Nikolaas Tinbergen

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Nikolaas Tinbergen ( à La Haye - à Oxford) est un biologiste et ornithologue néerlandais, récipiendaire du Prix Nobel de Médecine ou de Physiologie en 1973 avec Karl von Frisch et Konrad Lorenz. Avec ce dernier, il est considéré comme le fondateur de l'éthologie, c’est-à-dire de l'étude comparative du comportement animal. Tinbergen est également à l'origine des quatre axes d'étude du comportement dans cette discipline : fonction et phylogenèse (« causes ultimes »), causalité et ontogenèse (« causes proximales »).

Ses déclarations sur l'origine de l'autisme, qui serait selon lui dû à un manque d'affection maternelle, lui ont valu de se faire qualifier par David Gorski d’atteint par la maladie du Nobel [1].

Biographie[modifier | modifier le code]

Né à La Haye dans une famille de cinq enfants, il a pour frères Jan Tinbergen qui a reçu le prix Nobel d'économie en 1969, et Luuk Tinbergen, ornithologue. Poussé par ses parents à explorer ses propres centres d'intérêt, il développe son goût naturaliste en observant la faune et la flore et en rejoignant un cercle néerlandais de jeunes amateurs de sciences naturelles[2].

Il effectue en 1925 un séjour de trois mois au bord de la mer Baltique pour observer la migration d'oiseaux. À la suite de cette expérience, il intègre l'université de Leyde pour étudier la biologie à partir de 1926. Il y réalise sa thèse qu'il soutient en 1932, et qui porte sur les abeilles et leur comportement spatial, inspirée des travaux de Karl von Frisch. En même temps, il participe à une exploration au Groenland pendant quinze mois[3]. Il devient ensuite assistant de recherche à l'université de Leyde et étudie le comportement animal[2].

Après avoir commencé à correspondre avec Konrad Lorenz à partir de 1935, il le rencontre l'année lors d'un symposium organisé à Leyde sur l'instinct. Tinbergen est impressionné par la capacité de Konrad Lorenz à élaborer des théories synthétiques, tandis que Lorenz apprécie les qualités expérimentales de Tinbergen[2]. Devenus très proches et amis, ils travaillent ensemble notamment sur le concept de comportements innés[4] et sur l'élaboration d'une discipline destinée à l'observation objective du comportement animal, davantage influencée par la biologie que par la psychologie[2], fondant ainsi les bases de l'éthologie.

Durant la Seconde Guerre mondiale, les opinions politiques divergentes de Lorenz et de Tinbergen les éloignent progressivement, en dépit des efforts de Tinbergen qui voyait leur association comme essentielle pour l'avenir de l'éthologie. Cette perception semble avoir évité une rupture définitive entre ces deux grands naturalistes[réf. nécessaire]. En 1941, comme plusieurs de ses collègues, Tinbergen démissionne de sa chaire en signe de protestation contre la volonté de « nettoyage » du personnel juif de l'université par les nazis. En 1942, plusieurs d'entre eux sont incarcérés et certains sont exécutés. Tinbergen, lui, est emprisonné pendant deux ans, jusqu'en , à Saint-Michel-Gestel[5].

En 1947, il devient professeur de zoologie à l'Université de Leyde, avant d'intégrer l'université d'Oxford comme maître de conférences en 1949.

Ses expériences simples et claires mais cruciales ont posé les bases de l'ensemble des sciences comportementales actuelles.

Il reçoit la médaille Elliott Coues décerné par l'American Ornithologists' Union en 1972. L'année suivante, il reçoit avec Karl von Frisch et Konrad Lorenz le prix Nobel de physiologie ou médecine pour « leurs découvertes concernant l'organisation et le déclenchement de patterns de comportements individuels et sociaux »[6].

Hypothèse pseudoscientifique sur l'autisme[modifier | modifier le code]

Sur la base de ses études sur les comportements animaux ayant permis de fonder l'éthologie, Tinberger déduit que l'autisme serait causé par le manque d'affection maternelle[7],[note 1]. Pendant son discours d'acceptation du prix Nobel, Tinbergen fait la promotion de l'hypothèse largement discréditée[8] de la « mère réfrigérante » comme cause de l'autisme, établissant ainsi un « record presque imbattable pour le temps le plus court entre recevoir le prix Nobel et dire quelque chose de vraiment stupide sur un domaine dans lequel le lauréat avait peu d'expérience »[9]. En 1985, Tinbergen a coécrit un livre avec sa femme[10] qui recommande l'utilisation de la « thérapie de maintien » pour l'autisme, une forme de traitement qui n'est pas soutenue empiriquement et qui peut être physiquement dangereuse[8].

Questions fondamentales de l'éthologie[modifier | modifier le code]

Nikolaas Tinbergen (gauche) et Konrad Lorenz (droite), 1978

En 1963, il pose les questions fondamentales de l'éthologie[11] dans son article On aims and methods of Ethology[12] à l'occasion du soixantième anniversaire de Lorenz. Ainsi, pour Tinbergen, les comportements doivent être étudiés sous quatre aspects :

  • Causalité immédiate : quels sont les facteurs internes ou externes qui déclenchent un comportement ?
  • Fonction : quelle est la fonction de ce comportement, quelle est son utilité pour la survie de l'animal à court ou long terme ?
  • Ontogenèse : comment ce comportement se met-il en place au cours du développement de l'individu ?
  • Phylogenèse : comment ce comportement est-il apparu au cours de l'évolution et est-il partagé avec d'autres espèces ?

La causalité immédiate et l'ontogenèse sont regroupées sous le terme de « causes proximales » tandis que la fonction et l'évolution sont rassemblées sous le terme de « causes ultimes »[13].

Ces quatre questions continuent encore à définir les axes de recherche de l'éthologie moderne de nos jours[13].

Publications[modifier | modifier le code]

  • L'Étude de l'instinct (The Study of Instinct, 1951), trad., Payot, Paris, 1953, 308 p.
  • La Vie sociale des animaux. Introduction à la sociologie animale (Social Behavour in Animals, 1953), trad., Payot. Paris, 186 p.
  • L'Univers du goéland argenté (The Herring Gull's World, 1953), trad., Elsevier-Séquoia, Paris, Bruxelles, 1975, 224 p.
  • Carnets d'un naturaliste, trad., Hachette, 1961, 298 p.
  • Le Comportement animal, trad., Time-Life, coll. "Jeunesse", 1968.
  • (avec David McFarland), Dictionnaire du comportement animal (The Oxford Companion to Animal Behaviour, 1981), trad., Robert Laffont, coll. "Bouquins", 1990, 1015 p.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Il présente cette position directement dans son discours d'acceptation du prix (en) « Ethology and stress diseases », Discours des lauréats,‎ (lire en ligne), où il cherche à démontrer l'utilité de l'observation des comportements pour déduire les origines d'une affection.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Magda Antoniazzi, « Petit guide des prix Nobel qui sont complètement partis en vrille », sur Vice, (consulté le )
  2. a b c et d Richard W. Burkhardt Jr., « Niko Tinbergen », (consulté le ).
  3. (nl) Nikolaas Tinbergen, Über die Orientierung des Bienenwolfes (Philanthus triangulum Fabr.)., .
  4. D.R. Röell (trad. Margaret Kofod), The world of instinct : Niko Tinbergen and the rise of ethology in the Netherlands (1920-1950), , 242 p. (ISBN 978-90-232-3559-0, lire en ligne).
  5. (en) « Nikolaas Tinbergen », sur www.encyclopedia.com, Complete Dictionary of Scientific Biography (consulté le ).
  6. « The Nobel Prize in Physiology or Medicine 1973 », sur www.nobelprize.org (consulté le ).
  7. Magda Antoniazzi, « Petit guide des prix Nobel qui sont complètement partis en vrille », Motherboard, Vice, .
  8. a et b (en) Scott O. Lilienfeld (en), Candice Basterfield, Shauna M. Bowes et Thomas H. Costello, chap. 2 « Nobelists Gone Wild : Case Studies in the Domain Specificity of Critical Thinking », dans Robert J. Sternberg (dir.) et Diane F. Halpern (dir.), Critical Thinking in Psychology, Cambridge et New York, Cambridge University Press, , 2e éd. (ISBN 978-1-108-49715-2, DOI 10.1017/9781108684354.003), p. 10–38.
  9. (en) David Gorski, « Luc Montagnier and the Nobel Disease », sur Science-Based Medicine (en), .
  10. (en) Nikolaas Tinbergen et E.A. Tinbergen, Autistic children : New hope for a cure, London, George Allen and Unwin, (ISBN 978-0041570106).
  11. Mathieu Amy, « Les quatre questions de Tinbergen », LINX, , p. 27-33.
  12. (en) Nikolaas Tinbergen, « On aims and methods of Ethology », Zeitschrift für Tierpsychologie, vol. 20,‎ , p. 410-433.
  13. a et b Anne-Sophie Darmaillacq et Frédéric Lévy, Éthologie animale : Une approche biologique du comportement, Louvain-la-Neuve/Paris, De Boeck, coll. « Ouverture psychologique », , 247 p. (ISBN 978-2-8041-9092-7, ISSN 2030-4196, lire en ligne).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Johan J. Bolhuis et Simon Verhulst (dir.) (2009). Tinbergen's Legacy: Function and Mechanism in Behavioral Biology, Cambridge University Press (Cambridge) : 262 p. (ISBN 0521697557)
  • Richard Wellington Burkhardt, Jr. (2004). Patterns of Behavior: Konrad Lorenz, Niko Tinbergen, and the Founding of Ethology, University of Chicago Press (Chicago) : xii + 636 p. (ISBN 978-0-226-08090-1)
  • Hans Kruuk (2004). Niko's Nature: The Life of Niko Tinbergen and His Science of Animal Behaviour, Oxford University Press (Oxford) : 408 p. (ISBN 0198515588)
  • D. René Röell (2000). The World of Instinct: Niko Tinbergen and the Rise of Ethology in the Netherlands (1920-1950), Van Gorcum (Assen, Pays-Bas) : 242 p. (ISBN 90-232-3559-2)

Liens externes[modifier | modifier le code]