Histoire de l'Anatolie

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L’histoire de l'Anatolie englobe le passé de toute la région désignée sous le nom d’Anatolie, aussi connue sous le nom latin d’Asie mineure et considérée comme l’extension la plus occidentale de l’Asie de l'Ouest. Géographiquement, elle comprend la plus grande partie de la Turquie moderne, depuis la Mer Égée jusqu’aux montagnes de la frontière Arménienne à l'est et de la Mer Noire au nord jusqu’aux Monts Taurus au sud.

Généralités, géographie historique

Régions et principales cités de l'Anatolie dans l'Antiquité classique.

Les plus anciennes traces de cultures en Anatolie se trouvent sur plusieurs sites archéologiques situés dans la partie centrale et orientale de la région. Bien que les origines de certains peuples parmi les plus anciens soient entourées de mystère, les vestiges des cultures hattie, akkadienne, assyrienne, et hittite nous fournissent de nombreuses informations sur la vie quotidienne des habitants et sur leurs relations commerciales. Après la chute des Hittites, les nouveaux États de Phrygie et de Lydie se sont solidement installés sur la côte ouest au moment où la civilisation de la Grèce antique commençait à prospérer. Seule la menace des empires iraniens les a empêchés de se développer davantage au temps de leur apogée.

Au moment de l’expansion de la Perse, le système de gouvernement local en Anatolie a permis à de nombreuses villes portuaires de s’étendre et de prospérer. Leurs gouverneurs se révoltaient de temps à autres, mais cela ne constituait pas une menace sérieuse jusqu’à ce qu’Alexandre le Grand mette fin à la domination perse à la suite de plusieurs victoires successives remportées sur son ennemi, le roi perse Darius III. Après sa mort, ses conquêtes ont été disputées entre ses généraux, la région étant divisée entre plusieurs États hellénistique (dont l'Empire Séleucide, Pergame, le Pont et l’Égypte) et subissant des invasions gauloises. La région est ensuite progressivement passée sous domination romaine à partir du IIe siècle avant notre ère.

Ainsi se sont progressivement mis en place des peuples de diverses origines, des royaumes, des confédérations et des régions qui ont formé, durant l’Antiquité, la trame de la géographie historique de l’Anatolie : Arménie, Bithynie, Cappadoce, Carie, Cilicie, Commagène, Éolide, Galatie, Ionie, Isaurie, Lycaonie, Lycie, Lydie, Mysie, Pamphylie, Paphlagonie, Phrygie, Pisidie, Pont et Troade, auxquels ont succédé les provinces romaines, les thèmes byzantins (mis en place par l’empereur Héraclius), puis les émirats turcs (réunis par l’Empire ottoman).

Comme l’Empire perse avec ses satrapies avant lui, l’Empire romain avec ses états-clients et ensuite ses provinces, a permis aux pouvoirs locaux d’exercer leurs pouvoirs sous protection militaire impériale, mais avec une assez grande autonomie. Les cultures locales, d’origines si diverses mais reliées par l’origine indo-européenne de la plupart des langues qui y étaient parlées, puis par l’hellénisme et plus tard par le christianisme, ont pu se développer tant sous la domination perse, que pendant la période hellénistique et ensuite durant la longue période romano-byzantine. L’empereur Constantin le Grand établit à Constantinople une nouvelle capitale pour l’Empire romain, qui devient l’empire d'Orient ou « Empire byzantin » après son partage.

Situé à l’extrémité occidentale de la route de la soie et des routes maritimes de l’encens, des épices et des pierres précieuses venant d’Asie, cet empire perdura après la chute de celui d’Occident en raison de sa grande prospérité et de l’habileté de ses dirigeants, mais c’est précisément sa richesse qui attira les convoitises des Perses, des Arabes, des Bulgares, des Russes, des Normands, des Croisés, des Vénitiens, des Génois et des Turcs qui finirent par épuiser l’empire, le morceler et le réduire à sa seule capitale Constantinople, au bout de près d’un millénaire de combats terrestres et maritimes. Ce sont les armées Seldjoukides, Danichmendides et Houlagides qui les premières s’emparèrent en 1071 de l’Anatolie centrale, ultérieurement partagée entre plusieurs émirats turcs, mais c’est l’empire turc le plus puissant : celui des Ottomans, qui porta le coup de grâce à l’Empire byzantin, quand le sultan Mehmed II prit Constantinople en 1453.

Par son système des milliyets, l’Empire ottoman permit aux populations, cultures et religions antérieures de se maintenir en Anatolie longtemps après 1453, et mit les anciennes sources de richesse de l’Empire byzantin, dont il avait hérité, à profit pour agrandir son territoire. Il devînt alors le plus puissant des états musulmans, allant des portes de Vienne en Autriche jusqu’au Yémen et au golfe arabo-persique, des steppes ukrainiennes jusqu’au Soudan africain, et des frontières du Maroc jusqu’à celles du Caucase ; ce fut aussi le seul état musulman à avoir pour vassaux des états chrétiens : les principautés danubiennes, situées dans le Dar el Ahd : "maison de la trêve" (en arabe : دار العهد). Si Constantinople était la capitale de cet immense empire, l’Anatolie en était le centre et le carrefour.

Après une période de décadence, l’Empire ottoman fut dépecé à la suite de sa défaite à l’issue de la Première Guerre mondiale, mais la guerre d'indépendance turque permit à Mustafa Kemal Atatürk de faire de l'Anatolie le cœur de la nouvelle République de Turquie, en battant les Grecs, en abolissant définitivement le sultanat ottoman en 1922, et en faisant reconnaître ses acquis en 1923. Ce n’est qu’à cette date, 470 ans après la prise de Constantinople et 852 ans après l’arrivée des Turcs en Anatolie, que le système des milliyets fut aboli et que furent expulsés les derniers représentants des populations antérieures aux Turcs. Depuis lors, la Turquie est devenue un État moderne qui n’a plus connu de guerre sur le territoire anatolien.

Néolithique

En raison de son emplacement au carrefour de l'Asie et de l’Europe, l’Anatolie a été le centre de plusieurs civilisations dès les temps préhistoriques. Des colonies néolithiques ont prospéré à Çatal Höyük, Çayönü, Nevalı Çori, Hacilar, Göbekli Tepe et Mersin.

Âge du bronze

Premier âge du bronze

À cette époque, la métallurgie du bronze s’est propagée à l'Anatolie en provenance de la culture kouro-araxe transcaucasienne à la fin du IVe millénaire av. J.-C. L’Anatolie est restée au stade préhistorique jusqu'à son entrée dans la sphère d'influence de l'Empire d'Akkad au XXIVe siècle av. J.-C. sous Sargon Ier. Les intérêts d'Akkad dans la région, dans la mesure où on peut les connaître, étaient liés à l'exportation de matériaux divers destinés à l’artisanat local[1]. L’Empire d'Akkad a souffert de changements climatiques défavorables en Mésopotamie, ainsi que d’une réduction de la main d’œuvre disponible, qui a affecté durablement le commerce. Cela a conduit au cours du XXIIe siècle av. J.-C. à la chute de l’Empire d'Akkad qui est passé aux mains des Goutéens[2].

Âge du bronze moyen

L’Ancien Empire assyrien, après avoir vaincu les Goutéens, a exercé ses prétentions sur les ressources de la région notamment l'argent. Une des nombreuses tablettes cunéiformes assyriennes retrouvées en Anatolie à Kültepe utilise un système avancé de calculs commerciaux et de lignes de crédit[1].

L’Ancien Empire hittite émergea à la fin de l'âge du bronze moyen, par la conquête d’Hattusa sous Hattushili Ier (XVIIe siècle av. J.-C.).

L’âge du bronze moyen anatolien a influencé la culture minoenne de Crète, comme en témoignent les fouilles archéologiques de Cnossos[3].

Âge du bronze tardif

Dessin d'une des premières gravure avec une écriture cunéiforme représentant un cortège hittite à Boğazkale, en Turquie.

L'Empire hittite fut à son apogée au XIVe siècle av. J.-C., époque où il englobait l'Anatolie centrale, le nord-ouest de la Syrie jusqu’à Ougarit, et la haute Mésopotamie. Kizzuwatna dans le sud de l'Anatolie contrôlait la région séparant le Hatti de la Syrie, ce qui affectait grandement les routes commerciales. La paix a été maintenue en accord avec les deux empires par des traités qui ont établi les limites de leurs zones d’influence. Il a fallu attendre le règne du roi hittite Suppiluliuma Ier pour que Kizzuwatna soit reprise en totalité, bien que les Hittites aient préservé leurs réalisations culturelles à Kummanni (maintenant Sar, en Turquie) et Lazawantiya, au nord de la Cilicie[4].

Après les années -1180, au milieu de la tourmente générale au Levant associée à l'arrivée soudaine des peuples de la mer, l'empire s'est désintégré en plusieurs cités-États « néo-hittites » indépendantes, dont certaines ont survécu jusqu'au VIIIe siècle av. J.-C. L'histoire de la civilisation hittite est surtout connue à partir des textes écrits en cunéiforme découverts dans les territoires de leur empire, et de la correspondance diplomatique et commerciale retrouvée dans différentes archives en Égypte et au Moyen-Orient.

Premier âge du fer

Phrygie, à l’apogée de sa puissance, et Assyrie, aux IXe – VIIe siècle av. J.-C.

Le royaume phrygien est apparu pour l'essentiel après la fragmentation de l'Empire hittite au cours du

, et a existé de manière indépendante jusqu'au VIIe siècle av. J.-C. Peut-être originaires de Thrace, les Phrygiens ont finalement installé leur capitale à Gordion (actuellement Yazılıkaya). Connus sous le nom de Mushki par les Assyriens, les Phrygiens possédaient un système de gouvernement qui n’était pas centralisé, mais avaient mis en place un vaste réseau de routes. Ils ont également fermement conservé une grande partie des différentes facettes de la culture hittite pour les adapter au fil du temps[5].

Nimbé du mythe et de la légende propagés par les auteurs grecs et romains de l’Antiquité, Midas fut le dernier roi du royaume phrygien. La mythologie du roi Midas tourne autour de sa capacité à transformer les objets en or par simple contact, pouvoir conféré par Dionysos, et du récit de sa mauvaise rencontre avec Apollon à la suite de laquelle ses oreilles se sont transformées en oreilles d'âne. Les chroniques historiques du roi Midas montrent qu'il a vécu entre 740 et 696 av. J.-C., et a gouverné la Phrygie en grand roi. La plupart des historiens le considèrent maintenant comme le roi Mita de Mushki ainsi que cela est noté dans les textes assyriens. Les Assyriens considéraient Mita comme un ennemi dangereux, suffisamment pour que Sargon II, leur dirigeant du moment, soit très heureux de négocier avec lui un traité de paix en 709 av. J.-C. Ce traité n'a pas eu d'effet sur la progression des Cimmériens, qui déferlaient en Phrygie, ont conduit le pays à la ruine et amené le suicide du roi Midas en 696 av. J.-C.[6].

Antiquité classique

Maeonie et royaume de Lydie

Pièce en Électrum datant du règne de Crésus, représentant un lion et un taureau. La Lydie a été la première civilisation connue à utiliser des pièces de monnaie.

La Lydie, ou Maeonie comme on l'appelait jusqu’en 687 avant J.-C., a joué dans l'histoire de l'Anatolie occidentale un rôle important, depuis la dynastie Atyad qui est apparue vers 1300 avant notre ère. La dynastie suivante, celle des Héraclides, est restée au pouvoir sans interruption de 1185 à 687 av.J.C. en dépit d’une influence croissante de la présence grecque sur la côte méditerranéenne. Alors que les villes grecques comme Smyrne, Colophon et Éphèse se développaient, les Héraclides sont devenus de plus en plus faibles. Le dernier roi, Candaule, a été assassiné par son ami et porteur de lance - du nom de Gygès qui l’a remplacé sur le trône. Gygès entra en guerre contre les intrus grecs, et fut bientôt confronté à un problème grave quand les Cimmériens ont commencé à piller les villes situées à la périphérie du royaume. C'est cette succession d'attaques qui ont conduit à l'incorporation de l'état indépendant, de Phrygie avec sa capitale Gordion dans l’orbite de la Lydie. Il en fut ainsi jusqu’au terme des règnes successifs de Sadyattès et Alyatte II, dans les années -560, lorsque les attaques des Cimmériens cessèrent définitivement. Sous le règne du dernier roi de Lydie, Crésus, la Perse a d’abord été envahie à la suite de la bataille de la Ptérie (bataille de l'Halys) qui se termina sans vainqueur. Progressant plus profondément en Perse, Crésus a ensuite été complètement défait à la bataille de Thymbrée et tomba sous la domination du roi de Perse, l’Achéménides Cyrus II dans les Années -540[7];

Empire Achéménide

Dans les années -550, l’Empire Mèdes d'Anatolie orientale, qui existait depuis à peine une centaine d'années, fut soudain déchiré par une rébellion perse. Comme le roi de Lydie, Crésus disposait de grandes richesses, il s'en servit pour passer à l'offensive contre le roi de Perse, Cyrus le Grand. En fin de compte, Crésus fut repoussé vers l'ouest et Cyrus a incendié la capitale Lydienne Sardes, avant de prendre le contrôle de la Lydie, dans les Années -540[8].

Le royaume encore indépendant d’Ionie ainsi que plusieurs villes de Lydie refusaient toujours de tomber sous la domination Perse et préparaient des défenses pour les combattre et demandèrent l'envoi d'une aide à Sparte. Comme aucune aide n’avait été promise, sauf pour envoyer un émissaire à Cyrus à titre d’avertissement, leurs positions ont été abandonnées et ils se sont soumis, ou enfuis comme les citoyens de Phocée partis en Corse ou les citoyens partis de Téos vers Abdère en Thrace[8].

Le site archéologique de Sardes, aujourd'hui connu sous le nom de Sart en Turquie.

L’Empire perse Achéménides, après sa fondation par Cyrus le Grand, a poursuivi son expansion sous le roi Perse Darius le Grand. À cette époque le système de gouverneurs locaux, connus sous le nom de satrapes a continué à être utilisé et perfectionné et d'autres améliorations administratives ont été réalisées. Une révolte de Naxos en 502 av.J.C. a incité Aristagoras de Milet à mettre au point un plan grandiose par lequel il donnerait une partie de la richesse de Naxos à Artapherne, satrape de Lydie, en échange de son aide pour mater la révolte. La défaillance d’Aristagoras, incapable de respecter sa promesse de récompense et son comportement hostile ont contrarié les Perses, à tel point qu'il a dû convaincre ses compatriotes ioniens de se révolter contre les Perses. Cette révolte, connue sous le nom de révolte de l'Ionie, se répandit à travers l'Anatolie et avec l’aide d’Athènes, Aristagoras a tenu bon pendant un certain temps, malgré la perte de la Bataille d'Éphèse. La destruction et l’incendie de Sardes en -498 a provoqué la colère de Darius à tel point qu'il a juré vengeance contre Athènes. Cet événement a entraîné des représailles contre Aristagoras, puisque l'armée perse a balayé l'Ionie, qui a été reprise ville par ville. Ce fut la bataille de Lade à proximité de Milet en -494 qui a mis, une fois pour toutes, un terme à la révolte de l'Ionie[9].

Bien que les Achéménides aient officiellement autorité sur les Cariens par l’intermédiaire d’un satrape, le souverain local nommé Hécatomnus tirait avantage de sa position. Il avait obtenu pour sa famille une certaine autonomie dans l’administration de la province en versant à l’empire perse un tribut régulier, en prenant bien garde que ses protecteurs ne le soupçonnent pas de les tromper. Son fils Mausole a continué dans la même voie, et développé sa politique sur les bases établies par son père. Il a d'abord transféré la capitale officielle de la satrapie de Milas à Halicarnasse, pour conférer à son royaume un avantage naval stratégique du fait que la nouvelle capitale se trouvait sur la mer. Sur cette terre, il a construit une forteresse et a œuvré pour construire une marine puissante. Il a habilement utilisé ce pouvoir pour assurer la protection des citoyens de Chios, Cos et Rhodes, quand ces cités ont proclamé leur indépendance par rapport à la ville d’Athènes en Grèce. Malheureusement, Mausole n'a pas vécu pour voir son projet pleinement réalisé, et son pouvoir échoir à sa veuve Artemisia. Le pouvoir local sur la Carie est demeuré dans la famille d’Hécatomnus pendant une vingtaine d'années jusqu’à l'arrivée d’Alexandre le Grand[10].

Période hellénistique

Alexandre avant la bataille d'Issos, son portrait le plus ressemblant

Alexandre le Grand

En -336, le roi Philippe de Macédoine a été tué de façon inattendue, ce qui fit de son fils Alexandre, qui était très populaire, le nouveau maître de la Macédoine. Il se mit aussitôt au travail, pour lever une force armée suffisamment grande pour monter une expédition contre les Perses, et rassembler une flotte suffisamment importante pour contrer les menaces de la puissante marine ennemie. En débarquant sur les rivages de l'Anatolie, près de Sestos dans la péninsule de Gallipoli en -334, Alexandre le Grand affronta d'abord l'armée perse à la Bataille du Granique, au cours de laquelle les Perses ont été mis en déroute. Utilisant cette victoire comme un tremplin pour d’autres succès, Alexandre tourna son attention vers le reste de la côte occidentale, pour libérer rapidement la Lydie, puis l’Ionie. La chute de Milet conduisit Alexandre à imaginer une brillante stratégie pour vaincre la marine perse en prenant successivement toutes les villes le long de la mer Méditerranée au lieu d'engager une bataille à très haut risque sur la mer. Après avoir éliminé cette menace, Alexandre le Grand se tourna vers l’intérieur des terres, traversant la Phrygie, la Cappadoce et enfin la Cilicie, avant d'atteindre les monts Amanus. Les éclaireurs d’Alexandre le Grand constatèrent que l’armée perse, commandée par le roi Darius III, avançait à travers la plaine d’Issos à la recherche d’Alexandre. À ce moment, Alexandre réalisa que le terrain était favorable à une armée plus petite, comme la sienne et il a engagé la Bataille d'Issos. L'armée de Darius a été écrasée par les Macédoniens, ce qui a entraîné non seulement une défaite humiliante pour Darius, mais aussi sa fuite sur l’autre rive de l’Euphrate, en abandonnant sa famille tombée aux mains d’Alexandre le Grand. Ainsi, l'Anatolie a-t-elle été libérée pour de bon du joug perse[10].

Guerres des Diadoques et démembrement de l’empire d’Alexandre

En juin -323, Alexandre meurt subitement, laissant le pouvoir vacant en Macédoine, remettant en cause tout ce qu'il avait construit en prenant beaucoup de risques. Du fait que son demi-frère, Philippe III Arrhidée s’est révélé incapable de gouverner efficacement en raison d'une invalidité grave, une succession de guerres connues sous le nom de Guerres des diadoques, se déclencha pour prendre possession de ses conquêtes. Perdiccas, un officier de cavalerie de haut rang, et plus tard Antigone, le satrape phrygien, prirent dans un premier temps, le dessus sur les autres prétendants à la succession d’Alexandre le Grand à la tête de l’empire d’Asie[1].

Ptolémée, gouverneur d'Égypte, Lysimaque et Séleucos, les plus puissants généraux d’Alexandre, consolidèrent leur position après la bataille d'Ipsos, au cours de laquelle leur rival commun Antigone avait été défait. L'ancien empire d’Alexandre a été partagé ainsi : Ptolémée obtint les territoires situés au sud de l’Anatolie, la plus grande partie de l’Égypte et du Levant, qui étaient regroupés pour former l 'Empire ptolémaïque ; Lysimaque contrôlait Anatolie occidentale et la Thrace, alors que Séleucos s’attribuait le reste de l’Anatolie qui prendrait le nom d’empire Séleucide. Seul le royaume du Pont a réussi à obtenir son indépendance en Anatolie sous Mithridate Ier du Pont, parce qu’il avait été l’ennemi d’Antigone[11].

Empire Séleucide

Séleucos Ier, Nicator fondateur de l'empire séleucide

Séleucos Ier au cours des 12 ans de son règne (de -299 à -287) a fondé une capitale digne de sa stature, nommée Antioche d'après le nom de son père Antiochus. Il a également porté ses efforts sur la création d'une grande armée permanente, et partagé son empire en 72 satrapies pour en faciliter l'administration. Après une période de relations pacifiques, une rupture s'est produite entre Lysimaque et Séleucos qui a conduit à une guerre ouverte en -281. Même si Séleucos a réussi à vaincre son ancien ami et à conquérir son territoire à la bataille de Couroupédion, cela lui a coûté la vie puisqu’il a été assassiné à Lysimachia par Ptolémée Kéraunos, futur roi de Macédoine[11].

Après la mort de Séleucos, l'empire qu'il laissait dut affronter de nombreuses tentatives de destruction, aussi bien par des forces intérieures et que par des attaques extérieures. Antiochos Ier a repoussé avec succès une attaque de Gaulois, mais en -262 n’a pu vaincre le roi de Pergame, Eumène Ier, garant de l 'indépendance de Pergame[12]. Antiochos II surnommé Theos, ou «le divin», a été empoisonné par sa première épouse, qui à son tour a été empoisonnée par Bérénice Phernophorus, seconde épouse d’Antiochos et fille de Ptolémée III. Le fils d’Antiochos II né de sa première épouse, Séleucos II, est devenu roi de Perse après cette tragédie. Cette tournure des événements a mis Ptolémée III très en colère et l’a conduit à envahir l'empire (Troisième Guerre syrienne) en -246. Cette invasion a abouti à la victoire de Ptolémée III à Antioche et Séleucie, et à la cession des terres de Phrygie à Mithridate roi du Pont en -245 comme cadeau de mariage[13].

Parthie et Pergame avant l’année 200

Des événements survenus à l'est ont montré la fragilité de l'Empire séleucide comme la révolte inspirée par les Bactriens en Parthie sous la direction de son satrape Andragoras en -245 qui a conduit à la perte de territoires limitrophes de la Perse. Cela s'accompagna d'une invasion inattendue du nord de la Parthie par des nomades Parni en -238 et une occupation ultérieure de l'ensemble de la Parthie par un de leurs chefs, Tiridate[14]. Antiochos II Séleucides n'a pas réussi à mettre fin à la rébellion, et un nouveau royaume a donc été créé, l'Empire parthe, sous le règne du frère de Tiridate, Arsace. La Parthie s’est étendue jusqu’à l’Euphrate à l’apogée de sa puissance[11].

Le royaume de Pergame sous la dynastie des Attalides était un royaume indépendant constitué après le règne de Philétairos par son neveu Eumène Ier. Eumène étendit Pergame en annexant des parties de la Mysie et de l’Éolide, et s’installa solidement dans les ports d’Elaia et de Pitane. Attale Ier, successeur d’Eumène Ier, est intervenu en dehors des limites de Pergame. Il a refusé de payer tribut aux Galates et gagné une guerre contre eux en 230 avant notre ère, puis défait Antiochos Hiérax 3 ans plus tard afin de s'assurer le contrôle de l'Anatolie des Séleucides. La victoire ne serait pas durable puisque Séleucos III a plus tard rétabli son pouvoir sur l’empire, mais Attale a été autorisé à garder le contrôle des anciens territoires de Pergame[15].

Le traité avec Attale s'est avéré être la dernière fois où les Séleucides ont eu un succès significatif en Anatolie, au moment où l'Empire romain se profilait à l'horizon. Après cette victoire, les héritiers de Séleucos III ne seront plus jamais capables d'agrandir à nouveau leur empire[1].

Période Romaine

Intervention Romaine en Anatolie

Pendant la deuxième Guerre punique, Rome avait été mise en difficulté en Espagne, en Afrique et en Italie, en raison d’une stratégie audacieuse d’Hannibal, le célèbre général carthaginois. Lorsque Hannibal a conclu une alliance avec Philippe V de Macédoine en -215, Rome a envoyé une petite force navale à la Ligue étolienne pour éloigner Hannibal vers l'Est et s’opposer à l’expansion macédonienne dans l'ouest de l'Anatolie. Attale Ier de Pergame, en passant par Rhodes, est allé à Rome pour convaincre les Romains que la guerre contre la Macédoine était absolument nécessaire. Le général romain Titus Quinctius Flamininus a non seulement battu à plate couture l'armée de Philippe à la bataille de Cynoscéphales en -197, mais a aussi donné de l'espoir aux Grecs quand il a déclaré que Rome souhaitait qu'il existe une Grèce autonome et des cités grecques en Anatolie[1].

l’Anatolie après le traité d'Apamée en -188.

Au cours de la période qui a suivi la victoire de Rome, la Ligue étolienne a réclamé une part du butin après la défaite de Philippe, et a demandé à participer à une expédition avec Antiochos III Séleucides pour l'obtenir. Malgré les avertissements lancés par Rome, Antiochos a quitté la Thrace et s'est aventuré en Grèce, en décidant de s'allier à la Ligue. Cette provocation était intolérable pour les Romains qui l’ont sévèrement battu en Thessalie aux Thermopyles et Antiochos s’est retiré en Anatolie près de Sardes[1]. Combinant ses forces avec celles des Romains, Eumène II de Pergame a affronté Antiochos à la Bataille de Magnésie en 189 avant notre ère. À cette occasion Antiochos fut battu par une violente charge de cavalerie lancée par les Romains et une manœuvre de débordement d’Eumène.

En raison du traité d'Apamée dès l'année suivante, Pergame a annexé tous les territoires séleucides au nord des monts Taurus et tout ce qui restait a été donné à Rhodes. Ce qui était en apparence une grande récompense causerait la chute d’Eumène et de son pouvoir royal, car après que Pergame eut défait Prusias Ier de Bithynie et Pharnace Ier du Pont, il s’immisça trop profondément dans les affaires de Rome et le sénat romain s’en est alarmé. Lorsque Eumène voulut réprimer une invasion des Galates en -184, Rome l’a privé de sa victoire en les libérant, fournissant ainsi un signal fort indiquant que l’autonomie du roi de Pergame était désormais limitée[16].

L’Anatolie avant la Première guerre de Mithridate, en -90.

L'intérieur de l'Anatolie était resté relativement stable malgré des incursions occasionnelles des Galates jusqu'à l'avènement des royaumes du Pont et de Cappadoce au IIe siècle av. J.-C.. Sous Ariarathe IV la Cappadoce s’était d’abord alliée aux Séleucides dans leur guerre contre Rome, mais le roi s’est vite ravisé et a rétabli de bonnes relations avec les Romains par une politique de mariages et une conduite exemplaire. Son fils, Ariarathe V, a poursuivi à la suite de son père une politique d'alliance avec Rome et s’est même joint à eux dans la bataille contre Prusias Ier de Bithynie juste avant sa mort en 131 avant notre ère. Le Pont était un royaume indépendant depuis le règne de Mithridate quand la menace de la Macédoine avait disparu. Malgré plusieurs tentatives des Séleucides pour annexer le Pont, son indépendance a été préservée. Quand Rome s'est immiscé dans les affaires de l'Anatolie sous Pharnace Ier, une alliance s’est formée pour assurer la protection du royaume. L’autre grand royaume d'Anatolie, la Bithynie, fondé par Nicomède Ier à Nicomédie, a toujours gardé de bonnes relations avec Rome. Même sous le régime haï de Prusias II de Bithynie quand les relations étaient tendues, cela ne causa pas trop de problèmes[11].

La domination de Rome en Anatolie différait du gouvernement de toutes les autres parties de l’empire en raison d’une organisation plus légère de l’administration. Le contrôle des éléments instables de la région est devenu plus facile après le legs de Pergame aux Romains par son dernier roi, Attale III en -133. Ce nouveau territoire a été nommé la province d’Asie par le consul Romain Manius Aquilius[16].

Les guerres de Mithridate

L’Anatolie après sa division par Pompée, en 63 avant J.-C..

Les guerres de Mithridate furent précédée par des luttes intestines qui ont attiré Rome dans une guerre contre des rebelles italiens connue sous le nom de guerre sociale en -90. Mithridate VI du Pont a pensé que le moment était propice pour libérer l'Anatolie pendant que Rome était occupée ailleurs, et il envahit la Bithynie. Bien qu'il eût retiré ses troupes en réponse à l’ultimatum de Rome, il n’accepta pas toutes les exigences romaines. En conséquence, Rome encouragea la Bithynie à attaquer le Pont, mais la Bithynie, fut défaite[17]. Puis Mithridate entra dans la province romaine d’Asie, où il persuada les Grecs d’abattre le plus grand nombre possible d’Italiens (les Vêpres romaines). Malgré une lutte pour le pouvoir au sein de la république de Rome elle-même, le consul Sylla s’est rendu en Anatolie pour vaincre le roi du Pont. Sylla l'a battu et, après le traité de Dardanos, Mithridate n’a gardé que le seul territoire du Pont[1].

En -74, un autre royaume anatolien est passé sous le joug des Romains lorsque Nicomède IV de Bithynie a ordonné qu’il leur soit légué après sa mort. Peu de temps après que la Bithynie fut devenue une province romaine, Mithridate VI tenta une fois de plus de l’envahir pour acquérir davantage de territoires. Rome envoya cette fois le consul Lucius Licinius Lucullus pour reprendre le contrôle de la province. L'expédition s’est révélée positive puisque Mithridate a été refoulé vers les montagnes[1].

L'échec de Lucius Licinius Lucullus à débarrasser Rome une fois pour toutes de Mithridate lui a valu à son retour au pays, beaucoup de critiques, dont certaines étaient suscitées par le consul romain Pompée. Une menace des pirates sur l'approvisionnement en nourriture des Romains de la Mer Égée avait fait une fois de plus de Pompée un homme politique de premier plan, et cela provoqua son retour en Cilicie. Les pouvoirs accordés à Pompée, après son dernier succès lui permirent de ne pas se contenter de chasser Mithridate vers le Bosphore, mais également de faire de l’Arménie voisine un Royaume-client. En fin de compte, Mithridate se suicida en 63 avant J.-C., et sa disparition permit à Rome d’ajouter à ses possessions le Pont devenu protectorat, en plus de la Cilicie devenue province romaine[1]. En dehors de l’orbite romaine il ne restait plus que la Galatie, la Pisidie et la Cappadoce, toutes trois régies par Amyntas, et rassemblées dans le dernier Royaume qui ne fut pas un protectorat ou une province romaine. Cependant, en -25, Amyntas mourut, en poursuivant des ennemis dans les Monts Taurus, et Rome a réclamé ses terres pour en faire une province, faisant ainsi passer l'Anatolie en totalité entre les mains de Rome[18].

Le christianisme en Anatolie à l’époque romaine

L’influence juive en Anatolie changea la composition religieuse de la région alors que Rome consolidait son pouvoir. Aux environs de -210, Antiochos III de la dynastie des Séleucides avait réinstallé 2.000 familles juives de Babylone en Lydie et en Phrygie, et ce genre d'émigration se poursuivit tant que dura l'Empire. D'autres indices permettant de confirmer l'influence juive dans la région ont été fournis par Cicéron, qui a noté qu’un gouverneur romain avait interrompu le versement du tribut envoyé à Jérusalem par les Juifs en -66, et la lettre d’Éphèse, où le peuple exhortait Agrippine d’expulser les Juifs parce qu'ils ne participaient pas à leurs activités religieuses[19].

L’expansion du christianisme en Anatolie devint évidente au début du Ier siècle. Les lettres de l’apôtre Paul dans le Nouveau Testament témoignent de cette tendance, particulièrement dans sa province natale d'Asie. De sa maison où il habitait à Éphèse de 54 à 56, il nota que « tous ceux qui demeuraient en Asie ont entendu la parole » et il a vérifié l'existence d'une église à Chônai, ainsi qu’à Troade. Plus tard, il reçut des lettres de Nome de Magnésie et d’Aydın, villes qui toutes deux avaient déjà des églises, des évêques et des représentants officiels qui avaient soutenu Ignace de Syrie. Après les références à ces institutions de l’Apôtre, les Révélation de la Bible mentionnent les Sept Églises d'Asie : (Éphèse, Nome de Magnésie, Thyateira, Smyrne, Alaşehir, Pergame et Laodicée)[19]. Même des non-chrétiens ont commencé à avoir connaissance de la nouvelle religion. En 112, le gouverneur romain de la 112, écrit à l'empereur romain Trajan que beaucoup de personnes différentes commencent à affluer vers le christianisme, et que les temples se vident[20].

L’Anatolie le IVe siècle : La paix troublée par les Goths

La Porte d’Auguste à Éphèse, en Turquie a été construite pour honorer l'empereur Auguste et sa famille. Elle mène aux rues commerciales où les marchandises étaient vendues.

À partir du règne d’Auguste jusqu'à celui de Constantin, l'Anatolie a connu une paix relative qui en a fait une région en expansion. L'empereur Auguste a annulé toutes les dettes dues à l'Empire romain par les provinces et les protectorats de la région, ce qui a rendu possible de grands progrès. Des routes ont été construites pour relier les grandes villes afin d'améliorer le commerce et le transport, et l'amélioration des rendements agricoles a enrichi toute la population. L’installation de nouveaux arrivants a été encouragée, et les gouverneurs locaux renoncent à une fiscalité qui ferait porter un fardeau trop lourd sur le peuple. La paix et la prospérité permettant des progrès scientifiques et techniques, les progrès architecturaux évitèrent que les violents tremblements de terre qui secouaient la région soient responsables de trop grandes tragédies, et une aide était accordée par le gouvernement romain et par les autres provinces. Un système de sémaphores et de relais de poste permettait d’acheminer rapidement les nouvelles, les secours et les décisions, tandis que l’adduction d’eau, l’irrigation, la culture en terrasses et l’évacuation des eaux usées font de grands progrès. L’usage du savon, produit en masse à Béroé en Syrie, améliore l’hygiène, diminue la mortalité infantile et augmente la longévité. Tout cela a produit certains scientifiques parmi les plus respectés de cette période : le philosophe Dion de Pruse de Bithynie, un grand nom de la médecine en la personne de Galien de Pergame, et les historiens Memnon d'Héraclée et Dion Cassius de Nicée[21].

La paix romaine est troublée par un nouvel ennemi attiré par la prospérité de l’Anatolie, les Goths, installés vers le milieu du IIIe siècle à l’ouest et au nord de la Mer Noire (Wisigoths dans les actuelles Roumanie et Moldavie, Ostrogoths dans l’actuelle Ukraine). Comme leurs premières tentatives d’incursion vers l’Europe centrale et l’Italie à travers les Balkans ont été stoppées par les Romains, les Goths se sont rabattus sur l’Anatolie en utilisant les navires capturés sur le Danube (flotte nommée classis) et autour du « Bosphore cimmérien », grâce auxquels ils traversèrent la Mer Noire en 256 pour piller la métropole côtière de Trébizonde et le Pont dont les habitants s’enfuirent vers l’intérieur des terres. Les navires capturés dans le Pont permirent aux Goths une seconde invasion, cette fois en Bithynie, tant sur la côte que loin vers l’intérieur. Les Goths mirent à sac Chalcédoine, Nicomédie, Brousse, Apamée, Cios et Nicée. Seules les tempêtes automnales les empêchèrent d’étendre leurs ravages ailleurs. Les Goths lancèrent l’été suivant une troisième attaque, ne prenant pas le risque d’attaquer Byzance ni Gallipoli, mais passant les détroits sans encombre pour ravager non seulement la côte égéenne de l’Anatolie, mais aussi la Grèce et même l’Italie du sud. Bien que les Romains aient fini par les repousser sous l’empereur Valérien, cela n'a pas empêché les Goths de détruire pour une première fois le temple de Diane à Éphèse et de saccager la ville elle-même en 263[22].

Empire Byzantin

L’Empire romain d’Orient

Icône représentant Constantin comme un saint parmi d'autres à Nicée en 325, ainsi que le symbole de Nicée.

L'instabilité persistante de l’Empire romain l’a peu à peu rendu de plus en plus difficile à contrôler en entier. Lors de son accession au trône en 330, l'empereur Constantin prit la décision audacieuse de rompre avec Rome et fonder une nouvelle capitale, située dans la vieille ville de Byzance, connue plus tard sous le nom de Constantinople après avoir été renforcée et améliorée par l'empereur, afin d'assurer une meilleure défense de toute la région. Ce qui a ajouté au prestige de la ville a été la conversion de Constantin au Christianisme. Il a accueilli les évêques et d’autres personnalités religieuses pour l’aider à gouverner l'empire, et il est personnellement intervenu au premier concile de Nicée pour prouver sa sincérité.

Au cours des quarante années qui ont suivi la mort de Constantin en 337 s’est déroulée une lutte de pouvoir entre ses descendants pour le contrôle de l'empire. Ses trois fils, Constantin II, Constant Ier et Constance ont été incapables de coexister pacifiquement dans un règne commun, et ils ont finalement eu recours à la violence pour mettre fin à leur accord. Peu de temps après la prise du pouvoir, une purge a commencé parmi leurs partisans et le sang des descendants de Constantin a coulé. Finalement Constans, le dernier venu, a tué Constantin II près d’Aquilée, mais il fut ensuite lui-même enlevé et assassiné par sa propre armée. Constance II restait donc le seul empereur des Byzantins, mais même cela ne dura pas. Malgré l'appui de son cousin Julien commandant des armées en Gaule, les événements ont bientôt conduit Julien à ignorer les ordres de Constantin, à se déplacer vers l'est avec ses armées et à se diriger tout droit vers Constantinople pour revendiquer la pourpre impériale. La mort de Constance II à Tarse a abouti à un transfert pacifique du pouvoir en 361. Julien n'a survécu qu’un an et demi avant d’être terrassé par une lance perse, mais pendant ce temps il a essayé de revenir sur les avancées que le christianisme avait obtenu depuis la fondation de l'empire. Cependant sur son lit de mort, il est censé avoir dit « Tu as vaincu, Galiléen . », une référence à sa foi chrétienne[23].

Les invasions barbares et leurs effets dévastateurs sur l’Empire romain d’Occident, ont eu des conséquences en Orient. Après le court règne de l’empereur Jovien et un règne conjoint sur les deux empires de Valentinien II en Occident et de Valens en Orient, le jeune empereur Gratien a pris ce qui s’est révélé être une décision très heureuse. Il a choisi un général très populaire, Théodose, pour régner avec lui comme coempereur, en lui donnant autorité sur tous les domaines de l'empire byzantin en 379. Cela s'est avéré être une sage décision en ce qui concerne la survie de son pouvoir nouvellement obtenu, car il s’est mit aussitôt à remédier aux divisions religieuses qui avaient émergé du fait de l'insécurité des dernières années. La pratique de l’Arianisme et des rites païens ont été interdits, et les règles établies par Constantin à Nicée ont été restaurées par la loi. En 395, l'année où l 'Empire romain a été officiellement divisé en deux et où le bien nommé Théodose le Grand est mort, l'Orient était si puissant qu'il ne pouvait désormais plus être considéré comme un égal[22].

L’Empire Byzantin à son apogée

La themata de l'Empire byzantin à la mort de Basile II en 1025.

Justinien a réussi à reconquérir en partie l'Empire d'Occident, en chassant les Ostrogoths d'Italie, les Vandales d'Afrique du Nord et en reprenant le sud de l'Hispanie aux Wisigoths, tout en supprimant les pressions internes et externes. Par la suite, pour faire face aux menaces perses, arabes et turques, l'Anatolie est organisée sous l'Empereur Héraclius en themata (thèmes, qui ont duré jusqu'en 1071 lorsque l'Empire byzantin a perdu l'Anatolie.

Les croisades et leurs conséquences

Les quatre croisades qui ont traversé l'Empire byzantin ont gravement déstabilisé son pouvoir, et conduit à un affaiblissement dont il ne s'est jamais relevé. Les États nouvellement formés par les Latins et les Turcs ont progressivement rogné l'empire, au point que la prise de Constantinople qui a finalement eu lieu en 1453 n’était plus qu'une question de temps.

La période turque (depuis 1071)

La période Seldjoukide (1071-1243)

La conquête de l'Anatolie par les peuples turcs et la montée en puissance de l'Empire Seldjoukide a commencé au XIe siècle[24]. Diverses influences se font dès lors sentir en Anatolie : celles des autochtones byzantins bien sûr, dont les Turcs héritent l'architecture, les thermes (désormais appelés bains turcs), les savoirs, la cuisine, la musique, mais aussi celles des Turcomans, des Perses et des Mongols.

Période des beylicats (1243-1340)

La période des beylicats ou des principautés d’Anatolie[25], se divise en deux périodes :

  • la première période se situe au XIe siècle lorsque de petits émirats turcs dirigés par un bey s’installent, jusqu’à la domination de la région par le sultanat seldjoukide de Roum. On connaît très peu de choses du XIIe siècle dans cette région. L’Est de l’Asie Mineure était effectivement divisé en deux principautés, Erzincan et Erzurum, qui étaient dirigées par les dynasties des Danichmendides, des Houlagides et des Saltukides[26]. En 1260, les Mongols ont détenu la réalité du pouvoir sur l'Anatolie[27]. Les Baïdju ont supplantés les Seldjoukides en 1243 et sous les ordres d’Houlagou Khan, ils se sont déplacés vers le centre de l'Anatolie avec leurs guerriers en 1256 ;
  • la seconde période débute pendant la deuxième moitié du XIIIe siècle lors du déclin du sultanat de Roum : les beylicats les plus puissants résistent jusqu’à la fin du XVe siècle puis sont intégrés à l’empire ottoman.

Le dernier gouverneur mongol de Roum fut Eretnides, un officier d’origine Ouïghours, en 1323-1335.

Période ottomane (1340-1922)

L’empire ottoman met en place sa propre organisation, qu'il remanie plusieurs fois. La mise en place de l'administration s'est déroulée en deux phases:

  • la première est liée à la construction de l'Empire et a évolué avec sa montée en puissance ;
  • la seconde est due aux vastes -réformes administratives de 1864 et s'est terminée avec la dissolution de l'Empire en 1922.

Au début de leur expansion, les Ottomans se heurtent aux Mongols et aux Karamanides. La conquête ottomane de l'Anatolie a connu un épilogue en 1453 par la prise de Constantinople (l'actuelle Istanbul). Ses habitants ont eu plusieurs croyances religieuses, allant du judaïsme, au christianisme et à Islam, mais comme les non-musulmans devaient payer un impôt supplémentaire, le haraç, et subir l’enlèvement des garçons pour le corps des janissaires, la majorité de la population anatolienne passa progressivement à l’islam et à la langue turque. Par ailleurs beaucoup de Juifs séfarades immigrèrent d’Espagne et du Portugal, après l’expulsion des Juifs et des Musulmans durant la Reconquista espagnole en 1492 ; ils absorbèrent la majorité des Juifs byzantins locaux, tandis qu’une minorité préféra se convertir à l’islam : ce sont les Avdétis[28].

Le phare de Chélidoine en Anatolie méridionale.
Les langues parlées en Anatolie en 1910.

L’Anatolie resta multi-ethnique jusqu’au début du XXe siècle (voir Déclin et chute de l'Empire ottoman). Ses habitants eurent des origines ethniques variées : turques, arméniennes, kurdes, grecques, et même françaises et italiennes (venus en particulier de Gênes et de Venise) ; ils vivaient sous le régime des milliyets (pour les sujets du sultan ottoman) et des capitulations (pour les occidentaux). Pendant et après la Première Guerre mondiale, les génocides arménien, assyrien et grec pontique et les expulsions conformes au traité de Lausanne de 1923 réduisent radicalement cette mosaïque : en moins de dix ans les minorités non-musulmanes passent de 16 % à 2 % de la population turque. L’Empire ottoman s'effondre à l'issue de la Première Guerre mondiale et laisse place à la République turque sous l'égide de Mustafa Kemal Atatürk.

Turquie moderne (de 1923 à nos jours)

Les débuts officiels de la République de Turquie datent du 29 octobre 1923, le fondateur et premier dirigeant étant Mustafa Kemal Atatürk. L'occidentalisation était l’objectif principal de Kemal Atatürk, aussi le gouvernement a-t-il été complètement réformé pour acquérir une structure laïque, le fez ottoman (symbole de la soumission au sultan) a été interdit, les droits politiques ont été accordés aux femmes, et surtout une nouvelle écriture basée sur l’alphabet latin a été créée (l’empire écrivait auparavant en caractères arabes)[29]. Si Mustafa Kemal a pu mener de telles réformes, qui jamais n'auraient pu être acceptées sous l’Empire ottoman dont le sultan était commandeur des croyants, c'est parce qu'il était auréolé du titre d’Atatürk ("père des turcs"), pour avoir gagné la guerre d'indépendance turque et sauvé le pays en négociant le nouveau traité de Lausanne dans un sens beaucoup plus avantageux pour la Turquie, et en abolissant ainsi le Traité de Sèvres de 1918 qui dépeçait l'Empire et mettait sous tutelle des Alliés le peu qui restait (l'Anatolie occidentale et Constantinople) avec pour perspective la partition définitive et la colonisation.

Notes

  1. a b c d e f g h et i (en) Charles Freeman, Egypt, Greece and Rome: Civilizations of the Ancient Mediterranean, Oxford, Oxford University Press, , poche (ISBN 978-0-19-872194-9, LCCN 96005464) Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Freeman » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  2. (en) H.W.F. Saggs, Babylonians, Berkeley, University of California Press, , poche (ISBN 978-0-520-20222-1)
  3. C. Michael Hogan, Knossos fieldnotes, Modern Antiquarian (2007)
  4. (en) John David Hawkins, Corpus of Hieroglyphic Luwian Inscriptions, Walter de Gruyter, (ISBN 978-3-11-014870-1)
  5. (en) Garance Fiedler, « Phrygia » (consulté le )
  6. (en) Encyclopaedia Brittanica Online, « The legends and the truth about King Midas » (consulté le )
  7. (en) Max Duncker, The History of Antiquity, Volume III, Richard Bentley & Son,
  8. a et b (en) George Willis Botsford, Hellenic History, The Macmillan Company, Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Botsford » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  9. (en) « The Works of Herodotus », MIT (consulté le )
  10. a et b (en) John Bagnell Bury, A History of Greece to the Death of Alexander the Great, Macmillan, Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Bury » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  11. a b c et d (en) George Rawlinson, Ancient History: From the Earliest Times to the Fall of the Western Empire, The Colonial Press, Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Rawlinson » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  12. (en) Edwyn Robert Bevan, The House of Seleucus, E. Arnold,
  13. (en) Jona Lendering, « Appian's History of Rome: The Syrian Wars » (consulté le )
  14. (en) Jona Lendering, « Parthia » (consulté le )
  15. (en) Simon Hornblower, Antony Spawforth, The Oxford Classical Dictionary, Oxford University Press,
  16. a et b Hornblower(1996).
  17. H H Scullard, From Grachi to Nero p76
  18. Stephen Mitchell, Anatolia: Land, Men, and Gods in Asia Minor, Oxford University Press, , p. 41
  19. a et b (en) W. M. Ramsay, The Letters to the Seven Churches of Asia, Hodder & Stoughton,
  20. (en) Charles George Herbermann, The Catholic Encyclopedia, Robert Appleton Co., , p. 788–789
  21. (en) Theodor Mommsen, The History of Rome: The Provinces, from Caesar to Diocletian, Charles Scribner's Sons,
  22. a et b (en) Edward Gibbon, The Decline and Fall of the Roman Empire, William Benton, , p. 105–108 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Gibbon » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  23. (en) John Julius Norwich, A Short History of Byzantium, Vintage Books,
  24. Britannica map. Anatolia: Rum sultanate and Seljuq empire, c. 1080-1243
  25. En turc : Anadolu Beylikleri, Les beylicats d’Anatolie
  26. Cahen, p. 106
  27. Encyclopedia of Mongolia and Mongol Empire, See: Turkey and Mongol Empire
  28. jewishgates.com
  29. (en) John Kinross, Atatürk: A Biography of Mustafa Kemal, Father of Modern Turkey, Phoenix Press, (ISBN 978-1-84212-599-1)

Références

Sources principales

  • Appian. History of Rome: The Syrian Wars.
  • Herodotus. The Works of Herodotus.

Sources secondaires

Livres

  • Bevan, Edwyn Robert (1902). The House of Seleucus. E. Arnold.
  • Botsford, George Willis (1922). Hellenic History. The Macmillan Company.
  • Bury, John Bagnell (1913). A History of Greece to the Death of Alexander the Great. Macmillan.
  • Duncker, Max (1879). The History of Antiquity, Volume III. Richard Bentley & Son.
  • Freeman, Charles (1999). Egypt, Greece and Rome: Civilizations of the Ancient Mediterranean. Oxford University Press. (ISBN 0198721943).
  • Gibbon, Edward (1952). The Decline and Fall of the Roman Empire. William Benton.
  • Hawkins, John David (2000). Corpus of Hieroglyphic Luwian Inscriptions. Walter de Gruyter. (ISBN 3-11-014870-6).
  • Herbermann, Charles George (1913). The Catholic Encyclopedia. Robert Appleton Co.
  • Hornblower, Simon; Antony Spawforth (1996). The Oxford Classical Dictionary. Oxford University Press.
  • Kinross, John (2001). Atatürk: A Biography of Mustafa Kemal, Father of Modern Turkey. Phoenix Press. (ISBN 1-84212-599-0).
  • Mommsen, Theodor (1906). The History of Rome: The Provinces, from Caesar to Diocletian. Charles Scribner's Sons.
  • Ramsay, W.M. (1904). The Letters to the Seven Churches of Asia. Hodder & Stoughton.
  • Rawlinson, George (1900). Ancient History: From the Earliest Times to the Fall of the Western Empire. The Colonial Press.
  • Saggs, H.W.F. (2000). Babylonians. University of California Press. (ISBN 0-520-20222-8).

Articles Internet

  • Encyclopaedia Brittanica Online, The legends and the truth about King Midas.
  • Jona Lendering, Parthia. Retrieved on 2007-10-16.
  • J.D. Hawkins, Evidence from Hittite Records. Retrieved on 2007-10-18.
  • Garance Fiedler, Phrygia. Retrieved on 2007-10-19.
  • Science Daily(June 18, 2007), Ancient Etruscans Were Immigrants From Anatolia, Or What Is Now Turkey. Retrieved on 2007-10-18.

Liens externes