« Histoire de la primatologie » : différence entre les versions

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Le débat acrimonieux entre scientifiques, théologiens et philosophes qui succède à la publication de l'œuvre se focalise très vite sur le postulat scandaleux qui en dérive : non seulement les humains ont évolué, mais ils ont évolué à partir d'un ancêtre simien. Pourtant, le principe n'est pas exprimé comme tel dans ''L'Origine des espèces'', et les références aux primates en sont quasiment inexistantes. La seule mention n'a d'ailleurs aucun lien avec les humains, puisqu'il s'agit d'une réflexion sur la [[queue préhensile]] des [[Platyrrhini|singes américains]], dans laquelle Darwin s'interroge pourquoi les [[Cercopithecinae|cercopithèques]] africains ne sont pas dotés d'un pareil organe<ref name="kantha2009">{{Article |langue=en |prénom1=Sachi Sri |nom1=Kantha |prénom2=Juri |nom2=Suzuki |titre=Primate species in Darwin’s major books on evolution |périodique=Current science |volume=97 |numéro=5 |date=10 septembre 2009 |lire en ligne=https://www.researchgate.net/publication/235760954_Primate_species_in_Darwin%27s_major_books_on_evolution |pages=715-718}}</ref>. Sa seule allusion à l'évolution chez l'homme est l'affirmation, discrète, que « des lumières seront jetées sur l'origine de l'homme et son histoire »<ref name="darwin1859">{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Charles |nom1=Darwin |lien auteur1=Charles Darwin |titre=On the Origin of Species by Means of Natural Selection |sous-titre=Or, The Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life |passage=488 |lieu=Londres |éditeur=John Murray |date=1859 |pages totales=502 |lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=jTZbAAAAQAAJ&dq}}.</ref>.
Le débat acrimonieux entre scientifiques, théologiens et philosophes qui succède à la publication de l'œuvre se focalise très vite sur le postulat scandaleux qui en dérive : non seulement les humains ont évolué, mais ils ont évolué à partir d'un ancêtre simien. Pourtant, le principe n'est pas exprimé comme tel dans ''L'Origine des espèces'', et les références aux primates en sont quasiment inexistantes. La seule mention n'a d'ailleurs aucun lien avec les humains, puisqu'il s'agit d'une réflexion sur la [[queue préhensile]] des [[Platyrrhini|singes américains]], dans laquelle Darwin s'interroge pourquoi les [[Cercopithecinae|cercopithèques]] africains ne sont pas dotés d'un pareil organe<ref name="kantha2009">{{Article |langue=en |prénom1=Sachi Sri |nom1=Kantha |prénom2=Juri |nom2=Suzuki |titre=Primate species in Darwin’s major books on evolution |périodique=Current science |volume=97 |numéro=5 |date=10 septembre 2009 |lire en ligne=https://www.researchgate.net/publication/235760954_Primate_species_in_Darwin%27s_major_books_on_evolution |pages=715-718}}</ref>. Sa seule allusion à l'évolution chez l'homme est l'affirmation, discrète, que « des lumières seront jetées sur l'origine de l'homme et son histoire »<ref name="darwin1859">{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Charles |nom1=Darwin |lien auteur1=Charles Darwin |titre=On the Origin of Species by Means of Natural Selection |sous-titre=Or, The Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life |passage=488 |lieu=Londres |éditeur=John Murray |date=1859 |pages totales=502 |lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=jTZbAAAAQAAJ&dq}}.</ref>.


La contribution propre de Darwin à la question de l'[[Histoire évolutive de la lignée humaine|évolution humaine]] ne viendra qu'un décennie plus tard. Dans la ''[[La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe]]'' (1871), le naturaliste étudie « premièrement, si l'homme, comme toutes les autres espèces, descend d'une forme préexistante, deuxièmement, la manière de son développement, et troisièmement, la valeur des différences entre les prétendues races de l'homme ». Dans ''[[L'Expression des émotions chez l'homme et les animaux]]'' (1872), il cherche « à déterminer, indépendamment de l'opinion commune, à quel point les mouvements particuliers des traits et des gestes expriment réellement certains états d'esprit ». Au total, entre ces deux volumes, Darwin mentionne près de {{Unité|50|espèces}} de primates et sa perception de leur comportement en relation avec celui des humains était particulièrement avancée pour l'époque<ref name="kantha2009"/>. Le primatologue [[Ian Tattersall]] estime que Darwin a prédit une grande partie des développements suivis par la [[paléoanthropologie]] et la primatologie durant les presque {{150|années}} qui ont passé depuis la publication de ses œovres.
La contribution propre de Darwin à la question de l'[[Histoire évolutive de la lignée humaine|évolution humaine]] ne viendra qu'un décennie plus tard. Dans la ''[[La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe]]'' (1871), le naturaliste étudie « premièrement, si l'homme, comme toutes les autres espèces, descend d'une forme préexistante, deuxièmement, la manière de son développement, et troisièmement, la valeur des différences entre les prétendues races de l'homme ». Dans ''[[L'Expression des émotions chez l'homme et les animaux]]'' (1872), il cherche « à déterminer, indépendamment de l'opinion commune, à quel point les mouvements particuliers des traits et des gestes expriment réellement certains états d'esprit ». Au total, entre ces deux volumes, Darwin mentionne près de {{Unité|50|espèces}} de primates et sa perception de leur comportement en relation avec celui des humains était particulièrement avancée pour l'époque<ref name="kantha2009"/>. Le primatologue [[Ian Tattersall]] estime que Darwin a prédit une grande partie des développements suivis par la [[paléoanthropologie]] et la primatologie durant les presque {{Unité|150|années}} qui ont passé depuis la publication de ses œovres<ref name="tattersall2009">{{Article |langue=en |prénom1=Ian |nom1=Tattersall |lien auteur1=Ian Tattersall |titre=Charles Darwin and Human Evolution |périodique=Evolution: Education and Outreach |volume=2 |numéro=1 |date=2009-3 |issn=1936-6426 |issn2=1936-6434 |doi=10.1007/s12052-008-0098-8 |lire en ligne=https://evolution-outreach.biomedcentral.com/articles/10.1007/s12052-008-0098-8 |consulté le=2019-10-18 |pages=28–34}}</ref>.


=== Huxley : la place de l'homme dans la nature ===
=== Huxley : la place de l'homme dans la nature ===

Version du 18 octobre 2019 à 16:22

« L'homme, son origine et son développement, dans une compréhension commune » (1911)

La primatologie est la discipline qui étudie les mammifères de l'ordre des Primates. Son développement en tant que science à part entière est relativement récent, à partir de la seconde moitié du XXe siècle. Néanmoins, l'étude et l'observation des primates par les sociétés humaines sont très anciennes. Si l'histoire de la primatologie suit en grande partie celle de la zoologie en général, elle présente plusieurs particularités uniques dues aux liens étroits et longtemps contestés qu'entretiennent les primates avec l'espèce humaine.

Dès la préhistoire les hommes ont été en contact avec certains primates. La curiosité soulevée par ces animaux étranges qui semblent « singer » l'homme leur a toujours donné un statut particulier, allant d'objet de culte religieux au rejet pour « monstruosité ». Les descriptions transmises par les auteurs antiques ont longtemps fait figure d'autorité suprême pour les civilisations occidentales mais, contrairement à d'autres domaines, elles étaient plutôt confuses et inexactes. En effet, du fait de leur habitat principalement arboricole et leur distribution tropicale, la plupart des primates sont longtemps restés inaccessibles aux Européens. Il faut ainsi attendre l'âge des grandes explorations pour recueillir les premières mentions de la plupart de primates connus à ce jour. Contrairement à d'autres disciplines zoologiques comme l'ichtyologie, l'ornithologie ou l'entomologie, qui connaissent un développement précoce, il faut attendre la fin du XVIIe siècle pour voir apparaître les premières études scientifiques sur les primates.

En plaçant l'être humain dans l'ordre des primates qu'il crée pour l'occasion, Linné crée une polémique de près de deux siècles. Il est rapidement contesté par les naturalistes de son époque et, pendant de nombreuses décennies, les sciences naturelles traitent des primates non-humains en excluant complétement l'homme. Puis, dans la deuxième partie du XIXe siècle, la théorie de l'évolution de Darwin crée un nouveau bouleversement et le développement de la paléoanthropologie rend de plus en plus irréfutable la parenté entre l'homme et les Hominoidea. Le darwinisme connait un certain recul dans les premières décennies du XXe siècle, puis un regain d'intérêt inégalé dans les années 1930 qui conduit à la naissance de la primatologie moderne. Cette nouvelle discipline, à cheval entre la biologie et les sciences humaines, se développe à partir de deux foyers indépendants. L'école occidentale, en Europe et en Amérique du Nord, se concentre surtout sur la recherche médicale. L'école orientale, au Japon, aborde la question sous un angle très différent, à travers l'observation, menée sur plusieurs générations, des comportements sociaux de communautés de primates.

Origines : du mythe à la science

Premières mentions

Statue égyptienne de babouin assis, conservée à l'Altes Museum de Berlin. Il s'agit d'une des plus anciennes représentations connues de primate.

Si la séparation entre les lignées ayant mené à l'homme moderne et aux chimpanzés remonte à plus de 7 millions d'années, il est vraissemblable que les humains aient été en contact avec d'autres primates dès leur origine. L'une des plus anciennes attestations de chasse par les hominines a été découverte sur le site d'Olorgesailie au Kenya, datée à 700 000 ans, et inclut la présence de nombreux restes d'une espèce éteinte de gélada géant[1]. Des recherches récentes dans la grotte de Fa Hien au Sri Lanka ont démontré que l'homme était capable de chasser de petits singes arboricoles il y a 45 000 ans déjà et que cela lui a permis de coloniser rapidement une série d'environnements extrêmes[2].

Les premières représentations culturelles de primates apparaissent sous la forme d'artéfacts en Asie et en Afrique. La plus ancienne est certainement une statue en calcite représentant un Babouin hamadryas, dont les hiéroglyphes mentionnent le pharaon Narmer (XXXIe siècle av. J.-C.)[3]. Les anciens Égyptiens vouaient un culte à cet animal qu'ils associaient à Thot, dieu de l'écriture, ou encore au dieu mineur Hâpi, figurés avec une tête de babouin. Ces singes sont également présentés comme gardiens de l'autre monde, pesant les cœurs des défunts pour juger de leur valeur. On les montre aussi vénérant le soleil ou la lune, en raison certainement de leur habitude à pousser des cris d'affirmation territoriale juste avant le lever du jour[4]. Le statut d'animal sacré du babouin égyptien lui vaut également d'être parfois embaumé et inhumé dans les tombes. L'attestation la plus ancienne de cette pratique remonte au XXXVe siècle av. J.-C., à travers les restes de plusieurs de ces singes extraits d'un tombeau du site de Hiérakonpolis[3]. L'imagerie du singe trouve ainsi vraissemblablement son origine en Égypte prédynastique, puis s'étend à tout le Proche-Orient au cours de l'Âge du bronze. La première attestation en Mésopotamie est une figurine en porphyre rouge importée d'Égypte et représentant un babouin accroupi sur un tabouret avec les mains sur les genoux. Retrouvée à Suse, elle est datée de la période proto-élamite et donc contemporaine de la statue de babouin avec le nom de Narmer[5].

Des ossements de singes ont également été retrouvés lors des fouilles archéologiques de Yin Xu, dernière capitale de la dynastie Shang (1570 – 1045 av. J.-C.). La tombe de la dame Fu Hao du XIIIe siècle av. J.-C., découverte presque intacte en 1976, contenait une figurine de jade sculptée à l'effigie d'un singe[6]. Cet animal occupe ainsi de longue date une place importante dans les mythologies et symboliques orientales, bien que son culte en Chine ne commence véritablement qu'au VIIe siècle avec le peronnage de Sun Wukong. Ce « Roi des singes », dont l'expédition en Inde à la recherche des écritures sacrées du Bouddha est relatée dans La Pérégrination vers l'Ouest, est une des figures les plus célèbres de la littérature chinoise classique[7]. Dans l'hindouisme, c'est le dieu Hanumān qui présente une tête de singe. Dans l'une des versions du mythe, il se rend au Sri Lanka et y découvre la mangue, alors inconnue. Charmé par ce fruit sucré, comme le serait tout singe, Hanumān le ramène en Inde. Il est condamné au bûcher pour ce larcin, et bien qu'il parvienne à se sauver des flammes, il garde la face, les mains et les pieds noircis par le feu. Aujourd'hui encore, l'Entelle d'Hanumān, qui a le pelage blanc mais la face noire, semble porter les mêmes marques que son ancêtre sacré[4].

Dans la mythologie maya, le Popol Vuh raconte comment les jumeaux héroïques Hunahpu et Ixbalanque se débarassent de leurs demi-frères jaloux en les transformant en singes. Hun Batz prend la forme d'un hurleur, alors que son frère Hun Chuen est changé en singe-araignée. Le premier est associé au crépuscule, au travail et au devoir, alors que le second représente l'aube, la ruse et le divertissement. Cette dichotomie, inspirée par le comportement de chacun des deux singes, est comprise comme faisant partie d'une nature humaine unique[8].

Descriptions antiques

Céramique à figures rouges retrouvée à Capoue et représentant une femme et un singe (450-470 av. J.-C.).

Les premières descriptions scientifiques de primates remontent à l'antiquité grecque. Celle d'Aristote est la plus célèbre et influence la science occidentale pendant près de deux millénaires. Dans son Histoire des animaux rédigé vers 343 av. J.-C., le philosophe grec fournit une classification en trois types de ces animaux dont la nature « participe de celle de l'être humain et de celle des quadrupèdes »[9]:

  • Les singes (πιθηκος, « pithèque ») y sont décrits comme des anthropomorphes bipèdes et dépourvus de queue. Leur face a « beaucoup de ressemblances avec celle de l'être humain », particulièrement leurs narines, leurs oreilles et leurs dents (incisives et molaires) « sont presque les mêmes ». Aristote note également la présence de cils sur la paupière inférieure (là où les quadrupèdes n'en ont pas), des membres semblables à l'homme en ceci qu'ils se courbent « des deux cotés de manière opposée », des pieds qui sont « comme un composé de main et de pied », et des organes génitaux qui « ressemblent à ceux de la femme » chez les femelles, alors que les mâles les ont « qui ressemblent plutôt à ceux du chien qu'à ceux de l'homme »[9]. Cette description correspond très probablement au magot, un macaque évoluant en Afrique du Nord et à la queue effectivement quasiment inexistante[10],[11].
  • Les cynocéphales (κυνοκέφαλος, « à tête de chien ») ont la « même forme que les singes ». Leurs traits distinctifs sont, en plus de leur tête « semblable à celle du chien », d'être « plus grands et plus forts », de présenter des mœurs « plus sauvages » et des dents « plus semblables à celles du chien »[9]. Il s'agit ici sans nul doute possible des babouins, dont la cynocéphalie est un héritage direct de la tradition égyptienne[11].
  • Les cèbes (κῆβος), enfin, se différencient par le fait qu'ils ont une queue. Il est admis qu'Aristote fait ainsi allusion aux cercopithèques[10],[11], peut-être au Patas.

Plus de quatre siècles plus tard, le naturaliste romain Pline l'Ancien rassemble dans son Histoire naturelle tout le savoir de son époque sur les simiens. Les singes, qu'il nomme simiae, « offrent une imitation parfaite de l'homme »[12], sont « d'une adresse merveilleuse »[13] et capables de jouer aux latroncules, « ayant appris par l'habitude à distinguer les pièces »[13]. Comme le pithèque des Grecs, le simia des Romains serait le magot. Il décrit plusieurs autres espèces déjà mentionnées par d'autres auteurs et qu'il dit vivre en Éthiopie :

  • Les sphinx, qui ont le « poil roux, avec deux mamelles à la poitrine »[13] et « renferment des aliments dans les poches de leurs joues, puis ils les retirent de là successivement avec leurs mains pour les manger »[14]. C'est sans doute le Babouin hamadryas.
  • Les cynocéphales, qui « sont d'un naturel plus farouche que les autres »[13]. C'est le Babouin cynocéphale.
  • Les cèbes, dont les « pieds de derrière ressemblent aux pieds et aux jambes de l'homme » et les « pieds de devant aux mains de l'homme », qu'on a fait venir à Rome pour « les jeux donnés par le grand Pompée »[13].

Pline fait encore allusion à d'autres simiens, dont l'identification est moins claire :

  • Les cercopithèques (cercopithecus, « singe à grande queue »), « à tête noire, à poil d'âne, et différant des autres animaux par la voix »[13].
  • Les callitriches (callithrix, « beau poil »), « d'un aspect presque complètement différent », qui « ont de la barbe à la face et une queue fort large à la naissance », et dont « on assure qu'ils ne vivent pas hors de leur patrie, qui est l'Éthiopie »[13]. On pense qu'il s'agit du Grivet.
  • Les satyres, qui « sont très rapides ; ils courent tant à quatre pattes que sur leurs deux pieds : ils ont la face humaine, et leur agilité fait qu'on ne les prend que vieux ou malades »[15]. Ils vivent « dans les montagnes indiennes situées au levant équinoxial », au pays « dit des Catharcludes »[15], mais également aux environs du fleuve Niger[16]. Certains auteurs modernes ont voulu y voir les premières descriptions de grands singes, soit du chimpanzé ou de l'orang-outan. Mais ces rapprochements sont très hypothétiques.

Enfin, Pline, comme d'autres auteurs antiques, fait mention d'un singe « dont tout le corps est blanc »[13] et chassé par les Indiens, qu'on assimile à l'Entelle.

Il est ainsi difficile de se faire une idée précise des Primates observés ou étudiés par les auteurs antiques, tant les descriptions imprécises mêlent réalité et mythe. Il semble cependant que les civilisations de la Méditerranée aient connu, directement ou par le récit de voyageurs, plusieurs singes catarrhiniens d'Afrique et d'Asie, y-compris peut-être certains hominoïdes. Aucune description n'est faite par contre des prosimiens (tarsiers, loris ou lémuriens de Madagascar), ni bien sûr des platyrrhiniens des Amériques.

Rejet médiéval

Singes sculptés sur un chapiteau de la Tour de Pise (XIIe siècle).

L'expansion des religions monothéistes donne au singe le statut de créature démoniaque, en raison de son apparence « singeant » l'humain.

Inventaires à l'âge des découvertes (XVe-XVIIe siècles)

À partir du milieu du XVe siècle, les souverains et marchands européens se lancent dans un grande entreprise d'exploration du monde. Quoique le but premier de ces expéditions soit économique, il fait naître une grande curiosité pour les contrées lointaines. Très vite, les voyages permettent la collection d'œuvres d'art, de plantes et d'animaux exotiques, et des descriptions géographiques, anthropologiques et scientifiques de plus en plus précises. Le naturaliste zurichois Conrad Gessner publie en 1551 Historiae animalium, premier ouvrage de zoologie moderne visant à décrire tous les animaux connus.

Les singes du Nouveau Monde

Lors de son troisième voyage en Amérique en 1498, Christophe Colomb mentionne des singes sur l'île de la Trinité. Quelques jours plus tard, il décrit les premiers primates d'Amérique du Sud, des hurleurs sur la péninsule de Paria au Vénézuela[17]. Quelques années plus tard, Amerigo Vespucci rapporte avoir vu des « macaques et des babouins » le long de la côte sudaméricaine[17]. S'ils sont d'abord décrits à l'aide des noms utilisés pour les singes d'Afrique et d'Asie, les primates du Nouveau Monde gagnent peu à peu leur identité propre. Ainsi, en 1570, Tomás López Medel rapporte lors d'un voyage dans la savane de Bogota le comportement curieux d'un singe qui dort le matin et s'agite le soir. Il s'agit sûrement de la première desciption d'un douroucouli, unique singe nocturne de la planète.

Les anthropoïdes

Squelette du pygmée de Tyson.

À l'exception de récits fantasmagoriques difficiles à interpréter, les grands singes (gibbons, orang-outans, gorilles et chimpanzés) semblent inconnus des Européens avant le XVIe siècle. Les premières mentions apparaissent dans les récits de voyageurs. Ainsi, le manuscrit (en) de Valentim Fernandes qui relate les premières découvertes portugaises mentionne la présence de singes anthropomorphes en Sierra Leone, qui sont certainement des chimpanzés[18]. D'après les dires du navigateur portuguais Duarte Lopez, retranscris par Filippo Pigafetta dans Le Royaume de Congo & les Contrées environnantes (1591), les chimpanzés qui peuplent le Congo ressemblent grandement à l'homme et peuvent imiter son comportement de façon remarquable[19].

Une première description du gorille est rapportée en 1626 par l'écrivain anglais Samuel Purchas qui relate le séjour de plusieurs années de son voisin Andrew Battel au Congo. Sous le nom de « pongo », il décrit un singe craint par les populations locales, ressemblant à l'homme dans ses proportions, mais bien plus grand et entièrement poilu. Battel raconte aussi qu'il est sociable, présente une face humaine, et se déplace vraisemblablement sur ses deux jambes[20].

Quant à l'orang-outan, c'est le médecin néerlandais Jacques de Bondt, connu sous le nom de Bontius, qui en popularise le nom. En poste à Batavia pour la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, il rapporte avoir vu certains de ces « hommes des forêts » (du malais orang, « homme », et hutan, « bois », rendu en latin par Homo sylvestris). Il remarque particulièrement une femelle, dont il fournit une gravure, qui semblait avoir de la pudeur, qui se couvrait de la main à l'approche d'hommes qu'elle ne connaissait pas, qui pleurait, qui gémissait, et à qui il ne manquait que la parole.

L'ouvrage le plus significatif de cette période, souvent considéré comme fondateur de la primatologie, est l'œuvre de l'anatomiste anglais Edward Tyson. En 1699, il publie une Anatomie d'un Pygmée (en), qu'il nomme orang-outang bien qu'il s'agisse en réalité d'un chimpanzé. Il dresse une liste détaillée des similitudes et différences anatomiques entre ce dernier et l'humain et souligne qu'il s'agit bien du « chaînon manquant » entre les singes et les hommes.

Les lémuriens

L'île de Madagascar a une longue histoire de contact avec les voyageurs arabes, européens et peut-être même chinois, et il est certain que sa faune endémique particulière devait avoir frappé les esprits. Il faut cependant attendre la seconde moitié du XVIe siècle pour trouver les premières mentions écrites de lémuriens. L'explorateur français Étienne de Flacourt publie en 1661 une Histoire de la grande isle Madagascar, dans laquelle il décrit plusieurs espèces de lémuriens, ainsi qu'un animal difficilement identifiable mais qu'on suppose être l'une des espèces subfossiles qui peuplaient l'île avant l'arrivée des Européens[21]. Parmi les différents « singes » mentionnés par Flacourt, on reconnait le varicossy qui est « blanc avec des taches noires sur les côtés et sur la tête », et « le museau long comme un renard » (Varecia variegata), diverses sortes de varis, dont ceux qui ont « la queue rayée de noir et de blanc et qui marchent en troupes de 30, 40 et 50 » (Lemur catta), et surtout le sifac, une « guenuche blanche, qui a un chaperon tanné, et qui se tient le plus souvent sur les pieds de derrière » (Propithecus verreauxi)[22].

Classifications et controverses (XVIIIe-1860)

Linné : l'homme parmi les « Primates »

Détail de la première édition de Systema naturae (1735), montrant l'ordre des Antropomorpha.

Père du système moderne de nomenclature binominale, le naturaliste suédois Carl von Linné est le premier à placer explicitement l'homme parmi les animaux. Dans la première édition de son Systema naturae (« Système de la nature ») de 1735, il crée l'ordre des Antropomorpha, qui regroupe les humains (Homo), les singes (Simia) et les paresseux (Bradypus)[23]. Le genre Homo y est défini par la célèbre maxime antique Nosce te ipsum (« Connais-toi toi-même »), c'est-à-dire par un précepte philosophique et théologique plutôt que par des caractéristiques biologiques. Linné, fils et frère de pasteur, exprime par là qu'il ne remet pas en question la conception chrétienne selon laquelle « Dieu a créé l'homme à son image ». Comme expliqué par Basile de Césarée dans ses commentaires de la Genèse, c'est la raison qui distingue l'homme de l'animal et c'est par cette raison, et non par le corps (« variable et corruptible »), qu'il est « à l'image de Dieu »[24]. Ce principe est à la base de la démarche taxinomique de Linné, qui s'appuie sur l'adage Nomina si nescis, perit et cognitio rerum (« la connaissance des choses périt par l'ignorance du nom »)[25]. Est donc homme, celui qui se nomme « homme » et se connait comme tel, car donner des noms fait partie des prérogatives de l'homme[24].

Dans la dixième édition de 1758, il remplace le terme « Antropomorpha » par celui de « Primates » (« premiers » en latin). Les paresseux n'en font plus partie, mais il ajoute les genres Lemur (lémuriens et dermoptères) et Vespertilio (chauves-souris), aux côtés de Homo et Simia[26].

Buffon : l'imitation suppose le dessein d'imiter

le Jocko de buffon.

Auteur dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle d'une monumentale Histoire naturelle, le comte de Buffon réfute avec véhémence le placement de l'homme parmi les primates[18]. En 1766, il publie une « nomenclature des singes »[27] avec le concours du naturaliste Louis Daubenton, qui y déploie les premiers exemples d'anatomie comparée.

Buffon commence par déplorer qu'on ait « entassé sous le même nom de singe, une multitude d'espèces différentes et même très éloignées ». Reprenant la tradition aristotélicienne, il décrit le singe comme « un animal sans queue, dont la face est aplatie, dont les dents, les mains, les doigts et les ongles ressemblent à ceux de l'homme et qui, comme lui, marchent debout sur leurs deux pieds ». Buffon ne mentionne que trois espèce répondant à cette définition. Il y a d'abord le singe connu des anciens : le « pithèque » , dont la mention se borne à citer les auteurs antiques et qu'on doit distinguer du magot, qui bénéficie quant à lui d'une description détaillée par Daubenton. Il y a ensuite les découvertes récentes : le gibbon, « rapporté des Indes orientales », et l'orang-outan, découvert dans « les parties méridionales de l'Afrique et des Indes »[27]. Sous ce dernier terme, Buffon présente deux animaux, qui ne forment certainement « qu'une seule et même espèce », le Pongo et le Jocko. Le premier regroupe tous les hominidés décrits jusqu'alors : le terme « pongo » renvoit au récit de Battel (qui décrivait le gorille), qui est le même singe que l'orang-outan de Bontius et le pygmée disséqué par Tyson, et que Linné a placé dans le même genre que l'homme (Homo nocturnus). Le Jocko est un chimpanzé rapporté en France en 1740 et mort l'année suivante à Londres, et dont la dépouille naturalisée et le squelette étaient conservés au Cabinet du roi du Jardin des plantes de Paris[18]. Buffon note dans l'anatomie et le comportement de « l'orang-outan » de nombreuses ressemblances troublantes avec ceux de l'homme. Il en conclut néanmoins que ces similitudes « ne les rapprochent pas de la nature de l'homme, ni même ne l'élèvent au-dessus de celle des animaux », « l'âme, la pensée, la parole ne dépendent pas de la forme ou de l'organisation du corps » et l'orang-outan ne parle pas et ne pense pas. Ainsi, le singe, d'après Buffon, n'imite pas l'homme mais contrefait ses mouvements. L'imitation suppose le dessein d'imiter, ce qui demande une suite de pensées dont le singe est incapable, et par conséquent « l'homme peut, s'il le veut, imiter le singe, alors que le singe ne peut pas même vouloir imiter l'homme »[27].

Buffon place deux « familles » à la suite des singes : les babouins et les guenons. Les premiers se caractérisent par leur queue courte, leur face allongée et leur museau large et relevé. Ils comprennent le Babouin proprement dit, le Mandrill et l'Ouandérou. Si la définition du naturaliste s'approche de celle du Cynocéphale antique, il estime néanmoins que les Anciens n'avaient pas de nom propre pour les babouins et que le Cynocéphale était en réalité le Magot, qui est quant à lui à mi-chemin entre les singes et les babouins, car il n'a qu'un appendice de queue : « quatrième singe ou premier babouin »[27]. Les guenons sont les cèbes des auteurs antiques et se distinguent des singes et des babouins par leur longues queues, et des makis par leurs quatre incisives au lieu de six. Buffon en liste neuf espèces : le Macaque, le Patas, le Malbrouck, le Mangabey, la Mone, le Callitriche, le Moustac, le Talapoin et le Douc[27]. Tout comme le Magot est l'intermédiaire entre les singes et les babouins, Buffon considère qu'il existe une espèce dans l'intervalle entre les babouins et les guenons. Il s'agit d'un animal semblable aux premiers, mais doté d'une queue glabre, comme celle d'un cochon : le Maimon[27].

Squelette de Mococo (Lemur catta), illustration de Jacques de Sève, 1782.

Buffon s'insurge ensuite contre le fait que certains auteurs, dont Linné, aient pu utiliser les même critères aristotéliciens pour nommer et classifier des animaux en dehors de l'Ancien Monde : « On a trouvé en Amérique des bêtes avec des mains et des doigts ; ce rapport seul a suffi pour qu'on les ait appelées singes »[27]. Il introduit ainsi les deux termes de sapajous et de sagouins pour rassembler les singes du Nouveau Monde[28]. Il remarque en en effet que ces derniers diffèrent des singes de l'Ancien Monde par l'absence d'abajoues et de callosités sur les fesses, mais surtout qu'ils ont « la cloison des narines fort large et fort épaisse, et les ouvertures des narines placées à côté et non pas au-dessous du nez », alors que les singes, les babouins et les guenons ont « la cloison du nez mince, et les narines ouvertes à peu près comme celles de l'homme au-dessous du nez »[28]. Cette différence de morphologie nasale est aujourd'hui encore reconnue comme distinction principale entre catarhiniens (du grec cata, « vers le bas », et rhinos, « nez ») et platyrhiniens (platus, « large »). Mais pour différencier les sapajous des sagouins, Buffon use une fois encore du critère antique de la queue : les premiers l'ont « […] « prenante », c'est-à-dire musclée de manière qu'ils peuvent s'en servir comme d'un doigt pour saisir et prendre ce qui leur plaît », les seconds l'ont « entiérement velue, lâche et droite ; en sorte qu'ils ne peuvent s'en servir en aucune manière ».

Un siècle d'histoire naturelle : nommer, classer et décrire

Les travaux de Linné et Buffon donnent une impulsion majeure à la zoologie naissante : elle se voit peu à peu envahir par l'obsession d'organisation et de classification méticuleuses qui guidait plus tôt la botanique. Les publications des naturalistes confèrent peu à peu à l'animal un statut d'objet scientifique et l'introduisent dans un système de connaissances partagé par une communauté de chercheurs. En France, les événements politiques soutiennent cette transition : la Révolution donne naissance au Muséum national d'histoire naturelle, qui remplace en 1793 le Jardin royal des plantes médicinales, et Daubenton en devient le premier directeur. La nouvelle chaire de zoologie des mammifères et des oiseaux est confié à Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, qui l'occupe pendant près d'un demi-siècle. Il prend comme assistant l'ambitieux Georges Cuvier, avec qui il signe plusieurs mémoires dont une classification des mammifères construite sur l'idée de subordination des caractères. Les deux hommes s'opposeront plus tard au sujet des idées transformistes défendues par Jean-Baptiste de Lamarck. Le fixisme de Cuvier sort vainqueur de ce débat précoce sur l'évolution des espèces et imprime pour un temps son mot d'ordre selon lequel le rôle du naturaliste se borne à « nommer, classer et décrire »[29].

Durant cette période gouvernée par les musées, l'étude des primates dans leur milieu naturel évolue peu. Ils survivent rarement aux voyages qui les ramènent vers l'Europe et c'est surtout leurs peaux et leurs squelettes qui enrichissent les collections. Soigneusement mesurés, décrits et classifiés, les primates n'existent qu'au travers des planches de dissection. Mais c'est surtout leur crâne qui est l'objet de toutes les attentions : l'angle facial devient le critère taxinomique par excellence et alimente le développement progressif du racialisme[18].

Nommer

Si la proximité entre l'homme et les grands singes est déjà bien documentée au XVIIIe siècle suite aux premiers travaux d'anatomie comparée, la proposition de Linné de les inclure dans un ordre unique est philosophiquement inacceptable. Les naturalistes s'évertuent donc à chercher le critère morphologique essentiel qui permette de confirmer le caractère exceptionnel de l'espèce humaine. Buffon est le premier à proposer de s'intéresser à la bipédie : « Faisons pour les mains un nom pareil à celui qu'on a fait pour les pieds, et alors nous dirons avec vérité et précision, que l'homme est le seul qui soit bimane et bipède, parce qu'il est le seul qui ait deux mains et deux pieds ; que le lamantin n'est que bimane ; que la chauve-souris n'est que bipède, et que le singe est quadrumane »[27]. Il s'appuie pour cela sur les travaux de Daubenton, qui, après avoir étudié l'os occipital et la colonne vertébrale de « l'orang-outan », a prouvé que celui-ci était bien quadrupède, et non bipède comme on l'avait cru d'abord.

L'anthropologue et naturaliste allemand Johann Friedrich Blumenbach utilise ce concept en 1779 dans Handbuch der Naturgeschichte (« Manuel d'histoire naturelle ») et divise les Primates de Linné en trois ordres : les bimanes (« deux mains ») comprennent seulement le genre Homo, les quadrumanes (« quatre mains ») regroupent les singes et les makis, alors que les chiroptères (« mains ailées ») rassemblent les chauve-souris[30]. La distinction est popularisée par Cuvier dans son Tableau élémentaire de l'histoire naturelle des animaux publié en 1797[31]. Il décrit les quadrumanes comme les animaux qui ressemblent le plus à l'homme, si ce n'est que « les pouces de leurs pieds de derrière sont écartés des autres doigts comme ceux des mains » et que « leur bassin étroit, leurs talons peu saillants, les muscles de leurs cuisses et de leurs jambes trop faibles, ne leur permettent pas de se tenir debout aisément ».

C'est ainsi que quelques années à peine après sa création, l'ordre des primates disparait pour près d'un siècle. Certains auteurs ressusciteront le terme, soit pour l'homme seul (Gray, 1821), soit comme synonyme plus ancien de quadrumanes (I. Geoffroy, 1852). D'autres proposeront de nouveaux critères de distinction pour séparer l'homme, comme la position debout (ordre des Erecta, Illiger, 1811) ou la taille du cerveau (sous-classe des Archencephala, Owen, 1863)[32]. C'est finalement le Britannique St. George Jackson Mivart qui, bien que critique des thèse de Darwin, réintégrera l'ordre des primates dans sa conception actuelle en 1873[33]. Le débat restera vif pendant un demi siècle encore et jusque dans les années 1930, les scientifiques hésiteront à se référer à la dénomination choisie par Linné. Ces querelles terminologiques, et le questionnement philosophique qu'elles sous-entendent, expliquent en partie le développement tardif de la primatologie elle-même.

Classer

La nomenclature binominale s'impose très vite dans les sciences naturelles. En 1777, le naturaliste allemand Johann Christian Erxleben retravaille l'ordre de Primates tel que défini par Linné, mais en y incluant certaines suggestions de Buffon. Il divise ainsi le genre Simia pour n'y laisser que les « vrais singes » et crée les genres Papio pour les babouins et Cercopithecus pour les guenons. Afin de classer les sapajous et les sagouins de Buffon, il puise dans le référentiel antique en proposant les genres Cebus (d'après les cèbes d'Aristote) et Callithrix (d'après les callitriches de Pline)[34].

Mais l'effervescence des découvertes rend vite caduque l'idée de circonscrire toute la diversité des singes et des makis à ce cadre antique. De nouveaux genres sont proposés, notamment par Johann Illiger à Berlin (Hylobates, les gibbons, Colobus, les colobes)[35], et surtout par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire qui en crée près d'une vingtaine dans son Tableau des Quadrumanes[36]. Ce dernier est également à l'origine du réarrangement interne de l'ordre, non plus en fonction de la queue, mais de celui de la morphologie nasale. Il établit ainsi trois groupes : catarrhiniens (« nez vers le bas »), pour les singes de l'Ancien Monde, platyrrhiniens (« nez large »), pour les singes du Nouveau Monde, et strepsirrhiniens (« nez allongé ») pour les lémuriens.

Décrire

Tableau récapitulatif

La révolution darwinienne (1860-1930)

Caricature de la gazette Punch de 1861 reflétant le sujet à la mode du moment : les grands singes s'invitent au bal des humains.

Darwin : l'origine des espèces

En 1831, le jeune Charles Darwin s'embarque pour un voyage de cinq ans à bord du Beagle, au cours duquel il établit sa réputation de naturaliste en décrivant de nombreux spécimens nouveaux de plantes, d'animaux et de fossiles. Ses observations sur les schémas biogéographiques des îles Galápagos le font douter quant à la théorie, alors dominante, de fixité des espèces et dès son retour il entame la rédaction de carnets sur le transformisme. Influencé par les idées similaires exprimées par son contemporain Alfred Wallace, Darwin se décide à publier sa théorie de l'évolution en 1859 sous la forme du célèbre ouvrage L'Origine des espèces. Si l'idée même selon laquelle toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d'ancêtres communs n'est pas nouvelle pour ses contemporains, la thèse de Darwin a cela de révolutionnaire qu'elle en précise pour la première fois le processus : la « sélection naturelle ».

Le débat acrimonieux entre scientifiques, théologiens et philosophes qui succède à la publication de l'œuvre se focalise très vite sur le postulat scandaleux qui en dérive : non seulement les humains ont évolué, mais ils ont évolué à partir d'un ancêtre simien. Pourtant, le principe n'est pas exprimé comme tel dans L'Origine des espèces, et les références aux primates en sont quasiment inexistantes. La seule mention n'a d'ailleurs aucun lien avec les humains, puisqu'il s'agit d'une réflexion sur la queue préhensile des singes américains, dans laquelle Darwin s'interroge pourquoi les cercopithèques africains ne sont pas dotés d'un pareil organe[41]. Sa seule allusion à l'évolution chez l'homme est l'affirmation, discrète, que « des lumières seront jetées sur l'origine de l'homme et son histoire »[42].

La contribution propre de Darwin à la question de l'évolution humaine ne viendra qu'un décennie plus tard. Dans la La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe (1871), le naturaliste étudie « premièrement, si l'homme, comme toutes les autres espèces, descend d'une forme préexistante, deuxièmement, la manière de son développement, et troisièmement, la valeur des différences entre les prétendues races de l'homme ». Dans L'Expression des émotions chez l'homme et les animaux (1872), il cherche « à déterminer, indépendamment de l'opinion commune, à quel point les mouvements particuliers des traits et des gestes expriment réellement certains états d'esprit ». Au total, entre ces deux volumes, Darwin mentionne près de 50 espèces de primates et sa perception de leur comportement en relation avec celui des humains était particulièrement avancée pour l'époque[41]. Le primatologue Ian Tattersall estime que Darwin a prédit une grande partie des développements suivis par la paléoanthropologie et la primatologie durant les presque 150 années qui ont passé depuis la publication de ses œovres[43].

Huxley : la place de l'homme dans la nature

Le célèbre frontispice du livre de Huxley souligne les similitudes anatomiques entre les squelettes du gibbon, de l'orang-outan, du chimpanzé, du gorille et de l'être humain.

En 1863, le biologiste anglais, fervent défenseur des thèses darwiniennes, Thomas Huxley, publie La Place de l'homme dans la nature. Ouvrage majeur dans le développement de la primatologie moderne, il y recense toutes les connaissances de l'époque sur les hominoïdes et réintègre l'ordre des Primates dans sa définition linnéenne. Sa conclusion principale est que la distance séparant les grands singes et les singes dits inférieurs est plus grande que celle qui les séparent des humains.

Les apports de la paléontologie

Fragment de mandibule d'un dryopithèque, premier fossile de grand singe décrit en 1856, conservé au Muséum national d'histoire naturelle.

Les scientifiques du début du XIXe siècle étaient familiers avec les thèses géologiques sur l'âge de la Terre, ainsi qu'avec les preuves fossiles d'animaux éteints à une époque lointaine. Il était néanmoins accepté que l'histoire de l'humanité était relativement courte : en effet, les sources historiques de l'Antiquité gréco-romaine, ainsi que les textes anciens indiens ou chinois, s'accordaient pour dater l'apparition des humains à moins de 10 000 ans[44]. Cette datation avait l'avantage d'être compatible avec la chronologie des textes bibliques qui situe la création d'Adam au début du IVe millénaire av. J.-C. Bien qu'il soit souvent considéré comme l'un des fondateurs de la paléontologie, Georges Cuvier exclut l'homme de ses thèses catastrophistes et déclare en 1812 que « l'homme fossile n'existe pas »[45]. L'ironie du sort veut que Cuvier ait découvert, sans le savoir, le premier primate fossile : en 1822, il décrit sous le nom d'Adapis des restes de mâchoires et de crâne extraits des carrières de gypse de Montmartre, qu'il attribue par erreur à un ongulé préhistorique[45]. Son disciple, Édouard Lartet, découvre dans le Gers en 1837 le premier fossile de primate reconnu comme tel, qu'il nomme Pliopithecus[45]. Considéré alors comme un gibbon, le pliopithèque de Lartet sème le doute parmi les scientifiques qui découvrent que des singes vivaient peut-être à une époque révolue sous une latitude bien éloignée des forêts tropicales. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire n'hésite pas à déclarer devant l'Académie des Sciences que « la découverte de la mâchoire fossile du singe de M. Lartet […] parait appelée à commencer une ère nouvelle du savoir humanitaire »[46],

Le maintien en captivité

Le principal obstacle à l'étude des primates a longtemps été constitué par les difficultés à maintenir ces animaux en captivité. En effet, le stress provoqué par la capture et le voyage, puis les difficultés d'adaptation aux conditions climatiques limitaient sérieusement leur survie dans les ménageries et les jardins zoologiques. Cette contrainte a été soulignée par de nombreux auteurs des XVIIIe et XIXe siècles, et Darwin écrivait en 1871 qu'un grand singe ne pourrait jamais être amené à maturité sous un climat européen[47].

Les tentatives de maintien de singes en captivité prennent ainsi place initialement soit dans leurs régions d'origine, soit dans des régions présentant des conditions climatiques similaires. Les premiers exemples historiques sont en réalité le fruit du hasard. Ainsi, l'île de Saint-Christophe dans les petites Antilles est toujours peuplée de plusieurs milliers de cercopithèques africains, introduits depuis le Sénégal par les marchands d'esclaves à la fin du XVIIe siècle[47]. L’île Maurice comprend plus de 30 000 macaques crabiers originaires de Java, dont l'introduction remonte à la même époque. Darwin rapporte que, dans les années 1820, le naturaliste suisse Johann Rengger avait maintenu pendant sept ans une petite colonie de sapajous dans son habitat naturel au Paraguay[48]. Mais la première vraie nurserie de primates est fondée en 1906 par Rosalía Abreu (de), une riche Cubaine qui installe une ménagerie privée dans le parc de sa demeure près de La Havane. Elle est la première à constater la naissance d'un chimpanzé en captivité, et à démontrer que les primates peuvent vivre avec la même longévité que dans leur milieu naturel, s'ils sont maintenus dans de bonnes conditions. Lorsque la ménagerie est demantelée en 1930, après la mort de Madame Abreu, elle contient plus de 150 primates, dont 17 chimpanzés et plusieurs orang-outans et babouins.

Le tout premier centre d'élevage ex situ à but scientifique est certainement la station de recherche sur les anthropoïdes fondée en 1913 à Ténériffe aux Canaries. Dépendant de l'Académie royale des sciences de Prusse, elle est dirigée par le psychologue Wolfgang Köhler qui y conduit des recherches sur la capacité des chimpanzés à se servir d'outils et à résoudre des problèmes. Il établit l'importance de conserver les primates dans un contexte social et déclare : « un chimpanzé maintenu dans la solitude n'est pas du tout un vrai chimpanzé[49] ». Tout aussi fondamental pour le développement ultérieur de la primatologie est la création, en 1923, par l'Institut Pasteur de Paris, d'une station appelée Pastoria à Kindia en Guinée française. Albert Calmette, célèbre pour son rôle dans le développement du vaccin BCG contre la tuberculose et du premier antivenin pour serpents, en est un temps le directeur. Les primates de Pastoria servent à la recherche médicale, notamment pour le développement des vaccins contre la tuberculose, le typhus et la poliomyélite, ainsi que dans l'étude de maladies tropicales comme la trypanosomiase et le paludisme[49]. La station cesse de fonctionner en 1960, après l'indépendance de la Guinée, et compte alors plus de 2 000 primates[47].

Naissance de la science moderne (depuis 1930)

L'une des particularités de la primatologie dans son acception moderne est que cette science a été inventée dans les années 1950 de manière indépendante et simultanée dans deux régions du monde. On distingue ainsi une école occidentale (Europe et Amérique du Nord) et un école orientale (Japon), qui bien qu'elles soient au courant de leur existence respective, ont travaillé indépendamment jusque dans les années 1960[50]. Le terme même de « primatologie » est habituellement attribué à Theodore Cedric Ruch, premier directeur du Centre national de recherche sur les primates (en) de Washington, qui l'emploie en 1941 dans son ouvrage Bibliographia Primatologica[32].

En Amérique du Nord

Le secrétaire de la Smithsonian Institution en 1961 au Zoo de Washington portant des bébés gorille (gauche) et chimpanzé (droite).

Les premiers travaux de recherche sur le comportement de primates en liberté sont effectués par le psychologue américain Robert Yerkes, qui commencent à s'intéresser aux grands singes dans les années 1920[50]. Il entretient une correspondance avec Rosalía Abreu (de), qui lui inspire l'idée de créer un centre de recherche entiérement dédié à la reproduction et à l'étude des primates[18]. Son projet se concrétise en 1930 par l'ouverture d'une Station de recherche sur les Anthropoïdes de l'Université Yale près d'Orange Park, en Floride. Relocalisé plus tard à Atlanta, le centre est le premier aux États-Unis à observer la naissance d'un chimpanzé en 1935. Yerkes publie plusieurs ouvrages sur les primates, dont The Great Apes: A Study of Anthropoid Life (« Les grands singes : une étude de la vie anthropoïde »), un recueil fondateur redigé en 1929 avec sa femme Ada et condensant toutes les connaissances de l'époque sur les grands singes[51].

L'un des élèves de Yerkes, Clarence Ray Carpenter, est considéré comme un pionnier des études de terrain sur les primates. Il développe de nombreuses techniques d'observation des animaux en milieu naturel et mène plusieurs études influentes dans les années 1930, notamment sur les hurleurs et les singes-arraignées au Panama, ou les gibbons en Thaïlande[50]. En 1938, il capture 500 macaques rhésus autour de Lucknow en Inde et les amène par paquebot sur l'île de Cayo Santiago (en), au large de Porto Rico, pour y fonder une colonie destinée à l'étude scientifique[52]. Carpenter passe ensuite deux ans à étudier le comportement sexuel de ces macaques, avant que le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale n'interrompe ses observations[50].

Les études sur le primates reprennent dans les années 1950, sous l'impulsion majeure de Sherwood Washburn[53]. Ce professeur d'anthropologie de l'Université de Chicago publie en 1951 un ouvrage majeur pour le développement de la primatologie qui influence une nouvelle génération de chercheurs et donne le ton de ce qu'on appelle l'école nord-américaine[50]. Dans The New Physical Anthropology (« La nouvelle anthropologie physique »), Washburn décrète que l'étude de l'évolution des hominidés doit relier les conceptions de forme, de fonction et de comportement à l'environnement. Il propose donc de s'éloigner des pratiques historiques, qui se bornaient à mesurer et classifier les fossiles, pour se concentrer sur les processus et les mécanismes du changement évolutif. Washburn préconise ainsi des approches multidisciplinaires et interdisciplinaires pour la compréhension du comportement humain, de la biologie et de l'histoire[54]. Une part importante de ce nouveau programme pour l'anthropologie passe par l'étude des primates non-humains dans leur habitat naturel et Washburn établit ainsi la valeur de l'observation de terrain en primatologie, tout comme il crée un lien indissociable entre ces deux disciplines[50].

En Europe

Plutôt que de chercher les origines de la socialité humaine, les études européennes sur les primates se sont développées d'abord dans les domaines de l'éthologie et de l'écologie comportementale. Les primates étaient alors perçus comme un ensemble d'espèces comme un autre, bien que plus complexes et d'une plus grande longévité[50].

Au Royaume-Uni, Robert Hinde, John Crook et K. R. L. Hall sont généralement considérés comme les fondateurs des études sur les primates[50]. Hinde et Crook ont tous deux débuté leur carrière en étudiant les oiseaux, sous l'influence d'ornithologues pionniers de l'éthologie comme Nikolaas Tinbergen et David Lack, avant de se tourner vers les primates. Hall était un psychologue pionnier dans la recherche de terrain sur les singes terrestres aficains comme les patas, les vervets ou les babouins.

Aux Pays-Bas, Jan van Hooff (en) peut être crédité de la fondation d'une influente « école néerlandaise » de primatologie. Élève à Oxford de Nikolaas Tinbergen et de Desmond Morris (précurseur de l'éthologie humaine et auteur du best-seller Le Singe nu), van Hooff établit une colonie de chimpanzés à Arnhem à l'origine de nombreuses études influentes.

En France, les primatologues Annie et Jean-Pierre Gautier sont à l'origine d'importants travaux sur les cercopithèques d'Afrique centrale et de l'Ouest, ainsi qu'à l'origine de la fondation d'une colonie de ces primates à la station biologique de Paimpont, en Bretagne. La recherche sur les prosimiens est, quant à elle, initiée par un autre couple d'écologistes français, Jean-Jacques et Arlette Petter.

En Union soviétique

Macaques à Soukhoumi dans les années 1930.

Le tout premier centre de recherche sur les primates situé loin en dehors de la zone tropicale est établie en 1927 à Soukhoumi en Abkhazie, alors en Union soviétique. La Nurserie de singes (ru) est fondée par Nikolaï Semachko, premier commissaire du peuple à la santé de la RSFSR, et Ilia Ivanov, biologiste célèbre pour sa tentative controversée de créer un hybride humain-singe.

Au Japon

La primatologie au Japon a commencé avec un petit groupe de jeunes scientifiques de l’Université de Kyoto en 1948 : Kinji Imanishi, Junichiro Itani, Masao Kawai et Shoji Kawamura. Concentrée sur la description détaillée du comportement social des macaques japonais, l'école japonaise a apporté des découvertes d’importance universelle, notamment sur le comportement culturel[55].

En Amérique du Sud

L'émergence d'une primatologie brésilienne aux débuts des années 1980 a deux origines : la première est centrée sur la recherche médicale au moyen d'études en laboratoire sur les callitrichidés (ouistitis et tamarins), la seconde s'articule autour d'études sur le terrain dans un but principal de conservation[50]. Milton Thiago de Mello (en) est l'une des grandes figures de ce mouvement : il fonde la société brésilienne de primatologie en 1979, puis la société sudaméricaine de primatologie en 1986 et forme de nombreux primatologues sur le continent[17].

En Asie du Sud-Est

Horizons et perspectives

Une chercheuse en primatologie cognitive observant la femelle alpha d'une communauté de sapajous bruns.

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