et de nombreux personnages de femmes mal mariées, humiliées, adultères. Cela lui vaudra un lectorat féminin enthousiaste, comme en témoigne un récit de [[Charles-Augustin Sainte-Beuve|Sainte-Beuve]], selon lequel une épouse arrêtée par la police alors qu'elle s'enfuyait avec son amant aurait, pour se défendre, débité au juge des pages de Balzac<ref>{{Harvsp|Baudouin 2008|p=569}}.</ref>.


===La religion===
=== La religion ===
[[Fichier:BalzacVillageCure01.jpg|vignette|Confession publique de {{Mme}} Graslin dans ''[[s:Le Curé de village/5|Le Curé de village]]'', {{p.|717}} |alt=Femme à genoux dans un salon, encadrée par deux prêtres alors qu'une autre femme, sur le côté, a le visage caché dans un mouchoir.]]
[[Fichier:BalzacVillageCure01.jpg|vignette|Confession publique de {{Mme}} Graslin dans ''[[s:Le Curé de village/5|Le Curé de village]]'', {{p.|717}}. |alt=Femme à genoux dans un salon, encadrée par deux prêtres alors qu'une autre femme, sur le côté, a le visage caché dans un mouchoir.]]
Dans ses premiers essais et romans de jeunesse, Balzac est extrêmement critique à l'égard de la religion et multiplie les attaques contre le clergé, présentant dans ''[[Le Vicaire des Ardennes]]'' des abbés et prélats incroyants, mondains et dissolus. Il critique aussi le culte catholique et s'en prend volontiers aux {{citation|séductions de la cupidité sacerdotale<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=138}}.</ref>.}} À partir de 1829, toutefois, on note le début d'un changement d'attitude et une évolution vers le [[catholicisme]]. Dans des articles de journaux publiés en 1830 et signés d'un pseudonyme, il personnifie l'Église sous les traits d'une vieille édentée, écroulée dans le ruisseau et qui ne remue plus que faiblement<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=194}}.</ref>. Toutefois, quelques mois plus tard, il est choqué en voyant la foule mettre à sac l'église de [[Saint-Germain-l'Auxerrois]] en février 1831 et se range du côté de la religion, qui lui {{citation|apparaît comme un instrument de force et de puissance<ref name=Bert197/>.}} Cette évolution coïncide avec le début de ses relations avec la duchesse de Castries, qui renforce {{citation|la conception étriquée et égoïste d'un catholicisme défenseur de l'ordre social<ref name=Bert197>{{Harvsp|Bertault 1980|p=197}}.</ref>.}} Il traduit son adhésion au catholicisme dans une série de récits où éclate l'ardeur du néophyte : ''[[Jésus-Christ en Flandre]]'' (1831), ''[[Melmoth réconcilié]]'' (1835) et ''[[La Messe de l'athée]]'' (1836). Il s'agit cependant d'une adhésion de la sensibilité plutôt que d'une démarche intellectuelle : {{citation|Mais, d'ailleurs, sur quoi se fondent les croyances religieuses ? Sur le sentiment de l'infini qui est en nous, qui nous prouve une autre nature, qui nous mène par une déduction sévère à la religion, à l'espoir<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=219}}.</ref>.}}
Dans ses premiers essais et romans de jeunesse, Balzac est extrêmement critique à l'égard de la religion et multiplie les attaques contre le clergé, présentant dans ''[[Le Vicaire des Ardennes]]'' des abbés et prélats incroyants, mondains et dissolus. Il critique aussi le culte catholique et s'en prend volontiers aux {{citation|séductions de la cupidité sacerdotale}}<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=138}}.</ref>. À partir de 1829, toutefois, on note le début d'un changement d'attitude et une évolution vers le [[catholicisme]]. Dans des articles de journaux publiés en 1830 et signés d'un pseudonyme, il personnifie l'Église sous les traits d'une vieille édentée, écroulée dans le ruisseau et qui ne remue plus que faiblement<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=194}}.</ref>. Toutefois, quelques mois plus tard, il est choqué en voyant la foule des émeutiers favorables à la [[monarchie de Juillet]] mettre à sac l'église [[Saint-Germain-l'Auxerrois]] en {{date-|février 1831}} et il se range du côté de la religion, qui lui {{citation|apparaît comme un instrument de force et de puissance<ref name=Bert197/>}}. Cette évolution coïncide avec le début de ses relations avec la duchesse de Castries, qui renforce {{citation|la conception étriquée et égoïste d'un catholicisme défenseur de l'ordre social<ref name=Bert197>{{Harvsp|Bertault 1980|p=197}}.</ref>}}. Il traduit son adhésion au catholicisme dans une série de récits où éclate l'ardeur du néophyte : ''[[Jésus-Christ en Flandre]]'' (1831), ''[[Melmoth réconcilié]]'' (1835) et ''[[La Messe de l'athée]]'' (1836). Il s'agit cependant d'une adhésion de la sensibilité plutôt que d'une démarche intellectuelle : {{citation|Mais, d'ailleurs, sur quoi se fondent les croyances religieuses ? Sur le sentiment de l'infini qui est en nous, qui nous prouve une autre nature, qui nous mène par une déduction sévère à la religion, à l'espoir}}<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=219}}.</ref>.


À la religion, il assigne pour rôle essentiel de sauvegarder la paix sociale : {{Citation|Le christianisme, et surtout le catholicisme, étant (...) un système complet de répression des tendances dépravées de l’homme, est le plus grand élément d’Ordre Social<ref name=AP24/>.}} Il pousse le cynisme jusqu'à faire dire à un de ses personnages : {{citation|La religion, Armand, est, vous le voyez, le lien des principes conservateurs qui permettent aux riches de vivre tranquilles<ref>[[s:La Duchesse de Langeais|''La Duchesse de Langeais'']], {{p.|173}}.</ref>.}} Il fait toutefois une distinction entre l'aspect politique de sa croyance et sa conviction intime : {{Citation|Politiquement, je suis de la religion catholique, je suis du côté de [[Jacques-Bénigne Bossuet|Bossuet]] et de [[Louis de Bonald|Bonald]], et ne dévierai jamais. Devant Dieu, je suis de la religion de [[Jean (apôtre)|saint Jean]], de l'Église mystique, la seule qui ait conservé la vraie doctrine. Ceci est le fond de mon cœur<ref>Lettre à {{Mme}} [[Ewelina Hańska|Hańska]], 12 juillet 1842. Cité par {{Harvsp|Ambrière 1999|p=63}}.</ref>.}}
À la religion, il assigne pour rôle essentiel de sauvegarder la paix sociale : {{Citation|Le christianisme, et surtout le catholicisme, étant […] un système complet de répression des tendances dépravées de l’homme, est le plus grand élément d’Ordre Social}}<ref name=AP24/>. Il pousse le cynisme jusqu'à faire dire à un de ses personnages : {{citation|La religion, Armand, est, vous le voyez, le lien des principes conservateurs qui permettent aux riches de vivre tranquilles}}<ref>[[s:La Duchesse de Langeais|''La Duchesse de Langeais'']], {{p.|173}}.</ref>. Il fait toutefois une distinction entre l'aspect politique de sa croyance et sa conviction intime : {{Citation|Politiquement, je suis de la religion catholique, je suis du côté de [[Jacques-Bénigne Bossuet|Bossuet]] et de [[Louis de Bonald|Bonald]], et ne dévierai jamais. Devant Dieu, je suis de la religion de [[Jean (apôtre)|saint Jean]], de l'Église mystique, la seule qui ait conservé la vraie doctrine. Ceci est le fond de mon cœur}}<ref>Lettre à {{Mme}} [[Ewelina Hańska|Hańska]], 12 juillet 1842. Cité par {{Harvsp|Ambrière 1999|p=63}}.</ref>.


Dans ses romans, la figure du prêtre est surtout développée dans ''[[Le Médecin de campagne]]'', ''[[Le Curé de village]]'', ''[[Les Paysans]]'', ''[[Ursule Mirouët]]'' et ''[[L'Envers de l'histoire contemporaine]]''. La vie monastique est évoquée de biais, chez des personnages qui se détournent des plaisirs du monde afin de poursuivre leur mission, tels Raphaël (''[[Louis Lambert]]''), Bénassis (''[[Le Médecin de campagne]]'') et Félix de Vandenesse (''[[Le Lys dans la vallée]]''). Quant à la charité, elle est incarnée, dans ''[[L'Envers de l'histoire contemporaine]]'', par la Confrérie de la consolation, dont l'inspiratrice est Madame de La Chanterie, un personnage d'un héroïsme et d'une abnégation surhumaine, dont le détachement absolu traduirait de la part de Balzac une {{citation|compréhension totale du sens catholique<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=275}}.</ref>.}} L'Église se rachète donc par ses œuvres de charité et son action de bienfaisance sociale, que Balzac exalte souvent à l'encontre de « la peste philanthropique »<ref>[[s:Le Cousin Pons|''Le Cousin Pons'']], {{p.|387}}.</ref>.
Dans ses romans, la figure du prêtre est surtout développée dans ''[[Le Médecin de campagne]]'', ''[[Le Curé de village]]'', ''[[Les Paysans]]'', ''[[Ursule Mirouët]]'' et ''[[L'Envers de l'histoire contemporaine]]''. La vie monastique est évoquée de biais, chez des personnages qui se détournent des plaisirs du monde afin de poursuivre leur mission, tels Raphaël (''[[Louis Lambert]]''), Bénassis (''[[Le Médecin de campagne]]'') et Félix de Vandenesse (''[[Le Lys dans la vallée]]''). Quant à la charité, elle est incarnée, dans ''[[L'Envers de l'histoire contemporaine]]'', par la Confrérie de la consolation, dont l'inspiratrice est madame de La Chanterie, un personnage d'un héroïsme et d'une abnégation surhumaine, dont le détachement absolu traduirait de la part de Balzac une {{citation|compréhension totale du sens catholique}}<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=275}}.</ref>. L'Église se rachète donc par ses œuvres de charité et son action de bienfaisance sociale, que Balzac exalte souvent à l'encontre de {{Citation|la peste philanthropique}}<ref>[[s:Le Cousin Pons|''Le Cousin Pons'']], {{p.|387}}.</ref>.
[[Fichier:Lucas van Leyden - Kartenlegerin - 1200 dpi.jpg|thumb|Lucas van Leyden, ''La Tireuse de cartes'', 1508. Balzac met en scène dans plusieurs romans une séance de cartomancie chez {{Mme}} Fontaine.]]
Le catholicisme de Balzac est toutefois suspect aux yeux des catholiques, car il fait de [[Jésus-Christ|Jésus]] un homme comme un autre, qui n'a rien de divin, et dont les guérisons miraculeuses sont expliquées par des phénomènes d'ordre magnétique et naturel<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=350-353}}.</ref>. Ainsi que l'auteur l'expose dans ''[[Séraphîta]]'', Jésus est un homme qui a pu s'élever jusqu'à l'angélisation totale au terme de trois stades d'élévation spirituelle<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=322-329}}.</ref>. Comme l'écrit ''[[Louis Lambert]]'' : {{citation|Jésus était ''Spécialiste'', il voyait le fait dans ses racines et dans ses productions, dans le passé qui l’avait engendré, dans le présent où il se manifestait, dans l’avenir où il se développait ; sa vue pénétrait l’entendement d’autrui<ref>[[s:Louis Lambert|''Louis Lambert'']], {{p.|202}}.</ref>.}}


[[Fichier:Lucas van Leyden - The fortune teller.jpg|thumb|Lucas van Leyden, ''La Tireuse de cartes'' (1508). Balzac met en scène dans plusieurs romans une séance de cartomancie chez {{Mme}} Fontaine.]]
Adepte de l'[[occultisme]] et du [[Magnétisme animal|magnétisme]], Balzac essaie d'expliquer le phénomène religieux par ces faits « scientifiques »<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=335-347}}.</ref>. L'[[illuminisme]] est sa religion personnelle<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=369}}.</ref>. Il expose sa croyance aux sciences occultes dans ses derniers romans, ''[[Les Comédiens sans le savoir]]'' et ''[[Le Cousin Pons]]'', où il relate une séance de divination chez une [[cartomancie|tireuse de cartes]]<ref group=n>Le « grand jeu à cent francs » dans ''[[s:Le Cousin Pons|Le Cousin Pons]]'', {{p.|484-490}} et le « jeu à cinq francs » dans ''[[s:Les Comédiens sans le savoir|Les Comédiens sans le savoir]]'', {{p.|191-195}}.</ref>. Il est donc resté toute sa vie un disciple de [[Swedenborg]] et de [[Louis-Claude de Saint-Martin]], fidèle à une tradition mystique qui passe par [[Thérèse d'Avila|sainte Thérèse]] et [[Jakob Böhme]]<ref group=n>Balzac écrit : {{citation|La théologie mystique embrassait l’ensemble des révélations divines et l’explication des mystères. Cette branche de l’ancienne théologie est secrètement restée en honneur parmi nous. Jacob Bœhm, Swedenborg, Martinez Pasqualis, Saint-Martin, Molinos, mesdames Guyon, Bourignon et Krudener, la grande secte des Extatiques, celle des Illuminés, ont, à diverses époques, dignement conservé les doctrines de cette science, dont le but a quelque chose d’effrayant et de gigantesque. Aujourd’hui, comme au temps du docteur Sigier, il s’agit de donner à l’homme des ailes pour pénétrer dans le sanctuaire où Dieu se cache à nos regards.}} (''[[s:Les Proscrits|Les Proscrits]]'', {{p.|91}}).</ref>. Son dessein le plus profond et le plus constant a été, selon Philippe Bertault, de {{citation|recommencer pour le mysticisme du prophète nordique ce que saint Pierre fit jadis pour la religion du [[Jésus de Nazareth|prophète galiléen]] [et de] parfaire l'œuvre napoléonienne en établissant par sa propre pensée une sorte de gouvernement intellectuel sur l'Europe<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=375-376}}.</ref>.}}


Le catholicisme de Balzac est toutefois suspect aux yeux des catholiques, car il fait de [[Jésus-Christ|Jésus]] un homme comme un autre, qui n'a rien de divin et dont les guérisons miraculeuses sont expliquées par des phénomènes d'ordre magnétique et naturel<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=350-353}}.</ref>. Ainsi que l'auteur l'expose dans ''[[Séraphîta]]'', Jésus est un homme qui a pu s'élever jusqu'à l'angélisation totale au terme de trois stades d'élévation spirituelle<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=322-329}}.</ref>. Comme l'écrit [[Louis Lambert (personnage)|Louis Lambert]] : {{citation|Jésus était ''Spécialiste'', il voyait le fait dans ses racines et dans ses productions, dans le passé qui l’avait engendré, dans le présent où il se manifestait, dans l’avenir où il se développait ; sa vue pénétrait l’entendement d’autrui}}<ref>[[s:Louis Lambert|''Louis Lambert'']], {{p.|202}}.</ref>.
L’Église catholique prend très tôt ses distances à l'égard de Balzac et, en 1842, met son œuvre à l'[[Index Librorum Prohibitorum|Index]] en raison de son « immoralité »<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=377}}.</ref>.

Adepte de l'[[occultisme]] et du [[Magnétisme animal|magnétisme]], Balzac essaie d'expliquer le phénomène religieux par ces faits « scientifiques<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=335-347}}.</ref> ». L'[[illuminisme]] est sa religion personnelle<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=369}}.</ref>. Il expose sa croyance aux sciences occultes dans ses derniers romans, ''[[Les Comédiens sans le savoir]]'' et ''[[Le Cousin Pons]]'', où il relate une séance de divination chez une [[cartomancie|tireuse de cartes]]<ref group="n">Le « grand jeu à cent francs » dans ''[[s:Le Cousin Pons|Le Cousin Pons]]'', {{p.|484-490}} et le « jeu à cinq francs » dans ''[[s:Les Comédiens sans le savoir|Les Comédiens sans le savoir]]'', {{p.|191-195}}.</ref>. Il est donc resté toute sa vie un disciple de [[Emanuel Swedenborg|Swedenborg]] et de [[Louis-Claude de Saint-Martin]]<ref>Le journaliste, poète et écrivain français Hyacinthe-Joseph Alexandre Thabaud de Lautouche, dit Henri de Latouche (1785-1851), est couramment présenté comme l'initiateur de Balzac au [[martinisme]]. Voir : Richard Raczynski, ''Un dictionnaire du martinisme'', Paris, Dualpha éd., 2009, p. 364.</ref>, fidèle à une tradition mystique qui passe par [[Thérèse d'Avila|sainte Thérèse]] et [[Jakob Böhme]]<ref group="n">Balzac écrit : {{citation|La théologie mystique embrassait l’ensemble des révélations divines et l’explication des mystères. Cette branche de l’ancienne théologie est secrètement restée en honneur parmi nous. Jacob Boehme, Swedenborg, Martinez Pasqualis, Saint-Martin, Molinos, mesdames Guyon, Bourignon et Krudener, la grande secte des Extatiques, celle des Illuminés, ont, à diverses époques, dignement conservé les doctrines de cette science, dont le but a quelque chose d’effrayant et de gigantesque. Aujourd’hui, comme au temps du docteur Sigier, il s’agit de donner à l’homme des ailes pour pénétrer dans le sanctuaire où Dieu se cache à nos regards.}} (''[[s:Les Proscrits|Les Proscrits]]'', {{p.|91}}.)</ref>. Son dessein le plus profond et le plus constant a été, selon Philippe Bertault, de {{citation|recommencer pour le mysticisme du prophète nordique ce que saint Pierre fit jadis pour la religion du [[Jésus de Nazareth|prophète galiléen]] [et de] parfaire l'œuvre napoléonienne en établissant par sa propre pensée une sorte de gouvernement intellectuel sur l'Europe}}<ref>{{Harvsp|Bertault 1980|p=375-376}}.</ref>.

L’Église catholique prend très tôt ses distances à l'égard de Balzac et, en 1842, met son œuvre à l'[[Index librorum prohibitorum|Index]] en raison de son {{Citation|immoralité}}<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=377}}.</ref>.


== Chronologie des œuvres ==
== Chronologie des œuvres ==
Après ses [[Œuvres de jeunesse de Balzac|œuvres de jeunesse]], l'écrivain a bâti l'édifice auquel il songeait depuis 1833 et qu'il avait annoncé en fanfare à sa famille {{Citation|saluez-moi car je suis un génie<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=64}}.</ref>}}. Il venait de trouver le plan des trois parties de ''La Comédie humaine''.
Après ses [[Œuvres de jeunesse de Balzac|œuvres de jeunesse]], l'écrivain a bâti l'édifice auquel il songeait depuis 1833 et qu'il avait annoncé en fanfare à sa famille : {{Citation|Saluez-moi car je suis un génie}}<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=64}}.</ref>. Il venait de trouver le plan des trois parties de ''La Comédie humaine''.


===''La Comédie humaine''===
=== ''La Comédie humaine'' ===
Les romans et nouvelles qui composent ''[[La Comédie humaine]]'' sont regroupés en trois grands ensembles : les Études de mœurs, les Études philosophiques et les Études analytiques. L'ensemble des Études de mœurs est lui-même divisé en ''Scènes de la vie privée'', ''Scènes de la vie de province'', ''Scènes de la vie parisienne'', ''Scènes de la vie politique'', ''Scènes de la vie militaire'' et ''Scènes de la vie de campagne''.
Les romans et nouvelles qui composent ''[[La Comédie humaine]]'' sont regroupés en trois grands ensembles : les ''Études de mœurs'', les ''Études philosophiques'' et les ''Études analytiques''. L'ensemble des ''Études de mœurs'' est lui-même divisé en ''Scènes de la vie privée'', ''Scènes de la vie de province'', ''Scènes de la vie parisienne'', ''Scènes de la vie politique'', ''Scènes de la vie militaire'' et ''Scènes de la vie de campagne''.


Nombre d'ouvrages ont été refondus à plusieurs reprises pour mieux s'insérer dans ce vaste plan d'ensemble, qui est allé en se précisant et au moyen duquel Balzac voulait peindre une vaste fresque de la société de son époque. Plusieurs œuvres sont parues dans des journaux en prépublication<ref group=n>On trouve une histoire des publications et remaniements dans l’introduction à la ''[[La Comédie humaine]]'', [[Bibliothèque de la Pléiade]], sous la direction de [[Pierre-Georges Castex]], 12 vol., 1970-1981. Voir aussi {{lien web|url=http://www.v1.paris.fr/commun/v2asp/musees/balzac/furne/historique.htm|titre=historique des publications de l'édition Furne|consulté le=2 mars 2014}}.</ref>, mais l'auteur a sans cesse remanié ses textes, comme on peut le voir notamment avec ''[[La Femme de trente ans]]''<ref>{{lien web|url=http://www.v1.paris.fr/commun/v2asp/musees/balzac/furne/notices/femme_de_trente_ans.htm|titre=Notice d'Isabelle Miller|consulté le=2 mars 2014}} sur [[La Femme de trente ans]].</ref>.
Nombre d'ouvrages ont été refondus à plusieurs reprises pour mieux s'insérer dans ce vaste plan d'ensemble, qui est allé en se précisant et au moyen duquel Balzac voulait peindre une vaste fresque de la société de son époque. Plusieurs œuvres sont parues dans des journaux en prépublication<ref group=n>On trouve une histoire des publications et remaniements dans l’introduction à ''[[La Comédie humaine]]'', [[Bibliothèque de la Pléiade]], sous la direction de [[Pierre-Georges Castex]], 12 vol., 1970-1981. Voir aussi {{lien web|url=http://www.v1.paris.fr/commun/v2asp/musees/balzac/furne/historique.htm|titre=historique des publications de l'édition Furne|consulté le=2 mars 2014}}.</ref>, mais l'auteur a sans cesse remanié ses textes, comme on peut le voir notamment avec ''[[La Femme de trente ans]]''<ref>{{lien web|url=http://www.v1.paris.fr/commun/v2asp/musees/balzac/furne/notices/femme_de_trente_ans.htm|titre=Notice d'Isabelle Miller|consulté le=2 mars 2014}} sur ''[[La Femme de trente ans]]''.</ref>.


Le tableau ci-dessous regroupe les composantes en ordre chronologique<ref group=n>La chronologie des composantes de ''La Comédie humaine'' pose des problèmes complexes, car Balzac a constamment retravaillé son œuvre. Toute tentative de chronologie est donc fondée sur des choix. Ici la chronologie est basée sur l'ouvrage de {{Harvsp|Vachon 1992}}.</ref>, selon la première date de publication, même dans le cas d'une parution en revue ou lorsque l'œuvre est ensuite remaniée. Les titres définitifs sont donnés au tome XII de la [[Bibliothèque de la Pléiade]]<ref>{{Harvsp|Pléiade 1981|p=1961-1969}}.</ref>.
Le tableau ci-dessous regroupe les composantes en ordre chronologique<ref group=n>La chronologie des composantes de ''La Comédie humaine'' pose des problèmes complexes, car Balzac a constamment retravaillé son œuvre. Toute tentative de chronologie est donc fondée sur des choix. Ici la chronologie est basée sur l'ouvrage de {{Harvsp|Vachon 1992}}.</ref>, selon la première date de publication, même dans le cas d'une parution en revue ou lorsque l'œuvre est ensuite remaniée. Les titres définitifs sont donnés au tome XII de la [[Bibliothèque de la Pléiade]]<ref>{{Harvsp|Pléiade 1981|p=1961-1969}}.</ref>.


{|class="wikitable"
{|class="wikitable"
| [[1824 en littérature|1824]]|| (''Du Droit d'aînesse'')<ref>https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1527693t/f7.item</ref>
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| [[1829 en littérature|1829]]|| ''[[Les Chouans]]'', ''[[Physiologie du mariage]]''
| [[1829 en littérature|1829]]|| ''[[Les Chouans]]'', ''[[Physiologie du mariage]]''
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|[[1830 en littérature|1830]]||''[[La Maison du chat-qui-pelote]]'', ''[[El Verdugo]]'', ''[[La Vendetta]]'', ''[[Le Bal de Sceaux]]'', ''[[Étude de femme]]'', ''[[Une double famille]]'', ''[[Gobseck]]'', ''[[La Paix du ménage]]'', ''[[Une passion dans le désert]]'', ''[[Adieu (Balzac)|Adieu !]]'', ''[[Petites misères de la vie conjugale]]'', (''[[Traité de la vie élégante]]''), ''[[Sur Catherine de Médicis|Les Deux Rêves]]''
|[[1830 en littérature|1830]]||''[[La Maison du chat-qui-pelote]]'', ''[[El Verdugo]]'', ''[[La Vendetta]]'', ''[[Le Bal de Sceaux]]'', ''[[Étude de femme]]'', ''[[Une double famille]]'', ''[[Gobseck]]'', ''[[La Paix du ménage]]'', ''[[Une passion dans le désert]]'', ''[[Adieu (Balzac)|Adieu !]]'', ''[[Petites misères de la vie conjugale]]'' (''[[Traité de la vie élégante]]''), ''[[Sur Catherine de Médicis|Les Deux Rêves]]''
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| [[1831 en littérature|1831]]|| ''[[La Peau de chagrin]]'', ''[[La Grande Bretèche]]'' (''[[Autre étude de femme]]''), ''[[Sarrasine]]'', ''[[Le Chef-d'œuvre inconnu]]'', ''[[Les Proscrits]]'', ''[[Le Réquisitionnaire]]'', ''[[L'Auberge rouge (Balzac)|L’Auberge rouge]]'', ''[[L'Élixir de longue vie]]'', ''[[Jésus-Christ en Flandre]]'', ''[[L'Enfant maudit]]''
| [[1831 en littérature|1831]]|| ''[[La Peau de chagrin]]'', ''[[La Grande Bretèche]]'' (''[[Autre étude de femme]]''), ''[[Sarrasine]]'', ''[[Le Chef-d'œuvre inconnu]]'', ''[[Les Proscrits]]'', ''[[Le Réquisitionnaire]]'', ''[[L'Auberge rouge (Balzac)|L’Auberge rouge]]'', ''[[L'Élixir de longue vie]]'', ''[[Jésus-Christ en Flandre]]'', ''[[L'Enfant maudit]]''
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| [[1832 en littérature|1832]]|| ''[[Madame Firmiani]]'', ''[[Le Curé de Tours]]'', ''[[Louis Lambert]]'', ''[[Maître Cornélius]]'', ''[[La Bourse]]''
| [[1832 en littérature|1832]]|| ''[[Madame Firmiani]]'', ''[[Le Curé de Tours]]'', ''[[Louis Lambert]]'', ''[[Maître Cornélius]]'', ''[[La Bourse]]'', ''[[Le Colonel Chabert]]''
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| [[1833 en littérature|1833]]||''[[La Femme abandonnée]]'', ''[[La Grenadière]]'', ''[[Le Message (nouvelle)|Le Message]]'', ''[[Eugénie Grandet]]'', ''[[L'Illustre Gaudissart]]'', ''[[Le Médecin de campagne]]'', (''[[Théorie de la démarche]]'')
| [[1833 en littérature|1833]]||''[[La Femme abandonnée]]'', ''[[La Grenadière]]'', ''[[Le Message (nouvelle)|Le Message]]'', ''[[Eugénie Grandet]]'', ''[[L'Illustre Gaudissart]]'', ''[[Le Médecin de campagne]]'' (''[[Théorie de la démarche]]''), (''Dialogue d'un vieux grenadier de la Garde impériale surnommé le Sans peur'')<ref>https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86256103/f5.item.r=Dialogue%20d'un%20vieux%20grenadier%20de%20la%20garde%20imp%C3%A9riale</ref>
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| [[1834 en littérature|1834]]|| ''[[La Femme de trente ans]]'', ''[[Ferragus]]'', ''[[La Duchesse de Langeais]]'', ''[[La Recherche de l'absolu]]'', ''[[Les Marana]]'', ''[[Un drame au bord de la mer]]'', ''[[Séraphîta]]''
| [[1834 en littérature|1834]]|| ''[[La Femme de trente ans]]'', ''[[Ferragus]]'', ''[[La Duchesse de Langeais]]'', ''[[La Recherche de l'absolu]]'', ''[[Les Marana]]'', ''[[Un drame au bord de la mer]]'', ''[[Séraphîta]]''
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|[[1835 en littérature|1835]]|| ''[[Le Contrat de mariage]]'', ''[[Le Père Goriot]]'', ''[[La Fille aux yeux d'or]]'', ''[[Le Colonel Chabert]]'', ''[[Melmoth réconcilié]]''
|[[1835 en littérature|1835]]|| ''[[Le Contrat de mariage]]'', ''[[Le Père Goriot]]'', ''[[La Fille aux yeux d'or]]'', ''[[Melmoth réconcilié]]''
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| [[1836 en littérature|1836]]|| ''[[Le Lys dans la vallée]]'', ''[[La Vieille Fille (Balzac)|La Vieille Fille]]'', ''[[L'Interdiction]]''
| [[1836 en littérature|1836]]|| ''[[Le Lys dans la vallée]]'', ''[[La Vieille Fille (Balzac)|La Vieille Fille]]'', ''[[L'Interdiction]]''
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| [[1837 en littérature|1837]]|| ''[[Illusions perdues]]'' 1 (''[[Les Deux Poètes]]''), ''[[La Messe de l'athée]]'', ''[[Facino Cane (Balzac)|Facino Cane]]'', ''[[César Birotteau]]'', ''La Confidence des Ruggieri'', ''[[Gambara (nouvelle)|Gambara]]''
| [[1837 en littérature|1837]]|| ''[[Illusions perdues]]'' (1. ''[[Les Deux Poètes]]''), ''[[La Messe de l'athée]]'', ''[[Facino Cane (Balzac)|Facino Cane]]'', ''[[César Birotteau]]'', ''La Confidence des Ruggieri'', ''[[Gambara (nouvelle)|Gambara]]''
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| [[1838 en littérature|1838]]|| ''[[Une fille d'Ève]]'', ''[[La Maison Nucingen]]'', ''[[Les Employés ou la Femme supérieure]]'', ''[[Le Cabinet des Antiques]]''
| [[1838 en littérature|1838]]|| ''[[Une fille d'Ève]]'', ''[[La Maison Nucingen]]'', ''[[Les Employés ou la Femme supérieure]]'', ''[[Le Cabinet des Antiques]], [[Splendeurs et misères des courtisanes]] (1. Comment aiment les filles)''
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| [[1839 en littérature|1839]]|| ''[[Autre étude de femme]]'', ''[[Béatrix (Balzac)|Béatrix]]'', ''[[Illusions perdues]]'' 2 (''[[Un grand homme de province à Paris]]''), ''[[Massimilla Doni]]'', ''[[Pierre Grassou]]'', ''[[Les Secrets de la princesse de Cadignan]]'', ''[[Pathologie de la vie sociale]]'' (''[[Traité des excitants modernes]]'')
| [[1839 en littérature|1839]]|| ''[[Autre étude de femme]]'', ''[[Béatrix (Balzac)|Béatrix]]'', ''[[Illusions perdues]]'' (2. ''[[Un grand homme de province à Paris]]''), ''[[Massimilla Doni]]'', ''[[Pierre Grassou]]'', ''[[Les Secrets de la princesse de Cadignan]]'', ''[[Pathologie de la vie sociale]]'' (''[[Traité des excitants modernes]]''), ''Gambara & Le curé de village'' (Meline, Cans & Cie, Bruxelles et Leipzig)
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| [[1840 en littérature|1840]]|| ''[[Pierrette (roman)|Pierrette]]'', ''[[Un prince de la bohème]]'', ''[[Z. Marcas]]''
| [[1840 en littérature|1840]]|| ''[[Pierrette (roman)|Pierrette]]'', ''[[Un prince de la bohème]]'', ''[[Z. Marcas]]''
Ligne 518 : Ligne 545 :
| [[1841 en littérature|1841]]|| ''[[Mémoires de deux jeunes mariées]]'', ''[[Ursule Mirouët]]'', ''[[Une ténébreuse affaire]]'', ''[[Le Curé de village]]''
| [[1841 en littérature|1841]]|| ''[[Mémoires de deux jeunes mariées]]'', ''[[Ursule Mirouët]]'', ''[[Une ténébreuse affaire]]'', ''[[Le Curé de village]]''
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| [[1842 en littérature|1842]]|| ''[[La Fausse Maîtresse]]'', ''[[Albert Savarus]]'', ''[[La Rabouilleuse]]'' (''[[Un ménage de garçon]]''), ''[[Un épisode sous la Terreur]]'', (''Avant-propos à La Comédie humaine'')
| [[1842 en littérature|1842]]|| ''[[La Fausse Maîtresse]]'', ''[[Albert Savarus]]'', ''[[La Rabouilleuse]]'' (''[[Un ménage de garçon]]''), ''[[Un épisode sous la Terreur]]'' (avant-propos à ''La Comédie humaine'')
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| [[1843 en littérature|1843]]|| ''[[Honorine]]'', ''[[Illusions perdues]]'' 3 (''[[Ève et David|Ève et David ou Les Souffrances de l'inventeur]]''), ''[[La Muse du département]]''
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| [[1844 en littérature|1844]]|| ''[[Modeste Mignon]]'', ''[[Un début dans la vie]]'', ''[[Gaudissart II]]'', ''[[Sur Catherine de Médicis]]'' (''Le martyr calviniste''), ''[[Un homme d'affaires]]''
| [[1843 en littérature|1843]]|| ''[[Honorine]]'', ''[[Illusions perdues]]'' (3. ''[[Ève et David|Ève et David ou Les Souffrances de l'inventeur]]''), ''[[La Muse du département]], [[Splendeurs et misères des courtisanes]] (2. À combien l'amour revient aux vieillards)''
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| [[1846 en littérature|1846]]|| ''[[Les Comédiens sans le savoir]]'', ''[[La Cousine Bette]]''
| [[1844 en littérature|1844]]|| ''[[Modeste Mignon]]'', ''[[Un début dans la vie]]'', ''[[Gaudissart II]]'', ''[[Sur Catherine de Médicis]]'' (''Le Martyr calviniste''), ''[[Un homme d'affaires]]''
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| [[1847 en littérature|1847]]|| ''[[Le Cousin Pons]]''
| [[1846 en littérature|1846]]|| ''[[Les Comédiens sans le savoir]]'', ''[[La Cousine Bette]], [[Splendeurs et misères des courtisanes]] (3. Où mènent les mauvais chemins)''
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|1838-1847||''[[Splendeurs et misères des courtisanes]]'' (1 ''Comment aiment les filles'', 2 ''À combien l'amour revient aux vieillards'', 3 ''Où mènent les mauvais chemins'', 4 ''La Dernière Incarnation de Vautrin'')
| [[1847 en littérature|1847]]|| ''[[Le Cousin Pons]], [[Splendeurs et misères des courtisanes]] (4. La Dernière Incarnation de Vautrin)''
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| [[1848 en littérature|1848]]|| ''[[L'Envers de l'histoire contemporaine]]'' (1 ''Madame de la Chanterie'', 2 ''L'Initié'')
| [[1848 en littérature|1848]]|| ''[[L'Envers de l'histoire contemporaine]]'' (1. ''Madame de la Chanterie'' ; 2. ''L'Initié'')
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À ces 88 titres publiés de son vivant<ref group=n>L'Avant-propos n'est pas compté dans ce total. ''Illusions perdues'' et ''Splendeurs et misères'' sont comptés chacun comme un seul titre.</ref> s'ajoutent ''[[Les Paysans]]'', resté inachevé et publié en [[1855 en littérature|1855]] par [[Ewelina Hańska|Évelyne de Balzac]], ainsi que ''[[Le Député d'Arcis]]'' et ''[[Les Petits Bourgeois]] de Paris'', tous deux terminés par [[Charles Rabou]], selon la promesse qu’il avait faite à Balzac peu avant sa mort, et publiés respectivement en [[1854 en littérature|1854]] et en [[1856 en littérature|1856]]<ref name=Pier16>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=516}}.</ref>.
À ces 88 titres publiés de son vivant<ref group=n>L'avant-propos n'est pas compté dans ce total. ''Illusions perdues'' et ''Splendeurs et misères'' sont comptés chacun comme un seul titre.</ref> s'ajoutent ''[[Les Paysans]]'', ouvrage resté inachevé et publié en [[1855 en littérature|1855]] par [[Ewelina Hańska|Éveline de Balzac]], ainsi que ''[[Le Député d'Arcis]]'' et ''[[Les Petits Bourgeois]] de Paris'', tous deux terminés par [[Charles Rabou]], selon la promesse qu’il avait faite à Balzac peu avant sa mort, et publiés respectivement en [[1854 en littérature|1854]] et en [[1856 en littérature|1856]]<ref name=Pier16>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=516}}.</ref>.


=== Ébauches rattachées à ''la Comédie humaine'' ===
=== Ébauches rattachées à ''La Comédie humaine'' ===
{{article connexe|Ébauches rattachées à la Comédie humaine}}
{{article connexe|Ébauches rattachées à la Comédie humaine}}
Le grand projet de ''La Comédie humaine'' a été interrompu par la mort prématurée de l'auteur, mais les papiers de Balzac contenaient nombre d'ébauches de [[conte]]s, de romans ou d'[[essai]]s qui permettent de reconstituer le parcours littéraire et éclairent son projet. En cela, ces ébauches ont une valeur historique importante, et parfois, une valeur littéraire inattendue. Mais c’est surtout par ce qu’elles nous apprennent de Balzac et de sa manière d’écrire qu'elles sont précieuses. L’ensemble de ces manuscrits, d'abord éparpillés à la mort de l’auteur, a pu être réuni grâce au patient travail de collectionneur du vicomte [[Charles de Spoelberch de Lovenjoul]], et par les « archéologues littéraires » qui lui ont succédé et ont travaillé à remettre en ordre et à interpréter le sens de ces textes en cherchant ce qui les rattachait à ''[[La Comédie humaine]]''<ref name="Pléiade 1981 2-3">Jean Louis Tritter {{Harvsp|Castex et al|1981|p=341|id=Pléiade 1981}}.</ref>. Ils ont d’abord été rassemblés en [[1937]] par Marcel Bouteron (huit textes), puis par [[Roger Pierrot]] en [[1959]] (dix textes) et [[Maurice Bardèche]]. Beaucoup de ces textes étaient restés inédits du vivant de l’auteur. En 1950, lors du centenaire de la mort de Balzac, deux textes furent édités séparément : ''[[La Femme auteur]]'' et [[Mademoiselle du Vissard]]<ref name="Pléiade 1981 331">{{Harvsp|Castex et al|1981|p=331|id=Pléiade 1981}}.</ref>.
Le grand projet de ''La Comédie humaine'' a été interrompu par la mort prématurée de l'auteur, mais les papiers de Balzac contenaient nombre d'ébauches de [[conte]]s, de romans ou d'[[essai]]s qui permettent de reconstituer le parcours littéraire et éclairent son projet. En cela, ces ébauches ont une valeur historique importante et, parfois, une valeur littéraire inattendue. Mais c’est surtout par ce qu’elles nous apprennent de Balzac et de sa manière d’écrire qu'elles sont précieuses. L’ensemble de ces manuscrits, d'abord éparpillés à la mort de l’auteur, a pu être réuni grâce au patient travail de collectionneur du vicomte [[Charles de Spoelberch de Lovenjoul]], et par les « archéologues littéraires » qui lui ont succédé et ont travaillé à remettre en ordre et à interpréter le sens de ces textes en cherchant ce qui les rattachait à ''[[La Comédie humaine]]''<ref name="Pléiade 1981 2-3">Jean-Louis Tritter, {{Harvsp|Castex ''et al.''|1981|p=341|id=Pléiade 1981}}.</ref>. Ils ont d’abord été rassemblés en [[1937]] par Marcel Bouteron (huit textes), puis par [[Roger Pierrot]] en [[1959]] (dix textes) et [[Maurice Bardèche]]. Beaucoup de ces textes étaient restés inédits du vivant de l’auteur. En 1950, lors du centenaire de la mort de Balzac, deux textes furent édités séparément : ''[[La Femme auteur]]'' et ''[[Mademoiselle du Vissard]]''<ref name="Pléiade 1981 331">{{Harvsp|Castex ''et al.''|1981|p=331|id=Pléiade 1981}}.</ref>.


=== Historique des éditions ===
=== Historique des éditions ===
Balzac a été publié chez de nombreux éditeurs : Levasseur et [[Urbain Canel]] ([[1829 en littérature|1829]]), Mame-Delaunay ([[1830 en littérature|1830]]), [[Charles Gosselin (éditeur)|Gosselin]] ([[1832 en littérature|1832]]), Madame Charles-Béchet ([[1833 en littérature|1833]]), Werdet ([[1837 en littérature|1837]]), [[Gervais Charpentier|Charpentier]] ([[1839 en littérature|1839]]). Une édition illustrée de ''[[Charles Furne]]'' (20 vol., {{page h'|In-octavo|in-8°}}, de [[1842 en littérature|1842]] à [[1855 en littérature|1855]]) a réuni l’intégralité de ''[[La Comédie humaine]]'' en association avec Houssiaux, puis [[Pierre-Jules Hetzel|Hetzel]], [[Jacques-Julien Dubochet|Dubochet]] et Paulin<ref>{{lien web|url=http://www.v1.paris.fr/musees/balzac/furne/historique.htm|titre=Historique de l’édition Furne}}.</ref>. Balzac continue toutefois à apporter des corrections sur cette édition, lesquelles seront incorporées dans « le Furne corrigé », édité par Lévy en 1865 et qui a servi de base à l'édition en Pléiade (1976-1981), ainsi qu'à la plupart des ouvrages publiés dans Wikisource<ref name=Editions group=n>Sur les incessantes corrections que Balzac apportait à ses textes, voir la section sur [[La Comédie humaine#Le style|le style]]</ref>.
Balzac a été publié chez de nombreux éditeurs : Levasseur et [[Urbain Canel]] ([[1829 en littérature|1829]]), Mame-Delaunay ([[1830 en littérature|1830]]), [[Charles Gosselin (éditeur)|Gosselin]] ([[1832 en littérature|1832]]), Madame Charles-Béchet ([[1833 en littérature|1833]]), Werdet ([[1837 en littérature|1837]]), [[Gervais Charpentier|Charpentier]] ([[1839 en littérature|1839]]). Une édition illustrée de ''[[Charles Furne]]'' (20 vol., {{page h'|In-octavo|in-8°}}, de [[1842 en littérature|1842]] à [[1855 en littérature|1855]]) a réuni l’intégralité de ''[[La Comédie humaine]]'' en association avec Houssiaux, puis [[Pierre-Jules Hetzel|Hetzel]], [[Jacques-Julien Dubochet|Dubochet]] et Paulin<ref>{{lien web|url=http://www.v1.paris.fr/musees/balzac/furne/historique.htm|titre=Historique de l’édition Furne}}.</ref>. Même si cette édition dite « définitive » de ''La Comédie humaine'' avait été corrigée par l'auteur, ce dernier a continué à apporter des corrections sur son exemplaire personnel, lesquelles seront incorporées dans « le Furne corrigé », édité par Lévy en 1865 et qui a servi de base à l'édition en Pléiade (1976-1981)<ref name=Editions group=n>Sur les incessantes corrections que Balzac apportait à ses textes, voir la section sur [[La Comédie humaine#Le style|le style]].</ref>.


[[Charles de Spoelberch de Lovenjoul]] a publié en 1879 une ''Histoire des œuvres de H. de Balzac'', comportant une bibliographie complète, une chronologie de la publication, une table alphabétique des titres et une bibliographie des études publiées sur cette œuvre<ref>[https://books.google.ca/books?id=IkUCAAAAQAAJ&hl=fr&source=gbs_navlinks_s ''Histoire des œuvres de H. de Balzac'']</ref>.
[[Charles de Spoelberch de Lovenjoul]] a publié en 1879 une ''Histoire des œuvres de H. de Balzac'', comportant une bibliographie complète, une chronologie de la publication, une table alphabétique des titres et une bibliographie des études publiées sur cette œuvre<ref>[https://books.google.ca/books?id=IkUCAAAAQAAJ&hl=fr&source=gbs_navlinks_s ''Histoire des œuvres de H. de Balzac''].</ref>.


=== Textes divers===
=== Textes divers ===
* ''[[La Comédie du diable]], [[1831 en littérature|1831]]
* ''[[La Comédie du diable]]'' ([[1831 en littérature|1831]]).
* ''[[Contes bruns]]'', [[1832 en littérature|1832]] en participation avec [[Philarète Chasles]] et [[Charles Rabou]]
* ''[[Contes bruns]]'' ([[1832 en littérature|1832]]) en participation avec [[Philarète Chasles]] et [[Charles Rabou]].
* ''[[Peines de cœur d'une chatte anglaise]]'' et autres [[Scènes de la vie privée et publique des animaux]] - Études de mœurs. [[1844 en littérature|1844]] et [[1845 en littérature|1845]]. Éditions [[Pierre-Jules Hetzel|Hetzel]].
* ''[[Peines de cœur d'une chatte anglaise]]'' et autres ''[[Scènes de la vie privée et publique des animaux]]'', ''Études de mœurs'' ([[1844 en littérature|1844]] et [[1845 en littérature|1845]]), Éditions [[Pierre-Jules Hetzel|Hetzel]].
* ''[[Voyage d'un moineau de Paris à la recherche du meilleur gouvernement]]'' (signé [[George Sand]], mais écrit par Balzac).
* ''[[Voyage d'un moineau de Paris à la recherche du meilleur gouvernement]]'' (signé [[George Sand]], mais écrit par Balzac).
* ''[[Les Amours de deux bêtes]]'' (Balzac).
* ''[[Les Amours de deux bêtes]]'' (Balzac).
* ''[[Guide-âne à l'usage des animaux qui veulent parvenir aux honneurs]]'', (Balzac)
* ''[[Guide-âne à l'usage des animaux qui veulent parvenir aux honneurs]]'' (Balzac).
* ''[[Voyage d'un lion d'Afrique à Paris]]''
* ''[[Voyage d'un lion d'Afrique à Paris]]''.
* ''[[Essai sur l'argot]]'', [[1844 en littérature|1844]] inséré dans la quatrième partie de ''[[Splendeurs et misères des courtisanes]]''.
* ''[[Essai sur l'argot]]'' ([[1847 en littérature|1847]]), formant le chapitre « Essai philosophique, linguistique et littéraire sur l'argot, les filles et les voleurs » de ''La Dernière Incarnation de Vautrin'', quatrième partie de ''[[Splendeurs et misères des courtisanes]]''.
* ''[[Voyage de Paris à Java]]'', [[1832 en littérature|1832]].
* ''[[Voyage de Paris à Java]]'' ([[1832 en littérature|1832]]).
* ''[[La Chine et les Chinois]]'', [[1842 en littérature|1842]].
* ''[[La Chine et les Chinois]]'' ([[1842 en littérature|1842]]).


===Théâtre ===
=== Théâtre ===
{{Article détaillé|Balzac au théâtre}}
{{Article détaillé|Balzac au théâtre}}


Le théâtre n’est pas le moyen d’expression le plus naturel d’Honoré de Balzac, mais il s'y essaie parce que le genre dramatique est, à cette époque, celui qui permet le plus rapidement de se faire de l’argent. Aussi l’endetté perpétuel voit-il dans l’écriture dramatique une source de revenus. Pratiquement toutes ses tentatives seront vaines, ne resteront à l’affiche que quelques jours ou seront interdites. Malgré l'échec de ''Cromwell'' (1820), il fait une nouvelle tentative avec ''Le Nègre'' (1824), ''[[Vautrin (1840)|Vautrin]]'' (1840), ''[[Le Faiseur|Mercadet le faiseur]]'' (1840), ''Les Ressources de Quinola'' (1842) et ''[[Paméla Giraud]]'' (1843).
Le théâtre n’est pas le moyen d’expression le plus naturel d’Honoré de Balzac, mais il s'y essaie parce que le genre dramatique est, à cette époque, celui qui permet le plus rapidement de se faire de l’argent. Aussi l’endetté perpétuel voit-il dans l’écriture dramatique une source de revenus. Pratiquement toutes ses tentatives seront vaines, ne resteront à l’affiche que quelques jours ou seront interdites. Malgré l'échec de ''Cromwell'' (1820), il fait une nouvelle tentative avec ''Le Nègre'' (1824), ''[[Vautrin (1840)|Vautrin]]'' (1840), ''[[Le Faiseur|Mercadet le faiseur]]'' (1840), ''Les Ressources de Quinola'' (1842) et ''[[Paméla Giraud]]'' (1843).


Les échecs de Balzac au théâtre s'expliquent en grande partie par son manque réel d'intérêt pour le genre. En effet, {{Citation|Lui qui refaisait dix fois ses romans ne faisait pas du tout ses pièces de théâtre}} et les écrivait à la volée<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=394-395}}.</ref>. Cependant la comédie ''[[Le Faiseur|Mercadet le faiseur]]'' obtient un certain succès lors de sa représentation en [[1851]]. Elle est encore jouée en 2014, adaptée par [[Emmanuel Demarcy-Mota]]<ref group=n>La troupe du [[Théâtre de la Ville]] la présente en mars 2014 au [[Théâtre des Abbesses]]. Voir {{lien web|url=http://www.journal-laterrasse.fr/le-faiseur/|titre=annonce par le journal ''La Terrasse''}}.</ref>.
Les échecs de Balzac au théâtre s'expliquent en grande partie par son manque réel d'intérêt pour le genre. En effet, {{Citation|lui qui refaisait dix fois ses romans ne faisait pas du tout ses pièces de théâtre}} et les écrivait à la volée<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=394-395}}.</ref>. Cependant, la comédie ''[[Le Faiseur|Mercadet le faiseur]]'' obtient un certain succès lors de sa représentation en 1851. Elle est encore jouée en 2014, adaptée par [[Emmanuel Demarcy-Mota]]<ref group=n>La troupe du [[Théâtre de la Ville]] la présente en mars 2014 au [[théâtre des Abbesses]]. Voir {{lien web|url=http://www.journal-laterrasse.fr/le-faiseur/|titre=annonce par le journal ''La Terrasse''}}.</ref>.


== Postérité ==
== Postérité ==
=== Postérité littéraire ===
=== Postérité littéraire ===
Après sa mort, Balzac est salué comme un très grand écrivain et inspire de nombreux romanciers, en France et dans le monde. Voir la section correspondante dans l'article sur ''[[La Comédie humaine#Postérité|La Comédie humaine]]'' ainsi que la page [[Balzac face aux écrivains de son siècle]].
Après sa mort, Balzac est salué comme un très grand écrivain et inspire de nombreux romanciers, en France et dans le monde. Voir la section correspondante dans l'article sur ''[[La Comédie humaine#Postérité|La Comédie humaine]]'' ainsi que la page [[Balzac face aux écrivains de son siècle]]. On ne saurait, toutefois, ignorer le jugement sévère de certains grands contemporains. Ainsi [[Gustave Flaubert|Flaubert]], qui admirait le forçat de l’écriture, écrit à [[Louise Colet]] : {{citation|Quel homme eût été Balzac, s’il eût su écrire ! mais il ne lui a manqué que cela !}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Gustave Flaubert|titre=Correspondance|lieu=Paris|éditeur=Louis Conard|année=1927|passage=68|lire en ligne=https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Gustave_Flaubert/Tome_3/0356|consulté le=13/06/2022}}</ref>. [[Stendhal]], quant à lui, déplorait un style contourné, émaillé de néologismes, propre à flatter le goût des provinciaux<ref>{{Ouvrage|auteur1=Stendhal|titre=Mémoires d'un touriste|volume=1|lieu=Paris|éditeur=[[Michel Lévy frères]]|année=1854|passage=58|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=cdEBAAAAYAAJ|consulté le=13/06/2022}}</ref>.


=== Portraits de Balzac ===
=== Portraits de Balzac ===
[[Fichier:Honoré de Balzac (1842).jpg|vignette|Balzac en 1842 sur un [[daguerréotype]] de [[Louis-Auguste Bisson]] : « Je suis ébaubi de la perfection avec laquelle agit la lumière<ref>Cité par {{Harvsp|Pierrot 1994|p=381}}.</ref>. »|alt=Portrait photographique en noir et blanc d'un homme moustachu portant chemise blanche ouverte, main droite sur le cœur.]]
[[Fichier:Balzac by P J David d Angers 1843.jpg|vignette|left|upright|''Balzac'' par [[Pierre-Jean David d'Angers|David d'Angers]].|alt=Dessin de profil d'un homme moustachu]]
Dès 1825, [[Achille Devéria]], qui était presque du même âge que Balzac, réalise un portrait de ce dernier au crayon et [[lavis]] à la [[sépia]]<ref group=n>Conservé et exposé au Louvre (Inv. 20028). Le tableau de Tours serait une esquisse ou une réplique réduite, selon {{Harvsp|Pierrot 1994|p=302}}.</ref>. En 1829, [[Louis Boulanger]], alors âgé de {{nobr|23 ans}}, réalise également un portrait de lui, dans sa fameuse robe de moine, œuvre conservée au château de Saché. Sept ans plus tard, il en fait une réplique destinée à [[Ewelina Hańska|Madame Hańska]], qui sera exposée au Salon de 1837<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=301}}.</ref>. Ce tableau sera repris par Maxime Dastugue (1851-1909). [[Théophile Gautier]] a commenté ainsi la fameuse robe :
[[Fichier:Honoré de Balzac (1842).jpg|vignette|upright|Balzac en [[1842]] sur un [[daguerréotype]] de [[Louis-Auguste Bisson]] : « Je suis ébaubi de la perfection avec laquelle agit la lumière<ref>Cité par {{Harvsp|Pierrot 1994|p=381}}.</ref>.»|alt=Portrait photographique en noir et blanc d'un homme moustachu portant chemise blanche ouverte, main droite sur le cœur.]]
{{Citation bloc|Il portait dès lors, en guise de robe de chambre, ce froc de cachemire ou de flanelle blanche retenue à la ceinture par une cordelière, dans lequel, quelque temps plus tard, il se fit peindre par [[Louis Boulanger]]. Quelle fantaisie l'avait poussé à choisir, de préférence à un autre, ce costume qu'il ne quitta jamais ? nous l'ignorons, peut-être symbolisait-il à ses yeux la vie claustrale à laquelle le condamnaient ses labeurs, et, bénédictin du roman, en avait-il pris la robe ? Toujours est-il que ce froc blanc lui seyait à merveille. Il se vantait en nous montrant ses manches intactes, de n'en avoir jamais altéré la pureté par la moindre tache d'encre, car, disait-il, le vrai littérateur doit être propre dans son travail<ref>{{Harvsp|Gautier 1859|p=5-6}}, {{lire en ligne|url={{Gallica|id=bpt6k1097542/f9}}|consulté le=|titre chapitre=Honoré de Balzac|passage=}}.</ref>.}}


[[Fichier:Balzac by P J David d Angers 1843.jpg|vignette|gauche|''Balzac'' par [[Pierre-Jean David d'Angers|David d'Angers]].|alt=Dessin de profil d'un homme moustachu]]
Dès 1825, [[Achille Devéria]], qui était presque du même âge que Balzac, réalise un portrait de ce dernier au crayon et [[lavis]] à la sépia<ref group=n>Conservé et exposé au Louvre (Inv. 20028). Le tableau de Tours serait une esquisse ou une réplique réduite, selon {{Harvsp|Pierrot 1994|p=302}}.</ref>. En [[1829]], [[Louis Boulanger]], alors âgé de 23 ans, réalise également un portrait de lui, dans sa fameuse robe de moine, conservé au château de Saché. Sept ans plus tard, il en fait une réplique destinée à [[Ewelina Hańska|Madame Hańska]], qui sera exposée au Salon de 1837<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=301}}.</ref>. Ce tableau sera repris par Maxime Dastugue (1851-1909). [[Théophile Gautier]] a commenté ainsi la fameuse robe :
{{Citation bloc|Il portait dès lors, en guise de robe de chambre, ce froc de cachemire ou de flanelle blanche retenue à la ceinture par une cordelière, dans lequel, quelque temps plus tard, il se fit peindre par [[Louis Boulanger]]. Quelle fantaisie l'avait poussé à choisir, de préférence à un autre, ce costume qu'il ne quitta jamais ? nous l'ignorons, peut-être symbolisait-il à ses yeux la vie claustrale à laquelle le condamnaient ses labeurs, et, bénédictin du roman, en avait-il pris la robe ? Toujours est-il que ce froc blanc lui seyait à merveille. Il se vantait en nous montrant ses manches intactes, de n'en avoir jamais altéré la pureté par la moindre tache d'encre, car, disait-il, le vrai littérateur doit être propre dans son travail<ref>{{Harvsp|Gautier 1859|p=5-6}}, {{lire en ligne|url=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1097542/f9.image|consulté le= |partie= |numéro chapitre=|titre chapitre=Honoré de Balzac|passage=}}.</ref>.}}


Le romancier ne cache pas son admiration pour [[Louis Daguerre]] qu’il cite plusieurs fois dans ''[[La Comédie humaine]]'' (Voir l’article [[Balzac et le daguerréotype]]). Il est le premier à utiliser le verbe « daguerréotyper »<ref>Voir {{lien web|url=http://www.cnrtl.fr/definition/daguerr%C3%A9otyper|titre=Dictionnaire du CNRTL}}.</ref>. En 1842, le photographe [[Louis-Auguste Bisson]], tire de Balzac un [[daguerréotype]] procédé alors connu depuis seulement trois ans et auquel Balzac s'intéressait beaucoup : {{citation|Je reviens de chez le daguerréotypeur, et je suis ébaubi par la perfection avec laquelle agit la lumière ()<ref>{{Harvsp|Lettres 1899|loc=t. II}}.</ref>.}} Bisson en a fait ensuite un portrait en couleur, reproduit en début d'article (voir l'original ci-contre). Un second daguerréotype a été tiré, où Balzac pose la main gauche sur sa poitrine. [[Nadar]] en a tiré de multiples photos et en a fait deux caricatures<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=381-382}}.</ref>.
Le romancier ne cache pas son admiration pour [[Louis Daguerre]] qu’il cite plusieurs fois dans ''[[La Comédie humaine]]'' (voir l’article [[Balzac et le daguerréotype]]). Il est le premier à utiliser le verbe « daguerréotyper<ref>Voir {{lien web|url=http://www.cnrtl.fr/definition/daguerr%C3%A9otyper|titre=Dictionnaire du CNRTL}}.</ref> ». En 1842, le photographe [[Louis-Auguste Bisson]] tire de Balzac un [[daguerréotype]] {{incise|procédé alors connu depuis seulement trois ans et auquel Balzac s'intéressait beaucoup|stop}} : {{citation|Je reviens de chez le daguerréotypeur, et je suis ébaubi par la perfection avec laquelle agit la lumière []<ref>{{Harvsp|Lettres 1899|loc=t. II}}.</ref>.}}. Bisson en a fait ensuite un portrait en couleur, reproduit en début d'article (voir l'original ci-contre). Un second daguerréotype a été tiré, où Balzac pose la main gauche sur sa poitrine. [[Nadar]] en a tiré de multiples photos et en a fait deux caricatures<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=381-382}}.</ref>.


Le 18 août 1850, [[Pierre François Eugène Giraud]] a représenté Balzac sur son lit de mort (technique : [[fusain]], [[sanguine]], craie blanche et [[pastels]] sur papier). Le tableau se trouve au [[musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon]].
Le {{date-|18 août 1850}}, [[Pierre François Eugène Giraud]] représente Balzac sur son lit de mort (technique : [[fusain]], [[sanguine]], craie blanche et [[pastels]] sur papier). Le tableau se trouve au [[musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon]]<ref>[[Charles Léger]], ''Le dernier portrait de Balzac. Balzac sur son lit de mort'', lettre-préface de [[Jules Claretie]], Paris, Boutet et Vérité, 1912.</ref>.


En 1927, le collectionneur et amateur d’art [[Ambroise Vollard]] demande à [[Pablo Picasso|Picasso]] d’illustrer une édition de luxe du ''[[Le Chef-d'œuvre inconnu|Chef-d'œuvre inconnu]]'', qui sera publiée en 1931<ref name=Leal206>{{Harvsp|Léal 1999|p=206}}.</ref>. Fasciné par cette nouvelle et son auteur, Picasso installe son atelier dans la maison même où Balzac en situait l’action. Il y peindra [[Guernica (Picasso)|Guernica]] quelques années plus tard. En 1952, Picasso réalise aussi une série de neuf lithographie de Balzac, dont huit illustrent un ouvrage de Michel Leiris<ref group=n>''Balzacs en bas de casse et picassos sans majuscules'' (1957) ({{Harvsp|Léal 1999|p=206}}). Une de ces lithographies se trouve au {{lien web|url=http://www.moma.org/collection/object.php?object_id=29995|titre=MOMA}}. La neuvième a été utilisée pour une {{lien web|url=http://fr.artquid.com/artwork/7507/balzac.html|titre=édition de luxe du Père Goriot}}.</ref>.
En 1927, le collectionneur et amateur d’art [[Ambroise Vollard]] demande à [[Pablo Picasso|Picasso]] d’illustrer une édition de luxe du ''[[Le Chef-d'œuvre inconnu|Chef-d'œuvre inconnu]]'', qui sera publiée en 1931<ref name=Leal206>{{Harvsp|Léal 1999|p=206}}.</ref>. Fasciné par cette nouvelle et son auteur, Picasso installe son atelier dans la maison même où Balzac en situait l’action. La nouvelle inspire l'artiste pour la série d'[[estampe]]s ''[[Suite Vollard]]'' également commandée par Vollard<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.march.es/arte/ingles/cuenca/exposiciones/picasso/picasso.asp|titre = Picasso, Vollard Suite|site = [[Museo de Arte Abstracto Español]] (Fundación Juan March)}}.</ref> et il y peindra ''[[Guernica (Picasso)|Guernica]]'' quelques années plus tard. En 1952, Picasso réalise aussi une série de neuf lithographies de Balzac, dont huit illustrent un ouvrage de Michel Leiris<ref group=n>''Balzacs en bas de casse et picassos sans majuscules'' (1957) ({{Harvsp|Léal 1999|p=206}}). Une de ces lithographies se trouve au {{lien web|url=http://www.moma.org/collection/object.php?object_id=29995|titre=MOMA}}. La neuvième a été utilisée pour une {{lien web|url=http://fr.artquid.com/artwork/7507/balzac.html|titre=édition de luxe du ''Père Goriot''}}.</ref>.


[[Eugène Paul]] a également réalisé une lithographie de Balzac en 1970<ref>{{lien web|url=http://www.husgallery.com/87-2-GEN_PAUL_Eugene_Paul.html|titre=Balzac par Gen Paul}}.</ref>.
[[Eugène Paul]] a également réalisé une lithographie de Balzac en 1970<ref>{{lien web|url=http://www.husgallery.com/87-2-GEN_PAUL_Eugene_Paul.html|titre=Balzac par Gen Paul}}.</ref>. La maison de Balzac à Paris conserve un portrait gravé par [[Claude Raimbourg]]<ref>[http://âprismuseescollections.paris.fr/fr/maison-de-balzac/oeuvres/portrait-d-honore-de-balzac#infos-principales Maison de Balzac, ''"Portrait de Balzac" par Claude Raimbourg'']</ref>.

Balzac est le personnage central du tableau ''George Sand dans l'atelier de Delacroix avec Musset, Balzac et Chopin''<ref>{{Lien web |auteur=Herman Braun-Vega |titre=George Sand dans l'atelier de Delacroix |description=Acrylique sur toile et collages, 146 x 146 cm |url=https://braunvega.com/picture?/45/category/3-2007_2004 |consulté le=2022-11-11}}</ref> réalisé par le peintre péruvien [[Herman Braun-Vega]] à la demande des Musées de Châteauroux<ref>{{Ouvrage|auteur1=Musées de Châteauroux|titre=George Sand|sous-titre=Interprétations 2004|lieu=Nantes|éditeur=éditions joca seria|année=2004|pages totales=256|passage=75|isbn=978-2-848-09036-8}}{{Citation bloc|Imaginons: Une visite à l'atelier de Delacroix... C'est l'année 1847.[…] Au centre, Balzac commente la situation politique, à Paris ?}}</ref>, en 2004, à l'occasion du bicentenaire de la naissance de George Sand. Le tableau est exposé pour la première fois en 2004-2005 au [[Couvent des Cordeliers de Châteauroux]].


Plus récemment, [[Cyril de La Patellière]] a réalisé un portrait de Balzac en terre cuite, à la demande de [[Gonzague Saint Bris]], qui a consacré plusieurs ouvrages au romancier.
Plus récemment, [[Cyril de La Patellière]] a réalisé un portrait de Balzac en terre cuite, à la demande de [[Gonzague Saint Bris]], qui a consacré plusieurs ouvrages au romancier.


=== Sculptures ===
=== Sculptures ===
[[Image:Paris 16e - Maison de Balzac - Buste de Balzac (Alexandre Falguière).jpg|vignette|''[[Buste de Balzac (Alexandre Falguière)|Buste de Balzac]]'', par [[Alexandre Falguière]].]]
En 1837, lors de son passage à [[Milan]], il rencontre Alessandro Puttinati, qui sculpte de lui une statuette<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=305}}.</ref>. En 1844, [[Alexandre Falguière]] fait un buste de Balzac.
En 1837, lors de son passage à [[Milan]], Balzac rencontre Alessandro Puttinati, qui sculpte de lui une statuette<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=305}}.</ref>. En 1844, [[Alexandre Falguière]] fait un buste de l'écrivain.


[[Pierre-Jean David d'Angers|David d'Angers]] réalise un buste colossal « en Hermès », dont l'exécution en marbre date de 1844. Balzac en est particulièrement satisfait, écrivant à son sujet : {{Citation|c'est ce que l'artiste a fait de mieux, vu la beauté de l'original sous le rapport de l'expression et des qualités purement symptomatiques relatives à l'écrivain<ref>Cité par {{Harvsp|Pierrot 1994|p=401}}.</ref>.}} Le buste se trouve maintenant à la Maison de Balzac. Le même sculpteur réalise la statue qui orne la tombe de l'écrivain au [[cimetière du Père-Lachaise]]. Étant aussi médailleur, [[Pierre-Jean David d'Angers|David]] lui a consacré un médaillon.
[[Pierre-Jean David d'Angers|David d'Angers]] réalise un buste colossal « en Hermès », dont l'exécution en marbre date de 1844. Balzac en est particulièrement satisfait, écrivant à son sujet : {{Citation|c'est ce que l'artiste a fait de mieux, vu la beauté de l'original sous le rapport de l'expression et des qualités purement symptomatiques relatives à l'écrivain}}<ref>Cité par {{Harvsp|Pierrot 1994|p=401}}.</ref>. Le buste se trouve maintenant à la Maison de Balzac. Le même sculpteur réalise la statue qui orne la tombe de l'écrivain au [[cimetière du Père-Lachaise]]. Étant aussi médailleur, [[Pierre-Jean David d'Angers|David]] lui a consacré un médaillon.


En 1835, [[Jean-Pierre Dantan]] réalise deux statuettes caricaturales de Balzac en plâtre patiné terre cuite : {{Citation|La plus connue le représente vêtu d'une redingote, tenant d'une main son chapeau et de l'autre sa canne, ventru et joufflu comme sa canne, il porte une abondante chevelure sur le côté droit de la tête<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=300}}.</ref>.}}
En 1835, [[Jean-Pierre Dantan]] réalise deux statuettes caricaturales de Balzac en plâtre patiné terre cuite : {{Citation|La plus connue le représente vêtu d'une redingote, tenant d'une main son chapeau et de l'autre sa canne, ventru et joufflu comme sa canne, il porte une abondante chevelure sur le côté droit de la tête<ref>{{Harvsp|Pierrot 1994|p=300}}.</ref>.}}.
{{Article détaillé|Monument à Balzac (Rodin)}}
Vers la fin du {{XIXe_siècle}}, la [[Société des gens de lettres]] passe commande d’une statue de Balzac à [[Henri Chapu]], mais celui-ci meurt en juillet 1891, ne laissant que des esquisses et ébauches du monument. [[Émile Zola]] obtient alors que la commande soit confiée à [[Auguste Rodin]] le {{date-|14 août 1891}}. Rodin, ne connaissant pas Balzac, se livre à de nombreuses recherches. Il s’immerge dans ''La Comédie humaine'', consulte archives et collections, produit des têtes, des bustes et des nus. Jusqu’au moment où jaillit l’idée finale en observant l’une des figures de ses ''[[Les Bourgeois de Calais|Bourgeois de Calais]]''. Il s’ensuivra une polémique violente lors de la première présentation de l’œuvre, qui fait scandale. Malgré les articles élogieux d’Émile Zola, le sculpteur est en butte aux pires insultes. La Société des gens de lettres désavoue Rodin et commande alors à [[Alexandre Falguière]] un « Balzac sans heurts »<ref name="Pinet">{{Ouvrage|auteur1=Hélène Pinet|titre=Rodin, les mains du génie|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|collection=Découvertes|année=1988|isbn=}}.</ref>. Cette statue, qui montre Balzac dans sa robe de chambre, est érigée au croisement de la [[rue Balzac]] et de l'[[avenue de Friedland]] à Paris<ref>{{Lien archive|horodatage archive=20090116040711|url=http://www.augustins.org/sp/collections/bdd/fiche.asp?num=75+1+1|titre=Autres représentations sculptées de Balzac|éditeur=[[Musée des Augustins de Toulouse]]|consulté le=16 janvier 2009}}.</ref>. Elle a été photographiée dans l'atelier du dépôt des marbres par [[Eugène Druet]] entre 1896 et 1900.


Rodin emporte son œuvre dans sa villa de [[Meudon]] et c’est là, que quelques années plus tard, un jeune photographe américain, [[Edward Steichen]], en découvrira la beauté, assurant les débuts de sa postérité. Ce n’est toutefois qu’en 1939 qu’un tirage en bronze fut érigé à Paris, [[boulevard Raspail]]. Rodin écrivait en 1908 :
Vers la fin du {{XIXe_siècle}} la [[Société des gens de lettres]] passe commande d’une statue de Balzac à [[Henri Chapu]], mais celui-ci meurt en juillet [[1891]], ne laissant que des esquisses et ébauches du monument. [[Émile Zola]] obtient alors que la commande soit confiée à [[Auguste Rodin]] le 14 août 1891. Rodin, ne connaissant pas Balzac, se livre à de nombreuses recherches. Il s’immerge dans ''La Comédie humaine'', consulte archives et collections, produit des têtes, des bustes et des nus. Jusqu’au moment où jaillit l’idée finale en observant l’une des figures de ses ''[[Les Bourgeois de Calais|Bourgeois de Calais]]''. Il s’ensuivra une polémique violente lors de la première présentation de l’œuvre, qui fait scandale. Malgré les articles élogieux d’Émile Zola, le sculpteur est en butte aux pires insultes. La Société des gens de lettres désavoue Rodin et commande alors à [[Alexandre Falguière]] un « Balzac sans heurts »<ref name="Pinet">{{ouvrage|auteur1=Hélène Pinet|titre=Rodin, les mains du génie|éditeur=Gallimard|lien éditeur=Éditions Gallimard|collection=Découvertes|année=1988}}.</ref>. Cette statue, qui montre Balzac dans sa robe de chambre, est érigée au croisement de la [[rue Balzac]] et de l'[[avenue de Friedland]] à Paris<ref>{{lien web|url=http://wayback.archive.org/web/20090116040711/http://www.augustins.org/sp/collections/bdd/fiche.asp?num=75+1+1|titre=Autres représentations sculptées de Balzac|éditeur=[[Musée des Augustins de Toulouse]]|consulté le=16 janvier 2009}}.</ref>.

Rodin emporte son œuvre dans sa villa de [[Meudon]] et c’est là, que, quelques années plus tard, un jeune photographe allemand en découvrira la beauté, assurant les débuts de sa postérité. Ce n’est toutefois qu’en [[1939]] qu’un tirage en bronze fut érigé à Paris, [[boulevard Raspail]]. Rodin écrivait en [[1908]] :
{{Citation bloc|Si la vérité doit mourir, mon Balzac sera mis en pièces par les générations à venir. Si la vérité est impérissable, je vous prédis que ma statue fera du chemin. Cette œuvre dont on a ri, qu’on a pris soin de bafouer parce qu’on ne pouvait la détruire, c’est la résultante de toute ma vie, le pivot même de mon esthétique. Du jour où je l’eus conçue, je fus un autre homme<ref name="Pinet"/>.}}
{{Citation bloc|Si la vérité doit mourir, mon Balzac sera mis en pièces par les générations à venir. Si la vérité est impérissable, je vous prédis que ma statue fera du chemin. Cette œuvre dont on a ri, qu’on a pris soin de bafouer parce qu’on ne pouvait la détruire, c’est la résultante de toute ma vie, le pivot même de mon esthétique. Du jour où je l’eus conçue, je fus un autre homme<ref name="Pinet"/>.}}
{{Article détaillé|Monument à Balzac (Rodin)}}


Balzac s'est lui-même passionnément intéressé à la sculpture et y a consacré une nouvelle, ''[[Sarrasine]]'', dans laquelle il montre ce qu'il y a de dangereux, voire de mortel, dans cet art qui recrée l'être humain : {{citation|Contournable, pénétrable, en un mot ''profonde'', la statue appelle la visite, l'exploration, la pénétration : elle implique idéalement la plénitude et la vérité de ''l'intérieur'' […] ; la statue parfaite selon Sarrasine, eût été une enveloppe sous laquelle se fût tenue une femme réelle (à supposer qu'elle-même fût un ''chef-d'œuvre''), dont l'essence de réalité aurait vérifié et garanti la peau de marbre qui lui aurait été appliquée}}<ref>{{Harvsp|Barthes 1970|p=213}}.</ref>.
En 2004, le sculpteur russe [[Zourab Tsereteli]] offre à la France une statue de Balzac ; refusée par plusieurs villes, celle-ci est finalement acceptée par [[Agde]] (voir ci-dessous)<ref>Bernard Hasquenoph, [http://www.louvrepourtous.fr/L-art-officiel-russe-dans-toute-sa,469.html « L’art officiel russe dans toute sa splendeur »], 17 mars 2010</ref>.


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Balzac s'est lui-même passionnément intéressé à la sculpture et y a consacré une nouvelle, ''[[Sarrasine]]'', dans laquelle il montre ce qu'il y a de dangereux, voire de mortel, dans cet art qui recrée l'être humain : {{citation|Contournable, pénétrable, en un mot ''profonde'', la statue appelle la visite, l'exploration, la pénétration : elle implique idéalement la plénitude et la vérité de ''l'intérieur'' (…) ; la statue parfaite selon Sarrasine, eût été une enveloppe sous laquelle se fût tenue une femme réelle (à supposer qu'elle-même fût un ''chef-d'œuvre''), dont l'essence de réalité aurait vérifié et garanti la peau de marbre qui lui aurait été appliquée<ref>{{Harvsp|Barthes 1970|p=213}}.</ref>.}}

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Fichier:Père-Lachaise - Division 48 - Balzac 07.jpg|Sculpture de [[David d'Angers]] sur la tombe au cimetière du Père-Lachaise.|alt=Buste en bronze d'un homme
Fichier:Père-Lachaise - Division 48 - Balzac 07.jpg|Sculpture de [[David d'Angers]] sur la tombe au cimetière du Père-Lachaise.|alt=Buste en bronze d'un homme
Fichier:Cap d'Agde - Statue Tsereteli01.jpg|Statue d'Honoré de Balzac par [[Zourab Tsereteli]] au [[Le Cap d'Agde|Cap d'Agde]].|alt=Fontaine ornée d'une statue en bronze
|Statue d'Honoré de Balzac par [[Zourab Tsereteli]] au [[Le Cap d'Agde|Cap d'Agde]].|alt=Fontaine ornée d'une statue en bronze
Fichier:Monument à Balzac L'Isle-Adam.JPG|Monument à Honoré de Balzac à [[L'Isle-Adam]].|alt=Stèle avec le médaillon d'un portrait suivi d'une inscription
Fichier:Monument à Balzac L'Isle-Adam.JPG|Monument à Honoré de Balzac à [[L'Isle-Adam]].|alt=Stèle avec le médaillon d'un portrait suivi d'une inscription
Fichier:Balzac par Alexandre Falguière4.JPG|Monument à Honoré de Balzac par [[Alexandre Falguière]].|alt=Statue en pierre d'un homme assis
Fichier:Balzac par Alexandre Falguière4.JPG|Monument à Honoré de Balzac par [[Alexandre Falguière]].|alt=Statue en pierre d'un homme assis
Fichier:David d'Angers - Balzac.jpg|Buste d'Honoré de Balzac par [[Pierre-Jean David d'Angers|David d'Angers]] (1844).|alt=Buste d'un homme
Fichier:David d'Angers - Balzac.jpg|Buste d'Honoré de Balzac par [[Pierre-Jean David d'Angers|David d'Angers]] (1844).|alt=Buste d'un homme
Fichier:Monument to Balzac.jpg|''[[Monument à Balzac (Rodin)|Monument à Balzac]]'' de [[Auguste Rodin|Rodin]]. Paris, [[boulevard Raspail]].|alt=Bronze en pied d'un homme emmitouflé dans une robe de chambre
Fichier:Monument to Balzac.jpg|''[[Monument à Balzac (Rodin)|Monument à Balzac]]'' de [[Auguste Rodin|Rodin]].|alt=Bronze en pied d'un homme emmitouflé dans une robe de chambre
Fichier:picasso qga.jpg|Le {{numéro|7}} de la [[rue des Grands-Augustins]], où Balzac situe ''[[Le Chef-d'œuvre inconnu]]'' et où [[Picasso]] emménagera.|alt=Plaque dont le texte indique : Pablo Picasso vécut dans cet immeuble de 1936 à 1955 c'est dans cet atelier qu'il peignit GUERNICA en 1937, C'est ici également que BALZAC situe l'action de sa nouvelle Le chef-d’œuvre inconnu.
Fichier:Hôtel dit d'Hercule, 5-7, rue des Grands-Augustins -3.JPG|Le {{numéro|7}} de la [[rue des Grands-Augustins]], où Balzac situe ''[[Le Chef-d'œuvre inconnu]]'' et où [[Picasso]] emménagera.|alt=Plaque dont le texte indique : Pablo Picasso vécut dans cet immeuble de 1936 à 1955 c'est dans cet atelier qu'il peignit GUERNICA en 1937, C'est ici également que BALZAC situe l'action de sa nouvelle Le chef-d’œuvre inconnu.
Fichier:Interior of La Fenice in 1837. Original at Museo Correr.jpg|[[La Fenice]] à [[Venise]]. Salle d’origine en 1837, où Balzac écouta Rossini.|alt=Dessin montrant l'intérieur d'un théâtre à l'italienne.
Fichier:Interior of La Fenice in 1837. Original at Museo Correr.jpg|[[La Fenice]] à [[Venise]]. Salle d’origine en 1837, où Balzac écouta Rossini.|alt=Dessin montrant l'intérieur d'un théâtre à l'italienne.
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{{Article détaillé|Films basés sur l'œuvre d'Honoré de Balzac}}
{{Article détaillé|Films basés sur l'œuvre d'Honoré de Balzac}}


En raison de son talent de metteur en scène et de sa façon minutieuse de planter les décors, de décrire les costumes, et d’agencer les dialogues, Balzac n’a cessé d’être adapté à l’écran (télévision et cinéma) depuis le début du {{XXe siècle}}<ref>{{harvsp|Baron 2005|p=395-409}}.</ref>.
En raison de son talent de metteur en scène et de sa façon minutieuse de planter les décors, de décrire les costumes et d’agencer les dialogues, Balzac n’a cessé d’être adapté à l’écran (télévision et cinéma) depuis le début du {{XXe siècle}}<ref>{{harvsp|Baron 2005|p=395-409}}.</ref>. Pour [[Éric Rohmer]], pourtant, un roman de Balzac est inadaptable parce qu'il contient déjà tout. On n'adapte pas Balzac, on s'adapte au monde avec lui : « Ce qui est grand chez Balzac, c'est que tout simplement il nous ouvre au monde et, du même mouvement, nous ouvre à l'art. Et le monde le lui rend bien » (préface de ''La Rabouilleuse'', POL, 1992).


=== Adaptations musicales ===
=== Adaptations musicales ===
[[Fichier:EPO 1273 wiki.jpg|vignette|[[Opéra Garnier]] : Le grand foyer.|alt=Photo d'une galerie scintillante sous deux alignements de chandeliers, de chaque côté des colonnes et au fond un autel]]
[[Fichier:Paris, Palais Garnier's grand salon 2.jpg|vignette|[[Opéra Garnier]] : Le grand foyer.|alt=Photo d'une galerie scintillante sous deux alignements de chandeliers, de chaque côté des colonnes et au fond un autel]]
* ''[[La Grande Bretèche]]'', [[1911 en musique classique|1911]]- [[1912 en musique classique|1912]]. [[Opéra]] d'après Honoré de Balzac, par [[Albert Dupuis]], édité en 1913 chez [[Éditions Durand-Salabert-Eschig|Eschig]], Paris.
* ''[[La Grande Bretèche]]'' ([[1911 en musique classique|1911]]-[[1912 en musique classique|1912]]), [[opéra]] d'après Honoré de Balzac, par [[Albert Dupuis]], édité en 1913 chez [[Éditions Durand-Salabert-Eschig|Eschig]], Paris.
* ''[[La Belle Impéria]]'', [[1927 en musique classique|1927]] par [[Franco Alfano]] sous le titre ''Madonna Imperia'', livret d'Arturo Rossato d'après un [[Les Cent Contes drolatiques|conte drolatique]], opéra en 1 acte.
* ''[[La Belle Impéria]]'' ([[1927 en musique classique|1927]]) par [[Franco Alfano]], sous le titre ''Madonna Imperia'', livret d'Arturo Rossato d'après un des [[Les Cent Contes drolatiques|''Cent Contes drolatiques'']], opéra en 1 acte.
* ''[[Massimilla Doni]]'', opéra en 4 actes (6 scènes), d'[[Othmar Schoeck]] texte d'Armin Rüeger selon la nouvelle du même nom d'Honoré de Balzac. Première représentation : {{date|2|mars|1937|en musique classique}}, [[Semperoper|Staatsoper]] [[Dresde]]n.
* ''[[Massimilla Doni]]'', opéra en 4 actes (6 scènes), d'[[Othmar Schoeck]], texte d'Armin Rüeger selon la nouvelle du même nom d'Honoré de Balzac. Première représentation : {{date-|2|mars|1937|en musique classique}}, [[Semperoper|Staatsoper]] [[Dresde]]n.
* ''[[La Peau de chagrin (Levadé)|La Peau de chagrin]]'', drame lyrique en quatre actes de [[Charles-Gaston Levadé]], [[1869 en musique classique|1869]]-[[1948 en musique classique|1948]], livret de [[Pierre Decourcelle]] et [[Michel Carré (librettiste)|Michel Carré]].
*''[[Le Faiseur]]'', Musique de scène de [[Darius Milhaud|Darius Mihaud]] (1940)
*''[[La Peau de chagrin (Levadé)|La Peau de chagrin]]'', drame lyrique en quatre actes de [[Charles-Gaston Levadé]] ([[1869 en musique classique|1869]]-[[1948 en musique classique|1948]]), livret de [[Pierre Decourcelle]] et [[Michel Carré (librettiste)|Michel Carré]].
* ''[[La Peau de chagrin (Klebe)|La Peau de chagrin]]'', ({{lang|de|Die tödlichen Wünsche}}), [[opéra]] de [[Giselher Klebe]], [[1959 en musique classique|1959]]-[[1962 en musique classique|1962]]<ref>{{harvsp|Sipriot 1992|p=319}}.</ref>.
* ''[[La Peau de chagrin (Klebe)|La Peau de chagrin]]'' ({{langue|de|''Die tödlichen Wünsche''}}), [[opéra]] de [[Giselher Klebe]] ([[1959 en musique classique|1959]]-[[1962 en musique classique|1962]])<ref>{{harvsp|Sipriot 1992|p=319}}.</ref>.
*''Le Serment,'' opéra de [[Alexandre Tansman]], d’après la nouvelle ''La Grande Bretèche'' (1950)
* ''[[Peines de cœur d'une chatte anglaise|La Chatte anglaise]]'', livret de l'[[opéra]], en deux actes, tiré de la nouvelle de Balzac ''[[Peines de cœur d'une chatte anglaise]]'', musique de [[Hans Werner Henze]]. Création mondiale au Festival de [[Schwetzingen]] en [[1983 en musique classique|1983]], coproduction avec l’[[Opéra de Lyon]] en [[1984 en musique classique|1984]]<ref>{{ouvrage|partie=Introduction|titre=[[Peines de cœur d'une chatte anglaise]]|passage=12-17|lieu=Paris|éditeur=Flammarion GF|lien éditeur=Groupe Flammarion|année=1985}}.</ref>.
* ''[[Peines de cœur d'une chatte anglaise|La Chatte anglaise]]'', livret de l'[[opéra]], en deux actes, tiré de la nouvelle de Balzac ''[[Peines de cœur d'une chatte anglaise]]'', musique de [[Hans Werner Henze]]. Création mondiale au [[Festival de Schwetzingen]] en [[1983 en musique classique|1983]], coproduction avec l’[[opéra de Lyon]] en [[1984 en musique classique|1984]]<ref>{{Ouvrage|titre=[[Peines de cœur d'une chatte anglaise]]|lieu=Paris|éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion GF]]|année=1985|passage=12-17|isbn=|partie=introduction}}.</ref>.
* ''[[Gambara (nouvelle)|Gambara]]'', théâtre musical d’[[Antoine Duhamel]], livret de Robert Pansard-Bresson, [[1978 en musique classique|1978]]<ref>{{harvsp|Sipriot 1992|p=320-321}}.</ref>.
* ''[[Gambara (nouvelle)|Gambara]]'', théâtre musical d’[[Antoine Duhamel]], livret de Robert Pansard-Bresson ([[1978 en musique classique|1978]])<ref>{{harvsp|Sipriot 1992|p=320-321}}.</ref>.

[[File:Balzac 1939 Delzers.jpg|vignette|Timbre émis en 1939 au profit des ''[[Confédération des travailleurs intellectuels|Chômeurs intellectuels]]''.]]


=== Hommages===
=== Hommages ===
* L'écrivain chinois [[Dai Sijie]] lui voue un culte dans ''[[Balzac et la Petite Tailleuse chinoise]]''.
* L'écrivain chinois [[Dai Sijie]] lui voue un culte dans ''[[Balzac et la Petite Tailleuse chinoise]]''.
* Honoré de Balzac figure sur une pièce de {{unité|10|€}} en argent émise en [[2012]] par la [[Monnaie de Paris]] pour représenter sa région natale, la [[Région Centre]]<ref>{{Lien web|url=http://www.leseurosdesregions.com/euros-des-regions-2012-les-effigies-sont-connues/|titre=Euros des régions 2012 : les effigies sont connues|site=leseurosdesregions.com|consulté le=4 mai 2014}}.</ref>.
* Honoré de Balzac figure sur une pièce de {{unité|10|€}} en argent émise en 2012 par la [[Monnaie de Paris]] pour représenter sa région natale, la région [[Centre-Val de Loire|Centre]]<ref>{{Lien web|url=http://www.leseurosdesregions.com/euros-des-regions-2012-les-effigies-sont-connues/|titre=Euros des régions 2012 : les effigies sont connues|site=leseurosdesregions.com|consulté le=4 mai 2014}}.</ref>.
* En 1939, un timbre d'une valeur de {{unité|90|c.}} + {{unité|10|c.}} a été émis par la République française en hommage à ''La Comédie humaine''. Son retrait a lieu en novembre 1940. Il est gravé par [[Jean Antonin Delzers|Antonin Delzers]]<ref>{{lien web|url=http://www.france-timbre.fr/collection/pop.php?ligne=438|titre=Timbres de France|consulté le=4 mai 2014}}.</ref>.
* En 1939, un timbre d'une valeur de {{unité|90|c}} + {{unité|10|c}} a été émis par la République française en hommage à ''La Comédie humaine''. Son retrait a lieu en {{date-|novembre 1940}}. Il est gravé par [[Jean Antonin Delzers|Antonin Delzers]]<ref>{{lien web|url=http://www.france-timbre.fr/collection/pop.php?ligne=438|titre=Timbres de France|consulté le=4 mai 2014}}.</ref>.
* En [[astronomie]], sont nommés en son honneur [[(18430) Balzac]]<ref>{{Lien web |titre=IAU Minor Planet Center |url=http://www.minorplanetcenter.net/db_search/show_object?object_id=18430 |site=minorplanetcenter.net |consulté le=2020-06-13}}</ref>, un [[astéroïde]] de la [[Ceinture d'astéroïdes|ceinture principale]] d'astéroïdes, et [[Balzac (cratère)|Balzac]]<ref>{{Lien web |titre=Planetary Names: Crater, craters: Balzac on Mercury |url=https://planetarynames.wr.usgs.gov/Feature/587 |site=planetarynames.wr.usgs.gov |consulté le=2020-06-13}}</ref>, un [[Cratère d'impact|cratère]] de la planète [[Mercure (planète)|Mercure]].


=== L’affaire Radziwill ===
=== L’affaire Radziwill ===
Le {{Date|20|décembre|1924}}, ''[[La Revue hebdomadaire]]'' publie onze lettres que {{Mme|Hańska}} aurait écrites à son frère le comte Adam Rzewuski et dont aurait hérité la princesse [[Catherine Radziwill]], née Rzewuska, nièce de {{Mme|Hańska}} et fille d'Adam. Réfugiée aux [[États-Unis]] après la [[Révolution russe]], cette dernière disait n'avoir emporté que des papiers de famille, parmi lesquels les lettres où madame Hańska faisait à son frère des confidences sur sa relation avec Balzac<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=617}}.</ref>. Dans la présentation de cette correspondance, la princesse affirme vouloir {{citation|rendre justice à cette pauvre étrangère qui a été si faussement et si cruellement jugée}} et {{citation|lui rendre sa vraie place dans la vie d'une des plus grandes gloires littéraires de la France}}<ref>« Lettres de Madame de Balzac au comte Adam Rzewuski », ''[[La Revue hebdomadaire]]'', décembre 1924, {{p.|259-284}}, [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6545138v/f277.image en ligne].</ref>.
Le {{date-|20|décembre|1924}}, ''[[La Revue hebdomadaire]]'' publie onze lettres que {{Mme|Hańska}} aurait écrites à son frère le comte Adam Rzewuski et dont aurait hérité la princesse [[Catherine Radziwill]], née Rzewuska, nièce de {{Mme|Hańska}} et fille d'Adam. Réfugiée aux [[États-Unis]] après la [[révolution russe]], cette dernière disait n'avoir emporté que des papiers de famille, parmi lesquels les lettres où {{Mme}} Hańska faisait à son frère des confidences sur sa relation avec Balzac<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=617}}.</ref>. Dans la présentation de cette correspondance, la princesse affirme vouloir {{citation|rendre justice à cette pauvre étrangère qui a été si faussement et si cruellement jugée}} et {{citation|lui rendre sa vraie place dans la vie d'une des plus grandes gloires littéraires de la France}}<ref>« Lettres de madame de Balzac au comte Adam Rzewuski », ''[[La Revue hebdomadaire]]'', décembre 1924, {{p.|259-284}}, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6545138v/f277.image en ligne].</ref>.


Ces lettres, que la princesse avait fournies à Juanita Helm Floyd pour sa thèse ''Les Femmes dans la vie de Balzac'', n'attirent l'attention qu'après la traduction de cette thèse et sa publication en France, en 1927. Elles sont d'abord acclamées comme des documents importants, jusqu'à ce qu'un article de Hubert Gillot dans la ''[[Revue politique et littéraire]]'' (ou ''Revue bleue''), trouve cette correspondance suspecte en raison de considérations stylistiques<ref>{{harvsp|Gillot 1928}}.</ref> et que Sophie de Korwin-Piotrowska, qui connaissait bien la famille Rzewuski, ait affirmé que {{Mme|Hańska}} n’avait aucune relation avec son frère cadet et qu’elle n’avait aucune raison de lui parler d'un ''littérateur français'' qu’il désapprouvait<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=619}}.</ref>.
Ces lettres, que la princesse avait fournies à Juanita Helm Floyd pour sa thèse ''Les Femmes dans la vie de Balzac'', n'attirent l'attention qu'après la traduction de cette thèse et sa publication en France, en 1927. Elles sont d'abord acclamées comme des documents importants, jusqu'à ce qu'un article de Hubert Gillot dans la ''[[Revue politique et littéraire]]'' (ou ''Revue bleue'') trouve cette correspondance suspecte en raison de considérations stylistiques<ref>{{harvsp|Gillot 1928|p=584}}.</ref> et que Sophie de Korwin-Piotrowska, qui connaissait bien la famille Rzewuski, ait affirmé que {{Mme|Hańska}} n’avait aucune relation avec son frère cadet et qu’elle n’avait aucune raison de lui parler d'un «littérateur français» qu’il désapprouvait<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=619}}.</ref>.


Pour certains, [[Catherine Radziwill]] était une intrigante mythomane, qui cherchait à monnayer sa parenté avec {{Mme|Hańska}}. Cette même princesse s'était déjà rendue coupable de multiples escroqueries, notamment en imitant la signature de [[Cecil Rhodes]], fondateur de la compagnie de diamants [[De Beers]]. Cette correspondance est donc généralement considérée comme une supercherie<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=617-621}}.</ref>.
Pour certains, [[Catherine Radziwill]] était une intrigante mythomane, qui cherchait à monnayer sa parenté avec {{Mme|Hańska}}. Cette même princesse s'était déjà rendue coupable de multiples escroqueries, notamment en imitant la signature de [[Cecil Rhodes]], fondateur de la compagnie de diamants [[De Beers]]. Cette correspondance est donc généralement considérée comme une supercherie<ref>{{Harvsp|Maurois 1965|p=617-621}}.</ref>{{,}}<ref>[[Philippe Di Folco]], ''Plagiats et impostures littéraires d'hier et d'aujourd'hui'', Éditions Écriture / L'Archipel, 2022, {{p.|322}}.</ref>.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
=== Notes ===
=== Notes ===
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=== Références ===
=== Références ===
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== Annexes ==
== Annexes ==
{{Autres projets
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}}

=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
====Éditions de référence====
==== Éditions de référence ====
* {{Ouvrage|auteur1=[[Pierre-Georges Castex]]|auteur2=Roland Chollet|auteur3=Madeleine Ambrière-Fargeaud|auteur4=[[Pierre Barbéris]]|titre=Honoré de Balzac|sous-titre=La Comédie humaine|tome=XII|lieu=Paris|éditeur=Gallimard|collection=Pléiade|numéro dans collection=292|année=1981|pages totales=2000|isbn=2070106640|présentation en ligne=http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-la-Pleiade/La-Comedie-humaine18|id=Pléiade 1981}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Pierre-Georges Castex]]|auteur2=Thierry Bodin|auteur3=Pierre Citron|auteur4=Madeleine Fargeaud|auteur5=Henri Gauthier|auteur6=René Guise|auteur7=Moïse Le Yaouanc|titre=Honoré de Balzac|sous-titre=La Comédie humaine|tome=X|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|collection=Pléiade|numéro dans collection=42|année=1979|pages totales=1856|isbn=9782070108688|présentation en ligne=http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-la-Pleiade/La-Comedie-humaine14|id=Pléiade 1979}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Pierre-Georges Castex|auteur2=Roland Chollet|auteur3=René Guise|auteur4=Nicole Mozet|titre=Honoré de Balzac|sous-titre=Œuvres diverses|tome=1|lieu=Paris|éditeur=Gallimard|collection=Pléiade|numéro dans collection=364|année=1990|pages totales=1904|isbn=2070106640|présentation en ligne=http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-la-Pleiade/oeuvres-diverses|consulté le=21 février 2014|id=Pléiade 1990}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pierre-Georges Castex|auteur2=Roland Chollet|auteur3=Madeleine Ambrière-Fargeaud|auteur4=[[Pierre Barbéris]]|titre=Honoré de Balzac|sous-titre=La Comédie humaine|tome=XII|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|collection=Pléiade|numéro dans collection=292|année=1981|pages totales=2000|isbn=2070106640|présentation en ligne=http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-la-Pleiade/La-Comedie-humaine18|id=Pléiade 1981}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Pierre-Georges Castex|auteur2=Roland Chollet|auteur3=René Guise|auteur4=Christian Guise|titre=Honoré de Balzac|sous-titre=Œuvres diverses|tome=2|lieu=Paris|éditeur=Gallimard|collection=Pléiade|numéro dans collection=424|année=1996|pages totales=1852|isbn=2070114511|présentation en ligne=http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-la-Pleiade/oeuvres-diverses2|consulté le=21 février 2014|id=Pléiade 1996}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pierre-Georges Castex|auteur2=Roland Chollet|auteur3=René Guise|auteur4=Nicole Mozet|titre=Honoré de Balzac|sous-titre=œuvres diverses|tome=1|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|collection=Pléiade|numéro dans collection=364|année=1990|pages totales=1904|isbn=2070106640|présentation en ligne=http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-la-Pleiade/oeuvres-diverses|consulté le=21 février 2014|id=Pléiade 1990}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|préface=[[André Lorant]]|titre=Premiers romans, 1822-1825|lieu=Paris|lien éditeur=Robert Laffont|éditeur=Robert Laffont|Collection=Bouquins|année=1999|ISBN=2221090454|présentation en ligne=http://www.bouquins.tm.fr/site/premiers_romans_1822_1825_t1_&100&9782221059562.html|id=Lorant 1999}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pierre-Georges Castex|auteur2=Roland Chollet|auteur3=René Guise|auteur4=Christian Guise|titre=Honoré de Balzac|sous-titre=œuvres diverses|tome=2|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|collection=Pléiade|numéro dans collection=424|année=1996|pages totales=1852|isbn=2070114511|présentation en ligne=http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-la-Pleiade/oeuvres-diverses2|consulté le=21 février 2014|id=Pléiade 1996}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Roland Chollet|titre=Honoré de Balzac|sous-titre=La Comédie humaine|tome=|lieu=Genève|éditeur=Rencontre|collection=|numéro dans collection=|année=1968|pages totales=|isbn=|présentation en ligne=|id=Chollet}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Honoré de Balzac|préface=[[André Lorant]]|titre=Premiers romans, 1822-1825|lieu=Paris|éditeur=[[Robert Laffont]]|collection=Bouquins|année=1999|pages totales=1039|isbn=2221090454|présentation en ligne=http://www.bouquins.tm.fr/site/premiers_romans_1822_1825_t1_&100&9782221059562.html|id=Lorant 1999}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|préface=[[Raymond Abellio]]|titre=Louis Lambert - Les Proscrits - Jésus-Christ en Flandre|lieu=Paris|éditeur=Gallimard|collection=Folio classique|numéro dans collection=1161|année=1980|pages totales=320|isbn=9782070371617|présentation en ligne=http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-classique/Louis-Lambert-Les-Proscrits-Jesus-Christ-en-Flandre|id=Abellio 1980}}
* {{Ouvrage|auteur1=Roland Chollet|titre=Honoré de Balzac|sous-titre=La Comédie humaine|lieu=Genève|éditeur=Rencontre|année=1968|id=Chollet}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|préface=[[Raymond Abellio]]|titre=Louis Lambert. Les Proscrits. Jésus-Christ en Flandre|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|collection=Folio classique|numéro dans collection=1161|année=1980|pages totales=320|isbn=9782070371617|présentation en ligne=http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-classique/Louis-Lambert-Les-Proscrits-Jesus-Christ-en-Flandre|id=Abellio 1980}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|préface=|titre=Œuvres complètes. XXII. Œuvres diverses|lieu=Paris|éditeur=Michel Lévy Frères|collection=|année=1872|pages totales=|isbn=|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=vsATAAAAYAAJ&hl=fr&pg=PA285#v=onepage&q&f=false|id=Balzac Code 1872}}
* {{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|titre=Œuvres complètes. XXII. Œuvres diverses|lieu=Paris|éditeur=[[Michel Lévy frères|Michel Lévy Frères]]|année=1872|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=vsATAAAAYAAJ&pg=PA285|id=Balzac Code 1872}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|préface=|titre=Monographie de la presse parisienne|lieu=Paris|éditeur=Jean-Jacques Pauvert|collection=|année=1843|réimpression=1965|pages totales=|isbn=|lire en ligne=|id=Monographie 1843}}
* {{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|titre=Monographie de la presse parisienne|lieu=Paris|éditeur=Jean-Jacques Pauvert|année=1843|réimpression=1965|id=Monographie 1843}}.
* Correspondance de Balzac :
* Correspondance de Balzac :
**Avec [[Ewelina Hańska|Madame Hańska]] : {{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|préface=|responsabilité=|titre=Lettres à l’étrangère|sous-titre=4 vol.|lieu=Paris|éditeur=[[Calmann-Lévy]]|année=1899|lire en ligne=https://archive.org/details/lettresltrangre02balzgoog|id=Lettres 1899}}
** Avec [[Ewelina Hańska|madame Hańska]] : {{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|titre=Lettres à l’étrangère ''(4 vol.)''|lieu=Paris|éditeur=[[Calmann-Lévy]]|année=1899|lire en ligne=https://archive.org/stream/lettresltrangre04balzgoog#page/n11/mode/2up|id=Lettres 1899}}; [https://archive.org/stream/lettresltrangre01balzgoog#page/n11/mode/2up vol .1 : 1833-1842 ; vol. 2 : 1842-1844] ; vol. 3 : 1845-1846 ; [[iarchive:lettresltrange04balzuoft|vol. 4 : 1846-1847]].
**{{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|titre=Lettres à Madame Hańska|sous-titre=Textes classés et annotés par Roger Pierrot. 2 vol.|lieu=Paris|éditeur=[[Robert Laffont]]|collection=Bouquins|année=1990|présentation en ligne=http://www.bouquins.tm.fr/site/lettres_a_madame_hanska_t1_&100&9782221059234.html|isbn=9782221067901|id=Pierrot 1990}}
** {{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|responsabilité1=textes classés et annotés par Roger Pierrot [2 vol.]|titre=Lettres à Madame Hańska|lieu=Paris|éditeur=[[Robert Laffont]]|collection=Bouquins|année=1990|isbn=9782221067901|présentation en ligne=http://www.bouquins.tm.fr/site/lettres_a_madame_hanska_t1_&100&9782221059234.html|id=Pierrot 1990}}.
**{{ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|titre=Correspondance avec [[Zulma Carraud]]'', réunie par [[Marcel Bouteron]]|lieu=Paris|éditeur=[[Armand Colin]]|année=1935|réimpression=Éd. revue et augmentée, Paris, Gallimard, 1951|présentation en ligne=http://www.zulma.carraud.fr/zulma-carraud-correspondance-balzac-zulma-273.html}}
** {{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|titre=Correspondance avec [[Zulma Carraud]], ''réunie par [[Marcel Bouteron]]''|lieu=Paris|éditeur=[[Armand Colin]]|année=1935|réimpression=éd. revue et augmentée, Paris, Gallimard, 1951|présentation en ligne=http://www.zulma.carraud.fr/zulma-carraud-correspondance-balzac-zulma-273.html}}.
**{{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|titre=Correspondance intégrale|sous-titre=Réunie et annotée par [[Roger Pierrot]]. 5 vol.|lieu=Paris|éditeur=[[Garnier Frères|Garnier]]|année=1960-1969|id=Pierrot 1969}}
** {{Ouvrage|auteur1=Honoré de Balzac|titre=Correspondance intégrale, ''réunie et annotée par [[Roger Pierrot]] (5 vol.)''|lieu=Paris|éditeur=[[Garnier Frères|Garnier]]|année=1960-1969|isbn=|id=Pierrot 1969}}.


====Études et biographies citées dans cet article ====
==== Études et biographies citées dans cet article ====
[[Fichier:Le monde de Balzac.jpg|thumb|right|150px|''Le monde de Balzac'' de [[Pierre Barbéris]] (page de couverture de l'édition originale, avec photo de Balzac).]]
* {{Ouvrage|lang=|nom1=|prénom1=|auteur1=Collectif|titre=Balzac|sous-titre=Le livre du centenaire|traduction=|lien éditeur=|éditeur=Flammarion|lieu=Paris|année=1952|pages totales=330|isbn=|id=Livre du centenaire}}
* Outre les nombreux livres du vicomte [[Charles de Spoelberch de Lovenjoul]], bibliophile belge et grand spécialiste de Balzac,
* {{chapitre |auteur1=Madeleine Ambrière |titre chapitre=Balzac penseur et voyant |titre ouvrage= L'artiste selon Balzac|passage=56-76|collection=|lieu=Paris |éditeur=Paris-Musées|année=1999 |tome=|id=Ambrière 1999}}
* {{Ouvrage|auteur1=Collectif|titre=Balzac|sous-titre=le livre du centenaire|lieu=Paris|éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]]|année=1952|pages totales=330|id=Livre du centenaire}}
* {{chapitre |auteur1=Madeleine Ambrière |titre chapitre=Balzac penseur et voyant |titre ouvrage= L'Artiste selon Balzac|passage=56-76|collection=|lieu=Paris |éditeur=Paris-Musées|année=1999 |tome=|id=Ambrière 1999}}.
* {{article|auteur1=Colonel Arnaud|titre=Les origines d'Honoré de Balzac|périodique=Revue de Paris|jour=15|mois=février|année=1923|id=Arnaud 1923}}.
* {{article|auteur1=Colonel Arnaud|titre=Les origines d'Honoré de Balzac|périodique=Revue de Paris|jour=15|mois=février|année=1923|id=Arnaud 1923}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Pierre Barbéris]]|titre=Balzac et le mal du siècle|sous-titre=2 vol.|lieu=Paris|éditeur=Slatkine|lien éditeur=Éditions Slatkine|collection=|année=1970|réimpression=2002|pages totales=2122|isbn=2-0510-1899-5|id=Barbéris 1970}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Pierre Barbéris]]|titre=Balzac et le mal du siècle ''(2 vol.)''|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Slatkine|Slatkine]]|année=1970|réimpression=2002|pages totales=2122|isbn=2-0510-1899-5|id=Barbéris 1970}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Pierre Barbéris]]|titre=Le Monde de Balzac|lieu=Paris|éditeur=Kimè|année=1973|réimpression=1999|pages totales=603|isbn=2-84174-163-X|id=Barbéris 1973}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Pierre Barbéris]]|titre=Le Monde de Balzac|lieu=Paris|éditeur=Kimè|année=1973|réimpression=1999|pages totales=603|isbn=2-84174-163-X|id=Barbéris 1973}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Maurice Bardèche]]|titre=Balzac, romancier|sous-titre=La formation de l’art du roman chez Balzac|lieu=Genève|éditeur=Slatkine|lien éditeur=Éditions Slatkine|année=1967|réimpression=1999|pages totales=639|isbn=2040153330|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=9TtsoEvDz1YC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false|id=Bardèche 1967}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Maurice Bardèche]]|titre=Balzac, romancier|sous-titre=la formation de l’art du roman chez Balzac|lieu=Genève|éditeur=[[Éditions Slatkine|Slatkine]]|année=1967|réimpression=1999|pages totales=639|isbn=2040153330|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=9TtsoEvDz1YC&printsec=frontcover|id=Bardèche 1967}}.
* {{article|auteur1=Anne-Marie Baron|auteur2=Jean-Claude Romer|titre=Filmographie de Balzac|périodique=[[L'Année balzacienne]]|année=2005passage=395-409||id=Baron 2005}}.
* {{article|auteur1=Anne-Marie Baron|auteur2=Jean-Claude Romer|titre=Filmographie de Balzac|périodique=[[L'Année balzacienne]]|année=2005|passage=395-409|id=Baron 2005}}.
* {{ouvrage|auteur1=[[Roland Barthes]]|titre=[[S/Z]]|collection=Points essais|éditeur=[[éditions du Seuil]]|lieu=[[Paris]]|année=1970|id=Barthes 1970}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Roland Barthes]]|titre=[[S/Z]]|lieu=Paris|éditeur=[[éditions du Seuil]]|collection=Points essais|année=1970|isbn=|id=Barthes 1970}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Charles Baudelaire]]|titre=L’Art romantique|lieu=Paris|éditeur=Michel Lévy|année=1869|réimpression=1962|pages totales=442|lire en ligne=http://books.google.ca/books?id=hLcTkGnsE4sC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false|id=Baudelaire 1869}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Charles Baudelaire]]|titre=L’Art romantique|lieu=Paris|éditeur=Michel Lévy|année=1869|réimpression=1962|pages totales=442|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=hLcTkGnsE4sC&printsec=frontcover|id=Baudelaire 1869}}.
* {{ouvrage|auteur1=Patricia Baudouin|titre=Balzac journaliste et penseur du politique 1830-1850|collection=|éditeur=Atelier national de reproduction des thèses|lieu=[[Paris]]|année=2008|id=Baudouin 2008}}
* {{Ouvrage|auteur1=Patricia Baudouin|titre=Balzac journaliste et penseur du politique 1830-1850|lieu=Paris|éditeur=Atelier national de reproduction des thèses|année=2008|isbn=|id=Baudouin 2008}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Albert Béguin]]|titre=Balzac visionnaire|lieu=Genève|éditeur=[[Albert Skira]]|année=1946|pages totales=205|lire en ligne=http://www.biblisem.net/etudes/begubalz.htm|id=Béguin 1946}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Albert Béguin]]|titre=Balzac visionnaire|lieu=Genève|éditeur=[[Albert Skira]]|année=1946|pages totales=205|lire en ligne=http://www.biblisem.net/etudes/begubalz.htm|id=Béguin 1946}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Philippe Bertault|titre=Balzac et la religion|sous-titre=|lieu=Paris|éditeur=Slatkine|année=1942|réimpression=1980|id=Bertault 1980}}
* {{Ouvrage|auteur1=Philippe Bertault|titre=Balzac et la religion|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Slatkine|Slatkine]]|année=1942|réimpression=1980|id=Bertault 1980}}
* {{Ouvrage|auteur1=René Bouvier|auteur2=Édouard Maynial|titre original=Les Comptes dramatiques de Balzac|titre=De quoi vivait Balzac|lieu=Paris|éditeur=Les Deux Rives|année=1938|réimpression=1949|pages totales=131|id=Bouvier 1938}}
* {{Ouvrage|auteur1=René Bouvier|auteur2=Édouard Maynial|titre=De quoi vivait Balzac|titre original=Les Comptes dramatiques de Balzac|lieu=Paris|éditeur=Les Deux Rives|année=1938|réimpression=1949|pages totales=131|id=Bouvier 1938}}
*{{Ouvrage|auteur1=[[Champfleury (écrivain)|Champfleury]]|titre=[[s:Balzac au collége|Balzac au collège]]|lieu=Paris|éditeur=A. Patay|année=1878|pages totales=32}}
*{{Ouvrage|auteur1=[[Champfleury (écrivain)|Champfleury]]|titre=[[s:Balzac au collége|Balzac au collège]]|lieu=Paris|éditeur=A. Patay|année=1878|pages totales=32}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Philarète Chasles]]|responsabilité1=Préfacier officiel des ''Romans et contes philosophiques'' de Balzac en [[1831]]|titre=Mémoires|lieu=Paris (Charpentier) et Genève|éditeur=Slatkine Reprints|année=|année première édition=1876-1877|réimpression=1973|isbn=|lire en ligne=http://gallica.bnf.fr/Search?adva=1&adv=1&tri=&t_relation=cb34154020q&q=Philar%C3%A8te+Chasles+M%C3%A9moires|id=Chasles 1876}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Philarète Chasles]]|responsabilité1=préfacier officiel des ''Romans et contes philosophiques'' de Balzac en 1831|titre=Mémoires|lieu=Paris (Charpentier) et Genève|éditeur=Slatkine Reprints|année=|année première édition=1876-1877|réimpression=1973|isbn=|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/Search?adva=1&adv=1&tri=&t_relation=cb34154020q&q=Philar%C3%A8te+Chasles+M%C3%A9moires|id=Chasles 1876}}.
* {{Article|titre=Colloque Balzac des 6 et 7 novembre 1964|périodique=[[Europe (revue)|Europe]]. Numéro spécial Balzac|numéro=429-430|titre numéro=|jour=|mois=janvier-février|année=1965|pages totales=|présentation en ligne=http://www.cavi.univ-paris3.fr/europe/rsomnum2.cfm?expr1=Janvier-F%C3%A9vrier%201965|id=Europe 1965}}
* {{Article|titre=Colloque Balzac des 6 et 7 novembre 1964|périodique=[[Europe (revue)|Europe]]|numéro=429-430, numéro spécial Balzac|titre numéro=|jour=|mois=janvier-février|année=1965|pages totales=|présentation en ligne=http://www.cavi.univ-paris3.fr/europe/rsomnum2.cfm?expr1=Janvier-F%C3%A9vrier%201965|id=Europe 1965}}.
* Ernest Robert Curtius, ''Balzac'' (trad. Michel Beretti), Paris, Édition des Syrtes, 1923 (réimpr. 1933, 1999), 426 p. {{ISBN|2-84545-005-2}}, {{BNF|37561463}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Jean-Louis Dega|titre=La vie prodigieuse de Bernard-François Balssa, père d'Honoré de Balzac|sous-titre=Aux sources historiques de ''[[La Comédie humaine]]''|lieu=Rodez|éditeur=Subervie|pages totales=665|année=1998|isbn=9782911381331|id=Dega 1998}}
* {{article|auteur1=Bernadette Dieudonné|titre=De Balssa à Balzac : aux sources familiales de ''[[La Comédie humaine]]|périodique=Gé-Magazine|numéro=181|date=avril 1999|passage=27-32|id=Dieudonné 1999}}
* {{Ouvrage|auteur1=Jean-Louis Dega|titre=La Vie prodigieuse de Bernard-François Balssa, père d'Honoré de Balzac|sous-titre=aux sources historiques de ''[[La Comédie humaine]]''|lieu=Rodez|éditeur=Subervie|année=1998|pages totales=665|isbn=9782911381331|id=Dega 1998}}.
* {{article|auteur1=Bernadette Dieudonné|titre=De Balssa à Balzac : aux sources familiales de ''[[La Comédie humaine]]''|périodique=Gé-Magazine|numéro=181|date=avril 1999|passage=27-32|id=Dieudonné 1999}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Nicolas Dissaux|directeur1=oui|titre=Balzac, romancier du droit|sous-titre=|lieu=Paris|éditeur=LexisNexis|année=2012|isbn=9782711017355|id=Dissaux 2012}}
* {{Ouvrage|auteur1=Danielle Dufresne|titre=Balzac et les femmes|lieu=Paris|éditeur=[[Taillandier]]|pages totales=318|année=1999|isbn=978-2-235-02210-1|id=Dufresne 1999}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Nicolas Dissaux|directeur1=oui|titre=Balzac, romancier du droit|lieu=Paris|éditeur=[[LexisNexis]]|année=2012|pages totales=382|isbn=9782711017355|id=Dissaux 2012}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Claude Duchet|auteur2=Jacques Neefs|titre=Balzac, l’invention du roman|sous-titre=Colloque international de Cerisy-la-Salle|lieu=Paris|éditeur=Belfond|pages totales=298|année=1982|isbn=2-7144-1460-5|présentation en ligne=http://www.ccic-cerisy.asso.fr/balzacTM82.html|id=Cerisy 1982}}
* {{Ouvrage|auteur1=Danielle Dufresne|titre=Balzac et les femmes|lieu=Paris|éditeur=[[Taillandier]]|année=1999|pages totales=318|isbn=978-2-235-02210-1|id=Dufresne 1999}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Claude Duchet|auteur2=Jacques Neefs|titre=Balzac, l’invention du roman|sous-titre=colloque international de Cerisy-la-Salle|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Belfond|Belfond]]|année=1982|pages totales=298|isbn=2-7144-1460-5|présentation en ligne=http://www.ccic-cerisy.asso.fr/balzacTM82.html|id=Cerisy 1982}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Juanita Helm Floyd|titre=Les Femmes dans la vie de Balzac|sous-titre=Traduction et introduction de la Princesse Catherine Radziwill. Avec 17 lettres inédites de Madame Hańska et trois portraits hors texte|lieu=Paris|titre original={{lang|en|Women in the Life of Balzac}}|lire en ligne=https://archive.org/stream/womeninthelifeof03164gut/3164.txt|année=1926|éditeur=Plon|pages totales=314|année=1926|id=Floyd}}
* {{Ouvrage|auteur1=Juanita Helm Floyd|titre=Les Femmes dans la vie de Balzac|sous-titre=traduction et introduction de la Princesse Catherine Radziwill. Avec 17 lettres inédites de Madame Hańska et trois portraits hors texte|titre original={{langue|en|Women in the Life of Balzac}}|lieu=Paris|éditeur=[[Plon]]|année=1926|pages totales=314|lire en ligne=https://archive.org/stream/womeninthelifeof03164gut/3164.txt|id=Floyd}}
* {{chapitre |nom1=Frappier-Mazur |prénom1=Lucienne |titre chapitre=Sémiotique du corps malade dans la ''Comédie humaine'' |titre ouvrage= Balzac, l’invention du roman|isbn=2-7144-1460-5|pages totales=288|lieu=Paris |éditeur=Belfond |année=1982 |id=Frappier 1982}}
* {{chapitre |nom1=Frappier-Mazur |prénom1=Lucienne |titre chapitre=Sémiotique du corps malade dans ''La Comédie humaine'' |titre ouvrage= Balzac, l’invention du roman|isbn=2-7144-1460-5|pages totales=288|lieu=Paris |éditeur=Belfond |année=1982 |id=Frappier 1982}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Théophile Gautier]]|titre=Honoré de Balzac|lieu=Paris|éditeur=[[Auguste Poulet-Malassis]] et [[Eugène de Broise]]|pages totales=177|année=1859|lire en ligne=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1097542|id=Gautier 1859}}
* {{Ouvrage|auteur1=Théophile Gautier|titre=Portraits contemporains|sous-titre=Balzac|lieu=Paris|éditeur=Charpentier|pages totales=474|année=1874|id=Gautier 1874}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Théophile Gautier]]|titre=Honoré de Balzac|lieu=Paris|éditeur=[[Auguste Poulet-Malassis]] et [[Eugène de Broise]]|année=1859|pages totales=177|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1097542|id=Gautier 1859}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Théophile Gautier|titre=Portraits contemporains|sous-titre=Balzac|lieu=Paris|éditeur=Charpentier|année=1874|pages totales=474|id=Gautier 1874}}
* {{Article|auteur1=Hubert Gillot|titre=Le Secret de l'Étrangère|périodique=[[Revue politique et littéraire]]|lieu=Paris|éditeur=|série=|volume=|titre volume=|numéro=19|titre numéro=|jour=6|mois=octobre|année=1928|passage=583-587|lire en ligne=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4058961/f593.image |id=Gillot 1928}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Léon Gozlan]]|titre=Balzac intime|sous-titre=Balzac en pantoufles. Balzac chez lui|lieu=Paris|année première édition=1856|éditeur=Librairie illustrée|réimpression=2001|collection=Découvertes|pages totales=388|lire en ligne=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k620418|isbn=9782706814754|id=Gozlan 1886}}
* {{Article|auteur1=Hubert Gillot|titre=Le secret de l'étrangère|périodique=[[Revue politique et littéraire]]|lieu=Paris|numéro=19|jour=6|mois=octobre|année=1928|passage=583-587|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4058961/f593.image |id=Gillot 1928}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Léon Gozlan]]|titre=Balzac intime|sous-titre=Balzac en pantoufles. Balzac chez lui|lieu=Paris|éditeur=Librairie illustrée|collection=Découvertes|année=2001|année première édition=1856|réimpression=2001|pages totales=388|isbn=9782706814754|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k620418|id=Gozlan 1886}}.
* {{article|auteur1=René Guise|titre=Balzac et le roman feuilleton|périodique=[[L'Année balzacienne]]|année=1964|id=Guise 1964}}.
* {{article|auteur1=René Guise|titre=Balzac et le roman feuilleton|périodique=[[L'Année balzacienne]]|année=1964|id=Guise 1964}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Bernard Guyon|titre=La pensée politique et sociale de Balzac|sous-titre=|lieu=Paris|éditeur=Armand Colin|année=1947|réimpression=1967|id=Guyon 1947}}
* {{Ouvrage|auteur1=Bernard Guyon|titre=La Pensée politique et sociale de Balzac|lieu=Paris|éditeur=[[Armand Colin]]|année=1947|réimpression=1967|id=Guyon 1947}}.
* {{chapitre |auteur1=Brigitte Léal |titre chapitre=Ces Balzac de Picasso|titre ouvrage= L'artiste selon Balzac. Entre la toise du savant et le vertige du fou|passage=206-221|collection=|lieu=Paris |éditeur=Paris-Musées|année=1999 |isbn=2879004551|id=Léal 1999}}
* {{chapitre |auteur1=[[Brigitte Léal]] |titre chapitre=Ces Balzac de Picasso|titre ouvrage= L'Artiste selon Balzac. Entre la toise du savant et le vertige du fou|passage=206-221|collection=|lieu=Paris |éditeur=Paris-Musées|année=1999 |isbn=2879004551|id=Léal 1999}}.
* {{Article|auteur1=Fernand Lotte|titre=Le retour des personnages|périodique=[[L'Année balzacienne]]|lieu=Paris|éditeur=Garnier|série=|volume=|titre volume=|numéro=|titre numéro=|jour=|mois=|année=1961|pages totales=281|issn=|id=Lotte 1961}}
* {{Article|auteur1=Fernand Lotte|titre=Le retour des personnages|périodique=[[L'Année balzacienne]]|lieu=Paris|éditeur=Garnier|série=|volume=|titre volume=|numéro=|titre numéro=|jour=|mois=|année=1961|pages totales=281|issn=|id=Lotte 1961}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Georg Lukács]]|titre=Balzac et le réalisme français|sous-titre=|traduction=Paul Laveau|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Maspero|Maspero]]|année=1967|réimpression=|id=Lukács 1967}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Georg Lukács]]|traducteur=Paul Laveau|titre=Balzac et le réalisme français|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Maspero]]|année=1967|id=Lukács 1967}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Félicien Marceau]]|titre=Balzac et son monde|lieu=Paris|année=1955|éditeur=Gallimard|lien éditeur=Éditions Gallimard|collection=Tel|numéro=108|réimpression=1986|pages totales=700|isbn=9782070706976|présentation en ligne=http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Balzac-et-son-monde|id=Marceau}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Félicien Marceau]]|titre=Balzac et son monde|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|collection=Tel|année=1955|réimpression=1986|pages totales=700|isbn=9782070706976|présentation en ligne=http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Balzac-et-son-monde|numéro chapitre=108|id=Marceau}}.
* {{Ouvrage|prénom1=André|nom1=Maurois|lien auteur1=André Maurois|titre=Prométhée ou la vie de Balzac|lieu=Paris|lien éditeur=Hachette Livre|éditeur=Hachette|année=1965|id=Maurois 1965}}
* {{Ouvrage|prénom1=André|nom1=Maurois|lien auteur1=André Maurois|titre=Prométhée ou la vie de Balzac|lieu=Paris|éditeur=[[Hachette Livre|Hachette]]|année=1965|id=Maurois 1965}}.
* {{article|auteur1=Paul Métadier|titre=Les études sociales de Balzac|périodique=[[L'Année balzacienne]]|année=1990|passage=347-357|id=Métadier 1990}}
* {{article|auteur1=Paul Métadier|titre=Les études sociales de Balzac|périodique=[[L'Année balzacienne]]|année=1990|passage=347-357|id=Métadier 1990}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Arlette Michel|titre=Le mariage chez Honoré de Balzac|sous-titre=Amour et féminisme|lieu=Paris|éditeur=Les Belles Lettres|année=1978|isbn=|id=Michel 1978}}
* {{Ouvrage|auteur1=Arlette Michel|titre=Le Mariage chez Honoré de Balzac|sous-titre=amour et féminisme|lieu=Paris|éditeur=[[Les Belles Lettres]]|année=1978|isbn=|id=Michel 1978}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Gaëtan Picon]]|titre=Balzac par lui-même|lieu=Paris|année=1956|éditeur=[[Éditions du Seuil]]|collection=|pages totales=191|id=Picon 1956}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Gaëtan Picon]]|titre=Balzac par lui-même|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]|année=1956|pages totales=191|id=Picon 1956}}
* {{chapitre |auteur1= [[Gaëtan Picon]]|titre chapitre=Le roman et la prose lyrique au XIXe siècle |titre ouvrage= Histoire des littératures|collection=Encyclopédie de la Pléiade|lieu=Paris |éditeur=Gallimard |année=1958 |tome=3 |id=Picon 1958}}
* {{chapitre |auteur1= [[Gaëtan Picon]]|titre chapitre=Le roman et la prose lyrique au {{s-|XIX}}|titre ouvrage= Histoire des littératures|collection=Encyclopédie de la Pléiade|lieu=Paris |éditeur=Gallimard |année=1958 |tome=3 |id=Picon 1958}}.
* {{Article|auteur1=André Pierre|lien auteur1=André Tardieu|titre=Le Centenaire du premier voyage de Balzac en Russie|périodique=[[La Revue des Deux Mondes]]|lieu=Paris|éditeur=Garnier|série=|volume=|titre volume=|numéro=|titre numéro=|jour=1|mois=décembre|année=1943|pages totales=281|issn=|id=Pierre 1943}}
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* {{Ouvrage|auteur1=[[Roger Pierrot]]|titre=Honoré de Balzac|lieu=Paris|année=1994|éditeur=[[Fayard (maison d'édition)|Fayard]]|réimpression=1999|collection=|pages totales=582|isbn=2-213-59228-4|id=Pierrot 1994}}
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* {{chapitre|auteur1=Elisheva Rosen|lien auteur1=|titre chapitre=Le personnage et la poétique du roman balzacien|auteurs ouvrage= Stéphane Vachon|titre ouvrage= Balzac, une poétique du roman|isbn=|passage= 201-212|lieu=Montréal |éditeur=XYZ |année=1996 |id=Rosen 1996}}
* {{chapitre|auteur1=Elisheva Rosen|lien auteur1=|titre chapitre=Le personnage et la poétique du roman balzacien|auteurs ouvrage= Stéphane Vachon|titre ouvrage= Balzac, une poétique du roman|isbn=|passage= 201-212|lieu=Montréal |éditeur=XYZ |année=1996 |id=Rosen 1996}}
* {{ouvrage|auteur1=Geneviève Ruxton|titre=La Dilecta de Balzac|sous-titre=Balzac et Madame de Berny 1820-1836|éditeur=Plon|lieu=Paris|année=1909|pages totales=272|id=Ruxton 1909}}
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* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Gonzague|nom1=Saint Bris|lien auteur1=Gonzague Saint Bris|titre=Balzac. Une vie de roman|lieu=Paris|éditeur=Éd. Télémaque|année=2011|pages totales=446|isbn=9782753301351}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[George Sand]]|titre=Oeuvres complètes de George Sand|sous-titre=Autour de la table|lieu=Paris|année=1872|éditeur=Lévy|collection=|réimpression=|collection=|pages totales=|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=WLAVAAAAYAAJ&lpg=PA197&hl=fr&pg=PA210#v=onepage&q&f=false|isbn=|id=Sand 1872}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[George Sand]]|titre=Œuvres complètes de George Sand|sous-titre=autour de la table|lieu=Paris|éditeur=[[Michel Lévy frères|Lévy]]|année=1872|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=WLAVAAAAYAAJ&pg=PA210|id=Sand 1872}}.
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* {{Ouvrage|auteur1=Charles de Spoelberch de Lovenjoul|titre=Histoire des œuvres d’Honoré de Balzac|éditeur=Calmann Lévy|lieu=Paris|année=1879|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=IkUCAAAAQAAJ&hl=fr&source=gbs_navlinks_s |pages totales=|isbn=|id=Spœlberch 1879}}
* {{Ouvrage|auteur1=Charles de Spoelberch de Lovenjoul|titre=Histoire des œuvres d’Honoré de Balzac|lieu=Paris|éditeur=[[Calmann-Lévy|Calmann Lévy]]|année=1879|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=IkUCAAAAQAAJ|id=Spœlberch 1879}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Laure Surville]]|titre=Balzac, sa vie et ses œuvres d’après sa correspondance|éditeur=L’Harmattan|lieu=Paris|année=1858|réimpression=2005|pages totales=|lire en ligne=http://books.google.ca/books?id=rI5aIhvCHxsC&pg=PR1&dq=Essai+sur+la+vie+et+le+caract%C3%A8re+de+Balzac&hl=fr&sa=X&ei=2_0HU-7cCeXt2wXV-YDwAg&ved=0CEwQ6AEwBQ#v=onepage&q=Essai%20sur%20la%20vie%20et%20le%20caract%C3%A8re%20de%20Balzac&f=false|isbn=2-7475-8188-8|id=Surville 1858}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Laure Surville]]|titre=Balzac, sa vie et ses œuvres d’après sa correspondance|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L’Harmattan]]|année=1858|réimpression=2005|pages totales=210|isbn=2-7475-8188-8|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=rI5aIhvCHxsC&pg=PR1&dq=Essai+sur+la+vie+et+le+caract%C3%A8re+de+Balzac|id=Surville 1858}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Hippolyte Taine]]|titre=Nouveaux essais de critique et d’histoire|sous-titre=2e édition|éditeur=[[Hachette Livre|Hachette]]|lieu=Paris|année=1866|lire en ligne=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k26631r.r=%27%27Nouveaux+essais+de+critique+et+d%E2%80%99histoire.langFR|pages totales=396|id=Taine 1866}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Hippolyte Taine]]|titre=Nouveaux essais de critique et d’histoire|lieu=Paris|éditeur=[[Hachette Livre|Hachette]]|année=1866|numéro d'édition=2|pages totales=396|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k26631r.r=%27%27Nouveaux+essais+de+critique+et+d%E2%80%99histoire.langFR|id=Taine 1866}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Stéphane Vachon|titre=Les travaux et les jours d'Honoré de Balzac|sous-titre=Chronologie de la création balzacienne|lieu=Paris et Montréal|éditeur=Presses de l'Université de Montréal / Presses du CNRS|année=1992|isbn=2876820692|id=Vachon 1992}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Stéphane Vachon|titre=Les Travaux et les Jours d'Honoré de Balzac|sous-titre=chronologie de la création balzacienne|lieu=Paris et Montréal|éditeur=Presses de l'Université de Montréal / Presses du CNRS|année=1992|pages totales=336|isbn=2876820692|id=Vachon 1992}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Stéphane Vachon|directeur1=oui|titre=Balzac, une poétique du roman|sous-titre=Sixième colloque du Groupe international de recherches balzaciennes|lieu=Montréal|éditeur=[[Université de Montréal]] / XYZ Éditeur|année=1996|isbn=2892611709|id=Vachon 1996}}
* {{Ouvrage|auteur1=Stéphane Vachon|directeur1=oui|titre=Balzac, une poétique du roman|sous-titre=sixième colloque du Groupe international de recherches balzaciennes|lieu=Montréal|éditeur=[[Université de Montréal]] / XYZ Éditeur|année=1996|pages totales=522|isbn=2892611709|id=Vachon 1996}}.
* {{ouvrage |langue=fr |prénom1=Stéphane |nom1= Vachon |titre= Honoré de Balzac |éditeur= Presses de l'Université de Paris-Sorbonne|collection= Mémoire de la critique |lieu= Paris |année= 1999 |pages totales= 559 |isbn=2-84050-159-7 |id=Vachon 1999|lire en ligne= http://books.google.pt/books?id=HIu6ykaiwJEC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false}}
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Stéphane |nom1=Vachon |titre=Honoré de Balzac |lieu=Paris |éditeur=Presses de l'Université de Paris-Sorbonne |collection=Mémoire de la critique |année=1999 |pages totales=559 |isbn=2-84050-159-7 |lire en ligne=https://books.google.pt/books?id=HIu6ykaiwJEC&printsec=frontcover |id=Vachon 1999}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Gilles Vannier|titre=Dictionnaire des littératures de langue française|éditeur=Bordas|lieu=Paris|année=1984|pages totales=|tome=1|isbn=2040153330|id=Vannier 1984}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Gilles Vannier|titre=Dictionnaire des littératures de langue française|tome=1|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Bordas|Bordas]]|année=1984|pages totales=859|isbn=2040153330|id=Vannier 1984}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Edmond Werdet]]|titre=Portrait intime de Balzac|sous-titre=Sa vie, son humeur et son caractère|éditeur=E. Dentu|lieu=Paris|année=1859|lire en ligne=http://books.google.ca/books?id=sc0-AAAAYAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false|pages totales=|isbn=|id=Werdet 1859}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Edmond Werdet]]|titre=Portrait intime de Balzac|sous-titre=sa vie, son humeur et son caractère|lieu=Paris|éditeur=E. Dentu|année=1859|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=sc0-AAAAYAAJ&printsec=frontcover|id=Werdet 1859}}.
* {{Ouvrage|lang=|nom1=Zweig|prénom1=Stefan|lien auteur1=Stefan Zweig|titre=Balzac|sous-titre=Le roman de sa vie|traduction=Fernand Delmas|lien éditeur=|éditeur=Albin Michel|lieu=Paris|année=1950|pages totales=508|isbn=9782253139256|id=Zweig 1950}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Stefan|nom1=Zweig|lien auteur1=Stefan Zweig|traducteur=Fernand Delmas|titre=Balzac|sous-titre=le roman de sa vie|lieu=Paris|éditeur=[[Hachette Livre|Librairie générale française]]|collection=Le Livre de poche|année=1996|année première édition=1950|pages totales=508|isbn=9782253139256|id=Zweig 1950}}.


=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Chronologie de la vie d'Honoré de Balzac]]
* Chronologie de la vie d'Honoré de Balzac.
* ''[[Le Diable à Paris]]'', parodie humoristique de ''La Comédie humaine'', en collaboration avec [[Pierre-Jules Hetzel|Hetzel]]
* ''[[Le Diable à Paris]]'', parodie humoristique de ''La Comédie humaine'', en collaboration avec [[Pierre-Jules Hetzel|Hetzel]].
* ''[[La Mort de Balzac]]'' d'[[Octave Mirbeau]] ([[:s:La Mort de Balzac|ouvrage disponible sur Wikisource]])
* ''[[La Mort de Balzac]]'' d'[[Octave Mirbeau]] (ouvrage disponible [[:s:La Mort de Balzac|sur Wikisource]]).


=== Liens externes ===
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* {{lien web|url=http://ancilla.unice.fr/~brunet/BALZAC/balzac.htm|titre=Recherche hypertextuelle dans ''La Comédie humaine''}}.
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Honoré de Balzac
Honoré de Balzac en 1842
(daguerréotype de Louis-Auguste Bisson).
Fonction
Président de la Société des gens de lettres
-
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Cimetière du Père-Lachaise, Tombe d'Honoré de Balzac et Ewelina Hańska (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonymes
Horace de Saint-Aubin, Lord R’Hoone, Viellerglé, Saint AubinVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Lycée Charlemagne de Paris (-)
Université de Paris (à partir de )
Faculté de droit de Paris ( - )Voir et modifier les données sur Wikidata
Activité
Période d'activité
à partir de Voir et modifier les données sur Wikidata
Rédacteur à
Père
Bernard-François Balzac (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mère
Anne-Charlotte-Laure Sallambier (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Conjoint
Ewelina Hańska (à partir de )Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfant
Autres informations
A travaillé pour
Mouvement
réalisme visionnaire
Maîtres
Influencé par
Adjectifs dérivés
« Balzacien »
Distinction
Œuvres principales
signature de Honoré de Balzac
Signature
Vue de la sépulture.

Honoré de Balzac, nom de plume d'Honoré Balzac[n 1], né le (1er prairial an VII du calendrier républicain) à Tours et mort le à Paris, est un écrivain français. Romancier, critique d'art, dramaturge, critique littéraire, essayiste, journaliste et imprimeur, il a laissé l'une des plus imposantes œuvres romanesques de la littérature française, avec plus de quatre-vingt-dix romans et nouvelles parus de 1829 à 1855, réunis sous le titre de La Comédie humaine. À cela s'ajoutent Les Cent Contes drolatiques, ainsi que des romans de jeunesse publiés sous des pseudonymes et quelque vingt-cinq œuvres ébauchées.

Il est un maître du roman français, dont il a abordé plusieurs genres, du roman philosophique avec Le Chef-d'œuvre inconnu au roman fantastique avec La Peau de chagrin ou encore au roman poétique avec Le Lys dans la vallée. Il a surtout excellé dans la veine du réalisme, avec notamment Le Père Goriot et Eugénie Grandet.

Comme il l'explique dans son avant-propos à La Comédie humaine, il a pour projet d'identifier les « espèces sociales » de son époque, tout comme Buffon avait identifié les espèces zoologiques. Ayant découvert par ses lectures de Walter Scott que le roman pouvait aspirer à une « valeur philosophique », il veut explorer les différentes classes sociales et les individus qui les composent afin d'« écrire l'histoire oubliée par tant d'historiens, celle des mœurs » et de « faire concurrence à l'état civil ».

L'auteur décrit la montée du capitalisme, l'essor de la bourgeoisie face à la noblesse, dans une relation complexe faite de mépris et d'intérêts communs. Intéressé par les êtres qui ont un destin, il crée des personnages plus grands que nature : « Chacun, chez Balzac, même les portières, a du génie » (Baudelaire).

Ses opinions politiques sont ambiguës : s'il affiche des convictions légitimistes en pleine monarchie de Juillet, il s'est auparavant déclaré libéral. Il défend les ouvriers en 1840 et en 1848, bien que ceux-ci ne soient dépeints que dans un seul de ses romans, L'Interdiction. Tout en professant des idées conservatrices, il a produit une œuvre admirée par Marx et Engels, et qui invite par certains aspects à l'anarchisme et à la révolte.

Outre sa production littéraire, il a écrit des articles dans les journaux et a dirigé successivement deux revues, qui feront faillite. Convaincu de la haute mission de l'écrivain, qui doit régner par la pensée, il lutte pour le respect des droits d'auteur et contribue à la fondation de la Société des gens de lettres.

Travailleur forcené, fragilisant par ses excès une santé précaire, endetté à la suite d'investissements hasardeux et d'excès somptuaires, fuyant ses créanciers sous de faux noms dans différentes demeures, Balzac a aussi eu de nombreuses liaisons amoureuses, avant d'épouser en 1850 la comtesse Hańska, qu'il avait courtisée pendant dix-sept ans. Comme l'argent qu'il gagnait avec sa plume ne suffisait pas à payer ses dettes, il avait sans cesse en tête des projets mirobolants : une imprimerie, un journal, une mine d'argent.

C'est dans un palais situé rue Fortunée qu'il meurt, profondément endetté, au milieu d'un luxe inouï.

Lu et admiré dans toute l'Europe, Balzac a fortement influencé les écrivains de son temps et du siècle suivant. Le roman L'Éducation sentimentale de Gustave Flaubert est directement inspiré du Lys dans la vallée, et Madame Bovary, de La Femme de trente ans[réf. nécessaire].

Le principe du retour de personnages évoluant et se transformant au sein d'un vaste cycle romanesque a notamment inspiré Émile Zola (1840-1902), Guy de Maupassant (1850-1893), Marcel Proust (1871-1922) et, à l'étranger, l'écrivain britannique Anthony Trollope (1815-1882). Ses œuvres continuent d'être rééditées. Le cinéma a adapté La Marâtre dès 1906 ; depuis, les adaptations cinématographiques et télévisuelles de cette œuvre immense se sont multipliées, avec plus d'une centaine de films et de téléfilms produits à travers le monde.

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfance et années de formation[modifier | modifier le code]

Honoré de Balzac est le fils de Bernard-François Balssa[1] (1746-1829), secrétaire au Conseil du roi, directeur des vivres et des approvisionnements aux Armées, adjoint au maire et administrateur de l’hospice de Tours, et d'Anne-Charlotte-Laure Sallambier (1778-1854), issue d'une famille parisienne de passementiers du quartier du Marais[2]. Bernard-François Balssa transforma le nom originel de la famille en Balzac, par une démarche faite à Paris entre 1771 et 1783, soit avant la Révolution[n 2]. Bernard-François avait trente-deux ans de plus que sa femme, qu'il avait épousée en 1797, alors qu'elle avait 18 ans. Le père de Balzac se dit athée et voltairien, tandis que sa mère est décrite comme « mondaine et amorale[3] », s'intéressant aux magnétiseurs et aux illuministes.

Bernard-François est né le 22 juillet 1746 à la Nougayrié, commune de Montirat dans le nord du département du Tarn. Il quittera rapidement la ferme familiale. On le retrouve en 1776, à l'âge de 30 ans, comme secrétaire d'un maître des requêtes du Conseil du Roi[4]. Il travaille ensuite comme secrétaire général de la banque Daniel Doumerc à Paris ; c'est dans ce milieu qu'il rencontre les Sallambier dont il épouse l'une des filles. Le couple s'installe à Tours en 1798[5].

Né dans cette ville le à 11 h 00 du matin au 25 de la rue de l'Armée d'Italie[6], Honoré est mis en nourrice immédiatement, et ne regagnera la maison familiale qu'au début de 1803. Cet épisode de la première enfance lui donnera le sentiment d'avoir été délaissé et ignoré par sa mère, tout comme le sera le personnage de Félix de Vandenesse, son « double » du Lys dans la vallée[7].

Honoré est l’aîné des quatre enfants du couple (Honoré, Laure, Laurence et Henri). Sa sœur Laure, de seize mois sa cadette, est de loin sa préférée : il y a entre eux une complicité et une affection réciproque qui ne se démentiront jamais. Elle lui apportera son soutien à de nombreuses reprises : elle écrit avec lui[n 3] et publiera la biographie de son frère en 1858[8].

Paysage d'hiver, arbres partiellement dénudés, avec une église gothique, chœur avec arcs-boutants toit en ardoise, surmontée d'une flèche pointue recouverte aussi d'ardoises, et un clocher conique en pierre ; au premier plan un bassin d'eau verte.
La Trinité et le clocher Saint-Martin de Vendôme, où le jeune Balzac fut en pension.

Du à 1813[9], Honoré est pensionnaire au collège des oratoriens de Vendôme[n 4]. Au cours des six ans qu'il y passe, sans jamais rentrer chez lui, même pour les vacances, le jeune Balzac dévore des livres de tout genre : la lecture était devenue pour lui « une espèce de faim que rien ne pouvait assouvir […] son œil embrassait sept à huit lignes d'un coup et son esprit en appréciait le sens avec une vélocité pareille à celle de son esprit »[10].

Cependant, ces lectures, qui meublent son esprit et développent son imagination, ont pour effet d'induire chez lui une espèce de coma dû à « une congestion d'idées ». La situation s'aggrave au point que, en , les oratoriens s'inquiètent pour sa santé et le renvoient dans sa famille, fortement amaigri[n 5].

De juillet à , il est externe au collège de Tours. Son père ayant été nommé directeur des vivres pour la Première division militaire, la famille déménage à Paris et s’installe au 40, rue du Temple, dans le quartier du Marais. L'adolescent est admis comme interne à la pension Lepître, située rue de Turenne à Paris, puis en 1815 à l’institution de l’abbé Ganser, rue de Thorigny. Les élèves de ces deux institutions suivent en fait les cours du lycée Charlemagne, où se trouve aussi Jules Michelet, dont les résultats scolaires sont toutefois plus brillants que les siens[11].

Le , le jeune Balzac s’inscrit en droit[12]. En même temps, il prend des leçons particulières et suit des cours à la Sorbonne. Il fréquente aussi le Muséum d'histoire naturelle, où il s'intéresse aux théories de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire.

Son père tenant à ce qu'il associe la pratique à la théorie, Honoré doit, en plus de ses études, travailler chez un avoué, ami de la famille, Jean-Baptiste Guillonnet-Merville, homme cultivé qui avait le goût des lettres. Il exerce le métier de clerc de notaire dans cette étude, où Jules Janin était déjà « saute-ruisseau[n 6]». Il utilisera cette expérience pour restituer l’ambiance chahuteuse d’une étude d’avoué dans Le Colonel Chabert et créer les personnages de maître Derville et d'Oscar Husson dans Un début dans la vie. Une plaque, rue du Temple à Paris, atteste son passage chez cet avoué, dans un immeuble du quartier du Marais. En même temps, il dévore, résume et compare quantité d'ouvrages de philosophie, signe de ses préoccupations métaphysiques et de sa volonté de comprendre le monde[13]. Il passe avec succès le premier examen du baccalauréat en droit le , mais ne se présentera pas au deuxième examen et ne poursuivra pas jusqu'à la licence[14].

L’écrivain débutant[modifier | modifier le code]

Portrait en lavis d’Honoré de Balzac vers 1825, attribué à Achille Devéria.

Son père, alors âgé de 73 ans, ayant été mis à la retraite, la famille n'a plus les moyens de vivre à Paris et déménage à Villeparisis. Le jeune Balzac ne veut pas quitter Paris et dit vouloir se consacrer à la littérature. Ses parents le logent alors, en , dans une mansarde, au 9, rue de Lesdiguières, et lui laissent deux ans pour « devenir écrivain » et un budget annuel d'une centaine de francs[15]. Balzac rappellera dans Illusions perdues cette période de sa vie[16]. Dans Facino Cane, il mentionne même le nom de la rue et évoque le plaisir qu'il prenait à s'imaginer la vie des autres :

« En entendant ces gens, je pouvais épouser leur vie, je me sentais leurs guenilles sur le dos, je marchais les pieds dans leurs souliers percés ; leurs désirs, leurs besoins, tout passait dans mon âme, ou mon âme passait dans la leur. C’était le rêve d’un homme éveillé. Je m’échauffais avec eux contre les chefs d’atelier qui les tyrannisaient, ou contre les mauvaises pratiques qui les faisaient revenir plusieurs fois sans les payer. Quitter ses habitudes, devenir un autre que soi par l’ivresse des facultés morales, et jouer ce jeu à volonté, telle était ma distraction. À quoi dois-je ce don ? Est-ce une seconde vue ? est-ce une de ces qualités dont l’abus mènerait à la folie ? Je n’ai jamais recherché les causes de cette puissance ; je la possède et m’en sers, voilà tout[17]. »

Il travaille à un projet de Discours sur l'immortalité de l'âme, lit Malebranche, Descartes et entreprend de traduire Spinoza du latin au français[18]. En même temps, il se lance en littérature et, prenant son inspiration dans un personnage de Shakespeare, rédige une tragédie de 1 906 alexandrins, Cromwell (1820). Lorsqu'il présente cette pièce à ses proches, l'accueil se révèle décevant. Consulté, l'académicien François Andrieux le décourage de poursuivre dans cette voie[19].

Portrait de l'Irlandais Charles Robert Maturin, dont Balzac lit les romans gothiques.

Le jeune homme s’oriente alors vers le roman historique dans la veine de Walter Scott, dont la traduction d'Ivanhoé, parue en , rencontre en France un immense succès. Sous le titre Œuvres de l'abbé Savonati, il réunit d'abord deux textes, Agathise (entièrement disparu) et Falthurne, récit « dont l'action se situait dans l'Italie vers le temps de Canossa […], attribué à un abbé imaginaire, Savonati, et « traduit » de l'italien par M. Matricante, instituteur au primaire[20]. ». Dans un autre texte, Corsino, il imagine un jeune Provençal, nommé Nehoro (anagramme d'Honoré) qui rencontre dans un château écossais un Italien, avec lequel il discute de métaphysique. Ces ébauches sont vite abandonnées et ne seront pas publiées de son vivant. Il en va de même de Sténie ou les Erreurs philosophiques, un roman par lettres, esquissé l'année précédente et qui s'inspire de La Nouvelle Héloïse[21].

En 1821, Balzac s'associe avec Étienne Arago et Lepoitevin pour produire ce qu'il appelle lui-même de « petites opérations de littérature marchande ». Soucieux de ne pas salir son nom par une production qu'il qualifie lui-même de « cochonneries littéraires[22] », il publie sous le pseudonyme de Lord R’hoone (autre anagramme d'Honoré)[23]. Parmi ces œuvres, on compte notamment : L'Héritière de Birague, Clotilde de Lusignan, Le Vicaire des Ardennes (interdit et saisi, mais c'est le seul roman de cette époque qui ait échappé à l'échec commercial)[24] et Jean-Louis. Ces ouvrages en petit format in-12 rencontrent un certain public dans les cabinets de lecture, si bien que l'auteur croit avoir trouvé un filon productif. Dans une lettre à sa sœur Laure, datée de , il se fait fort de produire un roman par mois : « Dans peu, Lord R'hoone sera l'homme à la mode, l'auteur le plus fécond, le plus aimable, et les dames l'aimeront comme la prunelle de leurs yeux, et le reste ; et alors, le petit brisquet d'Honoré arrivera en équipage, la tête haute, le regard fier et le gousset plein[25]. ». En fait, il dépasse même cet objectif, car il déclare un peu plus tard avoir écrit huit volumes en trois mois[n 7]. De cette période date, notamment, L'Anonyme, ou, Ni père ni mère signé sous le double pseudonyme de son commanditaire A. Viellerglé Saint-Alme et Auguste Le Poitevin de L'Égreville[26].

En 1822, il abandonne ce pseudonyme pour celui de Horace de Saint-Aubin. C'est celui qu'il utilise pour signer Le Centenaire ou les Deux Beringheld chez Pollet à Paris[27] et Le Vicaire des Ardennes. Ce dernier ouvrage est dénoncé au roi, et saisi. En 1823, il publie Annette et le Criminel, puis La Dernière Fée ou La Nouvelle Lampe merveilleuse, mais ce livre, mauvais pastiche d'un vaudeville de Scribe et d'un roman de Maturin, est « exécrable[28] ».

Balzac, Clotilde de Lusignan (1822).
Couverture de Wann-Chlore (1825).

Il collabore au Feuilleton littéraire, qui cessera de paraître le , et rédige divers ouvrages utilitaires répondant à la demande du public[29]. Après un Code de la toilette (1824), il publie un Code des gens honnêtes, dans lequel il affirme avec cynisme que tout l'état social repose sur le vol, et qu'il faut donc donner aux gens honnêtes les moyens de se défendre contre les ruses des avocats, avoués et notaires[30]. Il travaille aussi à un Traité de la prière et publie une Histoire impartiale des Jésuites (1824). Il rédige aussi sous pseudonyme un ouvrage sur Le Droit d'aînesse (1824), sujet qui sera chez lui un thème récurrent[n 8]. Son père, qui avait mis la main sur cette brochure anonyme, s'indigna contre un « auteur arriéré » défenseur d'une institution périmée et entreprit de le réfuter, ignorant qu'il s'agissait de son fils[31].

Vers la fin de l'année 1824, en proie à une profonde crise morale et intellectuelle, Balzac abandonne la littérature commerciale et rédige le testament littéraire de Horace de Saint-Aubin, qu'il place dans la postface de Wann-Chlore ou Jane la Pâle. Il se moquera plus tard des intrigues sommaires et dépourvues de style des romans de cette époque, et en fera un pastiche désopilant dans un long passage de La Muse du département[32]. Il se met alors à la rédaction de L'Excommunié, roman de transition, achevé par une main étrangère, et qui ne sera publié qu'en 1837. Cet ouvrage consomme sa rupture avec la littérature facile et sera le premier jalon d'un cycle de romans historiques[33]. Féru d'histoire, Balzac aura alors l'idée de présenter l'histoire de France sous une forme romanesque, ce qui donnera notamment Sur Catherine de Médicis. Il s'essaie aussi une nouvelle fois au théâtre, avec Le Nègre, un sombre mélo, tout en étant conscient de gaspiller son génie[34], et esquisse un poème en vers qui n'aboutira pas : Fœdora[35].

En dépit de leurs défauts, ces œuvres de jeunesse, publiées de 1822 à 1827, contiennent, selon André Maurois, les germes de ses futurs romans : « Il sera un génie malgré lui[36]. ». Balzac, toutefois, les désavoue et les proscrira de l’édition de ses œuvres complètes[n 9], tout en les republiant en 1837 sous le titre Œuvres complètes de Horace de Saint-Aubin, et en faisant compléter certains ouvrages par des collaborateurs, notamment le marquis de Belloy et le comte de Gramont[37]. Pour mieux brouiller les pistes, et couper tout lien avec son pseudonyme, il chargera Jules Sandeau de rédiger un ouvrage intitulé Vie et malheurs de Horace de Saint-Aubin[38].

Désespérant de devenir riche avec une littérature alimentaire qu'il méprise, il décide de se lancer dans les affaires et devient libraire-éditeur. Le , il s’associe à Urbain Canel et Augustin Delongchamps pour publier des éditions illustrées de Molière et de La Fontaine. Il acquiert aussi une partie du matériel de l'ancienne fonderie Gillé & Fils[39] et fonde une imprimerie. Toutefois, les livres ne se vendent pas aussi bien qu'il le souhaitait, et la faillite menace.

Lâché par ses associés, Balzac se retrouve, le , avec une énorme dette[40]. Au lieu de jeter l'éponge, il pousse plus loin l'intégration verticale et décide, le , de créer une fonderie de caractères avec le typographe André Barbier[41]. Cette affaire se révèle également un échec financier. Au , il croule sous une dette dont le chiffre varie selon les sources de 53 619 francs[42] à 60 000 francs de l'époque[n 10].

Vers une nouvelle forme de roman[modifier | modifier le code]

Couverture en noir et blanc d'un livre sans illustration sur lequel est écrit : Le dernier chouan ou la Bretagne en 1800, par Honoré de Balzac.
Couverture de la première édition des Chouans, 1829 (source : « Gallica »).
Couverture d'un livre en noir et blanc portant le titre Œuvres complètes de Walter Scott et illustré par un soldat du XIXe siècle assis
Couverture d'une traduction des Œuvres complètes de Walter Scott, 1826 (source : « Gallica »).

Passionné par les idées et les théories explicatives[n 11], Balzac s'intéresse, comme sa mère, aux écrits de Swedenborg, ainsi qu'au martinisme et aux sciences occultes. Convaincu de la puissance de la volonté, il croit que l'homme « a le pouvoir d'agir sur sa propre force vitale et de la projeter hors de soi-même, pratiquant occasionnellement le magnétisme curatif, comme sa mère, par l'imposition des mains[43] ». Il connaît par expérience la force que recèle le roman, mais ne voit pas encore celui-ci comme un outil de transformation sociale. Ainsi écrit-il dans une préface : « Ah ! si j'étais une fois conseiller d'État, comme je dirais au roi, et en face encore : « Sire, faites une bonne ordonnance qui enjoigne à tout le monde de lire des romans !… » En effet, c'est un conseil machiavélique, car c'est comme la queue du chien d'Alcibiade ; pendant qu'on lirait des romans, on ne s'occuperait pas de politique[44]. ».

Il perçoit maintenant les limites de Walter Scott, un modèle fort admiré et à qui il rendra encore hommage dans son avant-propos de 1842[45]. Comme le déclarera plus tard un de ses personnages dans un avertissement lancé à un jeune écrivain : « Si vous voulez ne pas être le singe de Walter Scott, il faut vous créer une manière différente[46]. ».

S'il peut envisager la possibilité de dépasser son modèle, c'est aussi parce qu'il a découvert, en 1822, L’Art de connaître les hommes par la physionomie de Lavater et qu'il en est fortement imprégné. La physiognomonie, qui se flatte de pouvoir associer « scientifiquement » des traits de caractère à des caractéristiques physiques et qui recense quelque 6 000 types humains, devient pour lui une sorte de bible. Cette théorie contient en effet en germe « l'esquisse d'une étude de tous les groupes sociaux[34] ». Le romancier aura souvent recours à cette théorie pour brosser le portrait de ses personnages :

« Les lois de la physionomie sont exactes, non seulement dans leur application au caractère, mais encore relativement à la fatalité de l’existence. Il y a des physionomies prophétiques. S’il était possible, et cette statistique vivante importe à la Société, d’avoir un dessin exact de ceux qui périssent sur l’échafaud, la science de Lavater et celle de Gall prouveraient invinciblement qu’il y avait dans la tête de tous ces gens, même chez les innocents, des signes étranges[47]. »

D'une vieille fille méchante et bornée, il écrit ainsi que « la forme plate de son front trahissait l'étroitesse de son esprit[48] ». Pour un criminel : « Un trait de sa physionomie confirmait une assertion de Lavater sur les gens destinés au meurtre, il avait les dents de devant croisées[49]. ». Ailleurs, il décrit ainsi un banquier : « L’habitude des décisions rapides se voyait dans la manière dont les sourcils étaient rehaussés vers chaque lobe du front. Quoique sérieuse et serrée, la bouche annonçait une bonté cachée, une âme excellente, enfouie sous les affaires, étouffée peut-être, mais qui pouvait renaître au contact d’une femme[50]. ».

Après sa faillite comme éditeur, Balzac revient à l’écriture. En , cherchant la sérénité et la documentation nécessaires à la rédaction des Chouans, roman politico-militaire, il obtient d'être hébergé par le général Pommereul à Fougères. Il polit particulièrement cet ouvrage, car il veut le faire éditer en format in-octavo, beaucoup plus prestigieux que le format in-12 de ses livres précédents destinés aux cabinets de lecture. Le roman paraît finalement en 1829 sous le titre Le Dernier Chouan ou la Bretagne. C'est le premier de ses ouvrages à être signé « Honoré Balzac[51] ».

Portrait d’Honoré de Balzac vers 1829, attribué à Achille Devéria.

Cette même année 1829 voit la parution de Physiologie du mariage « par un jeune célibataire[52] ». Balzac y montre une « étonnante connaissance des femmes », qu'il doit sans doute aux confidences de ses amantes, Mme de Berny et la duchesse d'Abrantès, ainsi qu'à Fortunée Hamelin et Sophie Gay, des Merveilleuses dont il fréquente les salons[53]. Décrivant le mariage comme un combat, l'auteur prend le parti des femmes, et il défend le principe de l'égalité des sexes, alors mis en avant par les saint-simoniens. L'ouvrage remporte un grand succès auprès des femmes, qui s'arrachent le livre, même si certaines le trouvent choquant[54].

Portrait peint d'une femme aux cheveux bruns, longs et bouclés, elle porte une étole blanche sur une chemise blanche en croisant les bras.
Fortunée Hamelin, une Merveilleuse dont Balzac fréquentait le salon. Portrait par Andrea Appiani (1798).

Balzac commence dès lors à être un auteur connu. Il est introduit au salon de Juliette Récamier, où se retrouve le gratin littéraire et artistique de l'époque. Il fréquente aussi le salon de la princesse russe Catherine Bagration, où il se lie notamment avec le duc de Fitz-James, oncle de Mme de Castries[55]. Toutefois, ses livres ne se vendent pas assez : ses revenus ne sont pas à la hauteur de ses ambitions et de son train de vie. Il cherche alors à gagner de l'argent dans le journalisme.

En 1830, il écrit dans la Revue de Paris, la Revue des deux Mondes, La Mode, La Silhouette, Le Voleur, La Caricature. Il devient l'ami du patron de presse Émile de Girardin[56]. Deux ans après la mort de son père, survenue le 19 juin 1829[57], l'écrivain ajoute une particule à son nom lors de la publication de L'Auberge rouge, en 1831, qu'il signe «de» Balzac[58],[59]. Ses textes journalistiques sont d'une grande diversité. Certains portent sur ce qu'on appellerait aujourd'hui la politique culturelle, tels « De l'état actuel de la librairie » et « Des artistes ». Ailleurs est esquissée une « Galerie physiologique », avec « L'Épicier » et « Le Charlatan ». Il écrit aussi sur les mots à la mode, la mode en littérature et esquisse une nouvelle théorie du déjeuner. Il publie en parallèle des contes fantastiques et se met à écrire sous forme de lettres des réflexions sur la politique[n 12].

En même temps, il travaille à La Peau de chagrin, qu'il voit comme « une véritable niaiserie en fait de littérature, mais où il a essayé de transporter quelques situations de cette vie cruelle par laquelle les hommes de génie ont passé avant d'arriver à quelque chose[60] ». D'inspiration romantique par son intrigue, qui fait « se dérouler dans le Paris de 1830 un conte oriental des Mille et une Nuits[61] », le conte explore l'opposition entre une vie fulgurante consumée par le désir, et la longévité morne que donne le renoncement à toute forme de désir. Son héros, Raphaël de Valentin, s'exprime comme l'auteur lui-même, qui veut tout : la gloire, la richesse, les femmes :

« Méconnu par les femmes, je me souviens de les avoir observées avec la sagacité de l’amour dédaigné. […] Je voulus me venger de la société, je voulus posséder l’âme de toutes les femmes en me soumettant les intelligences, et voir tous les regards fixés sur moi quand mon nom serait prononcé par un valet à la porte d’un salon. Je m’instituai grand homme[62]. »

Balzac dira plus tard de ce roman qu'il est « la clé de voûte qui relie les études de mœurs aux études philosophiques par l'anneau d’une fantaisie presque orientale où la vie elle-même est prise avec le Désir, principe de toute passion[63] ».

Dans la préface de l'édition de 1831, il expose son esthétique réaliste : « L'art littéraire ayant pour objet de reproduire la nature par la pensée est le plus compliqué de tous les arts. […] L'écrivain doit être familiarisé avec tous les effets, toutes les natures. Il est obligé d'avoir en lui je ne sais quel miroir concentrique où, suivant sa fantaisie, l'univers vient se réfléchir[64]. ». Ce livre — qu'il dédie à la dilecta[65] — paraîtra finalement en 1831. C'est un succès immédiat. Balzac est devenu « avec trois ouvrages, l'ambition des éditeurs, l'enfant chéri des libraires, l'auteur favori des femmes[66] ».

Le grand projet de La Comédie humaine[modifier | modifier le code]

Une œuvre colossale et rigoureusement planifiée[modifier | modifier le code]

Gravure d'un homme préoccupé vu de profil, il est assis sur une chaise les mains croisées posées sur ses jambes croisées.
Le père Goriot par Daumier (1842). Ce roman inaugure le retour des personnages.

La Peau de chagrin marque le début d'une période créative au cours de laquelle prennent forme les grandes lignes de La Comédie humaine. Les « études philosophiques », qu’il définit comme la clé permettant de comprendre l’ensemble de son œuvre[67], ont pour base cet ouvrage, qui sera suivi de Louis Lambert (1832), Séraphîta (1835) et La Recherche de l'absolu (1834).

Les Scènes de la vie privée, qui inaugurent la catégorie des «études de mœurs», commencent avec Gobseck (1830) et La Femme de trente ans (1831). La construction de « l'édifice », dont il expose le plan dès 1832 à sa famille avec un enthousiasme fébrile[68], se poursuit avec les Scènes de la vie parisienne dont fait partie Le Colonel Chabert (1832-1835). Il aborde en même temps les Scènes de la vie de province avec Le Curé de Tours (1832) et Eugénie Grandet (1833), ainsi que les Scènes de la vie de campagne avec Le Médecin de campagne (1833), dans lequel il expose un système économique et social de type saint-simonien[68].

Ainsi commence « le grand dessein » qui, loin d’être une simple juxtaposition d’œuvres compilées a posteriori, se développe instinctivement au fur et à mesure de ses écrits[69]. Il envisage le plan d'une œuvre immense, qu'il compare à une cathédrale[70]. L’ensemble doit être organisé pour embrasser du regard toute l’époque, tous les milieux sociaux et l'évolution des destinées. Profondément influencé par les théories de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire, il part du principe qu'il existe « des Espèces Sociales comme il y a des Espèces Zoologiques » et que les premières sont beaucoup plus variées que les secondes, car « les habitudes, les vêtements, les paroles, les demeures d’un prince, d’un banquier, d’un artiste, d’un bourgeois, d’un prêtre et d’un pauvre sont entièrement dissemblables et changent au gré des civilisations ». Il en résulte que la somme romanesque qu'il envisage doit « avoir une triple forme : les hommes, les femmes et les choses, c’est-à-dire les personnes et la représentation matérielle qu’ils donnent de leur pensée ; enfin l’homme et la vie[71] ».

Le Père Goriot, commencé en 1834, marque l’étape la plus importante dans la construction de son œuvre, car Balzac a alors l'idée du retour des personnages, qui est une caractéristique majeure de La Comédie humaine[72]. L'œuvre n'a pu prendre corps qu'avec l'idée de ce retour[73]. Elle est étroitement liée à l'idée d'un cycle romanesque « faisant concurrence à l’état civil ». Ainsi, un personnage qui avait joué un rôle central dans un roman peut reparaître dans un autre quelques années plus tard comme personnage secondaire, tout en étant présenté sous un nouveau jour, exactement comme, dans la vie, des gens que nous avons connus peuvent disparaître longtemps de nos relations pour ensuite refaire surface. Le roman arrive ainsi à restituer « la part de mystère qui subsiste dans chaque vie et dans tout être. Dans la vie aussi, rien ne se termine[74] ». De même, anticipant la vogue des « préquelles », il peut présenter dans un roman la jeunesse d'une personne qu'on avait rencontrée sous les traits d'une femme mûre dans un roman précédent, telle « l'actrice Florine peinte au milieu de sa vie dans Une fille d'Ève et [que l'on retrouve] à son début dans Illusions perdues[75] ».

Une fois le plan élaboré, les publications se succèdent à un rythme accéléré : Le Lys dans la vallée paraît en 1835-1836, puis Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau en 1837, suivi de La Maison Nucingen en 1838, Le Curé de village et Béatrix en 1839, Ursule Mirouët et Une ténébreuse affaire en 1841, La Rabouilleuse en 1842. La rédaction d'Illusions perdues s’étend de 1837 à 1843, tandis que celle de Splendeurs et misères des courtisanes va de 1838 à 1847. Paraissent encore deux chefs-d'œuvre : La Cousine Bette (1846) et Le Cousin Pons (1847).

Le plan de l'ouvrage est constamment refait et s'allonge au fil des ans, jusqu'à compter 145 titres en 1845, dont 85 sont déjà écrits. Mais ses forces déclinent et il doit réduire son projet. Au total, La Comédie humaine comptera 90 titres publiés du vivant de l'auteur[n 13].

Une passion du détail vrai[modifier | modifier le code]

Jeune fille au chevet d'un mourant sur un grabat dans un grenier.
Illustration tirée de La Cousine Bette.

« Enfin, toutes les horreurs que les romanciers croient inventer sont toujours au-dessous de la vérité. »

Le Colonel Chabert[76]

Doté du génie de l'observation, Balzac attache une grande importance à la documentation et décrit avec précision les lieux de ses intrigues, n'hésitant pas à se rendre sur place pour mieux s'imprégner de l'atmosphère, ou interrogeant des personnes originaires d'une ville qui joue un rôle dans son récit. Il a un sens aigu du détail vrai et son style devient jubilatoire dès qu'il s'agit de décrire[77]. C'est pour cela que les personnages prennent tellement de place dans son œuvre et qu'il ne pouvait pas rivaliser avec Eugène Sue dans le roman-feuilleton[78]. Il décrit minutieusement une rue, l'extérieur d'une maison, la topographie d'une ville, la démarche d'un personnage[79], les nuances de la voix et du regard. Il est à la fois scénographe, costumier et régisseur : « Balzac, par sa gestion si particulière de l'espace et du temps, a inventé l'écriture cinématographique[80]. ». Les minutieuses descriptions de l’ameublement d’une maison, d'une collection d'antiquités[81], des costumes des personnages jusque dans les moindres détails — passementerie, étoffes, teintes — sont celles d’un scénographe, voire d'un cinéaste[82]. L’auteur de La Comédie humaine plante ses décors avec un soin presque maniaque, ce qui explique l’engouement des metteurs en scène pour ses textes, souvent adaptés à l’écran (voir Films basés sur l'œuvre d'Honoré de Balzac). Il accorde un même soin à décrire le fonctionnement d'une prison[83], les rouages de l'administration, la mécanique judiciaire, les techniques de spéculation boursière[84], les plus-values que procure un monopole[85] ou une soirée à l'Opéra et les effets de la musique[86].

Par cet ensemble de romans et nouvelles, Balzac se veut un témoin de son siècle, dont il dresse un état des lieux pour les générations futures. Il s'attache à des réalités de la vie quotidienne qui étaient ignorées par les auteurs classiques. Grâce à la précision et à la richesse de ses observations, La Comédie humaine a aujourd'hui valeur de témoignage socio-historique et permet de suivre la montée de la bourgeoisie française de 1815 à 1848[87].

Pour cette raison, on a vu en lui un auteur réaliste, alors que le génie balzacien excède une catégorie réductrice que dénonçait déjà Baudelaire :

« J'ai maintes fois été étonné que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur ; il m'avait toujours semblé que son principal mérite était d'être visionnaire, et visionnaire passionné. Tous ses personnages sont doués de l'ardeur vitale dont il était animé lui-même. Depuis le sommet de l'aristocratie jusqu'aux bas-fonds de la plèbe, tous les acteurs de sa Comédie sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, plus patients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre. Bref, chacun, chez Balzac, même les portières, a du génie[88]. »

Baudelaire reconnaît toutefois au romancier un « goût prodigieux du détail, qui tient à une ambition immodérée de tout voir, de tout faire voir, de tout deviner, de tout faire deviner[89] ». Nombre de critiques ont salué « une imagination débordante et d'une richesse infinie, l'imagination créatrice la plus fertile et la plus dense qui ait jamais existé depuis Shakespeare[90] ». En poussant la précision du détail jusqu'à l'hyperbole, le réalisme balzacien devient incandescent et se transforme en vision[91]. Certains récits relèvent de la veine fantastique tandis que d'autres baignent dans une veine mystique et ésotérique.

En plus de faire un portrait de la société, Balzac veut aussi influer sur son siècle, comme il le déclare lors d'une entrevue en 1833[92]. Il veut occuper la première place dans la littérature européenne, à la hauteur des Byron, Scott, Goethe ou Hoffmann[93].

Liens avec sa propre vie[modifier | modifier le code]

Balzac et les personnages de La Comédie humaine.
Dessin à la plume de Grandville pour un projet d'éventail, vers 1835-1836.

L’œuvre est indissociable de sa vie, dont les vicissitudes font comprendre ce qui a nourri son « monde[94] ». Il fascine ses contemporains par ses bagues, sa canne à pommeau d'or, sa loge à l'Opéra[95]. Il vit avec une gourmandise insatiable[n 14], un appétit « d'argent, de femmes, de gloire, de réputation, de titres, de vins et de fruits[96] ».

Il a multiplié déménagements, faillites, dettes, spéculations ruineuses[n 15], amours simultanées, emprunts de faux noms, séjours dans des châteaux, que ce soit à Saché ou à Frapesle, et a fréquenté tous les milieux sociaux. L'accès à l'aisance financière — « Avoir ou n’avoir pas de rentes, telle était la question, a dit Shakspeare[97] » — est la motivation majeure de la plupart des mariages dans ses romans — comme ce le fut pour lui. Il montre un auteur poursuivi pour n'avoir pas livré à temps un manuscrit promis à son éditeur, tout comme cela lui est arrivé à lui-même[98]. Alors qu'il a dû se cacher longtemps dans un appartement secret pour échapper à ses créanciers, en inventant mille stratagèmes (voir ci-dessous « Rue des Batailles »), il met en scène un détective privé qui gagne sa vie en s'emparant de débiteurs insaisissables[99]. À l'époque où, muni de l'argent que lui a confié Mme Hańska, il court les antiquaires à la recherche de tableaux et d'objets d'art pour meubler fastueusement leur demeure commune (voir ci-dessous « La Folie Beaujon ou le dernier palais[100] »), il dessine le personnage du cousin Pons, un collectionneur passionné qui « pendant ses courses à travers Paris, avait trouvé pour dix francs ce qui se paye aujourd’hui mille à douze cents francs[101] » et avait ainsi amassé une collection exceptionnelle.

Par leur psychologie, plusieurs personnages sont intimement liés à la personnalité de Balzac et apparaissent comme des doubles de leur créateur. On peut voir une part de lui dans les personnages de Séraphîta, Louis Lambert, La Fille aux yeux d'or et Mémoires de deux jeunes mariées. On le reconnaît aussi dans le narrateur de Facino Cane et surtout en Lucien de Rubempré, dont la trajectoire, qui s'étend sur ses deux plus grands romans (Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes), comporte de nombreux points communs avec la sienne : même début dans la poésie, même liaison de jeune homme avec une femme mariée, même ambition littéraire, même désir de quitter la province pour percer à Paris, etc. Tout comme Lucien se donne un titre de noblesse et des armoiries, Balzac a ajouté une particule nobiliaire à son nom et a fait peindre des armoiries sur la calèche qu'il avait louée pour aller rencontrer Mme Hańska à Vienne[102]. (Voir la section Les doubles).

Style et méthode de travail[modifier | modifier le code]

Enfants dansant une ronde autour de deux personnages fantastiques.
Illustration des Contes drolatiques par Gustave Doré.

Voir la section correspondante dans l'article sur La Comédie humaine.

Il a presque toujours plusieurs ouvrages en chantier, étant à même de puiser dans sa galerie de personnages pour les intégrer à une intrigue et répondre à la demande d'un éditeur qui lui demande une nouvelle. Décrivant la méthode de travail de Balzac, André Maurois imagine que des centaines de romans flottent sur ses pensées « comme des truites dans un vivier, le besoin venu, il en saisit un. Quelquefois, il n'y réussit pas tout de suite. […] Si un livre vient mal, Balzac le rejette au vivier. Il passe à autre chose[103] ». Il n'hésite pas à refondre ses textes antérieurs, changeant le titre d'un roman ou des noms de personnages, reprenant un texte d'abord publié sous forme de nouvelle pour l'intégrer dans une suite romanesque. Il élimine aussi dans l'édition définitive la division en chapitres[104].

Très doué pour le pastiche, Balzac imite facilement des écrivains et des voix particulières. Il va volontiers jusqu'à la caricature, comme pour le langage de la concierge du Cousin Pons[105] ou le jargon du banquier Nucingen[106]. Il inscrit dans la trame de ses romans d'innombrables analogies cachées qui en forment l'armature symbolique et contribuent à donner un accent de vérité au récit[107]. Son style, qui a été critiqué pour des fautes de goût dans les premières années, commence à s'élever à force de travail et dénote par la suite une grande maîtrise[108]. Il corrige inlassablement ses épreuves[109], exigeant parfois qu'elles soient reprises jusqu'à quinze ou seize fois, et retournant à l'imprimeur des pages tellement barbouillées de corrections qu'elles faisaient le désespoir des typographes[110], mais suscitent maintenant l'admiration[n 16].

Pour se délasser et servir d'antidote au « sérieux romantique[111] », Balzac travaille aux Contes drolatiques, qu'il rédige en parallèle à ses romans, de 1832 à 1837, s'inspirant de Rabelais et pastichant l'ancien français tout en inventant force néologismes.

Balzac journaliste[modifier | modifier le code]

Un homme accoudé à une table écoute attentivement un autre jeune homme lisant un livre avec emphase.
Daniel d'Arthez met en garde Lucien de Rubempré sur les dangers du journalisme (Illusions perdues).
Gargantua. Caricature de Louis-Philippe par Daumier (1831).

Le journalisme attire Balzac parce que c'est une façon d'exercer un pouvoir sur la réalité, lui qui rêve parfois de devenir maître du monde littéraire et politique grâce à l'association Le Cheval rouge qu'il voulait créer[112].

En même temps, il est bien conscient des dangers que cette carrière représente pour l'écrivain, parce que, forcé d'écrire sous des contraintes impératives, le journaliste est « une pensée en marche comme le soldat en guerre[113] ». Dans Illusions perdues, il fait dire aux sages du Cénacle, lorsque Lucien de Rubempré annonce qu’il va « se jeter dans les journaux » :

« Gardez-vous en bien, là serait la tombe du beau, du suave Lucien que nous aimons […]. Tu ne résisterais pas à la constante opposition de plaisir et de travail qui se trouve dans la vie des journalistes ; et résister au fond, c’est la vertu. Tu serais si enchanté d’exercer le pouvoir, d’avoir le droit de vie et de mort sur les œuvres de la pensée, que tu serais journaliste en deux mois[114]. »

Ailleurs, il revient sur les compromissions auxquelles doit souvent se résoudre le journaliste : « Quiconque a trempé dans le journalisme, ou y trempe encore, est dans la nécessité cruelle de saluer les hommes qu’il méprise, de sourire à son meilleur ennemi, de pactiser avec les plus fétides bassesses, de se salir les doigts en voulant payer ses agresseurs avec leur monnaie. On s’habitue à voir faire le mal, à le laisser passer ; on commence par l’approuver, on finit par le commettre[115]. ».

Pour sa part, en tant que journaliste, il s'engage dès 1830 dans la défense des intérêts des gens de lettres, affirmant que l'artiste doit bénéficier d'un statut spécial, car il constitue une force idéologique, un contre-pouvoir, voire une menace révolutionnaire, que le gouvernement a tort de dédaigner, car son génie le place à égalité avec l'homme d'État[116]. Il dénonce le rapport de forces inégal entre une pléthore d'écrivains débutants et la poignée d'éditeurs qui les exploite. Ce combat débouchera sur la création de la Société des gens de lettres (voir section ci-dessous).

Il livre aussi un combat, en , pour la révision du procès de Sébastien-Benoît Peytel, un ancien confrère du journal Le Voleur, et auteur d'un violent pamphlet contre Louis-Philippe, condamné à mort pour le meurtre de son épouse et de son domestique. Il tente d'en faire une cause nationale, mais sans succès[117].

Outre sa profonde connaissance des milieux du journalisme, il participe aussi, en tant qu'écrivain, à la révolution du roman-feuilleton : en 1836, il livre au journal La Presse de son ami Girardin, La Vieille Fille, qui paraît en douze livraisons. En 1837, il y fera paraître Les Employés ou la Femme supérieure. Dans les années qui suivent, il donnera aussi divers romans au Constitutionnel et au Siècle. À partir de l'automne 1836, presque tous ses romans paraîtront d'abord découpés en tranches quotidiennes dans un journal, avant d'être édités en volumes. Cette formule entraîne une censure de la moindre allusion sexuelle dans le texte livré aux journaux[118].

La Chronique de Paris[modifier | modifier le code]

Lithographie du portrait d'un homme assis qui glisse la main gauche dans sa veste
François Guizot « est une girouette qui, malgré son incessante mobilité, reste sur le même bâtiment ».

En 1835, apprenant que La Chronique de Paris, journal politique et littéraire, feuille sans position politique bien tranchée, est à vendre, Balzac l’achète, avec des fonds qu’il ne possède pas — comme à son habitude[119]. L’entreprise, qui aurait paru dramatique à tout autre, le remplit de joie et il construit aussitôt ses « châteaux en Espagne ». Il veut en faire l'organe du « parti des intelligentiels[120] ».

Quand enfin La Chronique de Paris paraît, le , l’équipe comprend des plumes importantes : Victor Hugo, Gustave Planche, Alphonse Karr et Théophile Gautier, dont Balzac apprécie le jeune talent ; pour les illustrations, le journal s'attache les noms de Henry Monnier, Grandville et Honoré Daumier[121]. Balzac se réserve la politique, car le journal est un outil de pouvoir. Il fournira aussi des nouvelles. En réalité, si les membres de la rédaction festoient beaucoup chez Balzac, bien peu d’entre eux tiennent leurs engagements et Balzac est pratiquement le seul à y écrire[122]. Il y publie des textes dont certains se retrouveront plus tard dans La Comédie humaine, mais remaniés cent fois, selon son habitude, notamment L'Interdiction, La Messe de l'athée et Facino Cane[122].

Quant aux articles politiques signés de sa main, le ton en est donné par cet extrait paru le  : « Ni M. Guizot ni M. Thiers n'ont d'autre idée que celle de nous gouverner. M. Thiers n’a jamais eu qu’une seule pensée : il a toujours songé à M. Thiers […]. M. Guizot est une girouette qui, malgré son incessante mobilité, reste sur le même bâtiment[123]. ».

Balzac décrit avec une assez juste vision des choses la rivalité entre l'Angleterre et la Russie pour le contrôle de la Méditerranée. Il proteste contre l'alliance de la France et de l'Angleterre et dénonce le manque de plan de la diplomatie française. Enfin, il prophétise la domination de la Prusse sur une Allemagne unifiée[124]. Il publie aussi dans ce journal des romans et des nouvelles.

Au début, La Chronique de Paris a un grand succès, et cette entreprise aurait pu être une véritable réussite. Mais Balzac est obligé de livrer, en même temps, à Madame Béchet et Edmond Werdet, les derniers volumes des Études de mœurs. Il a par ailleurs fait faillite dans une affaire chimérique avec son beau-frère Surville. Enfin, il se brouille avec Buloz, nouveau propriétaire de la Revue de Paris, qui avait sans doute communiqué des épreuves du Lys dans la vallée pour une publication en Russie par La Revue étrangère. Balzac refuse dès lors de continuer à livrer son texte et il s'ensuit un procès[125]. Par ailleurs, il est arrêté par la Garde nationale parce qu'il refuse d'accomplir ses devoirs de soldat-citoyen, et est conduit à la maison d’arrêt, où il passe une semaine avant que l’éditeur Werdet réussisse à l'en faire sortir. S'ensuivent cinq mois pénibles, durant lesquels il avoue son découragement à ses proches : « La vie est trop pesante, je ne vis pas avec plaisir[126],[127]. ». Le jugement lui donne toutefois raison contre Buloz, mais il est aussitôt poursuivi pour retard dans la livraison des romans promis à un autre éditeur, la veuve Béchet[126]. Menacé d’être mis en faillite, il décide, en , d’abandonner La Chronique[128].

Les mésaventures qu'il vient de connaître alimenteront la création d'un de ses plus beaux romans, alors en chantier, Illusions perdues, dont la deuxième partie sera « le poème de ses luttes et de ses rêves déçus[129] ».

Revue parisienne[modifier | modifier le code]

Portrait en buste. Crâne surmonté d'un foulard blanc.
Sainte-Beuve.
Portrait peint d'un homme brun à collier de barbe portant une veste noire
Stendhal en 1840.

L’expérience ruineuse de La Chronique de Paris aurait dû décourager Balzac à jamais de toute entreprise de presse. Mais en 1840, Armand Dutacq — directeur du grand quotidien Le Siècle et initiateur, avec Émile de Girardin, du roman-feuilleton — lui offre de financer une petite revue mensuelle. Aussitôt, Balzac imagine la Revue parisienne, dont Dutacq serait administrateur et avec lequel il partagerait les bénéfices. L’entreprise est censée servir les intérêts du feuilletoniste Balzac à une époque où Alexandre Dumas et Eugène Sue gèrent habilement le genre dans les quotidiens et utilisent au mieux le principe du découpage et du suspense[130]. Balzac se lance alors dans la compétition, tout en rédigeant pratiquement seul pendant trois mois une revue qu’il veut également littéraire et politique[131]. Il ouvre le premier numéro avec Z. Marcas le , nouvelle qui sera intégrée à La Comédie humaine en août 1846 dans les Scènes de la vie politique.

Outre ses attaques contre le régime monarchique, la Revue parisienne se distingue par des critiques littéraires assez poussées, dans la charge, comme dans l’éloge. Parmi ses victimes, on compte Henri de Latouche avec lequel Balzac est brouillé et qu’il méprise désormais[132] : « Le véritable roman se réduit à deux cents pages dans lesquelles il y a deux cents événements. Rien ne trahit plus l'impuissance d'un auteur que l'entassement des faits[133]. ».

Il attaque son vieil ennemi Sainte-Beuve et se déchaîne contre son Port-Royal, se vengeant des humiliations passées :

« Monsieur Sainte-Beuve a eu la pétrifiante idée de restaurer le genre ennuyeux. […] Tantôt l'ennui tombe sur vous, comme parfois vous voyez tomber une pluie fine qui finit par vous percer jusqu'aux os. Les phrases à idées menues, insaisissables pleuvent une à une et attristent l'intelligence qui s'expose à ce français humide. Tantôt l'ennui saute aux yeux et vous endort avec la puissance du magnétisme, comme en ce pauvre livre qu'il appelle l'histoire de Port-Royal[134]. »

Balzac s’en prend encore, çà et là[réf. nécessaire], assez injustement[non neutre], à Eugène Sue, critique Hernani de Victor Hugo et Le Rouge et le Noir de Stendhal, mais rend un hommage vibrant à La Chartreuse de Parme du même auteur, à une époque où, d’un commun accord, la presse ignorait complètement cet écrivain :

« Monsieur Stendhal a écrit un livre où le sublime éclate de chapitre en chapitre. Il a produit, à l’âge où les hommes trouvent rarement des sujets grandioses, et après avoir écrit une vingtaine de volumes extrêmement spirituels, une œuvre qui ne peut être appréciée que par les âmes et les gens supérieurs […][135]. »

Il publie aussi un article intitulé « Sur les ouvriers », dans lequel il se rapproche des idées de Fourier[136]. Mais cela marque le dernier numéro de la Revue parisienne, qui s’éteindra après la troisième parution, le . Balzac et Dutacq partageront les pertes, qui n’étaient d’ailleurs pas très lourdes[137]. Cependant, une fois encore, Balzac a échoué dans la presse, et dans les affaires.

Monographie de la presse parisienne[modifier | modifier le code]

Dans cette monographie humoristique (1843), Balzac propose une analyse complète des composantes de la presse. On trouve dans ce pamphlet la définition du publiciste, du journaliste, du « faiseur d'articles de fond », du « pêcheur à la ligne » (le pigiste payé à la ligne), du « rienologue » : « Vulgarisateur, alias : homo papaver, nécessairement sans aucune variété […], qui étend une idée d’idée dans un baquet de lieux communs, et débite mécaniquement cette effroyable mixtion philosophico-littéraire dans des feuilles continues[138]. ». Balzac y invente le terme « gendelettre », qu’il dit construit « comme gendarme ». En naturaliste, plus loin dans l’ouvrage, il présente un « Tableau synoptique de l’ordre GENDELETTRE" », à la manière d’un Linné. L’ordre GENDELETTRE est organisé en deux genres (PUBLICISTE et CRITIQUE), eux-mêmes divisés en sous-genres où l’on retrouve plusieurs des catégories citées ci-dessus. Si le tableau manque un peu d’humour et n’est pas passé à la postérité, il n’en est pas de même du terme « gendelettre », devenu mot commun et apparaissant en tant que nom propre dans au moins trois romans de différents auteurs[139],[140],[141].

Balzac sait se montrer désinvolte dans la satire, mais celle-ci lui vaudra une froide réception dans les milieux journalistiques[142].

La préface par Gérard de Nerval est dans le même ton. Dans un style pince-sans-rire, celui-ci donne une définition du « canard » : « Information fabriquée colportée par des feuilles satiriques et d’où est né le mot argot “canard” pour désigner un journal[143]. ».

Un forçat littéraire[modifier | modifier le code]

Lorsqu'il s'installe dans la maison de la rue Cassini, Balzac place sur la cheminée une statuette de Napoléon et colle sur la base un papier où est écrit : « Ce qu'il a entrepris par l'épée, je l'accomplirai par la plume[144]. »

« Il faut que la pensée ruisselle de ma tête comme l'eau d'une fontaine. Je n'y conçois rien moi-même. »

Balzac[145]

Balzac était un écrivain d'une fécondité prodigieuse, il pouvait écrire vite, beaucoup et inlassablement. Ainsi, c’est en une seule nuit, chez son amie Zulma Carraud à la poudrerie d’Angoulême, qu’il écrivit La Grenadière : « La Grenadière, cette jolie perle, fut écrite en jouant au billard. Il quittait le jeu, me priant de l’excuser, et griffonnait sur un coin de table, puis revenait à la partie pour la quitter bientôt[146]. ».

Même s'il avait une constitution apparemment robuste — « col d'athlète ou de taureau […] Balzac, dans toute la force de l'âge présentait les signes d'une santé violente[147] » —, il malmena sa santé par un régime épuisant, consacrant de seize à dix-huit heures par jour à l'écriture, et parfois même vingt heures quotidiennes[148]. Dès 1831, il confiait à son amie Zulma : « Je vis sous le plus dur des despotismes : celui qu'on se fait à soi-même[149]. ». Il estime que la volonté doit être un sujet d'orgueil plus que le talent : « Il n’existe pas de grand talent sans une grande volonté. Ces deux forces jumelles sont nécessaires à la construction de l’immense édifice d’une gloire. Les hommes d’élite maintiennent leur cerveau dans les conditions de la production, comme jadis un preux avait ses armes toujours en état[150]. ».

Selon Stefan Zweig, la production littéraire de Balzac durant les années 1830-1831 est pratiquement sans équivalent dans les annales de la littérature : le romancier doit avoir écrit une moyenne de seize pages imprimées par jour, sans compter les corrections sur épreuves[151]. Pour cela, il travaille surtout la nuit, pour ne pas être dérangé : « J'ai repris la vie de forçat littéraire. Je me lève à minuit et me couche à six heures du soir ; à peine ces dix-huit heures de travail peuvent-elles suffire à mes occupations[152]. ». Ou encore : « Quand je n'écris pas mes manuscrits, je pense à mes plans, et quand je ne pense pas à mes plans et ne fais pas de manuscrits, j'ai des épreuves à corriger. Voici ma vie[153]. ».

Pour soutenir ce rythme, il fait depuis des années une consommation excessive de café, qu'il boit « concassé à la turque » afin de stimuler « sa manufacture d'idées » : « Si on le prend à jeun, ce café enflamme les parois de l'estomac, le tord, le malmène. Dès lors tout s'agite : les idées s'ébranlent comme les bataillons de la Grande Armée sur le terrain d'une bataille, et la bataille a lieu. Les souvenirs arrivent au pas de charge, enseignes déployées ; la cavalerie légère des comparaisons se développe par un magnifique galop ; l'artillerie de la logique accourt avec son train et ses gargousses ; les traits d'esprit arrivent en tirailleurs ; les figures se dressent, le papier se couvre d'encre[154] […]. ».

Ce régime lui était nécessaire pour parvenir à livrer à son éditeur la centaine de romans devant composer La Comédie humaine, en plus des articles promis aux journaux et revues. À cela s'ajoute aussi l'énorme recueil des Cent Contes drolatiques qu'il rédige entre 1832 et 1837, dans une veine et un style rabelaisiens. Il cherche toujours, par cette production continue, à régler les dettes que son train de vie frénétique et fastueux lui occasionne. Il entretient aussi une importante correspondance et fréquente les salons où il rencontre les modèles de ses personnages.

Il a une haute opinion du rôle de l'écrivain et considère sa tâche comme un sacerdoce : « Aujourd'hui l'écrivain a remplacé le prêtre, il a revêtu la chlamyde des martyrs, il souffre mille maux, il prend la lumière sur l'autel et la répand au sein des peuples. Il est prince, il est mendiant. Il console, il maudit, il prophétise. Sa voix ne parcourt pas seulement la nef d'une cathédrale, elle peut quelquefois tonner d'un bout du monde à l'autre[155]. ».

Liaisons féminines[modifier | modifier le code]

Balzac caricaturé par Grandville.
Détail de la Grande course au clocher académique (1839).

Mal aimé par sa mère, qui lui préférait son jeune frère Henry, Balzac « a toujours cherché l'amour fou, la femme à la fois ange et courtisane, maternelle et soumise, dominatrice et dominée, grande dame et complice[156],[n 17] ». De petite taille et doté d'une tendance à l'embonpoint, il n'était pas spécialement séduisant[n 18], mais il avait un regard d'une force extraordinaire, qui impressionnait, comme le confirment de nombreux témoignages[n 19], notamment celui de Théophile Gautier :

« Quant aux yeux, il n'en exista jamais de pareils. Ils avaient une vie, une lumière, un magnétisme inconcevables. Malgré les veilles de chaque nuit, la sclérotique en était pure, limpide, bleuâtre, comme celle d'un enfant ou d'une vierge, et enchâssait deux diamants noirs qu'éclairaient par instants de riches reflets d'or : c'étaient des yeux à faire baisser la prunelle aux aigles, à lire à travers les murs et les poitrines, à foudroyer une bête fauve furieuse, des yeux de souverain, de voyant, de dompteur[n 20]. »

Si Balzac attire les femmes, c'est d'abord parce qu'il les décrit dans ses romans avec une grande finesse psychologique. Comme le note un de ses contemporains : « Le grand, l'immense succès de Balzac lui est venu par les femmes : elles ont adoré en lui l'homme qui a su avec éloquence, par de l'ingéniosité encore plus que par la vérité, prolonger indéfiniment chez elles l'âge d'aimer et surtout celui d'être aimées[157]. ». Une caricature le montre porté en triomphe par des femmes de trente ans[158].

Profil d'une tête d'homme regardant vers sa gauche
Tête de Balzac par Pierre-Jean David d'Angers (1843).

En dépit de son inimitié viscérale pour le romancier, Sainte-Beuve confirme le succès que celui-ci rencontre auprès du public féminin et en explique l'origine : « M. de Balzac sait beaucoup de choses des femmes, leurs secrets sensibles ou sensuels ; il leur pose, en ses récits, des questions hardies, familières, équivalentes à des privautés. C'est comme un docteur encore jeune qui a une entrée dans la ruelle et dans l'alcôve […][159]. ».

Dans son avant-propos à La Comédie humaine, Balzac reproche à Walter Scott l'absence de diversité dans ses portraits de femmes et attribue cette faiblesse à son éthique protestante : « Dans le protestantisme, il n’y a plus rien de possible pour la femme après la faute ; tandis que dans l’Église catholique l’espoir du pardon la rend sublime. Aussi n’existe-t-il qu’une seule femme pour l’écrivain protestant, tandis que l’écrivain catholique trouve une femme nouvelle dans chaque nouvelle situation[160]. ».

Ce sont souvent les femmes qui ont fait le premier pas vers le romancier, en lui écrivant une lettre ou en lui lançant une invitation. C'est le cas, notamment, de Caroline Landrière des Bordes, baronne Deurbroucq, riche veuve qu'il rencontre au château de Méré, entre Artannes et Pont-de-Ruan, chez le banquier Goüin, et qu'il eut brièvement le projet d'épouser en 1832[161]. Au début de l'année 1831, il a une relation pendant deux mois avec Lady Jane Ellenborough, qui inspirera le personnage de Lady Arabelle Dudley, la belle et scandaleuse Anglaise du Lys dans la vallée[162]. Dans le cas de Louise, qui se présente anonymement comme « une des femmes les plus élégantes de la société actuelle », le contact qu'elle a pris en 1836 est resté purement épistolaire et s'est arrêté après un an sans que son identité lui ait jamais été révélée[163]. Une autre admiratrice, Hélène Marie-Félicité de Valette, qui se présente comme « Bretonne et célibataire », mais qui en fait était veuve et avait un amant[164], lui écrit après avoir lu Beatrix en feuilleton, et l'accompagnera dans un voyage en Bretagne, en [165].

Laure de Berny[modifier | modifier le code]

En 1821, alors qu'il est de retour chez ses parents à Villeparisis, Balzac entre en relation avec Mme de Berny. Quoique son prénom usuel soit Antoinette, Balzac l'appellera toujours par son deuxième prénom, Laure, qui est aussi celui de sa sœur et de sa mère, ou la désigne comme la dilecta (la bien-aimée). Celle-ci, qui est alors âgée de 45 ans, a neuf enfants, parmi lesquels quatre filles, dont Julie, issue d'une liaison avec André Campi ayant duré seize ans, de 1799 à 1815[166]. Encore belle[n 21], dotée d'une grande sensibilité et d'une expérience du monde, elle éblouit le jeune homme, qui en devient l’amant en 1822, préférant la mère à sa fille Julie qu'elle lui proposait d'épouser[167]. Laure lui tient lieu d'amante et de mère et forme l'écrivain. Elle l’encourage, le conseille, lui prodigue sa tendresse et lui fait apprécier le goût et les mœurs de l’Ancien Régime. Elle lui apporte aussi une aide financière substantielle lorsqu'il a des problèmes d'argent et qu'il est poursuivi par les huissiers. Il lui gardera une reconnaissance durable. À sa mort, en 1836, Balzac écrit : « Mme de Berny a été comme un Dieu pour moi. Elle a été une mère, une amie, une famille, un ami, un conseil ; elle a fait l'écrivain[168]. ». Leur correspondance ayant presque entièrement été détruite, seules quelques rares lettres témoignent aujourd'hui de la jalousie qu'elle éprouva lors des liaisons subséquentes de son amant, mais sans jamais lui en tenir rigueur[169].

Balzac s'en inspire pour créer le personnage de madame de Mortsauf, héroïne du Lys dans la vallée, et lui dédie d'ailleurs l'ouvrage. Elle a aussi des points communs avec le personnage de Flavie Colleville des Petits Bourgeois[167]. Stefan Zweig la reconnaît aussi dans la description de l'héroïne de Madame Firmiani : « Sa raillerie caresse et sa critique ne blesse point […] elle ne vous fatigue jamais, et vous laisse satisfait d’elle et de vous. Chez elle, tout flatte la vue, et vous y respirez comme l’air d’une patrie […] Cette femme est naturelle. Franche, elle sait n’offenser aucun amour-propre ; elle accepte les hommes comme Dieu les a faits […] À la fois tendre et gaie, elle oblige avant de consoler[170]. ».

Zulma Carraud[modifier | modifier le code]

Tableau représentant une femme vêtue d'une robe grise qui porte dans ses bras un bébé à demi-nu
Portrait de Zulma Carraud et de son fils Ivan, âgé de six mois, par Édouard Viénot.

Zulma Carraud était une amie d'enfance de sa sœur Laure. Cette « femme de haute valeur morale, stoïcienne virile[171] » vivait à Issoudun, était mariée et avait des enfants. Balzac la connaît depuis 1818, mais leur amitié ne se noue que lors de l'installation de sa sœur à Versailles, en 1824. Leur correspondance aurait commencé dès cette date, mais les premières années en ont été perdues[172]. Dans ses lettres, Zulma se révèle une des amies les plus intimes et les plus constantes de l'écrivain. C'est chez elle qu'il se réfugie quand il est malade, découragé, surmené ou poursuivi par ses créanciers[173]. Elle lui rappelle l'idéal républicain et l'invite à plus d'empathie pour les souffrances du peuple[174]. Quoique n'étant pas elle-même très riche, elle vole sans relâche à son secours[175]. Elle est parmi les femmes qui ont joué un grand rôle dans sa vie.

La duchesse d'Abrantès[modifier | modifier le code]

Lithographie : portrait de femme, vêtement blanc à petits volants, gros nœud autour du cou, cheveux longs mais plaqués sur le dessus, boucles sophistiquées sur les côtés et l'arrière de la tête
Laure Junot d'Abrantès.

En 1825, il commence une autre liaison avec la duchesse d'Abrantès. Cette femme, qui a quinze ans de plus que lui, le fascine par ses relations et son expérience du monde. Veuve du général Junot, qui avait été élevé au rang de duc par Napoléon, elle a connu les fastes de l'Empire avant de fréquenter les milieux royalistes. Elle a été l'amante du comte de Metternich. Ruinée et forcée de vendre ses bijoux et son mobilier, elle s'installe modestement à Versailles. C'est par une amie de sa sœur, qui vivait aussi à Versailles, que Balzac fait sa connaissance. Il est séduit, mais elle ne lui offre d'abord que son amitié, qui se transforme peu après en amour partagé[176].

Quoiqu'elle se prénomme Laure, Balzac ne l'appellera jamais que Marie[177]. Elle lui donne des renseignements sur la vie dans les châteaux et les personnalités qu'elle a côtoyées. De son côté, il lui conseille d'écrire ses mémoires et lui tient lieu de conseiller et de correcteur littéraire[178].

La duchesse d'Abrantès a servi de modèle à la fois à la vicomtesse de Beauséant dans La Femme abandonnée, ouvrage qui lui est dédié[179], et à la duchesse de Carigliano dans La Maison du chat-qui-pelote, ainsi qu'à certains traits de Félicité des Touches[175]. Balzac rédige La Maison à Maffliers, près de L'Isle-Adam en 1829, alors que la duchesse d’Abrantès séjourne chez les Talleyrand-Périgord non loin de là[180].

Aurore Dudevant / George Sand[modifier | modifier le code]

Portrait peint d'une femme cousant, elle porte une robe noire
George Sand cousant, par Delacroix (1838). Détail.

En 1831, Balzac fait la connaissance d'Aurore Dudevant fuyant son mari et tentant sa chance à Paris. Il lui fait lire La Peau de chagrin et cet ouvrage suscite son enthousiasme.

En , il va retrouver « le camarade George Sand » dans son château de Nohant. Au cours des six jours qu'il y est resté, ils passent les nuits à bavarder, de « 5 heures du soir après le dîner jusqu'à 5 heures du matin ». Elle lui fait fumer « un houka et du lataki ». Rendant compte de cette expérience, il espère que le tabac lui permettra de « quitter le café et de varier les excitants dont j'ai besoin pour le travail[n 22] ».

Par la suite, il continue à la rencontrer dans le salon qu'elle tient à Paris, où elle vit en couple avec Chopin[181]. Ils échangent sur des questions de structure romanesque ou de psychologie des personnages et elle lui donne parfois des suggestions d'intrigues qu'elle ne pouvait pas traiter elle-même, notamment Les Galériens et Béatrix ou les Amours forcés[182]. Il est aussi arrivé qu'elle signe un récit de Balzac que ce dernier ne pouvait pas faire accepter par son éditeur parce qu'il y en avait déjà trop de sa plume dans un même recueil[175]. Balzac lui dédie les Mémoires de deux jeunes mariées.

De l'aveu même de l'auteur, elle a servi de modèle, dans Béatrix, au portrait de Félicité des Touches, un des rares portraits de femme qu'il ait faits conformes à la réalité[175]. Dans une lettre à Mme Hańska, il nie toutefois qu'il y ait eu autre chose que de l'amitié dans sa relation avec l'écrivaine[175].

Olympe Pélissier[modifier | modifier le code]

Portrait peint : buste d'une femme nue sur fond jaune uniforme, tournée vers sa droite et regardant vers sa gauche, dont un sein est caché par son bras replié, et l'autre apparent, cheveux bruns longs mais remontés en chignon négligé ; signature en noir en bas à gauche : Rome 1830 H Vernet
Étude d’Olympe Pélissier par Horace Vernet, pour son tableau Judith et Holopherne.

Dès 1831, Balzac fréquente le salon d'Olympe Pélissier, « belle courtisane intelligente » qui fut la maîtresse d’Eugène Sue avant d’épouser Rossini en 1847. Il a avec elle une brève liaison.

Les personnages de demi-mondaines qui traversent La Comédie humaine, telles Florine et Tullia, lui doivent beaucoup. La scène de chambre de La Peau de chagrin aurait été jouée par Balzac lui-même chez Olympe[183], mais celle-ci ne ressemble en rien à Fœdora, et elle aura toujours avec lui des rapports amicaux et bienveillants. Ce dernier continuera à fréquenter son salon[184]. Quant à la Fœdora de la nouvelle, Balzac précise dans une lettre : « J'ai fait Fœdora de deux femmes que j'ai connues sans être entré dans leur intimité. L'observation m'a suffi outre quelques confidences[185]. ».

La duchesse de Castries[modifier | modifier le code]

Au début de l'année 1832, parmi les nombreuses lettres qui lui viennent de ses admiratrices, Balzac en reçoit une de la duchesse de Castries, belle rousse au front élevé, qui tient un salon littéraire et dont l'oncle est le chef du parti légitimiste[n 23]. Immédiatement intéressé, Balzac va lui rendre visite et lui offre des feuillets manuscrits de La Femme de trente ans, dont elle est en fait le modèle, au physique et au moral[186]. En amoureux transi, il se rend à son château d'Aix-les-Bains, où il passe plusieurs jours à écrire, tout en faisant la connaissance du baron James de Rothschild, avec qui il noue une relation durable[187]. Il l'accompagne ensuite à Genève en octobre de la même année, mais rentre dépité de ne pas voir ses sentiments partagés et va se faire réconforter auprès de la dilecta[188].

Il témoigne de cette déception amoureuse dans La Duchesse de Langeais : « Elle avait reçu de la nature les qualités nécessaires pour jouer les rôles de coquette […] Elle faisait voir qu'il y avait en elle une noble courtisane […] Elle paraissait devoir être la plus délicieuse des maîtresses en déposant son corset[189]. ». On l'a également reconnue dans le personnage de Diane de Maufrigneuse[190]. Mme de Castries, qui avait du sang britannique, inspirera aussi en partie le personnage de lady Arabelle Dudley du Lys dans la vallée[191]. Balzac lui dédie L'Illustre Gaudissart, une pochade qu’elle juge indigne de son rang, alors qu'elle est « un des plus anciens blasons du faubourg Saint-Germain[192] ». Il continue toutefois à la voir de façon sporadique et c'est sans doute grâce à elle qu'il peut avoir une entrevue avec Metternich[193].

Marie du Fresnay[modifier | modifier le code]

Marie-Caroline du Fresnay, fille de Maria du Fresnay et d'Honoré de Balzac, par Henriette Girouard-Lucquin (1865).

En 1833, il noue une intrigue secrète avec « une gentille personne, la plus naïve créature qui soit tombée comme une fleur du ciel ; qui vient chez moi, en cachette, n'exige ni correspondance ni soins et qui dit : « Aime-moi un an ! Je t'aimerai toute ma vie[194] ».

Marie du Fresnay, surnommée Maria, avait alors 24 ans et attendait une fille de Balzac, Marie-Caroline du Fresnay. Balzac lui dédiera en 1839 le roman Eugénie Grandet, qu'il était alors en train d'écrire et dont l'héroïne est inspirée de la jeune femme. Il citera également sa fille dans son testament[n 24].

La comtesse Guidoboni-Visconti[modifier | modifier le code]

En , Balzac a le coup de foudre pour la comtesse Guidoboni-Visconti, née Frances-Sarah Lovell, issue de la plus ancienne gentry anglaise. Il la décrira plus tard comme « une des plus aimables femmes, et d'une infinie, d'une exquise bonté, d'une beauté fine, élégante […] douce et pleine de fermeté[195] ». Une jeune amie de la contessa décrit ainsi les affinités entre ces deux personnalités :

« Tu me demandes qu'est-ce que c'est que cette […] passion de M. de Balzac pour Madame Visconti ? Ce n'est autre chose que, comme Madame Visconti est remplie d'esprit, d'imagination, et d'idées fraîches et neuves, M. de Balzac qui est aussi un homme supérieur, goûte la conversation de Madame Visconti, et comme il a beaucoup écrit et écrit encore, il lui emprunte souvent de ces idées originales qui sont si fréquentes chez elle, et leur conversation est toujours excessivement intéressante et amusante[196]. »

Ils se verront très fréquemment durant cinq ans. Balzac l'accompagne dans sa loge à l'Opéra et, selon certaines sources, elle aurait eu un enfant de lui[n 25]. D'une grande indépendance d'esprit, elle ne cherche pas à accaparer l'écrivain comme le fait Mme Hańska, à qui celui-ci continue à écrire des lettres l'assurant d'un amour exclusif et niant qu'il y ait autre chose qu'une relation platonique avec la contessa[197]. En 1836, celle-ci et son mari confieront à Balzac une mission en Italie, au cours de laquelle l'écrivain se fait accompagner de Caroline Marbouty, jeune femme un peu fantasque, à qui il demande de se travestir en « page » et qu'il appelle Marcel, dans l'espoir d'éviter les commérages[198]. À son retour, il apprend la mort de Mme de Berny.

Les Guidoboni-Visconti l'aideront financièrement à plusieurs reprises, le faisant échapper à la prison pour dette, lui donnant asile pendant plusieurs semaines en 1838[199] et dissimulant ses objets précieux lorsqu'il est poursuivi par les huissiers. Cette relation devient tendue lorsque, en 1840, le comte lui-même est attaqué en justice pour avoir aidé Balzac à échapper à ses créanciers[200], mais il signera encore une prolongation de prêt à l'écrivain en 1848[201].

La comtesse a inspiré le personnage de Lady Dudley du Lys dans la vallée, du moins sur le plan physique, car, si elle avait le feu et la passion du personnage, elle était plus généreuse et n'en avait pas la perversité[202].

Mme Hańska[modifier | modifier le code]

Portrait peint en couleurs d'une femme, teint pâle, cheveux noirs avec des anglaises sur les côtés, portant un voile léger de couleur claire ; signature en noir en bas à droite : Sowgen 1825
Ewelina Hańska peinte par Holz Sowgen en octobre 1825.
Tableau d'une femme semi-assise, vêtue d'une robe jaune et d'une chemise blanche ayant ses pieds un chien blanc à taches rousses, dans un paysage lointain de montagnes, avec un temple à colonnes de style grec, et un rosier en pot sur un muret.
La Comtesse Hańska et son chien par Ferdinand Georg Waldmüller, en 1835.

Balzac voue sa passion la plus durable à la comtesse Hańska, une admiratrice polonaise mariée à un maréchal résidant en Ukraine[203],[n 26]. Sans doute en guise de jeu, celle-ci lui adresse une première lettre, qui lui arrive le [n 27]. Signant L'étrangère, elle demandait de lui en accuser réception dans le journal La Gazette de France[204]. Elle avait alors 31 ans, mais en avouait 25, et avait eu plusieurs enfants, dont seule une fille, Anna, avait survécu[205].

Balzac fait paraître sa réponse le et lui envoie un court billet en , mais n'entame leur correspondance directe qu'en , en utilisant comme intermédiaire la gouvernante de la petite Anna. Dès la troisième lettre, il lui déclare un amour indéfectible, alors même qu'il ne l'a jamais vue, ne sait pas son âge et ne connaît rien d'elle ; selon Stefan Zweig, l'écrivain voulait ainsi se donner une passion romantique comparable à celles des écrivains et artistes qui défrayaient alors la chronique[206]. Ils se voient pour la première fois en au bord du lac de Neuchâtel, puis en décembre à Genève. Il reçoit enfin les gages de son amour le , lors d'une promenade à la villa Diodati de Cologny, un endroit d'autant plus mythique dans son imaginaire que lord Byron y avait vécu et que Mme de Castries s'y était autrefois refusée à lui[207].

Épouser cette comtesse, qu'il appelle son « étoile polaire[208] » devient dès lors son grand rêve et son ultime ambition, car cela consacrerait son intégration à la haute société de l'époque[209]. Il va la courtiser pendant dix-sept ans, au moyen d'une abondante correspondance[n 28], dans laquelle l'écrivain lui assure qu'il mène une vie monacale et ne pense qu'à la revoir, conformément aux exigences très strictes qu'elle lui avait imposées[n 29]. Une deuxième rencontre a lieu en mai 1835 lors d'un séjour à Vienne, où elle lui fait rencontrer la haute société polono-russe et dont il revient plus amoureux que jamais[210].

Lorsqu'elle devient veuve en [211], il espère à nouveau pouvoir réaliser son rêve et lui écrit une lettre enflammée, mais la comtesse répond froidement en lui reprochant de ne pas être allé la voir depuis sept ans et de l'avoir trompée avec d'autres femmes[n 30]. Consterné de voir lui échapper la possibilité d'un mariage qui le renflouerait et lui permettrait une vie princière, Balzac multiplie les lettres dans lesquelles il se met à ses pieds en lui professant une totale dévotion, si bien qu'il finit par obtenir qu'elle lui laisse de nouveau espérer le mariage[n 31]. Il obtient enfin de la revoir à l'été 1843, à Saint-Pétersbourg[212].

En , il apprend qu'Évelyne, alors âgée de 42 ans, est enceinte. Il s'imagine que ce sera un garçon et décide de l'appeler Victor-Honoré. Malheureusement, Évelyne lui annonce en novembre qu'il faut renoncer à cet espoir en raison d'une fausse couche. Très affecté par cette nouvelle, il pleure « trois heures, comme un enfant[213] ». Il ressentira cette mort comme un échec symbolique de son activité de création[214].

En 1845 et 1846, Balzac fait de nombreux voyages à travers l'Europe avec Mme Hańska, sa fille Anna et son gendre, Georges Mniszech. Mme Hańska vient vivre chez lui à Paris durant les mois de février et , et sa présence stimulera la puissance créatrice de Balzac, qui publie trois romans durant ce laps de temps. En , il peut enfin aller la rejoindre dans sa grande demeure de Verkhivnia, en Ukraine, à 60 km de toute ville habitée. La châtelaine règne sur une propriété de 21 000 hectares, avec plus de 1 000 serfs, et son château compte plus de 300 domestiques. Il échafaude un projet d'exploitation des forêts de chêne du domaine, afin de fournir des traverses aux chemins de fer européens, mais ce projet n'aura pas de suite. En , il décide de rentrer à Paris[215], mais, en octobre de la même année, il retourne vivre dans son château[n 32].

Le mariage ne se fera finalement que le 14 mars 1850, dans l'église Sainte-Barbe de Berdytchiv[216].

Les demeures[modifier | modifier le code]

Les demeures de Balzac font partie intégrante de La Comédie humaine. Obligé de quitter un appartement pour échapper à ses créanciers, il possède parfois deux logements en même temps.

Les fastes de la rue Cassini[modifier | modifier le code]

Plaque au no 17 rue Visconti (Paris).

En 1826, Balzac s'installe chez Henri de Latouche, rue des Marais-Saint-Germain[217] (aujourd’hui rue Visconti). Son ami lui aménage une garçonnière au premier étage, où l’écrivain peut recevoir Mme de Berny[218]. Surtout, cette demeure offre au rez-de-chaussée un espace assez vaste pour installer l'imprimerie dont il a fait l'acquisition[219]. Très vite, cependant, cette entreprise commerciale échoue. Alexandre Deberny, sixième des neuf enfants de Laure de Berny, prend la direction de l’affaire[220]. Il sauve du désastre ce qui deviendra la célèbre fonderie Deberny et Peignot ; celle-ci ne fermera que le [221],[n 33].

Photographie en couleurs d'un bâtiment à deux niveaux vu d'un parc arboré, à droite, il est surmonté par une coupole
L'Observatoire de Paris, côté sud.

En 1828, assailli par ses créanciers, Balzac se réfugie au no 1 de la rue Cassini, logement que son beau-frère Surville a loué pour lui[222] dans le quartier de l’Observatoire de Paris, considéré à l’époque comme « le bout du monde » et qui inspirera sans doute l’environnement géographique de l'Histoire des Treize. Latouche, qui a en commun avec Balzac le goût du mobilier, participe activement à la décoration des lieux, choisissant, comme pour la garçonnière de la rue Visconti, de couvrir les murs d’un tissu bleu à l’aspect soyeux[223]. Balzac se lance dans un aménagement fastueux, avec des tapis, une pendule à piédestal en marbre jaune, une bibliothèque d’acajou remplie d’éditions précieuses. Son cabinet de bain en stuc blanc est éclairé par une fenêtre en verre dépoli de couleur rouge qui inonde les lieux de rayons roses[223]. Le train de vie de Balzac est à l’avenant : costumes d’une élégance recherchée, objets précieux[224], dont une canne à pommeau d’or ciselée avec ébullitions de turquoises et de pierres précieuses, qui deviendra légendaire[n 34].

Le fidèle Latouche s’endette pour aider son ami à réaliser sa vision du « luxe oriental », en agrandissant par achats successifs le logement qui deviendra un charmant pavillon[225]. C’est dans ce lieu que naîtront nombre de ses romans, notamment Les Chouans, la Physiologie du mariage, La Peau de chagrin, La Femme de trente ans, Le Curé de Tours, l'Histoire des Treize et La Duchesse de Langeais, au monastère inspiré en partie par le couvent des Carmélites, proche de la rue Cassini. Balzac jettera pendant ces années-là les premières bases de La Comédie humaine.

Mais son train de vie luxueux dépasse de loin ses revenus et, après quelques années, il croule sous des dettes énormes, malgré l’argent que lui rapporte son énorme production littéraire et en dépit du fait qu'il est l'écrivain le plus lu de l'époque[226]. En , il va se cacher provisoirement dans un autre appartement, rue des Batailles, tout en gardant le logement de la rue Cassini[227]. Pourchassé par la Garde nationale[n 35], il est finalement arrêté dans son logement de la rue Cassini, le , et incarcéré jusqu'au [228]. Rapidement libéré, il doit cependant encore échapper à ses créanciers.

Rue des Batailles[modifier | modifier le code]

Photographie en couleur d'une place ornée d'une statue de cavalier, à gauche un immeuble en rotonde, à droite une avenue
La place d’Iéna et l’avenue d'Iéna dans le prolongement.

En , pour fuir les créanciers qui le harcèlent, il se réfugie dans un second logement, au 13 rue des Batailles (aujourd'hui avenue d'Iéna), dans le village de Chaillot, qu'il loue sous le nom de veuve Durand[229]. On n’y entre qu’en donnant un mot de passe, il faut traverser des pièces vides, puis un corridor pour accéder au cabinet de travail de l’écrivain. La pièce est richement meublée, avec des murs matelassés. Elle ressemble étrangement au logis secret de La Fille aux yeux d'or. Là, Balzac travaille jour et nuit à l’achèvement de son roman Le Lys dans la vallée, dont il a rédigé l’essentiel au château de Saché. En même temps, il écrit Séraphîta, qui lui donne beaucoup de mal : « […] Depuis vingt jours, j’ai travaillé constamment douze heures à Séraphîta. Le monde ignore ces immenses travaux ; il ne voit et ne doit voir que le résultat. Mais il a fallu dévorer tout le mysticisme pour le formuler. Séraphîta est une œuvre dévorante pour ceux qui croient. […][230]. ».

Le château de Saché[modifier | modifier le code]

Photographie couleur d'une bâtiment en pierre sur quatre niveaux dont le toit est en ardoise
Le château de Saché.
Table de travail de Balzac au château de Saché avec sa légendaire cafetière.

Lorsque, pourchassé par ses créanciers ou terrassé par la fatigue, Balzac voulait fuir Paris, il se rendait au château de Saché en Touraine, faisant des séjours entre 1825 et 1848[231], chez son ami le châtelain Jean de Margonne, auquel la rumeur prête une liaison avec la mère de l'écrivain, dont serait né un enfant — mais on n’a aucune preuve sur ce point[232]. C'est là qu'il a travaillé à l'écriture du Père Goriot, d'Illusions perdues et de La Recherche de l'absolu. Mais il y a surtout trouvé l'inspiration pour Le Lys dans la vallée. La vallée de l’Indre, ses châteaux et sa campagne ont servi de cadre au roman. Le château de Saché est d'ailleurs surnommé le « château du Lys » ; il est devenu dans le roman le château de Frapesle, demeure de Laure de Berny[233]. Depuis 1951, le château abrite un musée consacré à la vie de Balzac. Il expose de nombreux documents d'époque, dont quelques portraits de l'écrivain (le plus précieux étant dû à Louis Boulanger), et conserve en l’état au deuxième étage la petite chambre où il se retirait pour écrire. Une pièce de théâtre de Pierrette Dupoyet, Bal chez Balzac, prend pour cadre le château de Saché en 1848.

La Maison des Jardies[modifier | modifier le code]

Photographie couleurs d'une maison à deux niveaux à volets rouges.
Façade extérieure de la Maison des Jardies.

Balzac achète la Maison des Jardies à Sèvres en 1837, dans l'espoir d'y finir ses jours en paix[234]. Cette maison située non loin de la voie de chemin de fer qui vient d’être créée entre Paris et Versailles lui permet de s'éloigner de l'enfer de la capitale. Il entrevoit aussi la possibilité de spéculer sur les terrains environnants en vendant aux habitants de la capitale des parcelles à lotir. Il élargit sa propriété par des achats successifs et loue une de ses maisons pour trois ans au comte Guidoboni-Visconti[235].

Léon Gozlan[236] et Théophile Gautier[237] ont été témoins de la folie des grandeurs de Balzac qui a d’abord voulu transformer la maison en palais avec des matériaux précieux[238] et qui a vaguement fait allusion à des plantations d’ananas. Mais cette anecdote reste une légende déformée et amplifiée, car Balzac rêvait d’arbres et de fruits tropicaux. Il y travaille à une pièce, L'École des ménages, qu'il ne parviendra pas à faire jouer, et se met à la deuxième partie d'Illusions perdues.

En février 1839, il y dédicace au comte Auguste-Benjamin de Belloy, son ami, le livre Gambara et le remercie pour, grâce à son étincelante conversation, lui avoir inspiré ce personnage digne d'Hoffman (sic) et déclare qu'il s'est contenté de l'habiller [239].

En 1840, recherché pour dettes par la Garde nationale et par les huissiers[n 36], il met la propriété en vente et va se cacher à Passy[234]. La seule trace qu’il ait laissée de son passage est un buffet rustique.

La maison de Passy[modifier | modifier le code]

Portrait peint d'un homme moustachu, les bras croisés portant une robe de chambre blanche
Balzac dans sa célèbre robe de chambre (aussi désignée comme une robe de bure), par Louis Boulanger.

En , sous le nom de « Madame de Breugnol », Balzac s’installe rue Basse à Passy (actuellement rue Raynouard), dans un logement à deux issues où l’on n'est autorisé à pénétrer qu’en donnant un mot de passe. Mme de Breugnol, de son vrai nom Louise Breugniol, née en 1804, existe réellement. Elle tient lieu de « gouvernante » à l’écrivain — ce qui provoquera des crises de jalousie chez Mme Hańska lorsque celle-ci soupçonnera la nature exacte de leurs rapports, au point qu'elle finira par exiger son renvoi, en 1845[n 37]. Elle filtre les visiteurs et n'introduit que les personnes « sûres » comme le directeur du journal L’Époque auquel Balzac doit livrer un feuilleton. L’écrivain vivra sept ans dans un appartement de cinq pièces situé en rez-de-jardin du bâtiment. L’emplacement est très commode pour rejoindre le centre de Paris en passant par la barrière de Passy via la rue Berton, en contrebas. Balzac apprécie le calme du lieu et le jardin fleuri. C’est ici que sa production littéraire est la plus abondante. Dans le petit cabinet de travail, Balzac écrit, vêtu de sa légendaire robe de chambre blanche, avec pour tout matériel une petite table, sa cafetière et sa plume[234].

Dans la maison de Passy, il produit entre autres La Rabouilleuse, Splendeurs et misères des courtisanes, La Cousine Bette, Le Cousin Pons, et remanie l’ensemble de La Comédie humaine. Cette maison, devenue aujourd’hui la Maison de Balzac, a été transformée en musée, en hommage à ce géant de la littérature. On y trouve ses documents, manuscrits, lettres autographes, éditions rares et quelques traces de ses excentricités comme la fameuse canne à turquoises, et sa cafetière avec les initiales « HB »[240]. Outre l’appartement de Balzac, le musée occupe trois niveaux et s’étend sur plusieurs pièces et dépendances autrefois occupées par d’autres locataires. Une généalogie des personnages de La Comédie humaine est présentée sous la forme d’un tableau long de 14,50 m où sont référencés 1 000 personnages sur les quelque 2 500 que compte La Comédie humaine.

André Maurois considère qu’il y a, à cette époque-là, deux êtres en Balzac : « L’un est un gros homme qui vit dans le monde humain ; […] qui a des dettes et craint les huissiers. L’autre est le créateur d’un monde ; éprouve et comprend les sentiments les plus délicats ; et mène, sans s'occuper des misérables questions d'argent, une existence fastueuse. Le Balzac humain subit les petits bourgeois de sa famille ; le Balzac prométhéen fréquente les illustres familles qu’il a lui-même inventées[209]. ».

La folie Beaujon ou le dernier palais[modifier | modifier le code]

Peinture représentant un immeuble sur trois niveaux vu de la rue
Maison de Balzac, rue Fortunée.

Balzac a une idée fixe : épouser la comtesse Hańska et aménager pour sa future femme un palais digne d’elle. Pour cela, le , il achète, avec l’argent de la comtesse, la chartreuse Beaujon, une dépendance de la folie Beaujon, située au no 14 de la rue Fortunée (aujourd’hui rue Balzac)[241]. Il la décore selon ses habitudes, avec une splendeur qui enchante son ami Théophile Gautier[242], accumulant meubles anciens, tapis précieux et tableaux de maître[243], mais ce travail de collectionneur lui prend tout le temps qu’il devrait consacrer à l’écriture. D’ailleurs, Balzac n’a plus le goût d’écrire. Il lui faudra aller à Verkhovnia, en Ukraine, pour retrouver son élan et produire le deuxième épisode de L'Envers de l'histoire contemporaine, La Femme auteur. Mais, de retour à Paris, c’est un Balzac à bout de force qui entame, dès 1848, Les Paysans et Le Député d'Arcis, romans restés inachevés à sa mort[244]. C’est d’ailleurs ce « palais » de la rue Fortunée, renommée rue Balzac, qui aurait dû être le musée Balzac si le bâtiment n’avait été détruit et les collections dispersées.

Fondation de la Société des gens de lettres[modifier | modifier le code]

Photographie couleur sépia : un immeuble à deux niveaux sur une parcelle séparée de la rue par un muret muni de grille métallique, nombreuses fenêtres presque toutes obturées par des volets à persiennes, chiens assis dépassant du toit
Hôtel Thiroux de Montsauge, hôtel de Massa, siège de la Société des gens de lettres, photographie d’Eugène Atget (1906).

Balzac a beaucoup milité pour le respect des écrivains. Dès 1834, dans une « Lettre adressée aux écrivains français du XIXe siècle », il les exhorte à régner sur l’Europe par la pensée plutôt que par les armes, leur rappelant que le fruit de leurs écrits rapporte des sommes énormes dont ils ne bénéficient pas : « La loi protège la terre ; elle protège la maison du prolétaire qui a sué ; elle confisque l’ouvrage du poète qui a pensé […][245]. ». Il agit comme témoin lors d'un procès en contrefaçon et veut aller en Russie pour obtenir une loi de réciprocité sur la propriété littéraire[246].

S'il n'a pas participé à la séance de fondation de la Société des gens de lettres, en 1838, il y adhère toutefois dès la fin de cette année et devient membre du Comité le printemps suivant. La Société se définit comme une association d’auteurs destinée à défendre le droit moral, les intérêts patrimoniaux et juridiques des auteurs de l’écrit[n 38]. Il en devient le président le et président honoraire en 1841[247]. En tant que président, il plaide au nom de la Société contre le mémorial de Rouen, afin de gagner un procès en contrefaçon[248]. En 1840, il rédige un Code littéraire comptant 62 articles répartis en six sections[249], encadrant les contrats de cession des droits de l'écrivain, exigeant le respect de l'intégrité des œuvres de l'esprit et établissant le droit de paternité. En , il soumet l'essentiel de ce code à la Chambre des députés sous la forme de Notes sur la propriété littéraire[250], mais son intervention reste sans succès[251]. Les principales propositions de Balzac ne seront reconnues par le législateur que bien plus tard[252].

L'action de Balzac, raillée par Sainte-Beuve qui ridiculisait « ce compagnonnage ouvrier et ces maréchaux de France de la littérature qui offrent à l’exploitation une certaine surface commerciale[253] », a contribué au rapprochement des écrivains autour d'une identité commune et a servi la condition littéraire[252]. Elle aura par la suite un soutien important en Émile Zola, qui poursuivra la tâche.

Les voyages[modifier | modifier le code]

Balzac a beaucoup voyagé : Ukraine, Russie, Prusse, Autriche, Italie. Le , il assiste au mariage d'Anna Hańska, fille d'Ewelina Hańska, à Wiesbaden[254]. Mais bien peu de lieux, en dehors de Paris et de la province française, seront une source d’inspiration pour lui. Seule l’Italie lui inspire une passion qu’il exprime dans de nombreux écrits, notamment les contes et nouvelles philosophiques. En Russie, c’est plutôt Balzac qui laissera ses traces en inspirant Dostoïevski.

L’Italie[modifier | modifier le code]

Photographie couleurs d'une porte fortifiée ornée de lions, à droite une tour à horloge
L’Arsenal de Venise.

En 1836, il se rend en Italie, en qualité de mandataire de ses amis Guidoboni-Visconti, afin de régler à Turin une obscure affaire de succession. Il est accompagné par Caroline Marbouty, déguisée en jeune homme. Le voyage est assez bref[255].

En , les Guidoboni-Visconti lui confient une autre mission, cette fois à Milan, pour régler une autre affaire de succession, tout en lui permettant ainsi d'échapper aux poursuites des huissiers. Sa réputation l'ayant précédé, il est fêté par l'aristocratie. Il fréquente assidument le salon de Clara Maffei et partage à la Scala la loge du prince Porcia et de sa sœur, la comtesse Sanseverino-Vimercati. Sa rencontre avec le poète Manzoni, la gloire littéraire de Milan, est décevante pour ses hôtes, car Balzac ne l'a pas lu et ne parle que de lui. L'écrivain se rend ensuite à Venise, où il passe neuf jours à visiter musées, églises, théâtres et palais. Il laissera une lumineuse description littéraire de cette ville dans Massimilla Doni. Sa mission ayant été un succès, tout comme la précédente, il fait ensuite un séjour à Florence, passe par Bologne pour saluer Rossini et rentre en France le [256]. À la suite de ce voyage, il peindra la femme italienne comme un modèle de fidélité amoureuse[257].

Il retourne en Italie en , via la Corse, afin de lancer une entreprise de récupération du minerai d'argent contenu dans les scories des anciennes mines de Sardaigne. Malheureusement, il a été pris de vitesse par un Génois à qui il avait parlé de son projet lors de sa visite précédente. Il se lie avec le marquis Gian Carlo di Negro et le marquis Damaso Pareto[258].

Il aime l’Italie, cette « mère de tous les arts », pour sa beauté naturelle, pour la générosité de ses habitants, pour la simplicité et l’élégance de son aristocratie, qu’il considère comme « la première d’Europe[259] », et ne tarit pas d’éloges sur ses splendeurs. Il exalte la beauté de ses opéras, auxquels il consacre deux nouvelles jumelles : Gambara, qui évoque Le Barbier de Séville, et Massimilla Doni, dans laquelle il donne une magistrale interprétation du Mosé. Il est également fasciné par la richesse de sa peinture. Il met en scène la sculpture et la ville de Rome dans Sarrasine.

La Russie[modifier | modifier le code]

Photographie couleurs de quatre flèches de monuments dépassant d'un mur de forteresse devant un fleuve.
Forteresse Pierre-et-Paul, Saint-Pétersbourg.

C’est avec un peu de méfiance qu’on le voit arriver à Saint-Pétersbourg, en 1843, pour aider Mme Hańska dans une affaire de succession[260]. Sa réputation d’endetté perpétuel est notoire et l’a précédé[261]. À Paris déjà, lorsqu’il demande un visa, le secrétaire d’ambassade Victor de Balabine suppose qu’il va en Russie parce qu’il n’a pas le sou[262], et le chargé d’affaires russe à Paris propose à son gouvernement « d’aller au-devant des besoins d’argent de Monsieur de Balzac et de mettre à profit la plume de cet auteur, qui garde encore une certaine popularité ici […] pour écrire une réfutation du livre calomniateur de Monsieur de Custine[263] », ce en quoi il se trompe, car Balzac ne réfutera pas cet ouvrage, pas plus qu’il ne cherchera des subsides à Saint-Pétersbourg : il n’est venu que pour voir madame Hańska[264]. Il est déjà très aimé et très lu en Russie où il est considéré comme l’écrivain qui a « le mieux compris les sentiments des femmes[265] ».

Il prend le bateau à Dunkerque et arrive à Saint-Pétersbourg le . Invité à se joindre aux personnalités qui assistent à la grande revue annuelle des troupes, il côtoie divers princes et généraux russes. Les amants se verront, discrètement, durant deux mois[265]. Le , il regagne la France par voie de terre, tout en faisant un court séjour à Berlin et une visite des champs de bataille napoléoniens de Leipzig et Dresde, en vue d'un futur ouvrage.

Les dernières années et la mort[modifier | modifier le code]

Dessin de Balzac en pied, où la tête est grossie.
Balzac vu par Nadar en 1850 (source : « Gallica »).

Dès 1845, le rythme de la production de Balzac ralentit, et il se lamente dans ses lettres de ne pas pouvoir écrire. En 1847, il avoue sentir se désagréger ses forces créatrices. Comme le héros de son premier grand livre, La Peau de chagrin, il semble avoir eu très jeune le pressentiment d'un écroulement prématuré[266].

En août 1847, il obtient finalement du pouvoir russe un nouveau passeport pour se rendre en Ukraine. Il y arrive le . Il apprend au début de 1849, sans surprise, que l'Académie française a écarté une nouvelle fois sa candidature[n 39]. Il espère toujours épouser la comtesse Hańska, mais la situation des amants est compliquée par la loi russe qui prévoit que la femme d'un étranger perd automatiquement ses biens fonciers, sauf oukase exceptionnel signé par le tsar. Or, ce dernier refuse sèchement[267]. Le séjour en Ukraine ne réussit guère à l'écrivain épuisé et sa santé se détériore. Il attrape un gros rhume, qui évolue en bronchite, et son souffle se fait court. Trop faible pour voyager, il doit rester au repos de nombreux mois. Comme les relations deviennent tendues avec Mme Hańska, en raison des folles dépenses faites pour aménager la chartreuse Beaujon, il écrit à sa mère de renvoyer la bonne afin de réaliser des économies[268].

Balzac sur son lit de mort. Huile sur toile de Giraud, 1850, musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon.

Le mariage peut enfin avoir lieu le , à sept heures du matin, en l'église Sainte-Barbe de Berdytchiv[269]. Sa vanité est comblée[n 40], mais sa santé continue à se dégrader ; il est malade du cœur et les crises d'étouffement sont de plus en plus fréquentes. Les époux décident toutefois de rentrer à leur demeure de la rue Fortunée à Paris. Ils quittent Kiev le , mais le voyage est éprouvant, leur voiture s'enfonçant parfois dans la boue jusqu'aux portières[270]. Ils arrivent finalement à Paris le . Le docteur Nacquart, qui, avec trois confrères, soigne l’écrivain pour un œdème généralisé, ne parvient pas à éviter une péritonite, suivie de gangrène[271]. Le romancier était épuisé par les efforts prodigieux déployés au cours de sa vie et le régime de forçat qu'il s'était imposé. La légende voudrait qu’il eût appelé à son chevet d’agonisant Horace Bianchon, le grand médecin de La Comédie humaine : il avait ressenti si intensément les histoires qu’il forgeait que la réalité se confondait avec la fiction[272]. Il entre en agonie le dimanche dans la matinée et meurt à 23 heures 30[273]. Victor Hugo, qui fut son ultime visiteur, a rendu un témoignage émouvant et précis sur ses derniers moments[274].

Lors des funérailles, le , au cimetière du Père-Lachaise (division 48), la foule était imposante et comptait notamment de nombreux ouvriers typographes. Alexandre Dumas et le ministre de l'Intérieur Pierre Jules Baroche étaient auprès du cercueil, avec Victor Hugo, qui prononça l’oraison funèbre[275] :

« Tous ses livres ne forment qu'un livre, livre vivant, lumineux, profond, où l'on voit aller et venir, et marcher et se mouvoir, avec je ne sais quoi d'effaré et de terrible mêlé au réel, toute notre civilisation contemporaine, livre merveilleux que le poète a intitulé Comédie et qu'il aurait pu intituler Histoire […] À son insu, qu'il le veuille ou non, qu'il y consente ou non, l'auteur de cette œuvre immense et étrange est de la forte race des écrivains révolutionnaires[276]. »

Il laissait à sa veuve une dette de 100 000 francs. Celle-ci accepta toutefois la succession et continua de verser à la mère de Balzac une rente viagère, conformément au testament qu'il avait laissé[277]. Elle prend soin aussi de son œuvre et demande à Champfleury de terminer les romans que Balzac avait laissés inachevés. Comme celui-ci refuse, elle confie à Charles Rabou le soin de compléter Le Député d'Arcis (écrit en 1847 et inachevé) et Les Petits Bourgeois (inachevé), mais « Rabou aura la main lourde en ajoutant de longs développements de son cru aux manuscrits laissés sans plan par Balzac[278] ». Le Député d'Arcis paraîtra en 1854 et Les Petits Bourgeois en 1856. En 1855, Mme Ève de Balzac fait publier Les Paysans (écrit en 1844 et inachevé).

Octave Mirbeau, écrivain et journaliste français, inséra dans son récit de voyage La 628-E8 trois chapitres sur La Mort de Balzac, qui firent scandale en raison du comportement prêté à Ewelina Hańska pendant l'agonie de Balzac, selon des confidences que lui avait faites le peintre Jean Gigoux[n 41].

Opinions politiques et sociales[modifier | modifier le code]

Il n'est pas facile de synthétiser la pensée du romancier. Comme le signale un spécialiste, « ce serait une faute de systématiser à outrance les idées de Balzac : il n'a pas cherché à le faire lui-même. Ses divers personnages représentent des moments de son intelligence, reflètent l'activité de son esprit, l'effort de ses recherches. Il en résulte des tâtonnements, des nuances, des oppositions, sinon des contradictions, qui ne se fondent pas sans heurt[279] ».

Dérangeant les élites de son temps, Balzac, en 1840, est devenu un paria du monde politique. Un parlementaire l'accuse à la Chambre d'ébranler la société en la corrompant, de pervertir le peuple au lieu de l'éduquer et de saper les valeurs traditionnelles[280]. Il est méprisé par le roi Louis-Philippe, qui fera interdire sa pièce Vautrin, mais lui donnera quand même la Légion d'honneur en 1845 — récompense dérisoire en comparaison du statut dont jouissaient des écrivains comme Victor Hugo et Alexandre Dumas[281]. Écarté de la société aristocratique du faubourg Saint-Germain, qui ne veut pas se reconnaître dans l'image qu'il en donne, il n'est admis que dans les salons de seconde classe[282]. Il inquiète les bien-pensants, qui le voient comme une réincarnation de Satan et un danger public en raison de ses idées révolutionnaires. Il est rejeté par la droite aussi bien que par la gauche[283].

Régime politique[modifier | modifier le code]

Portrait de Talleyrand, en buste, chevelure bouclée, foulard blanc noué autour du cou.
Balzac admirait Talleyrand qu'il réussit à rencontrer en 1836[284].
Portrait de Fouché en pied, la tête tournée vers la droite, la main appuyée sur une balustrade. Il est vêtu d'un habit somptueux, rouge et or.
Il était fasciné par Fouché, évoqué dans Une ténébreuse affaire[285].

Les opinions politiques de Balzac ont été variables et beaucoup commentées[n 42].

Critique des royalistes égarés dans Les Chouans (1829), il est d'abord libéral sous la Restauration. Aux élections de 1831, désireux de se faire élire député, il présente sa candidature à Tours, à Fougères et à Cambrai, mais sans succès. Son échec est alors attribué à l’ambiguïté de ses opinions, ni libérales ni légitimistes. Sous l’influence de la duchesse de Castries, il affiche ensuite des opinions légitimistes et brigue les suffrages des électeurs sous cette bannière à Chinon en 1832, mais c'est un nouvel échec[286]. Ayant développé ces opinions monarchistes et catholiques dans le journal légitimiste Le Rénovateur, son royalisme n'est dès lors plus douteux[286]. Il fait reposer sa doctrine sociale sur l’autorité politique et religieuse, en contradiction totale avec ses opinions d’origine, forgées avec son amie Zulma Carraud, une ardente républicaine, qui l'admoneste dans une lettre : « Vous vous jetez dans la politique, m’a-t-on dit. Oh ! Prenez garde, prenez bien garde ! Mon amitié s’effraye […] ne salissez pas votre juste célébrité de pareille solidarité […]. Cher, bien cher, respectez-vous […][287]. ». L'écrivain lui répond en exposant ses convictions politiques :

« Jamais je ne me vendrai. Je serai toujours, dans ma ligne, noble et généreux. La destruction de toute noblesse hors la Chambre des Pairs ; la séparation du clergé d'avec Rome ; les limites naturelles de la France ; l'égalité parfaite de la classe moyenne ; la reconnaissance des supériorités réelles ; l'économie des dépenses, l'augmentation des recettes par une meilleure entente de l'impôt, l'instruction pour tous, voilà les principaux points de ma politique, auxquels vous me trouverez fidèle. […] Je veux le pouvoir fort[288]. »

Le Médecin de campagne, publié en 1833, expose des opinions très conservatrices sur le suffrage électoral (« le droit d’élection ne doit être exercé que par les hommes qui possèdent la fortune, le pouvoir ou l’intelligence[289] »), le droit d'aînesse, les classes sociales, le régime patriarcal[n 43] et la religion (« seule force qui puisse relier les Espèces sociales et leur donner une forme durable[290] ») — à tel point que cet ouvrage a été qualifié de propagande électorale[291]. En même temps, ce roman critique les classes oisives et met en scène un personnage de médecin qui se dévoue entièrement au service des malades et qui a prévu de laisser par héritage un fonds de réserve qui permettrait à la commune « de payer plusieurs bourses à des enfants qui donneraient de l’espérance pour les arts ou pour les sciences[292] ». Tout en reconnaissant l'existence des pauvres et la nécessité de cette classe pour la prospérité d'un pays, il insiste sur la nécessité de la justice sociale :

« Une seule iniquité se multiplie par le nombre de ceux qui se sentent frappés en elle. Ce levain fermente. Ce n’est rien encore. Il en résulte un plus grand mal. Ces injustices entretiennent chez le peuple une sourde haine envers les supériorités sociales. Le bourgeois devient et reste l’ennemi du pauvre, qui le met hors la loi, le trompe et le vole. Pour le pauvre, le vol n’est plus ni un délit, ni un crime, mais une vengeance. Si, quand il s’agit de rendre justice aux petits, un administrateur les maltraite et filoute leurs droits acquis, comment pouvons-nous exiger de malheureux sans pain résignation à leurs peines et respect aux propriétés[293] ? »

Le meilleur régime politique est, selon lui, celui qui produit la plus grande énergie, qui s'obtient en concentrant l'autorité de l'État[294]. Se disant en faveur d'un pouvoir absolu[n 44], il dénonce la permanente instabilité d'une démocratie représentative : « Ce qu'on nomme un gouvernement représentatif est une tempête perpétuelle […] Or, le propre d'un gouvernement est la fixité[294]. ». Il fustige la possibilité démocratique de l'absence d'un pouvoir fort (en étendant l'élection à tous) et ainsi d'une tyrannie des masses minées par les intérêts de quelques-uns ; il souhaite garder une tête au sommet de l'État (comme au sein d'un gouvernement monarchique), afin de prévenir de telles dérives (à l'instar de Platon et de Tocqueville) :

« Sans être l’ennemi de l’Élection, principe excellent pour constituer la loi, je repousse l’Élection prise comme unique moyen social, et surtout aussi mal organisée qu’elle l’est aujourd’hui, car elle ne représente pas d’imposantes minorités aux idées, aux intérêts desquelles songerait un gouvernement monarchique. L’Élection, étendue à tout, nous donne le gouvernement par les masses, le seul qui ne soit point responsable, et où la tyrannie est sans bornes, car elle s’appelle la loi[295]. »

Il se fait volontiers l'avocat d'un régime où un petit groupe d'hommes de talent exercerait une dictature collective, comme dans Ferragus[296]. Cette même idée qu'il suffit de rassembler quelques volontés fortes pour faire un coup d'État par la ruse et sans violence revient dans Le Contrat de mariage[297]. Ailleurs, il fait l'éloge de Talleyrand et de Fouché, experts en manipulation et gestion du secret[298]. Grand admirateur de Napoléon[n 45] et des êtres exceptionnels, Balzac ne croit pas à une égalité naturelle : « L'égalité sera peut-être un droit mais aucune puissance humaine ne saurait le convertir en fait[299]. ». Il s'oppose au système des concours, convaincu que « jamais aucun effort administratif ou scolaire ne remplacera les miracles du hasard auquel on doit les grands hommes[300] » et caricature les défenseurs de l'égalité en les présentant comme des ennemis du génie[n 46].

Programme économique[modifier | modifier le code]

Dessin du buste d'un homme regardant vers sa gauche, cheveux noirs, visage aux traits fins, nez allongé.
Les positions socio-économiques de Balzac s'inspirent des théories de Claude Henri de Saint-Simon.

Sur le plan économique, il ne met pas en cause le principe de la propriété privée, mais en ébauche les limites. Il défend la liberté du travail, la liberté d'entreprendre et la liberté de la presse, rejoignant en cela les théories de Saint-Simon, qui associent de façon cohérente progrès social et progrès économique[301]. Tout comme ce dernier, Balzac veut réorganiser la société en prenant pour base le travail : il fustige les oisifs et dénonce l'exploitation de l'homme par l'homme[302]. Il insiste sur l'importance de l'économie et le développement du commerce : « La vraie politique d’un pays doit tendre à l’affranchir de tout tribut envers l’étranger, mais sans le secours honteux des douanes et des prohibitions. L’industrie ne peut être sauvée que par elle-même, la concurrence est sa vie. Protégée, elle s’endort ; elle meurt par le monopole comme sous le tarif. Le pays qui rendra tous les autres ses tributaires sera celui qui proclamera la liberté commerciale, il se sentira la puissance manufacturière de tenir ses produits à des prix inférieurs à ceux de ses concurrents[303]. ».

Cette importance qu'il attache à l'économie, plus qu'à la politique, le rapproche de Marx[304]. Le critique marxiste Georg Lukács voit dans Illusions perdues « l'épopée tragi-comique de la capitalisation de l'esprit, la transformation en marchandise de la littérature[305] ». Dans un article de 1840, intitulé « Sur les ouvriers », Balzac va jusqu'à montrer des sympathies pour les idées de Fourier, et il proposera même, en 1843, de publier un feuilleton intitulé Peines de cœur d'un vieux millionnaire dans le journal fouriériste La Démocratie pacifique[306].

Toutefois, Fourier est vivement critiqué et présenté comme fou dans Les Comédiens sans le savoir (1846). Dans ce même ouvrage, un pédicure révolutionnaire du nom de Publicola Masson énonce un programme d'égalitarisme total — absolument opposé aux idées de Balzac — dans lequel on pressent déjà l'essentiel du Manifeste du Parti communiste : « On fabriquera pour le compte de l’État, nous serons tous usufruitiers de la France […] On y aura sa ration comme sur un vaisseau, et tout le monde y travaillera selon ses capacités[307]. ». Les protagonistes de ce récit rejettent le programme de Masson comme une tragique reprise de 1793.

Positions sociales[modifier | modifier le code]

Dessin de deux paysans dans Le Médecin de campagne.

Balzac expose ses convictions politiques et sociales dans l'avant-propos à La Comédie humaine, rédigé en 1842. Après les émeutes de 1840, il rappelle que le pouvoir en place n'existe que par et pour le peuple et que l'intérêt général doit l'emporter sur l'intérêt particulier : « Le pouvoir doit […] protéger et défendre les déshérités, ne pas laisser une classe de la société dominer le gouvernement[308]. ». Il revient sur cette question en 1848 : « Un État où les bons et sages ouvriers, en travaillant tant qu'ils veulent, tant qu'ils peuvent, ne trouvent pas l'aisance pour leur famille, cet État est mal ordonné[309]. ». Toutefois, les ouvriers sont absents de son univers, comme s'il en avait peur, et les paysans sont présentés comme des êtres brutaux, cupides et égoïstes[310]. En revanche, « un pays est fort quand il se compose de familles riches, dont tous les membres sont intéressés à la défense du trésor commun[311]. ». Fasciné par la noblesse, il la montre inéluctablement absorbée par la bourgeoisie et incapable de s'adapter aux réalités nouvelles ; il n'est pas plus tendre envers la bourgeoisie et dit vouloir peindre, dans Les Petits Bourgeois de Paris, le « Tartuffe-démocrate-philanthrope » de la bourgeoisie de 1830[312]. Il pressent, selon certains, « la victoire des masses qui absorberont un jour la bourgeoisie comme la bourgeoisie a absorbé la noblesse[313] ».

Dans ses romans, les forces sociales et les institutions ne sont jamais présentées comme des abstractions, mais sont incarnées dans des personnages qui ont chacun une histoire, des intérêts particuliers, engagés dans des intrigues. Les tribunaux sont composés de juges dont Balzac « décrit précisément l'origine sociale et les perspectives de carrière », de sorte qu'on peut voir ces institutions comme liées objectivement à des intérêts de classe[314].

Si, à certains égards, Balzac est assez éloigné des idées politiques de Victor Hugo et de Flaubert, son message est plus complexe qu'il n'y paraît à première vue. Selon Alain, « il soutient le trône et l'autel sans croire ni à l'un ni à l'autre[315] ». Engels, qui avait lu Balzac sur la recommandation de Marx, disait qu’il avait plus appris sur la société du XIXe siècle dans La Comédie humaine que dans tous les livres des historiens, économistes et statisticiens professionnels[316]. Même constat de la part de Zola : « Balzac est à nous, Balzac, le royaliste, le catholique a travaillé pour la république, pour les sociétés et les religions libres de l’avenir[317]. » De fait, dans La Comédie humaine, les républicains sont toujours des personnages austères, probes et intransigeants[318].

« À la honte des hommes, quand j’ai voulu donner une poignée de main à la vertu, je l’ai trouvée grelottant dans un grenier, poursuivie de calomnies, vivotant avec quinze cents francs de rente ou d’appointements, et passant pour une folle, pour une originale ou une bête. »

L'Interdiction[319]

Alors que le sociologue et le politique sont du côté de la droite et du conservatisme, l'écrivain pose un constat dévastateur sur la société qu'il dépeint et le capitalisme conquérant[320] : « Chacun sait que ce gros homme entendait faire une œuvre de défense et illustration des valeurs de défense sociale, voire de l'ordre moral, et qu'il a dressé, en fait, le plus formidable acte d'accusation qui ait jamais été lancé contre une civilisation[321]. ». Cette condamnation, qui ne porte pas seulement sur la société qu'il a sous les yeux mais sur tout ordre social, est une invitation à l'anarchisme et à la révolte[322]. Mais cet anarchisme peut facilement céder la place à un autoritarisme à tendances totalitaires[323] :

« Qu’est-ce que la France de 1840 ? un pays exclusivement occupé d’intérêts matériels, sans patriotisme, sans conscience, où le pouvoir est sans force, où l’Élection, fruit du libre arbitre et de la liberté politique, n’élève que les médiocrités, où la force brutale est devenue nécessaire contre les violences populaires, et où la discussion, étendue aux moindres choses, étouffe toute action du corps politique ; où l’argent domine toutes les questions, et où l’individualisme, produit horrible de la division à l’infini des héritages qui supprime la famille, dévorera tout, même la nation, que l’égoïsme livrera quelque jour à l’invasion[324]. »

Mariage et condition féminine[modifier | modifier le code]

Un homme s'adresse à une jeune femme en train d'écrire à sa table sur une terrasse qui domine un parc.
Couverture de Mémoires de deux jeunes mariées (1842).

Le mariage et la condition féminine sont chez Balzac des thèmes dominants, qu'il analyse sous diverses formes[325]. Estimant que « la femme porte le désordre dans la société par la passion[326] », il consacre de nombreux romans à mettre en scène les configurations que peut prendre ce « désordre ». En cela, il est conscient de faire œuvre nouvelle et d'explorer des territoires jusque-là laissés dans l'ombre : « Il se jouait en effet à La Baudraye une de ces longues et monotones tragédies conjugales qui demeureraient éternellement inconnues, si l’avide scalpel du Dix-Neuvième Siècle n’allait pas, conduit par la nécessité de trouver du nouveau, fouiller les coins les plus obscurs du cœur, ou, si vous voulez, ceux que la pudeur des siècles précédents avait respectés[327]. ».

Étant donné que la famille constitue le véritable élément social et non l'individu[328], la maternité est présentée comme l'accomplissement ultime de la femme : « Une femme qui n'est pas mère est un être incomplet et manqué[329]. ». Un mariage réussi doit donc reposer sur la raison et l'intérêt partagé plutôt que sur l'amour ou, pire, la passion : « le mariage ne saurait avoir pour base la passion, ni même l'amour[330]. ». Défenseur de l'institution du mariage, vu essentiellement comme un arrangement financier[331], le romancier s'oppose au divorce : « Rien ne prouve mieux la nécessité d’un mariage indissoluble que l’instabilité de la passion. Les deux sexes doivent être enchaînés comme des bêtes féroces qu’ils sont, dans des lois fatales sourdes et muettes[332]. ». Il rejette donc le féminisme saint-simonien qui vise à l'émancipation de la femme : « le féminisme balzacien est féminisme du mariage — la femme doit trouver sa liberté en assumant son esclavage[333]. ». Dans Mémoires de deux jeunes mariées, cette conception du mariage est illustrée par les destins contrastés des deux protagonistes et de nombreuses déclarations explicites : « Oui, la femme est un être faible qui doit, en se mariant, faire un entier sacrifice de sa volonté à l’homme, qui lui doit en retour le sacrifice de son égoïsme[330]. ».

Enfin, le législateur devrait tout mettre en œuvre pour maintenir la famille au lieu d'encourager l'individualisme par les lois napoléoniennes sur les successions, qui ont aboli le droit d'aînesse : « En proclamant l’égalité des droits à la succession paternelle, ils ont tué l’esprit de famille, ils ont créé le fisc ! Mais ils ont préparé la faiblesse des supériorités et la force aveugle de la masse, l’extinction des arts, le règne de l’intérêt personnel et frayé les chemins à la Conquête »[334].

En même temps, le romancier maintient sa foi dans un idéal d'amour partagé, même si celui-ci se brise constamment contre la réalité. À partir de 1836, on note chez lui un pessimisme grandissant et un « féminisme tragique »[335]. Demandant à la femme « un amour qui se renonce, il a trop profond le sentiment de la souffrance pour la juger »[336]. Il met en scène des amours coupables et de nombreux personnages de femmes mal mariées, humiliées, adultères. Cela lui vaudra un lectorat féminin enthousiaste, comme en témoigne un récit de Sainte-Beuve, selon lequel une épouse arrêtée par la police alors qu'elle s'enfuyait avec son amant aurait, pour se défendre, débité au juge des pages de Balzac[337].

La religion[modifier | modifier le code]

Femme à genoux dans un salon, encadrée par deux prêtres alors qu'une autre femme, sur le côté, a le visage caché dans un mouchoir.
Confession publique de Mme Graslin dans Le Curé de village, p. 717.

Dans ses premiers essais et romans de jeunesse, Balzac est extrêmement critique à l'égard de la religion et multiplie les attaques contre le clergé, présentant dans Le Vicaire des Ardennes des abbés et prélats incroyants, mondains et dissolus. Il critique aussi le culte catholique et s'en prend volontiers aux « séductions de la cupidité sacerdotale »[338]. À partir de 1829, toutefois, on note le début d'un changement d'attitude et une évolution vers le catholicisme. Dans des articles de journaux publiés en 1830 et signés d'un pseudonyme, il personnifie l'Église sous les traits d'une vieille édentée, écroulée dans le ruisseau et qui ne remue plus que faiblement[339]. Toutefois, quelques mois plus tard, il est choqué en voyant la foule des émeutiers favorables à la monarchie de Juillet mettre à sac l'église Saint-Germain-l'Auxerrois en et il se range du côté de la religion, qui lui « apparaît comme un instrument de force et de puissance[340] ». Cette évolution coïncide avec le début de ses relations avec la duchesse de Castries, qui renforce « la conception étriquée et égoïste d'un catholicisme défenseur de l'ordre social[340] ». Il traduit son adhésion au catholicisme dans une série de récits où éclate l'ardeur du néophyte : Jésus-Christ en Flandre (1831), Melmoth réconcilié (1835) et La Messe de l'athée (1836). Il s'agit cependant d'une adhésion de la sensibilité plutôt que d'une démarche intellectuelle : « Mais, d'ailleurs, sur quoi se fondent les croyances religieuses ? Sur le sentiment de l'infini qui est en nous, qui nous prouve une autre nature, qui nous mène par une déduction sévère à la religion, à l'espoir »[341].

À la religion, il assigne pour rôle essentiel de sauvegarder la paix sociale : « Le christianisme, et surtout le catholicisme, étant […] un système complet de répression des tendances dépravées de l’homme, est le plus grand élément d’Ordre Social »[295]. Il pousse le cynisme jusqu'à faire dire à un de ses personnages : « La religion, Armand, est, vous le voyez, le lien des principes conservateurs qui permettent aux riches de vivre tranquilles »[342]. Il fait toutefois une distinction entre l'aspect politique de sa croyance et sa conviction intime : « Politiquement, je suis de la religion catholique, je suis du côté de Bossuet et de Bonald, et ne dévierai jamais. Devant Dieu, je suis de la religion de saint Jean, de l'Église mystique, la seule qui ait conservé la vraie doctrine. Ceci est le fond de mon cœur »[343].

Dans ses romans, la figure du prêtre est surtout développée dans Le Médecin de campagne, Le Curé de village, Les Paysans, Ursule Mirouët et L'Envers de l'histoire contemporaine. La vie monastique est évoquée de biais, chez des personnages qui se détournent des plaisirs du monde afin de poursuivre leur mission, tels Raphaël (Louis Lambert), Bénassis (Le Médecin de campagne) et Félix de Vandenesse (Le Lys dans la vallée). Quant à la charité, elle est incarnée, dans L'Envers de l'histoire contemporaine, par la Confrérie de la consolation, dont l'inspiratrice est madame de La Chanterie, un personnage d'un héroïsme et d'une abnégation surhumaine, dont le détachement absolu traduirait de la part de Balzac une « compréhension totale du sens catholique »[344]. L'Église se rachète donc par ses œuvres de charité et son action de bienfaisance sociale, que Balzac exalte souvent à l'encontre de « la peste philanthropique »[345].

Lucas van Leyden, La Tireuse de cartes (1508). Balzac met en scène dans plusieurs romans une séance de cartomancie chez Mme Fontaine.

Le catholicisme de Balzac est toutefois suspect aux yeux des catholiques, car il fait de Jésus un homme comme un autre, qui n'a rien de divin et dont les guérisons miraculeuses sont expliquées par des phénomènes d'ordre magnétique et naturel[346]. Ainsi que l'auteur l'expose dans Séraphîta, Jésus est un homme qui a pu s'élever jusqu'à l'angélisation totale au terme de trois stades d'élévation spirituelle[347]. Comme l'écrit Louis Lambert : « Jésus était Spécialiste, il voyait le fait dans ses racines et dans ses productions, dans le passé qui l’avait engendré, dans le présent où il se manifestait, dans l’avenir où il se développait ; sa vue pénétrait l’entendement d’autrui »[348].

Adepte de l'occultisme et du magnétisme, Balzac essaie d'expliquer le phénomène religieux par ces faits « scientifiques[349] ». L'illuminisme est sa religion personnelle[350]. Il expose sa croyance aux sciences occultes dans ses derniers romans, Les Comédiens sans le savoir et Le Cousin Pons, où il relate une séance de divination chez une tireuse de cartes[n 47]. Il est donc resté toute sa vie un disciple de Swedenborg et de Louis-Claude de Saint-Martin[351], fidèle à une tradition mystique qui passe par sainte Thérèse et Jakob Böhme[n 48]. Son dessein le plus profond et le plus constant a été, selon Philippe Bertault, de « recommencer pour le mysticisme du prophète nordique ce que saint Pierre fit jadis pour la religion du prophète galiléen [et de] parfaire l'œuvre napoléonienne en établissant par sa propre pensée une sorte de gouvernement intellectuel sur l'Europe »[352].

L’Église catholique prend très tôt ses distances à l'égard de Balzac et, en 1842, met son œuvre à l'Index en raison de son « immoralité »[353].

Chronologie des œuvres[modifier | modifier le code]

Après ses œuvres de jeunesse, l'écrivain a bâti l'édifice auquel il songeait depuis 1833 et qu'il avait annoncé en fanfare à sa famille : « Saluez-moi car je suis un génie »[354]. Il venait de trouver le plan des trois parties de La Comédie humaine.

La Comédie humaine[modifier | modifier le code]

Les romans et nouvelles qui composent La Comédie humaine sont regroupés en trois grands ensembles : les Études de mœurs, les Études philosophiques et les Études analytiques. L'ensemble des Études de mœurs est lui-même divisé en Scènes de la vie privée, Scènes de la vie de province, Scènes de la vie parisienne, Scènes de la vie politique, Scènes de la vie militaire et Scènes de la vie de campagne.

Nombre d'ouvrages ont été refondus à plusieurs reprises pour mieux s'insérer dans ce vaste plan d'ensemble, qui est allé en se précisant et au moyen duquel Balzac voulait peindre une vaste fresque de la société de son époque. Plusieurs œuvres sont parues dans des journaux en prépublication[n 49], mais l'auteur a sans cesse remanié ses textes, comme on peut le voir notamment avec La Femme de trente ans[355].

Le tableau ci-dessous regroupe les composantes en ordre chronologique[n 50], selon la première date de publication, même dans le cas d'une parution en revue ou lorsque l'œuvre est ensuite remaniée. Les titres définitifs sont donnés au tome XII de la Bibliothèque de la Pléiade[356].

1824 (Du Droit d'aînesse)[357]
1829 Les Chouans, Physiologie du mariage
1830 La Maison du chat-qui-pelote, El Verdugo, La Vendetta, Le Bal de Sceaux, Étude de femme, Une double famille, Gobseck, La Paix du ménage, Une passion dans le désert, Adieu !, Petites misères de la vie conjugale (Traité de la vie élégante), Les Deux Rêves
1831 La Peau de chagrin, La Grande Bretèche (Autre étude de femme), Sarrasine, Le Chef-d'œuvre inconnu, Les Proscrits, Le Réquisitionnaire, L’Auberge rouge, L'Élixir de longue vie, Jésus-Christ en Flandre, L'Enfant maudit
1832 Madame Firmiani, Le Curé de Tours, Louis Lambert, Maître Cornélius, La Bourse, Le Colonel Chabert
1833 La Femme abandonnée, La Grenadière, Le Message, Eugénie Grandet, L'Illustre Gaudissart, Le Médecin de campagne (Théorie de la démarche), (Dialogue d'un vieux grenadier de la Garde impériale surnommé le Sans peur)[358]
1834 La Femme de trente ans, Ferragus, La Duchesse de Langeais, La Recherche de l'absolu, Les Marana, Un drame au bord de la mer, Séraphîta
1835 Le Contrat de mariage, Le Père Goriot, La Fille aux yeux d'or, Melmoth réconcilié
1836 Le Lys dans la vallée, La Vieille Fille, L'Interdiction
1837 Illusions perdues (1. Les Deux Poètes), La Messe de l'athée, Facino Cane, César Birotteau, La Confidence des Ruggieri, Gambara
1838 Une fille d'Ève, La Maison Nucingen, Les Employés ou la Femme supérieure, Le Cabinet des Antiques, Splendeurs et misères des courtisanes (1. Comment aiment les filles)
1839 Autre étude de femme, Béatrix, Illusions perdues (2. Un grand homme de province à Paris), Massimilla Doni, Pierre Grassou, Les Secrets de la princesse de Cadignan, Pathologie de la vie sociale (Traité des excitants modernes), Gambara & Le curé de village (Meline, Cans & Cie, Bruxelles et Leipzig)
1840 Pierrette, Un prince de la bohème, Z. Marcas
1841 Mémoires de deux jeunes mariées, Ursule Mirouët, Une ténébreuse affaire, Le Curé de village
1842 La Fausse Maîtresse, Albert Savarus, La Rabouilleuse (Un ménage de garçon), Un épisode sous la Terreur (avant-propos à La Comédie humaine)
1843 Honorine, Illusions perdues (3. Ève et David ou Les Souffrances de l'inventeur), La Muse du département, Splendeurs et misères des courtisanes (2. À combien l'amour revient aux vieillards)
1844 Modeste Mignon, Un début dans la vie, Gaudissart II, Sur Catherine de Médicis (Le Martyr calviniste), Un homme d'affaires
1846 Les Comédiens sans le savoir, La Cousine Bette, Splendeurs et misères des courtisanes (3. Où mènent les mauvais chemins)
1847 Le Cousin Pons, Splendeurs et misères des courtisanes (4. La Dernière Incarnation de Vautrin)
1848 L'Envers de l'histoire contemporaine (1. Madame de la Chanterie ; 2. L'Initié)

À ces 88 titres publiés de son vivant[n 51] s'ajoutent Les Paysans, ouvrage resté inachevé et publié en 1855 par Éveline de Balzac, ainsi que Le Député d'Arcis et Les Petits Bourgeois de Paris, tous deux terminés par Charles Rabou, selon la promesse qu’il avait faite à Balzac peu avant sa mort, et publiés respectivement en 1854 et en 1856[278].

Ébauches rattachées à La Comédie humaine[modifier | modifier le code]

Le grand projet de La Comédie humaine a été interrompu par la mort prématurée de l'auteur, mais les papiers de Balzac contenaient nombre d'ébauches de contes, de romans ou d'essais qui permettent de reconstituer le parcours littéraire et éclairent son projet. En cela, ces ébauches ont une valeur historique importante et, parfois, une valeur littéraire inattendue. Mais c’est surtout par ce qu’elles nous apprennent de Balzac et de sa manière d’écrire qu'elles sont précieuses. L’ensemble de ces manuscrits, d'abord éparpillés à la mort de l’auteur, a pu être réuni grâce au patient travail de collectionneur du vicomte Charles de Spoelberch de Lovenjoul, et par les « archéologues littéraires » qui lui ont succédé et ont travaillé à remettre en ordre et à interpréter le sens de ces textes en cherchant ce qui les rattachait à La Comédie humaine[359]. Ils ont d’abord été rassemblés en 1937 par Marcel Bouteron (huit textes), puis par Roger Pierrot en 1959 (dix textes) et Maurice Bardèche. Beaucoup de ces textes étaient restés inédits du vivant de l’auteur. En 1950, lors du centenaire de la mort de Balzac, deux textes furent édités séparément : La Femme auteur et Mademoiselle du Vissard[360].

Historique des éditions[modifier | modifier le code]

Balzac a été publié chez de nombreux éditeurs : Levasseur et Urbain Canel (1829), Mame-Delaunay (1830), Gosselin (1832), Madame Charles-Béchet (1833), Werdet (1837), Charpentier (1839). Une édition illustrée de Charles Furne (20 vol., in-8°, de 1842 à 1855) a réuni l’intégralité de La Comédie humaine en association avec Houssiaux, puis Hetzel, Dubochet et Paulin[361]. Même si cette édition dite « définitive » de La Comédie humaine avait été corrigée par l'auteur, ce dernier a continué à apporter des corrections sur son exemplaire personnel, lesquelles seront incorporées dans « le Furne corrigé », édité par Lévy en 1865 et qui a servi de base à l'édition en Pléiade (1976-1981)[n 52].

Charles de Spoelberch de Lovenjoul a publié en 1879 une Histoire des œuvres de H. de Balzac, comportant une bibliographie complète, une chronologie de la publication, une table alphabétique des titres et une bibliographie des études publiées sur cette œuvre[362].

Textes divers[modifier | modifier le code]

Théâtre[modifier | modifier le code]

Le théâtre n’est pas le moyen d’expression le plus naturel d’Honoré de Balzac, mais il s'y essaie parce que le genre dramatique est, à cette époque, celui qui permet le plus rapidement de se faire de l’argent. Aussi l’endetté perpétuel voit-il dans l’écriture dramatique une source de revenus. Pratiquement toutes ses tentatives seront vaines, ne resteront à l’affiche que quelques jours ou seront interdites. Malgré l'échec de Cromwell (1820), il fait une nouvelle tentative avec Le Nègre (1824), Vautrin (1840), Mercadet le faiseur (1840), Les Ressources de Quinola (1842) et Paméla Giraud (1843).

Les échecs de Balzac au théâtre s'expliquent en grande partie par son manque réel d'intérêt pour le genre. En effet, « lui qui refaisait dix fois ses romans ne faisait pas du tout ses pièces de théâtre » et les écrivait à la volée[363]. Cependant, la comédie Mercadet le faiseur obtient un certain succès lors de sa représentation en 1851. Elle est encore jouée en 2014, adaptée par Emmanuel Demarcy-Mota[n 53].

Postérité[modifier | modifier le code]

Postérité littéraire[modifier | modifier le code]

Après sa mort, Balzac est salué comme un très grand écrivain et inspire de nombreux romanciers, en France et dans le monde. Voir la section correspondante dans l'article sur La Comédie humaine ainsi que la page Balzac face aux écrivains de son siècle. On ne saurait, toutefois, ignorer le jugement sévère de certains grands contemporains. Ainsi Flaubert, qui admirait le forçat de l’écriture, écrit à Louise Colet : « Quel homme eût été Balzac, s’il eût su écrire ! mais il ne lui a manqué que cela ! »[364]. Stendhal, quant à lui, déplorait un style contourné, émaillé de néologismes, propre à flatter le goût des provinciaux[365].

Portraits de Balzac[modifier | modifier le code]

Portrait photographique en noir et blanc d'un homme moustachu portant chemise blanche ouverte, main droite sur le cœur.
Balzac en 1842 sur un daguerréotype de Louis-Auguste Bisson : « Je suis ébaubi de la perfection avec laquelle agit la lumière[366]. »

Dès 1825, Achille Devéria, qui était presque du même âge que Balzac, réalise un portrait de ce dernier au crayon et lavis à la sépia[n 54]. En 1829, Louis Boulanger, alors âgé de 23 ans, réalise également un portrait de lui, dans sa fameuse robe de moine, œuvre conservée au château de Saché. Sept ans plus tard, il en fait une réplique destinée à Madame Hańska, qui sera exposée au Salon de 1837[367]. Ce tableau sera repris par Maxime Dastugue (1851-1909). Théophile Gautier a commenté ainsi la fameuse robe :

« Il portait dès lors, en guise de robe de chambre, ce froc de cachemire ou de flanelle blanche retenue à la ceinture par une cordelière, dans lequel, quelque temps plus tard, il se fit peindre par Louis Boulanger. Quelle fantaisie l'avait poussé à choisir, de préférence à un autre, ce costume qu'il ne quitta jamais ? nous l'ignorons, peut-être symbolisait-il à ses yeux la vie claustrale à laquelle le condamnaient ses labeurs, et, bénédictin du roman, en avait-il pris la robe ? Toujours est-il que ce froc blanc lui seyait à merveille. Il se vantait en nous montrant ses manches intactes, de n'en avoir jamais altéré la pureté par la moindre tache d'encre, car, disait-il, le vrai littérateur doit être propre dans son travail[368]. »

Dessin de profil d'un homme moustachu
Balzac par David d'Angers.

Le romancier ne cache pas son admiration pour Louis Daguerre qu’il cite plusieurs fois dans La Comédie humaine (voir l’article Balzac et le daguerréotype). Il est le premier à utiliser le verbe « daguerréotyper[369] ». En 1842, le photographe Louis-Auguste Bisson tire de Balzac un daguerréotype — procédé alors connu depuis seulement trois ans et auquel Balzac s'intéressait beaucoup : « Je reviens de chez le daguerréotypeur, et je suis ébaubi par la perfection avec laquelle agit la lumière […][370]. ». Bisson en a fait ensuite un portrait en couleur, reproduit en début d'article (voir l'original ci-contre). Un second daguerréotype a été tiré, où Balzac pose la main gauche sur sa poitrine. Nadar en a tiré de multiples photos et en a fait deux caricatures[371].

Le , Pierre François Eugène Giraud représente Balzac sur son lit de mort (technique : fusain, sanguine, craie blanche et pastels sur papier). Le tableau se trouve au musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon[372].

En 1927, le collectionneur et amateur d’art Ambroise Vollard demande à Picasso d’illustrer une édition de luxe du Chef-d'œuvre inconnu, qui sera publiée en 1931[373]. Fasciné par cette nouvelle et son auteur, Picasso installe son atelier dans la maison même où Balzac en situait l’action. La nouvelle inspire l'artiste pour la série d'estampes Suite Vollard également commandée par Vollard[374] et il y peindra Guernica quelques années plus tard. En 1952, Picasso réalise aussi une série de neuf lithographies de Balzac, dont huit illustrent un ouvrage de Michel Leiris[n 55].

Eugène Paul a également réalisé une lithographie de Balzac en 1970[375]. La maison de Balzac à Paris conserve un portrait gravé par Claude Raimbourg[376].

Balzac est le personnage central du tableau George Sand dans l'atelier de Delacroix avec Musset, Balzac et Chopin[377] réalisé par le peintre péruvien Herman Braun-Vega à la demande des Musées de Châteauroux[378], en 2004, à l'occasion du bicentenaire de la naissance de George Sand. Le tableau est exposé pour la première fois en 2004-2005 au Couvent des Cordeliers de Châteauroux.

Plus récemment, Cyril de La Patellière a réalisé un portrait de Balzac en terre cuite, à la demande de Gonzague Saint Bris, qui a consacré plusieurs ouvrages au romancier.

Sculptures[modifier | modifier le code]

Buste de Balzac, par Alexandre Falguière.

En 1837, lors de son passage à Milan, Balzac rencontre Alessandro Puttinati, qui sculpte de lui une statuette[379]. En 1844, Alexandre Falguière fait un buste de l'écrivain.

David d'Angers réalise un buste colossal « en Hermès », dont l'exécution en marbre date de 1844. Balzac en est particulièrement satisfait, écrivant à son sujet : « c'est ce que l'artiste a fait de mieux, vu la beauté de l'original sous le rapport de l'expression et des qualités purement symptomatiques relatives à l'écrivain »[380]. Le buste se trouve maintenant à la Maison de Balzac. Le même sculpteur réalise la statue qui orne la tombe de l'écrivain au cimetière du Père-Lachaise. Étant aussi médailleur, David lui a consacré un médaillon.

En 1835, Jean-Pierre Dantan réalise deux statuettes caricaturales de Balzac en plâtre patiné terre cuite : « La plus connue le représente vêtu d'une redingote, tenant d'une main son chapeau et de l'autre sa canne, ventru et joufflu comme sa canne, il porte une abondante chevelure sur le côté droit de la tête[381]. ».

Vers la fin du XIXe siècle, la Société des gens de lettres passe commande d’une statue de Balzac à Henri Chapu, mais celui-ci meurt en juillet 1891, ne laissant que des esquisses et ébauches du monument. Émile Zola obtient alors que la commande soit confiée à Auguste Rodin le . Rodin, ne connaissant pas Balzac, se livre à de nombreuses recherches. Il s’immerge dans La Comédie humaine, consulte archives et collections, produit des têtes, des bustes et des nus. Jusqu’au moment où jaillit l’idée finale en observant l’une des figures de ses Bourgeois de Calais. Il s’ensuivra une polémique violente lors de la première présentation de l’œuvre, qui fait scandale. Malgré les articles élogieux d’Émile Zola, le sculpteur est en butte aux pires insultes. La Société des gens de lettres désavoue Rodin et commande alors à Alexandre Falguière un « Balzac sans heurts »[382]. Cette statue, qui montre Balzac dans sa robe de chambre, est érigée au croisement de la rue Balzac et de l'avenue de Friedland à Paris[383]. Elle a été photographiée dans l'atelier du dépôt des marbres par Eugène Druet entre 1896 et 1900.

Rodin emporte son œuvre dans sa villa de Meudon et c’est là, que quelques années plus tard, un jeune photographe américain, Edward Steichen, en découvrira la beauté, assurant les débuts de sa postérité. Ce n’est toutefois qu’en 1939 qu’un tirage en bronze fut érigé à Paris, boulevard Raspail. Rodin écrivait en 1908 :

« Si la vérité doit mourir, mon Balzac sera mis en pièces par les générations à venir. Si la vérité est impérissable, je vous prédis que ma statue fera du chemin. Cette œuvre dont on a ri, qu’on a pris soin de bafouer parce qu’on ne pouvait la détruire, c’est la résultante de toute ma vie, le pivot même de mon esthétique. Du jour où je l’eus conçue, je fus un autre homme[382]. »

Balzac s'est lui-même passionnément intéressé à la sculpture et y a consacré une nouvelle, Sarrasine, dans laquelle il montre ce qu'il y a de dangereux, voire de mortel, dans cet art qui recrée l'être humain : « Contournable, pénétrable, en un mot profonde, la statue appelle la visite, l'exploration, la pénétration : elle implique idéalement la plénitude et la vérité de l'intérieur […] ; la statue parfaite selon Sarrasine, eût été une enveloppe sous laquelle se fût tenue une femme réelle (à supposer qu'elle-même fût un chef-d'œuvre), dont l'essence de réalité aurait vérifié et garanti la peau de marbre qui lui aurait été appliquée »[384].

Adaptations au cinéma[modifier | modifier le code]

En raison de son talent de metteur en scène et de sa façon minutieuse de planter les décors, de décrire les costumes et d’agencer les dialogues, Balzac n’a cessé d’être adapté à l’écran (télévision et cinéma) depuis le début du XXe siècle[385]. Pour Éric Rohmer, pourtant, un roman de Balzac est inadaptable parce qu'il contient déjà tout. On n'adapte pas Balzac, on s'adapte au monde avec lui : « Ce qui est grand chez Balzac, c'est que tout simplement il nous ouvre au monde et, du même mouvement, nous ouvre à l'art. Et le monde le lui rend bien » (préface de La Rabouilleuse, POL, 1992).

Adaptations musicales[modifier | modifier le code]

Photo d'une galerie scintillante sous deux alignements de chandeliers, de chaque côté des colonnes et au fond un autel
Opéra Garnier : Le grand foyer.
Timbre émis en 1939 au profit des Chômeurs intellectuels.

Hommages[modifier | modifier le code]

L’affaire Radziwill[modifier | modifier le code]

Le , La Revue hebdomadaire publie onze lettres que Mme Hańska aurait écrites à son frère le comte Adam Rzewuski et dont aurait hérité la princesse Catherine Radziwill, née Rzewuska, nièce de Mme Hańska et fille d'Adam. Réfugiée aux États-Unis après la révolution russe, cette dernière disait n'avoir emporté que des papiers de famille, parmi lesquels les lettres où Mme Hańska faisait à son frère des confidences sur sa relation avec Balzac[393]. Dans la présentation de cette correspondance, la princesse affirme vouloir « rendre justice à cette pauvre étrangère qui a été si faussement et si cruellement jugée » et « lui rendre sa vraie place dans la vie d'une des plus grandes gloires littéraires de la France »[394].

Ces lettres, que la princesse avait fournies à Juanita Helm Floyd pour sa thèse Les Femmes dans la vie de Balzac, n'attirent l'attention qu'après la traduction de cette thèse et sa publication en France, en 1927. Elles sont d'abord acclamées comme des documents importants, jusqu'à ce qu'un article de Hubert Gillot dans la Revue politique et littéraire (ou Revue bleue) trouve cette correspondance suspecte en raison de considérations stylistiques[395] et que Sophie de Korwin-Piotrowska, qui connaissait bien la famille Rzewuski, ait affirmé que Mme Hańska n’avait aucune relation avec son frère cadet et qu’elle n’avait aucune raison de lui parler d'un «littérateur français» qu’il désapprouvait[396].

Pour certains, Catherine Radziwill était une intrigante mythomane, qui cherchait à monnayer sa parenté avec Mme Hańska. Cette même princesse s'était déjà rendue coupable de multiples escroqueries, notamment en imitant la signature de Cecil Rhodes, fondateur de la compagnie de diamants De Beers. Cette correspondance est donc généralement considérée comme une supercherie[397],[398].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Balzac ajoutera la particule en 1831, deux ans après la mort de son père.
  2. Dega 1998. Voir Dieudonné 1999, p. 27-32 ; Arnaud 1923, p. 75 ; ICC, 1958, 523 ; France Généalogique 1969 ; Généalogie d'Honoré de Balzac. Le père de Balzac a prétendu « être de la souche de la maison Balzac d'où venaient collatéralement les d'Entragues », famille qui s'est illustrée par plusieurs femmes célèbres, dont Henriette, maîtresse d'Henri IV (Pierrot 1994, p. 6). Lors de son voyage à Vienne en 1835, l'écrivain fera peindre les armoiries de la famille d'Entragues sur la calèche louée pour l'occasion (Pierrot 1994, p. 255 ; Zweig 1950, p. 7 ; reproduction dans Livre du centenaire, p. 111).
  3. Le Voyage en coucou de Laure deviendra avec Balzac Un début dans la vie selon Gérard Macé, Un début dans la vie, Gallimard, coll. « Folio classique », , p. 13.
  4. Maurois 1965, p. 18 : « Les oratoriens de Vendôme passaient pour des libéraux. Les deux hommes qui dirigeaient le collège au temps de Balzac (Mareschal et Dessaignes) avaient accepté de prêter serment à la nation. Tous deux s’étaient mariés tout en conservant leur foi catholique et ils maintenaient dans le collège une discipline presque conventuelle. »
  5. Maurois 1965, p. 26. Le héros de Louis Lambert présente de nombreux points communs avec le jeune collégien, selon Pierrot 1994, p. 26-29.
  6. Jeune clerc de notaire ou d’avoué chargé de faire les courses. Voir la « définition du CNRTL ».
  7. Chollet, vol. XXX, p. 14-15. Selon Taine, Balzac aurait écrit « quarante volumes de mauvais romans, qu'il savait mauvais, avant d'aborder sa Comédie humaine » (Taine 1866, p. 92).
  8. Barbéris pense que ces deux derniers écrits étaient « peut-être des textes provocateurs destinés à faire crier contre les projets prêtés au ministère » Barbéris 1973, p. 149. Balzac revient cependant sur la question du droit d'aînesse dans divers romans et estime que l'abolition de celui-ci a eu des effets délétères sur les grandes fortunes de la noblesse et contribué à un nivellement social qu'il déplore ainsi qu'à l'expansion de l'individualisme (voir notamment Autre étude de femme, p. 438-439, Le Curé de village, p. 674, Mémoires de deux jeunes mariées, p. 120, L’Envers de l’histoire contemporaine, p. 169 et Introduction à Sur Catherine de Médicis, p. 474.).
  9. Lire l'avant-dernier paragraphe de l'avant-propos de La Comédie humaine.
  10. Samuel Silvestre de Sacy évalue la dette à 60 000 francs dont 50 000 dus à sa famille, dans « La vie de Balzac », appendice à Abellio 1980, p. 254.
  11. « Il avait des idées générales sur tout […] Il raisonne et ses personnages raisonnent à chaque instant. Chacun arrive avec la masse de réflexions accumulées par toute une vie ; et toutes ces masses opposées et liées les unes aux autres composent par leur union et leur contraste l'encyclopédie du monde social. » Taine 1866, p. 154-155.
  12. Ces textes sont réunis dans Pléiade 1996.
  13. L'avant-propos n'est pas compté dans ce total de 90 titres. Illusions perdues et Splendeurs et misères sont comptés chacun comme un seul titre.
  14. Voir le menu d'un déjeuner dans Les Comédiens sans le savoir, p. 158.
  15. Balzac avait englouti dans l'achat d'actions de la Compagnie du chemin de fer du Nord une somme de 130 000 francs que lui avait envoyée Mme Hańska en 1845, investissement qui s'est révélé ruineux lorsque le cours a baissé. Voir Pierrot 1994, p. 459.
  16. « Et quand on voit les derniers placards de César Birotteau, c'est admirable, visuellement, car c'est une page imprimée avec des explosions. C'est comme un feu d'artifice de suppléments, de rajouts […] ; cela a vraiment une beauté plastique, et, finalement, c'est bien l'emblème de l'écriture qui est une prolifération, une dissémination le long de la page. » Roland Barthes, Œuvres complètes 1972-1976, t. IV, Seuil, 2002, p. 552.
  17. « Qu'on ne se laisse pas induire en erreur par les Contes drolatiques et leur sensualité exubérante et vantarde, phallique même. Balzac n'a jamais été un Don Juan, un Casanova, un érotomane et ses vœux vont à la femme au sens bourgeois. » (Zweig 1950, p. 146.)
  18. Sophie Koslowska, qui l'a connu en 1836, le décrit ainsi : « M. de Balzac ne peut être appelé un bel homme parce qu'il est petit, gras, rond, trapu ; de larges épaules, bien carrées ; une grosse tête ; un nez comme de la gomme élastique, carré du bout ; une très jolie bouche, mais presque sans dents ; les cheveux noirs de jais, raides et mêlés de blanc. Mais il y a dans ses yeux bruns, un feu, une expression si forte que, sans le vouloir, vous êtes obligé de convenir qu'il y a peu de têtes aussi belles. ». Cité par Maurois 1965, p. 323.
  19. Un voyageur russe : « Il est petit, un peu gros et a beaucoup de feu dans les yeux » ; un journaliste italien : « un œil de dompteur de fauves » ; la comtesse de Bocarmé : « deux yeux à la fois merveilleusement doux et spirituels » (Pierrot 1994, p. 305, 371 et 386).
  20. Gautier 1859, [lire en ligne]. Voir aussi cette description de Mme de Pommereul, chez qui il a séjourné en 1828 : « Vous ne pouvez pas comprendre ce front et ces yeux-là, vous qui ne les avez pas vus : un grand front où il y avait un reflet de lampe et des yeux bruns remplis d'or qui exprimaient tout avec autant de netteté que la parole. Il avait un gros nez carré, une bouche énorme qui riait toujours, malgré ses mauvaises dents. Il portait la moustache épaisse et ses cheveux très longs rejetés en arrière. Il y avait dans tout son ensemble, dans ses gestes, dans sa manière de parler, de se tenir, tant de bonté, tant de naïveté, tant de franchise qu'il était impossible de le connaître sans l'aimer. » (Zweig 1950, p. 121-122.)
  21. « Portrait de Laure de Berny » [JPG].
  22. En fait, Balzac n'aimait pas le tabac. Il n'aimait pas non plus les drogues qui obligent à abdiquer la volonté et se serait abstenu de goûter au haschisch lors d'une séance de démonstration en 1835, à laquelle Baudelaire assistait (Pierrot 1994, p. 319-321 et 422).
  23. Elle a alors une liaison publique avec le prince Victor de Metternich. Stendhal, à propos de son roman Armance, écrit : « Mme d'Aumale, c'est Mme de Castries que j'ai faite sage. » Pierrot 1994, p. 196.
  24. Marie-Caroline du Fresnay, fille supposée de Balzac, est née à Sartrouville le 4 juin 1834. Elle est décédée en 1930 (Pierrot 1994, p. 235-240).
  25. Lionel Richard Guidoboni-Visconti, né le 29 mai 1836 (Zweig 1950, p. 323).
  26. Contrairement à ce que laisse croire Balzac, M. Hanski n'était ni comte ni prince, mais un richissime propriétaire terrien de petite noblesse (Pierrot 1994, p. 212).
  27. Zweig 1950, p. 241. L'hypothèse du jeu s'appuie sur une lettre qu'aurait écrite Éveline à son jeune frère : extrait sur Gallica.
  28. Madame Hańska a conservé religieusement les 414 lettres que Balzac lui a adressées, mais a détruit les siennes après la mort de l'écrivain. Celles de l'écrivain, publiées sous le titre Lettres 1899, sont souvent très longues : leur masse correspond au quart du texte de l'ensemble de La Comédie humaine (Pierrot 1994, p. 216).
  29. Elle s'attendait à ce que Balzac mène une vie de moine et ne lui permettait que des amours vénales. (Zweig 1950, p. 322).
  30. Ce refus est formulé dans une lettre que Balzac reçoit le , mais dont le contenu n'est connu que par la réponse qu'il rédige le même jour. Lettres 1899, t. II, p. 10-12.
  31. Zweig 1950, p. 281-282 et 402-405, compare la relation entre l'écrivain et Madame Hańska à celle d'un serf avec sa maîtresse et juge sévèrement la supériorité de caste dont celle-ci fait preuve, la considérant incapable de passion.
  32. Ses appartements dans ce château ont été préservés. Voir Ariane Chemin, « Les tribulations de Balzac en Ukraine », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  33. Bien qu'Alexandre Deberny ait abandonné sa particule, Balzac la lui rétablit dans sa dédicace des Secrets de la princesse de Cadignan : « À mon cher Alexandre de Berny » (Samuel S. de Sacy, Les Secrets de la princesse de Cadignan, coll. « Folio classique », 1993, p. 400).
  34. Maurois 1965, p. 288. Balzac avait commandé en 1834 au joaillier Lecointe « la plus belle canne de Paris » : « La canne aux turquoises de Balzac ». Il avait fait graver sur le pommeau en cornaline une devise en turc : « Je suis briseur d'obstacles » (Taine 1866, p. 75). Delphine de Girardin en a fait un conte : La Canne de Monsieur Balzac (1836) et Balzac écrit à la comtesse Hańska : « Ce bijou menace d’être européen […] Si l’on vous dit dans vos voyages que j’ai une canne fée, qui lance des chevaux, fait éclore des palais, crache des diamants, ne vous étonnez pas et riez avec moi. » (Lettres 1899, t. I, p. 244.)
  35. Balzac avait déjà été condamné plusieurs fois par la Garde nationale pour s'être dérobé à des convocations le sommant de monter la garde, qui était alors un devoir civique.
  36. Son refuge avait été dénoncé à la police par Caroline Marbouty, qui se vengeait ainsi d'avoir été évincée par la comtesse (Zweig 1950, p. 343-344).
  37. Louise, dépitée et jalouse, aurait volé 22 lettres intimes à Balzac afin de faire du chantage auprès de Mme Hańska, mais les spécialistes soupçonnent que Balzac ne dit pas toute la vérité dans cette affaire. À la suite de cela, Éveline exige la destruction de toutes ses lettres. (Pierrot 1994, p. 364 et 456-458.)
  38. La Société existe toujours et est actuellement sise en l’hôtel de Massa, rue Saint-Jacques à Paris.
  39. Sa candidature est écartée le 11 janvier 1849 en faveur du duc de Noailles et le 18 janvier en faveur du comte de Saint-Priest (Pierrot 1994, p. 483-484). Il avait envisagé de se présenter en septembre 1839, mais s'était désisté en faveur de Victor Hugo, qui n'avait d'ailleurs pas été élu (Pierrot 1994, p. 350).
  40. « En apprenant que je suis le mari de la petite-nièce de Marie Leszczyńska ; que je deviens le beau-frère d'un aide de camp général de S.M. l'empereur de toutes les Russies, le comte A. Rzewuski, beau-père du comte Orloff, le neveu de la comtesse Rosalie Rzewuska, 1re dame d'honneur de S.M. l'impératrice ; le beau-frère du comte Henri Rzewuski, le Walter Scott de la Pologne […]. ». Cité par Pierrot 1994, p. 489.
  41. Sur la prière de la fille de Mme Hańska, Mirbeau consentit à faire retirer cette section, alors que le volume était déjà imprimé. Voir le détail de « l’affaire Octave Mirbeau » sur la page de Ewelina Hańska.
  42. « Libéral avant 1830 mais favorable au droit d'aînesse, il devient royaliste en 1831. En 1829, […] dans Les Chouans, il mettait en scène des royalistes aveuglés […], dans l'avant-propos à La Comédie humaine (1842), il dit écrire à la lumière de deux vérités éternelles : la Religion et la Monarchie. […] Dans L'Envers de l'histoire contemporaine, un enfant du siècle s'intègre à un cercle de croyants […]. Retour à Dieu, seconde vie consacrée à l'amour du prochain, à contre-courant du mouvement général de l'histoire. ». Extrait de Gérard Gengembre, Dictionnaire de la Contre-Révolution : XVIIIe – XXe siècle, Paris, Perrin, , 552 p. (ISBN 978-2-262-03370-5, lire en ligne), p. 78.
  43. « Là, les mœurs sont patriarcales : l’autorité du père est illimitée, sa parole est souveraine ; il mange seul assis au haut bout de la table, sa femme et ses enfants le servent, ceux qui l’entourent ne lui parlent point sans employer certaines formules respectueuses, devant lui chacun se tient debout et découvert. » Le Médecin de campagne, p. 363.
  44. George Sand nuance toutefois cette position : « Un jour il revenait de Russie, et pendant un dîner où il était placé près de moi, il ne tarissait pas d'admiration sur les prodiges de l'autorité absolue. Son idéal était là, dans ce moment-là. Il raconta un trait féroce dont il avait été témoin et fut pris d'un rire qui avait quelque chose de convulsif. Je lui dis à l'oreille : “Ça vous donne envie de pleurer, n'est-ce pas ?” Il ne répondit rien, cessa de rire, comme si un ressort se fût brisé en lui, fut très sérieux tout le reste de la soirée et ne dit plus un mot sur la Russie. ». Cité dans Pierrot 1994, p. 403.
  45. Dans Le Médecin de campagne, Balzac intitule un chapitre « Le Napoléon du peuple », dans lequel il présente le récit de l'épopée napoléonienne, fait à la veillée dans une grange, par un ex-fantassin de Napoléon, Goguelat. Balzac effleure ici un projet dont il avait tracé le plan et commencé la rédaction sous le titre : Les Batailles napoléoniennes.
  46. « Le génie est un odieux privilège à qui l’on accorde trop en France et nous serons forcés de démolir quelques-uns de nos grands hommes pour apprendre aux autres à savoir être simples citoyens. » Les Comédiens sans le savoir, p. 203.
  47. Le « grand jeu à cent francs » dans Le Cousin Pons, p. 484-490 et le « jeu à cinq francs » dans Les Comédiens sans le savoir, p. 191-195.
  48. Balzac écrit : « La théologie mystique embrassait l’ensemble des révélations divines et l’explication des mystères. Cette branche de l’ancienne théologie est secrètement restée en honneur parmi nous. Jacob Boehme, Swedenborg, Martinez Pasqualis, Saint-Martin, Molinos, mesdames Guyon, Bourignon et Krudener, la grande secte des Extatiques, celle des Illuminés, ont, à diverses époques, dignement conservé les doctrines de cette science, dont le but a quelque chose d’effrayant et de gigantesque. Aujourd’hui, comme au temps du docteur Sigier, il s’agit de donner à l’homme des ailes pour pénétrer dans le sanctuaire où Dieu se cache à nos regards. » (Les Proscrits, p. 91.)
  49. On trouve une histoire des publications et remaniements dans l’introduction à La Comédie humaine, Bibliothèque de la Pléiade, sous la direction de Pierre-Georges Castex, 12 vol., 1970-1981. Voir aussi « historique des publications de l'édition Furne » (consulté le ).
  50. La chronologie des composantes de La Comédie humaine pose des problèmes complexes, car Balzac a constamment retravaillé son œuvre. Toute tentative de chronologie est donc fondée sur des choix. Ici la chronologie est basée sur l'ouvrage de Vachon 1992.
  51. L'avant-propos n'est pas compté dans ce total. Illusions perdues et Splendeurs et misères sont comptés chacun comme un seul titre.
  52. Sur les incessantes corrections que Balzac apportait à ses textes, voir la section sur le style.
  53. La troupe du Théâtre de la Ville la présente en mars 2014 au théâtre des Abbesses. Voir « annonce par le journal La Terrasse ».
  54. Conservé et exposé au Louvre (Inv. 20028). Le tableau de Tours serait une esquisse ou une réplique réduite, selon Pierrot 1994, p. 302.
  55. Balzacs en bas de casse et picassos sans majuscules (1957) (Léal 1999, p. 206). Une de ces lithographies se trouve au « MOMA ». La neuvième a été utilisée pour une « édition de luxe du Père Goriot ».

Références[modifier | modifier le code]

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  2. Sipriot 1992, p. 41.
  3. Bertault 1980
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  8. Surville 1858.
  9. « Chronologie: Honoré de Balzac », sur kronobase.org (consulté le ).
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  25. Picon 1956, p. 14.
  26. Publié en 1823 (lire en ligne) et réédité en 2003.
  27. En 1948, une seconde édition sous le nom Le Sorcier en trois tomes fut publiée chez Pressédition
  28. Maurois 1965, p. 99.
  29. Pierrot 1994, p. 131.
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  39. Fonderie Gillé & Fils. Lettes ombrées ornées.
  40. Sipriot 1992, p. 131.
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  43. Maurois 1965, p. 101.
  44. « Préface, Annette et le Criminel, p. 12 ».
  45. Avant-propos à La Comédie humaine.
  46. D'Arthez à Lucien de Rubempré, dans Un grand homme de province à Paris, Wikisource, p. 173.
  47. Une ténébreuse affaire, p. 228
  48. Le Curé de Tours, p. 27.
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  57. Actes de l'état-civil reconstitué de Paris (07/12/1779-16/05/1832), 5Mi1 2339, Archives de Paris, 54 p. (lire en ligne), p. 47-48
  58. Anne-Marie Meininger, introduction à L'Auberge rouge, La Pléiade, 1980, t. XI, p. 84-85.
  59. Pierre Barbéris, appendice à César Birotteau, Le Livre de poche Hachette, 1984, p. 363.
  60. Correspondance. Cité par Maurois 1965, p. 176.
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  65. Laure de Berny, Pierrot 1994, p. 208.
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  69. Félix Davin, introduction aux Études philosophiques, Pléiade 1979, p. 1202-1220, t. X. Texte sur « Gallica ».
  70. Balzac, lettre à Zulma Carraud, janvier 1845. Lotte 1961, p. 231.
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  79. Par exemple, Théorie de la démarche, p. 60-63.
  80. Anne-Marie Baron, Balzac cinéaste, Paris, Méridiens Klinksieck, , 204 p. (ISBN 2865632687), p. 35.
  81. Voir par exemple La Muse du département, p. 373.
  82. Gilles Visy, « Le Colonel Chabert » au cinéma, Université de Limoges, Publibook, 2003, p. 23 (ISBN 2748302109).
  83. Prison de la Conciergerie dans La dernière incarnation de Vautrin.
  84. La Maison Nucingen.
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  107. Béguin 1946, p. 23.
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  142. Voir le compte rendu de Jules Janin, Monographie de la presse parisienne. Repris dans Vachon 1999, p. 105-115.
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  227. Pierrot 1994, p. 251.
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  240. Jean-François Lixon, « A Paris, la Maison de Balzac rouvre après un an de travaux », francetvinfo.fr, 19 août 2019.
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  245. Pléiade 1990, t. II, p. 1250 ; en ligne
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    « Imaginons: Une visite à l'atelier de Delacroix... C'est l'année 1847.[…] Au centre, Balzac commente la situation politique, à Paris ? »

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Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Éditions de référence[modifier | modifier le code]

Études et biographies citées dans cet article[modifier | modifier le code]

Le monde de Balzac de Pierre Barbéris (page de couverture de l'édition originale, avec photo de Balzac).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]