Histoire de l'archéologie

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L'histoire de l'archéologie est une spécialité de l'histoire des sciences. L'archéologie analyse le passé préhistorique ou historique à partir des restes conservés dans le sol. C'est la recherche et l'étude des artéfacts, les vestiges matériels des anciennes sociétés humaines. Pour mieux cerner le passé, les archéologues font aussi appel à l'anthropologie et à l'histoire, à l'histoire de l'art et aux études du matériel (de l'épigraphie à la céramologie), à la climatologie, à la botanique, à la palynologie, à l'archéozoologie, etc.

L'histoire de l'archéologie a aussi pour objet le développement historique de l'archéologie en tant que domaine scientifique, dans ses aspects tant intellectuels que sociaux et institutionnels. Des discours sur le passé (archaíos) ont été produits en tous temps et en tous lieux par les différentes sociétés. Toutefois, l'ambition de fonder scientifiquement ces discours et ces connaissances ne se développe qu'à partir du XXe siècle.

Émergence[modifier | modifier le code]

L'archéologie s'est constituée progressivement en discipline et s'est dotée d'une méthodologie et de concepts propres au cours d'une longue histoire rythmée par ses découvertes importantes. Ces découvertes et leur interprétation ont eu des répercussions majeures sur les conceptions que l'on se faisait du passé humain. Si dès les débuts du récit historique une curiosité archéologique apparait, et si les sociétés anciennes ont de tout temps été confrontées aux restes matériels des sociétés qui les avaient précédées, on ne peut parler de découvertes archéologiques que lorsque ces découvertes sont interprétées comme des signes permettant de retracer un passé, comme des indices à replacer dans une perspective chronologique. Une telle situation n'apparaît réellement en Occident qu'à partir de la fin du XVIIIe siècle.

Développement[modifier | modifier le code]

La notion de découverte archéologique a considérablement évolué avec les progrès de la méthodologie archéologique : à la quête du bel objet exceptionnel, chère aux antiquaires et encore présente dans l'imagerie du grand public, s'est substituée une étude des sociétés passées qui s'est aussi tournée vers l'ordinaire, le quotidien. Ainsi la mise en évidence d'un parcellaire rural antique par photographie aérienne est une découverte archéologique au même titre que le dégagement d'une statue exceptionnellement belle.

La découverte archéologique est de moins en moins due au hasard ou à l'intuition. Les fouilles programmées sont planifiées et mettent en œuvre des procédures organisées pour répondre à une problématique. Les sondages et fouilles préventives, ou de sauvetage, sont aussi issues d'une surveillance volontaire des dégagements occasionnés par les grands travaux. Il reste toutefois des fouilles clandestines, pillages qui continuent à chercher le bel objet mais diminuent fortement sa valeur en tant que découverte archéologique, puisqu'il est coupé de son contexte historique et dégagé sans une méthodologie apte à le replacer dans son environnement et son époque.

Épistémologie[modifier | modifier le code]

Comme dans toute science, la publication de nouveaux résultats en archéologie doit tenir compte des résultats précédemment obtenus. Pour cette raison, les publications comportent généralement un historique des travaux antérieurs sur le thème abordé. Les archéologues font donc nécessairement un travail, même minimal, d'histoire de l'archéologie.

De même, depuis le XIXe siècle, les revues archéologiques publient des nécrologies retraçant la biographie d'archéologues notables. Une distinction doit toutefois être établie entre ces productions et des recherches d'histoire des sciences, dont l'objectif premier n'est pas de discuter des connaissances archéologiques mais de rendre compte des conditions intellectuelles et sociales de la production de ces connaissances.

Les origines[modifier | modifier le code]

Dans ce sens, les premières recherches pouvant être pleinement qualifiées d'histoire de l'archéologie remontent aux années 1930. En 1932, André Vayson de Pradenne publiait en effet son étude sur les fraudes en archéologie[1], alors qu'en 1936 paraissaient les biographies de deux « pères » de l'archéologie préhistorique : l'étude de Léon Aufrère sur Jacques Boucher de Perthes[2] et celle d'André Cheynier sur François Jouannet[3]. Au cours des décennies suivantes, quelques rares publications ponctuelles peuvent être relevées, telle que l'étude d'Annette Laming-Emperaire sur l'archéologie préhistorique en France[4].

Le développement des années 1990[modifier | modifier le code]

Au cours des années 1970 et 1980, l'intérêt des archéologues pour la théorie et l'histoire de leur discipline s'accrut, sous l'impulsion, notamment, de revues telles que Les Nouvelles de l'archéologie, Ramage, ou Dialektikê. Au début des années 1990, deux ouvrages parurent, qui inaugurèrent le développement effectif de l'histoire de l'archéologie : en 1993, La Conquête du passé[5] par Alain Schnapp et, en 1994, Pour une histoire de la préhistoire[6] de Marc Groenen. Depuis 30 ans, les travaux de chercheurs tels que Noël Coye[7], Jean-Paul Demoule[8], Ève Gran-Aymerich[9], Arnaud Hurel[10], Marc-Antoine Kaeser[11], Laurent Olivier[12], Nathalie Richard[13], ou encore Nathan Schlanger, ont largement contribué au développement de cette histoire de l'archéologie.

Quelques découvertes majeures[modifier | modifier le code]

Quelques jalons
Antiquité
XVIIIe siècle
XIXe siècle
XXe siècle
XXIe siècle
  • En 2001, dans le Sud-Est de l'Iran, au village de Jiroft, découverte par la population locale d'objets anciens témoignant d'une nouvelle civilisation, aussi ancienne que les civilisations mésopotamiennes. Cette civilisation a été nommée "civilisation de Jiroft".
  • En 2005, sur la côte nord du Pérou près de Trujillo, découverte par des archéologues locaux de la momie la moins abîmée connue à ce jour. Cette dernière serait une femme tatouée (appelée la "Dame de Cao") appartenant à l'élite de la civilisation précolombienne des Moches. Elle est datée du Ve siècle. Elle a été trouvée avec des armes et des offrandes sur le site d'El Brujo, en bordure de l'océan Pacifique. 2 autres "pyramides" - ressemblant plus à des collines ravinées - à proximité n'ont pas encore été fouillées. Le musée du site expose les objets et la momie.
  • Février 2007, découverte au nord de la pyramide de Téti (Égypte) dans une tombe en terre cuite datant d'environ , entre la fin de la Ve dynastie (2508-2350) et le début de la VIe (2350-2200) d'une statue double en bois représentation de Ka-Haï, le scribe des registres sacrés. La rareté est due au fait qu'à l'époque pharaonique, les statues doubles sont essentiellement en pierre. La découverte a été effectuée par des archéologues australiens dans la nécropole de Sakkara.
  • 2008 L'imagerie thermique des pyramides et la réévaluation de la construction d'un coin qu'on pensait écroulé tendent à prouver que certaines pyramides égyptiennes auraient bien été construites à l'aide d'une rampe intérieure.
  • Décembre 2008 Découverte à Saqqara (Égypte) de deux tombeaux respectivement du superviseur général des expéditions et de la patronne des chanteuses du pharaon, datés de , pendant le règne du dernier pharaon de la Ve dynastie de son nom Ouna.

Références[modifier | modifier le code]

  1. André Vayson de Pradennes, Les Fraudes en archéologie préhistorique. Avec quelques exemples de comparaison en archéologie générale et sciences naturelles, Paris, Émile Nourry, , 676 p..
  2. Léon Aufrère, Essai sur les premières découvertes de Boucher de Perthes et les origines de l’archéologie primitive (1838-1844), Paris, Staude, , 48 p..
  3. André Cheynier, Jouannet, grand-père de la préhistoire, Brive, Imprimerie Chastrusse, Praudel et Cie, , 101 p..
  4. Annette Laming-Emperaire, Origines de l'archéologie préhistorique en France. Des superstitions médiévales à la découverte de l'homme fossile, Paris, Picard, , 243 p..
  5. Schnapp 2020.
  6. Marc Groenen, Pour une histoire de la préhistoire le paléolithique, J. Millon, , 603 p. (ISBN 2-905614-93-5).
  7. Noël Coye, La préhistoire en parole et en acte. Méthodes et enjeux de la pratique archéologique (1830-1950), Paris, L'Harmattan, , 338 p. (ISBN 2-7384-6162-X).
  8. Demoule, Jean-Paul, Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d'origine de l'Occident, Seuil, (ISBN 978-2-02-029691-5).
  9. Ève Gran-Aymerich, Naissance de l'archéologie moderne. 1798–1945, Paris, CNRS Éditions, , 533 p. (ISBN 2-271-05570-9).
  10. Arnaud Hurel, La France préhistorienne de 1789 à 1941, Paris, CNRS éditions, , 281 p. (ISBN 978-2-271-06600-8 et 2-271-06600-X).
  11. Marc-Antoine Kaeser, L'univers du préhistorien : science, foi et politique dans l’œuvre et la vie d'Édouard Desor (1811-1882), Paris, L'Harmattan, , 621 p. (ISBN 2-7475-6409-6).
  12. Laurent Olivier, Nos ancêtres les Germains : les archéologues français et allemands au service du nazisme, Paris, Tallandier, , 314 p. (ISBN 978-2-84734-960-3).
  13. Nathalie Richard, Inventer la Préhistoire : les débuts de l'archéologie préhistorique en France, Paris, Vuibert, , 235 p. (ISBN 978-2-7117-2061-3) .
  14. Site de Franck Goddio.
  15. Les gravures de la vallée du Côa.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Alain Schnapp (préf. Emmanuel Le Roy Ladurie), La conquête du passé : aux origines de l'archéologie, Paris, Dominique Carré, , 3e éd. (1re éd. 1993), 390 p. (ISBN 978-2-37368-045-4).
  • Eric H. Cline (trad. de l'anglais par Jacques Dalarun, ill. Glynnis Fawkes), Trois pierres, c'est un mur… : une histoire de l'archéologie, Paris, CNRS, , 440 p. (ISBN 978-2-271-11910-0).
  • Eve Gran-Aymerich, Les chercheurs de passé, 1798-1945 : aux sources de l'archéologie, Paris, CNRS, , 1271 p. (ISBN 978-2-271-06538-4).
  • Daniel Schweitz, Regards sur les antiquités en Touraine - Val de Loire (XVIe – XVIIIe siècle), préface d’Alain Schnapp, Paris, Éd. L’Harmattan, 2023, 212 p.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]