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Libération (journal)

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Libé
Image illustrative de l’article Libération (journal)

Pays France
Langue Français
Périodicité Quotidienne
Format Tabloïd
Genre Presse nationale, journal d'opinion
Prix au numéro 2,50 €
3,50 € le samedi et le dimanche
Diffusion 71 450[1] ex. (2019 en augmentation +6,26 %)
Fondateur Jean-Paul Sartre, Serge July, Philippe Gavi, Bernard Lallement
Date de fondation (51 ans)
Éditeur SARL Libération[2]
Ville d’édition Paris

Propriétaire Fonds de dotation[3]
Directeur de publication Dov Alfon[4],[2]
Directeur de la rédaction Dov Alfon[4],[2]
Rédacteur en chef Guillaume Launay (Internet)
Christophe Boulard (technique)
Michel Becquembois (édition)
Sabrina Champenois (société)
Christian Losson (enquêtes)
ISSN 0335-1793
ISSN (version électronique) 2262-4767
Site web www.liberation.fr

Libération est un quotidien français paraissant le matin, disponible également dans une version en ligne.

Fondé sous la protection de Jean-Paul Sartre et Maurice Clavel, le journal paraît pour la première fois le et reprend le nom d'un titre de presse créé en 1927 par le libertaire Jules Vignes, nom qui sera également celui d'un des journaux de la Résistance dirigé par Emmanuel d'Astier de La Vigerie.

Situé à l'extrême gauche à ses débuts, Libération évolue vers la gauche socialiste à la fin des années 1970 après la démission de Jean-Paul Sartre en 1974. Au XXIe siècle, le journal se situe dans une lignée sociale-démocrate et libérale.

Libération est aujourd'hui détenu par un fonds de dotation créé à partir de Altice Média, un groupe détenu par le milliardaire français Patrick Drahi.

Histoire

Vue depuis la terrasse du journal lorsqu'il était au 11 rue Béranger.

Libération no 1, première époque : Jean-Paul Sartre

Projet de journal

En 1972, Jean-Claude Vernier, ancien élève de l'École centrale de Paris et militant maoïste, rencontre au siège du quotidien Paris Jour, alors en grève et occupé par ses salariés, Jean-René Huleu, journaliste hippique, qui imprime, sur place, un bulletin quotidien appelé Pirate afin de rendre compte des luttes ouvrières de la région (affaire de Bruay-en-Artois), ou des répressions policières (affaire Alain Jaubert)[5]. Jean-Claude Vernier, qui cogère déjà avec Maurice Clavel l’Agence de presse Libération (Agence de presse APL, agence de presse créée le sur le modèle du Centre Landry animé par Pierre Vidal-Naquet lors de la guerre d'Algérie ou du Liberation News Service (en), agence de presse underground des révolutionnaires américains[6]), en rapporte à Paris l'idée d'un journal populaire de gauche. Le projet est repris par Benny Lévy, dirigeant de la Gauche prolétarienne, afin de relancer son mouvement qui était en train de s'étioler.

Le , une réunion préparatoire au lancement d'un nouveau quotidien nommé Libération se tient à Paris. Cinq personnes s'y trouvent rassemblées autour de deux tables accolées : Jean-Paul Sartre, Jean-Claude Vernier, Jean-René Huleu, Serge July et Philippe Gavi. Claude Mauriac, qui a été convié à cette réunion, raconte la séance dans son journal[7].

Fondation du journal

En février 1973, Jean-Paul Sartre, Serge July, Philippe Gavi, Bernard Lallement et Jean-Claude Vernier fondent le journal Libération. Un manifeste, rendu public le 3 février, constitue la charte politique du journal dont la doctrine devait être « Peuple, prends la parole et garde-la ». Le quotidien se veut sans publicité ni actionnaires financiers.

Un premier numéro de quatre pages paraît le lundi , avec cette profession de foi, en encadré : « La politique pour Libération, c'est la démocratie directe. Aujourd'hui, élire un député, c'est vouloir que le peuple ne dise son mot, qu'une fois tous les cinq ans. Et encore, pendant ces quatre années, « l'élu du peuple » peut-il faire ce qu'il veut ? Il n'est pas placé sous le contrôle de ses électeurs ; il ne représente que lui-même. Mais si des gens du peuple veulent dire pourquoi ils voteront, ils pourront le faire dans Libération. Cette forme de débat est possible dans les colonnes du journal. Pour sa part, l'équipe de Libération refuse de cautionner un système qui coupe la parole au peuple. ».

Un autre quatre pages paraît le , lançant une souscription pour le financement « d’un organe quotidien entièrement libre ». Le , Libération sort pour la première fois régulièrement en kiosque au prix de 0,80 franc[8].

Jean-Paul Sartre et Jean-Claude Vernier sont les premiers directeurs de publication du journal. Ils le restent jusqu’à leur démission le pour désaccord avec Serge July, qui leur succède. La direction artistique du journal est assurée par Antonio Bellavita[9].

Libération encourage à cette époque tous les combats des opprimés. Quand les travailleurs de Lip, menacés de licenciement, occupent leurs usines, Libération titre en première page « Travailleurs, vous pouvez faire de même ».

De 1973 à 1981, Libération est dirigé par ses salariés ; il y a un salaire unique pour tous et toutes les décisions importantes sont prises par l'assemblée générale des salariés, à la majorité des voix.

Arrivée des journalistes culturels d'Actuel

En , le journal salue la victoire des Khmers rouges en plaçant en une : « Phnom Penh : sept jours de fête pour une libération »[10].

La seconde partie de l'année est marquée par un événement important, la fermeture du magazine Actuel en (no 58), d'une façon inattendue puisque le journal se saborde, estimant ne pas se renouveler et ne rien avoir à dire dans l'immédiat, alors qu'il s'agit de la première année où il est bénéficiaire[11]. Référence dans le domaine culturel, le magazine Actuel voit nombre de ses journalistes rejoindre Libération où ils vont constituer l'ossature d'un service culturel qui donne de nouvelles perspectives à un journal jusque-là resté très axé sur le militantisme politique et social.

Croissance des ventes en 1976-1977

Le , le journal cesse sa bienveillance envers l'action violente et le terrorisme d'extrême gauche lorsqu'il publie, à la suite de la mort suspecte en prison des membres de la Fraction armée rouge Gudrun Ensslin et Jan-Carl Raspe, « RAF-RFA : la guerre des monstres », ce qui provoque la rupture avec ses lecteurs autonomes[12], qui envahissent les locaux, se heurtant à la direction du journal.

Malgré cela, en 1977, le journal a vendu en moyenne 30 000 exemplaires[13], soit une hausse de 31% sur 1976[13], année qui avait déjà vu une progression de 51 % par rapport à 1975[13], soit un doublement en deux ans par rapport aux 15 000 exemplaires de 1975. Cela lui permet de continuer à embaucher tout en affichant un modeste bénéfice de 10 101 francs pour 1977[13].

Concurrence accrue et pertes de 1978

En 1978, le quotidien se retrouve pour la première fois[14] en perte, pour 11 % de son chiffre d'affaires 1978[14]. Il est alors déclaré "non-viable" car il ne tire qu'à 37 000 exemplaires, loin des 50 000 nécessaires pour équilibrer son budget[14].

Libération subit en effet une pression sur les prix de vente due à la concurrence de trois rivaux, Le Matin de Paris, fondé le [15], The Paris Metro[16] créé à l'été 1977 et Rouge, devenu quotidien du au . Ce dernier attaque violemment Libération en dénonçant l'éditorial de Serge July[13] écrit pour le cinquième anniversaire de Mai 68 et l'accuse d'être un fossoyeur de Mai 68[13] car ce dernier a annoncé un désir de tourner la page. Peu avant, une polémique virulente a aussi opposé le journal au mouvement féministe de Gisèle Halimi, Choisir la cause des femmes, célèbre depuis le Procès de Bobigny de 1972, qui s'est plaint de la couverture par Libération du procès à Aix-en-Provence du viol de deux touristes belges quatre ans plus tôt à Marseille[13]. Le journal s'est aussi fait reprocher les dessins du groupe Bazooka sur la mort par la déflagration d'une grenade offensive du militant antinucléaire français Vital Michalon lors de la manifestation à Creys-Malville en 1977, qui s'opposait à l'établissement du site nucléaire de Creys-Malville[17][Pas dans la source].

Malgré la concurrence, le tirage est monté à 37 000 exemplaires par jour, soit une troisième année de croissance, supérieur aux 35 000 exemplaires [13] du début d'année, avec une pagination plus importante, passée à 20 pages[13], mais ce tirage s'avère trop faible pour rester viable et rentabiliser les coûts[14], car le prix de vente progresse moins vite que l'inflation.

Le journal décide cependant de continuer à refuser les publicités payantes[14], car la direction est convaincue que sans indépendance financière, en particulier vis à vis des entreprises et des ministères, une indépendance politique est impossible. Le quotidien préfère les annonces des particuliers, qui sont payantes et hésite à remonter son prix de vente[14].

Face à ces difficultés, au début de l'année 1979, Libération commence alors à publier des annonces destinées à des mineurs de 12 à 18 ans[18], pour couper l'herbe sous le pied au magazine Le Gai Pied, qui sort un "numéro zéro" en sur fond d'Affaire Jacques Dugué, celle d'un suspect de pédocriminalité, en détention préventive depuis , révélée par le journal d'extrême droite Minute[18]. Finalement lancé le [18], Le Gai Pied prend alors la clientèle homosexuelle de Libération.

C'est Libération qui introduit à cette époque, ou du moins généralise dans la presse française la pratique des jeux de mots dans les titres[19],[Note 1] .

Libération no 2

Le journal traverse plusieurs crises, entraînant plusieurs interruptions. La parution est suspendue le . Après un plan de licenciement, il reparaît le 13 mai, soit 3 jours après la victoire de François Mitterrand à l'élection présidentielle (un « numéro zéro zéro » avec la une « Enfin l'aventure » est néanmoins paru le lendemain de la victoire, mais il n'a pas été diffusé en kiosque[20]). Son développement est alors assuré par la société d'investissement Communication et Participation créée par le banquier Claude Alphandéry avec la participation de l'assureur Patrick Peugeot et de quelques patrons de gauche autour de Martine Bidegain, Jean et Antoine Riboud[21]. Le nouveau logo à losange rouge est créé par le graphiste Claude Maggiori[22]. La formule évolue alors et se situe de nouveau vers la gauche sociale-démocrate (tout en conservant ses convictions libertaires). Son nouveau rédacteur en chef est Jean-Marcel Bouguereau, qui reste à la direction opérationnelle du journal jusqu'en 1986[23].

La même année, Laurent Joffrin intègre pour la première fois le journal en tant que rėdacteur[24]. À l'origine du service économique avec Pierre Briançon, il incarne l'aile « moderniste » de Libé. Il dirige ensuite le service Société avant de devenir éditorialiste et responsable de la page Rebonds, avec Serge Daney, Gérard Dupuy et Alexandre Adler.

Autour de Serge July, l'équipe de direction est vivement critiquée par d'anciens acteurs du mouvement de Mai 68[Lesquels ?][réf. nécessaire], qui l'accusent d'avoir trahi les principes fondateurs du journal. Le , les premières pages de publicité apparaissent dans le journal. Serge July justifie alors ce reniement des principes initiaux par un éloge opportun de la publicité: « Non, Libération ne change pas ; c’est la publicité qui a changé. Elle est un art. On ne sait plus très bien où commence la culture et où finit la publicité. Sans elle Libération eût été incomplet »[25].

Dans les années 1980-1990, le tirage de Libération ne cesse d'augmenter. Le journal lance un Libération Lyon, puis un Libération magazine. Afin de multiplier ses ventes, le journal ouvre ses colonnes à des artistes (comme Enki Bilal, auteur de bande dessinée) chargés pour une journée d'illustrer les articles, de modifier les mises en pages… Régulièrement, des suppléments consacrés à des questions politiques ou culturelles accompagnent le journal. En 1993, le journal se félicite de l’écrasement dans le sang de la « peste brune-rouge » par le régime de Boris Eltsine en Russie, lors de l'assaut que ce dernier avait ordonné contre le Parlement et les manifestants qui le défendaient[26],[27].

Selon le journaliste Jean Stern, en un peu moins d'une quinzaine d'années, de 1982 à 1996, Libération a perdu son indépendance financière et politique[28].

Libération no 3

Arrivée d'un actionnaire privé en 1994

Le est lancé Libération 3, plus souvent surnommé Libé 3, un journal de 80 pages définit comme « total » selon July. Le contrôle financier du journal est alors pris par le groupe Chargeurs de Jérôme Seydoux à hauteur de 65 %[29].

Cependant, Libé 3 peine à trouver son lectorat et à rentabiliser les coûts en forte croissance. Échec commercial et financier, la nouvelle formule est abandonnée au cours du second semestre 1995

Concurrence de 20 minutes en 2000

Frédéric Filloux devient directeur de la rédaction de Libération de février 1999 à février 2000, qu'il quitte pour la direction de la rédaction du quotidien gratuit 20 minutes.

La diffusion de Libération ne cesse ensuite de chuter, encaissant un recul de 20 % en France entre 2001 et 2005 (17 % pour la diffusion totale)[30]. Jérôme Seydoux se désengageant en 2000, la société de capital-risque 3i entre en 2001 à hauteur de 20,8 % du capital mais la bulle Internet et l'effondrement des recettes publicitaires accentuent les déficits du journal[31].

Des sursauts ont pourtant lieu. Ainsi, lors de l'élection présidentielle de 2002, le journal augmente considérablement son tirage grâce à ses unes résolument hostiles à Jean-Marie Le Pen[32][réf. obsolète]. Le lendemain du premier tour, la une comportant une photo de Le Pen avec le simple mot « Non » se vendra à 700 000 exemplaires soit une augmentation de 300 % par rapport au tirage quotidien. En 2003, l'almanach Les trente bouleversantes retrace les trente premières années de Libération. En 2004, c'est 30 années de contre-culture, encensée chaque jour dans les pages du journal, qui sont retracées dans un ouvrage spécial. Mais la tendance est globalement à la baisse.

Ère Édouard de Rothschild

Arrivée du nouvel actionnaire en 2005

En 2005, le journal a besoin d'un nouveau financement. Serge July se bat alors pour l'entrée dans le capital d'Édouard de Rothschild et celui-ci est accepté par le conseil d'administration le .

Rapidement, le climat se détériore. Lors du conseil d'administration de Libération, qui se tient le mercredi , Louis Dreyfus, directeur général adjoint, est élu à l'unanimité directeur général du quotidien, sur proposition du PDG Serge July. Il remplace Evence-Charles Coppée, dont la révocation est approuvée à l'unanimité par les membres du conseil d'administration. Le , le journal est en grève contre la suppression de 52 postes. Au début de 2006, les actionnaires refusent de suivre la direction du journal[33], le journal perd de plus en plus d'argent et Édouard de Rothschild estime qu'il ne participe pas assez au processus de décision[34]. Dans ce contexte houleux, le journal annonce au mois de la sortie d'un Libé week-end avec un supplément Écrans (télévision, Internet, cinéma…) et un autre intitulé R. Celui-ci sera abandonné dès septembre.

Cessation de paiement en 2006

Le journal est alors en cessation de paiement. Il dépose le bilan et une procédure judiciaire de sauvegarde est ouverte. Le plan de sauvegarde (adopté en ) prévoit un remboursement sur 10 ans de plus de 15 millions d'euros de dettes[35].

Le , Serge July annonce à la rédaction qu'Édouard de Rothschild n'acceptera une recapitalisation qu'à la condition que lui et Louis Dreyfus (directeur général) quittent le journal et qu'il s'y résoudra pour le sauver. Pour les journalistes, la nouvelle est un choc. Le lendemain, ceux-ci publient en une un communiqué rendant hommage à leur fondateur et exprimant leur inquiétude quant à leur indépendance[36]. Serge July quitte le journal le [37].

Les réactions sont nombreuses. Une polémique naîtra, dans les colonnes du journal Le Monde, entre Bernard Lallement, premier administrateur-gérant de Libération et Édouard de Rothschild. Dans une tribune publiée le , le cofondateur de Libération voit dans le départ de Serge July la fin d'une époque où « écrire était du sens » et brosse un tableau pessimiste de l'avenir du quotidien et de la presse en général. Il lui oppose cette phrase de Jean-Paul Sartre dans Nekrassov : « L'argent n'a pas d'idées »[38]. Deux jours plus tard, l'actionnaire de référence lui réplique, de façon cinglante, en rappelant que « Libération a besoin d'aides et de supports moraux, intellectuels et financiers. Libération n'a pas besoin de requiem »[39].

Après Serge July

Laurent Joffrin, président du directoire du 22 novembre 2006 au 1er mars 2011.

Mise en place d'une gestion paritaire

Le , Serge July et Louis Dreyfus annoncent leur départ du journal. Vittorio de Filippis, gérant élu de la SCPL (Société civile des personnels de Libération, second actionnaire du titre avec 18,45 % des parts), est nommé provisoirement au poste de président-directeur général. Philippe Clerget, ancien directeur de L'Usine nouvelle, devient directeur général du quotidien à la demande de l'actionnaire de référence.

Un comité opérationnel est mis en place composé de trois salariés, désignés par la SCPL et de trois administrateurs désignés par Édouard de Rothschild : Agnès Touraine, ancienne présidente du pôle éditions de Vivendi, Guillaume Hannezo, ancien directeur financier de Vivendi, tous deux proches de Jean-Marie Messier et Lionel Zinsou, associé-gérant de Rothschild & Cie et animateur du club Fraternité, cercle de réflexion de Laurent Fabius.

Retour de Laurent Joffrin

À la suite du changement de direction, de nombreux journalistes souhaitent quitter le journal. Tandis que la direction ouvre des guichets de départs, assortis d'indemnités, quatre figures, Florence Aubenas, Antoine de Baecque (rédacteur en chef adjoint chargé de la culture), Jean Hatzfeld et Dominique Simonnot (ancienne présidente de la Société des rédacteurs), annoncent « être en désaccord avec ce qui se passe au journal » et demandent de bénéficier de la clause de cession[40], afin d'acter le changement de propriétaires et de capital du journal. Le , alors que le journal publie un appel à ses lecteurs et à ses actionnaires[41], la rubrique « Quotidienne » de Pierre Marcelle n'est pas publiée, car elle prendrait à partie certains des journalistes susnommés, « dans des termes qui n'ont pas été jugés acceptables »[42].

Le est annoncé le retour de Laurent Joffrin, qui avait quitté le journal en 1988, Claude Perdriel faisant appel à lui pour succéder à Franz-Olivier Giesbert à la tête de la rédaction du Nouvel Observateur[43]. Il revient à Libération au poste de président du directoire du journal[44]. Le nouveau président explique sa décision dans un courrier électronique envoyé à la rédaction : « Les difficultés financières et la crise interne de Libération m'ont conduit à prendre cette décision, la plus difficile de ma vie professionnelle. La disparition de Libération ferait taire une voix importante dans la société française et exclurait de facto la gauche de la presse du matin. C'est cet enjeu politique et social qui motive cette candidature à la direction d’un journal que je connais et au sein duquel j'ai appris mon métier de journaliste[45]. »

Le , Antoine de Gaudemar (directeur de la rédaction) est officiellement remplacé par Laurent Joffrin. Sous sa direction, Libération va soutenir Ségolène Royal pendant la campagne présidentielle de 2007[réf. nécessaire] mais en , Nathalie Collin, ex-présidente d'EMI-France, prend la coprésidence du quotidien auprès de Laurent Joffrin[46].

Sous cette codirection, le journal renoue avec les bénéfices (2010, 2011) et connaît une hausse sensible de sa diffusion (+5,3 % en 2011)[47].

Nicolas Demorand et la fronde de la rédaction

Laurent Joffrin quitte Libération pour retrouver le Nouvel Observateur au début de 2011. Le , Nicolas Demorand est proposé par Édouard de Rothschild pour prendre la codirection de Libération à partir du , aux côtés de Nathalie Collin qui codirige le journal depuis le début de 2009 et en remplacement de Laurent Joffrin[48]. En , Nathalie Collin quitte Libération pour prendre la coprésidence du Nouvel Observateur et la direction générale du groupe Nouvel Observateur, elle est remplacée par Philippe Nicolas au poste de coprésident de Libération. En , Anne Lauvergeon remplace Édouard de Rothschild à la tête du conseil de surveillance du journal.

Conférence de presse de Charlie Hebdo, le dans les locaux de Libération : (de gauche à droite) Gérard Biard, le dessinateur Luz, Patrick Pelloux et Laurent Joffrin.

En 2011, à la suite de la parution de Charia Hebdo, titre donné au no 1011 de l'hebdomadaire Charlie Hebdo dans lequel se trouvent des caricatures de Mahomet, les locaux du journal satirique sont le théâtre d'un incendie criminel. Libération accueille aussitôt sa rédaction dans ses propres locaux et dès le lendemain, un supplément de quatre pages consacré aux dessins de Charlie Hebdo est vendu dans Libé[49]. Quelques jours après, le site internet du quotidien est menacé de piratage par des hackers turcs[50].

Une des premières décisions de Nicolas Demorand est de mettre fin à quatre déclinaisons locales de Libération, les « Libévilles » de Lille, Strasbourg, Rennes et Orléans[51]. Soutenu par les actionnaires, il est rapidement contesté en interne[52], les équipes rejetant sa gestion humaine et rédactionnelle. Dès , les personnels de Libération votent une motion de défiance à 78 % en lui reprochant son « isolement », son absence et son management[53], alors qu'il se consacre essentiellement à trouver des sources de financement pour le titre.

Fin 2011 début 2012, Édouard de Rothschild annonce l'arrivée au sein du holding Refondation de l'homme d'affaires Bruno Ledoux au travers sa société BLHM (Bruno Ledoux Holding Media), par ailleurs propriétaire du siège du journal rue Béranger, comme actionnaire de référence à parité avec lui, à hauteur de 26,64 %, moyennant un investissement de 7,6 millions d'euros. Ensemble, ils détiennent le bloc de contrôle de Libération avec 53,28 % des parts de Refondation (Groupe A).

L’augmentation de capital de Refondation est signée le et Bruno Ledoux est nommé président de Refondation.

Les conflits entre les journalistes et Nicolas Demorand perdurent. En , la Société civile des personnels de Libération (SCPL) dénonce « ligne éditoriale racoleuse, attitude autocrate de leur chef… » et une « greffe [qui] n'a pas pris »[54]. La rédaction lui reproche également de cumuler la direction de la rédaction et la présidence du directoire. Il abandonne cette première fonction le , au profit du journaliste Fabrice Rousselot[55]. Les journalistes lui reprochent également les « Unes racoleuses », comme « Casse-toi riche con! » adressée le à Bernard Arnault qui vient de demander la naturalisation belge, puis celle du titrée sur « Une possible affaire Fabius », relayant une rumeur à propos d’un compte en Suisse de Laurent Fabius, obligeant Nicolas Demorand à présenter ses excuses aux lecteurs quelques jours plus tard[56],[52].

Financièrement, après un bond de 9,5 % sur un an grâce à la campagne présidentielle de 2012, les ventes chutent de 15 % en deux ans, notamment la vente au numéro qui s'effondre de près de 30 %[52]. Le plan d'économie de trois à quatre millions d'euros proposé par Nicolas Demorand à la demande des actionnaires, comprenant la révision des accords sociaux des journalistes, est accueilli par une motion de défiance le , votée par 89,9 % des participants[57],[52].

Reprise par Ledoux et Drahi

Crise de 2013-2014

Vote sur la proposition de Nicolas Demorand au poste de directeur de la rédaction.
Nicolas Demorand, président du directoire de mars 2011 à février 2014.

Alors que des rumeurs de possible dépôt de bilan circulent dans la presse, le , les salariés lancent une grève de 24 heures et demandent pour la troisième fois le départ de Nicolas Demorand et du coprésident du directoire Philippe Nicolas. Ils s'opposent le lendemain à la publication d'un texte en soutien au projet des actionnaires, en particulier de Bruno Ledoux, de diversifier l'entreprise en s'appuyant sur sa marque et sur la création dans l'immeuble de la rue Béranger d'un espace multimédia autour d'un café Libé et y répondent le en première page, déclarant « Nous sommes un journal. Pas un restaurant, pas un réseau social, pas un espace culturel, pas un plateau télé, pas un bar, pas un incubateur de start-up… »[52],[58]. Le , Nicolas Demorand annonce sa démission de la direction du journal dans une interview au Monde[59]. Il est remplacé par François Moulias, représentant de l'actionnaire de référence Bruno Ledoux, tandis que Pierre Fraidenraich, ancien directeur chez Canal+, également proche de Bruno Ledoux, arrive au poste de « directeur opérationnel » du futur groupe qui accueillera Libération et d'éventuelles filiales[60]

À quelques jours d'un dépôt de bilan annoncé comme inéluctable par les membres du directoire, Bruno Ledoux demande la convocation urgente d'un conseil de surveillance qui se tient le où il annonce refuser un tel scénario et indique être en mesure d'organiser le sauvetage du journal au travers de sa société BLHM (Bruno Ledoux Holding Media) dans le cadre d'une augmentation de capital de Libération à hauteur de 18 millions d'euros qui lui serait réservée, l'ensemble des autres actionnaires regroupé au sein de la société Refondation (en particulier Édouard de Rothschild et le patron de presse italien Carlo Caracciolo) étant intégralement dilué. L'augmentation de capital de Libération est votée à l'unanimité. Le coprésident du directoire Philippe Nicolas est révoqué sur-le-champ et non remplacé.

Bruno Ledoux est nommé président du conseil de surveillance, en remplacement d'Anne Lauvergeon, démissionnaire.

Matthieu Pigasse et Xavier Niel, copropriétaires du Monde, officialisent publiquement leur intention de reprendre Libération mais uniquement dans le cadre d'un dépôt de bilan. Cette hypothèse qui, outre la casse sociale, regrouperait en une seule main deux des trois grands quotidiens nationaux est écartée par Bruno Ledoux.

Le , le Tribunal de commerce de Paris valide le plan et le protocole de conciliation proposé par Bruno Ledoux évitant le dépôt de bilan.

Malgré de nombreuses réticences internes, Bruno Ledoux insiste sur la réalisation de son projet et la nécessité de réformer en profondeur le journal, de renforcer les activités web, de fusionner les rédactions papier et web et sur la mise en place d'importantes diversifications dans le domaine d'activités multimédias autour de la marque, tout en préservant le journal papier. Pour ce faire, il annonce le retour de Laurent Joffrin au côté de Pierre Fraidenraich et organise un tour de table avec l'arrivée à ses côtés de l'homme d’affaires franco-israélien Patrick Drahi, propriétaire des sociétés Numéricable et SFR, qui confirme être en mesure d'investir la somme de 14 millions d'euros pour sauver le journal.

En mai de la même année, Patrick Drahi verse 4 millions d'euros sous forme de prêt afin, selon un article paru dans Libération, « de laisser le journal en vie le temps de se mettre d’accord sur le montant de sa part dans le reste de la recapitalisation[61] ».

Deuxième retour de Laurent Joffrin

Le , Laurent Joffrin est officiellement renommé directeur de la rédaction, cette fois à 52,8 % des voix. Il est accompagné pour le volet numérique de sa mission par un « numéro un bis »[62], Johan Hufnagel, cofondateur et rédacteur en chef de Slate, qui fut également rédacteur en chef du site web de 20 Minutes et rédacteur en chef adjoint de celui de Libération[63].

Le , l'augmentation de capital de 18 millions d'euros entérinant le sauvetage du journal est signée : celui-ci est contrôlé à 50/50 par Bruno Ledoux et Patrick Drahi qui a sollicité Marc Laufer[64] pour représenter ses intérêts au travers d'une holding commune créée à cet effet : la SAS Presse Media Participation Holding (PMP Holding), actionnaire à hauteur de 85 % de la SAS Presse Media Participation (PMP) dont Bruno Ledoux est président du conseil de surveillance et Pierre Fraidenraich le directeur général[65] et qui est elle-même propriétaire de près de 100 % de parts de la SARL Libération[66]. Les autres 15 % sont détenus par un ensemble d'actionnaires dont Business & Décision représentée par Patrick Bensabat, Michael Benabou (fondateur de la société Vente-Privee.com), la famille Gerbi (fondateur du groupe Gérard Darel), Franck Papazian (Mediaschool Group) et la société Dinojo.

Le 1er août, la clause de cession est ouverte. En septembre, Laurent Joffrin, en accord avec les actionnaires, annonce vouloir supprimer 93 emplois dans la rédaction du journal afin de renouer avec les bénéfices dès la fin 2015[67]. Parmi les départs qui suivront cette annonce, une équipe emmenée par les Garriberts (Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, chroniqueurs télé du quotidien) lancera un nouveau média en ligne : Les Jours[68].

Juin 2015 : une nouvelle formule « web first »

Débat le 15 mars 2014, salle du hublot, au 11 rue Béranger .

« Libération était un quotidien qui publiait une version numérique. Libération sera un site qui publie un quotidien », annonce Laurent Joffrin[69]. Le , Libé met en place une nouvelle maquette avec de nouvelles rubriques et une mise en forme différente : « Il faut que ça fasse très boîte à outils avec des angles. On injecte de l’internet dans le journal[70] », déclare Johan Hufnagel à l'AFP. Ceci accompagne une évolution de l'effectif, ramené à 180 personnes, dont 130 journalistes, mais avec de nouvelles recrues rejoignant la rédaction[71].

Le journal souhaite privilégier les supports numériques : « En se levant, le premier réflexe du lecteur pour consulter les infos, c’est le mobile[69] », déclare encore Hufnagel. « La rédaction a été réorganisée selon le principe du « web first », en sept pôles de traitement de l’information responsables chacun de leur production journalistique sur tous les supports, « Pouvoirs et Contre-pouvoirs », « Planète », « Futurs », « Idées », « Culture », « Styles de vibe » et une équipe dédiée aux contenus numériques. Les articles du journal papier et ceux des sites sont réalisés par la même équipe » précise Laurent Joffrin dans une tribune du [72].

Directeur des rédactions de septembre 2014 à novembre 2017, Johan Hufnagel est supposé développer une politique de discrimination positive au sein du quotidien composé presque uniquement de journalistes « blancs », affirmant : « Je préfère, à compétence équivalente, prendre un Noir ou une Arabe ». Ce discours ne sera plus porté par la nouvelle direction après son départ, Laurent Joffrin préférant « mettre l’accent sur la diversité sociale, pas ethnique, sachant que les deux se recoupent très largement ». En 2018, les personnes « perçues comme non-blanches » représentent moins de 10 % de la rédaction écrivante du journal[73].

Fin 2017, Clement Delpirou est nommé directeur général tandis que début 2018, Johan Hufnagel quitte la rédaction du journal et Paul Quinio quitte celle de L'Obs pour le remplacer[74].

En 2018, la direction continue sa stratégie de conquête d'abonnés numériques avec notamment la création de nouvelles newsletters[75] : Chez Pol et Tu mitonnes de Jacky Durant, journaliste culinaire et lance également une appli de jeux[76].

2020 : Libération devient une société à but non lucratif

Le 14 mai 2020, Patrick Drahi annonce épurer les dettes de Libération et placer le titre sous une fondation afin de lui garantir « la plus totale indépendance éditoriale, économique et financière[77] ».

Dov Alfon : « Le journal n’est plus la propriété d’un groupe industriel, mais celle d’une entité apparentée à une fondation, non cessible, non capitalistique et à but non lucratif. La société des journalistes et du personnel de Libération est maintenant détentrice d’une part sociale de la SARL Libération. Les salariés du journal sont donc officiellement de retour au capital de Libé ; c’est dans cette position de force qu’ils veillent à sauvegarder l’équilibre financier du journal et son indépendance rédactionnelle[78]. »

Le 11 juin 2020, en remplacement de Clément Delpirou, Denis Olivennes est nommé cogérant du quotidien avec Paul Quinio, également directeur de la rédaction par intérim[2],[79],[80].

Départ définitif de Laurent Joffrin

Le , Laurent Joffrin quitte la direction du journal pour se lancer en politique[81]. Il décide de créer un mouvement social-démocrate et lance un appel intitulé Engageons-nous « afin de relancer le réformisme de gauche en France »[82].

Parmi les 150 premiers signataires à avoir répondu à l'appel, on trouve des acteurs de la société civile, de nombreuses personnalités (sociologues, chercheurs, médecins, journalistes, artistes, politologues, avocats, hauts-fonctionnaires...) et quelques très rares anciens responsables politiques[83],[84].

Dov Alfon, nouveau directeur et cogérant de la publication

Dov Alfon, directeur et cogérant de la publication, ainsi que directeur de la rédaction.

Sur proposition de Denis Olivennes[85], directeur général et cogérant du titre, Dov Alfon — ancien rédacteur en chef du quotidien israélien Haaretz[86] et responsable de la stratégie numérique de Libération depuis juin 2020[87],[88],[89] — est nommé le 16 septembre 2020 directeur de la rédaction par les journalistes avec une majorité de 90,8 %. Il succède ainsi à Laurent Joffrin et devient également directeur de la publication et cogérant du journal en compagnie de Denis Olivennes[4].

Au cœur de son projet : l'accélėration de la mutation du titre vers un quotidien avant tout numérique[78] et accessible par abonnement avec, selon ses propres termes, une rédaction « assise » qui va traiter à chaud l'actualité immédiate sur le site web du quotidien et une rédaction « debout » qui va produire les contenus propres de Libé, c'est-à-dire des sujets que les autres n'ont pas[85]. Il esquisse ainsi son plan : « Revenir aux fondamentaux : à l'écriture longue, aux enquêtes et à l'expression tranchée des opinions. Un Libé clairement à gauche, qui doit faire entendre ceux qui n'ont pas voix au chapitre. Et cap sur le numérique[90]. »

Selon Alfon, le quotidien est trop tourné vers le print (le journal papier) et le site Internet actuel remplit mal sa mission d’information en temps réel[91]. Résultat : « Un outil pas digne du 21e siècle et une organisation du travail chaotique[90] ». De nouveaux outils technologiques ultraperformants vont donc être utilisés, notamment le logiciel de publication et de gestion des contenus numériques du Washington Post, « Arc Publishing »[85].

Le quotidien pourra ainsi se concentrer davantage sur l’investigation, capable à son sens d’attirer plus d’abonnés, à l’image de l'enquête sur des faits de harcèlement et d'agressions sexuelles chez l’éditeur de jeux Ubisoft publiée par Libé en 2020 et qui a poussé plusieurs dirigeants de cette société à démissionner[91].

« Dans sa réforme, » témoigne un rédacteur, « il veut créer un service d’actualité de 20 à 30 personnes, qui traiterait rapidement l’actualité afin de permettre aux autres journalistes de travailler sur d'autres sujets[91]. »

2021 : résultats en hausse et développement des outils techniques et marketing

Le 5 février 2021, dans une interview à Mind Média[92], Denis Olivennes présente les résultats 2020 de la société et dresse un premier bilan de ses six mois à la tête du quotiden : il commente les nouveaux projets de développement éditoriaux, techniques et marketing et annonce que « Libération affiche la plus forte progression des abonnés en ligne de la presse quotidienne nationale en 2020 – en passant de 20 000 abonnés numériques fin 2019 à 50 000 aujourd’hui – et la plus forte progression de l’audience site et papier des quotidiens nationaux dans la dernière étude de l’ACPM[93] ». Denis Olivennes espère notamment les 110 000 abonnements numériques « fin 2023 » afin de viser l'équilibre financier du quotidien.[94] En mai 2021, Lauren Provost devient la nouvelle directrice adjointe de la rédaction de Libération[95]. Elle succède à Christophe Israël, qui rejoint le groupe suisse Tamedia[96].

Ligne éditoriale et lectorat

De ses débuts situés à l'extrême gauche, Libération a gardé une étiquette de journal de gauche. Néanmoins, dès 1978, Serge July décrit le quotidien comme « libéral-libertaire »[97]. Par la suite, le journal assume une ligne éditoriale de centre gauche ou de gauche sociale-démocrate. Dans les années 1980, qui constituent l'âge d'or du journal, le quotidien est déjà beaucoup plus modéré et Alain Brillon, soulignant l'infléchissement de la ligne éditoriale, avance qu'une partie des lecteurs « votaient pour Raymond Barre »[98].

Noam Chomsky affirme, citant une étude réalisée par un chercheur néerlandais, que Libération était, durant les années Reagan, « le pire » des journaux européens « dans son adhésion à la propagande du gouvernement américain », allant même « au-delà des pires journaux des États-Unis »[99].

Pour Acrimed, une association de critique des médias, la présence de François Hollande au pouvoir est révélatrice de l'évolution du journal et montre « un quart de siècle de progressisme affiché qui, de renonciation en reniement, s’est souvent traduit, sur le papier, par maints louvoiements éditoriaux ». Le journal est ainsi décrit comme le « quotidien de Rothschild »[100], manière de dire que l'aspect financier impose ses droits jusqu'à perturber la vision d'une ligne éditoriale[98]. Ainsi, pour certains de ses anciens rédacteurs comme Pierre Marcelle, les différents renoncements de Libération ont eu pour conséquence que le journal « a perdu son identité, c'est devenu un journal comme les autres »[98], pour Philippe Gavi, ancien fondateur de Libération, un titre « frappé par la banalisation »[101]. Ces errances ou cette absence de ligne éditoriale bien définie ont parfois été critiquées par une partie des journalistes qui en 2012 dénonce des « Unes racoleuses qui défigurent » le journal[102].


En 2017, lors des élections présidentielles françaises et à quelques heures du second tour de l'élection présidentielle, le journal publie en couverture une photo d'Emmanuel Macron avec un appel explicite : « Faites ce que vous voulez, mais votez Macron »[103]. Dans sa rubrique CheckNews, le journal reviendra sur cette couverture en concédant avoir voulu la victoire d'Emmanuel Macron contre Marine Le Pen, mais en récusant avoir soutenu le programme du candidat[104].

En 2020, Dov Alfon, nouveau directeur de la publication, affirme : « Libération est un journal libertaire de gauche », se référant de cette manière à la formule initiale de son cofondateur, Serge July[78].

Organisation

En décembre 2015, le journal a déménagé de son adresse historique, l'ancien immeuble du 11 rue Béranger situé dans le 3e arrondissement de Paris pour emménager dans le 9e arrondissement, au côté d'autres journaux d’Altice Media Group dans l'immeuble du 23 rue de Châteaudun. Il rejoignait notamment la rédaction de L'Express et celle de L'Étudiant.

En octobre 2017, nouveau déménagement au 2, rue du Général-Alain-de-Boissieu, dans le 15e arrondissement de Paris. La rédaction du journal s'installe au sein de l'Altice Campus de SFR Presse.

Depuis le milieu des années 1990, les fonctions de PDG et de directeur de la rédaction sont clairement disjointes. Le PDG fixe les orientations stratégiques (nouvelles formules, suppléments, etc.) tandis que le directeur de rédaction est chargé des choix éditoriaux.

Les statuts du journal prévoient que le PDG propose à la rédaction un directeur que celle-ci est libre d'accepter ou non.

Financement

Au , le journal Libération (SARL Libération) est détenu à hauteur de près de 100 % par la société SAS Presse Media Participation (PMP).

PMP est détenue à hauteur de 85 % par la société SAS Presse Media Participation Holding (PMP Holding).

PMP Holding est détenue à hauteur de :

  • 50 % par la société BLHM (Bruno Ledoux Holding Media) représentée par Bruno Ledoux.
  • 50 % par la société Holco B représentée par Marc Laufer (représentant les intérêts de Patrick Drahi).

Bruno Ledoux est président de PMP.

Les autres actionnaires de PMP (15 %) sont dans l'ordre des montants d'investissement :

  • La société Business & décision représentée par Patrick Bensabat (spécialisée dans les solutions et développements informatiques).
  • Michael Benabou (cofondateur de la société Vente-privee.com).
  • La famille Gerbi (fondateur de la société Gérard Darel).
  • La société Mediaschool Group représentée par Franck Papazian (école de journalisme).
  • La société Dinojo.

La SCPL (Société civile des personnels de Libération) veille sur la liberté et l'indépendance du journal. Les seize membres de cette instance sont élus pour deux ans par l'ensemble des salariés. Ils représentent les trois collèges : rédaction, fabricants et administratifs et commerciaux.

En 2010, Libération est le troisième quotidien français qui reçoit le plus de subventions de l'État avec quatorze millions d'euros et, en 2012, avec 6,3 millions d'euros d'aides directes[105] et plus de dix millions d'aide totale[35].

En 2010 et 2011, le quotidien sort deux résultats d’exploitation positifs de plus de 2,5 millions d'euros – réalisant par là une des meilleures performances de la presse écrite – et reçoit le Grand Prix des Médias 2012[106].

Fin 2012, Libération n'est plus endetté qu'à hauteur de 6,6 millions d'euros (passif de sauvegarde) et prévoit un résultat d'exploitation en baisse mais positif à hauteur d’environ un million.

Fin 2013, le quotidien prévoit une perte nette de 1,3 million d'euros, le chiffre d'affaires étant de 58 millions. Pressée par les actionnaires, la direction envisage de réviser les accords sociaux des employés. Édouard de Rothschild et les héritiers de l'éditeur italien Carlo Carraciolo annoncent vouloir se désengager[107].

En 2014, Bruno Ledoux annonce vouloir poursuivre l'activité en redéveloppant le journal autour d'un nouveau projet et d'un nouvel actionnariat alors que Patrick Drahi arrive au capital. Cette année, le journal subit de nouveau une perte en augmentation, à 9 millions d'euros et le chiffre d'affaires chute à 40 millions. Une grande partie de cette perte est néanmoins due au coût exceptionnel d'un plan de départ de 90 salariés, environ un quart de l'effectif du journal[108].

En 2016, le site data.gouv.fr du ministère de la Culture publie que le journal reçoit 4 887 544  de subventions directes de la part de l'État[109].

2020 : Transfert vers une fondation

Denis Olivennes, cogérant de la publication avec Dov Alfon.

Le 14 mai 2020, Patrick Drahi annonce épurer les dettes de Libération et placer le titre sous une fondation régie par un fonds de dotation afin de lui garantir « la plus totale indépendance éditoriale, économique et financière[77] ». Altice France va donc créer un fonds de dotation pour une presse indépendante dans lequel il intégrera le journal, dernier titre de presse écrite détenu par le groupe depuis la vente de L'Express en 2019[110].

« Moralement, éthiquement et journalistiquement, c’est un progrès », estime Laurent Joffrin, qui va intégrer le conseil d'administration du fonds de dotation. Altice France devrait continuer à épurer les dettes et dotera substantiellement la structure[111]. Les salariés regrettent cependant de ne pas avoir été consultés. Ils demandent des certitudes en ce qui concerne le budget et le fonctionnement du titre et appellent à être intégrés dans la future gouvernance[112],[113].

Le 11 juin 2020, en remplacement de Clément Delpirou, Denis Olivennes est nommé cogérant de la publication avec Paul Quinio.

En septembre 2020, la SARL Libération passe à SAS Presse indépendante, détenue à 99,99% par un fonds de dotation indépendant — le Fonds de dotation pour une presse indépendante (FDPI) — et à 0,01% par Denis Olivennes Conseil, tandis que Denis Olivennes lui-même — qui détient des actions à droit de vote préférentiel et le contrôle de SAS Presse indépendante, ainsi qu'un droit de préemption des actions du fonds en cas de cession — reste cogérant du quotidien. La question de la soi-disant indépendance du quotidien se pose alors, d'autant plus qu'Altice, la maison-mère de SFR, conserve une forte influence sur le journal. Ses cadres, Denis Olivennes y compris, sont présents à tous les étages du montage juridique qui permet de le contrôler[114].

Le 11 septembre, considérant que les conditions de la cession du journal à un fonds de dotation ne sont pas à même de garantir la pérennité du titre, une centaine de personnalités lancent un appel dans une tribune au « Monde »[115].

Le 16 septembre, Dov Alfon devient directeur de la publication et cogérant avec Denis Olivennes en remplacement de Paul Quinio[4]. Dans son premier éditorial, il précise les modalités de fonctionnement du fonds de dotation en réponse à ces interrogations[78].

Résultats financiers

En 2017, Libération a réalisé un chiffre d'affaires de 36 024 200  avec une perte de 3 317 700 . L'effectif (donnée 2016) était de 184 collaborateurs[116].

En 2020, de source interne, les dettes du journal, qui reste déficitaire, se situent entre 45 et 50 millions d'euros[117].

Diffusion

La diffusion payée moyenne en France de Libération, selon les chiffres publiés par l'ACPM (à partir de 2007)[120],[121] :

En moyenne en 2015 :

  • environ 88 000 exemplaires papier par jour et 27 000 abonnés papier[108],
  • environ 4 millions de visiteurs uniques en ligne jour[122],
  • environ 10 000 abonnés numériques[108].

Comme pour la plupart des autres quotidiens nationaux français, la diffusion payée a fortement baissé depuis 2001. La croissance amorcée en 2011 ne semble pas se confirmer depuis 2013 : les chiffres semestriels de 2013 montrant une baisse de 11 % à 19 % par rapport à 2011 et 2012[123]. Pour les neuf premiers mois de l'année 2013, le recul moyen des ventes au numéro est de 29,53 %[124].

Au premier semestre 2014, le titre a une diffusion moyenne de 93 731 exemplaires[125]. La baisse des ventes se poursuit en 2015 notamment pour les ventes en kiosque (-26 % en )[126].

2017 a été une année positive avec un retour à la croissance de la diffusion[réf. nécessaire]. Cependant, dès l'année suivante, les ventes chutent à nouveau de 10,6%.

À partir de 2018, la stratégie de diffusion du journal a évolué avec le choix de mettre l'accent sur les abonnements numériques. Dans un communiqué, la direction de Libération annonce plus de 1 000 nouveaux abonnés par mois[127].

Quelques collaborateurs de Libération, passés ou présents

Une catégorie est consacrée à ce sujet : Collaborateur de Libération.

Société des journalistes et des personnels de Libération

Une société de journalistes a pour mission de veiller à l'indépendance journalistique du périodique[réf. nécessaire].

Société des lecteurs de Libération (SLL)

Fin septembre 2006, alors que le journal est menacé d'un dépôt de bilan, des salariés du journal créent la Société des lecteurs de Libération (SLL)[130], afin « de resserrer les liens entre le journal et ses lecteurs [et] d’assurer l’indépendance éditoriale de Libération » dans un « univers médiatique contrôlé par quelques riches familles et groupes industriels ». Un bureau provisoire, constitué de trois salariés (Olivier Costemalle, responsable du service médias à Libération ; Nicolas Cori, journaliste au service économie ; et Martine Peigner, responsable de la promotion), gère les premiers pas de la SLL avec l'aide, notamment, de Karl Laske (journaliste au service Société), Catherine Cordonnier (responsable du CE) et Catherine Coroller (journaliste au service Société).

Selon Olivier Costemalle, « différentes sensibilités [représentatives de la rédaction] cohabitent au sein du bureau actuel. La SLL n’est pas impliquée dans les querelles qui divisent les salariés (et qui ont tendance à s’estomper, puisque le désaccord majeur portait sur la cogérance, qui est maintenant terminée). »[131].

À la fin de , la SLL revendique plus de 4 000 adhérents et 170 000 euros récoltés. Au début de , deux personnalités qui partagent les valeurs de Libération mais n'en sont pas salariés, Zina Rouabah et William Bourdon, deviennent coprésidents de la SLL. Ils ont notamment pour mission d’organiser une assemblée générale et de procéder à l’élection de nouveaux responsables au conseil d’administration et au bureau. Cette assemblée générale se tient en , confirme Rouabah et Bourdon dans leur fonction et élit un conseil d'administration qui compte désormais 16 membres. L'association édite un journal dont le 1er numéro[132] sort en et le second numéro[133] en , anime un site web[130] et organise des rencontres dans toute la France associant des lecteurs aux journalistes. En 2008, si les liens avec la direction du journal se sont largement distendues devant la faible coopération ceux avec la Société Civile des Personnels de Libération (SCPL) ont été réaffirmés notamment par la voix de son président, Christophe Ayad lors de la seconde AG de l'association le .

Principales rubriques

Les principales rubriques de l'ancienne formule du journal avaient pour nom « Rebonds », « Grand angle », « Portrait »… – intégrées dans le journal – et « Livres », « Libération été »…, en supplément.

Éditions

Le P'tit Libé

Lancé en octobre 2015, Le P'tit Libé était un supplément destiné aux enfants de 7 à 12 ans qui a cessé de paraître en octobre 2020[136]. Chaque vendredi, un sujet traité dans les médias pour adultes y était décrypté en profondeur[137].

Histoire

Le site a été imaginé par les journalistes Cécile Bourgneuf[138], Sophie Gindensperger et Elsa Maudet et la graphiste Émilie Coquard[139]. L'objectif : expliquer une fois par mois aux plus jeunes un sujet qui fait les gros titres. Le premier numéro, consacré à la crise des migrants, est paru en [140].

  • Au lendemain des attentats du 13 Novembre 2015, un numéro spécial[141] a été publié afin d'expliquer l'événement. Étant donné le retentissement mondial de ces attaques, ce dossier a été traduit en anglais[142].
  • Durant la campagne électorale pour l'élection présidentielle et les élections législatives de 2017, le site a expérimenté un format hebdomadaire avec son « P'tit carnet de bord des élections »[143].

À l'été 2017 et l'été 2018, un hors-série papier appelé « Le petit journal des grandes vacances » a été vendu en kiosques[144].

Après deux ans de publication mensuelle en version imprimée, le P'tit Libé devient hebdomadaire et passe au 100 % numérique sur abonnement fin 2017[145],[136].

En 2020, avec l’arrivée de Denis Olivennes et de Dov Alfon à la direction de Libération, une des premières mesures d'économie du journal alors déficitaire est de « concentrer ses efforts sur son offre généraliste » pour les adultes[136] et le P'tit Libé cesse de paraître le 23 octobre[146].

Contenu

Les numéros traitent de politique, d'actualité internationale, de sujets de société, de culture et de sport. Choisi en fonction des thèmes couverts par les médias généralistes à ce moment-là, un seul sujet, accompagné d'illustrations[147], est abordé chaque semaine[136].

Critiques et polémiques

Défense de pédocriminels

Affaires : Versailles, Dugué et Flip Fnac

En 2014, un livre d'Anne-Claude Ambroise-Rendu, historienne spécialiste de la pédophilie, de la justice et du crime, a cité le journal comme ayant à plusieurs reprises donné la parole à des pédocriminels à la fin des années 1970, par le dessin pédopornographique du du groupe Bazooka, une fellation d'enfant à un adulte[148], inséré par surprise dans les pages d'annonces « Taules »[149] puis la publication début 1979 d'une lettre de Jacques Dugué, un pédocriminel attendant son jugement en prison dans l'Affaire Jacques Dugué et en d'une pétition de 63 personnalités, parmi lesquelles Pascal Bruckner, Georges Moustaki et Christiane Rochefort[150], défendant un homme en détention préventive, accusé de pédocriminalité dans l'Affaire des films de la FNAC. Quinze jours plus tard, les écrivains pédophiles Tony Duvert et Gabriel Matzneff sont interviewés par Guy Hocquenghem[151] qui a rejoint Libération depuis 1975 et est juste après invité par Bernard Pivot à Apostrophes, où il vante Libération comme le seul journal où on peut dire certaines choses sur "les rapports avec l'enfance"[152]. Au cours de cette période, le quotidien, devenu déficitaire, refuse toujours la publicité commerciale et se met à publier des petites annonces pour mineurs de 12 à 18 ans.

En , dans le cadre de l'Affaire de Versailles, peu avant le procès de trois hommes en détention préventive depuis 38 mois, une pétition d'intellectuels titrée "trois ans pour des baisers et des caresses, ça suffit!" est publiée dans Le Monde puis le lendemain dans Libération. Le lendemain de la pétition, le procès débute. Le Monde félicite la Cour d'assises de supprimer le huis clos[153] même si les victimes sont mineures, pour que les signataires de la pétition comprennent pourquoi l'enquête a duré plus de trois ans[153] et son évolution : les victimes affirmaient certes avoir donné leur consentement, mais il s'avère très fragile vu leur âge et l'influence des adultes, comme le révèle l'audience publique. Les témoins y révèlent aussi des faits plus graves que les simples caresses et baisers évoqués par la pétition[153], signée par 69 personnes au cours des semaines précédentes. Si la durée de la détention provisoire était « inadmissible », « là s'arrête l'indignation » écrit le journaliste envoyé par Le Monde[153], pour qui « ce procès n'est pas » celui « d'une société ultra-répressive »[153] mais de « trois hommes qui ont repris en compte à leur profit et pour leur plaisir, des pulsions sexuelles »[153]. Il « est naturel de ne pas aimer cette forme d'amour et d'intérêt », conclut le journal[153].

Puis l'entourage des trois accusés rebondit sur cette polémique et réunit une trentaine de personnes le à l'Université de Jussieu, pour la plupart motivées par des questions d'aide juridiques. Cela est signalé par un encart publicitaire dans Libération du , texte annonçant aussi la création prochaine du "Front de libération des pédophiles" (FLIP), qui se réunira une seule fois, deux ans plus tard, avant d'être dissous.

Dessin de Bazooka et éditorial de Serge July

À l'été 1977, Serge July a recruté Bazooka, groupe de graphistes du Mouvement punk pour « secouer » le journal [154] en lui donnant « une totale liberté d'expression ». Selon lui « l’agression » graphique pratiquée par Bazooka « est aujourd’hui une manière d’exister, d’entretenir un rapport avec un monde désespérant »[155]. Bazooka intervient au « marbre » (maquette) juste avant le départ aux rotatives mais sa « dictature graphique »[155] provoque les réticences de la rédaction et la collaboration cesse[156]. Bazooka travaille alors pour une autre publication, créée par Libération, la revue Un Regard moderne[157], arrêtée en novembre 1978, après seulement six numéros, la rédaction de Libération accusant Bazooka de « pirater le journal au montage »[158] par la publication, dans la page d'annonce « Taules » de la revue encartée dans le numéro du 5-6 novembre 1978, consacrée aux détenus, d'un dessin pédopornographique[159].

Le , l'annonce du projet de création d'un "Front de libération des pédophiles", déjà publiée en mai 1977 lors de l'Affaire de Versailles, est republiée par Libération, tout comme la lettre de Jacques Dugué, incarcéré pour des actes de pédophilie et le dessin pédopornographique ayant défrayé la chronique. Le tout est accompagné d'un éditorial de Serge July titré « Les outrages de Libération », où il accuse le gouvernement de vouloir étouffer et marginaliser un journal « novateur », par les poursuites d'une justice « sclérosée » et « bourgeoise ».

Autocritiques de 2001 et 2020

Libération a évoqué le premier une partie de ces faits, dans un ensemble d'article publiés le [160], en réponse à la republication par des journaux anglais, italiens et allemands[161], d'un article pédophile de Daniel Cohn-Bendit, tiré de son livre de 1975 Le Grand Bazar et paru à l'été 1976, peu après le suicide de la terroriste Ulrike Meinhof[162] dans le magazine culturel allemand de son ex-mari, puis diffusé un quart de siècle plus tard à la presse par la fille de cette dernière.

La plupart des articles du dans Libération appuient une contre-attaque médiatique de Daniel Cohn-Bendit. Après deux semaines de silence, il vient d'être questionné dans une interview au 20 heures de TF1 sur ces écrits pédophiles. L'un des articles, signé de Sorj Chalandon, tente d'y voir les errements d'un temps révolu, en affirmant que Libération a lui aussi été, « dans les années 1970 », pris dans le « vertige commun » de son époque, où les journalistes croyaient avoir pour tâche d'abattre ce qui semblait relever de l'ordre moral, aboutissant à faire l'apologie de comportements criminels[160].

Écrit sous la forme d'un court mea culpa récapitulatif, cet article de Sorj Chalandon de ne dit cependant pas un mot de Christian Hennion, dont l'enfant dont il a été nommé tuteur dénoncera les attouchements qu'il lui a fait subir[163], dans un livre publié en 2009. Interrogé pour la première fois sur cette omission en [163], Sorj Chalandon répondra qu'elle relève de sa seule responsabilité[163]. L'affaire Gabriel Matzneff venait d'éclore, le journal avait de nouveau fait amende honorable à propos de divers publications datant des années 1970 jugées complaisantes avec la pédophilie [164], mais sans évoquer le cas de Christian Hennion[164] . Libération aborde finalement le sujet le [164] sur interpellation de ses lecteurs[163].

Peu après les articles datant de 2001, une enquête d'une jeune historienne, Anne-Claude Ambroise-Rendu, débouche sur le premier article scientifique sur le sujet, dans une revue spécialisée sur les médias en 2003[165], qui élargit la recherche sur 120 ans, puis sur un livre en 2014[166].

Affaire Tuvia Grossman

Le 2 octobre 2000, Libération publie un cliché fourni par Associated Press représentant au premier plan un jeune homme blessé (notamment à la tête) devant un policier israélien en arrière-plan dressant de façon menaçante une matraque, qu'il légende comme un « Palestinien victime des affrontements » et situant la scène à l' "Esplanade des mosquées". Rapidement, il apparaît que le jeune homme blessé, du nom de Tuvia Grossman, est un étudiant juif qui a été sorti de son taxi et sévèrement molesté par une bande d'Arabes, le soldat israélien tentant de lui apporter secours en faisant fuir ses agresseurs. Libération publie un démenti le 6 octobre reconnaissant avoir légendé incorrectement le cliché et avoir indiqué un faux lieu.

Libération est condamné par le Tribunal d'Instance de Paris le 3 avril 2002 par la 17e chambre à verser 4 500 euros de dommages et intérêts à M. Grossman (défendu par Maître William Goldnadel) pour atteinte à son image, aggravée par une légende erronée[167].

Affaire Mehdi Meklat

En , alors que Mehdi Meklat est au cœur d'une polémique sur les réseaux sociaux, puis dans la presse[168], plusieurs personnalités et journalistes, notamment Jack Dion de Marianne, accusent Libération de prendre la défense du blogueur du Bondy Blog, dont il est partenaire[169]. Celui-ci dénonce une « inversion des rôles et des responsabilités », qui rejette la faute sur les médias ayant dévoilé le racisme de Mehdi Meklat pour oublier ceux qui à l'instar de Libération « en ont fait leur chouchou »[170]. Hugues Serraf, trouve lui « insupportable d'être assigné à cette fameuse fachosphère par le raisonnement crapoteux élaboré dans la panique par une équipe de pompiers pyromanes, qui transforme un appel au meurtre en naïveté adolescente »[171]. Par la suite, il estime dans un nouvel éditorial qu'un autre journaliste du quotidien, Philippe Douroux et un contributeur extérieur que Dion croit appartenir à Libération, Eric Loret, continuent de défendre le journaliste du Bondy Blog[172].

Alain Finkielkraut, dont certains tweets de Meklat disaient qu'il fallait lui « casser les jambes » ce « fils de pute », juge que Libération et d'autres titres de presse étaient trop en accord avec Mehdi Meklat quand celui-ci affirmait que « la stigmatisation du voile n'est rien d'autre que du racisme et la perpétuation du colonialisme » pour dénoncer l'autre face du blogueur[173].

Révélations concernant la « Ligue du LOL »

Le vendredi , dans la soirée, le service Checknews de Libération révèle que plusieurs personnalités de la sphère journalistique parisienne, à partir de 2009, se sont livrées à un harcèlement de militantes, de journalistes féministes (aussi bien femmes que hommes) au sein d'un groupe Facebook autoproclamé « Ligue du LOL »[174],[175],[176].

Deux journalistes de Libération, Vincent Glad et Alexandre Hervaud, sont alors mis en cause. Le , le directeur de publication Laurent Joffrin annonce leur mise à pied à titre conservatoire.

Le lundi , Laurent Joffrin confirme lors d'un comité de rédaction le licenciement des deux journalistes[177].

Forum au Gabon pour redorer l'image d'Ali Bongo

La Lettre A, quotidien spécialisé dans les médias, révèle en qu'un forum au Gabon a été financé principalement par un service de la présidence gabonaise. Le projet de forum, visait, selon Laurent Mauduit, à associer Libération à un plan de communication d’Ali Bongo, « pour redorer son blason ». En dépit d'un premier refus de la Société des personnels, celle-ci sous la pression de la direction du journal finit par s'incliner. Le quotidien aurait reçu 450 000 euros pour sa prestation, tandis que ses actionnaires auraient empoché trois millions d’euros[178]. L'enquête diligentée en interne révèle que 450 000 euros de commissions auraient été versés à « un intermédiaire »[179]. Pierre Fraidenraich a présenté sa démission du groupe Altice après ces révélations. Lui et le directeur de la rédaction Laurent Joffrin avaient été récemment entendus comme témoins dans une enquête ouverte par le Parquet national financier concernant cet événement[180],[181]. Lors de la conférence qui suit la révélation de cette affaire, Laurent Joffrin concède devant une partie de la rédaction avoir été au courant d’un « important complément d’argent » versé à Libération, en violation, selon Robin Andraca, « des engagements pris par la direction auprès des représentants des salariés en 2015. »[182]

Le lundi , une motion de défiance votée à une large majorité de 76,8 % des suffrages exprimés (72,8 % des journalistes ayant participé au vote) appelle à plus de transparence et à ce que les salariés du journal soient désormais représentés par un administrateur salarié disposant d'un droit de vote dans les instances du groupe qui décident de la gestion et de l’avenir du journal. La démission du directeur Laurent Joffrin n'est cependant pas demandée[183].

Notes et références

Notes

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Références

  • Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « P'tit Libé » (voir la liste des auteurs). *
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  182. Robin Andraca, «Libé» a-t-il touché de l'argent pour organiser un forum au Gabon en 2015 ?, liberation.fr, 27 mars 2019.
  183. « Motion de défiance à « Libération » : la rédaction veut placer Joffrin sous surveillance », L'Obs, .

Annexes

Bibliographie

Ouvrages :

Monographie :

  • Philippe Artières, Miettes. Éléments pour une histoire infra-ordinaire de l'année 1980[a], éd. Verticales, 2016 - extraits des petites annonces parues dans le supplément « Sandwich » du journal Libération de 1979 à 1981.
  1. « Petites annonces et grande Histoire : les miettes de “Sandwich” à savourer », article du magazine Télérama du 6 avril 2016..

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