Mer Noire
Mer Noire | ||
Carte de la mer Noire. | ||
Géographie humaine | ||
---|---|---|
Pays côtiers | Bulgarie Géorgie Roumanie Russie Turquie Ukraine |
|
Géographie physique | ||
Type | Mer intérieure | |
Localisation | Mer Méditerranée, océan Atlantique | |
Coordonnées | 43° nord, 34° est | |
Subdivisions | Mer d'Azov | |
Superficie | 413 000 km2 | |
Longueur | 1 150 km | |
Largeur | ||
· Maximale | 600 km | |
Profondeur | ||
· Maximale | 2 206 m | |
Volume | 555 000 km3 | |
Géolocalisation sur la carte : mer Méditerranée
| ||
modifier |
La mer Noire est située entre l’Europe, le Caucase et l’Anatolie. Large d'environ 1 150 km d’ouest en est et de 600 km du nord au sud, elle s’étend sur une superficie de 413 000 km2.
Elle communique au nord avec la mer d'Azov par le détroit de Kertch, et au sud-ouest avec la Méditerranée par le Bosphore, la mer de Marmara et le détroit des Dardanelles. Sur ses côtes ouest et nord, elle communique avec de nombreux « limans » (lagunes navigables dont la salinité et la turbidité varient avec la saison, et qui servaient de frayères pour le poisson). Le climat est méditerranéen en été (chaud, sec et ensoleillé), mais continental en hiver (froid glacial, la mer peut geler, les chutes de neige sont fréquentes), avec d'épais brouillards aux saisons intermédiaires. Pendant les tempêtes, surtout hivernales, les vagues sont courtes, mais hautes, et peuvent venir de plusieurs directions à la fois, rendant la navigation difficile.
Caractéristiques
Ces données ne prennent pas en compte la mer d'Azov[1] (37 600 km2).
La mer Noire a une superficie comprise entre 417 000 et 423 000 km2 et un volume compris entre 537 000 et 555 000 km3.
Une autre source[2] donne une superficie de 422 000 km2 (en ne comptabilisant pas la mer d'Azov).
Histoire naturelle de la mer Noire
Géologie
Le bassin pontique a une profondeur maximale de 2 252 m. Sa formation fait l'objet de deux hypothèses :
- selon l'une il s'agirait d'un vestige de l'océan Téthys (qui séparait jusqu'au Paléocène l'Eurasie de la Gondwanie), isolé lors de l'orogénèse Himalayo-Alpine ; cette hypothèse qui a la faveur de la majorité des géologues s'appuie sur la présence au fond d'une croûte océanique d'âge Crétacé ;
- selon l'autre, minoritaire, ladite croûte téthysienne aurait d'abord été soulevée et le bassin pontique résulterait d'un processus d'effondrement plus récent (Miocène); cette hypothèse s'appuie sur le présence d'un système de failles et de fossés de subduction sur le pourtour du bassin.
Quoi qu'il en soit, les sédiments déposés au fond du bassin sont essentiellement Pléistocènes et Holocènes, de faciès détritique et dulçaquicole en profondeur (témoignant d'importants apports fluviaux lors des périodes de dégel inter-glaciaires), et marin au-dessus (sédiments de moins de 8000 ans). Les sédiments détritiques et dulçaquicoles correspondent à une période dite "sarmatique" commencée il y a 5 millions d'années, durant laquelle une mer intérieure d'eau douce recouvrait les actuelles Hongrie, Roumanie, mer Noire, Russie méridionale, mer Caspienne et Asie centrale. Le niveau de cette étendue d'eau a beaucoup varié, et à l'Holocène récent (durant la dernière glaciation, dite Würmienne), il était 180 m plus bas que le niveau actuel des mers, de sorte que seuls les bassins profonds pontique et caspien étaient en eau[3].
Théorie du remplissage de la mer Noire
En 1997, les américains William Ryan et Walter Pitman découvrirent des publications bulgares, roumaines et soviétiques peu connues sur l'histoire hydrologique de la mer Noire, faisant état des couches dulçaquicoles sous les sédiments marins et d'un remplissage récent (il y a environ 7500 ans) par l'eau de mer, ayant fait monter le niveau d'environ 150 mètres. Dans les années 1970, en analysant au carbone 14 des coquillages d'eau douce trouvés dans les carottages des sédiments de la mer Noire sous les sédiments actuels marins, les chercheurs bulgares et roumains avaient découvert que l'actuelle mer Noire a été il y a près de 8 000 ans un lac d'eau douce appelé « lac Pontique » qui se trouvait à 150 mètres au-dessous du niveau général des mers. À l'époque, en lieu et place du détroit du Bosphore existait un isthme qui isolait le grand lac de la mer de Marmara qui s'arrêtait à quelques kilomètres plus au sud de ce lac. La déglaciation post-würmienne fit fondre les glaciers, entraînant une élévation du niveau de la Méditerranée et de la mer de Marmara. La vallée du Bosphore fut inondée par les eaux salées de la mer qui se seraient déversées, selon Ryan et Pitman, dans le lac Pontique sous la forme d'une cascade d'eau salée ayant 200 fois le débit des chutes du Niagara actuelles. Le niveau du lac Pontique serait alors rapidement monté, ses rives reculant d'un kilomètre par jour.
Ryan et Pitman rapprochèrent ces faits du mythe de l'arche de Noé, de la légende de Gilgamesh dans le royaume de Sumer, du déluge de Deucalion et du mythe de l'Atlantide dans la Grèce antique. Les rives de ce lac étaient déjà peuplées d'agriculteurs, car en Anatolie et en Europe orientale, l'agriculture avait commencé très tôt. Ryan et Pitman pensent que ces agriculteurs, chassés par la montée des eaux, se seraient dispersés en Anatolie et en Mésopotamie, véhiculant le mythe du Déluge. Ils en firent des livres et des documentaires[4].
L'hypothèse du remplissage catastrophique n'a toutefois pas rencontré l'approbation de tous les chercheurs : des études géologiques publiées en 2007 tendent à récuser l'idée d'un déversement catastrophique de la Méditerranée dans la Mer Noire[5]. Actuellement, il n'y a pas d'accord sur la question parmi les scientifiques et trois reconstructions très différentes de l'histoire de la mer Noire coexistent : l'hypothèse catastrophiste de Ryan et Pitman, une hypothèse gradualiste et une hypothèse pour laquelle le niveau de la mer a souvent oscillé[6].
Physique, chimie et écologie de la mer Noire
Quoi qu'il en soit, en devenant salée, la mer Noire désormais reliée à la Méditerranée, reste une mer particulière : la mort du biotope lacustre a provoqué une séparation des eaux profondes et des eaux superficielles (voir ci-dessous) et la salinité est restée très en dessous de la moyenne mondiale : 12 à 16 grammes de sel par litre au lieu de 35. De ce fait, un courant d'eau salée coule toujours en profondeur à travers le Bosphore (la « cascade » d'eau marine ne s'est jamais arrêtée) tandis qu'en surface, les eaux moins salées de la mer Noire coulent vers la mer de Marmara. Les sous-mariniers notamment soviétiques et américains connaissent bien le phénomène et ont essayé d'en profiter, mais l'étroitesse du Bosphore (un demi-mille à peine à son point le plus étroit) et l'intense circulation de navires rend l'exercice extrêmement dangereux (et il y eut des accidents).
Les eaux de cette mer, au-delà de 200 mètres de profondeur, sont anoxiques, c’est-à-dire pauvres en oxygène dissous.
L'eau profonde concentre assez de sulfure d'hydrogène pour que les bois, cuirs et tissus des épaves soient préservés de l'action bactérienne, au profit des chercheurs d'épaves.
Ces eaux anoxiques sont séparées des eaux de surface, plus oxygénées, par une chimiocline, au niveau de laquelle commencent à se développer des bactéries anaérobies et du plancton. Ce phénomène, également présent en mer Caspienne, en mer Baltique et dans le lac Tanganyika, est appelé euxinisme[7].
De 2005 à 2009, le projet européen Hermes[8] explore les écosystèmes marins sur 15 000 kilomètres de marge continentale profonde pour notamment mesurer les formes du méthane mer Noire et Baltique. On devrait ainsi mieux comprendre les écosystèmes microbiens anoxiques, et leurs bilans énergétiques et en termes de puits/sources de carbone et GES.
On a ainsi pu explorer le meiobenthos (de taille moyenne, c'est-à-dire de 1 mm à 63 µm ou 0,063 mm) et les espèces d'une zone active de production naturelle de gaz méthane et de H2S toxique, ses variations[9] (de -182 à −252 m, dans le canyon sous-marin du Dniepr au nord-ouest de la mer Noire). Le méïobenthos était essentiellement constitué de nématodes et foraminifères (Ciliophora notamment), cohabitant avec des polychètes[10], mais aussi de bivalves, gastéropodes, amphipodes, et Acarina. On a aussi trouvé dans des sédiments des stades juvéniles de Copépodes et Cladocères probablement d'origine planctonique. L'abondance du méïobenthos variait de 2 397 à 52 593 individus par mètre carré (plus nombreux dans la couche superficielle de sédiment pour les nématodes et foraminifères d'une zone permanente H2S à des profondeurs de 220 à 250 m). Cette forte concentration de méïobenthos a été trouvée dans un secteur d'intenses émanations de méthane, associées à un tapis microbien (biofilm méthanotrophe ou méthane-oxydant). L'étude suggère que le méthane et de ses produits d'oxydation microbienne expliqueraient la survie de nombreuses espèces benthiques adaptées à ce milieu extrême, et la bioproductivité élevée dans des zones fortement sulfurées. Une corrélation inverse a été trouvée entre la densité en méïofaune et les taux de méthane des couches superficielles de sédiments. Les chercheurs supposent que le taux de nématodes et de foraminifères des zones enrichies en méthane est un compromis entre les exigences écologiques et les besoins alimentaires de ces organismes et leurs adaptations à l'environnement rendu toxique par l'H2S[11].
La Mer Noire abrite un pic de la biodiversité planétaire avec par exemple 42 espèces d'amphipodes benthiques relevées dans la région[12], où l'on découvre encore de nouvelles espèces[13] mais elle est très menacée par la pollution et par des « espèces invasives »[14].
Pollution
En juin 2008, le Conseil de l'Europe a mis en garde les pays riverains contre un désastre écologique annoncé si la situation ne change pas, et appelé à une mobilisation générale. Le Danube déverse en effet chaque année dans la mer Noire 280 tonnes de cadmium, 60 tonnes de mercure, 4 500 tonnes de plomb, 6 000 tonnes de zinc, 1 000 tonnes de chrome et 50 000 tonnes d'hydrocarbures. On cherche à mieux modéliser la cinétique environnementale de ces polluants, dont les polychlorobiphényles, dont via des modèles tridimensionnels numériques[15]
Villes côtières (par pays)
La mer Noire dans l'histoire et la culture
Nom actuel
Le tableau suivant donne le nom de la mer Noire dans les langues riveraines ; s'il n'y a pas de traduction, c'est que le terme signifie seulement « mer noire ».
Langue | Vocables |
---|---|
Abkhaze | Амшын Еиқәа (Amchyn Eïkéa) |
Allemand de la mer Noire | Schwarzes Meer |
Arménien | Սև ծով (Sok tzov) |
Aroumain | Amárea njágrã (anciennement Amárea lai, « mer calme ») |
Bulgare | Черно море (Tcherno more, plus anciennement море Сесил, « mer cécile », du grec médiéval καικίας : kaikías, « vent du nord ») |
Géorgien | შავი ზღვა (Shavi zgva) |
Grec pontique | Μάυρη Θάλασσα (Mavri thalassa, anciennement Πόντος εύξεινος : Pont euxin, « étendue d'eau accueillante ») |
Génois | Mar(e) Nero (plus anciennement Mare maggiore : « la grande mer ») |
Latin | Pontus Euxinus, Mare Scythicum |
Romanès | Kali Deryav |
Roumain | Marea Neagră (anciennement Marea cea mare : « Mer majeure » comme sur les portulans génois : Mare maggiore) |
Russe | Чёрное море (Tchernoïe more) |
Ukrainien | Чорне море (Tchorne more) |
Tatar | Кара диңгез (Kara dinguez) |
Turc | Karadeniz |
Étymologies
L’étymologie du nom grec antique « Πόντος » - Pòntos, signifiant « large mer », est la même que pour les îles Pontines de la Mer Tyrrhénienne, (Italie). Dans l’Antiquité, les Grecs la désignèrent d’abord par Skythikos Pontos (la « mer Scythique »). Les Scythes, peuple de langue iranienne, la désignaient comme Axaïna (« indigo »). Les Grecs comprirent d’abord ce terme comme axeinos (de a- privatif et xeinos « étranger ») signifiant dans leur langue : « inamicale aux étrangers ». Plus tard, quand ses courants et ses vents leur devinrent familiers, elle fut désignée comme Pontos (Pontos signifiant « la mer », « le flot ») Euxeinos (eu- « bien » et xeinos « étranger » c’est-à-dire mer « amicale » ou « accueillante », traduit en français par Pont-Euxin)[16].
Les Romains l'appelèrent Pontus Euxinus ou Mare Scythicum et les grecs byzantins καικίας : kaikías, mot désignant le « vent du nord », terme repris par les Bulgares en « mer Cécile » (« море Сесил »).
Au XIIIe siècle, les portulans des génois (qui avaient alors des comptoirs tout autour de ses rives), ainsi que dans les chroniques de Wavrin et de Villehardouin l'appellent mer Majoure c'est-à-dire « grande mer » (Mare maggiore en italien, Marea cea Mare en roumain).
Pour expliquer le nom de Noire, terme apparu dans les textes et les cartes à partir du XVe siècle, il existe trois théories : la plus populaire est que ce serait sa couleur lors des tempêtes, mais c'est le cas de toute mer. On avance parfois que son appauvrissement en oxygène et sa richesse en sulfures, dont certains sont noirs ou très sombres, lui donnerait cette couleur, mais en réalité, ces caractéristiques physico-chimiques ne concernent que les eaux profondes, et en surface la mer « noire » reflète, comme les autres mers, la couleur du ciel.
Des deux théories scientifiques, la plus ancienne est que ce nom de « noire » serait une traduction de l'adjectif axaïna (« sombre ») donné par les Scythes, mais le problème, c’est qu’entre la disparition des Scythes et le XVe siècle, il y a un millénaire pendant lequel seul Pont-Euxin est utilisé, dans le sens grec du terme. Selon l’autre hypothèse, ce nom lui aurait été donné par les Turcs Selçuks puis Osmanlıs installés en Anatolie à partir du XIe siècle. Chez ces derniers, les points cardinaux sont désignés par des couleurs[17] avec différentes variantes. Ainsi, dans le cas présent :
- Kara, le « noir » désigne le nord ;
- Ak, le « blanc » désigne le sud ;
- Kızıl, le « rouge » désigne l’ouest ;
- Yeşil, le « vert » ou Sarı, le « jaune » désignent l’est.
Le Pont-Euxin étant situé au nord de la Turquie, aurait donc été désigné en turc : Karadeniz, « mer Noire », sombre, alors que la Méditerranée, au sud, a été appelée mer Blanche, claire (Akdeniz) (qui ne doit pas être confondue avec la mer Blanche des Russes). Les savants turcs eux-mêmes sont divisés sur le sujet, car chez les anciens turcophones de la steppe, le nord était désigné par Ak (blanc comme la neige) et le sud par kızıl (rouge comme la chaleur). La logique désignant le nord (obscur) par le noir, le sud (la clarté) par le blanc et l'ouest (soleil couchant) par le rouge, ne serait apparue que tardivement, en Asie mineure.
Civilisations
- Préhistoire. Le pourtour de la mer Noire est entré dès le VIIe millénaire av. J.-C. dans le Néolithique et dans l'agriculture sédentaire. Côté sud, en Anatolie, des bourgades néolithiques ont prospéré à Çatal Höyük, Çayönü, Nevalı Çori ou Göbekli Tepe ; côté nord et ouest se sont succédé des civilisations apparentées entre elles, comme celles de Lepenski Vir, Starčevo, Vinča, Karanovo, Cernavodă, Coucouténi-Tripolié, Hamangia, Varna, Usatovo et d'autres, parsemées de villages, de nécropoles, de sanctuaires rustiques. Il a été suggéré que certaines de ces cultures ont pu avoir été développées par des populations pré-indo-europénnes puis, progressivement, proto-indo-europénnes, parlant la branche anatolienne des langues indo-européennes (hittite et louvite)[18],[19].
- Antiquité. Lorsque l'écriture apparaît, avec l'âge du bronze et l'âge du fer, des noms de populations sont mentionnés. Tout autour de la mer Noire, Hérodote place les Cimmériens, dont le nom (Κιμμέριοι) signifie en grec « ceux du bout du monde » (Κιμὴ). En Anatolie et dans le Caucase apparaissent les Goutéens, les Colques qui ont donné leur nom à la Colchide, les Chalybes, peuple de forgerons, les Scythènes implantés autour de Trébizonde, à proximité de la passe de Zigana, les Driles belliqueux, plus à l'ouest, constructeurs de forteresses en bois, les Mosynèques (ou Moses) qui vivaient dans des tours en bois dont la plus haute servait de résidence à leurs rois qui y demeuraient cloîtrés, les Tibarènes, peuple de la côte, bâtisseurs de forteresses et de grands navires[20] ou encore les Macrons tributaires du Grand Roi perse[21]. Ces populations pouvaient être indo-européennes ou caucasiennes. Dans les Balkans, aux bouches du Danube et dans la steppe pontique sont mentionnés les Thraces, des Gètes et les Scythes, mais avant eux avaient vécu à l'ouest de la mer Noire d'autres indo-européens, dont certains prirent la mer pour aller jusqu'en Égypte, tandis que d'autres passèrent en Anatolie (les Phrygiens) et d'autres encore en Grèce : ce sont les ancêtres des Mycéniens, Achéens, Ioniens et Doriens.
À partir du VIIe siècle av. J.-C., la colonisation grecque fait de la mer Noire, alors appelée Pont euxin, un « lac grec ». Marins et marchands hellènes fondent ici des dizaines de cités, certaines fort grandes et puissantes comme Trébizonde, devenue par la suite capitale d'un royaume faisant tout le tour de la mer Noire, et plus tard d'un Empire grec chrétien. Ces cités exportent vers le sud de l'ambre venue de la Baltique, du bois, des cuirs, de la soie arrivée par la « route de la soie », du miel et surtout du blé ; et elles importent en mer Noire et pour les peuples riverains le vin, les poteries, l'or, le corail, les perles, les épices de Méditerranée. Des royaumes grecs ou hellénisés, comme celui du Bosphore, voient le jour et prospèrent durant des siècles. Ils se christianisent progressivement sous la domination romaine, mais gardent la langue et la culture grecque, hellénisant l'Empire romain d'orient appelé par la suite « byzantin ».
- Moyen-Âge. La mer Noire est, au Moyen Âge, le théâtre de huit guerres russo-byzantines entre 830 et 1043, qui voient s'affronter les mahonnes des Varègues et des Russes/Ruthènes contre les dromons de la marine byzantine. C'est encore en mer Noire, plus précisément en Crimée, que subsiste jusqu'en 1475 (22 ans après la chute de Constantinople et la disparition de l'Empire byzantin) le dernier royaume grec avant la Grèce moderne. À ce moment, pendant environ un siècle et demi, la mer Noire sera un « lac italien » appelé Mare maggiore, car la République de Gênes s'y taille un empire maritime, rival des Vénitiens, et y conquiert ou obtient une bonne vingtaine de ports et de comptoirs fortifiés (Amastris et Sinope en Anatolie, Cherson, Cembalos, Halopsis, Yalta, Soudak, Caffa et Kertch en Crimée, San Giorgio, Barilla, Caladda, Licovrissi, Licostomo, Montecastro, Policromia, Eraclea aujourd'hui en ruine et Constanza dans les Principautés danubiennes, Matrida, Taman et Tana dans le khanat de la Horde d'or autour de la mer d'Azov[22]). Les routes maritimes italiennes rejoignant ici l'extrémité ouest de la route de la soie, Italie et Chine se disputent l'honneur culinaire d'avoir inventé les pâtes, qui, quel que soit le sens, ont probablement transité par la mer Noire, tout comme les cocons de vers à soie volés aux Chinois et qui firent la prospérité des premières magnaneries européennes...
Aidé par les Tatars, l'Empire ottoman conquiert ensuite l'ensemble des rives de la Mare maggiore et en fait cette fois un « lac turc » appelé Kara deniz (« mer Noire »), mais quant aux populations vivant sur la côte même, jusqu'en 1923 ce sont principalement des grecs pontiques qui se maintiennent, soit deux millénaires et demi de présence continue. Leur vocabulaire maritime et halieutique (touchant à la pêche) a imprégné toutes les autres langues riveraines, et leurs traditions (construction navale, architecture, costumes, musique, cuisine) se sont transmises aux peuples successeurs, même si ceux-ci n'en sont pas toujours conscients et même si le voyageur étranger trop pressé, aveuglé par les apparences de la modernité, ne perçoit pas forcément cette continuité[23].
- Période moderne. Aux XVIIIe siècle et XIXe siècle l'Empire turc recule face aux Russes, revenus après mille ans d'absence, et face aux autres états chrétiens des Balkans ; toutefois les Tzars échouent dans leur projet de faire de la mer Noire un « lac russe ». Progressivement, les Grecs pontiques deviennent minoritaires au milieu de l'afflux de nouvelles populations sur les rives de la mer Noire. Au XXe siècle les Pontiques sont chassés de leurs habitats bi-millénaires ou bien deviennent Turcs ou Russes, tandis que la mer Noire est divisée entre les états riverains et politiquement rivaux (durant des décennies, le rideau de fer y passe, séparant le bloc communiste de la Turquie capitaliste).
Littérature
- La Mer Noire est le sujet principal d'un roman de Jules Verne (qui n'y est jamais allé) où le personnage de Kéraban-le-Têtu, un riche Stambouliote, choisit de faire le tour entier de la mer Noire plutôt que de payer un péage pour traverser le Bosphore. Depuis 1990, plusieurs reportages radio ou télé ont été réalisés par des occidentaux en suivant l'itinéraire de Kéraban-le-Têtu, tous fidèles aux approximations et aux caricatures de Jules Verne (c'est-à-dire de l'Occident, friand d'anecdotes, d'administrations pointilleuses, de situations ubuesques, de bandits, de trafiquants, de conflits...) mais ignorant les œuvres d'auteurs riverains ou connaisseurs comme Ömer Asan, Isaac Babel, Elias Canetti, Panaït Istrati, Constantin Paoustovski ou Yeşim Ustaoğlu, et par conséquent peu sensibles aux milieux naturels, à l'ambiance et au patrimoine culturel commun de cette mer, qui, par-delà les langues et les cultures actuelles, témoignent d'un "melting-pot pontique" antérieur, d'abord scythe, caucasien et cimmérien, ensuite grec, puis génois et enfin turc, bien avant de devenir un théâtre d'affrontements géopolitiques modernes.
Peinture
- La Mer Noire est le sujet de prédilection d'Ivan Aïvazovski : ses plus célèbres toiles peignent des scènes marines qui se déroulent presque toutes en mer Noire ; en particulier, le tableau La Neuvième Vague montre une scène de naufrage s'y déroulant.
Cinéma
- Plusieurs péplums reprenant le mythe des Argonautes et de la Toison d'or se déroulent en mer Noire, sans forcément y avoir été tournés.
- Le film Le Cuirassé Potemkine se déroule dans le port d'Odessa, sur la Mer Noire.
- Le feuilleton télévisé Deux ans de vacances ne se déroule pas en mer Noire, mais y a été tourné.
- Le film de James Bond Le monde ne suffit pas se déroule principalement autour de la mer Noire et de la mer Caspienne et se termine dans le détroit du Bosphore.
- Le film de Yeşim Ustaoğlu: En attendant les nuages a été tourné en 2005 dans la région de Trabzon.
Sources
Références
- Encyclopédie de l'Agora
- (en) Black Sea NGO Network
- P.A. Kaplin et A.O. Selivanov, « Lateglacial and Holocene sea level changes in semi-enclosed seas of North Eurasia: examples from the contrasting Black and White Seas », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology Volume 209, Issues 1-4, 6 juillet 2004, pages 19-36 [lire en ligne]. Voir aussi ici. Voir aussi E. Larchenkov, S. Kadurin, « Geological evidence for non-catastrophic sea level rise in the nortwestern Black Sea over the past 25 ky » résumé de communication, International Geological Congress Oslo 2008 [lire en ligne]
- Hors Série Capital mai/juin 2007, La fabuleuse histoire de l'économie, page 21
- V.M. Sorokin and P.N. Kuprin, « On the character of Black Sea level rise during the Holocene », Moscow University Geology Bulletin, 52,5, octobre 2007, p. 334-341. [lire en ligne] et P.A. Kaplin et A.O. Selivanov, « Lateglacial and Holocene sea level changes in semi-enclosed seas of North Eurasia: examples from the contrasting Black and White Seas », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology Volume 209, Issues 1-4, 6 juillet 2004, pages 19-36 [lire en ligne]. Voir aussi ici. Voir aussi E. Larchenkov, S. Kadurin, « Geological evidence for non-catastrophic sea level rise in the nortwestern Black Sea over the past 25 ky » résumé de communication, International Geological Congress Oslo 2008 [lire en ligne]
- Valentina Yanko-Hombach, Allan S. Gilbert, Nicolae Panin and Pavel M. Dolukhanov editors, The Black Sea Flood Question: Changes in Coastline, Climate, and Human Settlement, Springer, Netherlands, 2007 [lire en ligne]
- [Hotspot Ecosystem Research on the Margins of the European Seas]
- (Hotspot Ecosystem Research on the Margins of the European Seas lancé en janvier 2005, avec 45 partenaires de 15 pays coordonnés par le Southampton Oceanography Centre avec Ifremer et de l'Institut océanographique de Brêm, et 15 millions d’euros sur 4 ans)
- (ru) Zaika, V. E. & N.G. Sergeeva (2009) The vertical distribution of the deep-water ciliates in the Black Sea Marine Ecological Journal, 8, 1: 30 -34
- (ru) Zaika, V.E. & N. G. Sergeeva (2008) The boundary change of benthic settlement of polychaetes Protodrilus sp. and Vigtorniella zaikai in the Black Sea. Marine Ecological Journal 7 (2), 49-53
- N. G. Sergeeva, M. B. Gulin ; Meiobenthos from an active methane seepage area in the NW Black Sea, 7 FEB 2007, consulté 2010 08 18
- (en) Amphipod Fauna of the Turkish Central Black Sea Region[PDF] (Murat Sezgün)
- Sergeeva N.G. & Anikeeva O.V. 2008. Goodayia rostellatum gen.n., sp.n. (PROTOZOA) – a monothalamous foraminiferan from the Black Sea. Vestnik zoologii , 42(5): 467-471.
- Caspers, H. La macrofauna benthique du Bosphore et les problèmes de d'infiltration des éléments Méditerranéens dans la mer Noire. Rapp. Comm. int: Mer Médit., 19 (2): 107-115. 1968
- Lyubartseva, S. P., Ivanov, V. A., Bagaev, A. V., Demyshev, S. G., Zalesny, V. B, Three-dimensional numerical model of polychlorobiphenyls dynamics in the Black Sea ; avril 2012, ISSN:1569-3988 ; DOI:10.1515/rnam-2012-0004 (résumé)
- Dictionnaire des noms de lieux - Louis Deroy et Marianne Mulon (Le Robert, 1994) (ISBN 285036195X)
- Rüdiger Schmitt, Considerations on the Name of the Black Sea, in : Hellas und der griechische Osten (Saarbrücken 1996), p. 219–224
- René Desbrosse, « Les trois derniers millénaires du Tardiglaciaire entre Atlantique et Méditerranée », Gallia préhistoire, t. 37, , p. 321-328 doi=10.3406/galip.1995.2142 (lire en ligne)
- Janusz K. Kozlowski, « La recolonisation tardiglaciaire et les changements culturels à la limite Pléistocène-Holocène sur la Grande Plaine », dans Préhistoire de la Grande Plaine du nord de l’Europe, Actes du Colloque Chaire Francqui interuniversitaire au titre étranger, Liège, Université de Liège, (lire en ligne [PDF]), p. 115-127.
- Émile Janssens, Trébizonde en Colchide, Travaux de la Faculté de Philosophie et Lettres, t. XL, Bruxelles, Presses universitaires de Bruxelles, 1969, p. 36-38.
- Hérodote, Histoire, livre II, Euterpe, CIV.
- G.I. Brătianu, Recherches sur Vicina et Cetatea-Albă, Univ. de Iaşi, 1935, 39 p., et le Codex Parisinus latinus in Ph. Lauer, Catalogue des manuscrits latins, p. 95-6, d'après la Bibliothèque nationale Lat. 1623, IX-X, Paris, 1940.
- Michel Bruneau, Les Grecs pontiques, diaspora, identité, territoires et La Mer Noire : conclusion, entre Europe et Asie, éd. du C.N.R.S., 1998
Bibliographie
- (fr) Grigore Antipa, La mer Noire, éd. de l'Académie roumaine, 1939.
- (en) Neal Ascherson, Black Sea, ed. Vintage, 1996, (ISBN 0-09-959371-8).
- Nicolas Da Costa, Présence romaine dans le Pont Euxin (maîtrise d'histoire).
- Petko Dimitrov, Dimitar Dimitrov. THE BLACK SEA, THE FLOOD AND THE ANCIENT MYTHS. - Varna, 2004.
- Cahiers de Géographie du Québec, Volume 48, no 135, décembre 2004, Pages 311-334.
- Géopolitique des mers et des océans, Diplomatie, Les grands dossiers no 10, août-septembre 2012.
- (en) Petre Gâştescu, Vasile Sencu : The kingdom of limans (préface de Geo Dumitrescu), éd. Meridiane, Bucarest, 1968.
- (fr) Stella Ghervas, Odessa et les confins de l'Europe : un éclairage historique, in Stella Ghervas et François Rosset (éds.), Lieux d'Europe. Mythes et limites, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, 2008, pp. 107-124. (ISBN 978-2-7351-1182-4).
- (en) Charles King, The Black Sea: A History, 2004, (ISBN 0-19-924161-9).
- (fr) Natalie Nougayrède, « Mer Noire : une zone de tensions géostratégiques », Le Monde, .
- Ortolland Didier et Pirat Jean-Pierre, Atlas géopolitique des espaces maritimes, Paris, éd. Technip, 2010.
- Pollution : [1].
Voir aussi
- Liste des mers et océans
- Abkhazie
- Albena, station balnéaire du nord de la Bulgarie
- Alexandre d'Abonuteichos, « gourou » antique
- Allemands de la Mer Noire
- Amazones
- Apôtre André
- Artek, le Centre international pour enfants en Crimée
- Bithynie
- Bosphore
- Jean Cassien, moine chrétien
- Colchide
- Colonies grecques pontiques
- Diogène de Sinope, philosophe
- Comptoirs génois
- Convention de Montreux de 1936, qui fixe le régime d'accès des navires à la Mer Noire à travers les Détroits.
- Delta du Danube
- Dobrogée
- Empire de Trébizonde, Paléologues
- Évagre le Pontique, philosophe disciple d’Origène
- Flotte de la mer Noire
- Géopolitique des espaces maritimes
- Grand Jeu (géostratégie)
- Île des Serpents
- Jason et les Argonautes
- Cap Kaliakra
- Mahonne
- Mamaia, la plus connue des stations balnéaires roumaines
- Mer d'Azov
- Michel Pacha, entrepreneur et armateur provençal, rénovateur des phares ottomans de la mer Noire
- Mutineries de la mer Noire
- Organisation de coopération économique de la mer Noire
- Ovide, poète romain exilé à Tomis
- Paphlagonie
- Phoque-moine endémique de la mer Noire, Monachus monachus albiventer
- Pont (région)
- Pontiques
- Principauté de Théodoros
- Relations entre la Roumanie et l'Ukraine
- Royaume du Bosphore
- Royaume du Pont, Mithridate
- Sébastopol, arsenal et base navale de la flotte russe, plusieurs fois assiégée
- Service Maritime Roumain
- Slantchev Briag, station balnéaire du sud de la Bulgarie
- Sotchi, station balnéaire russe aux pieds du Caucase
- Thème de Paphlagonie
- Yalta en Crimée
- Zopyrion, lieutenant imprudent et malheureux d'Alexandre le Grand.