Juda et Tamar

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Juda et Tamar
Épisode du Livre de la Genèse
Image illustrative de l’article Juda et Tamar
Juda und Thamar,
musée de la cathédrale Saint-Pierre de Trèves,
huile sur toile dépeignant Genèse 38:26

Titre original מעשה יהודה ותמר Maassè Yehoudah vèTamar
Parasha Vayeshev
Lieu(x) de l’action Adullam, Kezib, Timna
Personnages Juda et Tamar
Hira, Bat Choua, Er, Onan et Chêla

L’histoire de Juda et Tamar (hébreu : מעשה יהודה ותמר Ma῾aśê Yehûdâ we-Tamar, grec : Ὁ Ιούδας καὶ ἡ Θάμαρ Ho Ioudas kai hè Thamar) est un épisode biblique du Livre de la Genèse.

Faisant immédiatement suite à la vente de Joseph instiguée par Juda, l’épisode relate ce qu’il advient de ce dernier : Juda épouse tout d'abord Bat Choua avec qui il a trois fils, Er, Onan, et Chêla. Le père comblé choisit pour Er, son fils aîné, une épouse du nom de Tamar, mais celui-ci meurt avant de lui avoir donné des enfants. Son décès est rapidement suivi par celui de son frère Onan, et Juda qui met ces malheurs sur le compte de Tamar, la renvoie chez son père, sans lui donner en mariage son troisième fils. Cependant, Tamar piège Juda et réussit à obtenir de lui un acte charnel, dont sont issus deux enfants jumeaux. De cette lignée est issu David, fondateur de la lignée royale d'Israël qui s’achève d’après la Bible avec le Roi-Messie.

Mis en image, en prose ou en vers, ce récit n’a pas manqué de susciter l’intérêt des lecteurs et commentateurs tout au long de l'histoire, jusqu’à l’époque contemporaine. D’aucuns ont souligné l'originalité de l’épisode et son intercalage dans l’histoire de Joseph ; d’autres cherchèrent à expliquer l’attitude du patriarche éponyme de la nation juive et de sa bru dont les rapports, relevant à la fois de l’adultère et de l’inceste, leur auraient en théorie valu d’être lapidés à mort en vertu de la loi biblique. L'épisode revêt une nature d'autant plus paradoxale qu'il est à l'origine de la lignée royale d'Israël. Peu présent dans le lectionnaire chrétien jusqu’à l'époque moderne, il apparaît en revanche tout au long de l’histoire des lettres juives, depuis la Bible jusqu’à la littérature israélienne. Le récit fait aussi débat dans la communauté académique : certains considèrent ce passage intercalaire comme un ajout tardif et postérieur au cycle de Joseph, d'autres y voient en revanche un passage nécessaire pour expliquer l’entièreté de ce cycle.

Le récit biblique[modifier | modifier le code]

Présentation[modifier | modifier le code]

L’histoire de Juda et Tamar constitue l’intégralité du chapitre 38 de la Genèse. Il comporte, dans le texte hébraïque qui a servi de base à la Vulgate, 30 versets:

La vallée d’Adoullam, recouverte de pins.
Paysage du Wadi Timna.
Position transverse-transverse lors d’une naissance gémellaire qui était peut-être celle des enfants de Juda et Tamar lors de l’accouchement[1]

« 1 Il arriva, en ce temps-là, que Juda s’éloigna de ses frères et s’achemina vers un habitant d’Adoullam, nommé Hira.
2 Là, Juda vit la fille d’un Cananéen, appelé Choua ; il l’épousa et s’approcha d’elle.
3 Elle conçut et enfanta un fils, à qui il donna le nom d’Ér (« Éveillé »).
4 Elle conçut encore et eut un fils et elle lui donna le nom d’Onàn (« Vigoureux »).
5 De nouveau elle enfanta un fils et elle le nomma Chéla. Il était à Kezib lorsqu’elle l’enfanta.
6 Juda choisit une épouse à Ér, son premier né ; elle se nommait Thamar.
7 Ér, le premier né de Juda, ayant déplu au Seigneur, le Seigneur le fit mourir.
8 Alors Juda dit à Onàn : "Épouse la femme de ton frère en vertu du lévirat, afin de constituer une postérité à ton frère."
9 Onân comprit que cette postérité ne serait pas la sienne ; et alors, chaque fois qu’il approchait[Note 1] de la femme de son frère, il corrompait sa voie, afin de ne pas donner de postérité à son frère.
10 Sa conduite déplut au Seigneur, qui le fit mourir de même.
11 Et Juda dit à Thamar, sa belle fille : "Demeure veuve dans la maison de ton père, jusqu’à ce que mon fils Chéla soit plus grand," car il craignait qu’il ne meure, lui aussi, comme ses frères. Et Thamar s’en alla demeurer dans la maison de son père.
12 Longtemps après mourut la fille de Choua, femme de Juda. Quand Juda se fut consolé, il alla surveiller la tonte de ses brebis, avec Hira son ami l’Adoullamite, à Timna.
13 On informa Thamar en ces termes : "Ton beau père monte en ce moment à Timna pour tondre ses brebis."
14 Elle quitta ses vêtements de veuve, prit un voile (tsaïf) et s’en couvrit[Note 2] ; et elle s’assit au carrefour des Deux Sources (peta'h einayim)[Note 3], qui est sur le chemin de Timna. Car elle voyait que Chéla avait grandi et qu’elle ne lui avait pas été donnée pour épouse.
15 Juda, l’ayant aperçue, la prit pour une prostituée (zona) ; car elle avait voilé son visage.
16 Il se dirigea de son côté et lui dit : "Laisse moi te posséder." Car il ignorait que ce fût sa belle fille. Elle répondit : "Que me donneras-tu pour me posséder ?"
17 Il répliqua : "Je t’enverrai un chevreau de mon troupeau." Et elle dit : "Bien, si tu me donnes un gage (eravon) en attendant cet envoi."
18 Il reprit : "Quel gage te donnerai-je ?" Elle répondit : "Ton sceau, ton cordon et le bâton que tu as à la main." Il les lui donna, il approcha d’elle et elle conçut de son fait.
19 Elle se leva et partit ; elle quitta son voile et reprit les vêtements de son veuvage.
20 Juda envoya le chevreau par l’entremise de son ami l’Adoullamite, pour retirer le gage des mains de cette femme ; il ne la trouva point.
21 Il questionna les gens de l’endroit, disant : "Où est la prostituée (qdesha[Note 4]) qui se tient aux Deux Sources, sur le chemin ?" Ils répondirent :"Il n’y a point de prostituée ici."
22 Il retourna auprès de Juda et dit : "Je ne l’ai pas trouvée ; et même les habitants de l’endroit ont dit qu’il n’y avait point là de prostituée."
23 Et Juda dit : "Qu’elle garde ce qu’elle a et que nous n’ayons pas à rougir ; car enfin, j’ai envoyé ce chevreau et tu n’as pu la trouver."
24 Or, environ trois mois après, on informa Juda, en disant :"Thamar, ta bru, s’est prostituée et elle porte dans son sein le fruit de la débauche." Juda répondit : "Emmenez la et qu’elle soit brûlée !"
25 Comme on l’emmenait, elle envoya dire à son beau père : "Je suis enceinte du fait de l’homme à qui ces choses appartiennent." Et elle dit : "Examine, je te prie, à qui appartiennent ce sceau, ces cordons et ce bâton."
26 Juda les reconnut[Note 5] et dit : "Elle est plus juste que moi, car il est vrai que je ne l’ai point donnée à Chéla mon fils." Cependant il cessa, dès lors, de la connaître.
27 Or il se trouva, lors de son enfantement, qu’elle portait des jumeaux dans son sein.
28 Au moment de sa délivrance, l’un d’eux avança la main ; la sage femme la saisit et y attacha un fil d’écarlate, pour indiquer que celui ci était né le premier.
29 Comme il retirait sa main, voici que son frère vint au monde. Elle dit : "Avec quelle violence tu te fais jour !" Et on lui donna le nom de Péreç (la « Brèche »).
30 Ensuite naquit son frère, dont la main portait le fil d’écarlate. On lui donna le nom de Zérah.
 »

— Bible Hébraïque / Tanakh / Ancien Testament, Genèse, chapitre 38 (Bible du Rabbinat)

Structure[modifier | modifier le code]

Les trente versets du récit sont organisés en chiasme autour de la rencontre entre Tamar et Juda à Einayim[Note 6] :

  • 38:1-5 : les enfants de Juda et la fille de Choua, à Adullam
    • 38:6-11 : après la mort des premiers enfants, Juda parle à Tamar et la renvoie chez son père
      • 38:12-14 : Tamar met en œuvre un stratagème destiné à piéger Juda
        • 38:15-18 : Tamar et Juda se rencontrent, dialoguent et se connaissent (charnellement)
      • 38:19-23 : Tamar s'en retourne ; Juda est mystifié une nouvelle fois
    • 38:24-26 : sortie de chez son père pour être mise à mort avec ses enfants à naître, Tamar parle à Juda
  • 38:27-30 : les enfants de Juda et Tamar.

Gn 38:1-5 présente une succession rapide de naissances, ce qui pourrait indiquer qu’elles ne constituent pas l’intrigue principale mais servent à la mettre en valeur[2]. Cette section partage avec Gn 38:27-30 les thèmes et termes associés à la naissance et la nomination d’enfants (y-l-d « enfanter », y-ṣ-ʾ « sortir », q-r-ʾ « appeler », š-m « nom »). Toutefois, les noms des premiers enfants sont à double sens[3], alors que ceux des seconds enfants — qui apparaissent comme en compensation des premiers[4] — sont exclusivement positifs.
Gn 38:6-11 et 38:24-26 convoient tous deux l’idée du châtiment des fautes après jugement, humain ou divin, bien qu’Er et Onan aient véritablement fauté tandis que Juda reconnait finalement la justesse de Tamar.
Gn 38:12 (« Longtemps aprèsJuda… monta »), construit sur le modèle de Gn 38:1 avec une clause temporelle et un mouvement (« en ce temps-là, Juda descendit de ses frères »), marque un nouveau départ et le verset 38:13 (« On informa Tamar, (litt.) en disant ») annonce le verset 38:24 (« on informa Juda, en disant ») tant d’un point de vue lexical que causal. Gn 38:16 (litt. « il se détourna vers elle sur la route ») reproduit quant à lui Gn 38:1 (litt. « il se détourna vers un homme d’Adullam »). La symétrie entre Gn 38:12-14 et 38:19-23 se retrouve par ailleurs jusque dans la structure des versets 38:14 (« elle s’assit à l’entrée d’Einayim sur la route de Timna ») et 38:21 (« Où est la prostituée qui se tient à Einayim, sur la route ? ») ainsi que 38:14 (« Elle retira ses vêtements de veuve, prit un voile et s'en couvrit ») et 38:19 (« elle retira son voile et (litt.) se revêtit des vêtements de son veuvage »). Gn 38:14 (« car elle voyait que Chêla avait grandi et qu'elle ne lui avait pas été donnée pour épouse ») renvoie en outre à Gn 38:26 (« car il est vrai que je ne l'ai pas donnée à Chêla mon fils »)[5].
Le don (n-t-n « donner[Note 7] ») se retrouve sous diverses formes à travers le récit, ainsi que la procréation (b-w-ʾ ʾ-l « venir à[Note 1] ») et la conception (h-r-h « concevoir »), en particulier dans le membre central du chiasme, Gn 38:15-18, lui-même construit en chiasme autour de ces mots-clés et du gage (« Que me donneras-tu pour (litt.) venir à moi ?… si tu me donnes un gage… quel gage te donnerai-je ?… II les lui donna, (litt.) vint à elle »)[6].

Le récit qui débute par trois naissances et se termine sur une double naissance, semble avoir privilégié le thème de la perpétuation de la lignée, qui occupe donc une place centrale tant dans la structure interne du récit que dans le livre de la Genèse[7] ; c’est à l’aune de celle-ci que sont jugés ses acteurs — la tromperie d’Onan qui feint d’appliquer le lévirat mais refuse en réalité de donner une descendance à son frère, lui vaut la mort tandis que la ruse de Tamar qui trompe par deux fois son beau-père, est sanctionnée favorablement, tant par la providence — qui veille au bon accomplissement de chacune de ses phases et suscite des jumeaux — que par Juda qui reconnaît la plus grande justesse de sa bru puisque la descendance qu’il lui a refusée et qu’elle s’est évertuée à obtenir, lui revenait de droit[8].

Traitements intra-bibliques du récit de Juda et Tamar[modifier | modifier le code]

Le récit dans son contexte[modifier | modifier le code]

Passant abruptement de Joseph à Juda, Gn 38 demeure lié dans ses thèmes et termes à son contexte immédiat (Gn 37 et 39) ainsi qu’au reste du cycle des fils de Jacob (Gn 34-50)[9]: la « descente » (Gn 38:1) situe le récit de Juda entre celui de son père Jacob (Gn 37:35 : « je descendrai vers mon fils, endeuillé dans la Tombe », Gn 45:9 : « (litt.) Descends vers moi, ne demeure pas » & Gn 46:3-4 : « Ne crains pas de descendre en Égypte… je descendrai avec toi ») et celui de son frère Joseph (Gn 39:1 : « Joseph fut donc (litt.) descendu en Égypte »); la rencontre de Juda avec un homme adullamite (Genèse 38:1) puis un homme cananéen (Genèse 38:2)/ et celle de Joseph avec un homme égyptien (Gn 39:1) accentuent la comparaison[10],[11],[12].

Le récit commence favorablement pour Juda, avec une série de naissances en succession rapide, alors que Joseph commence au plus bas. Cependant, Dieu intervient dans la destinée de Juda non pour « faire prospérer l’œuvre de ses mains » (Gn 39:2-3) mais pour mettre Er son fils ainé à mort (Gn 38:7). Contrairement à Jacob qui demeure inconsolable, Juda réagit immédiatement en remariant sa bru à son second fils, Onan[13]. Comme Juda qui avait sauvé la vie de Joseph « car il est notre frère », Onan assume une responsabilité familiale de façade en « [venant] à la femme de [s]on frère afin de donner une postérité à [s]on frère » mais en substance, « lorsqu’il [vient] à la femme de son frère », Onan abuse son père et corrompt sa semence « afin de ne pas donner de postérité à son frère » pour des considérations matérielles (ses droits sur le patrimoine) de même que Juda avait proposé de vendre Joseph à des marchands ambulants pour en retirer un avantage financier, avant de tromper son père (Gn 37:26-27 & 38:8-9)[14]. Après avoir perdu deux fils, Juda accuse le coup et refuse d’unir Chêla à Tamar « de crainte qu’il ne meure … comme ses frères » (Gn 38:11), de même que Jacob refusera de laisser Benjamin descendre en Égypte, « car son frère est mort » (Gn 42:38)[15]. La compassion de Juda ne s’étend néanmoins pas à sa bru, qu’il condamne sciemment à vivre en marge d’une société patriarcale où elle n'est ni épouse ni mère[16], et il se console assez rapidement de la disparition de son épouse[17] : si Jacob « refusa d’être consolé et dit : "Non car je descendrai vers mon fils"... » (Gn 37:35), Juda, devenu veuf, « (litt.) se consola et monta vers ses tondeurs » (Gn 38:12)[13].

Lorsqu’elle apprend la venue de son beau-père à Timna, Tamar se défait des habits qui la marquent comme veuve (Gn 38:14) tout comme les frères ont ôté la tunique permettant d’identifier Joseph (Gn 37:23)[18]. Ce thème du vêtement identificateur revient en Gn 39 où la femme de Potiphar arrache la tunique de Joseph ainsi qu’en Gn 41 lorsque le roi d’Égypte dote Joseph d’habits royaux[19]. Les termes employés par Juda pour approcher la prostituée (Gn 38:16) rappellent ceux de Jacob lorsqu’il s’apprête à connaître Rachel (avant d’être trompé par Laban qui lui donne Léa)[20]. Pour leurrer Juda, qui a trompé son père en envoyant la tunique de Joseph barbouillée du sang d’un bélier (seïr izim), Tamar demande à se faire envoyer un chevreau (gdi izim) en salaire[18]. Alors que Joseph conservera sa vertu face à une femme des plus insistantes, Juda s’abandonne à une relation passagère avec une « prostituée »[17].

Environ trois mois plus tard, le plan de Tamar atteint sa conclusion. Comme preuves de son adultère supposé, Gn 38:25 utilise la même syntaxe et les mêmes termes que Gn 37:32 pour présenter les preuves de la mort supposée de Joseph (« ils envoyèrent/elle envoya », « Reconnais donc/reconnais donc »)[18]. Juda a failli là où Joseph n’a pas fauté[17] mais il se révèle à ce moment dans sa grandeur d’âme : celui qui avait, jusque là, fait indument endosser à Tamar la responsabilité de ses malheurs, reconnait qu’« elle est plus juste que moi car [c’est moi qui] ne l’ai pas donnée à Chêla mon fils ». Alors qu'il usait volontiers de faux-semblants et tenait à sa réputation impeccable, Juda admet publiquement ses torts, sans avoir été acculé par Tamar qui ne l'a pas directement accusé. Finalement, le patriarche qui se laissait guider par ses instincts, « cessa, dès lors, de la connaître »[21].
Tamar est par contre apparue comme un personnage positif de bout en bout: elle s’est, certes, montrée aussi artificieuse que la femme de Putiphar et a mystifié son beau-père mais elle cherchait à accomplir le lévirat comme le lui avait promis Juda, et non à « s’amuser », contrairement à l’Égyptienne innommée (Gn 39:14 & 17)[22]. Tamar agit sous la contrainte des circonstances comme le reconnaît Juda, et elle n’a compromis qu’elle-même tandis que la femme de Putiphar a nui par ses agissements à Joseph ; les preuves qu’a produites Tamar rétablissent la vérité tandis celles de la femme de Potiphar accréditent ses mensonges et Joseph finit une nouvelle fois au trou. La même conclusion se dégage de la comparaison entre Rebecca et Tamar dans le contexte plus général des récits patriarcaux: toutes deux ont eu recours au déguisement et fait usage d’un chevreau pour leurs subterfuges afin d’obtenir ce que les hommes en position de force n’avaient pas l’intention de leur donner — une descendance pour Tamar, l’assurance pour Rebecca de voir Jacob recevoir la bénédiction qu’Isaac réserve à Esaü (he) — mais la matriarche a initié ce faisant un cycle familial de tromperies et entretenu le conflit entre frères sur plusieurs générations, alors que Tamar y a mis fin[23].

Doté dès lors d’une dimension morale qui lui faisait jusque là défaut[21], Juda emploiera ses talents de persuasion pour réunir la famille qu’il avait fortement contribué à désunir. Comme lors de la vente de Joseph, il démontre sa supériorité sur son frère aîné Ruben en convainquant Jacob de laisser Benjamin accompagner ses frères à la demande du vice-roi d’Égypte qui retient Siméon en otage : Ruben — considérant apparemment que la mort d’Er et Onan avait été le prix à payer pour la mort de Joseph — offre deux de ses fils en otage mais Jacob, qui a vécu la perte d’un fils contrairement à Reuben, ne peut accepter cette solution. Juda, qui a lui aussi connu cette épreuve et a appris de Tamar l’importance du gage (eravon, Gn 38:17-18), s’offre lui-même en garant (arev) de son frère (Gn 43:9), emportant la confiance de son père. Il se montre prêt à assumer ce rôle en substance lorsque Joseph, qui a reproduit les conditions de sa vente en faisant accuser Benjamin de vol, donne la possibilité aux frères de s’en retourner librement à Canaan en « vendant » leur frère ; Juda, qui avait été le principal acteur dans cet épisode et avait brisé le cœur de son père en lui causant la perte d'un fils chéri, s'offre en esclave plutôt que de voir Jacob descendre dans la Tombe ; son discours parle au cœur de Joseph et le pousse à se révéler[17],[Note 8].

La naissance des jumeaux de Juda et Tamar, seul exemple de grossesse gémellaire dans la Bible avec la naissance de Jacob (Gn 25:21-26), reprend ses termes presqu’à l’identique (notamment, « (litt.) et voilà, des jumeaux (tomim/teomim) en son ventre » – Gn 25:24 & 38:27)[24]. Les jumeaux s'affrontent pour l'ordre de naissance (Gn 25:22 & 38:28-30) mais alors que la main de Jacob était accrochée à celle de son frère Esaü/Edom (Gn 25:26), la main de Zera'h, marquée d’un fil écarlate, retourne dans l’utérus (Gn 38:28) ; Perets a ainsi pris l'ascendant sur lui non par la ruse, comme son grand-père Jacob, mais par la force. Zerah, lui, est doublement lié à Edom, par la rougeur du fil écarlate et par son homonymie avec l’un des petits-fils d’Esaü (Gn 36:13 & 17), d’autant que Dieu « est venu du Sinaï et a brillé (zara’h) sur le Séïr » (Dt 33:2) et Séir est un surnom du fils aîné d’Isaac car il naît velu (cf. Gn 25:25). D'autre part, les enfants de Juda sont mis en parallèle avec ceux de Joseph lorsque Jacob inverse sur son lit de mort l’ordre des deux fils de Joseph (mis sur le même pied que les siens propres — Gn 48:5 — et bénis de Dieu contrairement aux premiers fils de Juda — Gn 48:15-16 & 20) ; Joseph tente lui aussi de rétablir l’ordre de naissance par la force (Gn 48:13-17) mais seulement parce qu’il met cette inversion sur le compte de la cécité de son père. Après que Jacob lui a assuré qu’il s’agissait d’un choix volontaire (Gn 48:19), Joseph ne persévère pas dans son attitude[25].

À l’heure du bilan, lorsque Jacob bénit ses fils (he), il loue encore Joseph, seul parmi ses fils à n’avoir pas succombé dans l’épreuve, contrairement à Ruben, qui a couché avec Bilha (Gn 35:22), Siméon et Levi, qui se sont vengés dans la violence des habitants de Sichem (Gn 34), et Juda[26]. Cependant, arrivé au quatrième fils, le patriarche rappelle, après avoir fait longuement allusion à sa première famille — Er est figuré par ʿiroh - l’ânon, Onan par [ben] atono - [le fils de] l’ânesse, Chelâ par Shilo et la mort des aînés par le « sang des vignes »[27] — que Juda s’est amendé à la suite de ses démêlés avec Tamar et que son emprise sur ses frères, déjà évidente lors de la vente de Joseph, n’a cessé de croître depuis lors, particulièrement lors du rachat de Benjamin. C’est donc entre ses mains que demeurera le sceptre (litt. bâton), lui que ses frères « reconnaîtront » et c’est devant lui, non Joseph, qu’ils s’inclineront (Gn 49:8)[28].

Le récit et ses échos bibliques[modifier | modifier le code]

Samson et Dalila, gravure de Gustave Doré (1882-1883)

Juda comme Samson sont des héros imparfaits, dont la grandeur ou les hauts faits n’empêchent pas les errements, en particulier avec les femmes. Celles-ci sont volontiers décrites comme des êtres rusés et vindicatifs qui mènent l’homme trop sûr de lui à sa perte ; cependant, cet homme, acculé, se révèle dans toute la grandeur de son caractère ou de sa force[TableB 1]

Au-delà de son contexte immédiat, Gn 38 est succinctement mentionné dans l’énumération des fils d’Israël descendant en Égypte (Gn 46:12), dans celle de ceux qui en sortent (Nb 26:19) et dans la liste des descendants de Juda (2 Chr 2:3-4). L’un de ses thèmes majeurs, le yibboum (lévirat), est également développé en Dt 25:5-10 qui ne met cependant plus l’accent sur la perpétuation de la lignée mais sur le bien-être de la femme, laquelle a, contrairement à Tamar, la possibilité d'en référer aux juges locaux ou de pratiquer la cérémonie du déchaussement si son beau-frère refuse de s’unir à elle[29],[Note 9]. La plupart des références bibliques à l’histoire de Juda et Tamar — qui constitue son plus ancien niveau d'interprétation — sont cependant moins directes, et se font par le biais de parallèles littéraires, directs ou inversés, de jeux de mots ou de sonorités.

Comme Juda, Samson s’entiche d’une étrangère, en l’occurrence une Philistine de Timna, et ses parents désapprouvent — comme, sans doute, le narrateur — ce projet d’union mais ils ne savent pas que, contrairement à Juda, l’attrait du Danite pour la Philistine « venait de Dieu [qui] cherchait une occasion de nuire aux Philistins » (Jg 14:4). La condamnation des mariages mixtes se retrouve aussi chez Mic 1:14-15 et Mal 2:11-12 : le premier évoque Gn 38 par les toponymes d’Adullam et Akhziv, jouant de surcroît sur le toponyme Akhziv et l’adjectif akhzav — qui indique la « déception » ou la « tromperie » — pour faire savoir tout le mal qu’il pense de la descente de Juda parmi les étrangers ; le second vocifère contre les Judéens qui ont ramené de leur exil à Babylone des conjointes non-juives, unissant dans une même imprécation la nation de Juda qui « a trahi …, profané ce qui est sacré devant YHWH », et son patriarche éponyme qui « a épousé la fille d’un dieu étranger », souhaitant que Dieu retranche des tentes de Jacob l’« être veillant et parlant (ʿer vèʿonè) » qui fait allusion à Er et Onan[30]. Professant apparemment la position inverse, le Chroniste mentionne factuellement et sans jugement l’union de Juda à Bat Choua la Cananéenne ainsi que les enfants qui en sont nés — y apparaît aussi un autre Er, fils de Chelâ qui a apparemment tenu à ce que le nom de son frère soit préservé.
La Bible évoque plusieurs fois Er, mentionnant ou non sa mort mais sans jamais y mêler Dieu et, partant, sans expliquer pourquoi Er fut mauvais à ses yeux. En revanche, le Deutéronome condamne le « gaspillage de semence » auquel se livrait Onan afin de ne pas féconder Tamar[29], le premier chapitre du livre de Samuel présente Hophni et Phineas, les deux fils dévoyés du prêtre Eli qui maltraitent les femmes et mourront dans leur jeunesse de la main de Dieu[31], et le livre de Ruth prête au parent anonyme d’Élimelekh le même souci qu’Onan de conserver son héritage, pour se dégager — bien que sans dommage pour lui — de ses obligations de rachat selon une coutume qui ressemble au lévirat (Ruth 4:16)[32].

Lorsqu’Eli — qui ne voit pas les errements de ses propres fils — aperçoit dans son sanctuaire une femme qui se désespère de n’être pas mère, il « (litt.) la considèr[e] ivre » (1 Sam 1:13) tout aussi indument que Juda qui, apercevant la femme à Peta’h Einayim, « (litt.) la considéra prostituée » (Gn 38:15). Mis au fait de son erreur, Eli s’amende comme Juda et aidera la femme à atteindre son but[TableB 2].

« Que ta maison soit comme la maison de Perets, que Tamar a enfanté à Juda, par la postérité que YHWH te donnera de cette jeune femme » - Ruth 4:12
Outre les références directes faites à Tamar, Juda et Perets à la fin du Livre de Ruth (4:12 & 4:18), le livre s’ouvre sur le même incipit que Gn 38, un même départ pour une terre étrangère, la mort de deux fils qui laisse la protagoniste du récit sans descendance et l’invitation à retourner à la maison familiale.
Stérile alors qu’elle n’est pas infertile, la protagoniste a recours à une ruse érotique pour séduire un homme plus âgé et, après avoir donné naissance à un ancêtre de la maison de David, disparaît nommément de la fin du récit[33], ne jouant même plus de rôle actif lors de son accouchement, contrairement à la mère des premiers enfants de Juda[34].

La tactique de Tamar ne consiste cependant pas à se répandre en prières ; ce n’est pas sans raison qu'on la prend pour une zona ou une qdesha, et la Bible interdira de telles pratiques parmi les filles d’Israël (Dt 23:18)[35],[Note 7]. Comme les filles de Lot (he), Tamar n’hésite pas, pour assurer la continuation de la lignée, à obtenir frauduleusement la semence d’un homme qui n’en a pas conscience ni à se compromettre dans une relation que réprouverait le Lévitique ; ces unions coupables produisent deux enfants (Moab et Ammon/Peretz et Zera’h) et l’un de ces enfants fonde à son tour une lignée qui aboutit, via Ruth la descendante de Moab/Boaz le descendant de Peretz, au roi David[36].

Il semble d'ailleurs que le livre de Ruth, principalement fondé sur Gn 19:30-38 et Gn 38, a eu pour but de présenter Ruth la Moabite, descendante des filles de Lot et équivalent littéraire de Tamar, comme une version plus « acceptable » de ses modèles : étrangère à la nation israélite, Ruth se montre aussi résolue que Tamar à perpétuer la lignée familiale mais elle le fait pour Noémi et non pour elle-même ; voulant séduire l’homme convoité, elle change de vêtements pour se rendre à la fois plus séduisante et moins identifiable mais elle le fait sur l’injonction de sa belle-mère et non de sa propre initiative ; elle dort auprès de l'homme qui a bu mais attend son réveil ; elle donne finalement un enfant à Boaz mais seulement après leur mariage ; la lignée davidique issue de Perets a donc bien mal commencé mais elle s’est « corrigée » par la suite[37],[TableB 3].

Quelques générations plus tard, l’histoire de Juda et Tamar se répète avec celle de leur plus illustre descendant, le roi David : prenant de la distance avec ses frères/Saül, Juda/David se rend/se réfugie à Adullam (Gn 38:1/1 Sam. 22:1). Il s’associe avec Hira (Gn 38:1)/Hiram (1 Sam 5:11) et a une femme nommée Bat Choua (Gn 38:2 & 12, 1 Chr 2:3)/Bat Cheva (Bethsabée, appelée Bat Choua en 1 Chr 3:5). Sa conduite vis-à-vis de Tamar/Urie le Hittite est moralement répréhensible et sa relation sexuelle avec sa bru/une femme mariée est également embarrassante mais il ne semble pas s’en rendre compte. Cependant, lorsque Tamar/Nathan l’amène à le reconnaître par une voie détournée, sa réaction est immédiate, lapidaire et sans dérobade : « Elle est plus juste que moi » (Gn 38:26)/« J’ai péché envers YHWH » (2 Sam 12:13)[38],[TableB 4].

David s’est racheté et ne sera pas châtié lui-même mais le premier fils qu’il aura eu de Bethsabée mourra rapidement, et Nathan prophétise la discorde parmi ses enfants. Bientôt, son fils Amnon viole sa fille Tamar (2 Sam 13) : bien que ce récit et sa figure centrale présentent davantage de ressemblances avec Gn 37 et Joseph respectivement[39], un associé (re’a), Hira (Gn 38:12)/Jonadab (2 Sam 13:3), est impliqué dans les deux trames, ainsi que les motifs du subterfuge (Tamar se fait passer pour une prostituée/Amnon se fait passer pour malade) et du vêtement symbolisant le changement d’état (la première Tamar retire ses vêtements de veuve avant de passer à l’action pour les remettre aussitôt après l’obtention des gages/la seconde Tamar déchire sa tunique après avoir été violée). La fête de la tonte est aussi cruciale pour le plan de Tamar en vue d’attirer et séduire Juda (Gn 38:12) qu’elle l’est pour Absalom — frère de la seconde Tamar et père de la troisième — en vue d’attirer et tuer Amnon qui a souillé l’honneur de sa sœur (2 Sam 13:23). Enfin, la bru de Juda et sa lointaine descendante homonyme ont toutes deux eu ou subi des relations avec un proche parent dont la Bible interdit de découvrir la nudité, qui avec son beau-père, qui avec son demi-frère (cf. Lv 18:15-16)[40].

Des générations plus tard, Jérusalem est assiégée puis vaincue par le royaume de Babylone, et l’on y exile l’élite dirigeante du royaume de Juda, parmi laquelle se distinguent Daniel, remarqué par le pouvoir pour ses dons d’oniromancie comme autrefois Joseph, et ses trois compagnons, Hanania, Mishaël et Azaria. Dans le trente-huitième chapitre du livre de la Genèse/troisième chapitre du livre de Daniel, Joseph/Daniel est absent ; sommés de se prosterner devant une statue d’or, les trois compagnons de Daniel refusent et, comme Juda lorsqu’il apprend le dévergondage supposé de sa bru, Nabuchodonosor ordonne de les jeter au feu (Gn 38:24/Dan 3:6) ; Tamar/les trois compagnons réagissent à la sentence en proclamant leur droiture (Gn 38:25/Dan 3:17-18). Contrairement à Tamar, les compagnons sont jetés dans le brasier qu’on a fait chauffer sept fois plus qu’il n’est nécessaire, mais pour eux comme pour elle, la situation se renverse et elle/ils sont sauvés de la fournaise, tandis que Juda/Nabuchodonosor admet ses torts (Gn 38:26/Dan 3:28-29). Tamar/les trois vertueux se voient récompensés par la naissance de jumeaux (Gn 38:27-30)/des faveurs royales (Dan 3:30)[41].

Des jumeaux de Tamar, Zerah n’est mentionné que dans le livre de Josué lors de l’inconduite de son descendant Akhan. En revanche, Perets et les mots construits sur la racine p-r-ṣ apparaissent de façon prépondérante dans les aléas de la famille royale, pour décrire le jaillissant roi David ou son effronterie (1 Sam 25:10), évoquer l’irruption d’Absalom devant son père (2 Sam 13:25 & 27)[42] ou faire allusion au Messie dont les prophéties assurent qu’il proviendra de la maison de David (Mic 2:12-13, Amos 9:11)[43].

Lectures de l’ère antique[modifier | modifier le code]

L’ère du Second Temple qui fait suite à la période de la Bible, donne lieu à un foisonnement d’idées et une riche littérature dont seuls quelques livres seront consacrés dans le canon biblique. Les autres sont le produit de sectes qui interprètent, réécrivent ou parfois oblitèrent Genèse 38 de la Bible selon leurs idées propres (ce fut notamment le cas des sectaires à l’origine des manuscrits de la mer Morte[44]).

C’est aussi une période où de nombreuses communautés juives se sont dispersées dans le bassin méditerranéen, et ne pratiquent plus l’hébreu, ce qui suscite un besoin de traductions — les Targoumim pour les Juifs araméophones, la LXX ainsi que, plus tard, les traductions d’Aquila de Sinope, Symmaque ou Théodotion pour les hellénophones. Or, comme la plupart des textes bibliques, le récit de Juda et Tamar fait usage de nombreux termes et tournures de phrase difficiles, à l’exemple de Gn 38:3-5 et 29-30 dont il existe plusieurs variantes entre divers manuscrits et traductions, à mi-chemin entre transmission et interprétation[45]. Le contexte culturel, typiquement sémite, pose parfois problème, notamment en Gn 38:6 où un père « prend femme » pour son fils, en Gn 38:8 où il est question du « yibboum », et en Gn 38:17-18 où les partenaires s’échangent un « eravon », usages aussi inconnus que les termes dans le monde gréco-romain[46] (les Grecs connaissent certes l’arrabôn, introduit vers le quatrième siècle avant l’ère chrétienne par des marchands phéniciens mais il a le sens d’arrhes et non de gage ou garantie[47]). Un problème similaire survient avec les lieux-dits comme Kezib, la ville évoquée lors du troisième enfantement de la femme de Juda, et le lieu de la rencontre entre Juda et Tamar, Peta'h einayim car les pères et les maîtres transmettent à leurs fils et leurs disciples que ces noms convoient plus qu’une information géographique[45],[48].

Les plus grands enjeux de l’interprétation et la traduction demeurent les questions soulevées par le texte même : sachant que les rois de la nation juive sont nés de rapports discutables au vu des normes juives et — plus encore — grecques, d'aucuns accusent les protagonistes d'immoralité et d'autres les défendent de toute critique, abordant aussi la question des rapports entre Israélites et non-Israélites, et le rôle joué dans cette histoire par Dieu[49].

Genèse 38 dans la Bible samaritaine[modifier | modifier le code]

Les Samaritains se constituent lors du retour à Sion après que les Judéens, revenus de Babylone pour reconstruire leur temple, refusent de reconnaître l’identité israélite de ces peuplades habitant l’ancien royaume d’Israël. Ils possèdent leur version propre du Pentateuque qui compose, avec le livre de Josué, la Bible samaritaine.

Les versions samaritaine et hébraïque du Pentateuque divergent principalement sur la question du sanctuaire, situé selon les Samaritains au mont Gerizim avant même que les Israélites ne soient retournés à la terre promise alors que selon les Juifs, ce lieu sera désigné par les rois David et Salomon comme Jérusalem. Or la qissa (« passage » ou « histoire ») correspondant à Gn 38 n’a pas trait à cette controverse et les différences entre les deux textes, qu’elles portent sur le texte même ou sa prononciation, concernent principalement des points de grammaire. Toutefois, dans la Bible samaritaine, ce sont les femmes seules qui nomment les enfants[TableA 1].

La tradition samaritaine est très attachée à la lettre, et les traductions araméennes de sa Bible — il en existe plusieurs versions — glosent peu sur le texte qu’elles traduisent. Elles permettent surtout de lever l’équivoque sur des termes qui admettent en théorie plusieurs lectures, comme r-ʿ-h-w (Gn 38:12): il pourrait être vocalisé rēʿou (« son ami ») ou rouʿou (« son berger ») mais les Samaritains l’ont traduit par ʿavera ou rouʿama — « son ami »[50].

Exégèse juive non rabbinique[modifier | modifier le code]

Genèse 38 dans la Septante[modifier | modifier le code]

C.Landelle, Juive de Tanger
Dans le monde antique, un code vestimentaire qui fait du voile l’apanage des femmes « respectables », pourrait avoir influencé la traduction grecque de Gn 38:15 où le voile est devenu une parure ainsi que d’autres traditions juives[Note 2].

La Septante, traduction de la Bible en grec complétée vers le deuxième siècle avant l’ère chrétienne, est destinée aux communautés juives d’Alexandrie. Elle présente des divergences parfois considérables avec le texte hébraïque, certaines s’expliquant par les différences entre les textes-sources tandis que d’autres relèvent de choix exégétiques des traducteurs[51].

Genèse 38 s’ouvre dans la Septante sur un « En ce temps-là » (egeneto) assez vague et ne faisant pas forcément suite à Gn 37:36[52]. Hiras l’Odollamite n’est plus désigné en Gn 38:12 comme l’associé ou ami de Judas mais son berger, et le patriarche prend pour épouse « la fille d’un homme appelée — et non "appelé" — Saua ». C’est elle qui nomme ses trois enfants Er, Aunan et Selôm (certains manuscrits tardifs portent Selôn ou Siloam[53]), lesquels naissent tous à Chasbi où elle se trouve (le texte hébreu indique qu’il — Juda ou, moins vraisemblablement, Chêla — se trouve à Kezib lorsqu’elle accouche). La Septante se distingue encore du texte hébraïque lorsque Thamar se rend aux portes d’Ainan car elle voyait vu que « Selom son fils avait grandi et il ne la lui avait pas donnée pour femme » ; par ailleurs, elle rend vatitalaf par ekallôpissato (« elle s’embellit » ou « se para »), plutôt qu’« elle se voila ». Elle ajoute d’autre part en Gn 38:15 que Judas, lorsqu’il la vit, « la prit pour une prostituée car elle couvrait sa face et il ne la reconnut pas ». Les gages qu’il lui laisse jusqu’au paiement sont une bague, un collier (ou une chaînette) et un bâton. La Septante omet la distinction entre zona et qdesha, rendus par le même pornè (qui est le degré le plus bas de la prostitution dans la société grecque antique[54]). Enfin, elle comprend le ma paratsta de la sage-femme non comme une exclamation (« comme tu t’es fait une brèche ! ») mais comme une question (« pourquoi as-tu brisé la clôture ? »)[TableA 2].

Une partie des variantes de la Septante par rapport au texte massorétique de Gn 38 relève de traditions de lecture divergentes, expliquant notamment les différences de prononciation entre les noms des personnages (le waw en particulier, peut avoir valeur de voyelle en hébreu tandis qu’il est invariablement dans la Septante une consonne)[55].
Cependant, la plupart des écarts entre les textes grec et hébraïque semble relever d’une intention exégétique, et beaucoup visent à relever le caractère de Judas[56]: la différence entre ish et anthropon ainsi qu’entre reëhou et roëhou a ainsi pour effet de minimiser l’implication de Judas dans la société cananéenne car un anthropon n’a pas la stature d’un ish[57], et un berger est un employé plutôt qu’un compagnon[58]. De même, signaler la présence de la femme de Judas en un lieu donné lors de son enfantement est anodin tandis que le texte massorétique dénonce l’absence du père de famille, figure angulaire de la société patriarcale, lorsque sa femme accouche[59]. La nomination des trois enfants par cette femme, elle-même gratifiée par la Septante d’un nom propre et par là-même d’une présence plus importante[60], tend à la même fin: si la nomination de l’aîné, du troisième etc. incombe au père, alors le texte massorétique suggère le détachement émotionnel de Juda vis-à-vis de sa famille mais si les enfants sont tous nommés, comme le veut la Septante, par leur mère, il n’en est rien[59].
Les spécialistes de la Septante ont diversement expliqué les changements apportés à Gn 38:14 par la volonté d’estomper l’immoralité des agissements de Thamar[61] ou d’en souligner l’audace[62] tandis que l’ajout à Gn 38:15 — qui rehausse indirectement la moralité de Judas en laissant entendre qu’il n’aurait pas consenti à négocier avec une prostituée mais qu’il aurait eu moins de scrupules face à une femme de haut statut quoique de petite vertu[62] — proviendrait des mesures en vigueur à Alexandrie pour distinguer les prostituées des femmes respectables ; cependant, l’absence de ces changements dans les textes samaritains tandis qu’on en retrouve des échos dans l’ensemble des sources juives, du livre des Jubilés au Talmud de Babylone en passant par les Targoumim et le Midrash, pourrait indiquer qu’ils reflètent une tradition judaïque qui veut dissocier le voile porté par Thamar de la prostitution[Note 2]. L’assimilation de la zona-prostituée et la qdesha à une même pornè alors que la racine q-d-š dénote généralement la sainteté, n’est pas due à une carence lexicale ni à l'ignorance des traducteurs car la Septante offre en Dt 23:18 une lecture dédoublée du mot qdesha, rendu une première fois par pornè et une seconde par telesphoros (« initiée »)[63] ; il est possible que les auteurs de la Septante n’aient pas voulu faire la distinction entre ces deux conditions[64] ou que le mot qdesha n’avait pas ici d’autre sens pour eux[Note 4]. D’aucuns avancent que l’aversion de la Septante pour l’immoralité des actes de Thamar quelle qu’en soit la justification[Note 10], irait jusqu’à mitiger la confession de Judas car il reconnaît non pas ses torts mais les objets laissés en gage et sa déclaration « Thamar est justifiée plutôt que moi » aurait moins de force qu’« elle est plus juste que moi »[Note 11].

Jubilés XLI et autres écrits de Qumrân[modifier | modifier le code]

M. Pimonenko, Victime du fanatisme (haro sur une jeune Juive par sa communauté pour avoir eu des rapports trop serrés avec un Gentil)
Reprenant les récriminations des prophètes Michée et Malachie ainsi que les lois d’Ezra et Néhémie, le livre des Jubilés dessine Juda comme un homme de bien qui n’aura fait qu’une erreur, mais cardinale, de prendre une Cananéenne en mariage. Celle-ci détourne les enfants de la voie de leur père, et les incite contre Tamar, à laquelle elle refuse de donner son dernier fils, mettant en branle les évènements.

Le livre des Jubilés, originellement composé en hébreu et à peu près contemporain de la Septante, occupe une place importante voire canonique dans les écrits de la secte de Qumrân. Il s’appuie sur d’anciennes traditions, dont certaines se trouvent aussi dans la Septante, mais il s’écarte considérablement du récit biblique qu’il réécrit en fonction de ses fondements idéologiques, mettant en scène un ange de la Présence qui dévoile à Moïse l’histoire du peuple d’Israël de la création du monde à la révélation sur le Sinaï. L’ange divise le temps en jubilés qui font, selon la Bible, suite à sept « semaines » de sept années et closent par conséquent un cycle de quarante-neuf ou cinquante ans (Lv 25:8–13), chaque année durant, selon le calendrier en vigueur dans cette secte, 364 jours.

D’après cette chronologie, la vente de Joseph a lieu dans la sixième année de la sixième semaine du quarante-quatrième jubilé tandis que le récit de Juda et Tamar (Jubilés XLI) se tient dans les années de vaches grasses en Égypte ; il n’interrompt donc pas l’histoire de Joseph (Jubilés XXXIX et XL), mais lui fait suite.
Après la vente de Joseph, les fils de Jacob prennent pour femme des Araméennes, à l’exception de Siméon qui se reprendra vite et se choisira une seconde épouse araméenne (cf. Gn 46:10) et Juda dont la femme s’appelle Bat Choua la Cananéenne[Note 12] (Jubilés LIV:27-28). Dans la deuxième année de la deuxième semaine du quarante-cinquième jubilé, soit dix-sept ou dix-huit ans plus tard (qui correspond à l’« en ce temps-là » de Gn 38:1, compris comme « après ces faits », ainsi qu’en témoignerait l’âge d’Er lors de son mariage avec Tamar[65], Juda dont les Jubilés ne précisent pas qu'il est descendu de ses frères ni qu’il a pris la mesure des malheurs qui naissent de l’union avec des Cananéennes (tant la suite du texte est éloquente), prend soin de trouver une fille d’Aram pour son fils Er mais Er, contrarié par son père dans son désir de « prendre femme dans la parenté de sa mère », la hait et refuse de coucher avec elle ; comme « ce fils aîné […] était mauvais », absolument mauvais selon les Jubilés et non pas seulement « aux yeux de YHWH » comme en Gn 38:7[66], Dieu le tua. Juda dit alors à Onan d'accomplir le lévirat mais lorsque celui-ci se rend dans la maison de la femme de son frère, il déverse sa semence sur le sol pour les motifs invoqués dans la Bible et meurt de ce fait. Juda souhaite alors donner son troisième fils Chêla à Tamar mais « Bat Choua, la femme de Juda ne laissa pas son fils épouser Tamar », et les Jubilés d’enchaîner dans le même verset que « Bat Choua, femme de Juda, mourut la cinquième année de la semaine » (Jubilés XLI:1-9).
Il s’écoule un an avant que Juda ne monte assister à la tonte de ses brebis. L’apprenant, Tamar se vêt d’un voile, se pare[Note 2] et s’assoit aux yeux de tous à la porte de Timna. Juda la voit, la prend pour une prostituée et vient à elle mais, contrairement à la Bible, il conserve l’initiative à tout moment et décide du salaire ainsi que des objets qu’il lui laisse en gage avant de remonter à son troupeau tandis qu’elle revient vers son père. Juda lui envoie un berger d’Adullam — les Jubilés lisent, comme la Septante, roëhou au lieu de reëhou or contrairement à Hira qui avait vraisemblablement assisté au marchandage et avait été dépêché en sa qualité de témoin oculaire, ce berger anonyme n’est pas présent à la fête de la tonte[67] — mais il ne la trouve pas. Comme dans la Bible, Juda ne poursuit pas les recherches par crainte du scandale (Jubilés XLI:10-18). Trois mois plus tard, apprenant la grossesse de sa bru, Juda se rend à la maison familiale de Tamar, demandant au père de celle-ci et ses frères[Note 13] de la faire brûler car elle a commis l’impureté en Israël. Cependant, elle produit les preuves et Juda, les reconnaissant, déclare : « Tamar est plus juste que moi alors ne la brûlez pas » et c’est pourquoi elle ne fut pas donnée à Chêla. Peretz et Zerah naissent un an plus tard (Jubilés XLI:19-23).
Le livre épilogue sur les regrets qui assaillent Juda car il sait qu’il a péché pour avoir découvert la nudité de son fils. S’abimant en prières, il est finalement instruit en rêve par les anges de la Présence que le pardon lui a été accordé en raison de son repentir « car il avait grandement transgressé devant notre Dieu ; que celui qui agit ainsi et celui qui couche avec sa belle-mère, qu’on le brûle au feu pour qu’il soit brûlé, car il y a impureté et pollution sur eux ; qu’on les brûle au feu ». L’ange instruit Moïse de proscrire aux enfants d’Israël de brûler celui qui a couché avec sa belle-fille ou sa belle-mère car il a commis l’impureté[Note 14]. Dans le cas de Juda cependant, Tamar était vierge car ses deux maris n’avaient pas couché avec elle, et la descendance de Juda ne serait pas retranchée du peuple (Jubilés XLI:24-32).

Jubilés XLI constitue l’une des plus anciennes tentatives de « rectification » de Gn 38 et plus précidément du rôle que Juda y a joué : le livre ne s’étend pas sur la participation de Juda dans la vente de son frère mais sur l’erreur gravissime qu’il a commis ensuite lorsqu’il a choisi d’épouser une Cananéenne[68]. C’est sur cette femme ataviquement perverse que les Jubilés font retomber tout le poids des fautes que la Bible hébraïque attribue à Juda, et celui-ci en a pris la mesure car il veille particulièrement à prendre pour son fils une Araméenne — le lecteur averti comprendra qu’elle est plus ou moins apparentée aux patriarches et de ce fait membre de l’« engeance sainte »[69]. Comme Er puis Onan refusent d’avoir des rapports avec Tamar — les Jubilés ne laissent, contrairement à la Bible, aucun doute sur ce point — et que seuls les rapports sexuels entérinent le statut légal du mariage, il en ressort que Juda est vierge de tout soupçon d’inceste[70]. Sa bonne foi est irréprochable lorsqu’il promet Chêla à Tamar, et la tromperie vient de sa femme[71]. Lorsqu’il se retrouve face à Tamar, qui a décidé de se faire passer pour une prostituée, Juda prend l’initiative de lui offrir ses effets en gage alors que la Bible dépeint le patriarche en proie à ses désirs, mené par une femme qu’il désire sans la connaître, au point de lui abandonner fût-ce temporairement ses pièces d’identité pour un plaisir passager. Enfin, les décisions contradictoires de Juda sont, dans les Jubilés, le fruit d’une réflexion mûrie et adaptée à toute circonstance : son premier arrêt, condamnant Tamar au bûcher, n’est pas une réaction impulsive mais une sentence prononcée après avoir retrouvé la famille de Tamar en conformité avec le « jugement qu’Abraham a ordonné à ses fils » pour les prostituées (cette loi attribuée à Abraham et énoncée en Jubilés XX:4, est propre au livre). Lorsque l’innocence de Tamar est établie en la matière, Juda rend son second arrêt — c’est bien l’innocence de Tamar qui l’y mène et non sa propre culpabilité puisque seule Bat Choua/Bedsouël est responsable de la situation[72]. Il déclare alors ce qui est dit en Gn 38:26 mais comme il n’a pas menti à Tamar et comptait lui donner son fils, la seconde partie de sa confession, « car je ne l’ai pas donnée à Chêla », doit devenir « c’est pourquoi elle ne fut pas donnée à Chêla » (Jubilés XLI:22). Juda ressort d’autant plus noble qu’il reconnaît la « plus grande justesse » d’une femme qui s’est mise elle-même dans cette situation par son impatience[73]. Cependant, Juda sait avoir mal agi en couchant avec sa bru et, assailli de remords, il s’afflige devant Dieu (Jubilés XLI:24-25) — cette seconde confession est elle aussi inspirée de Gn 38:26, participant d’un même esprit de contrition et suivant un même schéma de reconnaissance-confession-abandon de la conduite fautive[74]. Dieu lui fait savoir par les anges que le pardon lui est accordé, ce qui n’est pas sans soulever la question de la réalité de sa culpabilité: s’il y a eu, comme le dit Jubilés XLI:26, une offense qui a nécessité le pardon divin et que celui-ci n’est survenu qu’en raison du repentir du fauteur, pourquoi est-il dit en Jubilés XLI:31-32 qu’il n’y a pas eu de véritable faute puisque Tamar était encore pucelle lors de ses rapports avec Juda (cf. Jubilés XLI:2-6)[Note 15]?

Tamar ne bénéficie en revanche pas du même traitement: elle est certes membre de l’engeance sainte mais les différentes interprétations de l’auteur pour justifier Juda, ont pour effet de rendre les actes de sa bru inexplicables. D’autres documents retrouvés à Qumrân, où elle n’est pas nommée mais l’allusion est évidente, témoignent indirectement mais plus franchement de la même ambivalence: Saraï apparaît dans le rêve d’Abram sous les traits d’un tamara tandis que lui est figuré par un cédrat, et lorsqu’elle enroule ses racines autour des siennes pour le protéger, il comprend qu’il devra prétendre qu’elle est sa sœur pour qu’on n’attente pas à sa vie (1Q20 (en) 19:14-16) ; la famille patriarcale pourra donc persister mais au prix d’une transgression dans les relations familiales[75]. C’est cet aspect subversif que retient l’auteur de 4Q184, un poème sapiential essentiellement fondé sur l’allégorisation de l’hérésie par la prostituée en Proverbes 7, et il affirme que la Tentatrice « par laquelle commencent toutes les voies de la perversion, » échafaude ses plans à la croisée des chemins[76]. Complexe dans une société qui cherche la simplicité, tricheuse dans une communauté qui honnit le mensonge, sexuée dans une fraternité qui révère l’abstinence, Tamar ne sera, avant longtemps, plus que la personnification des écueils à l’idéal ascétique des sectaires, et nombre de leurs livres de Torah auront excisé Gn 38 du récit[44].

Tamar et Juda selon Philon[modifier | modifier le code]

Genèse 38 est interprété dans sept écrits de Philon d’Alexandrie, un auteur et philosophe juif hellénisé contemporain des débuts de l’ère chrétienne. Prenant généralement pour base le récit tel qu’il figure dans la Septante, Philon livre, plutôt qu’un commentaire complet ou suivi, des élaborations distinctes et souvent sans lien entre elles, où il utilise, sans souci de cohérence, divers passages du chapitre afin d’illustrer ses sermons dans lesquels l’exégète judéo-alexandrin, imbu de culture grecque et nourri de tradition juive, entend consacrer l’heureuse union entre doctrines de Moïse et de Platon.

W.-A. Bouguereau, La branche de palme.
Le nom de Thamar est associé dans la Bible à des femmes de grande beauté ; Philon le rapproche à plusieurs reprises du phoïnix, la palme décernée au vainqueur qui symbolise sa victoire, comme la couronne d’olivier — toute l’histoire de Thamar est donc celle de la victoire de la vertu sur les obstacles matériels et surtout spirituels qu’elle doit affronter, au détriment de la cohérence du récit, de sa conclusion royale ou de sa dimension messianique[77]

Dans Les vertus, § 220-222, Thamar permet à Philon d’illustrer la noblesse, que poursuivent non seulement les hommes, comme Abraham, mais aussi parfois les femmes. Comme Gn 38:6 ne dit rien d’elle, Philon peut en faire une native de Syrie-Palestine mais « bien qu’étrangère, elle était libre, née de parents libres, qui peut-être n’étaient pas obscurs ». Élevée au sein d’idoles, elle oublia son ignorance naturelle, « put [alors] apercevoir … l’éclat de la Vérité, [et] déserta au péril de sa vie pour passer dans le camp de la piété, faisant peu de cas de la vie si cette vie ne devait pas être belle », c’est-à-dire consacrée tout entière à la Cause unique. On la donna en mariage à deux frères, « l’un et l’autre méchants, épouse légitime du premier, donnée au second » en vertu des statuts du lévirat mais elle « garda pourtant sa vie de toute souillure, réussit à obtenir le bon renom qui échoit aux gens de bien et [serait] à l’origine de la noblesse de ses descendants »[78].
Dans le Commentaire allégorique des lois III, § 69-75, l’exégète explique qu’« Eir le premier-né de Judas fut mauvais aux yeux du Theos » (Gn 38:6) car son nom, Eir, signifie « [la] peau », c’est-à-dire le corps, que le dualisme platonicien juge mauvais de nature et que Philon assimile au cadavre ; combien est vain à ses yeux l’athlète qui veille au plaisir de son corps sans considération pour l’âme qui le porte. Philon explique que c’est par conséquent Theos, « le nom de la bonté de la Cause » — et non Kyrios, l’arbitre du monde, comme l’enseigne la Bible — qui a fait mourir Eir sans grief apparent contre lui car « il fallait, pour faire apparaître les choses meilleures, qu’il y eût aussi la naissance de choses moins bonnes, produites par […] Theos ». Or Thamar signifie « palmier », le symbole de la victoire au combat mais c’est la victoire de l’âme, à laquelle l’homme d’esprit tente de parvenir en privilégiant les plaisirs de l’âme sur ceux du corps. Il peut, lorsqu’il a perfectionné son âme, espérer « remporter les prix du combat [s’il a] pour femme Thamar, la belle-fille de Judas » mais lorsque « Judas prit pour Eir son fils aîné une femme dont le nom était Thamar » (Gn 38:7), le contraire se produisit: Eir fut « aussitôt trouvé méchant et […] tué »[79].
Dans La postérité de Caïn, § 180-181, Philon dénonce le plaisir intempéré — le serpent d’Éden est un exemple de cet appétit pervers, et Aunan, le frère d’Eir-la-peau, en est un autre car « sachant que ce ne serait pas une descendance pour lui, [il] corrompait sa semence à terre lorsqu’il allait vers la femme de son frère » (Gn 38:9). Il dépasse ce faisant « les bornes de l’amour de soi et de l’amour du plaisir[80] » car il est prêt à réduire à rien « toutes les valeurs les meilleures, [s’il n’en tire] aucun profit: les égards pour les parents, la sollicitude pour la femme, l’éducation des enfants … la prise en charge de la cité, l’affermissement des lois, la garde des bonnes mœurs … la piété envers Theos, en paroles et en action »[81].
Philon poursuit ce thème dans Sur l’inchangeabilité de Dieu § 16-18: alors qu’Anne n’a enfanté que pour Theos, Aunan n’acceptait de procréer que pour lui-même et il « ne cessa de détruire la catégorie des êtres raisonnables, la meilleure, avant de connaître la destruction complète, châtiment fort juste et convenable » car il mettait à mal les valeurs précitées alors qu’« il [serait] glorieux de donner sa vie », fût-ce pour une seule d’elles, et « c’est pourquoi Theos l’impartial supprimera la funeste doctrine contre nature, désignée par Aunan » (Gn 38:10). Les passions humaines sont une autre source de corruption dans le monde, et la femme qui rencontre le prophète Élie (III Rois 17:9) est appelée veuve car elle a fait son deuil « non pas comme nous l’entendons, [de] son mari mais […] des passions qui corrompent et souillent la pensée, comme c’est aussi le cas de Thamar »: devenue veuve, « elle reçoit l’ordre de s’établir dans la maison de son unique Père et Sauveur » (Gn 38:11), pour lequel elle accepte de renoncer « à la société … des mortels afin de vivre dans le veuvage des plaisirs humains ». Elle reçoit alors la semence divine et, pleine de germes de vertu, accouche et enfante de bonnes actions — c’est après cela qu’elle remporte la victoire sur ses adversaires et porte une palme comme symbole de sa victoire car Thamar veut dire « palme » (§ 136-137)[82].
Dans Du commerce de l’âme, Philon tire parti de l’expression eissèlein pros (« aller vers ») commune à Gn 16:4, 30:16 et 38:18 pour présenter Agar comme la science vers laquelle marche l’étudiant et Léa comme la vertu qui part à sa rencontre mais Thamar, dépeinte dans les § 124-126, représente une forme plus sophistiquée d’éducation qui met l’étudiant à l’épreuve lorsqu’elle s’asseoit à la croisée des chemins avec tous les atours de la prostituée, attendant le véritable amant de la connaissance qui retirera son voile pour découvrir et contempler la « beauté remarquable de sa pudeur, de sa modestie, beauté intacte, sans souillure, véritablement virginale » — Philon s’est, pour les besoins de l’image, écarté de la Septante, dans son interprétation de petaḥ einayim qui n’est plus « la porte d’Ainan ». Cet amant, c’est « le plus haut chef militaire, le roi, celui qui demeure joyeusement fidèle à son adhésion à Theos, Judas » qui, la voyant, se détourna vers elle et lui dit: « “laisse-moi [si tu le veux bien] aller vers toi — cette marque de courtoisie est l’équivalent philonien du hava na hébraïque ou de l’éasón me septantique[83] —, et examiner quelle est cette force voilée et pourquoi elle s’est ainsi préparée” ». La conception qui s’ensuit illustre, selon Philon, le double échange qui sied à la science et l’amant car le synelabe de la Septante (« elle conçut de lui » — Gn 38:18) est ambigu et n’indique pas qui des partenaires a pris l’autre[Note 16].
Philon poursuit sur Gn 38:20-23 dans De la fuite, § 149-153: désireux d’« obtenir le bien le plus beau, la piété », Judas a donné « un cachet, un cordon, un bâton, à savoir la stabilité et la foi, le lien et l’accord de la parole avec la vie et de la vie avec la parole, l’éducation droite et ferme sur laquelle il est utile de s’appuyer » mais il veut vérifier s’il l’a fait à bon escient car la femme à laquelle il les a données, « la vertu invincible qui s’irrite des préoccupations dérisoires des hommes, [celle dont] le nom est Thamar », avait agi comme une prostituée. Il dépêche à cette fin son berger adullamite (anonyme) avec un chevreau qui figure un appât matériel, voulant s’assurer qu’elle se montrera digne de ces trésors spirituels en refusant le troc ; le messager ne trouvera pas « le bien dans la confusion de la vie » et, comme il cherche « dans toute la région du bien une âme livrée à la prostitution, il apprendra expressément qu’il n’y en a pas et qu’il n’y en avait pas auparavant ». L’apprenant, Judas se réjouit, et il ne renouvelle pas ses efforts car il craint de s’attirer les moqueries en paraissant avoir fait des cadeaux indignes.
Philon revient sur le sens des objets dans Les songes II, § 44-45, où il compare les babioles de gloriole qu’a reçues Joseph du roi d’Égypte, avec les cadeaux offerts à Thamar par Judas, le « roi d’Israël, le Voyant »: elle n’a pas reçu un collier mais un cordonnet, « suite régulière des phases de l’existence[,] enchaînement naturel d’activités » et son anneau est « un sceau pour l’âme [par lequel Judas enseigne que Dieu] a mis sur l’ensemble de l’univers le sceau de l’image et de l’idée, Son propre Logos ».
Ils s’élèvent définitivement au rang de gages divins dans Les changements de nom, § 134-136, lorsque, par un renversement homilétique, le voile qui cachait le visage de Thamar (Gn 38:15) et lui avait permis de n’être pas reconnue, devient un écran entre elle et celui qui la féconde, non plus Judas mais Dieu lui-même[84] ; c’est donc elle qui ne le voit pas, « tel Moïse, quand il se détourna prudemment pour ne pas voir Theos (Exode 3:6) » mais elle le reconnaîtra aux gages qu’il lui a laissés, parce qu’un mortel n’en donne pas de semblables: « À qui appartient l’anneau (Gn 38:25): la foi, le sceau de l’univers, l’idée archétypique par quoi toutes choses [informes] ont reçu la marque qui leur a imprimé une forme? À qui est le collier: le monde, le destin, l’ordre régulier, la correspondance de tous les êtres avec le lien indissoluble qu’ils renferment? À qui est le bâton, […] l’éducation, le sceptre, la royauté, à qui? ». Et Judas, « la disposition d’âme qui reconnaît Theos, charmé par ce qu’elle détient, ce qu’il y a en elle de divinement inspiré » énoncera simplement qu’« “Elle est justifiée pour la raison que je ne l’ai donnée à aucun mortel” (Gn 38:26), car il estime impie de souiller le divin par le profane ».
La conclusion de l’histoire a été évoquée dans Les vertus, § 222, où il est dit que Thamar a eu des enfants nobles comme elle, et dans d’autres passages plus allégoriques où la vertu met au monde les bonnes actions, fruit des germes divins[84],[85].

L’allégorisation extrême à laquelle Philon soumet le plus souvent Gn 38, a pu naître de sa perplexité devant le placement de ce chapitre[86] mais l’interprète l’a façonnée pour répondre aux accusations d’une société qui, après avoir brièvement loué les doctrines du judaïsme, critique ouvertement ses mœurs. Ainsi, son excursus sur la mise à mort du premier fils de Juda par Theos, vise tant à résoudre une difficulté interne — si Theos est, comme l’a enseigné Philon à l’encontre du judaïsme traditionnel, l’attribut de bonté rattaché à cet aspect de la Cause unique, comment a-t-il pu tuer ? — qu’à nullifier ces attaques externes, et l’exégète y parvient au moyen du midrash shem, une technique juive qui devine le devenir des personnages bibliques en interprétant leur nom — le jeu de mots adopté par la Bible hébraïque entre le nom d’Er et son anagramme, raʿ (« mauvais »), s’est perdu dans la traduction en grec, et Philon rapproche Eir de son paronyme hébraïque, ʿor (« la peau »)[Note 17], ce qui lui permet d’une part de traiter sa mort à la lumière des thématiques platoniciennes sur le combat entre l’âme et le corps, et de réconcilier d’autre part la Loi de Moïse avec la morale de la polis[87]. Il en est de même pour la mort d’Aunan, justifiée en le présentant comme le pur et pire exemple des principes d’Épicure[80], lesquels l’éloignent de ses devoirs envers la famille, la cité et ses traditions.
Judas est, conformément à Gn 29:35, « celui qui connaît » ou « reconnaît, » présenté par Philon comme une figure idéale, en particulier lorsqu’il le compare à Joseph — Judas, qui n’est du reste pas mentionné dans le traité où Philon analyse la vente de Joseph, devient l’amant de la sagesse, c’est-à-dire le philosophe dont le jugement n’est jamais pris en défaut.
Thamar ne répond pas aux critères philoniens de la femme idéale, soumise à son époux, mais elle n’est pas non plus de ces quasi-prostituées auxquelles Philon assimile généralement les femmes libres. L’exégète a, une fois de plus, joué sur son nom qu’il n’a toutefois pas associé à la droiture du palmier comme en Ps 92:13 ni à sa stature comme en Cant 7:8 mais au phoïnix, feuille de palme dont on orne le vainqueur des jeux et compétitions gréco-romaines — Thamar, c’est la récompense qui attend celui qui a pu remporter les embûches et épreuves sprituelles (Philon ne s’adresse pas aux femmes)[77].
Dans sa représentation de la rencontre entre Juda et Thamar, Philon mêle une fois de plus traditions juives — la comparaison de Thamar à la Sagesse qui hèle les passants aux coins des routes, se fonde apparemment sur les points de rencontre textuels entre Gn 38:14 et Proverbes 8:1-3 dans leur version hébraïque[88] — et considérations hellénistiques sur l’éducation, ce qui lui permet de sublimer la sexualité du texte[89], et de présenter aux Gentils les Juifs comme une civilisation d’ascètes, aux antipodes des accusations de luxure qu’on formule constamment à leur égard dans la société alexandrine.
C’est aussi pour cette raison que Philon ne s’étend pas sur la progéniture issue de cette union — lorsqu’il n’allégorise pas, il se borne à signaler la noblesse de la descendance, délivrant un message subliminal d’autant plus favorable aux enfants nés d’unions mixtes, que c’est Thamar l’“allophylle”, archétype des prosélytes ou sympathisants, qui la leur a transmise ; lorsqu’il allégorise, cette engeance est éliminée de la dimension tangible car Thamar ayant atteint la stature des matriarches, d’Abraham et même de Moïse, elle retrouve la virginité qui permet sa fécondation par le divin et la venue à terme de bonnes actions[90].

Isaak Asknaziy (en), L’enfant Moïse.
La tradition rabbinique figure Myriam invectivant Amram pour avoir répudié Yokébed à la suite des décrets pharaoniques (Exode Rabba 1:17) ; le Livre des Antiquités bibliques attribue quant à lui cette décision aux anciens d’Israël et c’est Amram qui, inspiré par l’exemple de Tamar, décide d’y faire front de son propre chef.

Tamar et Juda selon le Pseudo-Philon[modifier | modifier le code]

Genèse 38 est évoqué dans le Liber Antiquitatum Biblicarum du Pseudo-Philon, un auteur juif proche des milieux rabbiniques dont l’œuvre, traduite en latin avec divers traités de Philon, semble avoir été rédigée peu avant la destruction du second Temple de Jérusalem.

Aux débuts de l’esclavage en Égypte, les Égyptiens ont ajouté aux décrets pharaoniques sur les nouveau-nés mâles des mesures d’esclavage pour les femmes. Les anciens d’Israël décrètent conjointement un jeûne et la proscription des rapports conjugaux. Lorsqu’il prend mesure de ces décrets, Amram refuse de s’y conformer et enjoint aux Hébreux de se souvenir de « Tamar notre mère », qui put cacher sa grossesse pendant trois mois.
Il rappelle alors que Tamar fit ce qu’elle fit non par envie de forniquer mais afin de demeurer auprès des enfants d’Israël car elle préférait mourir pour avoir péché en couchant avec son beau-père qu’être donnée à des Gentils. Sa grossesse devenue apparente, elle fut condamnée à mort mais elle affirma ses intentions en déclara être enceinte de celui auquel appartenaient « le bâton, l’anneau et la pelisse de chèvre[Note 18] » et, les faisant connaître, elle fut miraculeusement sauvée du péril.
Amram conclut qu’en agissant comme elle, les Israélites conduiront peut-être Dieu à se manifester pour son peuple. Convaincus, ils retournent à leurs femmes, et lui se voit agréé par Dieu qui décide que l’enfant à naître d’Amram le servira pour toujours et qu’il sera l’intermédiaire par lequel Dieu réalisera des miracles pour la maison de Jacob (LAB IX:1-8).

La relecture de Gn 38 par le Pseudo-Philon se fonde sur le rapprochement entre les trois mois de la grossesse de Tamar et les « trois lunes » pendant lesquelles Yokébed parvient à cacher Moïse (Exode 2:2)[91]. Gn 38 est dissocié non seulement de l’histoire de Joseph mais de l’ensemble du contexte patriarcal, et Juda est absent du Liber IX, ainsi que Pharès et Zara (le Pseudo-Philon les évoque ailleurs dans son livre mais il ne mentionne cette fois pas Tamar[92])[93].
L’élision de tout ce qui concerne Juda — sa promesse non tenue, sa rencontre incongrue et son humiliation publique — élimine ce qui pourrait ternir son image mais une allusion pourrait avoir subsisté avec le décret des anciens, qui condamnent comme Juda les femmes israélites à la stérilité de facto. Quant à Tamar, que le Pseudo-Philon a élevée à la dignité de matriarche, elle est vraisemblablement Israélite: bien que condamnables, ses actes sont excusés, loués et à imiter car ils ont permis de maintenir non seulement la continuité du peuple juif mais aussi son endogamie[94] ; le commentateur rappelle en outre que son plan avait reçu l’approbation divine puisqu’un miracle a été suscité pour la sauver[95].

L’histoire de Tamar et Juda dans les targoumim[modifier | modifier le code]

Les targoumim (litt. « traductions »), dont la lecture accompagne celle de la Torah dans les synagogues où se côtoient des Juifs de divers horizons doctrinaux sur base de leur ancestralité commune, offrent aux orants araméophones une traduction de la langue liturgique qu’ils ne pratiquent plus. Cependant, ils sont aussi « explications », et amplifient nettement plus le texte que la Septante, insérant dans la narration ou leurs paraphrases des interprétations qui reflètent les attentes et préoccupations de leurs auteurs — celles du Targoum Onkelos et du Targoum attribué à Jonathan ben Ouzziel ont leurs sources dans les collèges pharisiens puis rabbiniques mais le Targoum dit des Néophytes ainsi que divers manuscrits conservés dans les bibliothèques nationales ou fragments exhumés de la Gueniza du Caire, reflètent des opinions différentes. S’y ajoutent des targoumim dits supplémentaires (tossefta) qui constituent autant de notes marginales aux targoumim courants.

William Turner, Shadrach, Meshach and Abednego, 1832
Injectant coups du sort et prières, anges et même Dieu dans leur restitution de la Bible, les targoumim produits en Syrie-Palestine aux premiers siècles de l’ère chrétienne, appuient sur l’équivalence sotériologique entre Genèse 38 et Daniel 3, insistant en particulier sur la volonté des protagonistes de se jeter au feu pour sanctifier le nom divin. Cette dimension sera estompée dans les targoumim avalisés par les rabbins et la tradition juive ultérieure.

Gn 38:1 est ainsi restitué dans le Targoum Pseudo-Jonathan par « Il arriva, en ce temps-là, que Juda descendit de sa fortune, se sépara de ses frères et s’achemina etc. »[96]. Son épouse y devient « la fille d’un homme de commerce », tout comme dans plusieurs manuscrits du Targoum Onkelos mais non dans le Targoum des Néophytes, et le Pseudo-Jonathan ajoute que Juda ne l’a prise pour femme qu’après l’avoir convertie[97]. Elle lui donne trois enfants mais Er mourra ʿariri (« sans descendance »), Onan causera de l’aninout (« affliction ») à son père, et leur mère nommera son troisième fils Chelâ parce que son mari l’a délaissée (sheli) à Kezib, devenu dans la traduction Pasqat (« Cessation ») car elle cessera ensuite d’enfanter[98].
« Juda prit pour Er … une femme, la fille du grand Sem, dont le nom était Tamar ». Cependant, dit le Targoum Neofiti, Er « fit des choses mauvaises devant Dieu — il ne couchait pas, ainsi que l’ajoute le Targoum Pseudo-Jonathan, selon les voies de la terre — et il mourut par décret devant Dieu » car il avait, comme le dit plus clairement le Targoum Pseudo-Jonathan, excité « de la sorte le courroux de Dieu, si bien que Dieu le tua »[99]. Juda demande alors à Onan de donner à sa semence le nom de son frère mais celui-ci refuse ; ce qu’il fait le rend mauvais devant Dieu, et Dieu le fait mourir, lui aussi, par décret divin (selon le Targoum Neofiti ; le Targoum Pseudo-Jonathan est, encore une fois, moins réservé)[100]. Tamar est priée de demeurer veuve dans la maison de père etc.
De nombreux jours passent et la fille de Shoua — le Targoum Onkelos lit, contrairement au Targoum Neofiti, « Bat Shoua » comme un prénom — meurt ; après s’être consolé, Juda monte avec son ami Hira à Timnat (sic)[101]. Lorsque Tamar l’apprend, elle retire ses habits de veuve, se couvre d’un voile et « s’habille » ou « s’enveloppe »[Note 2] avant de se rendre à la croisée des sources (Targoum Onkelos)/des routes (Targoum Neofiti)/des chemins où tous les yeux observent (Targoum Pseudo-Jonathan)[102] car elle avait vu etc. Juda la vit et la considéra comme une « femme qui sort dans le champ » car elle avait voilé son visage et il ne l’avait pas reconnue, c’est-à-dire, précise le Targoum des Néophytes, qu’elle avait toujours été voilée lorsqu’elle habitait chez lui et lui n’avait par conséquent aucun moyen de la reconnaître[103].
Les targoumim traduisent assez fidèlement les versets qui ont trait à l’échange préliminaire mais ils interprètent plus librement le gage ou caution demandée par Tamar: le sceau devient une bague à cachet et le fil des fils voire un manteau[104]. Lorsque Hira vient les récupérer, il s’enquiert auprès des gens du lieu de la qdesha que le Targoum Onkelos rend presque mot pour mot par meqadashta tandis que le Targoum Neofiti reprend l’euphémisme utilisé en Gn 38:15 et que le Targoum Pseudo-Jonathan traduit cette fois sans ambages ; il conserve par ailleurs la forme passée (« il n’y avait pas ici … ») qui figure dans le texte hébraïque alors que les autres Targoumim, y compris fragmentaires, recourent à un présent (« il n’y a pas ici … ») plus logique[105]. Hira rentre bredouille et l’on annonce « trois mois plus tard » à Juda que sa bru s’est prostituée et est enceinte de la prostitution ; Juda répond, selon le Targoum attribué à Jonathan: « N’est-elle pas fille de prêtre? Faites-la sortir etc. »[106].
Le Targoum Neofiti qui glosait jusque là aussi parcimonieusement que le Targoum Onkelos, s’étend subitement davantage que le Pseudo-Jonathan: au moment où Tamar est menée au bûcher, elle ne retrouve plus ses trois “témoins” et implore Dieu de lui venir en aide, lui promettant d’engendrer trois justes qui sanctifieront le nom divin en descendant dans la fournaise à Doura. Dieu dépêche l’ange Michaël pour desciller ses yeux — selon des targoumim alternatifs, vraisemblablement plus tardifs et tributaires du Talmud de Babylone, Dieu envoie Gabriel pour restituer les témoins que Samaël a dissimulés — mais après que Tamar a présenté les preuves aux juges, elle demeure prête à mourir plutôt que de dénoncer le propriétaire de ces objets, confiante que Dieu l’encouragera à se faire connaître de lui-même. Alors Juda les reconnaît en même temps qu’il reconnaît la justice divine qui le rétribue pour ce qu’il a fait à Jacob et Joseph, et s’apprête, après un monologue intérieur devenu dans la plupart des traditions ultérieures une confession publique, à se jeter au feu ; cependant, nul ne meurt car Dieu se manifeste pour les sauver[107], et il dit: « c’est de devant Moi qu’est venue toute l’affaire ». Juda dit à son tour « c’est de moi qu’elle a conçu », reconnaissant que « ceci — non la grossesse de Tamar mais son humiliation publique — a eu lieu parce que je ne l’ai pas donnée à Chêla mon fils ». Les targoumim canoniques redeviennent des traductions, et rendent fidèlement la conclusion de Gn 38:26 par « il n’ajouta plus » de la connaître mais un targoum alternatif porte en lieu et place « ne cessa plus »[108]. Ils suivent le texte sans écarts dans ses derniers versets, bien que le Targoum du Pseudo-Jonathan glose encore sur les noms de Peretz et Zera’h[TableA 3].

Les traductions judéo-araméennes de Gn 38 y voient toutes une histoire de salut, depuis le Targoum Onkelos, qui est le plus fidèle au texte biblique et ne s’en écarte que pour exhumer les germes de la maison de David qui y ont été plantés, au Targoum Neofiti qui entend le faire sortir des sentiers battus en le présentant comme une promesse de rédemption providentielle pour les fidèles mis au défi de vivre dans la faute ou mourir pour leur foi — de nombreux partisans du judaïsme l’ont fait lors des décrets d’Antiochos et qualifient, depuis les persécutions hadrianiques, cette attitude de sanctification du nom divin. Le Targoum attribué à Jonathan qui retourne chaque pierre du texte en faisant usage de traditions analogues, entend étaler la dimension messianique du récit, comme le Targoum Onkelos.
Ces deux targoumim font par conséquent du Cananéen un marchand car Juda n’a pu descendre si bas, et le Targoum Pseudo-Jonathan veille à le dégager de toute responsabilité dans la mort de ses fils tandis que le Targoum des Néophytes cherche plutôt à gommer le rôle qu’y a joué Dieu car il est peu compatible avec celui qu’il veut mettre en lumière.
Tous s’accordent à présenter la rencontre de Juda et Tamar comme des plus convenables — non seulement Tamar n’est pas une prostituée mais son voile est une marque de pudeur ou de retenue, et les gages qu’elle a, selon certains, demandés dans un accès d’extra-lucidité proche de la prophétie (en), sont pour les uns des insignes royaux et pour les autres des « témoins » qui transportent la confrontation de Juda et Tamar dans le cadre du tribunal et en font une « épiphanie éthique[109] » mais ils ne comportent certainement pas les franges rituelles qui distinguent, à l’ère du Targoum, les membres du Sanhédrin car il n’est pas envisageable que Juda ait pu s’en délester : c’est que Juda et Tamar sont les ancêtres, donc les modèles, du roi-messie ou des héros de Daniel 3, prototypes bibliques de la situation où l’on préfère mourir pour Dieu par le feu que vivre dans le péché.
L’adresse pour le moins oblique de Tamar à Juda alors qu’on la mène au bûcher, permet de la présenter comme une figure pieuse qui ne peut, selon un targoum alternatif, qu’être une fille d’Israël ; elle refuse de diffamer autrui, fût-ce pour se sauver, prie en temps de troubles, exprime son vœu au présent pour un avenir lointain appelé à se réaliser comme cela se voit chez les prophètes, et est exaucée à l’instant même, comme il sied aux justes parfaits, méritant, comme à Dura, qu’un ange associé dans le Livre de Daniel au salut d’Israël, lui soit dépêché afin de la sauver. La réponse de Juda à cette adresse n’est jamais lue « elle a été plus juste que moi » mais « elle a été juste, c’est de moi » — il n’apparaît donc jamais inférieur à Tamar, et la lecture du second membre permet toutes les interprétations possibles : dans le Targoum Onkelos, son admission d’iniquité est transfigurée en reconnaissance de paternité tandis le Targoum Neofiti veut y lire « c’est de Moi » plutôt que « c’est de moi, » et impose ainsi la présence de Dieu dans l’histoire. Quant au premier membre de la phrase, « elle a été juste/elle s’est trouvée être dans son droit, » il devient une confession publique détaillée (ou un repentir intérieur circonstancié dans le Targoum Pseudo-Jonathan) où ne manquent ni l’étalage des fautes de Juda, qui ont moins à voir avec Gn 38 que Gn 37, ni la louange de la justice divine et sa proportionnalité poétique. Il en résulte, dans le Targoum Neofiti, un repentir d’une telle poignance qu’un écho de voix divin résonne pour sauver les deux figures pieuses qui viennent de témoigner de la grandeur de Dieu et se montrent prêtes à pousser le martyre au sacrifice ultime tandis que dans les targoumim alternatifs, ce repentir acquiert une telle puissance qu’il initie la venue du messie rédempteur. Tous les targoumim ont donc fait de Gn 38 une histoire de salut, individuelle dans le Targoum des Néophytes, nationale dans les autres où la promesse du messie conquérant apparaît dans l’exclamation de l’accoucheuse à la naissance de Peretz (le Targoum Neofiti sur ce passage démontre qu’il n’ignore pas ce propos mais il le gomme, afin de ne pas distraire son auditoire du message qu’il a délivré quelques versets auparavant)[110].

Dans la littérature tannaïtique[modifier | modifier le code]

Lorsque les tannaïm (« répétiteurs » des enseignements antérieurs) couchent par écrit leurs traditions interprétatives, et les organisent par thèmes dans la Mishna et son « Complément », la Tossefta, après les avoir agencés selon l’ordre des versets bibliques dans les premiers recueils du Midrash, le Livre de la Genèse semble avoir été laissé pour compte puisqu’on ne lui connaît, contrairement aux quatre autres livres du Pentateuque, pas de Midrash tannaïtique complet. Gn 38 n’en a pas moins bénéficié, outre ses apparitions épisodiques dans les ouvrages connus de la littérature tannaïtique, d’un commentaire midrashique complet situé dans le même univers que les Targoumim, demeuré pendant longtemps manuscrit et par conséquent inédit, bien que nombre de ses interprétations se retrouvent dans le Midrash classique ainsi que le corpus Tanhouma et d’autres Midrashim d’époques ultérieures[111].

Midrash (hébreu : מדרש) — entreprise exégétique qui « tire après enquête » des enseignements légaux ou édifiants de la Bible ; « midrash, » avec une minuscule, désigne le procédé exégétique même et, par extension, un enseignement singulier du « Midrash, » lequel qualifie l’ensemble du projet midrashique, l’un des ouvrages qu’elle a produits ou la totalité de ce corpus littéraire[112]
(Cette distinction a également cours pour la Mishna et la Halakha)
Paysage du territoire alloué à Juda
[…] Quatre anciens étaient assis à la porte de Rabbi Yehoshoua, [c’étaient] Eléazar Ben Matya, Hanina ben Hakinaï, Shimon ben Azzaï et Shimon le Timnite, et ils s’affairaient à ce que Rabbi Tarphon leur avait enseigné. Pourquoi Juda a-t-il mérité la royauté ? Parce qu’il a admis pour Tamar ! Et ils ajoutèrent d’eux-mêmes « de ce qu’ont dit les sages, sans rien dissimuler, [à] leur père, à eux seuls fut donnée la terre et nul étranger n’est passé parmi eux » (Job 15:18-19) […]
Tossefta Berakhot 4:16 (édition Sefaria)

Quelques enseignements ont pour préoccupation première de définir au mieux la « voie de Dieu » (d’après Lv 26:3-4) : l’on tire ainsi de Gn 38:21 que l’interdiction de pratiquer ou consommer la prostitution (Dt 23:18), s’applique également aux personnes libres de tout engagement conjugal puisque Juda n’est pas marié lorsqu’il rencontre sa bru déguisée[113], et Symmaque rapporte au nom de Rabbi Meïr qu’une femme enceinte n’est interdite à son mari que lorsqu’on reconnaît la grossesse, soit « environ au bout de trois mois » comme l’atteste Gn 38:24[114].

Lydia Kozenitsky, Passage de la Mer des Joncs
[…] Que notre maître nous enseigne par quel mérite Juda a-t-il obtenu la royauté ?
[…] Ils dirent : pour avoir dit « Quel profit y a-t-il si nous tuons notre frère, etc. » par lequel il le sauva de la mort ? Rabbi Tarphon : C’est bien assez que ce sauvetage expie la vente car [c’est lui] qui a conseillé qu’on vende Joseph et qu’on ne le rende pas à son père !
Eux : [Alors] pour avoir dit « Elle a raison, c’est de moi » ? R. Tarphon : C’est bien assez que l’aveu expie le rapport [sexuel] !
Eux : Pour le mérite d’avoir dit « Que ton serviteur reste à la place du jeune » ? R. Tarphon : Nous trouvons partout que le garant [se doit de tenir sa promesse]
[…]R. Tarphon : Quand les tribus étaient devant la mer […], Nahshon le fils d’Aminadav et sa tribu après lui sautèrent dans les vagues de la mer - c'est pourquoi il mérita la royauté, comme il est écrit (Ps 114 : 1-2) « Quand Israël sortit d’Égypte, la maison de Jacob du peuple d’une langue étrangère, Juda devint son sanctuaire, Israël, le domaine de son empire »
Mekhilta deRabbi Ishmaël Beshallah 5, s.v Ex 14:22, § 2 (édition Sefaria)

Cependant, la mishna Meguila 4:10 qui discute de la pertinence de rendre « l’histoire de Tamar » plus accessible en la faisant accompagner de son targoum lors de la lecture synagogale — sans préciser si l’« histoire » couvre l’entièreté de Gn 38 ou seulement Gn 38:18 —, part bien d’un point de loi mais elle a pour enjeu véritable la moralité du texte[115]. De même, le Midrash n’ignore pas davantage les problèmes que l’histoire de Juda et Tamar peut susciter — deux grandes écoles s’affrontent sur la manière de les aborder : celle de Rabbi Akiva, qui est à l’origine de la Mishna et la Tossefta[Note 19], enseigne que Juda a, en admettant ses torts face à Tamar, amené Ruben à confesser l’acte de Bilha et qu’il a reçu en récompense la royauté, tandis que celle de Rabbi Ishmaël, représentée ici par Rabbi Tarphon, explique à l’ombre d’un bosquet de Yavné que la royauté judéenne n’a rien à voir avec Juda, dont les hauts-faits compensent à grand-peine les méfaits, et qu’elle commence seulement avec son descendant Nahshon lors de la traversée de la Mer des Joncs[116].
Une génération plus tard, Rabbi Yosse le Galiléen qui a, par ailleurs établi que l’histoire de Juda et Tamar se tient dans un intervalle de vingt-deux ans sur base de Gn 37:2, 41:46-49 et 45:6-7[117], lit les aléas de Ruben et Juda devant une certaine Matrona qui doute de la vertu de l’adolescent Joseph face à la femme de Potiphar, afin de lui montrer que rien dans la Bible n’est passé sous silence ou enjolivé[118]. C’est peut-être dans le contexte de ce débat qu’il convient d’expliquer le silence du Juif romanisé Flavius Josèphe sur ce chapitre dans ses Antiquités judaïques alors qu’il avait promis dans sa préface de ne rien omettre, bien qu’il puisse aussi d’agir d’un choix personnel de ne pas offenser son public gréco-romain ou, comme Philon, de ne pas susciter ses critiques[119].

La Mishna se prononce toutefois contre la censure, et l’histoire de Tamar se lit avec son targoum car les écoles judéennes rivales s’accordent, au-delà de leurs différences interprétatives et doctrinales, à porter le récit au crédit de Juda, même si l’aveu de Juda a, de l’avis de Rabbi Tarphon, tout au plus racheté son inconduite avec sa bru[120].

Dans un autre midrash de l’école de Rabbi Akiva, Rabbi Meïr compare Ruth et Tamar, « deux femmes [étrangères] appariées au peuple saint qu’on a voulu ramener à leur tente lorsqu’elles sont devenues veuves, et qui n’ont pas voulu se séparer de la Présence divine, c’est pourquoi la royauté et la prêtrise sont sorties d’elles » ; le midrash figure alors Tamar « pleurant jour et nuit » (Jrm 8:23) « car elle voyait que Chéla avait grandi et qu’elle ne lui avait pas été donnée pour épouse, » morfondue qu’on veuille la renvoyer « de la maison de ce juste »[121]. Dieu, « grand dans le dessein, souverain dans l'exécution » (Jrm 32:19), entend sa pensée et lui souffle le plan qu’elle met alors en exécution. Lorsqu’elle veut produire ses « témoins » (i.e. les gages demandés à Juda) sans les trouver puisque le Satan les a cachés, elle s’adresse une nouvelle fois à Dieu avec une courte prière : « Maître du monde, rappelle-toi en ma faveur l’unification de ton Nom (he) car j’ai unifié ton Nom dans la maison de mon père, et sauve-moi de cette mise à mort. » Dieu dépêche alors Michaël qui prend les « signes » de la main du satan et les amène à l’endroit dont « on l’emmenait »[122].
Le midrash n’évoque, pas plus que la Tossefta, le « tribunal de Sem » ou la voix qui sort des cieux pour déclarer l’innocence de toutes les parties en jugement ; cette dernière enseigne cependant que la dernière clause de Gn 38:26, « il ne la connut plus, » a été proférée par l’esprit de sainteté[123], et le midrash, glosant sur Gn 38:26 (« Elle est plus juste que moi »), figure Dieu disant à Juda : « Comme tu as reconnu trois témoins, je te pardonne trois choses que tu as faites à Joseph car sans ton conseil, tes frères n’auraient jamais porté la main sur lui, puisqu’ils te révéraient » — si le second membre de la phrase est commun à d’autres midrashim, le premier est sans équivalent dans l’ensemble de la littérature tannaïtique (et même rabbinique), contredisant l’exégèse rabbinique couramment acceptée de Lv 16:30 qui fait dépendre la propitiation des fautes commises envers autrui de son pardon[124]. Son admission lui vaut par ailleurs d’engendrer des jumeaux et d’obtenir la royauté ainsi que l’absolution dans le jugement de Joseph, et Juda se met à psalmodier des louanges à Dieu, où Ps 16:6 (« Un héritage m’est échu en des lieux de délices ; oui, mon patrimoine me plaît tout à fait ») est interprété pour décrire la royauté et les terres qui lui reviennent en partage. Rabbi Eliezer en tire pour sa part un éloge de la terre d’Israël : y séjourner vaut l’accomplissement de tous les commandements et rachète les fautes de l’homme, de son vivant et après sa mort[125].

Exégèse judéo-chrétienne[modifier | modifier le code]

A. Altdorfer, La Naissance de Jésus
L’évangile selon Matthieu tient à rappeler que la lignée qui aboutira au messie commence avec Juda et Thamar. Cette dernière figure cependant auprès d’autres femmes au profil atypique, et l’auteur n’indique en rien s’il considérait Thamar comme qdosha ou qdesha, sainte ou catin.

Genèse 38 dans les Évangiles[modifier | modifier le code]

Gn 38 est rarement évoqué dans la somme des écrits rassemblée par les Pères apostoliques en Nouveau Testament, apparaissant par allusion dans la controverse entre Jésus et les Sadducéens sur le mariage lévirat (Matt 22:24-28) et surtout dans les généalogies de Jésus qui figurent au troisième chapitre de l’Évangile selon Luc et au premier chapitre de l’Évangile selon Matthieu[126].

La version matthéenne choisit contrairement à Luc d’inclure des femmes[127] et, fait d’autant plus remarquable, ne commence pas par les matriarches Sarah, Rebecca, Rachel ou Léa mais par Thamar:

« Juda, de Thamar, engendra Pharès et Zara; Phares engendra Esrom; Esrom engendra Aram (Matthieu 1:3). »

L’auteur de ce passage a pu s’inspirer des généalogies davidiques du livre des Chroniques (en particulier I Chroniques 2:4 — « Tamar, sa bru, lui enfanta Péreç et Zérah. Total des fils de Juda: cinq » — dont il n’aurait toutefois retenu que les enfants de Thamar et non ceux de Juda). Il destine son texte à un public juif, familier comme lui des traditions interprétatives autour des textes qu’il évoque. Cependant, s’il connaît à l’évidence les traditions juives de son temps, et en particulier les targoumim sur Gn 38 puisqu’on retrouve en Matt 7:1-2 l’axiome mesure pour mesure, placé par la tradition dans la bouche de Juda lors de sa confession publique[128], il ne semble pas que la Thamar de l’évangile soit en continuité directe avec la Tamar des rabbins ou du Targoum[Note 20].

Le généalogiste, s’inspirant de Ruth 4:12-16, fait suivre Thamar par Rahab, Ruth, la « femme d’Urie » et Marie, ce qui semble plutôt introduire une faille dans une généalogie régulière, car ces femmes — dont Thamar semble être le prototype — ont la biographie alternativement sulfureuse et vertueuse : Rahab, prostituée par profession et non par circonstance, s’est mise en danger en offrant refuge aux espions israélites dépêchés par Josué avant la prise de Jéricho, et a mérité d’être la mère de Booz[Note 21] ; dans le cas de Ruth, amante de Booz et mère d’Obed (Matthieu 1:5), ses similitudes avec Thamar sont suggérées par le texte biblique lui-même ; la mère de Salomon (Matthieu 1:6) est appelée « femme d’Urie » à chaque fois que la Bible veut rappeler son adultère ou son châtiment (II Samuel 12:15), et ne redevient « Bethsabée » qu’après la mort de son fils et le repentir de David, pétitionnant alors le roi pour faire accéder Salomon au trône ; enfin Marie, mère de Jésus, est enceinte d’un enfant qu’elle n’a apparemment pas conçu de l’homme auquel elle est, de surcroît, fiancée mais non encore mariée et avec lequel elle ne vit même pas en concubinage (Matthieu 1:18)[129].

L’évangéliste semble donc avoir initié avec Thamar une lignée de « mères du messie » qui ont acquis une réputation douteuse ou se sont retrouvées en position scabreuse alors même qu’elles contribuaient à la lignée messianique[130] sans affirmer clairement si Marie se situe dans la continuité ou en rupture avec cette lignée. À l’appui de la seconde lecture, la mère de Jésus apparaît en effet comme passive dans l’engendrement de son fils alors que les quatre femmes ont activement perpétué la dynastie de Juda à Salomon[131], et un ange annonce en songe à Joseph que l’enfant a été conçu non pas ek porneias, « de la prostitution » comme en Gn 38:24, mais ek pneumatos, « par l’action du Saint-Esprit » (Matt 1:20) [132]. Cependant, l’évangéliste qui insiste à maintes reprises sur l’importance de la droiture morale, veut peut-être faire entendre que chez Marie comme chez Thamar, l’adultère n’était que supposé mais la justesse avérée[133] ; et l’ange lui permet d’anticiper les procès en légitimité du prétendant à la messianité[134] car c’est l’entièreté de la lignée davidique qui a été conçue dans l’irrégularité, par l’action du Saint-Esprit[135].

Genèse 38 dans la Peshitta[modifier | modifier le code]

La Peshitta (ou Peshitto, selon la prononciation occidentale), traduction de la Bible en syriaque, est utilisée par les communautés chrétiennes araméophones d’Orient. Sa partie dite vétérotestamentaire a vraisemblablement été rédigée à partir de manuscrits hébraïques proto-massorétiques par des Juifs ou des chrétiens d’origine juive qui s’étaient installés à Édesse vers le milieu du deuxième siècle de l’ère chrétienne. Elle présente quelques différences avec le texte massorétique établi, relevant de contraintes propres au syriaque, de variantes textuelles ou de rares interprétations dans lesquelles se décèle occasionnellement l’influence de targoumim contemporains[136].

La Peshitta sur le trente-huitième chapitre du Livre de l’Alliance — ainsi qu’elle nomme le premier livre du Pentateuque — se veut néanmoins « simple », c’est-à-dire dénuée au possible de ces interprétations paratextuelles, et elle traduit sans gloser sur la descente de Juda, l’ethnicité de sa femme ou les noms de leurs fils ; ils sont toutefois nommés tous trois par leur père, contrairement au texte massorétique, et la Peshitta indique ensuite qu’« elle cessa d’enfanter ». La traduction syriaque s’écarte encore légèrement mais significativement de l’original hébreu lorsqu’elle rend « demeure veuve » par « demeure dans le veuvage ». Elle adopte dans son approche de Gn 38:14 la ligne de la Septante, traduisant vatit’alaf par waʾiṣṭabtat (« elle se para »)[Note 2] et peta’h einayim par palshat ʾourḥata (« la croisée des chemins ») ; elle ne fait pas non plus la part entre zona et qdesha, confondus dans un même zanaytaʾ. Elle semble par ailleurs guidée par un besoin de cohérence interne, et lorsque son ami revient avec le chevreau promis en salaire sans avoir trouvé la zanaytaʾ, Juda dit renoncer aux gages qu’il lui a laissés « afin que je ne devienne pas [objet de] risée » car il n’y a, pour la Peshitta, aucune raison de penser que Hirah puisse pâtir des ragots redoutés. Or, « au bout de trois mois », l’on dit à Juda que Tamar sa bru « a conçu de la prostitution » ; Juda ordonne qu’on la sorte pour être brûlée et « ils la sortent » — ici, c’est une carence du syriaque qui ne comprend pas non plus le [haker] na de Tamar. Le texte suit son cours jusqu’à l’accouchement des jumeaux qui sont tous deux nommés, comme c’est le cas dans plusieurs témoins textuels, par une femme, leur mère ou la sage-femme[TableA 4].

Le Testament de Juda[modifier | modifier le code]

P.-P. Rubens, L’ivresse d’Hercule
Inspiré du livre des Jubilés ou puisant aux mêmes sources[TableA 5], le Testament de Juda présente Juda comme un héros herculéen, vainqueur des bêtes comme des hommes mais sans défense face à ses appétits et aux femmes, dont un ange de Dieu lui a révélé qu’elles domineront de tous temps les hommes de toute condition (T. Juda XV:1-6)

Le Testament de Juda, sous-titré « de la virilité, de l’amour du lucre et de la luxure (peri andreias, philarguria kai porneias) », est l’un des Testaments des douze patriarches, au cours duquel un patriarche à l’article de la mort, fait le bilan de sa vie devant ses enfants, en les encourageant particulièrement à adopter ses vertus personnelles autant qu’à se prémunir de ses vices. Adaptant librement diverses traditions juives sans se soucier des incohérences suscitées par leur collation, les Testaments contiennent aussi de nombreux passages et messages chrétiens qui rendent leur attribution malaisée: certains penchent pour une rédaction originellement juive à l’époque des Hasmonéens, avec de nombreuses interpolations ultérieures dont celles d’un éditeur judéo-chrétien, tandis que pour d’autres, l’œuvre est contemporaine des pères de l’Église apostoliques et, dès le départ, chrétienne[137].

Quatrième fils de Jacob et Léa, Juda obéit aux moindres paroles de son père, et reçoit en salaire la royauté sur ses frères avec la bénédiction de Jacob, mais aussi d’Isaac (T. Juda I:1-6 & XVII:5). Il est alors un modèle d’andreia, se montrant plus rapide que les gazelles et les juments, plus fort aussi que les lions, les ours, les sangliers, les panthères et les taureaux lorsqu’il garde les troupeaux de son père (T. Juda II:1-7). Précédé par un ange de puissance, il mène ses frères de victoire en victoire lorsque de leurs guerres contre les tribus de Canaan, bien qu’il ait manqué de mourir à Thamna si Dan n’avait pas été à ses côtés (T. Juda III-VII). Il mettra cependant ses enfants en garde contre la tentation de se vanter des exploits de la jeunesse car, après avoir conservé sa vertu face à une jolie captive lors de sa campagne militaire, il tance Ruben d’importance pour sa conduite avec Balla et devient dès lors la proie de son propre esprit de luxure: âgé de vingt ans, il se rend avec le chef de ses bergers, Hiram (sic) l’Adullamite[138], à la cour du roi Bar Choua d’Adullam[Note 22], et prend sa fille Bathshoua en mariage. Il rapporte une première fois ce mariage factuellement, indiquant qu’il a eu d’elle trois d’enfants, « mais le Seigneur en reprit deux » et c’est aux enfants du fils survivant, Chelâ, qu’il s’adresse (T. Juda VIII:1-3). Son erreur apparaît cependant rapidement après une nouvelle guerre contre les Édomites — qui se conclut sur une nouvelle victoire de Jacob et ses fils (T. Juda IX:1-8) — car son premier fils Er prend pour femme Thamar, une « Mésopotamienne fille d’Aram », mais la prend en haine après avoir été excité par sa mère qui réprouve cette non-Cananéenne ; il ne veut pas en avoir d’enfants et un ange du Seigneur le fait mourir la troisième nuit. Il en va de même avec Onan qui ne connaît pas sa femme pendant un an et ne s’unit à elle que sous la menace de Juda mais, incité par sa mère, il répand sa semence au sol lors de leurs rapports et meurt lui aussi dans la malice. Quant au troisième fils, Juda veut lui donner Thamar mais Bathshoua le marie à une Cananéenne pendant que son père est parti — Juda maudit alors cette femme de race perverse, qu’il a épousée sans consulter Jacob, car il était égaré par sa jeunesse, étourdi par son ivresse et ébloui par les richesses qu'elle et son père avaient étalées ; Bathshoua meurt dans sa malice avec ses fils (T. Juda X:1-2 & 6, XI:5 & XIII:4-7).
Deux ans plus tard, Thamar qui est toujours veuve, apprend que Juda monte tondre les brebis. Elle revêt alors ses habits de mariée et se poste à la porte d’Enaïm où les jeunes Amorrites à marier ont coutume de se prostituer pendant sept jours. Enivré, Juda ne reconnaît pas sa belle-fille. Séduit par sa parure et sous l’emprise de la luxure, il lui offre pour la posséder son sceptre, sa ceinture[Note 23] et le diadème de sa royauté — qui symbolisent le soutien de la tribu, la force et la gloire du royaume. Revenu de son ébriété et ignorant de ce qu’il a fait, il veut la tuer mais elle lui envoie secrètement les gages et lui rapporte les secrets qu’il lui a dévoilés dans son ivresse « et je ne pus la tuer — conclut-il — car le Seigneur avait permis que cela arrivât ». Juda continuera à se demander si Thamar n’avait pas reçu les gages d’une autre femme mais quoi qu’il en soit, il est définitivement revenu de ses excès et ne l’approchera plus, après avoir fait cette abomination aux yeux de tout Israël. Désormais âgé de 46 ans, le patriarche descend en Égypte avec sa famille auprès de Joseph à cause de la famine, et y vivra 73 ans (T. Juda XII:1-11).
Juda met ses fils en garde contre l’abus de boisson, préconisant la pondération voire l’abstention en la matière car lorsque le vin entre, les secrets sortent (T. Juda XVI:1-6), et de même pour la porneia qui l’a poussé dans les lits de Thamar et Bathshoua. Enfin, la philarguria l’a non seulement mené à la faute mais l’aurait fait mourir sans son repentir et les prières de son père qui ont fait triompher l’esprit de vérité sur l’esprit d’égarement (T. Juda XVII:1-XX:5).

Gn 38 joue un rôle de premier plan dans l’économie du Testament attribué à Juda. Du fait de la réorganisation des événements opérée par l’auteur, laquelle reflète peut-être sa perplexité devant la chronologie biblique, Juda n’est plus l’instigateur de la vente de Joseph dont il escomptait tirer profit mais un modèle d’amour filial, destiné pour cette raison à régenter les fils d’Israël dès son jeune âge[139]. Il rappelle autant David au lecteur juif qu’Héraclès au lecteur grec: la course avec les gazelles et la lutte avec les lions ou les sangliers évoquent à ce dernier les douze travaux du fils de Zeus tandis que le premier reconnaît le fils de Jessé et, dans une moindre mesure, Samson dans la scène du lion et de l’ours[140]. L’ancêtre de David occupe le premier plan au cours des guerres menées par son père Jacob contre les rois indigènes, vraisemblablement extrapolées de Gn 48:22 mais peut-être inspirées des exploits de Juda Maccabée au cours des campagnes maccabéennes[141].
Divers motifs de Gn 38 y sont subtilement exploités: Juda vient à bout de trois places fortifiées par la ruse, connaît sa seule humiliation militaire dans la ville de Thamna et succombe à l’ivresse dans les eaux de Kozeba[142] (la mention de Kozeba, équivalent araméen de Kezib, aux côtés de l’ivrognerie de Juda alors que la racine k-z-b peut traduire l’égarement, indique probablement un jeu de mots qui s’est perdu dans la traduction grecque[143]).
Cependant, tel Héraclès, Juda est devenu dans le Testament un héros tragique ainsi que l’a défini Aristote — et c’est de fait ainsi qu’il apparaît lorsque Gn 38 est lu isolément[144]. Comme David, il est assailli par l’esprit de porneia après s’être vanté de sa vertu[145], et il la perd en même temps que sa grandeur face aux femmes : le Testament invente l’intervention de Bar Choua, ses richesses et son vin pour expliquer son union à la Cananéenne mais plus que sa faiblesse devant ces tentations, la vraie faute de Juda est d’avoir manqué — pour la première fois — aux commandements de son père, établis dans les Testaments comme tautologiques de la loi divine avant le don de la Torah[146]. Le Testament se montre encore plus sévère vis-à-vis de la femme de Juda car la mort de leurs fils n’est pas tant imputée aux penchants de leur père qu’à la malice de leur mère, ce qui avait déjà été, bien que moins franchement, établi dans le livre des Jubilés. Il innove totalement dans son traitement de Thamar qui y devient une tentatrice décrite dans les mêmes termes que la première femme de Juda. En omettant Gn 38:11-14 de sa trame, le Testament laisse entendre qu’elle a agi par pure malignité, utilisant son voile afin de tromper Juda à l’instar de Laban qui a voilé Léa pour berner Jacob[Note 24]. Juda se dévoile une nouvelle fois dans toute sa faiblesse lorsqu’il se laisse prendre à deux fois par une même conjonction de griserie avinée, d’artifices féminins et de parures ornementées — le kosmeia du testament marque davantage l’artificialité que l’ekallopissato de la Septante — et il descend si bas que non content d’avoir abandonné les symboles politiques de sa royauté à la catin, il lui dévoile les mystères que lui avait légués son père. Le jugement est sans appel, et si l’auteur du Testament connaît la paraphrase de Gn 38:26 — où le « c’est de moi » est devenu « c’est de Moi » —, il en retient seulement que la condamnation de Juda a été voulue par Dieu, en châtiment de son orgueil et pour avoir humilié son frère[147].
La relecture de Gn 38 par le Testament de Juda démontre des préoccupations propres aux Juifs hellénisés: elle se fonde sur une thématique misogyne, partagée avec Philon et la Grèce antique, où la femme est perçue comme un danger pour la société patriarcale en raison des « instincts interdits (epithymia) » qu’elle est susceptible de susciter ; l’exaltation des vertus l’emporte dans le Testament sur la révérence due au patriarche car il n’a, contrairement au Juda de Philon, aucune maîtrise sur ces pulsions[148]. L’auteur parvient à illustrer ces idées en présentant la royauté de Juda comme assurée par son ardent amour filial, et non pour la reconnaissance de sa responsabilité vis-à-vis de Thamar ou en récompense de ses exploits guerriers ; leurs rapports ne pourraient pas donner le moindre germe positif, et c’est pourquoi Pharès et Zara sont oblitérés d’un récit dont ils auraient représenté la plus totale antithèse[149].

Interprétations de l’Antiquité tardive[modifier | modifier le code]

Les guerres entre Juifs et Romains ont pour conséquence la quasi-disparition de la communauté judéenne en Judée, laquelle ne maintient plus qu’une faible présence dans le sud de la région mais demeure encore majoritaire en Galilée et dans le nord du pays. Samaritains et chrétiens byzantins prennent leur place dans le centre du Levant Sud tandis que des Nabatéens et émigrants ghassanides peuplent la périphérie.

Deux siècles après la destruction du Second Temple, les deux grandes tendances qui se sont dégagées parmi ceux des Juifs dont la ferveur messianique n’avait pas été entamée par les conséquences des révoltes des Juifs contre Rome, se sont dotées de leurs statuts : le judaïsme rabbinique, formé par Yohanan ben Zakkaï à l’académie de Yabneh, a trouvé son champion avec Juda le Prince qui a rassemblé et compilé les traditions orales autour de la Torah dans la Mishna, dont le nom signifie à la fois « Répétition » et « seconde en importance » après la Torah ; les sages d’Israël continuent de perpétuer le judaïsme dans une Judée dépossédée de son passé par Hadrien qui l’a renommée Syrie-Palestine, ne désespérant pas de la fin d’Edom (c’est-à-dire Rome[150])[151] ni de la réalisation des prophéties de la Bible avec la venue du messie. Or, le Talmud de Jérusalem et le 85e chapitre du Midrash Bereshit Rabba (ci-après GenR 85) enseignent que c’est précisément avec l’histoire de Juda et Tamar que le projet messianique a commencé, et elle fournit les meilleures garanties qu’il sera exaucé[152] car les problèmes apparaissant lorsque l’histoire est comprise au sens simple, se révèlent après lecture adéquate comme autant d’enseignements positifs sur les dignes ascendants du messie attendu[153]

L. Lotto, Vierge à l'Enfant avec saint Ignace d'Antioche et saint Onophrius (détail)
Disciple hellénisé de Pierre et Jean, Ignace d’Antioche a résolu les tensions entre les adeptes judéens qui considéraient la bonne parole comme le prolongement naturel de-la Loi de Moïse, et les affidés païens qui la voyaient comme un nouveau début frappant instantanément la Bible d’obsolescence, en énonçant que le christianisme se fonde sur une interprétation de l’Écriture qui dispense de l’observance de la Loi.

Le christianisme, fondé par ceux qui ont emboîté le pas à Jacques, Pierre et Paul pour colporter la bonne nouvelle — selon laquelle le messie est venu, s’appelait Jésus et a apporté sur tous le salut — à travers l’empire romain, a suivi Paul et dit le messie Jésus né de Dieu puis Dieu soi-même, incluant ses épîtres dans la compilation des écrits dénommée Nouveau Testament[154].
Lorsque Justin de Naplouse ou Irénée de Lyon évoquent quelque point de l’histoire comme le bâton de Juda ou le fil rouge à la main de Zara, en adoptant et adaptant à leurs besoins les interprétations juives, c’est pour souligner la supériorité du Nouveau sur l’Ancien, qu’il a vocation à remplacer[155] (le judéo-christianisme historique qui leur accordait une importance égale, a disparu, après avoir été disqualifié en Anatolie par Ignace d’Antioche[156] et supplanté sur la terre qui l’a vu naître par le judaïsme rabbinique[157] ; le dualisme de Valentin qui voudrait, prenant Paul au mot, totalement détacher le Nouveau de l’Ancien, a été dénoncé comme hérétique par Irénée sous le nom de gnose).
Tertullien, suivi par Cyprien, souligne tout de même le contraste entre le messie exemplaire, et ses ancêtres aux actions si contraires, en particulier celle qui a, sous l’impulsion de Philon, été faite païenne par les pères[Note 25]. Rejetant la tentative par Hippolyte de Rome de présenter l’histoire de Juda et Thamar comme une préfiguration des rapports entre Jésus et l’Église de Jérusalem au moyen du Targoum[158] et l’interprétation de Clément d’Alexandrie qui condense celle de Philon, Origène enseigne que le messie n’est pas né par le mérite de ses ancêtres mais qu’il a miséricordieusement choisi cette lignée pour s’incarner. Eusèbe et d’autres pères, rappelant la place de Thamar en Matthieu 1:3, modèrent ce ton sévère, et préfèrent conclure sur ce point au mystère[159].

Tertullien formule par ailleurs la tripartition de la divinité, dont les constituants ne sont ni tout à fait autres ni tout à fait les mêmes bien qu’ils soient d’un même tenant, et les débats qui en résultent, morcellent encore plus la chrétienté, particulièrement dans la pars orientalis d’un empire romain déjà bigarré, où la synagogue de Doura Europos voisine avec un baptistère chrétien, un mithraeum romain et un temple dédié à Bêl, tous ornés de fresques issues des canons de l’art grec antique. Par delà la bifurcation doctrinale entre Juifs et chrétiens — au reste perméable puisque des chrétiens de toutes origines et positions dans la hiérarchie ecclésiastique adoptent, des croyances ou pratiques juives (ils sont appelés, depuis l’incident à Antioche, “judaïsants”) —, il est difficile de distinguer entre Juifs et chrétiens à Antioche[160] comme en Babylonie[161], redevenue le principal centre de peuplement juif dès le iiie siècle[162] — le dialecte des Juifs babyloniens est mutuellement intelligible avec le syriaque des chrétiens, le mandéen des gnostiques et le parler d’autres minorités religieuses au sein de l’empire sassanide[163], et les ressemblances s’étendent jusqu’aux lieux d’instruction, entre l’école théologique de Nisibe et les académies talmudiques de Babylonie[164].
Les uns comme les autres ne sont, de surcroît, pas plus rigides avec les païens : beaucoup se montrent accommodants envers les fidèles voire les objets de cultes idolâtres, et il n’est pas rare que tous se retrouvent aux mêmes fêtes et tables, ce qui incommode tant les doctrinaires juifs que chrétiens[165] que l’empereur Constantin le Grand, récemment christianisé et désireux de fédérer l’empire contre ses ennemis barbares derrière la nouvelle religion. Une série de mesures est prise en faveur des chrétiens dont le premier concile de Nicée, où la trinité est adoptée en dogme du christianisme ; 70 ans plus tard, il est la seule religio licita de l’empire tandis que le judaïsme a perdu ce statut, et ceux qui le professent ont été déchus, sinon de leur citoyenneté romaine, de la majeure partie de leurs droits et dignités.
Le symbole de Nicée, renouvelé à Constantinople, marque le point de départ d’une vaste littérature polémique qui épouse les arts, hymnes, poèmes et homélies utilisés par les adversaires idéologiques du christianisme orthodoxe pour mieux les retourner contre eux : à la lisière orientale de l’empire romain, Ephrem de Nisibe — qui finit sa vie à Édesse après la rétrocession de Nisibe aux Sassanides, et y meurt au cours d’une pandémie — reprend ainsi la forme hymnique qui avait été jusque-là le médium privilégié des gnostiques et les traditions juives sur Tamar qui imbuaient les milieux chrétiens de son temps, pour en parer les femmes de Matthieu et mieux présenter la bru, femme et veuve de Juda telle que la conçoit son Église[166]. Zénon de Mauritanie délivre à Vérone son Traité de Juda lors du troisième dimanche du Carême entre 362 et 380, soumettant l’histoire de Juda et Thamar à une lecture allégorique pour clamer le triomphe de l’Église sur le paganisme, les hérésies et les Juifs[167], en usant vis-à-vis de ces derniers d’un antisémitisme théologique qui ne s’attaque plus à leur lecture supposément littérale mais à leurs personnes. Jean Chrysostome d’Antioche, qui propage le chant antiphonique pour concurrencer les païens et l’accusation de peuple déicide pour extirper de l’Église toute trace de pratique juive, en des termes que répéteront encore les Nazis contre les Juifs au XXe siècle[168], reprend l’interprétation d’Eusèbe pour présenter Thamar et son engeance comme la preuve avant la lettre de l’universalité du message évangélique, et de sa supériorité sur la loi juive[169]. Ambroise de Milan, qui introduit le chant byzantin dans le rite romain et intervient auprès de l’empereur Théodose pour le dissuader de faire reconstruire une synagogue abattue par des chrétiens, appuie cette lecture dont il dévoile le sens mystique[155].
Cependant, l’opinion d’Origène s’impose dans l’Occident chrétien, par l’intermédiaire de Jérôme de Stridon — qui a produit la Vulgate, nouvelle traduction de la Bible en latin, devenu la langue majoritaire de l’Occident au IIIe siècle, sur base du texte hébraïque car il l’estime plus authentique que la Septante, nécessaire pour la compréhension du Nouveau Testament et utile pour la conversion des Juifs[170] — et d’Augustin d’Hippone qui a d’une part formulé la condition de témoins du triomphe chrétien à laquelle les Juifs doivent être réduits, et d’autre part établi le distinguo entre lectures allégoriques de Gn 38, où il est permis d’interpréter le récit favorablement, et littérale où le modèle origénien doit prévaloir sous peine de bouleverser les bases éthiques de la société[171].

La distinction entre Orient et Occident apparaît aussi dans le judaïsme rabbinique, où l’Occident ne désigne pas l’Europe mais ce que les Juifs continuent à appeler terre d’Israël : exilarques et scholarques juifs de Babylone mettent à profit leur éloignement du tumulte (bien que leur quiétude soit relative car ils doivent eux aussi se mesurer au zoroastrisme de l’empire sassanide) pour prendre l’ascendant vers 359 sur le berceau juif du Levant Sud[162], et développent une autre interprétation de l’histoire de Juda et Tamar qui se soucie moins de la rédemption que du respect des prescriptions[172]. C’est du reste en filigrane des pages du Talmud de Babylone qu’apparaissent les premières réponses juives aux enseignements chrétiens[173], et l’histoire de Tamar donne en particulier matière à dénigrer leurs idéaux en matière de sexualité[174].

Interprétations en Terre sainte[modifier | modifier le code]

Gustave Doré, Salomon en son vieil âge
En brandissant la cananéité de l’ancêtre des rois judéens, Marka ben Amram discrédite les rivaux du royaume d’Israël, dont les Samaritains se disent, à l’encontre de la Bible hébraïque, issus[175]

Juda et Tamar dans les Memre Marka[modifier | modifier le code]

Le deuxième siècle de l’ère chrétienne commence une période d’essor pour la communauté samaritaine, libérée de la férule juive et laissée tranquille par le nouveau pouvoir régnant qui, occupé à établir ses structures, a d’autres soucis. Elle prend fin deux siècles plus tard, lorsque les Samaritains tentent, conjointement aux Juifs ou avec leur appui, de secouer à leur tour le joug romain, avec des résultats similaires. C’est au cours de cet intermède que la liturgie samaritaine se met en place et que sont formulées la plupart de leurs interprétations, compilées dans leurs traductions ou dans les poèmes de Marka ben Amram[176].

L’essentiel des interprétations samaritaines sur la péricope surviennent dans le cadre de la guerre en légitimité que se livrent Juifs et Samaritains, et l’histoire de Juda et Tamar s’y lit comme une critique du patriarche: « Tu as délaissé Rebecca et sa demande pour Tamar », est-il dit à Juda dans les Memre Marka car l’ancêtre des Judéens a, nonobstant l'injonction de son aïeule, fondé sa maison avec Tamar que tous les indices textuels désignent comme Cananéenne[177].

L’une des traductions samaritaines rend d’autre part afKazzība par « …dans son mensonge » — Juda n’a donc pas seulement menti à sa bru mais aussi à son épouse[178]. L’esprit du temps semble avoir par ailleurs inspiré une variante textuelle de Gn 38:18 où yaat figure au lieu de wyåṭ — comme Yaat désigne pour les Samaritains un ange, Juda ne dévie plus de sa route pour approcher la femme qu’il a prise pour une prostituée, c’est un ange qui l’y pousse[179].

Juda et Tamar dans les yeshivot de Galilée[modifier | modifier le code]

Dans le Talmud de Jérusalem[modifier | modifier le code]

Après la clôture de la Mishna, c’est celle-ci et non plus la Bible qui devient la seule source de loi à pouvoir être discutée, d’où le nom des docteurs qui cessent d’être des « répétiteurs » pour devenir des « expositeurs » (amoraïm). La guemara (« étude ») qui résulte de la somme de ces discussions, est hâtivement compilée après des articles correspondants de la Mishna dans le Talmud de Jérusalem vers la fin du ive siècle[180]. Outre la mishna Meguila 4:10 qui l’évoque explicitement, l’histoire de Juda et Tamar apparaît à l’occasion de débats sur quelque point d’autres mishnayot et, plus fréquemment, en marges ou en illustration de ceux-ci. La mishna Ketoubot 7:5 ayant énoncé qu’un mariage est nul si le mari a donné pour condition « qu’elle remplisse quelque chose et le déverse (meʿera) aux ordures, » des rabbins jouent sur le nom d’Er et le mot meʿera pour enseigner que lui et — selon toute vraisemblance — son frère, exemplifient ce type de mari[181].
De même, comme la mishna Sota 1:8 évoque, parmi ses exemples de rétribution mesure pour mesure, « Samson [qui] suivit ses yeux [et] c’est pourquoi les Philistins crevèrent ses yeux, » la guemara correspondante fait remarquer qu’« un verset dit “Samson descendit à Timna” (Jg 14:1), et un autre verset dit “Voici que ton beau-père monte à Timna” » ; certains tentent des explications géographiques mais Rabbi Simon (he) explique que l’arrivée de Juda, effectuée « au nom des cieux », est qualifiée de montée tandis que celle de Samson « n’était pas au nom des cieux »[182].
C’est au cours d’une discussion sur les bonnes relations avec les femmes que sont abordés trois versets que Rabbi préfère interpréter favorablement, dont « elle s’assit au Peta’h Einayim » (Gn 38:14) : le sens qui apparaît assez évidemment en première lecture[48] ne peut, selon lui, être correct car « même la prostituée parmi les prostituées n’agi[rai]t pas ainsi, » et c’est donc qu’elle a regardé « la porte vers laquelle tous les yeux se tournent », en priant le Maître du monde de ne pas sortir « vide de cette maison » ou bien qu’« elle ouvrit les yeux » au pharisien avant l’heure qu’est Juda, en l’assurant être « libre » de tout lien conjugal et « pure » de toute impureté menstruelle[183].
D’anciennes traditions légales sont resservies, dont l’utilisation par Rabbi Meïr de Gn 38:24 pour interdire le remariage lévirat avant trois mois à dater de la mort du mari[184] ou l’interprétation rabbinique de Job 15:18 pour justifier la lecture de Gn 38 aux femmes soupçonnées d’adultère par leurs maris afin de les amener à confesser leur acte avant de leur faire boire l’eau amère[185]. Enfin, Rabbi Ba enseigne au nom de Rav Hasda que l’accoucheuse est de ces trois personnes « qui sont crues sur le moment même [puisque] “l’accoucheuse prit et noua à sa main de l’écarlate, disant celui-ci est sorti en premier” (Gn 38:28) »[186].

Dans le Midrash classique[modifier | modifier le code]

Élaborant sur le Talmud de Jérusalem et poursuivant les tendances exégétiques qui l’avaient précédé, le Midrash Genèse Rabba est compilé vers le ve siècle (bien que sa dénomination et son inclusion au sein du Midrash Rabba, n'aient lieu qu'un millénaire plus tard) ; il adopte, comme les Midrashim tannaïtiques, la forme d’un commentaire suivi mais l’investigation des rabbins a désormais pour but de tirer non plus des lois du texte mais son essence et son esprit[187].
L’histoire de Juda et Tamar est traitée verset par verset dans le 85e chapitre de Genèse Rabba outre des commentaires à l’occasion de la naissance de Juda ou de l’arrivée de Jacob à Salem, qui montrent les a priori favorables de nombre de rabbins vis-à-vis du récit. Le Midrash résulte toutefois d’une lecture approfondie des textes interprétés qui prend en compte leurs interactions avec leurs parallèles thématiques et littéraires[120], et connaît les nombreuses difficultés de la parasha — non content de rappeler l’enseignement de Rabbi Yosse[118], le Midrash enseigne que Juda devra répondre de ses actes ainsi que de ceux de Ruben, Siméon et Lévi (he) devant le vicaire du roi d’Égypte[188].

Ces opinions ne représentent qu’une partie des lectures parmi la panoplie qu’étalent pêle-mêle les premiers articles de GnR 85, lesquels se concluent implicitement sur une tendance à minimiser ou sublimer chaque problème rencontré au fil du récit, tout au moins jusqu’à la conception du messie — l’éloignement de Juda, son mariage avec une Cananéenne malgré les avertissements répétés de ses pères, la mort de ses fils (perçue dès l’époque de la Bible comme une châtiment pour leur père[189]), son double langage avec Tamar, l’audace de celle-ci et le manque de scrupules de Juda à fréquenter une prostituée[49].

Par la mesure avec laquelle on mesure, on est mesuré
Couchée sur papyrus pour la première fois dans le Targoum, cette doctrine est encore plus proéminente dans le Midrash et les Talmudim. Elle permet d’une part d’établir des liens de cause à effet entre diverses sections de la Bible (he) et de voir d’autre part l’intervention immanente et permanente du divin dans le monde des hommes, en fonction de leurs propres actions et, par conséquent, de leur libre-arbitre[190]
James Tissot, Birth of Noah
« “Avant son travail, elle a enfanté” (Isaïe 66:7) — avant que ne naisse le Pharaon de l'Exode, premier des asservisseurs, naquit le messie, dernier parmi les rédempteurs, “en ce temps-là” (Genèse 38:1), après que les Médanites vendirent Joseph à l’Égypte » (Genèse Rabba 85:2)[191],[Note 26]
Les sages du Midrash expriment à plusieurs reprises leur confiance en Dieu qui, disent-ils, n’enverrait aucune plaie sur le peuple d’Israël sans en avoir préparé le remède auparavant.

L’on passe ainsi progressivement, au prétexte d’aborder la question du placement de l’histoire de Juda au sein de celle de Joseph, de la critique la plus implacable à la défense la plus impeccable : le rabbin galiléen Lazar qui considère Juda comme le seul responsable de la vente-descente de Joseph en vertu de Gn 37:27, pense que Gn 38 a été accolé à Gn 37 « afin d’apposer descente à descente » — de même que Daniel 5-8 passe de Nabuchodonozor (Dan 5:30) à Darius (Dan 6:1) et Balthazar (Dan 8:1) en faisant l’impasse sur Evil-Merodach, le seul « bon » roi de Babylonie (cf. 2R 25:27–30 & Jrm 52:31–34), « afin d’apposer méchant à méchant » —, montrant comment Juda descend, mesure pour mesure, pour avoir fait descendre Joseph car « Juda a trahi » et menti, perpétrant « une abomination … en Israël … oui, Juda a profané ce qui est sacré devant Dieu » (Mal 2:11) lorsqu’il est descendu à Adullam car « ce [serait] une descente pour lui qu’il ait épousé une Gentille [, ce serait une descente pour lui qu’il ait enterré sa femme et ses fils][192] ».
Rabbi Yohanan s’appuie quant à lui sur Gn 37:26 pour voir en Juda le meneur et porte-parole de ses frères, et Gn 38 suit Gn 37 « afin d’apposer “Connais donc” à “Connais donc” » — de même que les chapitres 5-8 de Daniel apposent, selon Rabbi Shmouel bar Nahman, fin de règne à fin de règne. Il y a bien mesure pour mesure mais c’est lorsque Juda qui avait demandé à Jacob de reconnaître la tunique de son fils (Gn 37:32), s’entend formuler, au comble de l’humiliation, la même requête dans les mêmes termes par sa bru (Gn 38:25). Quant aux déboires qu’il a connus avant ce point du récit, ils illustrent, comme le rapportent les rabbins Juda bar Simon (he) et Hanin au nom de Rabbi Yohanan, que « qui n’accomplit pas la mitsva qu’il a entamée, enterre sa femme et ses enfants » : tant qu’à dissuader ses frères de faire mourir Joseph, il aurait dû les convaincre de le ramener à leur père ou s’en charger lui-même mais n’a, pour son malheur, pas jugé utile d’aller au bout de sa responsabilité[193].
Cependant, Rabbi Shmouel bar Nahman se garde de blâmer quelque personnage de la Bible que ce soit, et énonce que tout ce qu’il arriva à Jacob et ses fils, fut le résultat de la providence divine qui « préparait la lumière du messie » “car je connais bien, moi, les desseins etc.” (Jrm 29:11)[194]. Ce n’est, pour ce rabbin, pas la juxtaposition de Gn 38 à Gn 37 mais à Gn 39 qu’il convient d’interpréter, afin d’enseigner que la femme de Potiphar était mûe, comme Tamar, par l’intention louable de perpétuer la lignée des justes, et sa méprise vint de la confiance qu’elle plaçait dans l’astrologie car les astres lui prédisaient que de sa maison sortirait une engeance pour Joseph sans lui préciser que ce dessein ne serait pas réalisé par elle mais sa fille Asnath[195],[Note 27].
Prolongeant cette ligne, Rav Houna, contemporain babylonien des précédents qui ne porte pour cette raison pas le titre de rabbi car la cérémonie d’imposition ne peut se faire qu’en présence du sanhédrin qui siège à Jérusalem, enseigne au nom de Rabbi A’ha qu’il n’y a rien à tirer de plus de l’accolement de Gn 38 à 37 que du désordre de Daniel 5-8 — tous deux sont des passages divinement inspirés, et il serait vain d’y chercher un ordre ou une organisation comme on le verrait dans des ouvrages composés. Il rapporte d’autre part au nom de Rabbi Eliezer le fils de Rabbi Yosse le Galiléen, que « qui n’accomplit pas la mitsva qu’il a entamée, cède le crédit de la mitsva à qui la parfaira » — le verset Jos 24:32 utilisé comme preuve de ces dires, puisqu’il indique que les enfants d’Israël, et non Moïse, ont rapporté les ossements de Joseph en terre d’Israël alors que Moïse les avait emportés d’Égypte (Ex 13:19), est sollicité pour affirmer d’une part que la responsabilité de la vente de Joseph ne peut retomber sur le seul Juda et, d’autre part, que la seule rétribution attendue par Joseph ou même par Dieu des enfants d’Israël, fut de ramener ses ossements à l’endroit où il avait été enlevé, c’est-à-dire Sichem (cf. Gn 37:13)[196].
Enfin, « les rabbins », c’est-à-dire l’ensemble du collège rabbinique, rapportent les conclusions de Rav Houna à tout le Livre de Daniel et achèvent d’exonérer Juda en s’appuyant sur Mic 1:15 pour présenter sa descente comme la glorieuse campagne du « saint », « roi » et « élite d’Israël »[197]. S’il est descendu, c’était pour montrer à ses frères comment se débrouiller et prendre femme puisque Jacob, obnubilé par la disparition de Joseph, n’avait plus le cœur à le faire[198] ; le compagnon qu’il se ferait à Adullam, « Hira, c’est Hiram […] ainsi qu’il est dit “Car Hiram avait, de tout temps, aimé David” (1 Rois 5:15) »[199] ; la femme qu’il s’est choisie est la fille d’un « homme du lieu », soit un habitant du pays de Canaan mais non un membre des tribus cananéennes qui le peuplent, et même un « luminaire local » car le midrash lit Shoua comme shoʿa (« notable, » cf. Job 34:19)[200]. Quant aux enfants de Juda, leur nom dicterait leur devenir : « elle conçut un fils, et elle (sic) l’appela ʿEr [car il fut] vidé (houʿara) du monde, [...] elle l’appela ʾOnan [car il apporterait] l’affliction (ʾanina) sur lui-même [et] elle l’appela Chêla [car il fut] implanté (nishtal) dans le monde » ou, selon les éditions courantes, « y établit une descendance (nishtalshel) »[201]. Si le texte précise qu’« il — Chêla et non, comme le texte biblique le laisse entendre, Juda — était à Kezib », c’est pour expliquer qu’elle cessa (pasqat), après cette naissance, d’enfanter[Note 28].

Giovanni Battista Lombardi, Femme voilée
Alors que Genèse 38:15 explique que « Juda, l’ayant aperçue, la prit pour une prostituée ; car elle avait voilé son visage », Genèse Rabba 85:8 assure qu’il s’apprêtait à passer son chemin parce qu’elle était voilée, contrairement aux prostituées.
L’apologète a-t-il lu « parce qu’elle avait voilé son visage » comme « lorsqu’elle voila son visage, [il dévia etc.][202] » ?
A-t-il substitué au lèzona (« comme une prostituée ») de Gn 38:15, lo zona (« non-prostituée)[203] » ?
S’est-il basé sur les normes du port du voile qui avaient cours en son temps[Note 2] ?

Le midrash disculpe Juda de la mort de son fils aîné, en jouant une nouvelle fois entre le nom d’Er et la racine ʿ-r-h (« évider »), car il fut mauvais aux yeux de Dieu de son propre fait, pour avoir « labouré dans les jardins » et « dévidé dans les ordures »[204]. Juda est de plus — de nombreuses traditions le rappellent — un juste qui accomplit, à l’instar d’Adam, Noé, les patriarches d’Israël et Joseph ce qui est écrit dans la Torah avant qu’elle ne fût donnée à Moïse lorsqu’il initia, en ordonnant à son fils Onan de venir à la femme de son frère pour donner une semence à celui-ci, un commandement biblique[205]. Cependant, Onan s’y refusa, « batta[n]t au dedans et jeta[n]t en dehors »[206]. Juda est excusé d’avoir présumé que Tamar portait malheur à ses époux — bien que Gn 38 ait eu, entre autres buts, de contester cette croyance[207] — car si la divination est interdite dans le judaïsme, il est tout de même permis de se fier aux « signes » lorsqu’il s’agit d’une femme, d’une maison ou d’un enfant[208].
« Longtemps après » (Gn 38:12), c’est-à-dire douze mois selon la chronologie établie par Rabbi Yosse[209], la femme de Juda meurt et il se rend à la fête de la tonte — le midrash qui rappelle les chamboulements qui se sont produits ou se produiront pour Nabal, Laban et Absalon, souligne que Juda « monte à Timna, » contrairement à Samson car lui y va pour établir une lignée de rois[210]. Quant à Tamar qui se couvre d’un voile lorsqu’elle apprend la venue de son beau-père, le midrash utilise le silence biblique sur son monde intérieur[49] et le précédent de Rebecca pour suggérer qu’elles l’ont toutes deux fait non par dissimulation mais par pudeur, et qu’elles en seront toutes deux récompensées par la naissance de jumeaux[211]. Récusant implicitement la lecture simple — et inconvenante — du texte, Rabbi Ammi propose de lire peta’h Einayim comme le « portail vers lequel tous les yeux sont pendus, » et Tamar prie de ne pas « sortir “vide” de la maison de Juda » ou comme l’« ouverture de l’œil, » et Tamar donne à Juda toutes les garanties que leur commerce n’entraîne aucune impureté menstruelle ou relation extramatrimoniale[183].
« Juda la vit, » et Rabbi A’ha (les éditions courantes portent « Rabbi Hiyya bar Zabda[Note 29] »), peut-être gêné par la redondance entre Gn 38:15 et 38:14 puisqu’il y est déjà dit que Tamar avait pris un voile pour s’en recouvrir avant de retrouver son beau-père, conclut à une nouvelle marque de pudeur : elle avait voilé son visage non au moment de leur rencontre mais lorsqu’elle habitait chez lui. Le rabbin conseille toutefois de toujours savoir à quoi ressemblent sa belle-sœur et d’autres proches afin de ne pas commettre, comme Juda, d’inceste par inadvertance. Selon une autre lecture qui va à l’encontre du sens simple du verset, Juda considéra qu’il ne pouvait pas s’agir d’une prostituée puisqu’elle s’était voilée et il s’apprêtait à passer son chemin mais Dieu soi-même le fit dévier de la route contre son gré ou en lui suscitant, selon Rabbi Yohanan, un ange préposé au désir pour lui dire : « Juda, où vas-tu ? D’où les rois se dressent, d’où les grands se dressent[202] ? » Rabbi Hounya ajoute que Tamar était non seulement pudique mais presciente car « l’esprit de sainteté (en) scintilla » en elle lorsqu’elle demanda à Juda des gages qui représentaient, versets bibliques à l’appui, la royauté, les sages du sanhédrin et le roi-messie appelés à descendre d’eux ; le midrash poursuit en tirant de l’expression « de lui », apparemment superfétatoire, que Tamar conçut « des hommes forts comme lui et des justes comme lui[212] ».

La mise en branle de la lignée messianique marque un tournant dans le chapitre : le Midrash s’applique désormais à montrer que Dieu dirige tout, et il revient à une position plus nuancée envers Juda et Tamar, comportant même des opinions mitigeant les mérites de Juda à l’encontre du texte biblique[213] — Juda bar Nahman (he) renoue au nom de Rech Lakich avec la ligne d’interprétation générale de Rabbi Yohanan pour souligner l’ironie divine lorsque Hira revient bredouille avec le chevreau que Juda avait promis en paiement car Juda qui avait trompé son père avec un chevreau, aura été trompé par Tamar avec un chevreau[214]. Au bout de trois mois — mais peut-être plus tôt car Rav Houna objecte au nom de Rav Yossef qu’il est dit « environ trois mois » et un maître anonyme tire d’« et la voilà enceinte de la prostitution » que la grossesse de Tamar fut connue avant même d’être apparente parce qu’elle se caressait le ventre en se félicitant de porter en ses entrailles des rois et des rédempteurs[215] —, on rapporta l’affaire à Juda et comme sa bru était, ainsi que le rapporte Efrayim Meqshaa au nom de Rabbi Meïr, la fille de Sem (identifié par les rabbins à Melchisédek, roi de Salem et prêtre du dieu suprême), il ordonna qu’elle soit sortie pour être brûlée car « la fille d’un prêtre qui se déshonore par la prostitution, c'est son père qu'elle déshonore : elle périra par le feu » (Lv 21:9)[216].

« S’écrit hou (il), se lit hi (elle) », la singularité textuelle sur laquelle Rav Houna fonde son enseignement

Les premiers mots de Gn 38:25 que l’on traduit par « on l’emmenait » (littéralement : « elle était sortie »), sont écrits h-w-ʾ moutsʾet mais h-w-ʾ qui s’écrit hou (il), doit se lire hi (elle) (en) — Rav Houna en tire qu’« elle et lui doivent sortir » pour être brûlés. Par ailleurs, la suite du verset pose deux problèmes à Rabbi Youdan : il est, d’une part, incommodé par cette forme verbale inhabituelle de la racine y-ṣ-ʾ (qui correspond à l’« Emmenez-la » du verset précédent), et décide qu’il ne faut pas lire hi moutsʾet mais hi motsʾet (« elle trouv[a] »), de la racine m-ṣ-ʾ car il est question ici, comme en Lv 5:22 (« ou si trouvant un objet perdu etc. ») d’objets perdus et retrouvés, d’autant plus que Gn 38:20-23 a utilisé cette racine à trois reprises (« il ne la trouva point … Je ne l'ai pas trouvée … tu n'as pu la trouver ») ; d’autre part, Tamar marchande avec Juda « ton cordon » en Gn 38:18 mais elle lui demande en Gn 38:25 « à qui appartiennent … ces cordons » — le rabbin résout ces difficultés en enseignant que Dieu a miraculeusement mais discrètement créé d’autres gages pour que Tamar puisse les trouver après que les premiers avaient été perdus[217]. Enfin, Gn 38:25 emploie deux fois le mot « dire » puisque Tamar « envoya dire … pour dire » — le midrash déduit de cette redondance que Juda a d’abord voulu « couvrir » l’affaire et c’est pourquoi sa bru a coupé court à cette tentative en lui intimant « Connais donc ! ». Non seulement s’est-elle faite l’agent de la rétribution divine mesure pour mesure, comme l’enseigne Rabbi Yohanan, en rappelant à Juda ce qu’il avait dit à son père mais elle a sous-entendu « “Reconnais donc” ton créateur [car] ceux-là — « ces gages » ou peut-être « ces enfants[Note 30] » — sont à toi et à ton créateur[218]. »
Rabbi Yirmeya rapporte lui aussi, au nom d’un autre rabbin, que Juda ne se résolvant pas à avouer, c’est le souffle de sainteté qui fait entendre « c’est de moi » (une autre version de ce midrash modère la critique envers Juda : il ne pouvait pas dire « c’est de moi » car Dieu seul peut témoigner de ce qu’il a caché aux hommes)[219]. Pour d’autres, il est évident que c’est Juda qui l’a dit, et il a accompli à ce moment l’essence de son nom, Yehouda, Celui-qui-reconnaît (Dieu)[220]. Un autre midrash, glosant sur Prov 28:13, adopte la position mitoyenne en rapportant « celui qui confesse [ses péchés] et y renonce, sera pardonné » à « Juda le juste » — Juda a fauté mais il est gratifié par son repentir d’un qualificatif qui échoit généralement à Joseph[221].

François Maitre, Jacob bénit ses fils
Juda est-il juste ? Injuste ? C’est à Jacob, imbu selon la tradition juive de l’esprit de sainteté, qu’il revient de trancher la question lorsqu’il bénit ses fils avant d’expirer (Genèse Rabba 99:8).

La controverse entre ces interprétations de Juda, juste imparfait ou accompli, revient dans deux midrashim, lesquels élaborent autour d’une tradition plus ancienne qui compare Tamar et ses enfants aux compagnons de Daniel sauvés du feu : selon cette ancienne tradition, consignée dans un Midrash sur le Cantique des Cantiques, « cette taille qui te distingue est semblable à un palmier » (Cant 7:8) doit être compris comme « cette grandeur te fait ressembler à Tamar » parce qu’à l’instar de Tamar qui devait brûler et fut sauvée, les compagnons de Daniel se tinrent droits devant la fournaise dans laquelle on voulait les jeter, et « que tes seins soient pour moi comme des grappes de la vigne » (Cant 7:9) suggère qu’il en fut de même pour Peretz et Zera’h qui sont figurés par « tes deux seins sont comme […] les jumeaux de la biche » (Cant 7:4)[222]. Dans les deux élaborations qui figurent en deux endroits distincts de Genèse Rabba, Juda a mérité, mesure pour mesure, de sauver Daniel et ses compagnons pour avoir sauvé non pas trois mais quatre âmes justes[Note 31] : selon le midrash plus « critique », cette quatrième âme est la sienne puisque Juda a reconnu, en disant « elle est plus juste que moi, » qu’il aurait dû lui aussi brûler tandis que d’après l’autre, le quatrième juste sauvé par Juda est Joseph[223] (la justice innée des enfants de Tamar, est quant à elle déduite par le Midrash de la forme pleine (en) du mot teomim, « jumeaux, » en Gn 38:27 alors que dans le cas de Rebecca, il était écrit tomim à la forme défective (en) puisque seul Jacob naîtrait juste[224]).
Le fin mot de l’histoire revient à Jacob, dont les rabbins sollicitent de la répétition de « je savais » en Gn 48:19 qu’il avait une connaissance surnaturelle des aléas de ses fils Juda et Ruben[225] bien qu’il n’en ait pas eu besoin selon d’autres, puisque la confession publique de Juda entraîna celle de Ruben, et la paix revint dans la tente de Jacob[226]. Après qu’Israël a fait rougir Ruben, Simon et Lévi en leur rappelant leurs disgrâces avec les femmes, Juda craint que Jacob ne lui reproche son histoire avec Tamar mais il lui dit: « Juda, tes frères te reconnaîtront » (Gn 49:8)[227], car finalement, Juda a pu raidir sa nuque lorsqu’il a déclaré Tamar plus juste que lui et, mesure pour mesure, « ta main fera ployer le cou de tes ennemis » (Gn 49:8) ; pour avoir fait preuve de justice et non de simple vaillance, il sera appelé à diriger les enfants d’Israël et ceux-ci le reconnaîtront comme leur seul roi, puisqu’ils ne sont plus, comme le fait remarquer Rabbi Shimon bar Yohaï, appelés Rubénites ou Simonites et caetera mais Judéens[228].
L’accouchement de Tamar donne l’occasion au Midrash de rappeler l’habilitation d’une sage-femme à témoigner illico de l’ordre des naissances en cas de grossesses multiples ainsi que de l'identité se la mère[186] mais surtout de gloser sur le nom de Peretz, « celui qui brise la clôture [et] monte devant eux » (Mic 2:13)[229]. Vient ensuite son frère à la main sertie d’écarlate et il est par conséquent appelé Zera’h — le midrash compte quatre occurrences du mot « main » en Gn 38:28-30, ce qui préfigure selon Rabbi Youdan les quatre fois où Akhan le Zar’hite avancera la main vers les butins consacrés auxquels les Israélites n’avaient pas le droit de toucher (en) ; Rav Houna, ne trouvant pas trace de ces quatre infractions mais d’une seule, enseigne qu’il a pris au cours de celle-ci quatre objets, « un belle armure de Shinaar, deux cents shekalim d'argent [et] un lingot d'or du poids de cinquante shekalim » (Jos 7:21), ce qui n’en fait toutefois que trois[230].

L’interprétation de Gn 38 par les sages du Midrash s’appuie à l’évidence sur les prémices du messianisme contenus dans le texte, et ils veulent mettre en évidence, en appuyant occasionnellement le trait, la naissance ou la rédemption du futur dirigeant de la nation juive à l’aide d’une dame de grande vertu ; Juda ressort au terme de Genèse Rabba comme un juste accompli ou à tout le moins un repentant qui se tient, selon la tradition juive ultérieure, là où les plus grands justes ne peuvent se tenir[221]. Bien que l’on ne trouve pas de lien convaincant entre le messianisme du Midrash amoraïque et les soulèvements populaires de son temps comme la révolte juive contre Constance Gallus[231], le but des sages est bien d’enseigner à une nation de plus en plus désespérée que le messie peut encore venir et restaurer la royauté de Juda[232], même et surtout si les dirigeants du sanhédrin descendant de David, ne semblent plus à la hauteur de la tâche depuis Juda le Prince[233].
Les rabbins ont, quoiqu’il en fût, délivré un autre message, plus théologique et moins soumis aux circonstances du moment : si la Bible mentionne seulement que Dieu a mis à mort deux individus qui lui déplaisaient sans que le motif soit forcément évident, les sages montrent la présence immanente et permanente de Dieu dans ce récit sans théophanie apparente[234], enseignant qu’il guide les évènements vers leur conclusion voulue en rétribuant les actes de l’humanité mesure pour mesure selon leur dû, ce qui garantit dans le même temps le respect du libre-arbitre humain et le savoir absolu du divin[190].

Juda et Thamar au cénacle de Césarée[modifier | modifier le code]

G. Gaudion, Odalisque cubique
Comment présenter les ancêtres picaresques de Jésus depuis que, Matthieu 1:3 oblige, ce n’est plus sur eux mais sur Marie que s’est reportée la vénération dévolue à la mère du messie? En dépit d’interpétations favorables aux premiers temps du christianisme, celui-ci retiendra l’opinion d’Origène qui, estimant que la bonne nouvelle s’adresse au monde entier, jauge les agissements de Juda et surtout Thamar à l’aune des valeurs universelles, c’est-à-dire grecques, et les considère partant comme autant d’offenses inexcusables aux bonnes mœurs.

Les premiers pères de l’Église florissent aux côtés des rabbins dont ils fréquentent un temps les académies avant d’ouvrir leurs propres cénacles où Origène, le compatriote chrétien de Philon d’Alexandrie, utilise d’une part les écrits de celui-ci pour gagner sous couvert de platonisme les jeunes païens aux nouvelles doctrines[235], et tente d’autre part de convertir les sages juifs à sa cause[236]. Ces missionnaires, moines, précheurs, ermites ou dignitaires qui entendent promouvoir le christianisme comme seul véritable porteur de la révélation du dieu d’Israël tandis que le judaïsme n’en serait plus qu’un moment dorénavant révolu, n’en recourent pas moins, quoiqu’assez peu fidèlement, aux traditions et méthodes d’interprétation juives pour trouver dans la Bible hébraïque de quoi présenter la nouvelle doctrine comme la véritable foi d’Israël[237] : Justin de Naplouse remet des traditions juives au goût du jour pour tirer du bâton de Juda (Gn 38:18) une référence à la croix et à la passion en vertu d’une inférence analogique entre ce bâton et celui de Ps 23:4 (« ton bâton et ta houlette sont ceux qui me consolent »)[238],[Note 32], et pour lier les fils écarlates pendus à la main du premier-né et à la fenêtre de Rahab afin de figurer « le sang du Christ par lequel sont sauvés les prostitués ou injustes de jadis dans toutes les nations »[239],[Note 33]. Poursuivant dans cette veine, Irénée de Lyon qui opère sous d’autres cieux, y voit le sang versé par les justes — c’est-à-dire Abel et tous les personnages de l’Ancien Testament qui annonçaient de prime abord Jésus et sa Passion et, plus généralement, le symbole de la foi sans la circoncision — le christianisme renoue dans cette optique avec la spiritualité des patriarches avant Abraham (qui a, selon Tertullien, cessé d’être le père spirituel des chrétiens après sa circoncision[240]), refermant la parenthèse du judaïsme où l’on a eu besoin de la circoncision comme signe d’alliance, et qui lui avait temporairement laissé la place de même que Zara avait retiré sa main[241]. Hippolyte de Rome qui s’introduit comme l’exégète du Targoum, avance que Juda qui renvoie Thamar, c’est Jésus qui, arrivé au sommet du Golgotha, prie les femmes qui l’avaient accompagné (en) de s’en aller et, comme elles — dit le prêcheur —, Thamar s’exécute en pleurant ; Juda lui promet alors, afin de la consoler, qu’il lui donnera Séla comme Jésus leur annonce qu’il s’apprête à ressusciter. Thamar qu’on avertit de la venue de Juda et qui se défait de ses habits de veuve pour se draper d’un voile avant d’aller le retrouver, c’est la sainte communauté qui est avertie de l’arrivée de Jésus par les apôtres et qui se défait de ses habitudes de jadis pour se draper dans les « habits […] de la Nouvelle Alliance » afin d’aller le retrouver. Les trois gages qu’elle reçoit de Juda, sont le sang, le corps et la confession dont Jésus a fait cadeau à la sainte communauté afin de la libérer de la honte liée aux anciennes pratiques, « [de même que] Thamar espérait de la progéniture de la race d’Abraham afin d’être libérée de la honte »[158].

Le cas de Gn 38 est cependant particulier car dès le moment où son contenu est relu à la lumière des généalogies de Jésus, c’est Marie qui est reconnue comme la mère du messie, tandis que Juda et Thamar n’en sont plus que de lointains ancêtres. Or, dès l’instant où le christianisme a cessé d’être affaire de Juifs pour essaimer en terres grecques ou romaines où l’on prône la droiture et la pureté des mœurs, les problèmes soulevés par le récit le rendent d’autant plus piquant que le messie Jésus est appelé à racheter l’humanité de ses fautes. Origène qui a popularisé l’interpétation de la Bible selon les quatre sens de l’écriture, a certes lu et traduit Gn 38 dans ses Hexaples mais il annonce à ses catéchumènes qu’il ne commentera ni « l’histoire de Juda et Thamar ni ce qui se rapporte à elle »[242] car

« en ce qui concerne donc l’histoire, il y a des choses utiles pour tous et d’autres qui ne le sont pas pour tous. Ainsi, […] l’histoire de Lot et de ses filles a-t-elle une utilité au sens spirituel ? Dieu le sait, comme le saurait aussi celui à qui il ferait la grâce de savoir expliquer ce passage. Mais au sens historique, on peut toujours chercher ! […] Pareillement quel profit ai-je à tirer, si on se borne à la raconter, de l’histoire de Juda, de Tamar et de ce qui advint à cette dernière[243] ? »

Sa réserve ne porte cependant, à première vue, que sur le sens « historique, » c’est-à-dire littéral de Gn 38, mais non sur l’allégorie qu’il utilise pour expliquer le destin d’Eir, l’aîné de Juda qui n’est que peau, selon l’interprétation du nom par Philon : il ne pouvait, dit Origène, pas plus agréer à Dieu que la peau des offrandes en holocaustes ne peut lui être offerte (Lv 1:6)[244]. Pour lui et ceux qui sont, comme lui, si extrêmement déplaisants à Dieu, la mort est un dernier ressort « car il est mort et c’est pour le péché qu'il est mort une fois pour toutes ; il est revenu à la vie et c’est pour Dieu qu’il vit » (Rom 6:10)[245]. Aunan aussi devait mourir car il avait choisi, dans son égoïsme philonien, de retenir pour lui la semence de la connaissance naturelle, préférant la répandre au sol que la faire germer dans le monde à l’instar du serviteur de la parabole des talents (Matt 25:18) ; or, comme l’enseignent les écritures, « celui qui sème pour sa chair moissonnera de la chair la corruption » (Gal 6:8)[246].
Origène ne dit toutefois, contrairement à Hippolyte, rien de Selom ou du renvoi de Thamar par Juda, et il revient à son intransigeance première sur la rencontre entre Juda et Thamar aux portes d’Ainan — tandis que son prédécesseur à la Didascalée, Clément d’Alexandrie, reprend sous forme condensée l’interprétation de Philon pour la présenter comme celle du « véritable amoureux de la science » avec la science même, sans jamais cesser de confesser Dieu (Clément ajoute au passage que la prostituée, s’il devait y en avoir une, serait la philosophie sans Dieu)[247], Origène explique dans son Homélie sur Luc 3, que l’évangéliste a fort judicieusement évité de mentionner les femmes dans la généalogie du Christ car elles ont fait, à l’exception de Marie dont la virginité est perpétuelle et la conception immaculée, « ce que les écritures répréhendent. » L’allégorie aurait seulement déplacé les rapports amoureux sur un terrain plus convenable, et rien ne devrait, aux yeux du prédicateur hellène, occulter l’immoralité de Thamar qui s’est « unie par fraude à son beau-père » ; seul Jésus avait le pouvoir et la mansuétude de la sauver, ainsi que Rahab la femme légère, Ruth l’étrangère et la femme d’Urie adultère, en choisissant leur lignée pour se faire chair[248].
Origène renoue avec ses prédécesseurs et l’allégorie dans son commentaire sur le Cantique des Cantiques : à l’instar de Justin de Naplouse qui avait rapproché croix de Jésus et bâton de Juda (Gn 38:18)[238], Origène joue sur les colliers de Gn 38:18 (dans la version septantique) et Cant 1:10 (« Charmantes sont tes joues ornées de rangs de perles, ton cou paré de collier[s] ») pour figurer le rachat de la communauté proto-chrétienne par les cadeaux dont Jésus lui a fait don (Origène suit là Hippolyte de Rome[158]) — l’Église était, comme Thamar, pécheresse et hantée par des fausses doctrines avant de rencontrer Jésus mais il a transformé ses erreurs en autant de dogmes qu’il a alignés, comme on enfile les perles d’un collier[249].
Il suit une nouvelle fois Justin sur le fil rouge de Zara[239] à l’occasion d’homélies sur Lv 14:4 et Matt 27:28 : si l’étoffe rouge a le pouvoir de purifier le lépreux, c’est qu’elle et le manteau rouge qu’on fait revêtir à Jésus lors de la Passion, figurent le sang sacré qui a coulé de son flanc lorsqu’un soldat l’a transpercé de sa lance (Jn 19:34). Pharès n'est pas oublié puisqu’Origène établit une correspondance entre la clôture brisée par Pharès, et la paroi mitoyenne abattue par Jésus (Eph 2:14-15)[250].

La figure d’Origène et son modèle d’interprétation où Thamar (ni Juda) ne joue plus de rôle dans le projet messianique, feront fortune dans le christianisme ultérieur mais elles n’en seront pas moins contestées, dans sa propre académie et en dehors de celle-ci.
Eusèbe de Césarée, instruit par Pamphile de Césarée dans l’enseignement du maître alexandrin près d’un siècle après qu’il l’a formulé, est l’auteur prolifique d’une œuvre hagiographique, historique et herméneutique qui a établi dans sa Preparatio evangelica que vingt-deux ans séparent la vente de Joseph de ses retrouvailles avec son père[251]. Il a aussi rédigé un guide des noms (et lieux) hébreux pour les pèlerins en Terre sainte, où il situe Odollam et Kasbi par rapport aux villes d’Éleuthéropolis et Diospolis tandis qu’Ainan se trouve à mi-chemin entre cette dernière et Ælia, et devrait son nom à une source locale ; un culte idolâtre s’y tient et s’est poursuivi jusqu’à son époque malgré les efforts de l’empereur Constantin, ce qui expliquerait que Juda ait pu prendre Thamar pour une hiérodule[252].
Épiphane de Salamine, qui écrit environ un demi-siècle plus tard, compte quant à lui parmi les pères du désert qui ont remplacé les sectaires judéens dans les déserts d'Égypte et de Syro-Palestine. Il est principalement connu pour son Panarion, un catalogue des hérésies où il entend prouver à coup de versets l’inconduite des sectes par lui recensées. Outré par l’influence de la philosophie grecque sur Origène car elle l’a conduit à subordonner Jésus à Dieu, il assène que les « origénistes » réalisent, « pour le dire poliment, l’acte d’Aunan le fils de Judas » : professant un mode de vie monastique et rejetant par conséquent le mariage, ils s’adonnent hypocritement aux plaisirs d’ici-bas en pratiquant le coitus interruptus ou en gaspillant leur semence dans la terre. Il a condamné auparavant une autre secte qui en fait de même mais dans le cadre du mariage, et attribue erronément ce comportement à Selom plutôt qu’Er[253].
Eusèbe qui a adopté sur la trinité une opinion proche d’Origène où Dieu et Jésus sont d’une substance similaire mais différents, diverge de sa position sur Gn 38 : prié par son disciple Stéphane de donner la raison de l’inclusion de Thamar en Matt 1:3, il explique — après avoir souligné l’anachronisme des accusations d’enfreinte à la loi des écritures, puisqu’il n’y avait ni Moïse pour l’avoir donnée ni prophètes pour la vouloir appliquée — que la volonté de procréation qui anime Thamar est louable à plus d’un titre. Elle a non seulement voulu éviter l’opprobre d’être « sans nom » (l’argument sera repris par Jean Chrysostome[254]) mais elle aurait pu trouver un autre homme avant ou après ses rapports avec Juda ; qu’elle ne l’ait pas fait prouve amplement aux yeux d’Eusèbe qu’elle tenait à ce que ses enfants soient de l’engeance d’Abraham, Isaac et Israël. D’autre part, la qualifier de prostituée va à l’encontre du sens moral du texte : elle a vécu dans la chasteté aussi longtemps qu’elle avait pris le veuvage dans la maison de son père, et a honoré les engagements pris par son beau-père pour elle. Même lorsqu’elle a choisi de s’unir avec un homme mûr après y avoir été poussée par la crainte de perdre sa fécondité, elle a eu la décence de ne pas rencontrer Juda du vivant de son épouse et a fait montre de continence tout au long de leur échange ; Juda n’avait en revanche aucune intention d’honorer ses engagements depuis le début, et il a lâché la bride à ses envies sitôt sa femme décédée. C’est, conclut Eusèbe, pour toutes ces raisons que Dieu décida de lui donner assistance : elle aura non seulement été justifiée par Juda mais une naissance gémellaire surviendra au terme d’un unique rapport pour la récompenser d’avoir voulu « faire partie du peuple de ceux qui sont amis de Dieu quoiqu’elle fût étrangère »[255].
Eusèbe se démarque ensuite de Philon pour enseigner à Stéphane ce qui lui semble la principale leçon du texte ainsi que l’un de ses plus grands mystères : Matt 1:3 signale aussi Zara, l’aîné-puîné marqué de l’écarlate, alors que cet enfant ne participe pas de la généalogie de Jésus. Élaborant sur le précédent d’Irénée, Eusèbe déplace la rupture entre christianisme et judaïsme au don de la loi à Moïse : Zara, exemplifié entre autres par Hénoch, Noé, Japhet, Sem ou Melchisédek — le christianisme rejette l’identification rabbinique entre les deux personnages — a brillé, conformément à son nom, sur les peuples d’avant Moïse tandis que Pharès, la « division, » représente les Pharisiens qui se sont — comme l’expliquera aussi Jérôme de Stridon[256] — séparés (littéralement, « divisés ») de ces peuples par leurs statuts, érigeant une paroi mitoyenne qui les en coupait, et que Jésus a abattue lorsqu’il a porté la bonne nouvelle aux Gentils[257].

Interprétations dans l’empire romain d’Orient[modifier | modifier le code]

Juda et Tamar dans le Talmud de Babylone[modifier | modifier le code]

Dans cette section, les ajouts effectués dans le corps du texte talmudique d’après leurs commentateurs médiévaux ou les talmudistes modernes, sont marqués par des chevrons (<>)

Le Talmud de Babylone qui s’élabore parallèlement au Talmud de Jérusalem sur base d’un même matériau mishnaïque, traite comme lui de Gn 38 sous différents points de vue, selon le sujet étudié : les rabbins commentent par exemple Gn 38:6-10 dans le cadre d’une discussion sur les bonnes pratiques conjugales à la page 34, folio b, du traité Yévamot, et le passage est également traité avec Gn 38:12 sous l’angle de rétribution mesure pour mesure à la page 13b du traité Sota, où le corps du récit — Gn 38:13-26, à l’exception du passage où Hira cherche Tamar sans la trouver — a été analysé trois pages plus tôt (Sota 10a-b), au sein d’un long exposé sur cette doctrine. Des éléments du texte apparaissent plus ponctuellement à travers le corpus pour en tirer qui des ordonnances légales qui des leçons édifiantes[258].

Toutefois, le Talmud babylonien qui partage avec son homologue galiléen les mêmes méthodes et utilise les mêmes traditions, ne parvient pas aux mêmes conclusions : il enseigne, au nom de Rabbi Yosse ben Halafta, que l’« en ce temps-là » de Gn 38:1 est l’un de ces « temps » marqués pour la calamité (cette affirmation a donné lieu à divers commentaires ultérieurs, Rachi pensant que la calamité est à venir car Juda perdra ses fils et Tamar manquera de mourir sur le bûcher tandis que le Ner Heskelim (he) la rapporte à Jacob s’affligeant de la perte de Joseph)[259].

A. Grodzicki, Juif en prière
Pour les rabbins dont les ordonnances ont fixé jusqu’à ce jour les rites, prières et vêtements des juifs pratiquants, Juda est un juste fort versé dans les lois divines dont il est, de plus, hautement observant. Or, c’est pour les négligences de ce genre de personnes que Dieu se montre le plus intransigeant (TB Taanit 8a & Baba Metzia 33b)

Pour n’avoir pas mené le sauvetage de Joseph à son terme, Juda en a non seulement perdu le mérite, comme l’enseigne Rabbi Hama le fils de Rabbi Hanina (en) mais il est aussi descendu, selon Rabbi Eléazar, de son statut parmi ses frères < en rétribution mesure pour mesure de sa « descente » du sauvetage de Joseph > et il enterre, selon Rabbi Shmouel bar Nahmani, sa femme et ses enfants, ainsi qu’on le tire de Gn 38:12 et Nb 46:12 < où la mort des fils de Juda est mentionnée sans préciser ce qu’ils firent pour déplaire à Dieu >[260].
Cependant, le Talmud de Babylone n’accepte, pas plus que les targoumim et le Midrash, la lecture littérale de Gn 38:2 car Juda n’aurait jamais épousé « la fille d’un Cananéen » alors que les patriarches avaient mis un point d’honneur à se transmettre cet interdit de père en fils, et Rech Lakich en fait la fille d’un homme de commerce, d’après le sens qu’aurait acquis “Cananéen(s)” en Os 12:8 (« Le Cananéen manie des balances frauduleuses ») et Is 23:8 (« Qui donc a conçu ce dessein contre Tyr […] dont […] les marchands [sont] des grands de la terre ? »)[261]. Par ailleurs, Rav Nahman bar Itzhak (en) tire de « lui aussi » (Gn 38:10) qu’Onan mourut pour la même faute qu’Er <, et Juda n’y est pour rien> ; le Talmud conjecture qu’Er voulait faire durer la beauté de sa femme, qu’une grossesse aurait gâtée, et lui imposait donc des relations « contre nature »[262] ; alternativement, Rabbi Yohanan en retire que toute émission de sperme en vain, est passible de mort, qu’elle découle d’une manipulation active (et Rabbi Eliézer recommande pour cette raison de ne jamais se tenir la verge, fût-ce pour uriner) ou de ruminations lascives, comme l’enseigne Rabbi Ammi[263].
Comme Juda intime à sa bru de « demeurer veuve (almana) dans la maison de [s]on père » (Gn 38:11) et qu’il s’agit de la première occurrence d’almana dans la Bible, les rabbins tiennent à préciser qu’il y a, comme Tamar, des almanot de mari mais aussi de fiancé et de promis quand bien même la promesse d’union ne se serait pas concrétisée, et toutes sont interdites au grand-prêtre d’Israël[264]. Tamar aurait, tant qu’elle est assise dans la maison de son père, le statut de « gardienne du lévirat » (shomeret yabam) en vertu de la loi rabbinique[265] mais Juda semble la considérer comme ce que le Talmud nomme une femme fatale qui fait, d’une manière ou d’une autre, mourir ses maris, bien que les rabbins eux-mêmes n’aient pas inclus Tamar dans leurs discussions sur le sujet[207].
Abordant Gn 38:13-15 à partir de la mishna Sota 1:8, le Talmud de Babylone fait remarquer, comme celui de Jérusalem, que Juda monte à Timna alors que Samson y descend — Rabbi Shmouel bar Nahmani en déduit qu’il y a la Timna de Juda et celle de Samson, Rav Papa que c’est une seule et même Timna, sise à mi-chemin entre monts et vaux mais Rabbi Eléazar ne situe pas la solution à ce niveau : « pour Samson qui s’y déprava < car il s’y éprit d’une Philistine qu’il finit par épouser >, il est écrit "descente" ; pour Juda qui s’y éleva < car il y sanctifia le ciel >, il est écrit "montée"[266] » — dans les deux versions du Talmud, jérusalémite comme babylonien, ce sont les sages de la terre d’Israël qui proposent l’interprétation la plus favorable des évènements[233].
Cette dichotomie se poursuit dans l’analyse des versets suivants : entre deux interprétations du Peta’h Einaïm de Gn 38:14 par des rabbins syro-palestiniens, Rav Hanin explique au nom de Rav que c’est tout simplement l’entrée d’Einam, une ville qui sera assignée à la tribu de Juda après la conquête de la terre promise (Jos 15:34)[267], et Oula (en) s’en tient lui aussi au sens premier des versets lorsqu’il énonce que « Tamar s’est prostituée [comme] Zimri s’est prostitué » mais lui a amené la pestilence sur Israël tandis qu’elle leur a donné des rois et des prophètes, ce qui montre selon Rav Nahman bar Itzhak qu’

« une transgression réalisée dans le but de sanctifier les cieux (he) vaut mieux qu’une prescription qui n’est pas réalisée dans le but de sanctifier les cieux (gdola ʿaveira lishma mèʾasher mitzva shèlo lishma)[268]. »

Rabbi Shmouel bar Nahmani enseigne au nom de Rabbi Yonathan : toute jeune mariée qui se conduit pudiquement dans la maison de son beau-père, mérite que des rois et des prophètes descendent d’elle. D’où le tenons-nous? De Tamar : des prophètes, de ce qu’il est écrit (Is 1:1): “Vision d’Isaïe fils d’Amotz”, des rois par David, et Rabbi Levi a dit: “cette chose est une tradition dans nos mains et reçue de nos pères, qu’Amotz* et Amatzya étaient frères”

TB Meguila 10b et Sota 10b.
*Amotz est identifié dans le Seder Olam Rabba (ch. 2) à l’un des quarante-huit « hommes de Dieu » venus délivrer une prophétie au roi Amasias (cf. 2 Chroniques 25:7).

— Serais-tu une Gentille ?
— […] Je suis une convertie
— Serais-tu la femme d’un homme ?
— Je suis libre
— Peut-être ton père a-t-il reçu un douaire < quand tu étais encore en bas âge > ?
— Je suis orpheline[Note 34]
— Peut-être es-tu impure ?

— Je suis pure

TB Sota 10a.

Les rabbins de Galilée s’ingénient par contre à trouver l’explication la plus accommodante pour les protagonistes : Rabbi Alexandri s’appuie sur Gn 18:1-2, où figurent le peta’h de la tente d’Abraham et les « yeux » qu’il lève vers l’horizon pour apercevoir les trois hommes (he) (ainsi que sur la lecture midrashique de ce passage qui situe la tente d’Abraham à la croisée des chemins), pour expliquer que Peta’h Einayim n’est pas un nom de lieu mais bien « l’entrée de la tente d’Abraham c’est-à-dire […] un lieu < d’hospitalité ou de prière > où tous les yeux désirent le voir », et par conséquent, c’est, plutôt que d’adopter une pose suggestive, sa tente que Tamar ouvre à tous les vents[267]. Rabbi Shmouel bar Nahmani lit quant à lui Peta’h Einayim comme pat’ha einayim, « elle a ouvert les yeux, » et enseigne ce faisant qu’un dialogue s’est tenu Juda et Tamar après l’échange préliminaire au commerce de la chair, au cours duquel elle « a ouvert les yeux de Juda » en apaisant une par une ses craintes d’incorrection au regard de la Loi juive[269]. Les soupçons de prostitution entretenus par Juda en Gn 38:15 sont eux-mêmes, d’après Rabbi Eléazar, la preuve de la pudeur de Tamar car « elle avait < toujours > voilé son visage < du temps où elle habitait > dans la maison de son beau-père », et c’est cette pudeur qui lui vaudrait d’engendrer des rois et des prophètes[270].
Gn 38:18 rapporte que Tamar conçoit de son rapport avec Juda, et Rava fait remarquer à son maître Rav Nahman qu’elle était techniquement vierge puisque ses maris n’avaient jamais fait les choses comme il faut, or les rabbins tiennent pour avéré qu’une vierge ne peut concevoir d’un premier rapport < puisque l’hymen fait barrière >. Rav Nahman (en) lui répond qu’elle s’était manuellement déflorée auparavant, et la guemara qui condamnait la trituration pénienne, rapporte immédiatement au nom de Rabbi Itzhak que « toutes les femmes de la maison de Rabbi qui se déflorent < car elles se séparent souvent de leur mari pour leur permettre d’étudier la Torah, et souhaitent concevoir de leurs rares rapports >, sont < honorifiquement > appelées Tamar[271]. »
L’insistance de Gn 38:20 à parler d’un « petit des chèvres » et non d’un « petit » sans autre précision, permet à Rabbi Eléazar de déduire que le « chevreau » dont il est dit à trois reprises dans la Torah qu’il ne doit pas être cuit dans le lait de sa mère (Ex 23:19, ibid. 34:26 et Dt 14:21), est en réalité le petit de toute tête de bétail, et il convient par conséquent d’interdire toute cuisson simultanée de lait et de viande dans un même récipient[272]. De même, le délai d’« environ trois mois après » au terme duquel la grossesse de Tamar devient apparente (Gn 38:24), est un argument employé par Symmaque au nom de Rabbi Meïr pour décréter un délai de trois mois avant d’autoriser le mariage d’une veuve sans enfants à son lévir, car il convient de s’assurer que le mari mort n’a laissé aucun enfant, fût-ce en gestation[273]. Sitôt après avoir appris la grossesse de sa bru, Juda porte l’affaire devant le tribunal de Sem, non pour la prostitution per se mais parce qu’il la présume coupable d’avoir fricoté avec un païen alors qu’elle est israélite, et que les sages de l’époque ont proscrit tout rapport, de mariage ou de prostitution, avec les non-Juifs[274].

A.M. Esquivel, La Chute de Lucifer
Dans le Talmud de Babylone, la confrontation de Juda et Tamar se double d’un combat entre Gabriel qui a été dépêché par Dieu, et Samaël qui manœuvre dans les coulisses du texte pour empêcher la venue de David au monde.
David et ses ancêtres méritent cependant la faveur divine en raison de leur observance scrupuleuse de la Loi, écrite comme orale.

Estimant que le hi moutsʾet de Gn 38:25 ne traduit pas aussi bien « on la fait sortir » que hi mitoutsʾet, les rabbins enseignent qu’il faut lire hi motsʾet (“elle trouve”), et Rabbi Eléazar relit le verset comme : “après que ses signes furent trouvés”, elle envoya dire etc. — lorsque Tamar avait été informée de la sentence, elle avait cherché les gages laissés par Juda mais Samaël <, l’ange tutélaire d’Edom qui tente d’empêcher la naissance du roi David, futur vainqueur des Édomites > les avait éloignés, et Tamar aurait été perdue si Gabriel ne les avait pas ramenés <, ce qui prouve que l’acte de Tamar n’est immoral qu’en apparence >[275].
Cette chaîne d’événements, Rabbi Yohanan la déduit pour sa part de l’entête au Psaume 56, « Au chef des chantres. Sur Yonat Elem Rehokim, Mikhtam de David (Lamʾnatsēa’h, ʿal yonat ʾelem rehokim, lèDavid mikhtam) » — lamʾnatsēa’h devient “pour le vainqueur” par polysémie, ʿal yonat ʾelem rehokim, qui désignait peut-être un air connu sur lequel il fallait chanter le psaume ou un instrument de musique qui devait l’accompagner, devient ʿal yona ʾilemet mishoum rehokim, “en faveur de la colombe [rendue] muette à cause des [objets] lointains,” et lèDavid mikhtam, une musique composée par David, devient “David le Makh-Tam,” car il était « humble et intègre » selon une interprétation, « né sans prépuce » conformément à une autre, et « humble dans son jeune âge comme dans sa maturité pour apprendre la Torah » d’après la troisième — au total, “Pour celui qui a conquis en faveur de la colombe muette les objets éloignés, en faveur de David le Makh-tam” : dès l’instant où les objets furent éloignés, Tamar devint comme une colombe muette car elle ne pouvait plus rien dire pour sa défense mais elle fut sauvée par la grâce de celui qui a triomphé de l’adversaire en dépêchant Gabriel pour ramener les objets, et elle engendra la lignée qui aboutirait à l’humble et honnête roi David[276].
Les gages récupérés, « elle envoya dire à son beau-père, » par l’intermédiaire d’un messager dans un souci de discrétion[277], et elle dit « de l’homme auquel etc. » sans impliquer Juda directement, bien qu’elle risquât, à force de ne pas vouloir lui faire honte, d’être jetée au feu — c’est ce qu’enseignent trois rabbins au nom de trois rabbins (Rav Zoutra bar Touvia au nom de Rav, Rav Hana bar Bizna (he) au nom de Rabbi Shimon Hassida (he) et Rabbi Yohanan au nom de Rabbi Shimon ben Yohaï) en quatre endroits du Talmud :

« Il est préférable de se précipiter dans une fournaise ardente que de faire pâlir son prochain en public (noa’h lo lèadam sheyapil atsmo lètokh kivshan haʾesh vèʾal yalbin pnei havero). »

Rabbi Hama berabbi Hanina enseigne toutefois que les mots de Tamar étaient en vérité soigneusement choisis, rappelant d’une part à Juda que tout se règle mesure pour mesure car « Par "Reconnais" il annonça (Gn 37:32), par "Reconnais" il lui fut annoncé (Gn 38:25) », et exprimant d’autre part une prière : « Reconnais je t’en prie ton créateur et ne détourne pas les yeux de ma personne »[278].

« Juda reconnut et dit […] c’est de moi » — c’est ce qu’a dit Rav Hanin bar Bizna au nom de Rabbi Shimon Hassida : Yossef qui a sanctifié le nom divin en privé, a mérité qu’une lettre du nom du Saint, béni soit-il, car il est écrit (Ps 81:6) « [c’est un] témoignage qu’il a mis en Yehossef », Yehouda qui a sanctifié le nom divin en public, a mérité d’être appelé du nom divin tout entier*

TB Sota 10b.
*Yehûdâ s’épelle yōḏ-hē-wāw-dālet-hē (Y-H-W-D-H), contenant donc les quatre lettres du tétragramme

L’admission de Juda en Gn 38:26 est pour beaucoup le point d’orgue du récit : sur le plan purement légalistique, c’est parce qu’il a assumé sa responsabilité que l’histoire de Juda et Tamar est lue et traduite en public, et c’est pour cette raison qu’on la raconte-t-on aux femmes soupçonnées par leur mari d’adultère, alors qu’elle relève de ces « choses qu’il vaut mieux ne pas mettre à la portée de toutes les oreilles (litt. faire entendre) » < car on espère les amener à avouer la chose avant de les soumettre à l’épreuve de l’eau amère, dont la préparation implique d’effacer le nom divin écrit sur parchemin >[279].
En outre, Rav Hanin (sic) bar Bizna enseigne au nom de Rabbi Shimon Hassida qu’en avouant sa faute, Juda a sanctifié le nom divin en public, alors que la sanctification de Joseph face à la femme de Potiphar s’est faite en privé car il n’y avait pas de témoins alentour, et c’est pourquoi Joseph a obtenu que l’une des lettres du tétragramme soit ajoutée à son nom mais Juda a mérité que toutes les lettres du tétragramme figurent dans le sien. La guemara poursuit qu’un écho de voix céleste retentit au moment où Juda avoua pour annoncer que les compagnons de Daniel, ses descendants, seraient sauvés par son mérite d’avoir sauvé Tamar et ses deux enfants, et Shmouel Sabba rapporte au nom de son gendre Rav Shmouel bar Ammi que la fin du verset, couramment lue « il n’ajouta pas de la connaître », signifie en fait que Juda « ne cessa plus dès lors de la connaître »[280].
D’autres rabbins sont cependant plus circonspects face à la déferlante de mérites qui défausse le sens premier du récit : une tradition, qui interrompt brièvement le flot des précédentes, rapporte que l’écho de voix annonce « [c’est] de Moi », c’est-à-dire « C’est par moi que les secrets ont été mis au jour ». Cette tradition, rapportée ailleurs au nom de Rabbi Eléazar, enseigne que l’écho de voix s’est manifesté dans le tribunal de Sem pour confirmer la paternité de Juda car il aurait pu essayer d’arguer que Tamar était enceinte d’un autre homme ; Rava — qui ne réagirait pas seulement au dit de Rabbi Eléazar mais à l’ensemble des traditions qui font découler la prise de conscience de Juda d’une révélation céleste — rétorque que Juda n’avait pas besoin de cet écho et serait arrivé à la conclusion qui s’imposait par calcul des dates car « on peut tirer des présomptions de ce qu’on voit et on ne peut tirer des présomptions de ce qu’on ne voit pas »[281].
Enfin, Gn 38:28-29 qui décrit l’accouchement inhabituel des jumeaux où Zera’h passe sa main avant de la retirer, constitue un précédent sur base duquel Rav Houna déclare la parturiente impure dès le moment où le fœtus sort la main, sans attendre la fin du processus[282].

L’interprétation de Gn 38 par les sages du Talmud de Babylone se base sur la même théologie mesure pour mesure que le Midrash mais ils n’attendent rien des Princes d’Israël en lesquels leurs frères de l’ancienne Judée ont placé leurs espoirs[233], et mitigent de ce fait le bilan de Juda en ramenant les interprétations des « rabbins de l’Ouest », dont sa confession qui renverse les rapports entre Juda le fauteur repentant et Joseph le juste impeccable, à d’humaines proportions[283]. Dans leur théorie de la rédemption qui viendra de l’observance des prescriptions bibliques et rabbiniques[284], Juda illustre le sort de ceux qui y manquent[260] et il aura, en dépit de sa grandeur, besoin de l’appui de Moïse pour avoir sa part au monde à venir[285].
Tamar — dont les rabbins font une Israélite ou une convertie mais en aucun cas une Araméenne ou fille de Sem puisque Rav a tiré de Mal 2:11 qu’avoir des rapports avec une étrangère équivaut à épouser le culte des idoles, et dès lors, « celui qui a des rapports avec une Araméenne, est frappé par des zélotes »[286] — est en revanche inconditionnellement sublimée[287] : les interprétations paratextuelles soulignent son observance extrême des rites et règles de pudeur — dont l’excès n’est plus, comme dans le Midrash, la cause d’une erreur à éviter mais une marque de candeur à imiter[288] et elle lui vaudra le mérite de faire venir le roi David, lequel bénéficie lui-même de la faveur divine en raison de sa dévotion pour les sages de la Torah[276] — et son abnégation est citée en exemple à travers le corpus talmudique[153]. Quant aux interprétations qui privilégient le sens simple du texte et abordent par conséquent l’acte sexuel sans détour, elles parviennent à la conclusion qu’une différence de taille existe entre Tamar et Zimri car une « transgression pour une bonne raison » vaut mieux qu’une bonne action sans intention[287]— certains ont compris cette formule comme l’équivalent babylonien de “la fin justifie les moyens” si cette fin est la sanctifiation de Dieu, par l’obtention du lévirat pour des maris morts[289] ; d’autres ont réduit le champ des transgressions aux relations sexuelles, et pensent que les rabbins les autoriseraient aux femmes pour peu qu’elles soient réalisées dans le but de construire la nation israélite, alors que les hommes sont toujours guidés par leurs instincts les plus bas, et qu’il vaut mieux pour eux mourir que pécher[290].
Ce fait étant établi, les rabbins babyloniens utilisent le texte à des fins éducatives pour les Juifs et polémiques envers les chrétiens : la discussion sur l’auto-défloration de Tamar participe moins d’une entreprise exégétique — c’est l’interprétation de Rabbi Eléazar qui a créé la difficulté, et elle disparaît si l’on admet qu’au moins l’un de ses maris a pratiqué le coïtus interruptus — que d’une critique de l’obsession de la virginité en vogue parmi les chrétiens car ils l’associent à la pureté[174].

Paul le Simple, icône médiévale
Pour les pères chrétiens, en particulier les pères du désert, il n’est de sainteté que dans l’ascèse voire l’anachorèse.
Les rabbins, eux, enseignent à travers l’histoire de Rav Hiyya bar Ashi les méfaits de ces pratiques sur l’individu et sa famille.

Un autre récit talmudique, vraisemblablement tardif, combine les ressorts narratifs de Gn 38 — un homme qui prive sa femme des rapports qu’il lui doit, une femme qui prend les choses en main pour tenter de rétablir l’ordre des choses, une scène de marchandage avant sexe et une révélation dramatique — à divers realia chrétiens d’Orient pour produire l’histoire de Rav Hiyya bar Ashi et sa femme qui exalte les relations conjugales en même temps qu’elle critique les positions chrétiennes sur ce point : le rabbin, qui comptait parmi les intimes de Rav, se prosterne quotidiennement (alors que les Juifs ont abandonné cette coutume en raison — précisément — de leur adoption dans le christianisme) pour être préservé de sa « mauvaise nature (he) » libidineuse dans une prière qui tient davantage du monologistos chrétien que de la liturgie juive, et il se retire du monde pour se consacrer à l’étude dans son jardin au lieu de se mêler aux débats de ses collègues — comme le préconisent les sages d’Israël pour lutter contre la mauvaise nature dont il demande à être débarrassé. Sa femme parade devant lui et se présente comme Harouta (« Liberté »), un terme araméen qui désigne à la fois, dans le lexique syriaque, le libertinage et la libération par l’ascèse de ces pulsions. Le rabbin, qui se croit apparemment face à un daimôn et non à sa femme de chair et d’os, saute littéralement sur l’occasion puis choisit, nonobstant les cris de sa femme, de se « purifier » par le feu, un supplice en vogue parmi les pères du désert pour expier leurs concessions au désir, qu’il soit charnel ou spirituel. L’intervention de la femme n’aura pu rétablir l’unité familiale, l’histoire se finit mal, et les sages du Talmud — qui partagent pourtant les réserves de Rav Hiyya bar Ashi sur la « mauvaise nature[291] » — ont ainsi montré combien il est néfaste de vivre selon les idéaux chrétiens, particulièrement en matière de sexualité[292].

Juda et Tamar dans la patristique syriaque[modifier | modifier le code]

Né dans les ensembles araméophones de l’empire romain, le christianisme syriaque voisine avec de nombreuses communautés juives, partageant avec elles de nombreuses affinités culturelles, tout en se réclamant des théologiens hellénophones dont ils reçoivent les enseignements par le biais de passeurs comme Eusèbe d’Émèse. Disciple d’Eusèbe de Césarée et Patrophile de Scythopolis (en) ce père bilingue, notoirement anti-nicéen, comprend que de nombreux points obscurs de la Septante qui ont mené Origène à allégoriser, sont éclairés par le contexte et les passages parallèles ou par les versions syriaque et hébraïque de la Bible. Il contribue ainsi à définir l’exégèse littérale-historique de l’école théologique d’Antioche qui s’oppose à l’allégorie pratiquée à la Didascalée, et s’attache scrupuleusement, comme le formuleront plus tard Diodore de Tarse et Théodore de Mopsueste, à la lettre sans verser dans l’allégorie, la typologie ou même la christologie[293].

Tributaire de ce précurseur, Éphrem de Nisibe ne comprend cependant pas le grec, et les interprétations qu’il produit sur le trente-huitième chapitre du Livre de l’Alliance dans un poushāqā en prose et dans des madrāshè en vers, démontrent des différences avec la patristique grecque, comblées par des enseignements originaux qui exhibent une familiarité manifeste avec les traditions juives de ses voisins[294], et qu’il met au service du symbole de Nicée.

Poushoqo de Genèse 38[modifier | modifier le code]
V. Marucelli (it), Sainte Marie Madeleine en extase
Dans le poushāqā d’Ephrem et plus encore dans ses madrāshè, Tamar se présente à son beau-père parée de ses atours rabbiniques qui ne servent cependant plus à dorer le blason de Juda, relégué à l’arrière-plan, mais à établir la doxa de Nicée dans une société chrétienne encore bourgeonnante et par trop soumise, selon l’auteur, aux influences juives et gnostiques.

Élimant Gn 38:1-2, le diacre de Nisibe fait commencer la trente-quatrième section de son poushāqā par « après ces choses, Juda prit femme de laquelle il eut trois fils. Er son premier-né prit Tamar pour femme mais comme il était mauvais, c’est-à-dire comme il était méchant, devant le Seigneur, le Seigneur le tua ». Onan prend ensuite Tamar pour épouse par amour pour elle mais refuse de donner une engeance à son frère par haine pour lui. Lorsque Dieu le met à mort en raison de son méchant stratagème, l’on se figure que tous deux sont morts par les péchés de Tamar. Juda la renvoie vers son père en lui promettant de lui donner Chêla lorsqu’il grandirait[295].
Le commentaire qui collait jusque-là au texte, insère les pensées de Tamar après que Chêla a grandi mais que Juda n’a pas fait revenir sa bru de la maison de son père où il l’avait envoyée :

« Comment puis-je faire connaître aux Hébreux que ce n’est pas le mariage que je désire mais la bénédiction cachée en eux que je désire? Je pourrais montrer avec Chêla que je suis capable mais ma foi ne pourra pas triompher par Chêla ; je montrerai donc avec Juda, et par le trésor que je reçois de lui, j’enrichirai ma pauvreté, et (sic) par le veuvage que je garde, je ferai connaître que ce n’est pas le mariage pour lequel je languis[296]. »

Le poushāqā élabore ensuite directement sur Gn 38:16 où Tamar, craignant que Juda la reconnaisse et la tue par vengeance pour ses deux fils, quête un signe divin comme Éliezer : l’implorant de ne pas la condamner pour cet acte de désir, elle rappelle une nouvelle fois que « tu sais que c’est de ce qui est caché dans les Hébreux que je suis assoiffée », prie d’apparaître à Juda sous une forme différente et de lui faire dire ce qu’il dira effectivement en Gn 38:16, afin qu’elle puisse savoir « qu’il t’est acceptable que le trésor qui est caché chez les circoncis, puisse être transmis même par le biais d’une fille d’incirconcis »[297].
Tandis que Tamar est en prière, voici que Juda la voit, et la supplique a pour effet de le détourner de sa voie pour se rendre, contre ses habitudes, vers l’apparente prostituée. Celle-ci, effrayée, se tient voilée devant lui mais lorsqu’il lui dit ce qu’elle avait escompté, elle se dévoile sans crainte et demande même rémunération au propriétaire du trésor[298]. Après avoir dépouillé l’homme de son bâton, anneau et cordon et pris ces trois témoins pour qu’ils servent de preuve auprès des tiers, elle a des rapports avec lui et retourne vers son père. Après trois mois, l’on rapporte à Juda que Tamar s’est prostituée et en a conçu. Après qu’il l’a convoquée et constaté qu’elle n’a rien à dire pour sa défense, Juda ordonne qu’elle soit brûlée. Lorsque les gens de Hébron s’assemblent pour la voir brûler, elle produit ses témoins et fait savoir à son beau-père par l’intermédiaire de parents ce qu’elle a dit en Gn 38:25. Voyant ses gages, Juda est ébahi par la foi de cette femme et, alors qu’il tend la main pour les prendre, repense au temps où il les lui a donnés[299].

« Il dit alors: “elle est plus innocente que moi”, c’est-à-dire 'Elle est plus juste que moi', “Quels grands pécheurs étaient mes fils. À cause de cela, je ne lui ai pas donné mon fils Chêla, elle est innocente de cette méchante suspicion que j’entretenais à son égard [et en raison de laquelle] j’avais éloigné mon fils Chêla d’elle.” Elle qui avait été grugée du mariage, avait été justifiée dans sa fornication et lui qui l’avait renvoyée à cause de ses deux premiers fils, la ramena à cause de ses deux premiers fils. »

“Il ne la connut plus” « parce qu’elle avait été la femme de ses deux premiers fils » mais il ne prit pas d’autre femme « parce qu’elle était la mère de ses deux derniers fils[300], » et c’est ainsi que son commentaire se conclut.

Lorsqu’il traite des fils de Juda, le commentaire de Mār Aphrem semble typique de l’école théologique d’Antioche[301] mais lorsqu’il en vient à Tamar, le silence biblique sur son monde intérieur est remplacé par des interprétations qui changent la lecture sinon le cours de l’histoire, et sont sans équivalent dans le monde chrétien car elles sont juives — il n’en cite pas la provenance, ne se soucie pas de les rattacher au point du texte qui les a suscitées chez les sages d’Israël ni ne les reproduit verbatim mais c’est bien parce que la Tamar des rabbins se sait enceinte de rois et de prophètes, que celle du diacre de Nisibe devine « la bénédiction cachée dans les Hébreux » dans les reins de Juda. La pureté de ses intentions excuse ses actions, celles-ci sont justifiées par les soupçons que nourrit Juda à son encontre, et agréées par Dieu soi-même qui répond à la prière de Tamar en changeant son apparence et en suscitant chez Juda le signe qu’avait demandé l’émissaire innommé d’Abraham, identifié à Éliezer le Damascénien[302].
Cependant, la Tamar d’Ephrem est une exaltée qui ne cherche pas à procréer mais à faire triompher sa foi[303]. Elle affirme par deux fois qu’elle ne cherche pas le mariage mais le « veuvage perpétuel », c’est-à-dire la vie dans l’abstinence après avoir été consacrée à son époux par leurs rapports. Du reste, que Juda « n’ajout[ât] plus de la connaître », est la seule issue possible à cette union : il ne pouvait pas la prendre pour épouse « puisqu’elle était la femme de ses deux premiers fils » mais il ne pouvait néanmoins prendre d’autre femme « parce qu’elle était la mère de ses deux derniers fils » — c’est par une proposition de ce genre, qui n’a pas d’équivalent dans le droit romain ni dans la loi juive, mais qui se trouve dans la lignée de Marc 10:6-9 où Jésus enseigne que l’union des corps crée un lien marital (et c’est pourquoi le divorce est interdit), qu’Ephrem asseoit l’identité propre de son Église[304].

Madroshe basés sur le poushoqo[modifier | modifier le code]

Ayant ainsi campé le personnage, le commentateur devient hymnographe pour faire intervenir Tamar en divers madrāshè (hymnes didactiques) sur la Nativité, la Virginité ou l’Église. Si un doute pouvait subsister sur l’identité de la « bénédiction cachée dans les Hébreux » dans le poushāqā, bien qu’Éphrem l’identifie explicitement mais ailleurs comme le messie attendu par les chrétiens[305], il n’existe plus dans les madrāshè, tant la christologie y est manifeste : dans le neuvième madrāshā sur la Nativité, composé pour l’Épiphanie (qui est alors une nouvelle addition au calendrier liturgique), la « Harpe de l’Esprit » fait dire à Maryam mère d’Ishoʿ qui s’est faite port pour cette « grande mer », que des femmes honorables se sont hâtées pour lui auprès d’hommes, et se sont faites méprisables :

« Tamar a désiré / un homme enveuvé,
et Ruth a aimé / un homme qui était vieux,
même Rahab / qui captivait les hommes / a été captivée par toi (Nat 9:6-7). »

C’est par et pour lui que Tamar a assumé la disgrâce de la prostitution aux carrefours (Virg 22:19f),

« et dans l’obscurité / elle vola la lumière,
et dans l’impureté / elle vola la sainteté,
et dans la nudité / elle vola et te fit entrer
toi, l’honorable / qui fait naître des gens chastes
de gens licencieux (Nat 9:8). »

Le « soleil des Syriens » s’inscrit cependant en porte-à-faux de la lecture origénienne de Matt 1:1-16 : construisant sa rhétorique sur le contraste et le paradoxe comme son aîné Aphrahat, l’hymnographe explique que Tamar et les autres femmes de la généalogie matthéenne sont en vérité des exemples de sainteté cachée au moment même où elles apparaissent aux yeux du monde comme les pires des sybarites, ces contradictions étant peu de choses devant celle du dieu fait homme[306]. En effet, « c’était chose sainte que l’adultère de Tamar [car] c’était de toi, la source pure, dont elle avait soif », et c’est parce que Juda la privait de cette boisson que la source tarie l’avait volée de sa fontaine aux carrefours (Nat 9:10). C’était certes un vol mais c’est au péché qu’elle avait volé la droiture que lui-même avait tenté d’empaumer (Nat 16:14). En assumant la disgrâce de son rôle, Tamar a non seulement racheté sa famille de la disgrâce mais elle a contribué à la rédemption de l’ensemble de la famille humaine[307].

Cette rédemption s’est indubitablement faite par le messie trinitaire dont elle, ses consœurs et le roi David seraient les apôtres : dans une société chrétienne alors dominée par les théories de Marcion, Bardaïsan et Mani qui professent d’autres principes ou dont le dualisme nie la transubstantiation, Éphrem le proclame en utilisant la forme du madrāshā qu’affectionnaient bardesanites et manichéens.
Aux chrétiens qui n’acceptent pas la consubstantialité de Dieu-père-et-fils, il affirme que suivre David — qui appelle le messie « Seigneur » dans l’entête du psaume 110 et « fils » en Ps 2:7 —, rétablit l’harmonie parmi les fidèles[308].
Les diverses traditions qu’il emprunte aux Juifs — la prescience du Roi caché en Juda (Nat 1:12), « l’épice de vie » qu’elle dérobe au « marchand » (Égl 11:10), l’intervention de « Satan, le maître de l’adultère [qui] avait pris peur de cet adultère-là » et tenta de l’empêcher en orchestrant la mise à mort de Tamar, le sauvetage miraculeux par la source de vie même qu’elle avait dérobée (Nat 9:9-13), l’intervention du seigneur pour priver la mort de ses gages (Égl 11:10), avant même que Juda ne la justifie (Nat 15:8) — participent aussi d’une volonté polémique : la « colonne de l’Église » ne fait certes pas montre, dans ces madrāshè, de l’antijudaïsme enragé qu’il étale par exemple dans les hymnes sur Pâques[309] mais ses amplifications sur Tamar et ses consœurs, dont il insiste lourdement sur l’appartenance aux « peuples » incirconcis et non au « peuple » juif, ne peuvent échapper aux oreilles juives ; dès lors, chacune de ces traditions devient une insinuation envers ceux qui les ont développées pour justifier les outrages des ancêtres du messie mais non pour la mère d’Ishoʿ[310]. Éphrem va encore plus loin en enseignant, à l’encontre des rabbins, que la destinée messianique ne s’est pas mise en branle lorsque Juda a, accomplissant ce que contenait son nom, reconnu sa responsabilité en même temps que la main de Dieu au tribunal de Sem mais lorsqu’il prit pour son fils une femme dont le nom était Tamar car il ne faut pas lire Tamar mais Ta mar (syriaque : ܬܐ ܡܪܝ « Viens, mon seigneur, » le yod final étant muet)[311] : celle qui avait gardé le veuvage pour Jésus, « devint même une prostituée (znyta) … se réserva et devint meqadeshta » ; tout son être, son nom même, « proclamait le fils de son seigneur » et l’appelait à venir à elle (Nat 9:12).

La « Harpe de l’Esprit » développe enfin des thèmes typiquement syriaques, en écrivant que Tamar embaumait du doux parfum alors que la femme de Potiphar n’avait pu s’imprégner de l’odeur du vêtement de Joseph (Nat 16:14) : le messie du christianisme qui n’avait été décrit jusque là qu’en termes de lumière ou de verbe (et les hymnes choraux prolongeaient cette dimension auditive), devient connaissable dans la poésie d’Éphrem par le goût et surtout par l’odeur (cf. Lv 1:9), associée à la vie ascétique tandis que l’encens des cultes idolâtres exsude une odeur nauséabonde[312].

Juda et Thamar à l’école d’Antioche[modifier | modifier le code]

Antioche-sur-l’Oronte est le siège d’une importante colonie d’adeptes de Jésus qui sont, d’après Actes 11:26, les premiers de l’Histoire à recevoir le nom de « chrétiens » mais elle accueille aussi des éléments païens influents, appuyés par l’empereur Julien lors de sa tentative de déchristianiser l’empire et une communauté juive. Cette communauté, bien que populeuse, n’a pas laissé d’écrits notables, peu de traces épigraphiques et des témoignages littéraires fort différents dans les écrits des rabbins et de Jean Chrysostome[313], le prédicateur grec dont la liturgie lutte contre l’influence des hymnes païens, et les incessantes diatribes contre les Juifs qui abuseraient des libertés dont ils disposent pour influencer les chrétiens.

Il est également l’auteur de nombreuses prêches sur la Bible, bien que cette facette de son œuvre semble avoir été moins appréciée de son temps[314]. Sa soixante-deuxième homélie sur la Genèse, qui couvre Gn 38:2-39:22, a probablement été donnée en 388, deux jours avant la précédente qui traitait de Gn 37 : « Jean bouche d’or » omet Gn 38:1 de son prêche, et présente son traitement de Juda comme une interruption totale dans l’histoire de Joseph. Il se montre dans les grandes lignes représentatif de l’école théologique d’Antioche — son traitement de la majeure partie du texte reproduit ou paraphrase la version septantique, et la faute d’Onan dérive, comme l’indique la Bible, de sa résistance à assumer le lévirat qu’il lui revient d’accomplir[315]. Cependant, la Thamar de l’homéliste n’est pas exactement celle de la Septante : alors que Juda lui demande, selon la Bible, de « demeure[r] veuve dans la maison de [s]on père jusqu’à ce que grandisse etc. » celle de l’homélie demeure dans la maison de son père dans l’attente de la promesse puis, ayant compris que Juda ne veut pas remplir ses engagements, se résigne au veuvage plutôt que prendre un autre époux. Elle tient en effet à engendrer de son beau-père, « non par libertinage, à Dieu ne plaise, mais pour ne pas être regardée comme une femme sans nom[254] ». Chrysostome prend encore la liberté de dire à deux reprises que « Thamar servait les desseins de la Providence, » fût-ce à son insu, et aucun blâme ne doit retomber sur elle ou Juda car « si vous partez de là en suivant l'ordre des temps, vous trouverez que le Christ descend des enfants issus de cette union »[316].
Tenant sa promesse, Juda envoie son esclave avec le salaire mais quand ce dernier revient bredouille, il s’écrie « Pourvu que jamais nous ne soyons accusés d'ingratitude ! » Quand les choses sont sues trois plus tard, Juda condamne sa bru à être brûlée pour son indignité mais elle, faisant entendre bien plus par son long silence que par ses courtes sentences, « produit des témoins dignes de foi qui parleront en sa faveur et pourront la mettre à l'abri de toute accusation ». Sans avoir bougé de la maison, sans avoir parlé, elle « a remporté la victoire » : par son aveu tout aussi bref, Juda reconnaît l’innocence de sa bru et se condamne sans que personne l’accuse car « ces gages que j'ai donnés ne sont-ils pas contre moi une preuve suffisante ? » Quant à la seconde partie de sa confession qui justifie Thamar, elle en dit, comme la première, aussi long que son intitulé est succinct — puisque sa bru est juste, c’est que ses fils ne sont pas morts par sa faute mais en châtiment de leur perversité[317]. « Cependant, poursuit le texte, il ne la connut plus, » et Jean Chrysostome y voit la suite logique de Gn 38:15-16 : Juda avait agi à ce moment non par immoralité mais par ignorance, et c'est pourquoi le texte a souligné qu’il n’avait pas reconnu sa bru ; dès lors que la chose lui fut connue, il n’y avait qu’une conclusion possible[318].
L’apothéose reste néanmoins à venir car, ainsi que Jean l’a dit plus haut, « les deux fils qui lui naquirent étaient la figure des deux peuples, et la révélation de la vie judaïque et de la vie spirituelle » — le prédicateur s’éloigne ici tant du texte que de l’enseignement de ses maîtres : ainsi que le rappelle Cyrille de Jérusalem au nom de Diodore de Tarse, celui qui a brisé la clôture n’est pas Zara mais Pharès, c’est de lui que Jésus tire son ascendance messianique, et c’est sur lui qu’est basé le rapprochement avec Ep 2:14-15[319]. Jean Chrysostome reprend pourtant l’interprétation onomastique d’« autres personnes qui ont examiné le texte » : Zara, qui signifie Orient (« c'est-à-dire l'Eglise »), était le premier, « avançant la main [comme] Noé et Abraham ou plutôt avant Noé Abel et Enoch, lesquels furent les premiers qui se préoccupèrent spécialement de plaire à Dieu » mais il céda miraculeusement le pas à son frère. Pharès, qui signifie séparation ou partition et personnifie la Loi, « qui sans effacer les péchés, les signalait du moins, les rendait manifestes », naquit le premier, de sorte que le second fut le premier et le premier le dernier. Cependant, les hommes continuaient de pécher en dépit de la loi, et « le Maître commun descendit ici-bas pour octroyer aux hommes cette spirituelle et parfaite constitution, dont Zara avait été la figure. Voilà pourquoi l'Evangéliste lui-même fait mention de Thamar et de ses enfants, en disant: Et Juda eut Pharès et Zara de Thamar »[320].

Gn 38 semble avoir fait l’objet d’un traitement particulièrement rare chez son auteur : plutôt que d’examiner le texte pour ce qu’il donne à voir et pour les « instructions » et conduites pratiques que l’on peut en retirer, comme il le fait pour l’ensemble de l’histoire de Joseph, l’évêque de Constantinople — qui a tout de même déduit de Gn 38:22-23 que l’ignorance ne doit pas conduire à l’ingratitude — met en garde son lectorat contre une lecture étourdiment superficielle des paroles de l’Écriture qui n’irait pas « au fond [pour découvrir] les richesses qu'elles recèlent [… sans] rechercher le but et le motif de chaque chose ». Il a, en clair, délaissé le sens littéral prôné par ses maîtres pour suivre les « autres personnes qui ont examiné le texte, » c’est-à-dire Eusèbe de Césarée, en particulier lorsqu’il aborde le cas de Thamar dont il fait une eulogie particulièrement rare pour un personnage féminin (et dont il semble d’autant plus prompt à prendre la défense que la victime de ses malversations est liée aux Juifs[321]). C’est qu’une autre lecture mènerait à juger Thamar pour ses actes, et « on en accuserait Abraham lui-même, comme ayant eu l'intention de tuer son fils, et Phinées comme coupable d'un double homicide », alors que la typologie d’Eusèbe permet d’une part de découvrir — comme l’enseigne Ambroise de Milan et l’enseignera Cyrille d’Alexandrie[316] — le « mystère de l’incarnation du sauveur » et, d’autre part, de reléguer les Juifs à l’arrière-plan de l’histoire[320].

Interprétations dans l’empire romain d’Occident[modifier | modifier le code]

Augustin d’Hippone semble le premier à avoir soulevé la disparité entre les diverses naissances, morts et unions relatées en Gn 38, et le cadre temporel de vingt-deux ans au sein desquelles elles sont censées s’être tenues ; il en conclut que « ce temps-là » (Gn 38:1) s’est nécessairement produit avant la vente de Joseph[322]. Jérôme de Stridon qui a traduit du grec et mis à jour l’onomasticon d’Eusèbe, n’en dévie pas sensiblement sur Adullam ni Chasbi mais lorsqu’il rend Gn 38:5 dans la Vulgate quelques années plus tard, vehaya biKhziv belideta oto (« il était à Kezib quand elle accoucha de lui ») est rendu par quo nato parere ultra cessavit (« lorsqu’il naquit, elle cessa de concevoir encore »), suivant la tradition adoptée par Aquila et les targoumim[323], et dans son lexique des noms hébreux, Chasbi devient mendacium (« mensonge ») en vertu d’une autre tradition juive. Il y explique aussi que le prénom Juda signifie « reconnaissance » ou « louange », Hiram[138] « leur citoyenneté », Sua « chantant » ou « parlant, » Her « l’éveillé, » Onam (sic) « notre chagrin » et Thamar « palmier » ou « amertume, » en rapprochant apparemment la racine t-m-r du vocable hébraïque tamrour[324]. Augustin connaît aussi la signification « changement » qui est, elle, tributaire de la racine hébraïque h-m-r[325].

P.P. Rubens, La Mort d'Adonis
Comme Philon, les pères qui dissocient la mort de Her des événements précédents, se demandent comment le Seigneur-Dieu, principe absolu du bien, a pu mettre sans médiation aucune un individu à mort. Zénon de Vérone apporte une réponse mythologique qui a dû paraître plus familière à ses catéchumènes que leurs nouvelles croyances en même temps qu’il les exhortait à renoncer aux anciennes[167].

Ajustant le texte hébraïque aux mœurs de Rome, Jérôme écrit que Juda « donna » (et non « prit ») femme pour son fils Her car cette coutume sémite est inexplicable pour un lecteur romain, et il ajoute de même uxore (« pour femme ») à Gn 38:2, afin de préciser ce que la Bible entend par « [Juda] la prit et vint à elle »[326].
Dieu se manifeste pour mettre Her à mort, et Zénon de Vérone qui se trouve en butte face à une difficulté théologique de taille puisque Jésus donne la mort sans raison explicite, enseigne à ses catéchumènes que l’aîné de Juda représente les gens du « premier peuple » antédiluvien (cf. Gn 6:2) : ces demi-dieux portés à l’auto-déification et l’immoralité, s’étaient élevés contre Dieu et, n’étant de ce fait « pas considérés dignes de l’humanité par des gens raisonnables, » ils s’étaient par conséquent condamnés à la damnation éternelle[327]. Augustin d’Hippone poursuit dans la veine allégorique d’Origène, faisant de Her un tanneur qui traitait les peaux faites par Dieu pour Adam et Ève lors de leur expulsion du paradis ou, sur un plan typologique, le précurseur des rois de Juda dont il est écrit qu’ils firent le mal aux yeux de Dieu[328]. Cependant, Jérôme de Stridon qui ne fait pas appel à l’allégorie dans sa traduction, semble avoir laissé la question en suspens: son rendu de Gn 38:7 par « Her, le premier-né de Juda, était mauvais au regard du Seigneur, et il fut occis par lui », traduit un certain malaise qui l’amène à relativiser une première fois l’intervention divine et à l’estomper la seconde[329].

Genèse d’Egerton, Lot recevant les anges à Sodome (la « chose détestable, » en haut à g.)
Par sa traduction de Gn 38:9 afin d’« actualis[er] le texte pour l’adapter aux mœurs du temps »[330], Jérôme a durablement associé la « chose détestable » à Onan[Note 1].

Pour Onam (sic) dont Jérôme a décrit l’enfantement en des termes habituellement réservés aux bestiaux, l’explication est plus aisée: prié de « s’associer » à la femme de son frère afin de susciter une semence à son frère, Onam « émettait sa semence au sol » afin « que ne naissent pas d’enfants au nom de » son frère — cette émission vaine devient dans la Vulgate synonyme de masturbation et Jérôme la qualifie par les termes extraordinairement sévères de rem detestabilem (« chose détestable »)[331]. Augustin d’Hippone en retire une condamnation plus générale des rapports sans procréation car si celle-ci n’est selon lui plus un but, et qu’elle est à réserver aux incontinents sexuels dans le cadre du mariage (obligatoirement unique), les rapports gratuits ou avec contraception sont illicites et immoraux, même dans ce cadre[332]. Il propose ailleurs une interprétation typologique qui fait son lit dans l’étymologie de Jérôme: le chagrin signifié par le nom d’Onam est celui des gens qui ne font rien de bon et répandent leur bien sur la terre, figurant les rois de Juda dont il est écrit qu’ils ne firent pas le bien aux yeux de Dieu; sa mort et celle de son frère, appelé aîné parce que son crime est plus grand, figure la déposition de ces rois qui étaient impropres à gouverner[328]. Enfin, Zénon de Vérone fait du deuxième fils le représentant du « deuxième peuple » par le biais de la parabole du semeur : Onam qui verse la semence du cœur (or « la semence du cœur, c’est la parole de Dieu », d’après Luc 8:11), devient l’allégorie du peuple juif, lequel aurait dû détourner les Gentils de l’idolâtrie par l’exemple d’une bonne vie suivant les préceptes de la loi sacrée mais qui a « versé sa semence sur la terre » en refusant de suivre Jésus, et a choisi de vénérer une divinité qui lui était confortable (cette charge éloquemment anti-juive, pourrait se doubler d’une critique envers Valentinien et surtout Julien II, qui ont laissé proliférer le paganisme quand ils ne l’ont pas activement encouragé ou les gnostiques qui professaient la cohabitation de Dieu avec d’autres principes) ; il connaîtra, assure l’évêque de Vérone, le sort du second fils de Juda[333].

H. Bosch, Le Chariot de foin
Popularisée par Origène, l’allégorie devient un outil majeur des pères latins pour explorer les éléments obscurs du récit, et les récupérer au profit du christianisme.

Selon la suite du texte, Juda a dit à sa bru Thamar « d’être » veuve dans la maison de son père jusqu’à ce grandisse son fils Séla car il « craignait » — le texte hébraïque porte « disait » mais le traducteur a voulu faire comprendre que le monologue de Juda est intérieur[334] — que Séla ne meure comme ses frères. Allégorisant, Zénon de Vérone fait de Séla le représentant du peuple des Gentils auquel est destiné le message de l’Église, symbolisée par Thamar : comme il renaît avec la venue du Christ, il est trop jeune pour être l’époux de l’Église et ne pouvait qu’être son fils[335]. Pour Augustin d’Hippone, Séla, dont le nom signifie « rejet, » représente les Hérodiens. L’union de la tribu de Juda, figurée par Thamar, au troisième fils de Juda était impossible puisque les Hérodiens qui la régentaient, n’étaient eux-mêmes pas d’Israël, et le peuple de Juda continuait à attendre le roi qui ne viendrait pas de l’un de ces trois fils mais de David[328].

Le peta’h einayim a donné lieu à de nombreuses interprétations, juives et chrétiennes.
En traduisant par bivium itineris, Jérôme allie simplicité et concision.

De nombreux jours passent et la fille de Sué — assimilée par Zénon de Vérone à la Synagogue[336] — meurt ; après s’être consolé — après avoir été conforté par la promesse de la venue du Christ, selon le même[336], Juda monte à Thamna — qui signifie « échec »[337] — vers les tondeurs de ses moutons avec Hiras l’Odollamite, « berger de son troupeau »[50] — Zénon de Vérone voit en Juda celui qui va chercher le bien et le fruit des œuvres, et donc une semblance de Dieu ou de Jésus[338]. Pour Augustin d’Hippone, ces moutons sont « les brebis perdues de la maison d'Israël » (Matt 10:6 & 15:24)[337].

Thamar, ayant appris sa venue, retire ses habits de veuve, « prend » — la Vulgate esquive ainsi le problème posé par le verbe vatekhas, qui se traduirait « elle couvrit » alors qu’« elle se couvrit » semble plus correct[339] — un theristrum. Ses habits changés, elle part s’asseoir « au carrefour » menant à Thamna — Jérôme explique dans son index des lieux hébraïques qu’« Ænam ne désigne pas un lieu mais un bivium (carrefour) où un regard attentif est nécessaire afin de choisir la route à prendre »[340] — car Séla a grandi et elle ne lui a pas été mariée. Sur le theristrum, calque latin du theristron de la Septante qui traduit ainsi tsaïf, Tertullien indique que c’était à coup sûr la marque de la prostitution et une « parure extraordinaire » qui a fasciné Juda puisqu’il ne put reconnaître sa bru qui se tenait devant lui dévoilée[240]. Ambroise de Milan qui traite de Gn 38 dans son commentaire sur Luc selon les sens historique, moral et mystique, reprend en substance et en latin le point de vue d’Eusèbe de Césarée, critiquant encore plus durement Juda — qu’il décrit en train de se défaire de ses habits de veuvage et se rasant le crâne avant de monter dans la couche « comme un amaut », incapable d’endurer une seule heure la chasteté qu’il avait prescrite à sa bru pour des années — « mais nous ne défendons pas l’une pour accuser l’autre — ajoute l’évêque de Milan —, nous devons plutôt excuser l’un et l’autre, non pas nous mais le mystère que traduisit le fruit de cette union »[316],[341]. La Vulgate est à première vue moins catégorique que Tertullien puisque Juda ne fait que la « soupçonner d’être une prostituée ». Toutefois, le theristrum est, plutôt qu’un voile, un surtout d’été, pareil à ceux que Jérôme a vus portés par les femmes en Arabie et en Mésopotamie de son temps, qui redevient un habitus en Gn 38:19 après qu’il a rempli son office[342] et d’autre part, Jérôme renchérit sur Origène dans son commentaire sur Matt 1:3, faisant remarquer au lecteur que l’évangéliste matthéen

« […] ne nomme aucune des saintes femmes de l’ancienne loi, mais uniquement celles dont l’Écriture blâme la conduite. En voulant naître ainsi de femmes pécheresses, celui qui était venu pour les pécheurs veut nous apprendre qu'il venait effacer les péchés de tous les hommes[343]. »

Zénon de Vérone voit au contraire dans cet « habit d’été » la vie sans soucis de ceux qui la mènent dans l’Église : Thamar l’a allègrement revêtu lorsque, lasse de demeurer dans la maison de son père, c’est-à-dire au milieu des temples païens, elle se hâte à la rencontre de Juda qui figure Jésus, et retire ses habits de veuvage qui représentent les « coutumes sordides d’une religion sordide »[344].

C. Coello, El triunfo de San Agustín
Entre christologie, sotériologie et éthique naturelle, Augustin d’Hippone conclut qu’on peut certes tirer des enseignements positifs de l’histoire de Juda et Tamar mais aucunement de leurs actes. Cette opinion, combinée aux lectures critiques de Jérôme, Tertullien et Origène, décidera du devenir de Genèse 38, en dépit des interprétations plus positives d’Hippolyte de Rome ou de Justin de Naplouse, dont Zénon de Vérone est un continuateur.

Cependant, Augustin d’Hippone, compatriote de Zénon, disciple d’Ambroise et correspondant de Jérôme, statue qu’on ne peut, nonobstant le bien-fondé des motifs de Thamar, excuser ses actes : c’est le fait de « faux maîtres » comme Priscillien que d’en tirer la permission de mentir si c’est fait dans un but honorable. Que les Écritures décrivent les actions de Juda et Thamar sans les juger, ne permet pas d’en déduire qu’elle a bien agi ou que sa faute était justifiable par les circonstances car il faudrait en ce cas plaider de même pour la fornication à laquelle certains — mais non Juda — recourent pour des desseins tout aussi nobles, et l’on en viendrait alors à saper les fondements éthiques de monde en trouvant des excuses aux plus grands crimes et sacrilèges[345]. À ceux qui voudraient arguer pour la défense de Juda de son haut rang parmi les douze fils de Jacob ou de la bénédiction qu’il a reçue de son père, Augustin rétorque qu’on a bien vu Judas compté parmi les douze apôtres, et que la bénédiction visait en réalité le messie relevant de David, apparu comme l’annonçait la prophétie lorsque le sceptre quitta les mains de Juda pour celles des Hérodiens.
Néanmoins, conclure que Juda et Thamar ont fauté, ne doit pas mener à la lecture de Fauste de Milève qui dépeint Thamar comme une tentatrice criminelle, abusant Juda par sa tenue car elle le savait lubrique et enclin à fréquenter les prostituées. Ce portrait est outrancier, et il fustige assez spécifiquement les ancêtres de Jésus tout en ignorant assez spécieusement des récits non moins critiquables comme l’inceste de Ruben, lequel n’a de surcroît pas même l’excuse d’avoir été abusé par un déguisement. C’est que Fauste le Manichéen rejette non pas l’immoralité de ces personnages mais l’idée que le bon Dieu ait pu s’immiscer dans la lignée d’individus si mauvais, et il nie ce faisant la doctrine de l’incarnation qui enseigne précisément que le messie rédempteur voulut naître du bon et du mauvais pour démontrer l’ouverture de son église à tous, même aux enfants de fauteurs.
En outre, comme le prophète a rédigé la Bible sous la guidance du Saint-Esprit, le mauvais peut annoncer le bien, et bien que Juda n’eût pas plus l’intention d’agir en ce sens lorsqu’il voulut étancher son appétence pécheresse que Judas lorsqu’il a vendu Jésus, tous deux n’en ont pas moins amené la rédemption. Une lecture entièrement positive de Gn demeure possible mais uniquement sur ce plan typologique : Augustin, reprenant l’étymologie de Jérôme, explique que Thamar qui avait jusque-là figuré l’amertume du vin mêlé de fiel (Matt 27:34), change de caractère en changeant de vêtements, et l’amertume est désormais celle du repentir, typifiant les pleurs de Pierre après qu’il eut renié Jésus par trois fois (Matt 26:75). La rencontre entre cette amertume et la confession typifiée par Juda, suscite la véritable repentance sur laquelle peut alors fleurir l’Église établie parmi les nations, puisqu’« il est écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait des morts le troisième jour, et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem » (Luc 24:46-47). Dans la robe portée par Thamar se trouve aussi la confession et l’Église, assise « à la porte d’Ænam ou Einayim qui veut dire "sources" », court telle une biche vers ces sources à la rencontre de l’engeance d’Abraham, se faisant engrosser par un homme qui ne la connaît pas, ainsi qu’il est dit: « un peuple que je ne connaissais pas m’est asservi » (Ps 18:43)[346].

Collin de Plancy, illustration pour l’article Azazel dans le Dictionnaire infernal
Dans le Tractatus de Iuda, le chevreau promis ne fait qu’un avec le bouc envoyé à Satan lors du jour des propitiations, entraînant avec lui qui le saisit pour le précipiter en enfer en ce monde comme dans l’au-delà[347]

Le stratagème de Thamar a fonctionné : « Juda, l’ayant aperçue […] ignora que ce fût sa belle fille » car elle était païenne, dit Zénon de Vérone or les prophéties étaient destinées aux Juifs ; il « la prit pour une prostituée » parce qu’elle servait le peuple juif, « et lui dit : "Laisse-moi coucher avec toi" » (le dialogue entre Juda et Thamar est, dans la Vulgate, cru voire vulgaire[348]) car il y eut plus de païens que de Juifs pour croire à la prophétie qui annonçait Jésus, et c’est pourquoi « le Seigneur a dit (Matt 21:31): "en vérité je vous dis, que les péagers et les femmes de mauvaise vie vous devancent au Royaume de Dieu" ». Il lui promet en salaire un petit de son troupeau — qu’elle se garde d’accepter d’après Zénon de Vérone, car ce chevreau qu’il compte lui envoyer, représente le salaire du péché d’adultère, et la mènerait directement en enfer[347].
Thamar demande une garantie — que la Vulgate, imitant la Septante, traduit ici par arrabonem[349] — en attendant le payement, et choisit pour ce faire « ton anneau et le collier et le bâton que tu tiens en main…[350] » — imitant Justin de Naplouse, Zénon de Vérone voit dans le bâton de Juda un symbole de la croix par laquelle Dieu-le-fils a initié la rédemption, dans le collier l’insigne de la loi de Dieu-le-Père qui devrait enserrer non seulement le cou mais aussi le cœur des fidèles, et dans l’anneau à sceau la figuration du messie dont l’image est gravée dans l’esprit des fidèles par le Saint-Esprit — les trois gages attestent donc de la trinité, à l’encontre de l’arianisme[351]. Ambroise de Milan, défendant une nouvelle fois Thamar contre la sévérité d’Origène, fait remarquer que ces gages la justifient au sens littéral-historique car de tels cadeaux ne sont pas donnés au tout venant ; il approfondit ensuite le sens mystique de « l’anneau, le bijou et le bâton » qui représentent pour lui « le sceau des actes, l'ornement de la poitrine, l'insigne de la liberté royale »[352]. Augustin d’Hippone qui se fie également au rôle joué par les gages, mais demeure dans sa perspective typologique, écrit qu’au moment où Thamar

« a reçu en secret l’anneau, le collier et le bâton, elle est marquée de la vocation, ornée de la justification, exaltée par la glorification car "ceux qu’il a prédestinés, il les a appelés, ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés" (Rom 8:30)[353]. »

La Vulgate souligne que « d’un rapport la femme conçut » (Gn 38:18) alors que le texte hébraïque ne fait pas mention « d’un rapport, » et Jérôme signale par cet ajout le caractère exceptionnel de la chose, reflétant l’étonnement de la tradition juive à ce sujet[350]. Zénon voit dans cet accouplement l’union de l’Église à ses fidèles après quoi elle remet ses habits de veuve, non parce que l’Église revient à son idolâtrie première mais parce qu’elle prend le deuil de ce qu’elle était avant sa rencontre avec Jésus[354]. Juda dépêche son « berger » avec le petit promis pour conclure le négoce — c’est l’une des rares fois où Jérôme privilégie dans la traduction la version septantique au texte hébraïque — avec la prostituée et reprendre « le gage (pignus) qu’il avait donné à la femme »[355]. — Cependant, ce dernier est incapable de la trouver car elle n’est, selon Zénon de Vérone, plus une prostituée dès qu’elle a été renouvelée par l’eau du baptême et le Saint-Esprit[356]. Pour Augustin d’Hippone, le berger adullamite qui vient témoigner avec son chevreau, symbolise l’apôtre Jean qui harangue la génération pour ses fautes (Matt 3:7) mais cela ne concerne plus Thamar car elle a été changée par l’amertume de la confession[353].
Le berger s’enquiert alors, mais en vain, de « la femme qui était assise au carrefour » mais « tous » lui répondent qu’« il n’y avait pas en ce lieu de meretrix », et il revient à Juda pour lui faire savoir qu’il ne l’a pas trouvée et qu’il n’y avait pas en cet endroit de scortum[357] — le traducteur châtie d’abord son langage encore plus qu’Iras mais c’est pour mieux la gratifier ensuite d’une série d’épithètes aussi variés qu’injurieux — contrairement à Ambroise pour lequel Thamar avait « pris la parure d'une courtisane sans être courtisane »[341], Jérôme estime qu’elle l’est et que tous ses actes vont à l’encontre du mode de vie ascétique qu’il entend prôner. Lorsque Jovinien trouve en Gn 38 de quoi louer Thamar, Jérôme argue que c’est son appétit pour la prostitution qui s’exprime et lorsque la jeune veuve Geruchia exprime son désir de se remarier après son veuvage, c’est l’histoire de Thamar qu’il lui présente comme repoussoir car, assure-t-il, la procréation n’est plus un but depuis la venue de Jésus, et ce qu’elle procurait auparavant est accessible par l’abstinence[358]. Cependant, Jérôme assure, comme Jean Chrysostome avant lui, que ce n’est pas la honte de s’être compromis avec une telle personne qui mine Juda mais la crainte qu’on puisse l’accuser d’improbité en affaires, et il dit à son émissaire : « Qu’elle les garde! Elle ne pourra sûrement pas nous accuser de mensonge: moi, je lui ai envoyé le petit que je lui avais promis et toi, tu ne l’as pas trouvée »[359].

Milan Nykodym, Femme enceinte
Jérôme de Stridon voue une sainte horreur au corps féminin, particulièrement en période de gestation, et sa traduction latine, d’ordinaire fidèle au texte d’origine, se fait subitement cacophémique lorsqu’il doit décrire des grossesses ou des accouchements[360].

« Trois mois plus tard », des gens viennent dire à Juda que sa bru Thamar « a été forniquée et qu’on voit son utérus gonfler » — le texte hébreu porte « enceinte de la prostitution » mais Jérôme de Stridon estime le tumor uteri plus dégoûtant encore[361]. Zénon de Vérone retient cependant l’accusation de prostitution portée à l’encontre de Thamar car l’Église qu’elle représente a été, comme elle, incriminée d’adultère par les anciens de la loi juive après qu’elle a supprimé le sabbat et rejeté leurs traditions[362].
Juda ordonne qu’on la fasse sortir pour être brûlée. Or, « comme on la sort vers sa punition, elle envoie à son beau-père, disant: de l’homme à qui sont ces [choses] j’ai conçu. Sache de qui est l’anneau et le collier et le bâton. Et lui, reconnaissant les cadeaux, dit: "Elle est plus juste que moi parce que je ne l’ai pas livrée à Séla mon fils"[363] » — Ambroise de Milan citera cet exemple comme l’un des plus beaux exemples de repentir et estime qu’en s’accusant plus qu’il n’accusait Thamar, Juda s’est soustrait au châtiment qu’il aurait autrement mérité[364]. Ni Jérôme ni Tertullien ne partagent cet enthousiasme : le premier affirme que c’est seulement en comparaison avec Juda que Thamar est juste[256], et le second estime que l’admission de Juda ne modère nullement la gravité des agissements de Thamar, d’autant plus que la Bible cautionne d’autres enfreintes de ce genre comme le mariage d’Osée avec une prostituée ou le remariage d’Abraham sans parler de la polygamie[240]. Toutefois, comme Fauste de Milève fait usage d’arguments simiaires pour condamner Thamar sur le plan littéral et le terrain éthique, Augustin d’Hippone lui répond qu’elle typifie l’Église tandis que Juda préfigure les Juifs — il faut par conséquent comprendre qu’après avoir étalé les gages qui attestent de son appel, sa justification et sa glorification, l’Église l’emporte sur les Juifs qui se voulaient seule engeance d’Abraham ; ils ne peuvent dès lors plus que constater la plus grande justification des chrétiens (et, peut-être, se convertir à la nouvelle foi)[365].
Avant lui, Zénon ajoute à cette victoire de l’Église sur la Synagogue, le triomphe des fidèles sur le diable et même sur les flammes du jugement dernier[362]. C’est, dans la plupart des éditions, sur ce point que s’achève le sermon du prêcheur de Vérone mais un mansucrit comporte aussi sa péroraison où Zénon félicite ses catéchumènes d’avoir rejoint l’Église ; Gn 38 a ainsi retracé l’histoire de l’humanité, depuis ses débuts païens jusqu’à son salut dans l’Église, justifiée par sa doxologie trinitaire qui confirme l’interprétation allégorique opérée par Zénon sur les gages[366].

Aiguille et bobine de fil rouge
Point de détail dans le récit, le coccinum noué à la main de Zara, devient dans la patrologie gréco-latine un puissant symbole de distinction du « nouveau peuple » annoncé par divers écrits apostoliques, véritable aîné reparaissant au monde après que Jésus a aboli la loi des Pharisiens.

Gn 38 se poursuit cependant sur quatre versets, consacrés au fruit de ces rapports : ceux-ci n’ont, dans leur physicalité, pas la faveur de l’auteur de la Vulgate qui imprime plusieurs contorsions au texte pour éviter de décrire la mise à bas[367]. Il ne peut toutefois faire impasse sur une naissance si importante pour la théologie de substitution : « au cours de cette effusio, un enfant sortit la main, à laquelle l’obsetrix noua un coccinum », disant que « celui-ci est sorti premier » — et non “en premier” comme dans le texte hébreu — tandis que Pharès n’est plus « son frère » mais « l’autre »[368]. Il ajoute dans sa missive à Geruchia qu’à l’accouchement de Thamar, un mur de division sépara deux peuples, et la main à laquelle le coccinum était lié accusait déjà les Juifs de la souffrance du Christ[358].

Crucifix à la Mission San Miguel Arcangel, en Californie
Ce fil représent en effet le sang qui s’écoule du flanc percé de Jésus sur sa croix, gratifié par les pères de vertus purificatrices et rédemptrices pour toute l’humanité.

Aussi copieux sur ce point que Jérôme est sobre, Ambroise de Milan glose une première fois sur la naissance des jumeaux dans l’Apologie de David : elle est rapprochée de la naissance d’Isaac et Ismaël, dont Gal 4:21-31 avait fait l’allégorie des deux Testaments — le premier, Pharès, représente la souffrance et la mort du Christ, tandis que Zara figure l’Évangile qui a détruit la clôture érigée par les anciens et dont la main retirée signifie la primauté bien qu’il soit né plus tard.
L’évêque de Milan développe ce discours dans son commentaire sur Luc, reprenant à quelques détails près celui d’Eusèbe : après avoir justifié Thamar selon les sens historique et moral, Ambroise s’apesantit sur le mystère de la naissance gémellaire en vertu duquel Juda et Thamar doivent être excusés. Les jumeaux sont, cette fois, deux écoles de sainteté, où la grâce et la foi de Zara ont préséance sur la loi et la lettre de Pharès car elles n’avaient pas besoin d’être inculquées par Moïse ou toute autre personne mais se communiquaient spontanément « par un bienfait de la sagesse », et tous les patriarches anté-mosaïques en ont eu l’intuition, ainsi qu’Isaïe qui a vu le vêtement rouge (Is 63:2) représentant le sang salvateur. Zara figure non seulement les chrétiens mais le Christ, préexistant au monde mais arrivé tardivement dans la chair, anoblissant l’humanité « par le signe de sa croix et par l’effusion de son sang » représenté par l’écarlate. C’est son retrait qui permet la venue de Pharès, lequel brise l’harmonie préexistante comme les Pharisiens qui se sont séparés de la multitude en n’étant pas capables d’imiter pas la vie de leurs ancêtres. Jésus s’est incarné pour permettre aux Juifs de retrouver le salut qu’ils ont perdu en rompant la clôture (Eph 2:14), c’est-à-dire en rétablissant la concorde primordiale de la foi bien qu’il ait aussi aplani par ce mouvement les différences entre corps et âme, extérieur et intérieur, Juif et Grec ; il a, en abolissant la loi des commandements qui n’avait d’utilité que pour les incrédules et les faibles mais détournait les croyants de la piété par la difficulté des prescriptions, offert en un mot le salut pour tous. Or, après avoir enseigné que « la figure [du Seigneur] a d’abord fait son apparition en Zara », Ambroise affirme, à l’encontre de la lettre et d’Eusèbe que « le Seigneur Jésus fut, dans sa chair, de la tribu et descendance de ce Zara, ayant été engendré non seulement d'une femme mais sous la Loi (Gal 4:4), afin de racheter ceux qui étaient sous la Loi au prix de son sang »[369].

La naissance des jumeaux sert si bien les prétentions chrétiennes qu’elle est en définitive la seule partie de Gn 38 à n’avoir pas perdu de sa substance dans le christianisme d’Occident, le seul élément de son histoire sur lequel le poète Commodien a jugé bon d’attirer l’attention dans ses Instructions (« Item aux Juifs … Lisez l’histoire des jumeaux de Thamar … Apprenez donc par là que les cadets sont aimés du Christ »)[370] puisque contrairement à Juda qui n’est plus tant l’ancêtre du messie que des Juifs qui s’obstinent à ne pas l’accepter ou Thamar qu’on peut — à la rigueur — excuser mais aucunement admirer pour ses péchés, leurs enfants figurent soit le peuple nouveau soit la primauté de l’Évangile sur la Torah dont il s’est affranchi[371].

Exégèses du Haut Moyen Âge[modifier | modifier le code]

Schéma des principales divergences christologiques au cinquième siècle[372].

Le règne de Justinien, dernier empereur à tenter de restaurer l’empire romain sur toutes ses anciennes possessions, s’accompagne d’importants bouleversements dans l’histoire d’Europe et d’Orient : sur le plan religieux, il se veut le champion du christianisme orthodoxe, défini par les conciles d’Éphèse et de Chalcédoine qui ont été convoqués pour clarifier les ambiguïtés du symbole de Nicée-Constantinople sur la ou les natures du messie chrétien. Or, loin d’unifier les esprits, ces conciles ont mis fin de facto à l’ère patristique[373], récusant le nestorianisme, dont les adeptes se sont excentrés vers la Perse, puis le monophysisme qui s’épanouit en Arménie, en Égypte et en Syrie, où Jacques de Saroug compose un mimra sur Gn 38 dans la lignée d’Ephrem de Nisibe, intitulé Tamar et le Mystère de l’Église[374]. C’est en accusant les artistes de professer l’une ou l’autre de ces hérésies, que les chrétiens de la communauté byzantine feront la chasse aux icônes qui représentent les ancêtres de l’homme Jésus, dont la mosaïque de Juda et Tamar de la basilique Saint-Laurent de Milan et, probablement, une autre à la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome[375], construites à une époque où la multiplicité d’interprétations quant au sens correct du message biblique, avait déjà mené Procope de Gaza et d’autres rhéteurs chrétiens à les compiler en chaînes bibliques[376].

Justinien laisse également sa marque sur les Juifs et le judaïsme byzantins : bien que mieux traités que les chrétiens hétérodoxes, ils n’en sont pas moins discrédités comme membres d’une « secte » suspecte, et Justinien promulgue la novelle 146 qui prescrit la lecture synagogale de la Bible en grec et proscrit le recours à la deuterosis, c’est-à-dire la tradition orale juive — cette mesure favorise assurément la diffusion du christianisme car les Juifs qui prenaient pour base la Septante, étaient pratiquement désarmés face aux prédicateurs chrétiens ; elle freine dans le même temps l’usage de l’hébreu, adopté par nationalisme face aux Romées, dont les Juifs ont par ailleurs tenté de contenir voire contrarier l’expansion, de Naples à Babylone[377]. Elle a eu pour principales conséquences de stimuler la production de nouvelles traductions par ceux des Juifs qui pratiquaient la Bible en grec — elles se retrouvent notamment dans les scholies du Codex Ambrosianus — et la reformulation des Midrashim par la poïetika hébraïque des Juifs demeurés sur la terre ancestrale — on compte d’abord des pièces pour accompagner les offices de prière mais les thèmes de l’histoire de Juda et Tamar sont ensuite exploités dans des prières pénitentielles ou des chants de mariage — tandis que les Juifs migrant vers l’Orient ou l’Italie afin d’échapper au zèle convertisseur des Byzantins, emportent avec eux leurs homélies midrashiques et donnent naissance au corpus Tanhouma-Yelamdenou ; la conscience de l’exil pourrait avoir influencé les attentes eschatologiques de leurs auteurs, et toutes les versions du corpus s’accordent pour inverser les rapports de valeur entre Joseph et Juda, et juger le protagoniste de l’histoire de Juda et Tamar plus sévèrement qu’aux époques précédentes[378].

Les intempéries, épidémies et avanies (en) du sixième siècle — qui marquent le déclin de la culture classique en Occident, et le début du Moyen Âge, où Isidore de Séville et Bède assoient les enseignements des pères —, donnent en effet lieu à une intense activité messianique en Orient : les chrétiens y voient les signes de la fin des temps annoncée par Hippolyte de Rome et Jules l’Africain, prélude à l’apocalypse et au retour du Christ, tandis que les Juifs spéculent sur la venue d’un messie issu du Joseph qui mourra en terrassant l’Adversaire chrétien, après quoi le messie issu de David consacrera le retour de Dieu dans son temple à Jérusalem[379]. L’affaiblissement des grands empires, byzantins comme sassanides, facilite les conquêtes des nomades arabes fédérés sous l’islam. L’histoire de Juda et Tamar ne semble pas avoir occupé les docteurs de la nouvelle foi — Juda y est hissé au rang de prophète, et est par conséquent impeccable — mais la conquête n’en chamboule pas mois l’histoire de son interprétation : l’établissement des Abbassides à Bagdad favorise le devenir des communautés juives de Babylone, où le Talmud vient d’être achevé, et ses scholarques militent pour l’imposer à tout Israël. Le soin porté par les Arabes à leur langue entraîne par ailleurs l’apparition de la philologie hébraïque, précédée de peu par la mise au propre des différentes traditions de la massore, c’est-à-dire la transmission du texte biblique hébraïque. De surcroît, l’apparition de factions au sein de l’islam qui se divisent sur le rapport à la loi orale, et les débats philosophico-théologiques, encourage des Juifs à n’accepter comme autoritaire que le « texte donné à lire » (Miqra, d’où leur nom de qaraïtes) et non ses commentaires par les rabbins, surtout s’ils sont perçus comme contraires au sens littéral, à la grammaire ou à la raison. C’est en réponse aux défis posés par ces derniers et par l’assimilation dans la culture arabe, ainsi qu’au mépris professé par les musulmans envers les Juifs qui seraient incapables de comprendre leur propre texte, que Saadia Gaon compose le Tafsir (« explication »), une traduction assistée et par conséquent interprétative de la Bible en judéo-arabe. Ancrée dans son environnement, elle suit généralement le sens simple des versets mais se conforme au style littéraire arabe et fait usage de termes musulmans[380].

Genèse 38 dans l’art byzantin[modifier | modifier le code]

Juda, Thamar et leurs jumeaux
Cette mosaïque qui se trouve dans l’atrium de la chapelle Saint Aquilin attenant à la basilique Saint-Laurent de Milan, est probablement l’une des premières représentations graphiques de l’histoire de Juda et Tamar (Ve siècle)
Deux épisodes de Genèse 38 dans un octateuque (xiie siècle)
Les miniaturistes chrétiens de Byzance, dont les images veulent prouver le triomphe du christianisme, se représentent Thamar comme une figure chaste et morale, contrairement aux artistes d’Occident qui mettent en avant son érotisme et sa promiscuité.

L’image joue un rôle majeur dans l’art byzantin qui reprend les canons de l’art grec antique, et l’on trouve des mosaïques à travers les empires romain puis byzantin dans les lieux communautaires juifs comme chrétiens[381].
Cependant, hormis de possibles représentations imagées de lions et de palmiers[382], les figures de Juda et Tamar sont absentes de l’art synagogal et la mise en image de leur histoire semble être le fait des seuls chrétiens jusqu’à l’ère moderne : une femme voilée tendant un bâton à un homme, figure dans les fioritures du cubicule A des catacombes sur la via Latina (bien que l’image soit trop dégradée pour permettre une identification sans équivoque), une mosaïque dans l’atrium de la chapelle Saint Aquilin attenant à la basilique Saint-Laurent de Milan, figure Juda et un encart le montre aux côtés de Tamar et leurs jumeaux (la mosaïque complète devait vraisemblablement figurer d’autres personnages vétérotestamentaires, remplissant un rôle similaire aux mosaïques sixtines dans la nef de la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome). Neuf miniatures dépeignent en outre leur histoire dans la Genèse de Cotton, et des Bibles illustrées plus tardives comme la Bible d’Amiens ou la Genèse d’Egerton[383].

Les mosaïques monumentales datent vraisemblablement de la période entre les conciles d’Éphèse et de Chalcédoine[384].

Visant à établir le triomphe du christianisme sur le judaïsme, les miniatures des Octateuques exploitent le motif de la naissance gémellaire car Zara qui représente l’Église aura, comme Jacob, préséance sur Pharès qui figure, avec Esaü, la Synagogue ; le lecteur byzantin aura en outre les interprétations christologiques d’Origène et d’Eusèbe, voire d’Ephrem à l’esprit[385].

Genèse 38 dans les chaînes grecques[modifier | modifier le code]

Directeur d’une académie rhétorique, Procope de Gaza signe l’une des plus anciennes exegetikaï eklogaï (« compilations exégétiques ») sur le Livre de la Genèse : constatant la prolifération de commentaires, il en rédige une compilation à partir des enseignements de divers auteurs — dont beaucoup ne sont connus que par son commentaire, assemblant des opinions parfois contradictoires et s’appliquant alors à les concilier. Il délaisse cependant la collation pure d’extraits complets pour la paraphrase, abrégeant ses sources et les remaniant pour présenter un commentaire continu qui s’écarte parfois de l’ordre des versets[376].

Tamar et Juda dans l’hymnodie versifiée de Jacques de Saroug[modifier | modifier le code]

Considéré dans son Église comme le digne successeur d’Ephrem de Nisibe et exerçant comme lui son ministère aux confins de l’empire roméen, Jacques (Yaqoub) de Saroug a composé une longue série d’homélies versifiées à réciter plutôt qu’à chanter devant un public de moines ou de fidèles ; l’un de ces mimre, composé dans un vers à douze pieds que l’évêque de Batnan aurait inventé à l’âge de douze ans, est consacré au mystère de Tamar[386].

Informant son public du sujet dès l’incipit car il s’adresse au Seigneur en reprenant le jeu de mots ephrémien sur le nom de Tamar[311], Mor Yaqoub commence par louer longuement le créateur divin et humain du christianisme, le prie de lui donner l’inspiration pour composer son mimrā puis évoque sa promesse à Abraham et les extrémités auxquelles se sont prêtées les femmes depuis Rachel et Léa jusqu’à Ruth pour avoir le privilège de le faire venir au monde. Cependant, nulle n’est allée aussi loin que Tamar, « emplie de mystères » car elle est devenue de plein gré une prostituée au cœur libertin, s’asseyant sur le bord des routes pour piéger un homme, renonçant à sa noblesse et ses bonnes manières afin de faire venir son seigneur car elle avait compris qu’elle n’y parviendrait pas autrement. C’est avec discernement et amour des mystères que l’hymnographe enjoint son auditoire à écouter son histoire, sans faire de reproches car chaque mot placé par le Saint-Esprit dans les Écritures en est riche, et si « le scribe Moïse a placé l’histoire de Tamar dans son livre comme un bijou, de façon que sa beauté puisse briller parmi ses sections, » c’est qu’il devait y avoir un mystère — comment Moïse exalterait-il sinon une prostituée alors qu’il condamnait la prostitution, comment bénirait-il, ainsi que Jacob, un homme qu’ils qualifient d’intègre alors que Juda savait parfaitement qu’il se détournait vers une prostituée, quand bien même ignorât-il qu’elle était sa bru, comment Dieu soi-même permettrait donc que ce stratagème aboutisse s’il lui eût été haïssable ? C’est qu’elle était belle, la foi de Tamar en son seigneur, si bien qu’elle a rendu beaux des actes qui sont laids.
Ayant ainsi mis en garde son public contre la tentation de juger mal à propos, le poète relate l’histoire de la jeune bru qui entre dans la maison de Juda, radieuse de foi en la maison d’Abraham, prête à faire venir au monde le messie mais elle déchante une première fois lorsque son premier mari meurt après avoir semé sans la moindre récolte, puis lorsque son faquin de frère qui regimbe à la prendre et frustre ses attentes, est lui aussi mis à mort par Dieu. La famille de Juda traite alors cette bru qui a enterré ses deux premiers maris, comme un champ de ronces qui étouffe les graines — ils l’humilient et la condamnent à être un sol sauvage et inculte que personne n’ose approcher.
Guidée par la lumière des mystères qui brille en son âme et consciente que demeurer dans son attitude pudique ne lui apportera pas le mari qu’elle attend, elle décide de voler la sainte semence afin d’être confortée par elle, et de prendre Juda dans ses filets afin d’extraire le trésor qui enrichira le monde à même son écrin. Après avoir prié Dieu de faire réussir son entreprise, elle prépare ses pièges et retire sa chasteté et sa noblesse en même temps que ses habits de deuil pour s’asseoir sur la route, vêtue des apparats des filles de joie, scrutant des yeux la route pour apercevoir le marchand à piller. Le poète souligne tout le contraste entre la beauté du cœur, de l’âme et des yeux de Tamar qui les lève vers Dieu en prière et son apparence ignoble.
Juda la voit et passe sans intention de s’attarder auprès de cette prostituée mais Dieu a décidé d’intervenir en faveur de la femme qui est si désireuse et digne de faire venir son fils au monde, et décide qu’il lui donnera deux enfants en échange de ces deux maris qu’il lui a fort justement pris. Dieu l’ayant ainsi décrété, le « jeune lion » ne peut que s’arrêter, intrigué par ce curieux mélange de licence et de chasteté car il prend le voile qui dissimule son identité pour une marque de pudeur. Le cœur de la femme s’emplit de joie lorsqu’elle arrache sa richesse au marchand, et elle lui demande son salaire insolemment, comme il sied à une prostituée, prenant son anneau, son bâton et un voile qui lui serviront lors d’un grand péril, tandis qu’il donne ce qu’il croit être de simples gages, inconscient d’avoir fourni des témoins pour s’accuser alors qu’il vient d’être dépouillé. Il s’en va alors, après que le champ a reçu la sainte semence tant attendue, et elle s’en retourne avec Dieu pour seul témoin, remettant sa tenue de deuil tandis qu’il façonne mystérieusement deux belles formes qui grandissent discrètement. Le fermier ignore avoir perdu sa graine et que celle-ci a pris dans le champ tandis que Tamar, qui a repris le deuil, chérit l’anneau, le bâton et le voile comme des enfants et héritiers.
Cependant, la graine est devenue gerbe et ses voisins pourraient bien témoigner de sa moralité, de sa retenue, de son humilité, son ventre arrondi raconte une autre histoire. Les accusations se répandent contre la tribu, et la maison de Juda bruit de délations et suspicions tandis que redoublent les insinuations envers l’exclue, qui n’en a cure. Après avoir eu confirmation des faits, Juda ordonne « qu’on la prenne pour être brûlée, au vu de l’adultère qu’elle a méprisablement commis ». Il a, dit le poète, été mis au fait par la Providence du stratagème de sa bru et, ne pouvant accepter l’adultère, rend la sentence que rendra Moïse envers l’adultère alors que la Loi n’a pas encore été donnée.
On se hâte d’appliquer le décret, et l’affligée se précipite vers ses secrets, qu’elle exhibe maintenant au juge en disant :

« Mon seigneur juge, j’ai des témoins, convoque-les et qu’ils témoignent : examine-les et s’ils sont vrais, accepte-les. Interroge le bâton et le voile sur l’histoire, regarde l’anneau, de qui est le cachet: il ne mentira pas.
Que tu es droit et juste, tous le savent. Enquête sur l’affaire, regarde les témoins et rends ta sentence [car] pourquoi brûlerais-je alors que j’ai des témoins qui prouveront mon innocence ? Fils d’Israël, juge avec justice une femme affligée. »

Juda, voyant les objets, réalise qu’ils sont à lui, et

« l’homme droit trembla car la culpabilité l’avait saisi. Le bâton lui indiquait “je suis à toi, délaisse le jugement”, le voile criait “Retiens le feu de cette misérable” tandis que l’anneau disait: “Je suis inscrit et ai été gardé intact, mon maître me connaît et si je suis perdu, son nom témoignera pour moi. Arrête-là la conflagration, retires le feu de cette femme née libre, prends les gages, délaisses l’affaire et prononces-la innocente”. »

Voyant « ses propres témoins … de sa propre maison », le juste juge se hâte d’innocenter Tamar et, redevenu calme, il énonce : « Elle est plus innocente que moi, ne la laissez pas être maltraitée ». Tamar, « veuve, catin et femme de haut lignage tout à la fois », reçoit maintenant la couronne comme un athlète qui a vaincu dans l’arène ainsi que les félicitations de l’hymnographe qui clôt son hymne sur une récapitulation suivie de deux appels — l’histoire, c’est la recontre entre l’Église et le « Sauveur des Âges » qu’elle a quêtée aux carrefours lorsque Jésus allait s’occuper de l’humanité de même que Juda rencontra Tamar lorsqu’il se rendait auprès de son troupeau, et elle se doit de lui demander trois gages, « la Foi, le Baptême et la Croix de Lumière », qu’elle devra ensuite conserver pour prouver son innocence lors du jugement dernier et être sauvée de la Géhenne : le bâton, c’est la croix qui fera honte au feu et le baptême qui éteint les flammes ; l’anneau, c’est la foi de Tamar, la fille des peuples (i.e. Gentils), qui étouffe la flamme au sein du feu, et le voile, c’est la Fiancée de Lumière, i.e. l’Église même.
Le poète prie alors l’Église de conserver ces trois gages, et à l’âme qui aime le monde comme une prostituée, il demande de supplier le Christ sur le bord de la route et de se couvrir de ses gages une fois qu’elle l’aura trouvé afin de n’être pas léchée par le feu. Enfin,

« que Tamar serve de miroir au monde entier, que chacun préserve sa foi et son baptême, et lorsque le feu du jugement est révélé en cette vie, que soit béni celui qui sauve de cette flamme la personne qui l’aime[387] »

La « Flûte de l’Esprit » a composé ce mimrā pour enseigner à l’assemblée à voir au-delà des apparences : si Moïse n’a pas condamné Juda ni Tamar, ce n’est, à plus forte raison, pas au lecteur de le faire. Ceci précisé, Mor Yaqoub lui livre la lecture appropriée, fondée sur celle d’Ephrem et sa finalité christologique qu’il annonce tout de go. Comme de nombreux poètes syriaques, l’évêque de Batnan attise l’intérêt de ses ouailles en les prenant plusieurs fois à partie, interjetant ses appréciations dans le récit et donnant littéralement la parole à ses personnages voire ses objets qui prennent le rôle de la voix divine des traditions juives. Cependant, si l’orateur prend à cœur de dévoiler à son public le monde intérieur de Tamar — tout entier tendu vers l’accomplissement de la promesse faite par Dieu à Abraham que tous les peuples de la terre seraient bénis par sa semence (Gn 22:18), laquelle a été identifiée à Jésus de Nazareth par Paul de Tarse (Gal 3:16) —, ce n’est qu’en fin de récit qu’il la laisse s’exprimer, amplifiant de la sorte Gn 38:25. La récapitulation du poète est en vérité une seconde interprétation qui fait de Juda et Tamar les types de Jésus et son Église tandis que les gages sont des cadeaux, à la manière d’Hippolyte de Rome[388].

Le mimrā aura peut-être produit un écho, comme dans un hymne récité lors des mariages mais Gn 38 demeure absent de tous les lectionnaires de rite syriaque.

Juda et Tamar dans le corpus Tanhouma-Yelamdenou[modifier | modifier le code]

Le Midrash Tanhouma est un Midrash homilétique imitant le Midrash amoraïque mais postérieur à lui. Bien qu’originaire de Palestine byzantine où la Torah est lue selon un cycle triennal, il est compilé ou édité après que l’usage babylonien s’est imposé de lire tout le Pentateuque en un an ; les enseignements sont donc regroupés selon les sections de lecture de ce cycle, et l’essentiel des commentaires sur l’histoire de Juda et Tamar se trouve au sein de la section Vayeshev de l’édition Buber (c’est à cette édition que l’article se réfère, sauf précision contraire).)

Fondé sur les enseignements de docteurs galiléens de la seconde moitié du IVe siècle, le corpus Tanhouma-Yelamdenou s’élabore au cours des siècles suivants et au gré des migrations juives à travers l’espace byzantin. L’édition courante du Midrash, imprimée pour la première fois à Constantinople en 1520, semble avoir desservi les communautés orientales tandis qu’une autre version, éditée par Solomon Buber, apparaît en Italie du Sud vers le IXe siècle et se répand dans les communautés rhénanes — cette version comporte un commentaire multipartite mais presque complet de l’histoire de Juda et Tamar, virtuellement ignorée du Tanhouma imprimé ; d’autres traditions se retrouvent un ou deux siècles plus tard dans des Midrashim du même corpus, ultérieurement connus comme Exode Rabba et Deutéronome Rabba, ainsi que de nombreuses citations dans des ouvrages ultérieurs au nom de Tanhouma ou Yelamdenou.

Le corpus Tanhouma délaisse le commentaire suivi de la Bible qui veillait à lier chaque enseignement au verset qui l’avait suscité, pour produire des suites d’homélies plus ou moins rattachées à un verset dont la ressemblance formelle avec les chaînes de Procope de Gaza a été maintes fois soulignée[389] (ce procédé littéraire trouve son aboutissement avec le Pirkei deRabbi Eliezer qui prend la forme d’une Bible réinventée[390], et dont Gn 38 est absent).

Mosaïque du Ve siècle de la synagogue de Beth Alpha représentant les signes du zodiaque.

Une première suite apparaît sur « Ce fut en ce temps, et Juda descendit » (Gn 38:1), aux chapitres 8 à 13 de la section Vayeshev : examinant s’il est licite d’évacuer les décombres d’une ruine qui s’écroule à shabbat lorsqu’on n’est pas sûr que des Israélites y sont ensevelis, le Midrash tisse une série d’enseignements pour conclure que Dieu rétribuera celui qui agit ainsi par la résurrection, et Jacob ne devrait pas demeurer inconsolable lorsque ses fils lui rapportent la tunique de Joseph — c’est qu’il pressent son fils vivant ou qu’il a conscience de la résonance cosmique du drame par-delà sa dimension personnelle car les tribus ne sont plus au nombre de douze, or c’est sur douze constellations que tient le zodiaque, sur douze mois l’année, sur douze heures le jour, sur douze heures la nuit etc. Gn 38 est donc de ces histoires qui commencent mal dès leur incipit car vayehi, « il arriva [en ce temps-là etc.], » doit être lu vay-hi, « malheur et lamentation » ! Or toutes les traditions du Tanhouma, nonobstant une tentative isolée de détacher la descente de Juda de celle de Joseph car elle lui serait antérieure (elle est d'ailleurs immédiatement contredite par l’enseignement, rapporté au nom de Rabbi Yohanan, qui appose, mesure pour mesure, la descente de Juda à celle de Joseph, de même que le Livre de Daniel appose Darius à Balthasar pour enchaîner destructeur à destructeur, démolisseur à démolisseur et fin de royauté à fin de royauté)[391], appuient sur la responsabilité de Juda dans ces pleurs — une interprétation, relativement indulgente, les fait commencer lorsque Ruben revient au puits sans y trouver Joseph mais la plus sévère, qui est aussi la plus souvent répétée, les fait éclater lorsque les fils de Jacob lui présentent la tunique de son fils ; mûs par le remords ou la crainte du courroux, ils accusent Juda de n’avoir pas pris la bonne décision, et « le descend[ent] de sa grandeur » puisqu’il est dit « Juda descendit » (Gn 38:1) — « descendre » est lu « déchoir, » et fait suite à une réprimande comme en Ex 32:7, où Dieu congédie brutalement Moïse par ce même “Descends” lorsque le peuple se fait un veau d’or[392].
Le Midrash Tanhouma fait découler de cette faute capitale la suite des évènements, c’est-à-dire la mort des enfants — qu’il choisit de présenter d’après Gn 46:12, sans indication de la moindre faute de leur part, alors que les auteurs d’Exode Rabba soulignent que l’acte d’Onan avait pour but et fonction de le rendre inapte à procréer[393] — dans la section Vayeshev, il est rapporté par Rabbi Hiyya bar Abba au nom de Rabbi Yohanan, que qui a commencé une prescription sans la terminer, s’expose à la déchéance et à enterrer ses enfants tandis qu’un enseignement, consigné dans la section Vayigash des deux éditions, figure Dieu soi-même condamnant Juda à connaître la « peine des fils » pour avoir « frit les entrailles » de son père[394]. Le châtiment commence par la prise d’une femme, dont ce n’est plus seulement Mal 2:11 (« Juda a trahi » etc.) mais Mic 1:15 (« Jusqu’Adoullam viendra — c’est-à-dire descendra — l’honneur d’Israël ») qui fustigent Juda de son union scandaleuse avec une Cananéenne. Prov 28:13 (« Qui confesse et renonce, sera pardonné ») devient une preuve à charge contre Juda qui n’a, pas plus que les habitants de Jérusalem, accepté d’endosser la responsabilité de la vente de Joseph alors que ses frères l’avaient fait roi sur eux[395].

« Parce que [Joseph] fut vendu, tous se mirent à crier vay ! ainsi qu’il est dit “ce fut [vayehi] en ce temps où Juda descendit.” » - Midrash Tanhouma (édition Buber), Vayeshev 13
Le Midrash comporte plusieurs suggestions pour expliquer la descente de Juda mais la réaction de Jacob lorsqu’il apprend la mort supposée de Joseph, est un fil conducteur entre beaucoup d’elles. Dans cette illustration de la Bible, Juda (à droite) file en catimini tandis que les frères tentent de soutenir Jacob, auquel Ruben a montré la tunique de Joseph

Le chapitre 17 comprend une seconde suite pour l’« acte de Tamar, » vaguement relié à Gn 38:13-26 : Tamar a, comme Rebecca, pris le voile et en a été récompensée par la naissance de jumeaux ; elle était pudique dans la maison de son beau-père, et s’est rendue au Peta’h Einayim qui est un lieu de prière ; elle a d’ailleurs adressé une supplique à Dieu lorsque Juda, la prenant pour une prostituée, a voulu passer sans regarder en arrière — selon le Midrash, Dieu y répond en dépêchant Michaël pour faire dévier Juda de sa route, et une tradition plus tardive, notée dans les marges du manuscrit Oxford dont Buber s’est servi, remplace l’archange par un ange préposé au désir ; l’exégète peut ainsi mettre l’attitude de Juda face à Tamar sur le compte d’un appétit aiguisé, et affirmer que son caractère est si exemplaire d’ordinaire, que Michaël se compare à lui[396]. Une autre tradition satellite, incluse par Buber en préface à son édition, ajoute que les gages demandés par Tamar représentent la pension alimentaire, l’habit et les devoirs conjugaux qu’un mari est tenu de fournir à son épouse — les rapports de Juda et Tamar n’ont donc rien à voir avec la prostitution et sont une forme d’union matrimoniale légitime et correcte au possible[397]. Cependant, et bien que le Midrash Tanhouma explique qu’« elle conçut de lui » signifie qu’elle enfanterait des hommes nobles comme lui, il indique, au chapitre 13, que Juda est un pécheur qui a eu la chance d'avoir la providence de son côté :

« […] Il y en a un qui a forniqué et a perdu, c’est Zimri, il y en a un qui a forniqué et a été récompensé, c’est Juda car de lui sont issus Peretz et Hetzron qui engendreraient David et le Roi Messie qui devra racheter Israël. Vois combien de péripéties le Saint, béni soit-il, a suscitées pour faire venir le roi messie de Juda — Tanhouma (édition Buber) Vayeshev 13:13 »

Après trois mois, l’affaire est sue, soit que la grossesse de Tamar devient manifeste, soit qu’elle entre au bain en demandant à ses amies de lui faire place car elle porte des rois ; un tribunal de trois membres où siègent Isaac, Jacob et Juda, se tient pour délibérer de la chose, et Juda qui est le plus jeune des juges — car l’on préfère, lorsqu’on juge d’un crime capital, que la responsabilité des décisions du plus jeune, souvent moins réfléchies que celles de juges plus avertis, ne retombe pas sur eux ordonne qu’elle soit brûlée car elle était, aux dires d’Efraïm Meqshaa au nom de Rabbi Meïr, la fille de Sem (c’est-à-dire Melchisédek, prêtre du Dieu suprême à Salem). Le Midrash Tanhouma se frotte ensuite au jeu de lectures sur moutsʾet/motsʾet (« elle était sortie/elle trouva »), qu’il récuse : soit on lit moutsʾet — et Tamar, qui était traînée de force, leva les yeux aux cieux car elle ne trouvait plus les gages, après quoi d’autres gages furent miraculeusement créés pour la sauver — soit on lit motsʾet, comme Rabbi Juda berabbi Shalom le Lévite — et Dieu dessilla les yeux de Tamar pour qu’elle trouve les gages qu’elle avait perdus — car Lv 5:22 indique clairement que l’on ne peut « trouver » que ce qui a été auparavant « perdu. » Un midrash marginal lit moutsʾet comme moutset (« elle brûle »), ajoutant à la poignance du moment : Tamar qui ne trouve pas les gages, se consume déjà sur le bûcher lorsqu’elle adresse sa supplique à Dieu, et Dieu dépêche l’ange Gabriel — peut-être sous l’influence de la tradition talmudique babylonienne — pour les lui transmettre[398].
Le moment qui suit a été abondamment commenté en plusieurs endroits, et la tradition de la section Vayeshev compte parmi les moins clémentes envers Juda : la requête d’examen, si délicatement formulée par Tamar, est en fait une injonction à reconnaître son créateur, et la voix céleste qui se fait entendre, ne lui laisse pas d’autre option que de proclamer publiquement sa paternité — dans ce qui semble être une version passablement corrompue des traditions antérieures, « [Juda] admit ensuite : C’est de moi qu’est sortie l’affaire. » Après l’aveu cependant, Dieu assure Juda qu’il sauvera Daniel et ses trois compagnons en échange de Joseph et Tamar qui porte deux justes, et Ruben se lève après avoir entendu Juda pour confesser lui aussi ce qu’il a fait avec Bilha, ainsi qu’il est dit en Job 15:17-19 :

« Je veux t’instruire, écoute-moi ; je veux t’exposer ce que j’ai vu, ce que racontent les sages — ce sont Ruben et Juda — et c’est pourquoi ils furent, seuls, maîtres de ce pays — Quand ? Lorsque nul étranger ne s’est mêlé. — Et lorsque Moïse vint les bénir, que dit-il ? Que Ruben vive et ne meure pas etc. et voici pour Juda (Dt 33:6-7) »

Les traditions consignées par les deux versions dans la section Vayehi, se concentrent sur la force de l’aveu : c’est parce qu’elle avait vu que Juda reconnaîtrait ses torts, contrairement à Ruben, Simon et Lévi, et contrairement à leurs descendants Dothan, Aviram, Zimri et Koré, que Léa remercia Dieu, et nomma son quatrième fils Juda (compris comme « il reconnaîtra »), et c’est pour récompenser le fils et la mère que Jacob, bénissant Juda, lui promit : « tes frères te reconnaîtront. » Exode Rabba et Deutéronome Rabba sont, quant à eux, dithyrambiques — pour le premier, les frères de Juda, présents dans l’audience, tentent d’innocenter Juda mais celui-ci tient à ce que la vérité soit faite, fût-ce à son détriment, et c’est pour avoir rendu un jugement véritable (où l’accusateur biblique devient au passage le défenseur midrashique de Tamar) qu’il est fait prince à l’origine d’une lignée de rois[399] ; pour le second, « tout ce qu’a fait Juda […], c’est pour [Dieu] qu’il l’a fait, » y compris ses transgressions.
Le chapitre 21 de la section Vayeshev comprend un dernier développement sur la naissance des jumeaux — Peretz est le meneur, d’après Ruth 4:18, et Zera’h le prêtre, tous deux préfigurant Moïse et Aaron qui feraient sortir les Hébreux d’Égypte et les dirigeraient pendant leur période d’Israël, avant même que Joseph y descende.

Les deux principales moutures du Midrash Tanhouma se caractérisent par leur sévérité vis-à-vis de Juda, laquelle contraste avec le traitement de Genèse Rabba, et est adoucie par les traditions satellites avant d’être oubliée dans Exode Rabba et Deutéronome Rabba, plus tardives d’un siècle que le reste du corpus. Il n’est cependant pas question de puritanisme puisque la critique ne touche pas Tamar, ni de rétribution pour la négligence de Juda, bien que la section Vayeshev en ait repris l’idée (peut-être inspirée par le Talmud de Babylone), mais de désunion familiale : le corpus Tanhouma-Yelamdenou et les poèmes qui en dérivent, vivent la vente de Joseph comme une tache indélébile sur les consciences juives[400], et la section Vayigash est la plus crue dans son contraste entre Joseph, épitome d’amour filial, et Juda, accusé d’avoir fait frire les entrailles de Jacob. L’inversion des rapports de force entre les frères qui se produit de Genèse Rabba aux Midrashim Tanhouma, a peut-être pour origine celle qui se produit parallèlement dans leurs milieux d’élaboration, entre maison d’étude et synagogue, mais peut-être est-ce aussi un changement d’attente eschatologique[378] — les homélistes juifs tirent d’Obadia 1:18 (« La maison de Jacob sera un feu, et la maison de Joseph une flamme, et la maison d'Esaü un amas de chaume ») que seul Joseph est capable de tenir tête à l’ange tutélaire d’Esaü-Edom, qui désigne dans la littérature juive Rome puis Byzance et la chrétienté en général[150], alors que l’affaire de Tamar est un passif honteux pour Juda, et la raison pour laquelle il n’a pu l’emporter sur l’ange[401],[Note 35].

Juda et Tamar dans le piyout classique[modifier | modifier le code]

Juda et Tamar dans le cycle des qedoushtot[modifier | modifier le code]

La qedoushta composée par Yannaï pour agrémenter les trois premières bénédictions de la prière du chabbat au cours duquel l’histoire de Juda et Tamar était lue dans le cycle triennal (en), comportait neuf parties dont seules les cinquième (Ish Yehouda he’hel bemitsva velo gamra), sixième (Ish asher makhar Porat lamidyanim), septième (E’hav niqreou yehoudim leshem Yehouda) et une bribe de la huitième ont pu être reconstituées. Construites en acrostiche alphabétique simple et veillant à l’allitération au prix de nombreux néologismes et au détriment du bon usage grammatical, les compositions demeurent aisément compréhensibles et leurs allusions à la littérature extra-biblique faciles à élucider. Chacune de ces parties développe un aspect de l’histoire et se combine pour la rendre dans toute sa complexité : le cinquième membre rapporte schématiquement et dans les termes de Yannaï, comment la « mesure pour mesure » a fait perdre à Juda puis retrouver la royauté sur ses frères, la section suivante revient plus globalement sur l’ensemble de l’histoire mais toujours dans la même optique, la septième et ce qui demeure de la suivante sont des hymnes à la gloire de Juda après qu’il se révélât dans toute sa noblesse, ainsi qu’une supplique à Dieu de restaurer Juda (c’est-à-dire la Judée) dans son ancienne splendeur.

1. « L’homme Juda initia une prescription et ne la termina pas, […]
3. lorsque les frères demandèrent à tuer un frère et verser les sangs,
4. [il demanda] “qu’obtiendrions-nous avec son sang ? Vendons-le pour de l’argent […]”
13. Celui-ci trébucha dans les rets de la femme de ses enfants,
14. et celui-là fuit les griffes de la femme de son maître
15. Pour avoir dit au père “Reconnais donc”,
16. lui aussi écouta “Reconnais donc” […]
19. pour avoir dit “elle a eu raison”, il eut lui aussi raison.
20. En échange de ce qu’il n’eut pas honte de reconnaître, ses frères le reconnaîtraient ».

Extraits d’Ish Yehouda he’hel bemitsva velo gamra (la numération suit le site Maagarim), adapté d’après Lieber 2010, p. 668-669.

Ce fut en ce temps où « l’homme Juda initia une mitzva et ne la termina pas » lorsqu’il convainquit ses frères de vendre Joseph. La « gloire de Jacob diminua » avant même la descente de Joseph en Égypte[402], et l’« homme qui avait vendu Porat aux Midianites, tomba dans les mains des frères » pour être jugé. Juda qui avait trahi par des marchands (kinʿanim), descendit et convola avec des Cananéens (knaʿanim) car celui qui avait été jusque-là le chef, voyant ce qu’il avait causé lorsque son père clama « ma voie a été dissimulée », craignit son courroux. « Le lion leva alors les jambes », et « s’éloigna, et dévia jusqu’à Hira ». La descente du vendu deviendrait son ascension jusqu’au trône, tandis que le vendeur qui avait été roi choirait de sa grandeur parmi ses frères. Il épousa une femme vaillante, et fut fait maître du tribunal.
« Sa vigne donna trois pampres, deux d’entre eux furent faits scories, pécheurs et reculant, débauchés dans tous leurs actes. » Il revendiqua pour Er son aîné une épouse, « Tamar, ma sœur-fiancée » mais « Yah vit sa méchanceté destructrice, et pour sa méchanceté l’annihila ». Juda attendit alors d’Onan de réaliser ses obligations en tant que frère du mort sans enfants, et celui-ci « fut forcé de venir et s’unir à elle » mais il ne voulait pas l’ensemencer ni la prendre en pitié, et il corrompit sa semence pour ne pas l’engrosser. Voyant d’en-haut qu’il corrompait comme les « effacés » (la génération du Déluge), Dieu en conclut à sa méchanceté et « comme la mort de son frère il le fit mourir lui aussi ». Juda, « l’homme de certitudes », parla à sa bru des [fragment manquant] de vérité: après avoir vu que « la faute a causé la perte de deux portions », il lui demande de retourner s’asseoir en veuve car ayant compris que c’est un signe, le lion veut préserver son troisième fils « jusqu’à ce qu’il grandisse car c’est un enfant, car il disait “afin qu’il ne meure pas lui aussi” ».
Dans la cinquième qedoushta qui présente les faits du seul point de vue de Juda, ce qu’il arriva ensuite découlait de sa descente consécutive à la vente de Joseph car il « trébuch[erait] dans les rets de la femme de ses enfants » tandis que Joseph fuirait la femme de son maître, et celui qui avait dit “Reconnais donc” à son père, s’entendrait lui-même dire “Reconnais donc”. Cependant, la sixième qedoushta affirme que « la sainte Tamar sanctifia le nom car elle se languissait de la semence de sainteté. Elle tricha et fit la qeidesha, et Lui fit réussir sa sainte voie. Elle conserva son veuvage devant YY [fragment manquant] YY ne la renvoya pas vide, elle désirait faire souche dans le peuple de YY car ils sont la semence qu’a bénie YY ». Quant à Juda, la main de Dieu est « ouverte à tout pénitent, et Il agréa son repentir lorsqu’il était assis en jugement » : parce qu’il avait dit « “elle a eu raison”, juste il fut lui aussi, et en échange de n’avoir pas eu peur de reconnaître » ses fautes, ses frères le reconnaîtraient.
Alors, ses frères furent appelés « juifs » de son nom, il fut plus puissant qu’eux, c’est par lui que le nom divin se répandit, et Dieu dit de Juda qu’il était son sceptre (cf. Ps 60:9) et qu’elle (sic) était son sanctuaire (cf. Ps 114:2), de ses princes qu’ils étaient ses frondeurs (cf. Ps 68:28). Yannaï poursuit par une supplique à celui qui a conféré la royauté à Juda, de défaire ses ennemis, d’enterrer ses péchés, et « que tous soient bénis par Juda comme Tamar qui a enfanté de Juda », qu’il fasse revenir l’engeance dans les villes de Juda, et restaure la royauté de Juda car c’est à un lion que fut comparé Juda. La huitième qedoushta, dont il ne reste que des fragments, suit apparemment la même voie mais en jouant sur le nom de Juda et la racine h-d-h[403].

Rédigée dans un hébreu qui n’est plus celui de la Bible ou de la Mishna, la poésie de Yannaï démontre une profonde connaissance de ces dernières, ainsi qu’une maîtrise consommée du Targoum et du Midrash. Cependant, si le poète reconnaît la stature de Juda dès le début de l’histoire, il refuse de verser dans le panégyrisme des docteurs qui avaient tenté de minimiser sa part dans la vente de Joseph : plutôt que « commencer une prescription sans la terminer, » Juda revint sur son propos et ne sauva les sangs (damim) de Joseph que pour en tirer des émoluments (également damim), et la « gloire de Jacob s’amoindrit » (d’après Is 17:4 ; Yannaï invective à la fois Juda en tant que lui-même, et en tant que représentant de tous les fils d’Israël, qui traîneront des générations durant le poids de la vente de Joseph). Ce n’est pas non plus à la demande des frères d’être instruits de leurs moyens subsistances qu’il s’en alla mais bien après avoir été jugé par eux ou pour fuir le courroux de son père et Yannaï, suivant le Targoum, ajoute qu’il « s’éloigna et dévia (wayet wayest) jusqu’à Hira ». En outre, comme des sages avaient fait du Cananéen un marchand, Yannaï construit sa strophe sur les paronymes kinʿanim et knaʿanim, en prenant soin de les employer dans leur sens propre afin de mieux les dissocier. Son épouse peut bien être une « femme vaillante » (qui donne sa ceinture au Cananéen/marchand selon Prov 31:24) puisque les mêmes rabbins avaient dit que son père faisait le lustre du lieu, elle n’en est pas moins une vigne, ostensiblement parce qu’« à cette vigne étaient trois pampres » (Gn 40:10) mais aussi parce que « tu as oublié ton Dieu, ton sauveur … c’est pourquoi tu cultives des vignes étrangères » (Is 17:10), alors que Tamar est, selon l’épithète de Cant 4:12 & 7:8, « ma sœur-fiancée » afin de mieux souligner sa parenté avec Juda et son innocence[404],[Note 36]. Les deux premiers fils de Juda sont, comme dans le Midrash, des débauchés sexuels qui reproduisent les dépravations de la génération du Déluge, et sont supprimés à ce titre ; Onan est de plus insensible à la détresse de sa belle-sœur qu’il refuse d’engrosser (le poète joue sur la paronymie inhérente à la racine r-ḥ-m). Alors Juda, « homme de certitudes » car les rabbins affirment en GnR 93:8 qu’il ne prenait jamais la parole avant d’être sûr de son fait, prend acte de la faute de ses fils et prie sa bru d’attendre que son fils grandisse pour éviter qu’il ne faute lui aussi (le vers est incomplet, et ne permet pas de savoir si Juda comptait honorer sa parole). Languissant de la « semence de sainteté, » c’est-à-dire « le peuple de YY », Tamar se travestit et parvint à son but avec l’aide de Dieu (« Dieu ne la renvoya pas vide » fait référence à la supplique formulée selon GnR 85:7 par Tamar en ce sens) tandis que Juda, qui poursuivrait sa descente jusqu’à ce qu’il s’entende dire les mots qu’il avait lui-même proférés, trébuchait dans les rets de la femme de ses enfants. C’est cependant à ce moment qu’il retrouva Dieu, et pour avoir reconnu qu’elle était juste, il fut lui aussi reconnu juste, de sorte qu’il retrouva son emprise sur ses frères par l’intermédiaire de Tamar (le dernier vers de la cinquième qedoushta, « temour lo vosh lehodot etc. » est un jeu de mots sur le nom de Tamar), et devint ce patriarche vénéré par la tradition juive, sur le mérite personnel duquel Yannaï implore Dieu de restaurer sur leur terre les enfants Israël, qui sont d’ailleurs devenus sous son calame la terre et les enfants de Juda[403].

Tamar dans les hoshaʿanot[modifier | modifier le code]

Eléazar Hakalir n’a pas consacré de poème à l’histoire de Juda et Tamar mais il pourrait y avoir glissé une allusion dans la hoshaʿana ʾOm ʾani ’homa.

Juda et Tamar dans le cycle des shabtaot[modifier | modifier le code]

La shabtaʾa vayered Yehouda était insérée lors des mêmes sabbats dans l’un des offices de prière à sept bénédictions où l’on ne récitait pas de qedousha. Rien n’indique qu’elle était la seule mais elle seule a été conservée qui traite spécifiquement de l’histoire de Juda et Tamar. Elle a été composée après Yannaï par un poète qui vivait comme lui dans l’antique terre d’Israël passée sous domination byzantine. Son style est plus alambiqué, et ses allusions moins transparentes.

Les sept strophes du piyyout commencent par le même incipit que la section de lecture, « il descendit » et se conforment aux contraintes des bénédictions qu’elles embellissent : dans la première strophe, un homme fort d’entre ses frères (cf. I Chr 5:2), se sépara de ses frères lorsque fut vendu en esclave l’aimé par les frères, déchu et ternissant l’honneur de tous les frères mais c’est une manœuvre de celui qui protège les amis et les frères (cf. Ps 122:8), « b<éni es-tu Seigneur qui protège les pères> ».
Dans la seconde, il descendit en ce temps, celui qui attristait son père de morfonte et d’abaissement, mais celui qui trace les cours [des intrigues] l’empêcha de vaciller car son dessein se réaliserait et s’accomplirait, lui qui multiplie pour ceux qui s’abritent en lui les rosées de vivacité, « b<éni es-tu Seigneur qui fais tomber la rosée> ».
Dans la troisième, le lionceau descendit et vaqua jusqu’Adoullam, alors le monde erra car l’honneur de la stèle éternelle fut foulé et mené jusqu’Adoullam (cf. Mic 1:15) mais la grâce du Saint dure d’éternité en éternité (cf. Ps 103:17), « b<éni es-tu Seigneur le dieu saint> ».
Dans la quatrième, il descendit, celui qui s’accola à Bat Choua et le pauvre ne fut pas reconnu devant le riche (i.e. le « riche » Juda s’abaissa tant, en se mariant avec une Cananéenne, qu’il devint indiscernable du « pauvre », cf. Job 34:19), « b<éni es-tu Seigneur le dieu saint> », il conçut un trio de plaisir mais deux moururent pour leur mal et leur méchanceté, et le rescapé qui survécut de Juda, connut le repos et la sauvegarde (cf. 2 Rois 19:30=Isaïe 37:31), « b<éni es-tu Seigneur qui sanctifie le sabbat> ».
Dans la cinquième, il descendit, celui qui dit “Reconnais donc”, pour être mesuré à la mesure de “Reconnais donc”. Dans le jugement, il ne fit pas de faveur à la veuve (qu’il condamna au feu). Juda, comme son nom, reconnut la vérité et son témoignage de vérité (cf. Ps 19:8) fut agréé (par Dieu qui dévoila sa présence au tribunal de Sem), « b<éni es-tu Seigneur qui fait revenir sa présence à Sion> ».
Dans l’avant-dernière strophe, il descendit, le juste qui s’abaissa car il fut séparé de ce qui faisait sa grandeur mais lorsqu’il siégea en jugement et s’abstint de pécher, il fut glorifié et magnifié de tous, « b<éni es-tu Seigneur dont le nom est bon et qu’il est agréable de reconnaître> ».
Dans la dernière, il descendit, celui qui semait la justice dans le jugement, assis sur le chemin et sur le jugement (d’après Juges 5:10), qui ne faisait pas rougir le visage lors du jugement, et dont n’arrêterait pas, jusqu’à la venue du jugement [dernier], le sceptre entre ses jambes de paix, justice et équité, « b<éni es-tu Seigneur qui bénit son peuple par la paix> »[405].

Dans la première strophe, l’auteur met l’accent sur la séparation de Juda avec ses frères, la mettant sur le compte de la vente de Joseph et la présentant comme un évènement négatif. Il revient sur ce motif dans la seconde, signalant cette fois que Dieu veille à préserver Juda de l’égarement, la troisième insiste sur l’endroit où il s’établit[406].

Entre patristique et scolastique : exégèse chrétienne en Occident[modifier | modifier le code]

Passeur des enseignements patristiques, l’érudit anglo-saxon Bède poursuit leur œuvre et développe la Bible selon les quatre sens de l’écriture mais il n’a pu achever son commentaire sur le Livre de la Genèse au-delà du 21e chapitre, et tout ce qui est transmis en son nom au-delà, y compris le commentaire sur Gn 38, est l’œuvre d’un commentateur ultérieur anonyme. Il se base pour l’ensemble du récit sur le 29e chapitre des Quæstiones in Vetus Testamentum d’Isidore de Séville, lequel reprend à peu de chose près le Contra Faustum 22:84-86 d’Augustin d’Hippone, et sur les Hebraicæ Quæstiones de Jérôme pour les explications terminologiques mais interprète erronément Séla comme divisio (« division ») au lieu de dimissio (« abandon »), et provoque ainsi une confusion avec Pharès[407].

Les enseignements de Bède parviennent à la cour de Charlemagne par l’entremise d’Alcuin et jouent un rôle capital dans la renaissance carolingienne. Outre sa préparation de l’une des premières « corrections » de la Vulgate (c. 801), Alcuin produit son propre commentaire biblique, la section sur Gn 38 se présentant sous forme d’« Interrogations » (257-260), lesquelles sont essentiellement un condensé des Hebraicae quaestiones in libro Geneseos de Jérôme et Quaestiones in Heptateuchum d’Augustin. Réalisé à la demande de l’empereur, le Quaestionum super Genesis ex dictis patrum dialogus est une autre anthologie compilée par Wigbald. Gn 38 y est abordé en réponse à la « Question » sur le retard d’Esaü ; là aussi, l’auteur cite extensivement Jérôme et Isidore de Séville qui s’est lui-même inspiré d’Augustin.

Autres midrashim médiévaux[modifier | modifier le code]

La marche des siècles et les bouleversements qu’elle entraîne, n’ont pas interrompu l’activité midrashique qui migre progressivement au cours de cette période de la Palestine à l’Italie byzantines. Témoins de leur temps, les midrashim de cette époque ajoutent moins aux enseignements précédents qu’ils ne les remanient en réaction aux tentatives de récupération par le christianisme et l’islam.

Aux midrashim classiques sur les Livres de la Genèse et du Lévitique s’ajoutent des compositions sur les autres livres du Pentateuque qui formeront avec eux le Midrash Rabba ou des recueils indépendants comme l’Aggadat Bereshit: Gn 38 y apparaît occasionnellement à titre de témoin, comme lorsque les rabbins s’entretiennent sur la plaie des grenouilles, et déduisent du récit parallèle en Ps 78:45 que les batraciens ont stérilisé les Égyptiens puisqu’« il lança […] des grenouilles pour les ruiner (vatash’hitem) » de même qu’Onan ruinait (vesha’hat) sa semence en Gn 38:9, afin de se rendre inapte à procréer[393].

Cependant, ce sont plus souvent les traditions des anciens sur Gn 38, que les rabbins byzantins reprennent pour les adapter à leur temps: on enseignait dans l’une des versions du Tanhouma que Juda avait perdu femme et enfants pour avoir frit les entrailles de son père en le trompant sur le destin de Joseph, l’Aggadat Bereshit précise que c’était le cas à l’époque mais non à l’avenir, où « le fils ne portera pas la faute du père, et le père ne portera pas la faute du fils » (Éz 18:20)[408] ; de même, le Midrash antique avait masqué l’objurgation de Michée 1:15 pour la descente de Juda jusqu’à Adoullam en faisant ressortir le parfum messianique de l’histoire, l’Aggadat Bereshit établit au contraire le parallèle entre la descente de Juda et celle des Judéens lorsqu’ils furent déportés en Babylonie — il leur restait un quelque chose d’honneur jusqu’à Adoullam, et ils en furent dépossédés, qui pour s’être allié à moindre que lui, qui pour avoir été dépossédés de leurs habits ; il est cependant dit (Osée 12:1): « Juda demeure soumis à Dieu » — compris « Juda descend encore avec Dieu » — car même dans sa déchéance, le peuple de Juda appelle Dieu et Dieu choisit par conséquent de demeurer avec lui, dans sa descente comme dans sa montée. Le midrash affirme en outre que Dieu avait de toute éternité promulgué que le messie descendrait de Juda, et son mariage à Bat Choua a provoqué les évènements qui ont suivi jusqu’à la rencontre de Juda avec Tamar, prêtresse et fille de Sem, afin de ramener l’histoire dans les voies que Dieu avait tracées[409]. Juda n’en aura pas moins à rendre compte de ses actes devant les juges ; là aussi, on avait enseigné dans Genèse Rabba et diverses versions du Midrash Tanhouma que Jacob et Isaac siégeaient au tribunal, Exode Rabba y ajoute cette fois les frères de Juda, et annonce qu’ils tentent d’innocenter leur frère avec la même fougue que lui s’accuse publiquement mais il repousse cependant leurs plaidoiries avec d’autant plus d’énergie que la probité dans le jugement lui importe plus que sa fierté voire sa vie ; or, c’est cet amour des jugements équitables, prescrits par la Bible lorsqu’on juge la veuve et l’orphelin, qui a valu la royauté à Juda (et non sa vaillance car ses frères n’étaient pas moins vaillants que lui), ainsi que le mérite d’engendrer la lignée du messie[410]. D’autres rabbins adaptent un vieux motif à leur lecture de « Juda est mon sceptre » (Ps 60:9): comme Guilad, Manassé et Ephraïm, c’est-à-dire Élie, Gédéon et Josué, tout ce qu’a fait Juda y compris la prostitution avec sa bru dont il s’accuse, a été fait pour Dieu et selon son plan puisque « Juda reconnut et dit: “elle a été juste, c’est de moi” », “c’est de moi qu’est sortie l’affaire”[411]. Enfin, l’Aggadat Bereshit enseigne, en élaborant sur Gn 38:18, qu’il reçut en salaire de son aveu trois couronnes équivalant aux trois gages qu’il avait laissés — “ton sceau”, c’est Zorobabel ainsi qu’il est dit (Ag 2:23): « En ce jour, dit YHWH-Cebaot, je te prendrai, ô Zorobabel … et je te considérerai comme un sceau … », “ton cordon”, c’est le temple ainsi qu’il est dit (Éz 40:3): « … avec un cordeau de lin dans la main et une canne à mesurer … », et “ton bâton”, c’est le messie issu des fils de ses fils ainsi qu’il est dit (Ps 110:2): « Le bâton de ta puissance, YHWH l’étendra de Sion … »[412]. Un auteur contemporain applique cependant Ps 101:5 (« des yeux hautains et un cœur enflé d’orgueil, je ne puis les supporter ») à Juda pour expliquer qu’il a démérité le sacerdoce du dieu d’Israël lorsqu’il a posé les yeux sur sa bru et l’a considérée comme une prostituée[413], partageant le point de vue d’un autre midrash qui cite Gn 38:26 comme le premier des sept endroits où la présence divine s’est manifestée sur Israël, mais inverse les rôles car c’est l’esprit de sainteté qui dit « Elle est juste » tandis que Juda reconnaît que « c’est de moi » — c’est que Tamar est absolument et non pas relativement juste, d’autant plus que Dieu s’est manifesté soi-même pour le proclamer[414]. Quoi qu’il en soit, nul ne conteste que Juda mérita en ce jour que trois de ses descendants soient sauvés car, comme l’avait déjà dit Genèse Rabba, Juda a surmonté la « proie de Tamar » puisque celle-ci et ses deux fils étaient sur le point d’être mis en pièces[415]. Les jumeaux sont en effet des justes, ainsi que l’avaient déduit Genèse Rabba de l’écriture pleine de jumeaux, et un article d’Esther Rabba enseigne que c’est par leur mérite que le massacre des Juifs planifié par Haman n’aura pas pu avoir lieu au mois de sivan car il est placé sous le signe des Gémeaux[416]. Le midrash précise tout de même que lorsque Zerah voulut sortir le premier, Dieu soi-même décida que Peretz sortirait le premier, puisque le messie sortirait de lui[417].

Tibériade, Jérusalem et Bagdad : l’exégèse juive en Orient[modifier | modifier le code]

Genèse 38 dans la Massore[modifier | modifier le code]

C’est à Tibériade, aux alentours de 920, qu’est produit et révisé le codex d’Alep, considéré comme le joyau du scriptorium des Ben Asher, lesquels font figure d’autorité suprême en matière de massore. Dans le texte fixé par ce codex, « ce fut en ce temps » est séparé des versets précédents par une section de lecture dite ouverte car elle s’accompagne d’un retour à la ligne et marque le début d’un nouveau sujet ; « il l’appela Zera’h » est séparé d’« Or Joseph fut descendu » par un blanc équivalent à quelques lettres, soit une section fermée.

La massore établit ensuite la forme correcte de chaque terme, c’est-à-dire avec ou sans matres lectionis, ainsi que le nombre de leurs occurrences à travers la Miqra — une note massorétique fait remarquer à l’occasion de Gn 38:3 que la forme « il appela – son nom » apparaît en dix endroits de la Bible, énumérés dans les notes sur Gn 35:10, et que « trois induisent en erreur », c’est-à-dire que la lecture « elle appela », apparemment plus logique en Gn 38:3 ainsi qu’en Ex 2:22 & 1 Chr 7:23, est fausse. La prononciation, qui suit les inflexions du système tibérien, ne marque plus la différence entre le ḥet uvulaire (/χ/) et le ħet pharyngal (/ħ/), dont le son se situe entre le 'Hira hébreu, l’Iras grec et le Hiram latin. Elle est notée au moyen de diacritiques et marques de vocalisation qui permettent aux massorètes d’effectuer des choix interprétatifs discrets mais décisifs car le texte consonantique de Gn 38:14, whwʾ lʾ ntnh lw lʾšh, est vocalisé vèhi lo־nitna lo lèisha (« et elle ne lui avait été donnée pour femme ») alors que la Septante avait lu vèhou lo natna lo lèisha (« et il ne la lui avait pas donnée pour femme »)[418], et c’est sur l’autorité de la massore que s’appuient les commentateurs ultérieurs pour expliquer qu’einayim n’est pas un nom de lieu, puisque le bet de baʿeinayim (Gn 38:21) est ponctué par un qamaẓ et non un schwa comme il siérait aux toponymes [419]. Elle ajoute enfin les marques de cantillation qui renseignent le lecteur sur la prosodie du texte, ses accents toniques et ses temps forts[TableM 1].

H. Vernet, Juda et Thamar
Comme Vernet, qui fait de Juda un bédouin et Thamar une odalisque tandis qu’un chameau assiste à leur échange, Saadia Gaon transpose Genèse 38 dans un contexte arabo-musulman, présentant l’union de Juda et Tamar comme un « mariage de plaisir », dont les enfants sont, contrairement aux fruits de la prostitution, considérés comme des héritiers légitimes de leurs parents. Cette union sera toutefois interdite après le don de la Torah sur le mont Sinaï[420]

Genèse 38 dans le Tafsir[modifier | modifier le code]

Les différentes interprétations du Tafsir sur Gn 38 répondent généralement au besoin de clarification qui qualifie l’œuvre dans son ensemble, et transposent le plus souvent les leçons du Targoum à l’arabe, jusques et y compris dans son rendu de Gn 38:3 qui va à l’encontre de la leçon massorétique. Saadia Gaon innove cependant dans son traitement de termes difficiles comme yabem qu’il décide de lire yaben, « fais-lui des fils », et des différents vocables de prostitution qu’il rend par le même almoumta’a. Il choisit aussi de lire différemment Gn 38:23, et fait dire à Juda qu’il faut continuer à chercher la femme afin de n’être pas la risée du voisinage[421],[TableM 2].

Le Tafsir veut donc replacer chaque terme dans son contexte, et faire pièce aux railleries des auteurs musulmans mais l’apologétique va au-delà de la défense du texte: l’almoumta’a, assimilable à la zona hébraïque, n’est cependant pas une zaniya ou fajira comme Saadia le traduit ailleurs mais « une femme qui contracte un nika’h al-mout’a » (litt. mariage de plaisir), c’est-à-dire un mariage temporaire sanctionné par la jurisprudence chiite ; cette institution n’est pas inconnue du Talmud de Babylone qui exige cependant une lettre de répudiation pour acter la fin de cette union, et pourrait provenir comme son homologue chiite d’une coutume persane[420]. Le chiisme entend établir par ce moyen un cadre plus respectable pour la prostitution que proscrit le Coran, bien que la distinction soit essentiellement sémantique[422], tandis que le sunnisme le condamne, à tout le moins sur le plan théorique — Juda et Tamar sont donc préservés, à ce point du récit biblique, d’une fâcheuse accusation d’immoralité mais le gaon expliquera dans son commentaire sur le septième commandement du Décalogue, où Tamar est explicitement citée en exemple, que ce mariage temporaire constitue la première des sept catégories d’adultère, et qu’il est à ce titre proscrit aux enfants d’Israël après le don de la Torah sur le mont Sinaï (Saadia Gaon compte, outre ces sept degrés, le coïtus interruptus qui est interdit en soi, et passible de mort ainsi qu’on l’apprend du destin d’Onan)[420]. De même, la pire atteinte à sa réputation que peut craindre un Juif dont la moralité ne peut être mise en doute, est l’accusation de cautèle, et l’attitude de Juda montre au contraire toute sa probité[421].

Genèse 38 dans l’âge d’or du qaraïsme[modifier | modifier le code]

Les commentateurs de « l’âge d’or du qaraïsme » (entre les ixe et xie siècles) sont contemporains de Saadia Gaon, comme Daniel al-Qoumissi et Jacob al-Qirqissani ou postérieurs comme Joseph ben Noah dit le Grammairien qui compose un Tafsir pour concurrencer celui de Saadia Gaon, et Yefet ben Ali Halevi qui produit une traduction dans le même but.

Selon le Talkhis (« Abrégé ») d’Aaron de Jérusalem qui condense le Tafsir du Grammairien, le positionnement de Gn 38 s’explique par la brièveté de l’histoire de Juda alors que celle de Joseph est plus longue[423]. Yefet ben Ali explique que l’homme dont Juda prend la fille, est dit cananéen non car il descendrait des tribus de Canaan mais parce qu’il habite la terre qu’ils peuplent ; « cananéen » ne peut en effet pas signifier « marchand » en raison de 1 Chr 2:3 mais s’il était véritablement issu de Canaan, Juda aurait péché comme Esaü, et serait indigne de régir ses frères. Les mots « afin qu’il ne meure pas comme ses frères » démontrent qu’il n’a pas l’intention de tenir sa promesse mais il ne veut pas le dire franchement à sa bru car il craint qu’elle n’épouse un autre homme, alors qu’il a l’intention de le faire lui-même après la mort de son épouse. Cependant, Tamar voit Chelâ grandir sans qu’elle ne lui soit donnée et elle décide de duper son beau-père comme lui-même l’a flouée. Cette opinion est propre à l’interprète: l’un de ces devanciers, Jacob al-Qirqissani, fait dire à Juda qu’il sait que Tamar joue des tours aux hommes, et qu’il a voulu préserver son troisième fils de ce sort ; quant à Yeshoua ben Yehouda, considéré comme l’un des plus éminents Qaraïtes un siècle après Yefet ben Ali, il affirme que Juda a tout simplement été distrait par ses nombreuses occupations.
Après avoir affirmé plutôt que Juda ne vient pas à Tamar comme il se ferait avec une prostituée, Jacob al-Qirqissani et Yefet ben Ali Halevi expliquent qu’il y avait à l’époque deux façons de prendre une femme, la première permanente et la seconde pour une période fixée d’avance mais cette union a été définitivement interdite avec la promulgation de Dt 23:18. Cependant, si Gn 38:16 précise que Juda ignorât se tenir devant sa bru, c’est que ce genre d’union était déjà interdit avant le don de la Torah — Tamar a peut-être fauté par ignorance de cette prohibition, et Juda parce qu’il ne l’a pas reconnue, soit parce qu’il ne l’avait pas connue lorsqu’elle était l’épouse de son fils, soit parce qu’elle avait couvert son visage lors de leur rencontre. Jacob al-Qirqissani va plus loin dans la condamnation de Tamar: il est possible que Juda, ignorant tout des péchés de ses fils, l’ait mal jugée mais il n’est pas moins possible qu’il ait eu raison, et que Tamar dont le subterfuge prouverait la malignité, soit responsable de la mort de ses premiers maris en les dévoyant ou en les y aidant, « bien que le Texte ne le formule pas explicitement ». Concluant le récit, Yefet ben Ali enseigne qu’il ne la connut plus car elle lui était interdite, sans quoi il n’aurait pu choisir de ne pas dormir avec elle car elle était devenue la mère de ses enfants, et le serait jusqu’à la mort[424].

Par-delà leurs interprétations propres et indépendantes les unes des autres, les exégètes qaraïtes partagent entre eux et avec leurs opposants rabbanites une même vénération à l’égard de Juda, au-delà de leur attachement professé à la lettre. Les commentaires de Jacob al-Qirqissani et Yefet Halevi sur Gn 38 comprennent par conséquent un florilège d’interprétations non-littérales issues du Midrash ou de l’arsenal syriaque — qui leur est connu directement par leur pratique de l’araméen ou indirectement par l’intermédiaire de David al-Mukkamis, un auteur juif du siècle précédent qui s’est fait disciple de Nonnos de Nisibe — voire du Tafsir de Saadia Gaon malgré toute leur abhorration pour l’adversaire honni des Qaraïtes[425]. Transposant en milieu juif les méthodes du Kalam arabo-musulman, les auteurs qaraïtes font de ces interprétations un usage libre et inconséquent, particulièrement lorsque Jacob al-Qirqissani reprend les traditions syriaques car la critique de Tamar, si importante pour ses sources, n’a d’autre finalité que l’apologie de Juda[426].

Les successeurs de Saadia Gaon[modifier | modifier le code]

L’œuvre de Saadia Gaon connaît un retentissement considérable et provoque un foisonnement intellectuel à travers le monde musulman. La plupart de ces écrits ne survivent cependant au-delà de leur époque que par les citations d’auteurs ultérieurs — tel est le cas de Samuel ben Hophni ou de Hananel ben Houshiel. Adonim Halevi, un disciple marocain de Saadia Gaon s’établit par ailleurs à la cour du vizir officieux du calife de Cordoue, et a tôt fait de railler le dictionnaire du secrétaire de celui-ci, Menahem ben Sarouq, citant parmi ses nombreux défauts sa définition unidimensionnelle de la racine ʿ-l-f d’après son sens en Gn 38:14 (l’« enveloppement ») sans prendre en compte l’« évanouissement, » évident en Isaïe 51:20[427].

Exégèses du Moyen Âge central[modifier | modifier le code]

Le Moyen Âge central s’accompagne d’un renouveau intellectuel et se marque par une volonté d’élucidation des textes anciens : hormis Genèse Rabbati qui entend encore rectifier les messages chrétiens du Testament de Juda, le midrash du rabbin romaniote Touvia ben Eliezer entend retrouver le sens simple des versets bibliques de même que le commentaire du rabbin champenois Salomon ben Isaac dit Rachi qui explique aussi le Talmud de Babylone tandis qu’un lettré grec ou italien erronément pris pour Rachi, en fait de même avec le Midrash Rabba. L’école française qui poursuit l’œuvre de Rachi et se marque par un littéralisme de plus en plus strict, est contemporaine des savants de l’abbaye Saint-Victor tandis que l’œuvre de Rachi se propage au-delà des Pyrénées, non sans rencontrer une certaine résistance de la part des lettrés juifs andalous, héritiers d’une tradition philologique autrement solide[428].

À la recherche du sens simple[modifier | modifier le code]

Pourquoi ce récit figure-t-il ici ?[modifier | modifier le code]

Rachi interroge d’emblée le positionnement de cette histoire qui occasionne une césure dans l’histoire de Joseph, et explique qu’il a pour fonction d’enseigner que les fils de Jacob déchurent leur frère de sa grandeur après avoir vu le chagrin de leur père à la suite de la vente de Joseph qu’il aurait pu aisément empêcher — c’est, ainsi que le rappellent les auteurs du Daat Zqenim, un midrash des « rabbins de mémoire bénie » mais Rachi, qui ne mentionne pas explicitement la doctrine mesure pour mesure qui le sous-tend, le rattache, comme l’explique le Hizqouni, à la descente « de ses frères », comprise « par rapport à ses frères ». Cependant, le rabbin espagnol Abraham ibn Ezra réfute cette interprétation et sa chronologie, fondées sur des calculs et identifications sanctionnés par le Midrash mais irrecevables pour un esprit rationnel car l’intervalle de vingt-deux ans est trop court pour que les petits-fils de Juda, Hetsron et Hamoul fils de Perets, puissent compter au nombre des Israélites descendus en Égypte à l’invitation de Joseph. Les récits ont, selon lui, été juxtaposés pour comparer Joseph et Juda face aux avances de femmes qu’il ne leur convient pas d’approcher mais les aléas de Juda ont précédé la vente de Joseph. L’interprétation des sages d’Israël sur la descente de Juda est quant à elle pure homélie sur ce qui n’est que le passage des montagnes aux plaines de Canaan. Un siècle auparavant, l’auteur romaniote du Midrash Leqah Tov énonçait que le mariage de Juda avait eu lieu avant la vente de Joseph — son commentateur italien, le Sekhel Tov, précise que Joseph était à ce moment âgé de quinze ans — mais que la mort de sa femme et de ses enfants en a été la conséquence mesure pour mesure.
Passages talmudiques à l’appui, les auteurs du Daat Zqenim et le Hizqouni arguent contre Ibn Ezra qu’on était, à cette époque, capable de procréer à l’âge de sept ans. Le Hizqouni se range cependant à l’avis de son maître, Joseph Bekhor Shor qui postule, sans entrer dans ces considérations, que Juda a décidé de partir après avoir vu son père inconsolable. Un autre rabbin formé à cette école, Eliezer bar Itzhaq, émet la même opinion mais en évoquant une nouvelle fois la règle mesure pour mesure : si Juda décide de descendre, c’est qu’il a entendu son père dire : « je descendrai vers mon fils, endeuillé au sheol ». Le rabbin provençal David Kimhi, qui interprète au demeurant la descente comme Ibn Ezra, indique simplement que le temps où Juda descendit se produisit après la vente de Joseph, sans autre explication et comme une évidence[429].

Du reste, Rachi ne suit pas entièrement le Midrash : Juda « s’éloigna » seulement de ses frères (et non de sa voie). S’il rejoint un Adullamite, c’est pour en faire un associé en affaires ainsi qu’il appert en Gn 38:12. La femme qu’il épouse est en revanche la fille d’un marchand, et son son petit-fils Samuël suit, malgré son littéralisme proclamé, la même ligne. Rachi ne glose pas sur le nom des trois enfants mais le nom du lieu où naît le troisième, Kezib, indique qu’elle cessa d’enfanter « car sinon, que viendrait-il nous apprendre? »[430].

Il la repoussait avec un brin de paille[modifier | modifier le code]

Er est mauvais aux yeux de Dieu car il agit comme Onan afin de ne pas gâter la beauté de sa femme par une grossesse. Juda demande à ce dernier d’établir une descendance à son frère en lui donnant un enfant qui portera son nom mais Onan refuse, et corrompt sa semence en battant à l’intérieur pour vanner à l’extérieur. Rachi ne commente pas la mort des fils de Juda in loco mais indique dans son commentaire sur TB Sanhédrin 52b que décrétée par le ciel, elle est apparue comme naturelle car elle n’a pas laissé de marque[431]. Juda renvoie alors Tamar chez son père en « la repoussa[n]t avec un brin de paille car il n’avait pas réellement l’intention de la faire épouser par son fils, » craignant qu’elle ne soit ce que le Talmud définit comme une femme fatale car ses deux maris sont morts (les rabbins semblent toutefois avoir considéré Tamar comme une exception plutôt qu’un exemple en la matière)[432]

Il la prit pour une prostituée — parce qu’elle se trouvait au carrefour des routes[modifier | modifier le code]

Rachi précise ensuite que Juda monta « à Timna » vers les tondeurs de son troupeau, et que la localité se situait à flanc de montagne. Se couvrant le visage pour n’être pas reconnue, Tamar parvient à l’« Ouverture des yeux, » que Rachi comprend comme un point d’observation aisée pour mieux apercevoir le carrefour, bien qu’il signale aussi l’interprétation des sages, « la porte de la tente d’Abraham, » car elle voyait que Chêla avait grandi et, ne lui ayant pas été donné pour femme, s’abandonna à Juda car elle désirait concevoir des fils de lui. Il la prit pour une prostituée car elle se tenait au carrefour des routes et elle avait voilé son visage, ce qui empêchait le patriarche d’identifier sa belle-fille, bien qu’il faille peut-être comprendre selon le Midrash qu’étant toujours voilée dans la maison de son beau-père, Juda savait Tamar pudique et ne la soupçonnait pas. Il se « destorna (en laaz) du chemin sur lequel il se trouvait pour aller vers celui où elle était » et lui dit « prépare-toi donc[, je viendrai à toi etc.] » Ils s’accordèrent sur l’affaire et elle demanda un gage, c’est-à-dire « une garantie » en attendant qu’elle soit conclue.

L’anneau avec lequel tu scelles et la veste avec laquelle tu te couvres[modifier | modifier le code]

Rachi suit le Targoum Onkelos sur les gages et le Midrash sur la conclusion de Gn 38:18. Il explique le terme qdesha comme « consacrée […] à la prostitution », et la phrase de Juda lorsque son compagnon rentre sans les gages comme « Qu’elle garde ce qu’elle a, de peur que nous ne soyons méprisés [car] si tu continues de la chercher, cela finira par se savoir, et ce sera une honte. Que puis-je en effet faire de plus pour tenir parole ? » ; il note au passage l’enseignement du Midrash sur le chevreau par lequel Juda avait égaré son père et par lequel il est maintenant égaré lui-même.

Et elle envoya à son beau-père — elle ne voulait pas lui faire honte[modifier | modifier le code]

« Environ lorsque les mois se triplèrent, » comme l’a compris le Midrash et traduit Onkelos, on rapporta à Juda que sa bru Tamar (litt.) avait prostitué et était maintenant enceinte de ses prostitutions — hara est, dit Rachi, un adjectif et non un verbe. La sentence de Juda est expliquée selon l’opinion d’Ephraïm Meqshaa au nom de Rabbi Meïr, telle qu’enregistrée dans le Midrash. Elle fut alors sortie « pour être brûlée » et envoya à son beau-père [les gages ainsi que le message « de l’homme auquel etc. »] pour ne pas lui faire honte, car elle préférait se laisser jeter dans la fournaise que l’humilier en public. Na n’indique en effet que la supplication, et Tamar disait : « Reconnais, je te prie, ton créateur, et ne sois pas la cause de la perte de trois vies ! » Comme ses devanciers, Rachi décompose la réponse de Juda : « Elle est plus juste dans ses paroles, c’est de moi qu’elle est enceinte », et ajoute l’interprétation des sages, à laquelle il surajoute : « C’est parce qu’elle était pudique dans la maison de son beau-père que j’ai décrété que c’est d’elle que serait issue la lignée des rois et de la tribu de Juda que sortiraient les rois d’Israël » ; elle avait en effet le droit d’agir de la sorte puisqu’il ne l’avait pas donnée à Chêla, et il n’ajouta plus ou ne cessa plus de la connaître, de même qu’« [Eldad et Médad] n’ajoutèrent pas de prophétiser » a été traduit « ils n’arrêtèrent pas de prophétiser ».

Au moment de son engendrement — avant terme[modifier | modifier le code]

Comparant les deux naissances gémellaires de Genèse, Rachi déduit que Tamar accoucha avant terme de ce qu’il n’est pas dit, comme pour Rebecca, que ses jours furent remplis. Cependant, c’étaient des temim (jumeaux) pleins et non des tomim défectifs, signe que tous deux seraient justes. « L’un d’eux donna, » c’est-à-dire sortit sa main à l’extérieur, et après que la sage-femme y eut attaché un fil écarlate, la réintroduisit. Rachi interprète l’exclamation de l’accoucheuse comme « Avec quelle force tu t’es fait un passage ! » Quant à Zera’h, après avoir réitéré l’interprétation du Midrash sur les quatre occurrences de sa « main, » Rachi explique qu’il fut appelé de ce nom du fait de l’éclat du fil d’écarlate.

Exégèse juive[modifier | modifier le code]

Le Sforno comprend Peta’h Einayim comme l’ouverture, c’est-à-dire la croisée des chemins[433].

Exégèse chrétienne[modifier | modifier le code]

Exégèses de l’ère moderne[modifier | modifier le code]

Commentateurs juifs ultérieurs[modifier | modifier le code]

Le Tzemah Tzedek, le troisième rabbin de la Dynastie hassidique Habad-Loubavitch, Menachem Mendel Schneersohn (1789-1866), dans son journal personnel discute de la question de Juda et Tamar, et comment la traiter, en particulier vis-à-vis des tenants de la Haskalah[434].

Il discute de la proposition d'enseigner des extraits du Tanakh pour des jeunes, en omettant des portions jugées superflues ou inappropriées pour des jeunes étudiants. Des exemples, les récits de Bilhah et Ruben (Genèse 35:22) et de Juda et Tamar (Genèse 38), comme des questions ont été posées sur leur interprétation, même à l'époque talmudique.

Il répond:"Comment peut-on oser omettre des portions de la Torah de Moïse, le serviteur de Dieu, et déclarer avec une compréhension de mortels qu'elles ne sont pas 'vitales' ou ne sont pas 'appropriées' pour les jeunes? Toutes les portions, phrases, et mots ont été prononcés par la bouche de Dieu à Moïse, qui les a réitérées et transmis, comme affirmé dans Bava Batra (15a) (Talmud)."

Exégèse critique[modifier | modifier le code]

Le récit de Juda et Tamar, introduisant une rupture littéraire entre le récit de la vente de Joseph et son ascension dans la maison de Potiphar reconnaissable à sa Wiederaufnahme (« reprise ») en Genèse 37:36 et 39:1, indiquerait qu’il s’agit d’un ajout tardif à l'histoire de Joseph[435]. L'analyse des motifs terminologiques du texte démontrerait tant son unité que son inclusion harmonieuse dans le Livre de la Genèse, « quelle qu’ait pu être la préhistoire de ces textes »[6]. Pour Shinan et Zakovitch, la présence de nombreux liens intertextuels de Genèse 38 avec son contexte indiquerait également l’unité de Genèse 37-50 qui aurait été écrit à la cour d’Ephraïm[11].

Analyse littéraire[modifier | modifier le code]

Gary Rendsburg décèle de nombreuses correspondances entre les entourages de Juda en Gn 38 et de David en 2Sam : outre les compagnons Hira/Hiram, Juda et David prennent pour femme Bat Choua/Bat Cheva, ont deux fils qui meurent, Er/un fils (naʿar) innommé et Onan/Amnon qui se conduisent mal qui vis-à-vis de sa femme et vis-à-vis de sa sœur Tamar, tandis que Chêla et Chêlomo perpétuent la lignée de leur père[436]. Ces parallèles sont plus ou moins avalisés par Shinan et Zakovitch, Craig Ho, Graeme Auld et Fokkelien van Dijk-Hemmes, bien que chaque auteur en tire des conclusions différentes : pour Rendsburg qui pense que le Livre de la Genèse a été composé dans son intégralité par un courtisan du roi David, Gn 38 est une satire à moindre risque des inconduites royales ; Zakovitch y voit l’attaque à peine voilée contre une famille de débauchés mais pour Ho, elle vise à établir la judéité d’un roi dont on rappelle trop souvent les origines moabites et van Dijk-Hemmes voit en Gn 38 un midrash de 2Sam où la victime des hommes prend sa revanche sur ses tourmenteurs. Paul R. Noble émet cependant des réserves sur les parallélismes proposés par Rendsburg, lesquels résultent selon lui de critères de ressemblance trop peu rigoureux et mènent à des correspondances inacceptables (YHWH/Absalom), trop diffuses (Tamar=Bethsabée mais aussi Urie, Nathan…) ou confuses (Tamar=Bethsabée mais Bethsabée=Bat Choua)[437].


Exégèse féministe[modifier | modifier le code]

Le récit de Juda et Tamar illustre la lutte d’une femme dans une société patriarcale qui ne lui reconnaît aucun statut.

Comme Tamar ne demande rien avant que Juda ne la possède, il se pourrait qu’elle n’avait pas l’intention de se conduire en prostituée[438].

Élaborant sur l’image botanique du palmier-dattier telle qu’exploitée dans l’Apocryphe à Genèse et sur les travaux de Susan Niditch, Jacqueline Vayntrub conclut que les deux Tamar de la Bible partagent cet aspect disruptif, la première entourant Juda de ses racines pour perpétuer dans la transgression la lignée du patriarche, la seconde se retrouvant au centre d’un acte qui mènera à la rupture de la famille davidique[75].

Tamar et Juda dans l’art[modifier | modifier le code]

Représentations picturales[modifier | modifier le code]

Juda et Tamar[modifier | modifier le code]

Tamar menée au bûcher[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. a b et c L’expression « venir à » ou « approcher de » (b-w-ʾ ʾ-l) est un euphémisme à connotation sexuelle que Jubilés XLI:5 feint de ne pas entendre afin de suggérer la virginité de Tamar lors de sa rencontre avec Juda. Jérôme choisit lui aussi de le rendre par introiens (« venant [chez sa femme] »), sexuellement neutre contrairement à l’ingressus employé pour traduire la même racine en Gn 38:2. C’est ainsi qu’il popularise le mythe de l’onanisme, participant d’un mouvement de condamnation de la pratique qui se retrouve d’une part dans les sources juives contemporaines et d’autre part chez Épiphane de Salamine — Shinan et Zakovitch 1992, p. 18, 31, 63 & 70, Hilbrands 2007, p. 94-95
  2. a b c d e f et g
    Un orant, enveloppé (ʿaṭouf) dans son châle de prière.
    (Va)titʿalaf est la première occurrence d’un terme rare, formé sur la racine ʿ-l-f qui exprime généralement la pâmoison (cf. Isaïe 51:20 & Amos 8:13) mais il n’a évidemment pas ce sens en Gn 38:14 ni en Cantique des Cantiques 5:14 (« Ses mains sont des cylindres d'or, incrustés d'onyx, son corps une œuvre d'art en ivoire, meʿoulefet sappirim ») — le Targoum attribué à Jonathan rend (va)titʿalaf par aʿaṭfat et le Targoum Neofiti par itʿaṭaft, ajoutant en outre ba afin de préciser qu’elle s’enveloppe d’un voile tandis ; tous deux font usage de la racine ʿ-ṭ-f qui comprend la même polysémie « recouvrir/s’évanouir », tant en araméen qu’en hébreu, mais s’emploie plus fréquemment dans la première acception, encore que plusieurs versets utilisent la seconde. Le Targoum Onkelos évite l’équivoque lié à ces racines (e.g. Jonas 4:18 & Psaume 102:1 qui acceptent les deux sens) en traduisant par itkanat (« elle arrangea [son voile] »). Cependant, la Septante porte ekallopissato, la Peshitta [w]ʾṣṭbtt (Heller 1927, p. 48), le livre des Jubilés [wa]y’bela (Charles, 1902, p. 229n9) et le Testament de Juda kosmeteira, « elle se para » ou « se fit plus belle » car ils choisissent de traduire ʿ-l-f par « orner », ce qui peut se comprendre dans le contexte de Cantique 5:14 mais vise, dans le cas de Gn 38:14, à dissocier la dissimulation du visage de celle du corps et partant le voile de la prostitution — cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 89-92 & 101, Menn 1997, p. 153, Dahan 2015, p. 66 & Blachman 2013, p. 84.
    Wevers 1993, p. 638-639 attribue cette interprétation à une répugnance toute hellénique pour l’immoralité mais Huddlestun 2001 l’inscrit au contraire dans un cadre juif post-biblique, qu’il rapproche des lois médio-assyriennes où le voile est non seulement l’apanage des femmes « respectables » mais aussi prohibé aux prostituées. Elle fournit selon lui le contexte culturel commun à l’ajout septantique à Gn 38:15 d’une part et, d’autre part, aux amplifications targoumiques sur ce verset, ainsi qu’à BR 85:8 (1041-2) et à TB Sota 10b, où Juda n’a jamais connu Tamar autrement que voilée.
    Les traductions analogues à la Septante entraînent une tension interprétative car elles supposent Thamar méconnaissable, bien que dévoilée, et Tertullien fait de la parure de Thamar le type même de l’artifice féminin trompeur, y consacrant deux traités pour en prémunir son lectorat évangélisé.
  3. L’explication la plus simple et concise sur la signification de cette expression semble se trouver dans l’onomasticon de Jérôme de Stridon qui indique que selon les Hébreux, « Ænam ne désigne pas un lieu mais un bivium (carrefour) où un regard attentif est nécessaire afin de choisir la route à prendre »De situ et nominibus locorum hebraicorum s.v Ænam, in Hilbrands 2007, p. 80-82, et c’est ainsi que les traducteurs de la Bible en araméen juif ou syriaque ont choisi de le rendre. L’incorrection de la chose avait cependant été relevée par les élèves de Juda le Prince qui rapportaient en son nom des interprétations plus acceptables comme « Porte des prières » ou « Résolution des doutes religieux. » La traduction d’Einayim par « sources » avait été acceptée par Eusèbe de Césarée avant d’être relativisée par Jérôme de Stridon ; elle a cependant été réitérée par le Sforno et Bitton 1978 suggère sur base de celle-ci que la forme d’un tel carrefour pourrait évoquer celle d’un œil.
  4. a et b Gershoni suggère qu’au Proche Orient, le commerce charnel au service d’un culte était, contrairement à la prostitution, une occupation honorable et les hiérodules n’avaient donc pas besoin de se voiler ; dans cette hypothèse, Hira préfère s’enquérir de « la hiérodule qui se trouvait sur la route » afin d’éviter tout soupçon, et espère que ses interlocuteurs lui répondront qu’« il n’y a point ici de hiérodule mais il y a une prostituée etc. », et Lambe 1999, p. 56-57 voit en cette distinction le point de conflit entre l’identité hébraïque de Juda et son assimilation dans la société cananéenne.
    Toutefois, Gruber 1986 et Westenholz 1989 ne trouvent aucune preuve de l’association entre culte et prostitution dans une revue des textes sémitiques, et il n’en existe pas non plus de preuve archéologique selon Lipiński 2014.
    Cependant, au vu de la persistance de cette association dans la littérature secondaire et des conclusions diamétralement opposées de M.I. Gruber et J. Westenholz (pour le premier, une qdesha est exclusivement une prostituée tandis que pour la seconde, elle est seulement une prêtresse), DeGrado 2018 examine la polysémie de la racine Q-D-Š dans les Targoumim et la littérature rabbinique, concluant à un glissement sémantique de “prêtresse” à “femme seule” avec toutes les connotations sociales attachées à ce terme — c’est ce sens et lui seul que les traducteurs de la Septante, et les rabbins, auraient appliqué à Gn 38:21 & 24
    Voir aussi (en) Charles J. Conroy, « The Question of So-Called Sacred or Cultic Prostitution » (consulté le ), un référentiel complet sur la question.
  5. Bien qu’une lecture littérale suggère que Juda reconnaît les gages (les traductions juives et chrétiennes de la Bible en français portent en cet endroit « Juda les reconnut »), le texte hébraïque ne précise pas ce qu’il reconnaît — ce vide est à la base de nombre d’interprétations ultérieures dont celles des Jubilés (Segal 2007, p. 70). Selon E.T. Blachman, le Juda de la version hébraïque reconnaît, pour la première fois, Tamar et la Septante, en traduisant « Juda les reconnut », atténue la force de cette reconnaissance ainsi que de la confession qui suit (Blachman 2013, p. 106)
  6. D’après Samet 2003 qui utilise le texte massorétique et la structure proposée par Van Dijk-Hemmes 1989 ; voir aussi (en) David A. Dickey, « Genesis 38 - A Chiasm » (consulté le ) & (en) Hajime Murai, « Literary structure (chiasm, chiasmus) of Book of Genesis », (consulté le ) qui proposent une division basée sur la New American Bible, la New Revised Standard Version et la Nouvelle Bible de Jérusalem respectivement.
    A.J. Lambe suggère un découpage se basant sur les verbes de mouvement et suivant les cinq phases classiques de la structure dramatique : équilibre (Genèse 38:1-6), descente (Genèse 38:7-11), déséquilibre (Genèse 38:12a), remontée (Genèse 12b-26), nouvel équilibre (Genèse 27-30). Cependant, W. Warning juge ce modèle artificiel et critique son manque d’appui sur des considérations terminologiques.
  7. a et b Les nombreuses variations autour de la racine n-t-n dans Gn 38:15-18 pourraient par ailleurs jouer sur la phonétique analogue de l’etnan zona, « salaire de la prostituée » que la législation biblique interdit de consacrer au sanctuaire (Dt 23:19) et qui a financé, selon le prophète, les idoles de Samarie (Mic 1:7) - (Kiel 2003, p. 85)
  8. (he) Y. Bin-Nun & Y. Medan, « Hapiloug vèhaa’hdout - kefel hataout hamara » (consulté le ), cité in Navon 2014, p. 132-133 ; voir aussi Zhao 2014 qui cite les précédents mais interprète différemment — Juda, qui avait « bien » commencé en sauvant Joseph, se comporte ensuite « mal », prenant une décision qui amènera le deuil sur sa famille. Il persévère un temps dans cette voie avant de connaître lui-même le deuil et d’être amené à assumer ses responsabilités par Tamar. Il est dorénavant l’autorité familiale et le véritable héros du cycle de Joseph. Selon Clifford 2012, Joseph se trouve dans le même état d’esprit que Juda au début de Gn 38 lorsqu’il renvoie ses frères au pays de Canaan, et le discours de Juda a sur lui le même effet que celui de Tamar sur Juda.
  9. Cf. Menn 1997, p. 55-64 et Brandes 2010, p. 82-84 mais voir Ravid 2009, p. 168 ; selon Brandes, la loi du lévirat est, avec celle du fils rebelle et de la femme soupçonnée d’infidélité, une innovation biblique ultérieure visant à circonscrire l’autorité du chef de famille qui n’est dorénavant plus seul à décider du sort de sa maisonnée tandis que pour Ravid, les lois du lévirat deutéronomique sont en pleine vigueur à l’époque des patriarches mais elles ne peuvent s’appliquer à Tamar car elle se trouve trop éloignée des anciens de sa ville pour faire appel à eux. Mass estime lui aussi que, du point de vue exégétique, Gn 38:26 (« il cessa, dès lors, de la connaître ») se comprend plus aisément si l’on admet que Tamar devait, pour être permise à un autre homme, déchausser Chelâ et ne pouvait plus le faire après s’être unie au père de celui-ci (Mass 2016, p. 76)
  10. Blachman, p. 106 signale la traduction anglaise par Brenton de la Septante, qui indique en Gn 38:24 que Thamar « a grièvement joué à la prostituée », insistant sur la sévérité de l’offense — cette insistance est cependant propre à Brenton (Smith 2018, p. 32).
  11. D’après Blachman 2013, p. 106 qui suit la traduction Brenton et Harl 1986, p. 266. Toutefois, Wevers 1993 et Brayford 2007 traduisent autrement, et Hayes 1995, p. 73-74 se borne à signaler le choix du parfait dedichaiôtaï (« a été justifiée ») qui indique une action passée et révolue (« a été justifiée [à ce moment mais plus maintenant] ») plutôt que de l’aoriste qui désigne une action passée mais encore en cours (« a été justifiée [et l’est encore] »), sans se prononcer sur la raison de ce choix.
  12. D’après les éditions hébraïques ainsi que Philonenko et Caquot 1987 ; l’édition Charles, basée sur les manuscrits éthiopiques, porte Bedsouël en Jubilés XLI:7 et Betasouël en Jubilés XXXIV:20, cf. Menn 1997, p. 164 qui constate le phénomène mais n’en propose pas d’explication.
  13. Cette exégèse est justifiée par la forme plurielle de (litt.) « Faites-la sortir [et qu’elle soit brûlée] », et, possiblement, par le rôle des frères comme gardiens de la vertu des sœurs, ainsi qu’il ressort de Gn 34 — Shinan et Zakovitch 1992, p. 150-151
  14. Cette loi est inconnue de la Bible et des rabbins. Elle provient, selon Shinan et Zakovitch 2009, p. 133-142, de l’amalgame entre Lv 20:12 (« Si un homme cohabite avec sa bru, que tous deux soient mis à mort: ils ont agi désordonnément, leur sang est sur eux ») et 20:14 (« Celui qui épouse une femme et sa mère, c'est une impudicité : on les fera périr par le feu, lui et elle, pour qu'il n'y ait point d'impudicité parmi vous »). Selon Segal 2007, p. 51-52, cette loi ainsi que celle d’Abraham seraient plutôt une extension de Lv 21:9 (« Et si la fille d’un prêtre se déshonore par la prostitution, c'est son père qu'elle déshonore: elle périra par le feu ») à l’ensemble des filles d’Israël.
  15. Cette apparente contradiction, demeurée sans explication dans le livre des Jubilés, a récemment fait l’objet de plusieurs interprétations : selon Zakovitch et Shinan, p. 120-121, tout pourrait être affaire de point de vue : Juda s’accuse d’une faute dont les anges, qui bénéficient contrairement à lui d’une mesure d’omniscience, l’absolvent ; C. Wassén, p. 362 abonde, situant le nœud du problème sur l’ignorance de Juda quant aux non-rapports d’Onan avec Tamar. Cependant les précédents auteurs n’excluent pas, à l’instar de Kugel, la possibilité d’une coexistence au sein des Jubilés de traditions voire de couches rédactionnelles différentes. Michael Segal, p. 53-58, élaborant sur ces prémisses, développe une hypothèse documentaire dans laquelle Jubilés XLI:32 serait la conclusion d’une partie narrative favorable à Juda tandis que Jubilés XLI:24-25 serait inclus dans un épilogue législatif originellement indépendant, qui juge l’acte en fonction des critères de la communauté à l’origine des Jubilés, et ne peut que rendre un verdict défavorable. Devorah Dimant reprend la théorie de deux traditions mais le dédoublement constitue selon elle la réponse d’un seul auteur à deux problèmes distincts : Jubilés XLI:31-32 traite de la question de la légitimité des fruits d’une union à première vue incestueuse, effectivement résolue par la virginité de Tamar car le mariage n’a pas été consommé mais il n’en demeure pas moins qu’un beau-père a eu des rapports avec la femme qu’il a donnée à ses fils, et ceci devrait les condamner au bûcher en vertu du jugement d’Abraham, ainsi que le rappelle Jubilés XLI:24-25 dans toute sa sévérité ; ce crime-là n’est absolument pas excusable par la virginité de Tamar mais il est atténué par l’ignorance de Juda quant à l’identité de sa partenaire, puis est annulé par son repentir.
  16. D’après Wendland & Colson ; cependant M. Alexandre rattache le commentaire de Philon à Gn 38:14-16, et la dernière clause se rapporterait seulement à Gn 16:4
  17. Shinan et Zakovitch 1992, p. 28 signalent un midrash yéménite « dont la source s’est perdue » qui explique le nom d’Er par le souhait qu’a Juda de consoler Jacob de la perte de Joseph comme une peau recouvre une plaie.
  18. melotis est le calque latin du mèlôtè grec, équivalent du šošip̄ des Targoumim araméens, cf. Petit 1987, p. 114
  19. Murcia 2018, p. 189-190 fait remarquer (à propos d’une tradition sans rapport avec Genèse 38) que l’enseignement d’un sage cité dans la Tossefta, reflète parfois davantage l’opinion du compilateur que celle du sage —
  20. Cette thèse de Renée Bloch, p. 381-9 qui reconstruit en ce sens un portrait de Thamar d’après les targoumim, est écartée par E.M. Menn, p. 283n211 qui estime que rien de cette image ne transparaît dans le Targoum (et dans le Targoum des Néophytes en particulier) ; sur l’influence des traditions juives dans l’évangile selon Matthieu, voir (en) Herbert W. Basser et Marsha B. Cohen, The Gospel of Matthew and Judaic Traditions : A Relevance-based Commentary, Boston (Mass.), Brill, coll. « The Brill Reference Library of Judaism » (no 46), , 794 p. (ISBN 978-90-04-29179-9) ; de multiples analogies ont également été notées entre divers points du Targoum des Néophytes sur Gn 38 et de l’Évangile selon Jean : sur le memra deYYY et ses ressemblances avec le logos de Philon ou de Jean, voir (en) Ks. Mirosław S. Wróbel, « The Gospel According to St. John in the Light of Targum Neofiti 1 to the Book of Genesis », Biblica et Patristica Thorunensia, vol. 9, no 4,‎ , p. 115-130 (ISSN 2450-7059), et sur les parallèles entre « l’heure de détresse » du TN et « l’heure » de Jean, cf. (en) Craig E. Morrison, « The "Hour of Distress" in "Targum Neofiti" and the "Hour" in the Gospel of John », The Catholic Biblical Quarterly, vol. 67, no 4,‎ , p. 590-603 (JSTOR 43725582).
  21. Cette tradition est propre au christianisme car le judaïsme voit en Rahab l’épouse de Josué et la mère de plusieurs prophètes - cf. Nowell 2008, p. 5n13
  22. Selon E.S. Artom, ce nom est une corruption de Ben Chwa, devenu Bar Chwa en araméen puis Bar Sawa en grec ; alternativement, le Testament pourrait s’être inspiré du roi B-r-š-ʿ de Gomorrhe (Gn 14:2), que la Massora appelle Birsha mais la Septante Barsawa — cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 19
  23. La réunion de deux fragments des manuscrits de la Mer Morte, a elle aussi permis de former la phrase « ptil, c’est sa ceinture » — in (en) Nir Hasson, « Was Noah's Ark Shaped Like a Pyramid? Digitized Dead Sea Scrolls Reveal New Secrets », (consulté le )
  24. Cf. Himmelfarb 1984, p. 69-70 mais voir Blachman 2013, p. 116-117 pour laquelle ce voile nuptial pourrait représenter le seul élément rédempteur pour Thamar qui a peut-être l’intention de se marier et non de se prostituer avec Juda. Cependant, même dans ce cas de figure, qualifier cette coutume d’amorrite, place Thamar sur le même pied que les ennemis défaits par Juda.
  25. Considérer les ancêtres de Jésus comme étrangères n’allait pas de soi avant Philon: il n’y avait aucun doute pour Ruth et Rahab, désignées comme telles par la Bible même mais celle-ci restait silencieuse sur Thamar et Bethsabée. Heil 1991 avance d’ailleurs l’hypothèse que l’auteur de l’évangile selon Matthieu considérait Thamar et Bethsabée comme membres à part entière de la famille abrahamique, ce qui accentuerait d’autant plus leurs fautes que Ruth et Rahab avaient, bien qu’étrangères, agi correctement.
  26. L’édition Theodor-Albeck (p. 1030) porte « dernier asservisseur … premier rédempteur » qui serait Peretz lui-même. Shinan et Zakovitch 1992, p. 4 font remarquer que cette version est contredite par de nombreux manuscrits, plus difficile à comprendre et qu’elle ne s’accorde pas avec TanB Vayeshev 11
  27. Asnath est désignée en Gn 41:45 comme la fille du prêtre Poti-phera, et un midrash identifie ce dernier à son paronyme exécuteur-en-chef — GnR 86:3 (p. 1054), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 4
  28. GnR 85:4 (p. 1037) — J. Theodor signale la variante « elle l’appela Chêla — Pasqat », et l'explique par la proximité des racines k-z-b et š-l-ʾ, qui seraient toutes deux rendues par p-s-q. Shinan et Zakovitch 1992, p. 37 jugent toutefois la version tronquée: k-z-b exprime, au sens direct, le tarissement dont l’équivalent araméen est p-s-q et, au sens dérivé, la déception ou la tromperie dont la racine š-l-ʾ est proche en hébreu (cf. II Rois 4 où la Sunamite demande à Élisée de ne pas la « tromper », usant de la première racine en 4:16 et de la seconde douze versets plus loin) mais ne peut plus être traduite par p-s-q. Selon les mêmes, deux traditions s'affrontent (cf. les Targoumim sur le verset): l’une fait de Kezib une simple mention géographique, l’autre — à laquelle appartient le midrash — estime qu’elle enseigne allusivement la fin de la fertilité de Bat Choua (mais voir Daat Miqra, selon lesquels cette information serait en vérité fournie par le verbe vatossèf, porteur de la même ambiguïté que yassaf en Gn 38:26 — tous deux sont compris comme des ajouts alors qu’ils peuvent tout aussi bien signifier l’arrêt).
  29. Ce nom qui n’apparaît qu’ici résulte, selon le Minhat Yehouda, d’une corruption d’Aḥa bar Zeʿira
  30. La plupart des commentateurs du Midrash rapportent « ceux-là » aux gages perdus et retrouvés, qui sont à la fois à Juda et à Dieu mais « ceux-là » pourrait aussi désigner les jumeaux que porte Tamar car « il y a trois partenaires en l’homme: le saint, béni soit-il, le père et la mère » (T.B. Kiddoushin 30b) — Shinan et Zakovitch 1992, p. 163
  31. Bien que le destin des compagnons de Daniel soit lié à celui de Juda ou Tamar dans le Targoum des Néophytes et dans le Midrash, il s’agit de traditions interprétatives distinctes: dans le Targoum des Néophytes, Tamar « donne » les trois compagnons en échange des trois gages tandis que dans le Midrash, Juda « reçoit » les trois compagnons en échange de Tamar et ses enfants - cf. Hayes 1995, p. 177n6
  32. Dans un midrash consigné dans le Yalkout Shimoni sur Bemidbar 763 au nom du Yelamdenou, c’est avec le bâton de Juda que Jacob a traversé le Jourdain, que Moïse puis Aaron ont réalisé les prodiges devant le pharaon d’Égypte et devant les tribus d’Israël dans le désert, que David a terrassé Goliath, que tous les rois de Juda ont régné jusqu’à la destruction du temple et que le messie régnera sur les nations du monde (Shinan et Zakovitch 1992, p. 127). Bien que consignées plus tardivement que les écrits des pères, de nombreuses traditions orales rapportées au nom du Tanhouma ou du Yelamdenou sont plus anciennes, et leur ont servi de sources.
  33. L’équation entre les fils écarlates apparaît dans des traditions juives, conservées à la gueniza du Caire ou recueillies dans le Midrash Hagadol et le Sefer Hamaor, ce dernier voyant dans le fil un signe d’expiation des fautes, d’après Isaïe 1:18. La source de la tautologie serait un midrash perdu sur le livre des Proverbes (Shinan et Zakovitch 1992, p. 194-5).
  34. Rachi conclut sur base de calculs chronologiques que cette réponse contredit, plus encore que la première, le consensus rabbinique qui fait de Tamar la fille de Sem, car ce dernier meurt lorsque Jacob est âgé de cinquante ans et le mariage de Tamar ayant lieu soixante ans plus tard, c’est qu’elle n’est pas sa fille ou plus assez jeune pour ne pas exprimer son refus. Le Maharsha conteste ce commentaire, et comprend que Tamar indique simplement être orpheline de père à sa naissance. La majorité des autorités ultérieures se sont cependant rangées à l’avis de Rachi — Metivta Sota 10a[4-5] n60
  35. Shinan et Zakovitch 1992, p. 150 rapportent une tradition similaire exprimée dans un targoum tossefta sur Gn 44:18 où la plaidoirie de Juda qui se tient devant le vice-roi d’Égypte, devient une joute verbale qui menace de se faire physique — lorsque Juda se dit animé par le feu de Sichem, Joseph lui répond qu’il peut l’éteindre avec le feu dans lequel Juda a voulu brûler sa bru.
  36. Lieber propose une lecture alternative où l’épithète élogieux serait adressé à celle dont le Midrash a fait la fille du roi-prêtre Sem (Lieber 2010, p. 670-671)

Références[modifier | modifier le code]

  1. (he) Yoel Bin-Nun, « Mivsta ha’hilouts shel Perets » [« L'opération de sauvetage de Perets »], sur 929 - Tana"kh beya’had, (consulté le )
  2. Levenson 2016
  3. Da’at Mikra sur Bereshit 37-50, p. 76-77 ; voir aussi Zakovitch 2005, p. 130-131
  4. Shinan et Zakovitch 1992, p. 218
  5. Samet 2003, Shinan et Zakovitch 1992, p. 207-219 ; sur l’usage du terme vatekhas (« elle se couvrit ») dans le verset 38:14 contre vatilbash (« elle se vêtit ») du verset 38:19, voir Huddlestun 2001
  6. a et b Warning 2000
  7. Alexander 1999
  8. Samet 2003, cf.Shinan et Zakovitch 1992, p. 219, Hayes 1995, p. 66 et Menn 1997, p. 43-44
  9. Alter 1975
  10. Shinan et Zakovitch 1992, p. 208 & 220
  11. a et b Shinan et Zakovitch 2009, p. 133-4
  12. Voir cependant Kugel 2007 qui relativise la portée de ces parallèles
  13. a et b Shinan et Zakovitch 1992, p. 208-212, cf. Brayford 2007, p. 399 &Alter 2004, p. 145n7
  14. Bazak, Yehudah and Tamar & Menn 1997, p. 20-21 & 38-39, voir aussi Bazak 2013, p. 140
  15. Shinan et Zakovitch 1992, p. 221 & Kraut 2018
  16. Ravid 2009, p. 167-168
  17. a b c et d Grossman, Background
  18. a b et c (en) Nehama Leibowitz, « Yehuda and Tamar », sur Lookstein.org (consulté le )
  19. Huddlestun 2002, Shinan 2008
  20. Kraut 2018 mais voir Alter 2004, p. 147n16
  21. a et b Barkaï 2007, Bazak 2013, p. 141-144
  22. Cf. Zucker 2011
  23. Rendsburg 2003, p. 53 & Adelman 2011
  24. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 223-224 & Hilbrands 2007, p. 26-27
  25. Shinan et Zakovitch 1992, p. 205, 218-219 & 223-224, Brayford 2007, p. 402
  26. Alexander 1999, p. 265
  27. Carmichael, cité in Hilbrands 2007, p. 32-33
  28. Menn 1997, p. 79-82
  29. a et b Halakhot vehalikhot besefer Bereshit, p. [69]
  30. Shinan et Zakovitch 1992, p. 229-231, voir aussi Friedman 1990, p. 32 & Gibson 2014
  31. Klitsner, Literary Parallels
  32. Shinan et Zakovitch 1992, p. 62
  33. Van Wolde 1997, p. 434-437
  34. Menn 1997, p. 33
  35. Halakhot vehalikhot besefer Bereshit, p. [70]
  36. Shinan et Zakovitch 1992, p. 224
  37. Adelman 2012, voir aussi Kaniel 2014 & Kaniel 2014a
  38. Cf. Rendsburg 1986 & Geoghegan 2006, p. 58
  39. Galpaz-Feller 2008, Bazak 2013, p. 149-161
  40. Shinan et Zakovitch 1992, p. 228-229, Geoghegan 2006 & Kaminsky 2014, p. 119
  41. Zvi Ron 2013
  42. Geoghegan 2006
  43. Shinan et Zakovitch 1992, p. 231
  44. a et b Paul 2001, p. 41
  45. a et b Emerton 1975
  46. Shinan et Zakovitch 1992, p. 43-44
  47. Harl 1986, p. 265, Shinan et Zakovitch 1992, p. 115 & Wevers 1993
  48. a et b Cf. Robinson 1977, Shinan et Zakovitch 1992, p. 213 & Huddlestun 2001
  49. a b et c Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 240-241 & 243, Menn 1997, p. 28-48, Reif 2009, p. 226 & Kadari 2009
  50. a et b Shinan et Zakovitch 1992, p. 81 & Tal 2016, p. 170* (sic)
  51. Cf. Tov 2008
  52. Wevers 1993, p. 631
  53. Wevers 1993, p. 632
  54. Cf. Artman et Kaniel 2020, p. 127
  55. Cf. Zipor 2006, p. [465]n1,3&4
  56. Cf. Wevers 1993, Huddlestun 2001 & Zipor 2006
  57. D’après Daat Mikra & Zipor 2006, p. [464] mais selon Dahan 2015, p. 10, cette distinction serait propre à l’hébreu moderne
  58. Shinan et Zakovitch 1992, p. 80 & Werman 2015, p. 493
  59. a et b Shinan et Zakovitch 1992, p. 27-30, 35-42 & 209, voir aussi Lambe 1999, p. 55-56
  60. Brayford 2007, p. 398
  61. Wevers 1993, p. 638-639
  62. a et b Brayford 2007, p. 400
  63. Wevers 1993, p. 642
  64. Brayford 2007, p. 401, d’après Westermann 1986, p. 54
  65. Shinan et Zakovitch 1992, p. 2 & 43
  66. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 49
  67. Shinan et Zakovitch 1992, p. 215, Werman 2015, p. 493
  68. Sur les unions hors du judaïsme considérées dans le livre des Jubilés comme un acte de sexualité immorale, voir Loader 2007, p. 155-195, en particulier 186-190
  69. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 18 & Halpern-Amaru 1999, p. 113-114, cités in Dimant 2012, p. 792, Zucker et Reiss 2015, p. 197
  70. Segal 2007, p. 18 & 48-51
  71. Dimant 2012, p. 790
  72. Segal 2007, p. 51-52
  73. Wassén 1994, p. 361
  74. Shinan et Zakovitch 1992, p. 172-173 & Hayes 1995, p. 68
  75. a et b Vayntrub 2020
  76. Aubin 2001
  77. a et b Petit 1987, p. 78-79 & 107 mais voir Shinan et Zakovitch 1992, p. 102
  78. Petit 1987, p. 79-81 ; sur la conversion de Thamar, voir Feldman 2006, p. 248-249
  79. Petit 1987, p. 80-81, Shinan et Zakovitch 1992, p. 50
  80. a et b Cf. Ranocchia 2008, en particulier p. 95
  81. Petit 1987, p. 81, Shinan et Zakovitch 1992, p. 64
  82. Petit 1987, p. 81 & 86-87, Blachman 2013, p. 144-145
  83. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 109
  84. a et b Sur la fécondation de l’âme par Dieu, voir De Cherubim, § 43-48, cf. Sly 1990, chap. 5 & 8
  85. Petit 1987, p. 81-87
  86. Goldin 1977, p. 28, suivi par Kronholm 1991
  87. Cf. Harl 1986, p. 265, Petit 1987, p. 81 & 108
  88. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 93 & Blachman 2013, p. 147 ; voir aussi les notes d’Esther Starobinski-Safran à De Fuga pour un inventaire des relations entre Philon et les autres traditions juives
  89. Cf. Loader 2011
  90. Blachman 2013, p. 134-154
  91. Hilbrands 2007, p. 56-58
  92. Feldman 2006, p. 110
  93. Petit 1987, p. 89
  94. Feldman 2006, p. 291
  95. Polaski 1995, voir aussi Petit 1987, p. 90, Wassén 1994, p. 362-364, Loader 2011, p. 264-268, Zucker et Reiss 2015, p. 199-200
  96. Shinan et Zakovitch 1992, p. 1-2
  97. TPJ & TO sur Gn 38:2, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 17-18, Reif 2009, p. 230 & Elitzur, Royal propaganda
  98. TPJ sur Gn 38:5, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 27, 31 & 36, voir Bloch 1955, p. 383
  99. Shinan et Zakovitch 1992, p. 48-49
  100. Shinan et Zakovitch 1992, p. 58, 62-63 & 69
  101. Shinan et Zakovitch 1992, p. 80-81
  102. Shinan et Zakovitch 1992, p. 89-90
  103. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 101-102, Huddlestun 2001, p. ***
  104. Shinan et Zakovitch 1992, p. 119
  105. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 138-139
  106. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 149-150
  107. Cf. Hayes 1995, p. 78-80, Menn 1997, p. 223-229 & 270-273, Menn 1998 & Adelman 2013
  108. TO, TN & TPJ s.v. Gn 38:25, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 160-161 & 170-172, Menn 1997, p. 223-229 et voir Hayes 1995, p. 70-73 & 76-77 ; sur la décomposition de tzadka mimeni, voir aussi Frymer-Kensky 2009 qui considère cette version comme une lecture alternative mais entièrement légitime du verset.
  109. Adelman 2013
  110. Blachman 2013, p. 94-99
  111. Cf. Chwat 2017
  112. Lewis Barth, Midrashic Enterprise, cité in Blachman 2013, p. 159
  113. Sifre Devarim 260, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 140
  114. Tossefta Nidda 1:7, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 151
  115. Shinan et Zakovitch 1992, p. 122 & Reif 2009, p. 227
  116. Mekhilta deRabbi Ishmael Beshallah 5 (106), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 174-176, Sifrei Devarim 348:1, Tossefta Berakhot 4:18 & Mekhilta deRabbi Shimon Beshallah 14:22, in Hayes 1995, p. 178 & 180-181
  117. Seder Olam Rabba chapitre 2, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 3
  118. a et b GnR 87:10 (p. 1070-1071) , cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 123, Ilan 1994, p. 39-41 & Posen, Reuben ; pour une discussion sur l’origine authentiquement tannaïtique des sept dialogues de Matrona et Rabbi Yosse mentionnés dans Genèse Rabba et le corpus de ces traditions en général, voir (en) Tal Ilan, « Matrona and Rabbi Jose: An Alternative Interpretation », Journal for the Study of Judaism, vol. 25,‎ , p. 18-51 (lire en ligne, consulté le )
  119. Shinan et Zakovitch 1992, p. 122 & 234, Feldman 2006, p. 292, Blachman 2013, p. 157
  120. a et b Cf. Adelman 2013
  121. Comp. Ruth Zoutta s.v. Ruth 1:17, cf. Chwat 2017
  122. Cf. Chwat 2017, qui estime que le jeu sur moutset/motset provient d’une lecture volontairement faussée du texte hébraïque consonantique.
  123. Tossefta Sota 9:3, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 174
  124. Comp. Mishna Yoma 8:9, Sifra A’harei Mot chap. 8:1-2 & Mekhilta deRabbi Shimon 32:12, cf. Chwat 2017
  125. Comp. Sifre Devarim 80 & 333, Tossefta Avoda Zara 4:3, Chwat 2017
  126. Kronholm 1991, p. 157
  127. Marguerat 2016, p. 128
  128. Massey 1991, p. 74-89, en particulier 74 & 85
  129. Cf. Petit 1989, p. 146-7
  130. Shinan et Zakovitch 1992, p. 199, Kaniel 2014a, p. x
  131. Kaniel 2014a, p. y
  132. Miller 2008
  133. Siker 2015, p. 66-7
  134. Cf. Menn 1997, p. 84-85n156, voir aussi Miller 2008
  135. Anderson 1987, p. 188 & Heil 1991, voir aussi Hilbrands 2006, p. 79
  136. Maori 1995, p. 9-10 & Lund 2012
  137. Cf. Petit 1987, p. 110-112, (en) J.R. Davila, « A Difficult Case: The Testaments of the Twelve Patriarchs », sur University of St Andrews School of Divinity, (consulté le ), Veldt 2007, p. 117 et seq. & Opoku-Gyamfi 2014. Pour ce qui concerne le T. Juda, voir Menn 1997, p. 112, en particulier n17
  138. a et b Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 6
  139. Menn 1997, p. 110-115 & 359, voir en particulier p. 113n19
  140. Juges 14:5-6 & 1 Samuel 17:34-37, cf. Menn 1997, p. 121-2
  141. Cf. Menn 1997, p. 128
  142. Menn 1997, p. 132-3
  143. Himmelfarb 1984, p. 69
  144. Ravid 2002
  145. TB Sanhédrin 107a, cf. JE
  146. Menn 1997, p. 116-7
  147. Menn 1997, p. 358-360
  148. Menn 1997, p. 108, Rosen-Zvi 2006 & Blachman 2013, p. 117.
  149. Cf. Blachman 2013, p. 117
  150. a et b Simkovich 2018
  151. Irshai 2011, p. 22
  152. Cf. Petit et Menn ; sur le caractère messianique de Genèse Rabba, voir de Lange 1989
  153. a et b Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 240-242 & 246 & Blachman 2013, p. 200
  154. Strouma 2005
  155. a et b Petit 1989, p. ***
  156. Mimouni 2018, p. 149
  157. Alexander 1992, p. 3
  158. a b et c Cf. Petit 1989, p. 151-2
  159. Petit 1989, p. ***, Hilbrands 2007, p. 85 & de Lange 2012
  160. Fredriksen 2003
  161. Stroumsa 2015, p. 103-104
  162. a et b HUJ, p. 64-65 & 68-69 & (en) « Ancient Jewish History: The Babylonian Jewish Community », sur The Jewish Virtual Library (consulté le )
  163. Cf. Kalmin 2021
  164. D’après Botha 1995, p. 23 mais voir Herman et Rubinstein 2018, p. xxii-xxvi pour un examen plus approfondi sur la question
  165. Fredriksen et Irshai 2015
  166. Botha 2006, Wickes 2008 & Monnickendam 2020
  167. a et b Kamczyk 2018, p. 51
  168. (en) Walter Laqueur, The Changing Face of Antisemitism : From Ancient Times To The Present Day, Oxford University Press, , p. 48
  169. Bauckham 1995, Smit 2010 & Marguerat 2016, p. 128 & 164
  170. Cf. Markschies 1994 & Loader 2008
  171. Cf. Hilbrands 2007, p. 111-113
  172. Cf. Elitzur, Royal propaganda & Segal 2007 pour Gn 38, voir (en) Ronit Nikolsky et Tal Ilan, Rabbinic Traditions between Palestine and Babylonia, Leiden, Brill, , 377 p. (ISBN 978-9004267893, présentation en ligne) pour un aperçu plus général
  173. Bar-Asher Siegal 2020
  174. a et b Malkiel 2006
  175. Shinan et Zakovitch 1992, p. 44
  176. Ayala Loewenstamm, « Baba Rabbah », dans Encyclopedia Judaica (2d edition), Detroit, Macmillan Reference, (lire en ligne)
  177. Tevat Marka 136b, in Ben-Hayyim 1988, p. [196]-[197], cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 44
  178. Tal 2016, p. 170* (sic)
  179. Tsedaka et Sullivan 2013, p. 91
  180. « Jerusalem Talmud », dans Encyclopedia Judaica (2d edition), Detroit, Macmillan Reference, (lire en ligne)
  181. TJ Ketoubot 7:5 (31b), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 51
  182. TJ Sota 1:8 (17a), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 86
  183. a et b TJ Ketoubot 13:1 (60a) & Sota 1:4 (4a), BR 85:7, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 93
  184. TJ Yebamot 4:11 (6a) & TJ Nidda 1:3 (49a), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 152
  185. TJ Sota 1:4 (5b), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 175
  186. a et b T.J. Kiddoushin 4:2 (37b) & Baba Batra 3:1 (3a), BR 85:13 (p. 1048) in Shinan et Zakovitch 1992, p. 194
  187. Blachman 2013, p. 159
  188. GnR 92:9 (p. 1148-1149), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 123-4
  189. Shinan et Zakovitch 1992, p. 47 & 2**
  190. a et b Cf. (he) Isaak Heinemann (he), Darkei HaAggada [« The Methods of the Aggada »], Jérusalem, Magnes Press,‎ , 2e éd. (1re éd. 1954), p. 64 et seq. & Shinan et Zakovitch 1992, p. 246
  191. GnR 85:2 (p. 1030), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 4
  192. GnR 85:1-3 (p. 1030-1034), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 4-5 (L’édition Theodor-Albeck signale que plusieurs versions omettent le membre entre crochets)
  193. GnR 85:3 (p. 1034), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 5
  194. GnR 85:1 (p. 1030), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 3
  195. GnR 85:1 (p. 1030), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 4 & Reif 2009, p. 228
  196. GnR 85:2 (p. 1033), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 5
  197. GnR 85:1 (p. 1029), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 3
  198. GnR 85:2 (p. 1033-1034), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 5
  199. GnR 85:4 (p. 1035-1036), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 5-6
  200. GnR 85:4 (p. 1036), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 19 & 21
  201. GnR 85:4 (p. 1037), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 27-28, 31-32, 36-37 & Petit 1987, p. 90
  202. a et b GnR 85:8 (1041-2), in Shinan et Zakovitch 1992, p. 102-3
  203. Menn 1997, p. ***
  204. GnR 85:4 (p. 1037), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 51
  205. GnR 85:5 (1038), LvR 2:10, PdRK 12:1 & CantR 1:2, §5, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 59 & Kadari 2009
  206. GnR 85:5 (p. 1039), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 64
  207. a et b Cf. Friedman 1990, cité in Menn 1997, p. 46 (note 45) & 47 (n. 47)
  208. GnR 85:5 (p. 1039), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 74
  209. Steinberger 1988, p. 440 & Shinan et Zakovitch 1992, p. ***
  210. GnR 85:6 (p. 1039-1040), cf. Petit 1987, p. 93, Shinan et Zakovitch 1992, p. 82 & 86, Menn 1997, p. 331 & Elitzur, Royal propaganda
  211. GnR 85:7 (p. 1040), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 94 ; sur la parenté textuelle de Rebecca avec Tamar, voir Adelman 2011 ; sur la tendance du Midrash à justifier les comportements a priori condamnables des femmes de la Bible lorsqu’elles veulent perpétuer la lignée d’Israël, voir Menn 1997, p. 340n141 & Blachman 2013, p. 163-165
  212. GnR 85:9 (1043), cf. Emmanueli 1973, p. 25-32, Shinan et Zakovitch 1992, p. 123, Kadari 2009 & Reif 2009, p. 228-9
  213. Cf. Hayes 1995, p. 181-185 & Reif 2009, p. 228-229
  214. GnR 85:9 (1043), in Shinan et Zakovitch 1992, p. 116, cf. ibid p. 136
  215. GnR 85:10 (1043-4) & 95:8, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 151-2 & Kadari 2009
  216. GnR 85:10 (1043-4), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 152-4 & Hayes 1995 ; voir aussi Ruth Rabba 8:1 où l’ascendance sémite de Tamar est utilisée pour défendre la légitimité de la dynastie davidique, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 44
  217. BR 85:11 (1044-5), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 162 & 164 & Menn 1997, p. 224-225
  218. GnR 85:11 (1045), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 163
  219. GnR 85:12 (version courante & version D), p. 1045, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 176 & 180 et voir Hayes 1995, p. 182-183
  220. GnR 71:5 (828) & 85:12 (1045), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 176 & Hayes 1995, p. 174-175 & 182-183
  221. a et b GnR 97 (1216), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 176 et voir Hayes 1995, p. 177 qui cite TB Sanhédrin 79a
  222. CantR 7:8, §13 & 7:9, §1, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 177
  223. GnR 97:8 (1207) & 99:9 (1279), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 153 & 177 & voir en particulier Hayes 1995, p. 177-179
  224. GnR 85:13 (1048), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 190-191
  225. GnR 96 (1236), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 124
  226. GnR 79:1 (p. 937), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 122
  227. GnR 99:8 (1279), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 124
  228. GnR 98:8 (1257), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 177
  229. BR 85:14 (1049), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 199
  230. GnR 85:14 (1049-50), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 203-4
  231. Cf. de Lange 2007, p. 275
  232. Petit 1989, p. 145 & Reif 2009
  233. a b et c Elitzur, Royal propaganda
  234. Reif 2009, p. 225
  235. Cf. (en) Roger E. Olson, The Story of Christian Theology : Twenty Centuries of Tradition and Reform, Downers Grove, Illinois, InterVarsity Press, , 168 p. (ISBN 978-0-8028-4827-7, lire en ligne), p. 102 & (en) Edward J. Watts, City and School in Late Antique Athens and Alexandria, University of California Press, , 303 p. (ISBN 978-0-5202-5816-7, lire en ligne), p. 161-166
  236. Cf. Niehoff 2016 pour une illustration de leur chassé-croisé exégétique
  237. cf. DEJ, p. 781-2, Kronholm 1991, p. 151
  238. a et b Cf. Hilbrands 2007, p. 98-99
  239. a et b Dialogue avec Tryphon 111:4, in Petit 1989, p. 150
  240. a b et c Tertullien, Toilette des femmes 160, in Hilbrands 2007, p. 91
  241. Adversus haereses IV 16:1 & 25:1-2, in Petit 1989, p. 150 & Hilbrands 2007, p. 99, 106-107
  242. In Petit 1989, p. 153
  243. Homélies sur Sam 5.2, cf. Hilbrands 2007, p. 102 & Petit 1987, p. 113
  244. Homélies sur Lv 5.4, in Hilbrands 2007, p. 101
  245. Commentaire sur l’épître aux Romains, cf. Hilbrands 2007, p. 103
  246. Commentaire sur le Cantique 1.376, cf. Hilbrands 2007, p. 91-92 & 102
  247. Stromates I 31:6, cf. Petit 1989, p. 150 & Hilbrands 2007, p. 100
  248. Homélie 28 sur l’évangile selon Luc, cf. Petit 1989, p. *** & Hilbrands 2007, p. 85
  249. Commentaire sur le Cantique 2,7:10-16, cf. Hilbrands 2007, p. 102 & Soto Varela 2018, p. 415-416
  250. Homélie sur Lv 8.10 & Commentaire sur Matthieu, in Petit 1989, p. 153-155 & Hilbrands 2007, p. 101-103
  251. Preparatio Evangelica 9:21, in Hilbrands 2007, p. 83-84
  252. Onomasticon, in Hilbrands 2007, p. 80-83
  253. Panarion XXVI.11:10-11 (Selom) & LXIII.1:3-7 (Aunan), in Hilbrands 2007, p. 93-94 ; voir aussi les conclusions de Grelot 1999
  254. a et b Homélie 62 sur la Genèse, cf. Sheridan et Oden 2002, p. 243
  255. Eusèbe, Questions à Stéphane, édition Pearse 2010, p. 47-48, cf. Hilbrands 2007, p. 85
  256. a et b Hebraice quaestiones 46, in Hilbrands 2007, p. 82
  257. Eusèbe, Questions à Stéphane 7:3-7, cf. Hilbrands 2007, p. 107-108
  258. Petit 1987, p. 106-107
  259. Talmud de Babylone traité Sanhédrin, page 102, folio a (= TB Sanhédrin 102a, p. 1130 de l’l’Ein Yaakov, édition Verdier), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 6 ; le Torah Shelema p. 1443n[3], suivi par Reif 2009, p. 236 et Blachman 2013, p. 187n11, lie le passage aux punitions qui s’abattent sur Juda en raison de ses fautes.
  260. a et b TB Sota 13b (765), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 6 & Reif 2009, p. 228-9
  261. TB Pessahim 50a, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 21 & Blachman 2013, p. 187-188
  262. TB Yebamot 34b, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 51-52
  263. TB Nidda 13a & b (1356 & 1358), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 70-71
  264. TB Yebamot 59a, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 75
  265. Mishna Sota 2:3, cf. Adelman 2012, p. 17n26
  266. TB Sota 10a (746), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 86 (sur la parenté littéraire entre Gn 38 et le cycle de Samson, voir ibid., p. 229-230) & S.C. Reif, p. 230
  267. a et b TB Sota 10a (746), cf. Petit 1987, p. 103, Shinan et Zakovitch 1992, p. 94, Kadari 2009 & Blachman 2013, p. 189
  268. TB Nazir 23a & Horayot 10b, cf. Petit 1987, p. 102-3, Shinan et Zakovitch 1992, p. 103, Bronner 1993, p. 38-40 & Blankovsky 2014, traduction d’après ce dernier qui suit Rachi et les Tossafistes. Kaniel 2013, p. 36 estime cependant que le sens originel, et non légal, de lishma est « dans une bonne intention »
  269. TB Sota 10a, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 94
  270. TB Meguila 10b (***) et Sota 10b (***), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 103, Kadari 2009 & Blachman 2013, p. 190
  271. TB Yebamot 34b avec les commentaires du Meʾiri et du Ritva ad loc, cf. Petit 1987, p. 101, Shinan et Zakovitch 1992, p. 124 & Blachman 2013, p. 186
  272. TB Houllin 113a-b, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 136
  273. TB Nidda 8b, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 152
  274. TB Avoda Zara 36b, cf. Petit 1987, p. 101 (selon laquelle cette opinion est démentie par TB Sanhédrin 52b, qui réserve la pénalité du bûcher à la fille adultère d’un prêtre) & Shinan et Zakovitch 1992, p. 153
  275. TB Sota 10b, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 163 & Gebhard 5758, p. ***
  276. a et b TB Sota 10b, cf. Petit 1987, p. 103-4, Shinan et Zakovitch 1992, p. 163 & Projet 929. Selon Gebhard 5758, p. 50, Tamar ressemble à la colombe qui face à l’abatteur, tend le cou en silence, d’autant plus qu’elle ne veut pas faire pâlir Juda en public ; mesure pour mesure, Tamar a mérité, en salaire de yonat ʾelem, David makh-tam.
  277. Blachman 2013, p. 192
  278. TB Sota 10b (ainsi que TB Berakhot 43a, Baba Metsia 59a & Ketoubot 67b qui rattachent cependant noa’h lo à Gn 38:24), cf. Petit 1987, p. 104-5 & Shinan et Zakovitch 1992, p. 161-2
  279. TB Meguila 25b & TB Sota 7b, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 122 & 178
  280. TB Sota 10b (749), cf. Petit 1987, p. 106 & Shinan et Zakovitch 1992, p. 178-179
  281. TB Sota 10b (version courte) & Makkot 23b (version longue), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 179-180 & 238, Hayes, p. 183 & S.C. Reif, p. 236
  282. TB Nidda 28a, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 194
  283. C. Hayes, p. 177 & 183
  284. Alexander 2009
  285. Reif 2009, p. 229 mais voir Shinan et Zakovitch 1992, p. 178 qui suivent les commentateurs traditionnels, et comprennent que Juda est en exil dans le monde présent et à venir après s’y être condamné lorsqu’il a fait vœu à son père de ne plus jamais reparaître devant lui s’il ne ramenait pas Benjamin, et ce bien qu’il ait rempli les conditions pour son retour.
  286. TB Sanhédrin 81b-82a, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 94 & Metivta Sota 10a[4] n58
  287. a et b Reif 2009, p. 231-232
  288. Segal 2007
  289. (Blachman 2013, p. 191) et Blankovsky 2014
  290. Kaniel 2013
  291. Kiel 2016
  292. TB Qiddoushin 81b d’après Naeh 1997, Schremer 2007 (sur le caractère anti-ascétique du passage), Kaniel 2013 & Bar-Asher Siegal 2020 ; Feintuch, Disguise and Disaster compare les deux histoires sans référence au syro-christianisme.
  293. Cf. Romeny 1997 & Romeny 2014
  294. Cf. Monnickendam 2015
  295. Éphrem, CGn 34.1, in McVey 2010, p. 182
  296. Éphrem, CGn 34.2, in Sheridan et Oden 2002, p. 243, Wickes 2008, p. 58 & McVey 2010, p. 183
  297. Éphrem, CGn 34.3, in McVey 2010, p. 183
  298. Éphrem, CGn 34.4, in Sheridan et Oden 2002, p. 243-244, cf. Wickes 2008, p. 58, McVey 2010, p. 184 & Monnickendam 2020
  299. Éphrem, CGn 34.5, in McVey 2010, p. 184
  300. Éphrem, CGn 34.6, in Sheridan et Oden 2002, p. 245 & McVey 2010, p. 184-5
  301. Wickes 2008, p. 48
  302. Botha 1995 & Wickes 2008
  303. Botha 1995
  304. Cf. Wickes 2008, p. 58 & Monnickendam 2020
  305. Wickes 2008, p. 59
  306. Harvey 2010
  307. Kronholm 1991 & Botha 2006
  308. Botha 2014
  309. Botha 1990 mais voir Narinskaya 2010 qui soutient, sur base de comparaisons entre Éphrem de Nisibe et Théodoret de Cyr, que cet antijudaïsme, fruit des circonstances, ne serait devenu rabique qu’après sa récupération par les générations ultérieures
  310. Botha 2006
  311. a et b Brock 2002, p. 306
  312. Harvey 1998
  313. (en) Shaye D. Cohen, « Jews and Judaism in Antioch as Portrayed by John Chrysostom and the Rabbinic Sages », dans Markus Witte, Jens Schröter & Verena M. Lepper, Torah, Temple, Land: Constructions of Judaism in Antiquity, Tübingen, Mohr Siebeck, (ISBN 978-3-16-159853-1, lire en ligne), p. 257-275
  314. Hilbrands 2007, p. 89-90
  315. Cf. Hilbrands 2007, p. 94
  316. a b et c Homélies sur la Genèse 62, Glaphyra sur la Genèse 6.1 & Sur saint Luc III:17-19, in Sheridan et Oden 2002, p. 243-244
  317. Homélie sur Gn 62, in Sheridan et Oden 2002, p. 246-247
  318. Cf. Monnickendam 2020
  319. Cf. Petit 1989, p. 153-5
  320. a et b Cf. Hilbrands 2007, p. 99 & 107-108 & Pomeroy 2021, p. 236-237
  321. Hill 2006, p. 199n6
  322. Quaestiones in Heptateuchum 1128, in Hilbrands 2007, p. 83-84
  323. In Shinan et Zakovitch 1992, p. 31 & 36, cf. Hayward 1995, p. 221-222 & Hilbrands 2007, p. 61
  324. Liber interpretationis Hebraicorum nominum 11:21-22, in Hilbrands 2007, p. 82-83
  325. Contra Faustum XXII:86, cf. Hilbrands 2007, p. 112 qui n’indique pas l’étymologie & Blachman 2013, p. *** qui l’indique lorsqu’elle passe en revue les paronomases midrashiques de Genèse Rabbati
  326. Shinan et Zakovitch 1992, p. 18
  327. Tractatus 1.13:4, in Hilbrands 2007, p. 104 & Kamczyk 2018, p. 46-47
  328. a b et c Contra Faustum XXII:84, cf. Hilbrands 2007, p. 97
  329. Shinan et Zakovitch 1992, p. 49
  330. Grelot 1999, p. 143-145 & 155
  331. Shinan et Zakovitch 1992, p. 18, 63 & 70, Hilbrands 2007, p. 94
  332. De adulterinis coniugiis 2:12, cf. Hilbrands 2007, p. 98
  333. Traité I.13:5-6, cf. Hilbrands 2007, p. 104 & Kamczyk 2018, p. 48-50
  334. Shinan et Zakovitch 1992, p. 73
  335. Traité I.13:7, in Hilbrands 2007, p. 104 & Kamczyk 2018, p. 50-51
  336. a et b Traité 1.13:7-8, cf. Hilbrands 2007, p. 104
  337. a et b Contra Faustum 22:85, cf. Hilbrands 2001, p. 112
  338. Kamczyk 2018, p. 45
  339. Tal 2016, p. 171* (sic)
  340. Onomasticon s.v. Ainan & De situ et nominibus locorum hebraicorum s.v Ænam, in Hilbrands 2007, p. 80-82
  341. a et b Ambroise, Sur saint Luc III:17-19, édition Cerf 1956 cf. Hilbrands 2007, p. 87-89
  342. Hayward 1995, p. ***, Shinan et Zakovitch 1992, p. 91 & 133
  343. Commentaire sur Matt 1:3, in Hilbrands 2007, p. 89
  344. Traité I.13:4-8, cf. Hilbrands 2007, p. 105 & Kamczyk 2018, p. 51-53, 56-57
  345. Contra mendacium II.14:30, cf. Hilbrands 2007, p. 96
  346. Contra Faustum XXII:63-64 & 83-85, cf. Hilbrands 2007, p. 96-97 & 111-113
  347. a et b Traité 1.13:9, in Kamczyk 2018, p. 52
  348. Shinan et Zakovitch 1992, p. 108
  349. Shinan et Zakovitch 1992, p. 115
  350. a et b Shinan et Zakovitch 1992, p. 120
  351. Dialogue avec Tryphon 86:6 & Traité 1.13:10, in Petit 1989, p. 150, Hilbrands 2007, p. 86-87 & 98-99, Descourtieux 2009, p. 369 & Kamczyk 2018, p. 53-54
  352. Expositio 3:20, cf. Hilbrands 2007, p. 108
  353. a et b Contre Fauste XXII:86, in Hilbrands 2007, p. 113
  354. Cf. Kamczyk 2018, p. 58
  355. Shinan et Zakovitch 1992, p. 135
  356. Traité I.13:12, cf. Kamczyk 2018, p. 57
  357. Shinan et Zakovitch 1992, p. 139 & 143
  358. a et b Adversus Jovinianum I.20 & In veteri via novam (Sancti Eusebii Hieronymi Epistulae, 123), cf. Sheridan et Oden 2002, p. 247 & Hilbrands 2007, p. 94-96
  359. Shinan et Zakovitch 1992, p. 146
  360. Barr 1982
  361. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 150 & Barr 1982
  362. a et b Traité I.13:12-13, in Hilbrands 2007, p. 105 & Kamczyk 2018, p. 58
  363. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 161 & 172
  364. De Penitentia II.8:73-77, in Hilbrands 2007, p. 93
  365. Augustin, Contra Faustum 691, in Hilbrands 2007, p. 112-113
  366. Tractatus 1,13,13 in Hilbrands 2007, p. 105-106
  367. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 190 & Barr 1982
  368. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 190, 194 & 199
  369. Apologia David 11-12 & Expositio 3:20-24, cf. Hilbrands 2007, p. 108-110
  370. Commodien, Instructiones, Livre premier, poème 39, cf. Petit 1989, p. 149
  371. Petit 1989, p. 153-157
  372. Mircea Eliad, Dictionnaire des religions, Paris, Pocket, coll. « Agora », , 364 p. (ISBN 2-266-05012-5), p. 129.
  373. Cf. McGrath 1998, p. 17-24
  374. Cf. Brock 2002
  375. Folgerø 2017
  376. a et b Constas 2021
  377. de Lange 2005
  378. a et b Cf. Nikolsky 2021
  379. de Lange 2007, p. 277-278
  380. Freidenreich 2003, p. 353-4
  381. Sur l’importance l’image dans le judaïsme de l’antiquité tardive, cf. (en) Israel L. Levin, Visual Judaism in Late Antiquity : Historical Contexts of Jewish Art, New Haven, Connecticut, Yale University Press, .
  382. Cf. Beach 1997
  383. Leone 2014
  384. Olav Folgerø 2017
  385. Meyer 2011, p. 989-991
  386. Elkhoury 2017, p. 15 & 24-25
  387. Brock 2002, p. 293-302
  388. Brock 2002, p. 304-306
  389. Notamment de Lange 2009, p. 404
  390. Atzmon 2009
  391. TanB Vayeshev 11:3, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 7
  392. TanB Vayeshev 8 & 12:1, comp. Tan Ki Tissa 22, ExR 42:3 & DtR 8:4 — Shinan et Zakovitch 1992, p. 4 & 7 & Reif 2009, p. 227-228
  393. a et b ExR 15:27, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 64-65
  394. TanB Vayigash 10 & Tan Vayigash 9:3, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 8
  395. TanB Vayeshev 8 & 12, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 244-245 & Reif 2009, p. 228
  396. Shinan et Zakovitch 1992, p. 109-110
  397. Reif 2009, p. 235
  398. TanB Vayeshev 17 & midrash inclus en préface, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 164-165 & Menn 1997, p. 224-225
  399. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 153 & 181 & Hayes 1995, p. ***
  400. Elizur 2007, p. 72-76
  401. Tan Ki Tetse 10 & TanB Vayeshev 13, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 125
  402. Selon Lieber 2010, p. 669 mais voir Shinan et Zakovitch 1992
  403. a et b Lieber 2010, p. 668-676
  404. Shinan et Zakovitch 1992, p. 23, 28, Blachman 2013, p. 214 (& voir 210)
  405. Elizur 1993, p. 138-140
  406. Elizur 1993, p. 46-48
  407. Cf. Hilbrands 2007, p. 127-128
  408. AgB 60 (124), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 8
  409. AgB 62-64 (127-129), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 8-9, 52 & 83
  410. ExR 30:19, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 153-4 & 181
  411. DeutR (éd. Lieberman) p. 72, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 181
  412. AgB 27 (55), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 126
  413. Midrash Tehillim 101:2, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 104
  414. Mishnat Rabbi Eliezer 15, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 181-182
  415. AgB 38 (67), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 183
  416. EstR 7:11, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 190-191
  417. AgB 63 (129), cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 200
  418. Shinan et Zakovitch 1992, p. 89
  419. Rashbam s.v. Gn 38:21, cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 91 & 97
  420. a b et c Freidenreich 2003, p. 368-372, cf. Friedman 1990, p. 57 & sq.
  421. a et b Blachman 2013, p. 223-4
  422. Meri et Bacharach 2006, p. 646-7
  423. Golstein 2011, p. 92-93 & 189-190
  424. Zoref 2016
  425. Cf. Friedman 1990 & Erder 1994 ; sur la méthode exégétique de Yefet, et son rapport aux sources rabbiniques ainsi qu’à Saadia Gaon, voir (en) Michael Wechsler, The Arabic Translation and Commentary of Yefet ben 'Eli the Karaite on the Book of Esther : Edition, Translation, and Introduction, Brill, coll. « Karaite Texts and Studies / Études sur le judaïsme médiéval » (no 1), , 476 p. (ISBN 978-904743236-4, lire en ligne), p. 58-70
  426. Zoref 2016, p. ***
  427. Etzion 2010
  428. Lawee 2007
  429. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 10 & 12-13
  430. Cf. Shinan et Zakovitch 1992, p. 12
  431. Cf. Petit 1987, p. 102 qui attribue erronément l’opinion de Rachi au Talmud même
  432. TB Yevamot 64b, cf. Blachman 2013, p. 184-5
  433. Bitton 1978
  434. Voir, (en) The Tzemach Tzedek and The Haskalah Movement. From the Diary of Rabbi Yosef Yitzchk of Lubavitch. Translated by Rabbi Zalman I. Posner. Kehot Publication Society, Brooklyn, New York, 2015. 145 pages, p. 73. (ISBN 9780826608024)
  435. Christoph Uehlinger, Introduction à l'Ancien Testament, p. 248
  436. Rendsburg 1986
  437. Noble 2002
  438. Halpern-Amaru 1999, p. 115

Annexes[modifier | modifier le code]

Tables[modifier | modifier le code]

Époque biblique[modifier | modifier le code]

  1. Parallèles entre Genèse 38 et Juges 14-16, d’après Shinan et Zakovitch 1992, p. 229-230 mais voir Noble 2002, p. 228-230
    Genèse 38 Juges 14-16
    II arriva, en ce temps-là, que Juda descendit de ses frères […]. Là, Juda vit la fille d'un Cananéen […] il l’épousa […] (Gn 38:1-2) Samson, étant descendu un jour à Timna, y vit une femme entre les filles des Philistins […] Je désire que vous me la procuriez pour épouse." (Jg 14:1-2)
    La fille du Cananéen est innommée La fille du Timnite est innommée
    Juda éloigne sa belle-fille de son promis, provoquant son passage à l’acte (Gn 38:11 & 14) Samson est éloigné par son beau-père de sa promise, provoquant son passage à l’acte (Jg 15:1-2)
    Quand Juda fut consolé, il monta […] à Timna (Gn 38:12) Samson, étant descendu […] à Timna… (Jg 14:1)
    [Après la mort de son épouse], Juda […] la prit pour une prostituée [et se détourna vers elle] (Gn 38:15-16) [Après la mort de son épouse], Samson […] y remarqua une prostituée et se rendit auprès d’elle (Jg 16:1)
    Juda envoya le chevreau (Gn 38:20) Samson […] lui apporta un chevreau (Jg 15:1)
    Tamar [emmenée depuis la maison de son père] manque de mourir brûlée (Gn 38:24) La femme de Samson, fille du Timnite, périt brûlée [avec son père] (Jg 15:6)
  2. Parallèles entre Genèse 38 et 1 Samuel 1, d’après S. Klitsner,
    Genèse 38 1 Samuel 1
    […] afin de ne pas donner de (litt.) semence à son frère (Genèse 38:9) Si tu donnes […] une (litt.) semence » - I Sam. 1:11 (1 Sam. 1:11)
    Juda a deux fils dévoyés (Er et Onan) dont il ne semble pas voir les torts et qui meurent de la main de Dieu. Eli a deux fils dévoyés (Hofni et Pin'has) dont il ne semble pas voir les torts et qui meurent de la main de Dieu.
    Juda dit à Tamar de demeurer en la maison de son père jusqu’à ce que l’enfant (Chêla) devienne assez grand pour se marier (Genèse 38:11) Hanna demande à Elkana de demeurer à Ramataïm-Çofim jusqu’à ce que l’enfant (Samuel) soit sevré (1 Samuel 1:23).
    [Juda] (litt.) la crut prostituée (Genèse 38:15) Eli la crut ivre (1 Sam. 1:13)
    Il est en outre possible que « [Dieu t’accorde] (litt.) ta requête » (1 Sam. 1:17) — écrit sous la forme défective shelatekh, inemployée ailleurs dans la Bible — soit une autre référence à Chêla bien que plusieurs manuscrits comportent la forme pleine sheëlatekh
  3. Parallèles entre Genèse 38 et Ruth, d’après Zakovitch 1990 et Shinan et Zakovitch 1992, p. 224
    Genèse 38 Ruth
    Juda descend à Adoullam Élimelech et Noémi partent s’installer en terre étrangère
    Juda devient veuf Noémi devient veuve
    Juda dit à Onan de venir à sa belle-sœur afin de donner un enfant à Er (Genèse 38:8) Noémi prie Ruth de rejoindre sa belle-sœur partie chez ses parents (Ruth 1:15)
    Juda dit à Onan de venir à Tamar afin de constituer une postérité à ton frère (Genèse 38:8) Boaz dit au parent qu’en acquérant le champ de Noémi, il acquiert aussi Ruth, la femme du défunt, pour maintenir le nom du défunt à son patrimoine (Ruth 4:5)
    Onan détruit sa semence, ne voulant pas donner de postérité à son frère (Genèse 38:9) Le parent ne veut pas prendre Ruth sous peine de (litt.) détruire [s]on patrimoine (Ruth 4:6).
    Juda renvoie Tamar chez son père jusqu’à ce que Chêla grandisse (Genèse 38:11) Noémi veut renvoyer Ruth et Orpa dans leur famille, arguant qu’elles ne peuvent demeurer veuves jusqu’à ce que d’éventuels futurs fils de Noémi fussent devenus grands (Ruth 1:13)
    Tamar attend d’être mariée à Chêla en vertu de la coutume du lévirat (Genèse 38:11-14) Ruth demande à être mariée en vertu de la coutume du rachat (Ruth 3:9)
    Enfin, les deux femmes s’unissent à un homme sensiblement plus âgé qu’elles qui n’est de surcroît pas celui qui devait leur échoir (Chêla/le parent innommé).
  4. Parallèles directs et inversés entre Genèse 38 et 2 Samuel 11, d’après Rendsburg 1986, Shinan et Zakovitch 1992, p. 226-228, Zakovitch 1995, p. 51-53, Shinan et Zakovitch 2009, p. 133 et Bazak 2013, p. 144-148
    Genèse 38 2 Samuel 11-12
    Le protagoniste principal de Genèse 38 est Juda, fondateur de la tribu qui porte son nom Le protagoniste principal de 2 Samuel 11-12 est David, fondateur de la dynastie qui porte son nom
    Bat Choua, étant la fille d’un Cananéen, n’est pas une Israélite Bat Cheva, étant la femme d’Urie le Hittite, n’est (vraisemblablement) pas une Israélite
    Bat Choua est l’épouse de Juda depuis le début de l’histoire Bat Cheva n’épouse David qu’à la fin de l’histoire
    Er […] ayant déplu aux yeux de YHWH […] ce que fit [Onan] déplut aux yeux de YHWH (Genèse 38:7-10) L’action commise par David déplut aux yeux de YHWH (2 Samuel 11:27)
    Er et Onan meurent par leurs propres fautes (Genèse 38:7-10) Le fils (naʿar) innommé meurt par la faute de ses parents (2 Samuel 12:15-18)
    Il se rendit mauvais aux yeux (vayera be-einei) de Dieu et Il le fit mourir lui aussi (Genèse 38:10) […] Parle ainsi à Joab : (litt.) que cette chose ne soit pas mauvaise à tes yeux (al yera be-eineikha hadavar - 2 Samuel 11:25)
    Tamar (litt.) s’en alla et retourna à la maison de son père [car Juda ne veut pas qu’elle ait de rapports avec son fils] (Genèse 38:11) Bethsabée retourna dans sa maison [après avoir eu des rapports avec David] (2 Samuel 11:4)
    Tamar se fait passer pour une qdesha (cf. Genèse 38:21) Bethsabée se sanctifie (mitqadeshet) de son impureté avant de venir à David (2 Samuel 11:4)
    Tamar a des rapports avec Juda alors qu’elle est légalement liée à Chêla Bethsabée a des rapports avec David alors qu’elle est légalement liée à Urie
    Juda ignorait que ce fût sa belle-fille (Genèse 38:16) David sait que Bethsabée, la fille d’Eliam, [est] l’épouse d'Urie le Héthéen (2 Samuel 11:3)
    Juda ne cherche à s’informer sur la prostituée qu’après leurs rapports (Genèse 38:21) David s’informe sur la belle femme avant leurs rapports (2 Samuel 11:3)
    Apprenant la grossesse de Tamar, Juda veut la faire (injustement) exécuter (Genèse 38:24) Apprenant la grossesse de Bethsabée, David fait (injustement) exécuter Urie (2 Samuel 11:15)
    […] elle envoya dire à son beau-père: "Je suis enceinte […]" (ani hara - Genèse 38:25) […] elle envoya dire à David: "Je suis enceinte" (hara anokhi - 2 Samuel 11:5)
    Juda reconnaît qu’« elle est plus juste que moi car je ne l’ai pas donnée à Chelâ mon fils » (Genèse 38:26) David reconnaît que « j’ai péché envers YHWH » (2 Samuel 12:13)
    Juda cessa de connaître [Tamar] (Genèse 38:26) David fit amener [Bethsabée] dans sa demeure [et] la prit pour femme (2 Samuel 11:27)

Époque antique[modifier | modifier le code]

  1. Différences entre les versions massorétique et samaritaine de Genèse 38, d’après Tal et Florentin 2010, p. 159-162 :
    verset texte massorétique et traduction du Rabbinat texte samaritain d’après l’édition Tal et Florentin 2010, transcription d’après Ben-Hayyim 1975 Explications et remarques, d’après Shinan et Zakovitch 1992
    38:3 vayikra (« il » l’appela Er) wtiqra (« elle » l’appela ʿÅr) Harmonisation du verset avec les deux suivants.
    38:5 vehaya biKhziv (« et il se trouvait à Kezib ») wyā̊ʾi afKazzība (« et il était à Kaziba ») Wyā̊ʾi: harmonisation avec les constructions verbales précédentes qui font usage du waw conversif (wtā̊səf … wtā̊låd … wtiqra)
    Kaziba: Shinan et Zakovitch font remarquer qu’il s’agit de la même forme qu’en I Chroniques 4:22 (Kozeba).
    38:10 asher assa (« ce qu’il avait fait ») it ēšår ʿāša (« ce qu’il avait fait ») Les Samaritains présentent une propension à ajouter la préposition it pour marquer l’accusatif. On retrouve cependant un équivalent araméen de cette version dans le Targoum des Néophytes.
    38:12 ʿal gozezei tsono (litt. « sur les tondeurs de son troupeau ») al gā̊zā̊zi ṣēʾūnu (« vers les tondeurs de son troupeau ») Le al samaritain est l’équivalent du el hébraïque (« vers »). Selon Shinan et Zakovitch, la version samaritaine dont on retrouve un équivalent dans la Peshitta, semble plus naturelle que la version massorétique et pourrait refléter la lecture originelle, à moins que les deux versions ne représentent les variations d’un verset qui aurait porté lègozezei (« vers les tondeurs » [de son troupeau]) ou lègozez (« pour tondre » [son troupeau]).
    38:13 vayougad lèTamar (litt. « il fut dit à Tamar ») wyiggåd alTā̊mår kaltu (litt. « il fut dit à Tamar sa bru ») Cet ajout, que l’on retrouve aussi dans la Septante, pourrait résulter d’une harmonisation avec le verset 38:11.
    38:14 vatekhas batsaʿif (litt. « elle couvrit d’un voile ») wtitkassi af’ṣīf (« elle se couvrit dans un voile ») Le verbe est décliné à la forme hitpaël qui indique la réflexivité, comme en Gn 24:65. La présence d’une forme réflexive dans les Targoumim araméens et la Peshitta suggère que c’est cette version qui figurait dans le texte proto-massorétique mais inversement, tous pourraient avoir cherché à harmoniser le verset de Gn 38 avec celui de Gn 24.
    38:21 ʿètt anshei mèqoma … ayè hakdesha hi ([il demanda] « aux gens de litt. son lieu … où est la prostituée qui etc. ») ʾit ēnā̊ši ammā̊qom … ayye aqqēdīša ā̊ʾī ([il demanda] « aux gens du lieu … où est cette prostituée qui ») Les variantes du texte samaritain semblent avoir voulu lever les difficultés du texte massorétique qui parle de « son lieu » (à la prostituée) alors qu’elle n’en était pas originaire. La convergence du texte samaritain avec d’autres témoins dont la Septante, les Targoumim judéens et la Peshitta pourrait suggérer l’existence d’une autre version, commune à ces témoins.
    38:24 vayehi kemishlosh hodashim … hara liznounim (litt. « environ trois mois plus tard … elle a engendré des prostitutions ») wyā̊ʾi kā̊miššēlā̊šat ā̊dēšəm … ā̊rå alzā̊nəm (litt. « environ trois mois plus tard … elle a engendré de prostitués ») Kamiššēlašat - accord grammatical entre šēlaš (féminin) et ā̊dēšəm (masculin)
    Alzā̊nəm - correction pour indiquer le responsable de la procréation plutôt qu’un concept général moins immédiat.
    38:25 lemi hahotemet vehaptilim (« à qui sont ce sceau, ces cordons ») almi ā̊ʿātəm waffā̊təl (« à qui sont ce sceau’ ce cordon ») ʿātəm et fā̊təl sont harmonisés avec le verset 38:18
    38:26 tzadka mimeni (litt. « Elle a eu plus raison que moi ») ṣā̊dīqa mimminni (« Elle est plus juste que moi ») Tradition de vocalisation différente d’un même texte consonantique (Tal et Florentin 2010, p. 650)
    38:28 zè yatsa rishona (litt. « celui-ci est sorti en premier ») zē yiṣṣå rā̊ʾīšon (« celui-ci est sorti le premier ») Rishona se rapporte au verbe tandis que rā̊ʾīšon est attribut du sujet (« celui-ci »), peut-être par harmonisation avec Gn 38:25
    38:29 ma paratsta aleikha paretz vayikra shemo Pharetz (« "Comme tu as fait une brèche pour toi", et il l’appela Pharetz ») ma fā̊råṣta ʿālīnu fā̊råṣ wtiqra it šēmu Fā̊råṣ (« "Comme tu as fait une brèche vers nous", et elle l’appela Faras ») ʿālīnu - tentative de faciliter la lecture.
    Wtiqra - la forme féminine apparaît aussi dans certains manuscrits hébraïques des Targoumim araméens et la Peshitta.
    38:30 vèa’har yatza … vayikra wā̊’ūri kan yā̊ṣå … wtiqra Wā̊’ūri kan - version différente ou tentative d’allévier la lecture.
    Wtiqra - cf. verset précédent et Gn 38:3-5
  2. Différences entre les versions massorétique et grecque de Genèse 38, d’après Zipor 2006 :
    verset texte massorétique et traduction du Rabbinat, d’après les remarques du Daat Mikra Septante, traduction Giguet, d’après les remarques de Zipor 2006 Explications et remarques, d’après Wevers 1993 et Brayford 2007
    38:1 Juda… s'achemina vers un homme [important] d'Adoullam, nommé Hira. Judas… s’en alla (litt. « s’éloigna jusque ») chez un Odollamite, dont le nom était Hiras Traduction d’après ad, (litt.) « vers » ou « jusqu’à » (Shinan et Zakovitch 1992, p. 1)
    38:2 Là, Juda vit la fille d’un Cananéen, appelé Choua Judas vit là une fille de Chananéen, appelée Sué Choix des traducteurs, propre à la Septante (Shinan & Zakovitch suggèrent l’influence de Gn 38:6, « oushma Tamar »). Origène ajoute d’ailleurs tugater (« fille de ») sous un astérisque avant Saua dans les Hexaples.
    38:3 … un fils, à qui il donna le nom d’Er … un fils qu’elle nomma Her Interprétation d’après les versets suivants, où la mère nomme les deux enfants
    38:5 Il était à Kezib lorsqu’elle l’enfanta elle habitait Chasbi lorsqu’elle les enfanta John W. Wevers penche pour une erreur de copiste dans la version massorétique mais Shinan et Zakovitch 1992, p. 35-42 & 209 la jugent au contraire préférable du fait d’I Chroniques 4:21, où Chelâ et Kezib sont spécifiquement associés
    38:7 … Er… fut mauvais aux yeux de YHWH et YHWH le fit mourir … Her… fut méchant devant Kurios et Theos (Elohim) le fit mourir La malice d’Er ne portant pas sur un point de loi assigné à la seule nation israélite mais sur la relation « générale » entre l’homme et Dieu, elle nécessite une rétribution divine « générale » du Theos qui règne sur le monde et non du seul Kurios d’Israël
    38:8 veyabbem ota (« fais avec elle le yibboum ») gambreusai (« agis avec elle en beau-frère ») Le mariage lévirat est une institution sémite, inconnue dans le monde hellène, et le traducteur doit ressortir à un néologisme façonné sur le terme gambros (membre de la belle-famille)
    38:9 veshi’hèt artsa et zarʿo (« il corrompait sa semence au sol ») exécheen epi tèn guen (« il répandait sa semence au sol ») Traduction d’après artsa, (litt.) « vers le sol »
    38:10 Ce qu’il avait fait fut mauvais aux yeux de YHWH Il parut méchant aux yeux de Theos pour avoir fait cela Cf. Gn 38:7 ; la seconde clause est une traduction différente d’ašer aśa (« ce qu’il avait fait »)
    38:12 Longtemps après mourut la fille de Choua, femme de Juda. Quand Juda se fut consolé, il alla… avec Hira son ami l'Adoullamite Les jours s’écoulèrent et Sué, femme de Juda, mourut. Après que Judas se fut consolé, il s’en alla avec Hiras, son pâtre Odollamite Cf. Gn 38:2 ; la lecture roëhou est liée au contexte d’une fête de la tonte des ovins
    38:13 On informa Tamar (litt. « Il fut dit à Tamar ainsi ») Des gens dirent à Thamar, sa bru Ajout « des gens » pour transformer une phrase passive en active et faire ressortir que c’est à Tamar qu’on s’adresse
    38:14 … car elle voyait que Chêla avait grandi et qu’elle ne lui avait pas été donnée pour épouse … car elle voyait que Séla avait grandi et que Judas ne la lui faisait point prendre pour femme Divergence de tradition de lecture entre la Massore, qui lit le h-w-ʾ du texte consonantique comme un hi (« elle »), et la Septante, qui le lit hou (« il »), voir aussi s’écrit il, se lit elle ; la Septante ajoute alors « Ioudas » afin de clarifier la lecture car Juda n’est pas mentionné dans la clause précédente
    38:15 … car elle avait voilé son visage … car elle avait voilé sa figure et il ne la reconnut pas Wevers considère l’ajout comme superflu et signale que c’est l’avis des Hexaples qui placent le bout de phrase sous un obèle ; voir cependant Huddlestun 2001
    38:18 … ton sceau (hotamkha), ton cordon (ptilekha) et ton bâton … ta bague (daktulion), ton collier (ormiskon) et ton bâton Aquila de Sinope rend plus fidèlement hotam par sfragida ; quant à ormiskon, le traducteur a compris le ptil comme une cordelette ou chaînette attachant le sceau
    38:23 … Qu'elle garde ce qu'elle a et que nous n'ayons pas à rougir ; car enfin, j'ai envoyé ce chevreau et tu n’as pu la trouver … Qu’elle retienne les gages mais que l’on se garde de nous faire des reproches : car j'ai envoyé le chevreau et tu n’as point trouvé la personne Le « mais » amplifie le contraste ; Wevers, suivi par Brayford, suggère en outre de lire « j’ai [pour ma part] envoyé le chevreau mais [quant à toi, ] tu n’as pas trouvé la personne »
    38:26 Elle est plus juste que moi… Thamar est plus juste (litt. : a été plus justifiée) que moi… Transformation d’une phrase active en passive afin de mieux rendre le sens
    38:29 … (litt.) Comme tu t’es fait une brèche ! … Pourquoi est-ce toi qui as rompu la clôture? L’interprétation étymologique du nom de l’ancêtre davidique avancée dans le texte massorétique, Perets-La Brèche, se perd dans la traduction en grec et les auteurs de la Septante préfèrent se figurer une césarienne — le ventre est une clôture qu’on a dû couper pour faire naître Pharès ; Aquila a traduit plus fidèlement.
  3. Différences entre le texte massorétique de Genèse 38, le Targoum Onkelos (ci-après TO), le Targoum des Néophytes (ci-après TN), les divers targoumim fragmentaires (TF, TG et TT d’après la nomenclature du CAL: FT - Fragmentary Targum, GT - Geniza Targum, TT - Tosefta Targum) et le Targoum attribué à Jonathan ben Ouzziel (ci-après TPJ) :
    verset texte massorétique et traduction du Rabbinat TO, traduction d’après Grossfeld 1988 TN, traduction d’après McNamara 1992 Targoumim fragmentaires et supplémentaires, édition Klein 1980 & Klein 1986, traduction d’après McNamara 1992 TPJ, traduction Le Déaut et Robert 1978 et d’après Maher 1992 Explications et remarques d’après les mêmes, ainsi que Shinan et Zakovitch 1992, Grossfeld 2000 & Blachman 2013
    38:1 … Juda descendit de ses frères et … alla (litt.) jusqu’un homme adoullamite … dévia vers un homme adoullamite … dévia vers un homme adoullamite N/A … Juda descendit de sa fortune et se sépara de ses frères, et il dévia vers un homme adoullamite Le TPJ combine deux lectures de vayered (« il descendit »): la première est financière, se base sur Gn 37:26 et ne se retrouve dans aucun midrash connu, la seconde rend vayered comme vayipared (« il se sépara »).
    Les targoumim lisent tous vayet (litt. « il tendit ») comme vayesṭ (« il dévia »), subtilement plus péjoratif. Ils emploient par ailleurs lewat qui traduit el plutôt qu’ʿad (« jusque »), sous l’influence de Gn 38:16 d’une part et, d’autre part, parce que l’ʿad du texte hébreu — qui permet une allitération avec Adoullam(ite), reproduite en Michée 1:15 — n’indique en araméen qu’une limite temporelle mais non spatiale — Shinan et Zakovitch 1992, p. 1-2 & (en) « ʿAd et levat », sur CALP ; sur la duplication ou triplication des interprétations targoumiques, cf. (en) Michael Carasik, « Syntactic Double Translation in the Targumim », dans Aramaic in Postbiblical Judaism and Early Christianity, Winona Lake, Indiana, Eisenbrauns, (lire en ligne), p. 217-231.
    38:2 … la fille d’un homme canaanite … il la prit … la fille d’un homme de commerce … il la prit … la fille d’un homme canaanite … il la prit N/A … la fille d’un homme de commerce … et il la convertit et vint à elle La version « commerçant » est attestée dans les manuscrits J, A, B & E du TO mais le Taj porte Kenaani sans interpolation, comme le TN. Cette tradition est abondamment représentée dans le Midrash et sera explicitée dans le Talmud de BabyloneGrossfeld 1988, p. 128-129, Shinan et Zakovitch 1992, p. 17-18 & Smilévitch.
    « Il la convertit etc. » dénote d’un même souci apologétique, et présente deux interprétations contradictoires (cf. Shinan 1985, Maher 1992, p. 127n4 & Blachman 2013, p. 86), à moins que le traducteur ne joue sur l’assonance entre tagar (« commerce ») et ouggiyera (« et il la convertit ») (Shinan et Zakovitch 1992, p. 18)
    38:3-5 … et il l’appela ʿEr … elle l’appela Onan … Chêla, et il était à Kezib lorsqu’elle l’enfanta … et il l’appela ʿEr … elle l’appela Onan … Chêla, et il était à Khzev lorsqu’elle l’enfanta … et elle l’appela ʿEr … elle l’appela Onan … Chêla, et elle cessa [d’engendrer] après qu’elle l’enfanta (TF P) Et il était à Kezib - et il était à Map̄seqa (« Interruption »)
    (TF V) Et il était à Pasqat
    … et elle l’appela ʿEr car il mourrait sans enfants … elle l’appela Onan car son père prendrait en effet le deuil pour lui … Chêla, car son mari l’avait oubliée, et il était à Pasqat lorsqu’elle l’enfanta « Il/elle l’appela »: la version h du TO porte le féminin, comme le TPJ, le TN et BR 85:4.
    Le TPJ propose d’expliquer le destin des fils de Juda au moyen de diverses paronomases, ʿEr - ʿariri (« seul », au sens de « sans héritier »), Onan - ʾanina (« chagrin ») et Chêla - šely (« abandonner » ou « négliger ») — Grossfeld 1988, p. 128, Maher 1992, p. 128 & Shinan et Zakovitch 1992, p. 27, 31 & 35-36
    Les TN et TPJ ainsi que les deux TF ont ensuite appliqué le même traitement à Kezib, et traduit la racine k-z-b, qui marque le tarissement puis l’arrêt, par son équivalent araméen p-s-q (cf. Isaïe 58:11, Jérémie 15:18 et le Targoum Jonathan sur ces deux versets) ; le TN en a fait un verbe d’action tandis que les autres lui ont conservé sa fonction toponymique, cf. BR 85:4 — Maher 1992, p. 128, McNamara 1992, p. 174, Shinan et Zakovitch 1992, p. 35-36 & Grossfeld 2000, p. 244-245
    38:6 … et son nom était Tamar … et son nom était Tamar … et son nom était Tamar N/A … la fille de Sem le Grand, et son nom était Tamar La précision du TPJ, « fille de Sem le Grand », est un ajout mi-exégétique (cf. Gn 38:24 & TPJ ad loc.), mi-homilétique car l’ascendance du roi David ne comporte aucun idolâtre, même dans la lignée non-israélite — Maher 1992, p. 128 & Shinan et Zakovitch 1992, p. 43
    38:7 ʿEr fut … mauvais aux yeux de YHWH et YHWH le tua ʿEr fut … mauvais devant YVY et YVY le tua ʿEr … fit de mauvaises choses devant YYY, et il mourut par décret de devant YYY N/A ʿEr fut … mauvais devant YYY car il ne (litt.) servait pas avec sa femme selon les voies de la terre/ne donnait pas sa semence à sa femme, et la colère de YYY (litt.) l’attaqua et YYY le tua Le verset pose plusieurs défis théologiques que les targoumim, et en particulier le TN, se font un devoir d’aplanir: il traduit « fut mauvais » par « fit de mauvaises choses » pour justifier la décision divine qui pourrait paraître arbitraire, et le TPJ étaie à son tour ces « mauvaises choses » en deux versions, la première figurant dans les éditions imprimées, la seconde dans les manuscrits, et toutes deux sont, bien qu’allusives, plus explicites que le TN. Les targoumim éliminent ensuite l’anthropomorphisme « yeux de Dieu », et la mention en vain du nom divin à quatre lettres par les abréviations YVY et YYY. Enfin, l’acte divin n’est plus, dans le TN, qu’un décret — Grossfeld 1988, p. 128-129, Maher 1992, p. 128, McNamara 1992, p. 175, Shinan et Zakovitch 1992, p. 48-49 & Grossfeld 2000, p. 245
    38:8 … et (litt.) ériges une semence à ton frère … et élèves une semence à ton frère … et élèves une semence de fils pour le nom de ton frère N/A … et élèves une semence au nom de ton frère Selon les TN et TPJ, le premier fils né du mariage lévirat doit porter le nom de son oncle mort, « afin que son nom ne soit pas effacé d’Israël. » Le TN ajoute par ailleurs « [semence de] fils » (forme plurielle) et au verset suivant, « semence » est remplacé dans ce targoum par « des fils, » peut-être sous l’influence de la fin du récit — Grossfeld 1988, p. 129, Maher 1992, p. 128, McNamara 1992, p. 175 & Shinan et Zakovitch 1992, p. 58, 62-63 ; sur l’importance du nom dans l’imaginaire israélite et son rôle dans la survie post-mortem, cf. J. Levenson, cité in Jacqueline Vayntrub, « Like Father, Like Son: Theorizing Transmission in Biblical Literature », Hebrew Bible and Ancient Israel, Mohr Siebeck, vol. 7, no 4,‎ (ISSN 2192-2276, lire en ligne, consulté le ).
    38:9 … que la (litt.) semence ne serait pas à lui … et il corrompait à terre pour ne pas donner de semence à son frère … que la semence ne serait pas appelée à son nom … et il corrompait sa voie sur la terre pour ne pas ériger de semence à son frère … que les fils ne seraient pas appelés à son nom … il corrompait ses œuvres sur la terre pour ne pas ériger de fils au nom de son frère N/A … que les fils ne seraient pas appelés à son nom … il corrompait ses œuvres sur la terre pour ne pas ériger de fils au nom de son frère Le TPJ effectue ici les mêmes choix que le TN, et ils ajoutent ainsi que le TO un complément d’objet que le texte hébreu ne précise pas (le TO indique « sa voie », sous l’influence de Gn 6:12 et les autres « ses œuvres », d’après Sophonie 3:7). Tous rendent la racine n-t-n par q-w-m, en raison de Gn 38:8 (haqem) ou Dt 25:6-7 qui utilise abondamment la racine q-w-m — Grossfeld 1988, p. 129, Shinan et Zakovitch 1992, p. 62-63
    38:10 (litt.) Et ce fut mauvais aux yeux … et il le fit mourir lui aussi Et ce fut mauvais devant … et il le fit mourir lui aussi Et ce fut mauvais devant [mot manquant?] ce … et il mourut lui aussi par décret de devant YYY N/A Et ce fut mauvais devant … et il mit un terme à ses jours Les targoumim reproduisent leurs choix de Gn 38:7, le TN omettant même le nom divin mais il pourrait s’agir d’une haplographie (qdam Y[YY y]at).
    Le TPJ traduit la fin du verset par « mit un terme », indiquant la mort prématurée des fils de Juda ; cette tradition inconnue a peut-être été dictée par un midrash aujourd’hui disparu — McNamara 1992, p. 175,Shinan et Zakovitch 1992, p. 69
    38:11 … (litt.) la maison de ton père jusqu’à ce que grandisse Chelâ mon fils car il disait “de crainte qu’il ne meure lui aussi comme ses frères” … elle retourna/demeura dans la maison de son père … la maison de ton père jusqu’à ce que grandisse Chelâ mon fils car il disait “peut-être mourra-t-il lui aussi comme ses frères” … elle retourna/demeura dans la maison de son père … (litt.) sa maison à ton père jusqu’au temps où grandira Chelâ mon fils car il disait “qu’il ne meure pas lui-même comme ses frères” … elle retourna/demeura dans (litt.) sa maison de son père N/A … la maison de ton père jusqu’à ce que grandisse Chelâ mon fils car il disait “peut-être mourra-t-il lui aussi comme ses frères” … elle retourna/demeura dans la maison de son père Les targoumim font usage d’accommodements divers avec le judéo-araméen (dilmaʾ/deloʾ) pour exprimer les craintes de Juda (Shinan et Zakovitch 1992, p. 73)
    38:12-13 … mourut Bat Choua/la fille de Choua … lui et Hira son ami … à Timna … mourut Bat Choua … lui et Hira son compagnon … à Timnat … mourut la fille de Choua … lui et Hira son compagnon … à Timnata N/A … mourut la fille de Choua … lui et Hira son compagnon … à Timnat Le TO ne traduit pas « Bat [Choua] » car il le comprend comme un nom propre tandis que le TN et divers manuscrits du TPJ en font un nom commun (mais voir Shinan et Zakovitch 1992, p. 80)
    Pour l’ensemble des targoumim ainsi que les traductions samaritaines et la Peshitta, Hira est un « compagnon » et non un « berger », et la racine r-ʿ-h est rendue par r-ḥ-m qui implique l’intimité.
    Ils montent à « Timnat[a] » (ainsi qu’en Gn 38:14) et non Timna car cette forme, attestée en Josué 15:10 et 2 Chroniques 28:18, est moins fréquente que Timnat(a) qui apparaît, outre Gn 38, en Juges 14. Le TN comprend même que le nom de l’endroit est Timnata, comme en Juges 14:2.
    38:14 … [elle] (litt.) couvrit d’un voile, et s’en enveloppa, et s’assit au petaḥ ʿeinayim, qui est sur le chemin de Timna … [elle] se couvrit d’un voile, et s’arrangea, et s’assit au carrefour d’Einayim, qui est sur le chemin de Timnat … [elle] (litt.) couvrit d’un surtout, et s’en enveloppa, et elle s’assit au carrefour des voies sur le chemin de Timnata N/A … [elle] (litt.) couvrit d’un surtout, et s’enveloppa, et s’assit au carrefour des voies vers lequel les yeux regardent, qui est sur le chemin de Timnat Le TO use d’une forme réflexive (« se couvrit ») à la différence des autres targoumim mais en conformité avec la Bible samaritaine, ce qui suggère l’existence d’une version vatitkas.
    Il traduit fidèlement ṣeʿip̄ par ʿip̄a (« voile ») alors que les TPJ et TN portent redida (« surtout »), d’après Isaïe 3:23 et Cantique 5:7. Il est en revanche plus libre dans sa traduction du verbe titʿalap̄ qu’il rend par « s’arrangea », en s’inspirant peut-être du sens alternatif de la racine ʿ-l-p̄ en Cantique 5:14, a moins qu’il n’ait permuté entre vatitʿalap̄ et vatitḥalap̄ (« elle se changea »).
    Face au petaḥ ʿênayîm, le TN donne la traduction la plus contextuelle avec ʿorḥata (« chemins ») mais le TO et le TPJ sentent que cette tournure inhabituelle renferme d’autres acceptions ; le premier suggère cette amphibolie en évitant de traduire le terme (à moins qu’il n’ait voulu faire comprendre qu’Einayim signifie Einam), tandis que le second juxtapose les interprétations « chemins » et « yeux » — Grossfeld 1988, p. 130, Shinan et Zakovitch 1992, p. 89-91 & Grossfeld 2000, p. 246-7
    38:15 … (litt.) et il la pensa prostituée parce qu’elle avait couvert son visage … (litt.) et il la pensa comme une-qui-sort-au-champ parce qu’elle avait couvert son visage … (litt.) et Juda la pensa une-qui-sort-au-champ parce qu’elle avait couvert son visage dans la maison de Juda et Juda ne l’avait pas connue (TF V) parce qu’elle avait restreint [la partie visible de] son visage … et il la compara à ses yeux à une-qui-sort-au-champ parce qu’elle avait le visage courroucé dans la maison de Juda et Juda ne l’avait pas aimée Les targoumim ont unanimement traduit zona par « une qui-sort-au-champ » (nap̄qat bar[aʾ]) plutôt que par les habituels znita ou [ma]ṭʿita, peut-être par égard pour Tamar ; il s’agit clairement d’une litote pour le TO qui le réutilise en Gn 38:21 et ne cherche pas à traduire l’euphémisme biblique qdeša mais les autres targoumim n’en font pas de même et les raisons qui les y ont poussés ici sont moins évidentes.
    Le TN embellit le texte en même temps que le caractère de Tamar, ajoutant qu’elle n’était pas voilée à ce moment mais dans la maison de Juda, et c’est pour cela qu’il ne la reconnaît pas lors de leur rencontre. Le TPJ porte keʿiśat [panim] au lieu de keśiat [apin] et raḥim au lieu de ḥakim, suggérant une corruption du manuscrit car il ne s’accorde plus avec le texte, contrairement au TN — Tamar aurait, selon cette version, été perpétuellement fachée des mauvais traitements que lui infligeaient ses maris, et Juda qui n’en connaissait pas le motif, ne l’avait jamais aimée pour cette raison. Le résultat est identique: peu familier avec sa bru, Juda la reconnaît d’autant moins qu’elle a changé ses apparences — Shinan et Zakovitch 1992, p. 101-2 & Kiel 2003, p. 84
    38:16 Il alla vers elle … Viens donc/je te prie … Il dévia vers elle … Viens donc … Il dévia vers elle … Viens je te prie … (TG D) >me donneras-tu afin que tu montes à moi?>
    (TG E) >“Eh, viens donc et apprêtons-nous [à aller] vers toi” car il ne savait pas qu’elle était sa bru, et elle dit: “Que me donneras-tu afin que tu t’assembles à moi ?”
    Il dévia vers elle … Viens donc … Sur la traduction de wayet, voir Gn 38:1.
    Le terme na, qui apparaît deux fois en Gn 38, peut indiquer l’invitation comme en Gn 12 et 18:4 ou l’injonction comme en Gn 25:30 et Gn 27:3. Les targoumim traduisent keʿan ou kedoun qui conservent à na toute sa polysémie puisque Grossfeld 1988, p. 130 le traduit par « Come now » (de même que Maher 1992, p. 128 avec kedoun) tandis que McNamara 1992, p. 175 le rend par « Allow me, I pray » .
    38:17 … j’enverrai un petit de chevreau … jusqu’à ce que tu [l’]envoies. … j’enverrai un petit de chevreau/chevreau de choix … jusqu’à ce que tu [l’]envoies. … j’enverrai un petit de chevreaux … jusqu’au moment où tu [l’]enverras. Il dit:“Voici que j’envoie [D: J’enverrai promptement] un petit de chevreaux du troupeau”, et elle dit:“Si tu me donnes un gage jusqu’au moment où tu enverras vers moi [D: jusqu’à ce que tu envoies]”. … j’enverrai un petit de chevreau … jusqu’à ce que tu [l’]envoies. Le texte hébreu porte deux occurrences de la racine š-l-ḥ que plusieurs versions du TO font alterner avec š-d-r, apparemment pour agrémenter la lecture. Le TPJ n’utilise que š-d-r, et le TN š-l-ḥ (il insère zǝman ainsi que le car l’envoi ne comporte pas en lui-même une temporalité) — Shinan et Zakovitch 1992, p. 115.
    Grossfeld 1988, p. 130 comprend [gadyâ] bar [ʿizi] comme « hors de », et traduit « a choice goat » mais pour Shinan et Zakovitch 1992, p. ibid, il signifie simplement « fils de ».
    38:18 … ton sceau, ton fil et ton bâton … … ton anneau et ton manteau et ton bâton … … ton anneau et ton manteau et ton bâton … (TG D & E) Il dit: “Quel est le gage que je te donnerai?” Et elle dit: “Ton anneau, ton manteau et ton bâton qui est dans ta main.” Il les lui donna, s’invita vers elle [D: monta vers elle] et elle conçut de lui. … ton cachet et tes fils et ton bâton … Le hotam demandé par Tamar est un sceau qui repose selon les targoumim sur un support, et devient donc un « anneau » — ʿizqeta et siṭoumta sont également employés dans le Livre d’Esther pour traduire « bague » ou « anneau », siṭoumtaʾ étant spécifique à Esther 8:8 (« … car une lettre cachetée de l'anneau du roi ne peut être révoquée »)
    Le ptil qui est un fil, est associé par les targoumim au ptil d’azur du ṣiṣit qui orne les franges des vêtements (Nb 15:38), et le TPJ en fait des fils, peut-être par harmonisation avec Gn 38:25. Il semble que le TO et le TN aient voulu détourner par leur traduction l’attention des fils vers le vêtement auquel ils étaient cousus (lequel ressemble, à l’ère du second Temple, à une robe) car il serait de mauvais ton de suggérer que Juda a pu se débarrasser insouciamment d’un bien si précieux — Petit 1987, p. 113, Grossfeld 1988, p. 130 & 131n9, Shinan et Zakovitch 1992, p. 119-120.
    38:19 … et elle ôta son voile d’elle … et elle retira son voile d’elle … et elle (litt.) fit passer son surtout d’elle (TF V) voile - surtout
    (TG D & E) Et elle se leva et s’en alla, et elle (litt.) fit passer le surtout d’elle et elle s’habilla des habits de veuvage
    … et elle retira son surtout d’elle Sur le « voile/surtout », cf. Gn 38:14.
    38:20 … le petit de chèvres dans la main de son ami l’Adoullamite pour prendre le gage … … le petit de chèvres/chevreau de choix dans la main de son compagnon adoullamite pour prendre la caution … … le petit des chèvres dans la main du compagnon adoullamite pour prendre les gages … (TG D & E) Juda envoya le petit de/des chèvres par la main de l’ami adoullamite, pour prendre le gage des mains de la femme, et il ne la trouva pas. … le petit de chèvres dans la main de son compagnon adoullamite pour prendre la caution … Sur le « compagnon » et le « petit de[s] chèvres », cf. Gn 38:12 & 17.
    Le TN, parlant de « gages », diffère ici des TG D & E, généralement considérés comme proches de ses sources, en ce qu’il détaille davantage en quoi consistent « son gage » [à Juda] ou « les gages » qui sont trois (Shinan et Zakovitch 1992, p. 135).
    38:21 … aux gens de litt. son lieu [à la femme], disant: “Où est la prostituée/consacrée qui se tient à/aux einayim sur le chemin?” … “Il n'y a pas eu ici de prostituée/consacrée”." … aux gens de son lieu, disant: “Où est la prostituée/consacrée qui se tient aux einayim sur le chemin?” … “Il n'y a pas ici de prostituée/consacrée”. … à la populace du lieu, disant: “Où est la [femme-]qui-sort-au-champ qui siégeait à la croisée des routes sur le chemin?” … “Il n'y a pas ici de qui-sort-au-champ”. (TG D & E) Il demanda auprès des gens du lieu, disant: “Où est-elle, [TG D:+ la femme] qui-sort-au-champ, qui fut [TG D: était] assise au croisement des routes [TG D:+ sur le chemin] ?”, et ils dirent: “Il n’y a pas chez nous [TG D: il n’y a pas eu] ici de [TG D:+ femme] qui-sort-au-champ”. … aux gens du lieu, disant: “Où est la prostituée qui se tient à la contemplation des yeux sur le chemin?” … “Il n'y a pas eu ici de prostituée”. Le TO suit fidèlement le texte hébreu, traduisant « son lieu » mais les autres préfèrent (comme la Septante et les traductions samaritaines, cf. supra) traduire « le lieu », ce qui pourrait témoigner d’une version différente mais aussi d’un choix commun à la plupart des traducteurs car la femme ne réside pas en ce lieu, et elle n’en est pas originaire.
    Qualifiant la femme, le TO utilise l’euphémisme du texte biblique, et le TN revient à la litote employée en Gn 38:15 de même que les TF mais le TPJ ne juge pas nécessaire de châtier son langage.
    Traduisant une nouvelle fois « ʿeinayim », le TO (dont une autre version porte bep̄aršout ʿeynayin) et le TN renvoient à leur traitement de Gn 38:14, tandis que le TPJ apporte une nouvelle interprétation, traduisant « le regard des yeux [sur la route]. »
    Quant au dernier membre du verset, les TO, TN et TF ont choisi de le traduire par « il n’y a pas ici » car les gens du lieu n’ont pas assisté à la rencontre entre Juda et Tamar, et ne peuvent donc témoigner que sur ce qui leur est actuellement connu (la traduction du TG E est encore plus catégorique) ; le TPJ a cependant conservé le passé, dans un but apparemment homilétique — Shinan et Zakovitch 1992, p. 138-139.
    38:22 … il n’y avait pas ici de prostituée … il n’y a pas ici de consacrée … il n’y a pas eu ici de qui-sort-dans-les-champs (TG D & E) Il retourna vers Juda et dit: “Je ne l’ai pas trouvée et en outre (ouleḥod/lehod), le peuple du lieu disent [D: ont dit] "nous n’avons pas [D: il n’y avait pas] ici de [TG D: femme] qui-sort-au champ” … il n’y avait pas ici de prostituée Le TG D porte leḥod alors que le TG E indique lehod, ce qui suggère une rédaction ou une correction à une époque où la lettre ḥet, qui pouvait transcrire une consonne fricative uvulaire sourde /χ/ aussi bien qu’une consonne fricative pharyngale sourde /ħ/ au temps du TG D, n’est plus employée que pour la première tandis que la seconde est désormais rendue par la lettre he. Cependant, la tradition reflétée par le TG E est plus ancienne que celle du TG D, comme l’a démontré Renée Bloch — Cf. CAL et Blachman 2013, p. 81
    38:23 … qu’elle se [les] prenne de crainte que nous ne soyons [jetés] à l’opprobre … et toi, tu ne l’as pas trouvée … qu’elle se [les] prenne de crainte que nous ne soyons [objets de] risée … et toi, tu ne l’as pas trouvée … qu’elle se [les] prenne afin que nous ne soyons pas [exposés] au scandale … et voilà maintenant que je ne l’ai pas trouvée (TG D & E) Juda dit: “qu’elle se [les] prenne afin que nous ne soyons pas [exposés] au ridicule, voici que [TG E: car] je lui ai envoyé ce chevreau et toi, tu ne l’as pas trouvée” … qu’elle se prenne les cautions de crainte que nous ne soyons [exposés] au ridicule … et toi, tu ne l’as pas trouvée « Cautions » est un ajout explicatif du TPJ pour améliorer la compréhension du texte.
    La traduction du TN (« et maintenant … je ne l’ai pas trouvée ») est idiosyncrasique car elle ne se retrouve pas dans les TG D et E, ses témoins textuels habituels ; il semble avoir lu ʿata (« maintenant ») au lieu d’ʾata (« tu »), et a compris que l’envoyeur reprend à son compte les résultats de l’émissaire — Shinan et Zakovitch 1992, p. 145.
    38:24 (litt.) Et ce fut vers trois mois … et aussi, voici qu’elle a conçu des prostitutions Ce fut vers le tiers des lunaisons … et aussi, voici qu’elle a conçu de sa prostitution Ce fut au temps de trois lunes … et à part cela, voici qu’elle a conçu à cause des prostitutions … (TG D & E) Ce fut à la fin de trois lunes, et ils vinrent à Juda, disant: “Tamar ta bru (litt.) a prostitué et en outre, voici qu’elle a conçu des fils des prostitutions”, et Juda dit: “Sortez-la et qu’elle soit brûlée [D:+ dans le feu]” Ce fut au temps de trois lunes, il fut (litt.) su qu’elle était enceinte … et aussi, voici qu’elle a conçu de prostituer … n’est-elle pas fille de prêtre ? Le texte biblique comporte deux termes malaisés à traduire car ambigus, kemišloš ḥodašim (« quelque trois mois ») et liz'nounim (« à/pour des actes de prostitutions »), et ils n’indiquent pas ce qui a poussé les gens à avertir Juda des mésactions supposées de sa bru. Tous ont tenté de pallier cette absconsité : le TO lit kemišliš ḥodašim (« au tiers des [neuf] mois [de la grossesse] »), les TN et TPJ résolvent le problème en insérant des termes plus définis (« au temps de », « à la fin de »), de même que les TG (et la Septante). Le TPJ ajoute par ailleurs qu’« il fut su qu’elle était enceinte » afin de combler un vide narratif. Le TO traduit ensuite liz'nounim par mizenoutah, « de sa prostitution » (d’autres versions de ce targoum portent liz'noutah, en conformité avec le texte biblique mais sans résoudre sa difficulté), et le TN semble recourir au même choix mais peut-être faut-il corriger la leçon d’après les TG D & E, et lire banin dazenou, « des fils de prostitutions » (cf. Osée 2:6, banim zǝnounim). Enfin, le TPJ effectue un ajout exégétique-homilétique dans la lignée de son amplification à Gn 38:6 pour expliquer la sentence de Juda en vertu de Lv 21:9 — Shinan et Zakovitch 1992, p. 149-150.
    38:25 Elle (litt.) était sortie, et elle envoya à son beau-père dire: “De l’homme auquel sont ceux-ci, je suis enceinte”, et elle dit: “Connais, je te prie, à qui sont ce sceau, ces cordons et ce bâton”. Elle (litt.) était sortie, et elle envoya à son beau-père dire: “De l’homme auquel sont ceux-ci, je suis enceinte”, et elle dit: “Reconnais donc à qui sont ce cachet, ces manteaux et ce bâton”. Tamar (litt.) était sortie pour être brûlée dans le feu, et elle chercha ses trois témoins mais ne les trouva pas. Elle (litt.) pendit les yeux vers les cieux, disant:

    « Je prie la clémence de devant YYY, toi qui réponds aux opprimés à l’heure de leur détresse, réponds-moi en cette heure qui est l’heure de ma détresse, Eloha qui répond[s] aux opprimés, éclaires mes yeux et donne-moi trois témoins, et moi, je t’élèverai trois justes dans la vallée de Doura, Hanania, Mishaël et Azarya qui descendront dans le feu de la fournaise et sanctifieront ton saint Nom »

    . YYY entendit aussitôt la voix de sa prière, et il dit à Michaël: « Descends lui porter ces trois témoins et éclaire ses yeux. » Elle les vit et les donna aux mains du juge, en lui disant:

    « L’homme à qui ces objets appartiennent, c’est de lui que je suis enceinte mais, dussé-je brûler, je ne le ferai pas connaître. Puisse cependant le Témoin entre lui et moi donner en son cœur de les voir en cette heure, et il me sauvera de ce jugement redoutable. »

    Juda se leva aussitôt sur ces pieds et dit:

    « "Je vous prie, mes frères et vous, gens de la maison de [mon] père, de m’écouter. Il est bon de brûler en ce monde dans un feu extinguible et ne pas brûler dans le monde à venir dans un feu dévorant le feu, il est bon d’avoir honte dans ce monde qui est un monde passager (orig.:créé) et ne pas avoir honte devant les ancêtres justes dans le monde à venir. Recevez de moi, mes frères et la maison de Père, par la mesure avec laquelle un homme mesure, il est mesuré, que ce soit une bonne ou une mauvaise mesure et béni soit chaque homme qui confesse ses actes: parce que j’ai pris la tunique de Joseph mon frère, l’ai donnée dans le sang d’un chevreau, disant à Jacob [mon] père “Reconnais donc si c’est la tunique de ton fils ou non”, il m’est dit maintenant “à qui sont ce cachet, ce manteau et ce bâton?” C’est de moi qu’elle est enceinte, [et] elle est dans son droit, Tamar ma bru, c’est de moi qu’elle est enceinte, loin d’elle, Tamar ma bru, de concevoir des fils de la prostitution. »

    Un écho de voix (orig. :cependant une voix) sortit du ciel, disant:« Vous êtes tous deux justes, c’est de devant YYY que la chose a eu lieu. »
    Tamar (litt.) était sortie pour être brûlée dans le feu, et elle chercha ses trois témoins [TF P:+ et] ne les trouva pas [TG FF:+ Samaël était venu (et les avait cachés) de devant elle]. Elle (litt.) pendit les yeux vers le haut, disant:

    « [TG E & FF, TF P & V: En demandant la clémence de devant toi, TG E: H’ l’el*im /TF P: YYY Elohim /TG FF: Eloha vivant et éternel], [TG D & TF V: toi qui es H’ qui répond (sic) aux prières des opprimés à l’heure de leur détresse /TG FF: toi l’eloha d’Abraham, Isaac et Israël mes pères], réponds-moi en cette heure [TG E & FF, TF P & V:+ qui est l’heure de ma détresse] et moi, je t’éleverai trois justes dans la vallée de Doura, Hanania, Mishaël et Azarya [TG FF: lesquels vont se jeter dans la fournaise de feu brûlant <suite indéchiffrable>]. »

    À l’instant même, [TG E: H’ /TG FF: YY /TF P: le Saint, béni soit-il /TF V: la parole d’H’ entendit sa prière et] fit signe [TF V: dit] à [TG D:- l’ange] Michaël [TG FF: Gabriel et il descendit ٠٠٠]: « [TF P:- Descends /TF V:+ et] donne ceux-là pour éclairer ses yeux ». [TG D, TF V:- Lorsqu’elle les prit,] ses yeux s’éclairèrent, et elle les jeta aux pieds des juges, disant:

    « L’homme auquel appartiennent ces cautions, c’est de lui que je suis enceinte
    [TG FF:+ de fils de prostitution, et elle dit: Reconnais maintenant] /
    afin de brûler [TF V: bien que je doive brûler], et je ne le ferai pas connaître. Cependant, [TF V:+ j’ai foi en le maître de tous les mondes, H’, qui est] le témoin entre moi et lui donnera dans son cœur [TF V: le cœur de l’homme à qui ceux-ci appartiennent] de reconnaître à qui sont ce cachet, cette cape et ce bâton. »


    (TG X=TT) Supplément à “elle est sortie”: et Tamar était sortie pour être brûlée ; et elle demanda les trois témoins mais (litt. et) elle ne les trouva pas car Samaël les avait dissimulés de devant elle. Elle leva les yeux vers là-haut et elle dit: “Je te prie, Dieu vivant, réponds-moi en cette heure car je suis pure, et moi, je donnerai trois justes dans la vallée de Doura qui tomberont dans le feu pour toi”. En cette heure, YH’ fit signe à Gabriel et il descendit et il les lui donna. Elle les < fragment manquant > devant les pieds des juges et dit: “De l’homme auquel sont ceux-ci, c’est de lui dont je suis enceinte des fils de prostitution”, et elle dit: “Connais maintenant à qui sont ces cachets, cape et bâton”.

    Tamar (litt.) était sortie pour être brûlée, et elle chercha ses trois cautions mais ne les trouva pas. Elle (litt.) pendit les yeux au ciel, disant:

    « Je te prie, pour l’amour de devant Toi YYY qui réponds aux opprimés (litt. ceux qui sont dans la détresse) dans leur détresse, d’illuminer mes yeux pour que je retrouve mes trois témoins et moi, je te susciterai de mes reins trois justes qui sanctifieront ton Nom” »

    . Alors même, le Saint fit signe à l’ange Michaël qui illumina ses yeux et elle les trouva.
    Elle les prit alors et les jeta aux pieds des juges, disant:

    « L’homme auquel appartient ces cautions, c’est de lui que je suis enceinte mais dûssé-je brûler, je ne le ferai pas connaître publiquement. Mais le maître du monde mettra en son cœur de les reconnaître et me sauvera de ce jugement redoutable »

    . Quand il les vit, Juda les reconnut et se dit en son cœur:

    « Je préfère la honte en ce monde passager qu’être confondu devant mes pères dans le monde à venir, je préfère être brûlé en ce monde par un feu qui s’éteint plutôt qu’être brûlé dans les flammes dévorant les flammes du monde à venir. C’est bien mesure pour mesure que je reçois car j’ai dit à mon père Jacob “Reconnais donc la tunique de ton fils”, c’est pour cela que je suis dans la nécessité d’entendre au tribunal “À qui sont ce sceau, ces fils et ce bâton ?” »

    La traduction de ce verset donne lieu, à l’exception du TO, à une amplification narrative dont le TN, et non le TPJ, contient la collation la plus exhaustive tandis que le TG E présente la forme la plus basique (et par conséquent la plus ancienne selon Renée Bloch — Blachman 2013, p. 81). Tous les targoumim, y compris le TO traduisent d’abord le terme mûṣeʾt (« elle était sortie ») littéralement par la racine n-p̄-q. Le TN et ses parallèles ajoutent ensuite « pour être brûlée [dans le feu] », autant pour harmoniser Gn 38:25 avec le verset précédent que pour évoquer implicitement Lv 21:9 (Menn 1998, p. 224)
    Les « cautions » (miškonaya) des TO et TPJ deviennent des « témoins » (sahadei) dans le TN et ses parallèles, ce qui déplace la prostitution vers une confrontation dans un tribunal où Dieu sera lui-même appelé par Tamar comme témoin.
    « Et elle ne les trouva pas » — car le traducteur joue sur le mot mûṣeʾt, qu’il décide de lire moṣeʾt (« elle trouve », c’est-à-dire “elle tente de trouver”) ainsi que l’indique le TT ; ce dernier et le TG FF font en outre intervenir Samaël pour expliquer la perte. Quoi qu’il en soit, la Tamar des targoumim est plus faillible que celle de la Bible, et a besoin d’aide.
    « Elle pendit ses yeux » — car les auteurs des targoumim insèrent volontiers des prières dans la bouche des personnages bibliques, reflétant leur propre piété. Dans le cas présent, l’importance accordée aux “yeux” de Tamar, “pendus au ciel” avant d’être “éclairés”, suggère une lecture homilétique de petaḥ einayim.
    La prière commence, à l’exception du TG D, par une formule d’adresse classique, « En priant [ta miséricorde (absent de plusieurs manuscrits)] » ; sommaire dans les TG E, TF P et le TPJ, elle donne lieu à diverses élaborations ultérieures : la Tamar du TG X implore le « Dieu vivant », et celle du TG FF invoque le « Dieu vivant et éternel […] de mes pères Abraham, Isaac et Israël ». L’adresse du TG D, accolée dans le TN à la formule classique, est en réalité l’objet de la prière de Tamar qui demande à Dieu de lui répondre à l’heure de « son affliction ». Le terme employé pour « affliction » dans le TG E, ʾananqi, est un calque corrompu du grec anagke (où le ghimel a été remplacé par un noun en raison de leur ressemblance graphique dans l’alphabet hébreu carré, et du fait de la méconnaissance du grec) ; l’ʿaqat'hon qui figure dans les adresses des TG D et TN (cf. supra), en est l’équivalent araméen ; le TN reprend en outre la prière du TG E avec la forme grecque, devenue dans le TG X ʾana nqiʾ (« [car] je suis pure »).
    Tamar formule ensuite, à l’instar de Jacob et d’autres figures bibliques, le vœu de rendre ultérieurement à Dieu la faveur qu’elle lui demande, en lui suscitant les trois compagnons dans la vallée de Doura ; les TG D et E ainsi que les TF P et V n’en ont pas détaillé la raison mais les autres ont souhaité insister sur les cas qu’ils feront pour « sanctifier ton nom » .
    Dieu répond à sa prière à l’instant où elle l’a formulée, dépêchant selon les versions Michaël ou Gabriel (qui font toute deux leur première apparition biblique dans le Livre de Daniel), Michaël ayant pour fonction de desciller les yeux de Tamar tandis que Gabriel est appelé pour défaire Samaël ou, selon certaines sources qui sont également inspirées de Daniel 3, parce qu’il est l’ange du feu (Menn 1998, p. 222n47).
    Tamar jette les précieux témoins aux pieds du « juge » selon la version originale du TN et comme le suggère la suite de la phrase ; un correcteur a fait du mot un pluriel, sans doute d’après le TPJ mais cette version est également attestée dans les TG D & E, et la tradition juive demande qu’un tribunal jugeant des peines capitales comporte au moins trois juges.
    Tamar leur déclare être prête à brûler, non pour la prostitution dont elle vient d’être innocentée mais afin de ne pas diffamer l’homme dont elle est enceinte ; les traducteurs tirent cette abnégation extrême du naʾ de Tamar qui, bien que faisant pendant au na de Juda (Gn 38:16), a été univoquement compris comme une supplication.
    « Cependant, » Tamar réaffirme l’ardeur de sa foi en proclamant sa confiance dans le Témoin qui remuera le cœur de Juda ; cette profession ardente se retrouve dans le TPJ et le TF V mais est absente des TG FF & X, qui reprennent la trame des versets. Le TN poursuit avec une tradition qui relève en vérité de Gn 38:26 (« Aussitôt, Juda se leva » etc.), élaborant sur le ṣadqa mimeni de Gn 38:26 tandis que le TPJ revient à Gn 38:25 ; la phrase est traduite par « elle est dans son droit, Tamar ma bru » qui se conclut à l’avantage de Tamar, et la lave de tout soupçon de prostitution (y compris lorsqu’elle s’en accuse elle-même, selon le TG FF) mais sans porter préjudice à Juda — Shinan et Zakovitch 1992, p. 160-161 & 170-171
    38:26 Juda les reconnut et dit: "Elle est plus juste que moi, car en vérité je ne l’ai pas donnée à Chêla mon fils," et il n’ajouta plus, dès lors, de la connaître. Juda prit acte et dit: "Elle est dans son droit, c’est de moi qu’elle est enceinte, car en vérité je ne l’ai pas donnée à Chêla mon fils," et il n’ajouta plus, dès lors, de la connaître. Juda connut et dit: « Elle est dans son droit, Tamar ma bru, à cause de cela: je ne l’ai pas donnée à Chêla mon fils », et il n’ajouta plus de la connaître. (TG E) Comme il les vit, Juda se dit en son cœur:

    « Il vaut mieux pour moi d’être humilié en ce monde que d’être humilié dans le monde à venir. Il vaut mieux pour moi brûler dans un feu extinguible en ce monde-ci que brûler dans un feu dévorant le feu dans le monde à venir. »

    Juda reconnut et dit: « Elle est juste, Tamar ma bru, à cause de ce que je ne lui ai pas donné Chêla, » et il n’ajouta plus de la connaître.


    (TG D, TF P & VNL) [TG D: Lorsqu’il vit/TF P: reconnut/TF V:Juda reconnut] les trois témoins, [TG D & TF P: Juda] se dressa sur ses pieds et [TG D: + élevant la voix,] dit :

    « "Je vous prie, mes frères et vous, gens de la maison de mon/mes pères, écoutez [TF P:+ cette parole de] moi. Par la mesure avec laquelle un homme mesure (TF P:+ sur terre), il sera mesuré (TF P: dans les cieux), que ce soit une bonne ou une mauvaise mesure ; et béni soit

    • TF P: l’homme qui fait de bonnes choses, il n’a pas honte dans ce monde-ci et il n’a pas honte dans le monde à venir
    • TF V: l’homme qui confesse ses faits. Parce que j’ai pris la tunique de Joseph mon frère, l’ai trempée dans le sang d’un chevreau, l’ai apportée aux pieds de mon père et lui ai dit “Reconnais donc si c’est la tunique de ton fils ou non”, la mesure est selon la mesure et la règle selon la règle. Il vaut mieux pour moi d’avoir honte en ce monde que d’avoir honte dans le monde à venir.

    Je préfère brûler dans un feu extinguible que brûler dans un feu dévorant le feu [TF P: +pour avoir pris la tunique de Joseph mon frère …, la mesure est selon la mesure et la règle selon la règle]. C’est elle qui l’emporte [TF V:+ dans son jugement], Tamar ma bru, [TG D: c’est de moi qu’elle est <fin du manuscrit>/TF P & V: qu’elle soit épargnée, Tamar ma bru elle n’a pas conçu un enfant par fornication mais parce que je ne lui ai pas donné Chêla mon fils.] »

    Un écho de voix sortit des cieux et dit: « Vous êtes tous deux justes [TF V: dans le jugement], c’est de devant [TF P:moi/TF V:Hashem] qu’est sortie l’affaire, » et il n’ajouta plus de la connaître.
    (TG X & FF) [TG X: +“Connut” —] ce fut lorsque Juda les vit et il dit :

    « Elle est dans son droit, c’est de moi qu’elle est enceinte et elle n’est pas enceinte de fils de prostitutions. [TG FF: +Recevez de moi, mes frères et gens [de la maison] de père,] Par la mesure avec laquelle un homme mesure il est mesuré : comme j’ai pris la tunique de Joseph mon frère et l’ai [TG X:teinte/TG FF: trempée] de sang et l’ai donnée à mon père et lui ai dit “Reconnais donc si c’est la tunique de ton fils ou non,” ils m’ont dit maintenant “Reconnais donc à qui l’anneau, la robe et le bâton que voilà.” Recevez de moi mes frères et gens de la maison de père, il vaut mieux moi être jugé en ce monde qu’être jugé dans le monde à venir, il vaut mieux pour moi être jugé par un feu extinguible qu’être jugé par un feu dévorant. »

    Et un écho de voix sortit et leur dit : « Tous deux avez été [TG X: jugés dans votre droit/TG FF: acquittés, car de là viendra le messie de YY, et il régnera sur toutes les nations, et il fera sortir mon peuple d’entre les peuples vers la maison de sainteté. Par conséquent, réjouissez-vous car] c’est de moi qu’est sortie l’affaire, » [TG FF:+ Juda dit donc : « C’est parce que je ne l’ai pas donnée à Chêla mon fils, »] et il n’ajouta plus de la connaître.
    Juda connut et dit: « Tamar est innocente, c’est de moi qu’elle a conçu », (litt.) et un écho de voix tomba du ciel, et dit: « C’est de devant Moi [qu’est venue toute l’affaire] et vous êtes tous deux (litt.) sauvés du jugement », et [Juda] dit: « [c’est] parce que je ne l’ai pas donnée à Chêla mon fils que ceci m’est arrivé », et il n’ajouta plus de la connaître dans la couche. Le repentir de Juda prend sa source, comme les élucubrations du verset précédent, dans un dédoublement homilétique : Juda reconnaît non seulement les gages mais la nature de ses fautes.
    Dans le TG E, Juda parle « en son cœur », et le traducteur dévoile ses arrière-pensées lorsqu’il s’apprête à exonérer Tamar ; ce repentir prend une autre dimension dans le TG D, le TN et les TF où Juda se lève pour faire connaître ses fautes publiquement, ainsi que le recommande le rite rabbinique, et il le fait en présence de sa famille ; l’insertion de la doctrine mesure pour mesure, particulièrement détaillée dans les TF, a pour effet de magnifier la justice divine dans l’humiliation publique de Juda, et elle permet même au TN de passer sous silence sa promesse non tenue car si l’histoire s’est ainsi déroulée, c’est — comme le rappellent le TG E et le TPJ — surtout « parce que je ne l’ai pas donnée etc. ». En augmentant l’objet de la confession de Juda et en magnifiant ses circonstances, les traducteurs en amplifient la portée jusqu’à l’affirmation du TG FF que c’est par elle que viendra le messie. Le TN, qui n’a pas inséré cette dernière tradition, a rattaché comme le TPJ la confession de Juda à la prière de Tamar au verset précédent, de sorte qu’elle a vu sa prière exaucée sans délai (dans le TPJ s.v. Gn 38:25, l’accent est mis sur la reconnaissance de la tunique identifiant Joseph/des objets identifiant Juda tandis que dans le TN, c’est le chevreau utilisé comme leurre dans les deux récits que le traducteur a choisi de mettre en parallèle) ; il effectue un nouveau dédoublement dans sa traduction de Gn 38:26, confondant dans une même racine ḥ-k-m la racine n-k-r (connaître) qui ouvre le verset et y-d-ʿ (savoir) qui le conclut.
    Le TG E introduit par ailleurs le motif du brûlement de Juda, absent du texte biblique mais repris par l’ensemble des targoumim à l’exception du TO, car il est tiré de Lv 20:10 qu’un même châtiment doit s’appliquer aux partenaires coupables d’inconduite sexuelle (cette interprétation n’est cependant pas celle des rabbins, lesquels prescrivent la lapidation ou l’étouffement mais non le bûcher pour le crime d’adultère). Or dans les targoumim où Juda déclare son intention de brûler, il est tenu de s’exécuter.
    Les targoumim qui traduisent « elle a eu raison » par « elle l’a emporté » [dans le jugement], créent de la sorte un lien entre Tamar et la sotâ, « femme déviante » ou supposée telle par son mari qui l’accuse injustement d’adultère. Le TG E et le TN escamotent ensuite la seconde partie de la phrase mais le TO a profité de l’absence de comparatif en araméen pour décomposer « elle est plus juste que moi » en « elle est dans son droit, c’est de moi, » de sorte que Tamar est juste sans que Juda soit pris en faute, et l’admission d’iniquité est transformée en reconnaissance de paternité. Les targoumim alternatifs déclinent quant à eux la racine z-k-ʾ au pluriel — « vous êtes tous deux dans votre droit » i.e. tous deux également justes et acquittés ; le TPJ a combiné ces deux lectures —Shinan et Zakovitch 1992, p. 170.
    Les targoumim semblent unanimes à traduire le dernier membre du verset par « il n’ajouta plus de la connaître » mais le rabbin médiéval David Kimhi signale l’existence d’un targoum qui lit “ne cessa plus”, et parvient donc à la conclusion opposée.
    38:27 … au moment de son accouchement … dans son ventre … au moment de son accouchement … dans litt. son entraille … au moment où elle accouche [i.e. est en train d’accoucher] … dans ses entrailles (TG E) Et ce fut au moment de son accouchement et voici des jumeaux dans ses entrailles … au moment de son accouchement … dans litt. son entraille Le TN traduit apparemment sur le modèle de Gn 24:11 et 31:10, et fait usage comme les autres targoumim d’un terme plus “interne” que beṭen, qui désigne plutôt la paroi ventrale.
    38:28 Et ce fut lors de sa délivrance, et il donna la main, et la sage-femme prit et attacha à sa main de l’écarlate, pour dire “celui-ci est sorti en premier”. Et ce fut lors de sa délivrance, et il donna la main, et la sage-femme prit et attacha à sa main de l’écarlate, pour dire “celui-ci est sorti d’abord”. Et ce fut comme elle était en train de délivrer, et l’enfant tendit sa main, et la sage-femme prit et attacha à sa main de l’écarlate, pour dire “celui-ci est sorti d’abord”. (TG E) Et ce fut dans la pupille de sa naissance, et l’enfant étendit sa main, et l’accoucheuse la prit et noua à sa main de l’écarlate pour dire “celui-ci est sorti d’abord”. Et ce fut lors de sa délivrance, et l’enfant tendit sa main, et la sage-femme prit et attacha à sa main un fil d’écarlate, pour dire “celui-ci est sorti d’abord”. Les TPJ et TN traduisent l’expression « (litt.) donner la main » par « étendre » ou « envoyer la main » qui est ce qu’elle signifie, et ils ajoutent en outre vladah pour préciser le sujet de l’expression ; [yat] yadah traduit par ailleurs « sa main », plutôt que « la main » du texte massorétique, ce qui pourrait signaler une haplographie de celui-ci (mais elle serait alors partagée avec le TO), une dittographie de la version traduite par les traducteurs ou une harmonisation avec la seconde occurrence de la « main » de l’enfant dans le verset. Le TPJ est le seul à mentionner un « fil » d’écarlate, inspiré de Josué 2:18 et de Cantique 4:3.
    Les targoumim ont traduit r-ʾ-š par q-d-m afin de mieux marquer l’antériorité (le TPJ ajoute même le préfixe circonstanciel ba pour évoquer le barišonaʾ de 2 Samuel 7:10), et ainsi la surprise qui se produit au verset suivant.
    38:29 Ce fut comme il retirait … "Comme tu as jailli, sur toi le jaillissement !" Et il appela … Ce fut lorsqu’il retira … "Quelle grande force est sur toi d’avoir la force !" Et il appela … Ce fut lorsqu’il rentrait … "Avec quelle grande force tu as attaqué et tu attaqueras, mon fils !" Et il appela … (TG E) Et ce fut quand il rentra sa main et voici que sortit son frère, et elle dit: “Comme tu as attaqué et en outre, tu es destiné à attaquer”, et elle appela son nom P̄areṣ Ce fut lorsque l’enfant retirait … "Avec quelle grande force tu as attaqué et il t’incombera d’attaquer car tu hériteras de la royauté !" Et elle appela … Les targoumim simplifient tous la lecture de « comme il retirait », devenu « lorsqu’il retirait », le TPJ se voulnt plus informatif, tandis que le TN utilise un verbe plus explicite qu’ʾateiv (qui peut aussi signifier « répondre » ou « rendre »)
    L’exclamation de l’accoucheuse devient dans les targoumim une manière de prophétie, en jouant sur la polysémie de p-r-ṣ qui s’emploie pour g-b-r (indiquant la force et la vaillance), ḥ-z-q (force et renforcement) ou p-r-h (fertilité, croissance), et en prenant prétexte de sa répétition dans le verset ; les circonstances du passé proche annoncent un avenir plus lointain qui est, dans le cas présent, la royauté de la maison de David le Parsite ; le TPJ en fait expressement état tandis que le TN floute quelque peu la référence, à peine suggérée dans le TO.
    Un même flottement existe dans les targoumim sur l’identité de la personne qui nomme : alors que les TO, TG E et TN portent le masculin, et désignent donc Juda (le TN ajoute d’ailleurs « mon fils »), le TPJ emploie ici et au verset suivant une forme féminine, indiquant que c’est l’accoucheuse ou Tamar qui nomme les enfants.
    38:30 Et après [sortit] … l’écarlate, et il appela son nom Zaraḥ Et après cela … l’écarlate, et il appela son nom Zaraḥ Et dès après cela … l’écarlate, et il appela son nom Zaraḥ (TG E) Et dès après cela sortit son frère dont il y a sur sa main l’écarlate, et il appela son nom Zaraḥ Et après cela … était attaché un fil d’écarlate, et elle appela son nom Zaraḥ L’ajout de « cela » dans l’ensemble des targoumim mais aussi la Bible samaritaine, suggère une version différente du texte massorétique.
    Sur le « fil d’écarlate » — et « il/elle appela », cf. Gn 38:28-29
  4. Différences entre les versions massorétique et syriaque de Genèse 38, d’après Heller 1927, p. 47-49 & Lamsa 1985:
    verset texte massorétique et traduction du Rabbinat texte syriaque, translittéré en caractères hébraïques par Heller 1927 et traduit en anglais par Lamsa 1985 Explications et remarques, d’après Shinan et Zakovitch 1992
    38:1 Adoullami (« Adullamite ») ʿdlmya (« Adoulmaya ») dans la version Heller mais Lamsa a lu ʿrlmya et traduit par Arlemite
    38:3 vatahar vateled ben (« elle conçut et enfanta un fils ») wbṭnt wyldt lh brʾ (« elle conçut et lui enfanta un fils ») Lh: occurrence unique dans la Peshitta sur ce chapitre, qui ressemble à Osée 1:3 et indique peut-être une version différente.
    38:4 vatiqra ett-shmo Onan (« elle lui donna le nom d’Onan ») wqrʾ šmh ʾwnn (« il appela son nom Onan ») Wqrʾ: égalisation avec le verset précédent.
    38:5 vatiqra ett-shmo Shela vèhaya biKhziv bèlideta oto (« elle lui donna le nom de Chêla et il était à Kezib lorsqu’elle l’enfanta ») wqrʾ šmh šlʾ wpsqt hwt kd yldth (« il appela son nom Chêla et elle cessa [ensuite] d’enfanter ») Wqrʾ: idem
    Wpsqt hwt kd yldth: cf. Targoum Neofiti ad loc. et l’ensemble de la tradition midrashique sur ce verset: K-Z-B n’est pas un nom de lieu mais indique une cessation (cf. II Rois 4).
    38:8 vayomer Yehoudah lèOnan (« Alors Juda dit à Onan ») wʾmr Yhwdʾ lʾwnn brh (« Alors Juda dit à Onan son fils ») Brh: ajout explicatif ou version différente.
    38:11 shvi almana (« Demeure veuve ») tby bʾrmlwth (« Demeure dans le veuvage ») Bʾrmlwth: la substitution du statut (veuvage) à l’épithète se retrouve aussi chez Yannaï. Il est riche de sens dans l’église syiaque où le veuvage — incluant les femmes qui s’abstiennent de relations après le mariage — est un idéal hautement encouragé, cf. Botha 1995 & Monnickendam 2019
    38:13 vayougad lèTamar lèmor … Timnata (« Il fut annoncé à Tamar en ces termes … à Timna ») wḥwyw ltmr wʾmrw … ltmnt (« Ils annoncèrent à Tamar et ils dirent … à Timnat ») Wḥwyw … wʾmrw: possible différence de version
    ltmnt: cf. les autres occurrences du nom de ce lieu (Gen 38:14, Josué 19:43 & Juges 14:2 & 5)
    38:14 vèhi lo nitna lo lèïsha (« et elle ne lui avait été donnée pour femme ») why lʾ mtyhbʾ lh (« et elle ne lui avait été donnée ») La version Heller omet de traduire ici lèïsha alors qu’elle le fait en d’autres occurrences, ce qui pourrait indiquer une autre version (mais Lamsa ne l’omet pas)
    38:16 vayomer hava na … ma titen li (« il dit: prépares-toi donc … que me donneras-tu? ») wʾmr lh ty … mnʿ yhb ʿnt (« il lui dit: prépares-toi … que me donnes-tu? ») Lh: ajout de clarification
    yhb: au présent et non au futur (Lamsa conserve le futur dans sa traduction)
    38:17 ʾim titen eravon ʿad shelakhekha (« si tu donnes un gage jusqu’à ton envoi ») ʾn thl li mšknʾ ʿdmʾ dmšdr ʾnt (« si tu me donnes un gage jusqu’au moment où tu l’enverras ») Li: ajout de clarification
    ʿdmʾ dmṣdr: idem
    38:18 ḥotamekha ouftilekha oumatekha … vatahar lo (« Ton sceau, ton cordon et le bâton … et elle (litt.) lui conçut ») ʿzqtk wšwšpk wḥwṭrʾ … wbṭnt mnh (« et elle conçut de lui ») Swšpk: « habit » ou « voile », cf. Lamsa et les Targoumim
    Mnh: contrairement aux Targoumim qui ont rendu [vatahar] lo par leih en conservant la préposition accusative du verset hébreu, la Peshitta préfère mnh qui marque un datif comme c’est le cas en Gn 19:36 (vatehareina … mèavihen) ; les Targoumim effectuent le même choix en Gn 38:35, où lo [ani hara] est rendu par mineih.
    38:21 ett anshei meqoma … ayè haqdesha hi baeinayim ʿal haderekh … lo hayta bazè qdesha (« aux gens de (litt.) son lieu … Où est la prostituée qui se tient à Einayim sur le chemin? … Il (litt.) n’y avait pas ici de prostituée ») lʿnšy ʾtrʾ … ʾykʾ hy znytʾ dytbʾ bplšt ʾwrḥtʾ … lyt hrkʾ znytʾ (« aux gens du lieu … Où est la prostituée qui était assise à la croisée des chemins? … Il n’y a pas ici de prostituée ») ʾtrʾ: cf. la Bible samaritaine sur ce verset
    znytʾ: la Peshitta ne distingue pas zona de qdesha
    Bplšt ʾwrḥtʾ: traduction évitant les interprétations homilétiques
    Lyt hrkʾ: réponse au temps présent et non au passé.
    38:23 pen niyhyè labouz (« de crainte que nous soyons raillés ») dlmʾ ʾhwʾ gwḥkʾ (« de crainte que je ne sois raillé ») ʾhwʾ: au singulier car le compagnon n’est qu’un émissaire et Juda est le seul concerné par l’affaire.
    38:24 Vayehi kemishlosh ḥodashim … lèmor … vègam hinè hara liznounim (« Environ trois mois après, … en disant:"… et elle porte aussi dans son sein le fruit de la prostitution". ») Vhwʾ mn btr tltʾ yrḥyn … wʾmrw … whʾ mn znywtʾ bṭnʾ (« Au bout de trois mois … et ils dirent:"… et c’est de la prostitution qu’elle a engendré" ») Vhwʾ mn btr tltʾ yrḥyn: la version Heller traduit comme la Septante (mais Lamsa traduit "about three months later")
    wʾmrw: cf. Peshitta sur Gn 38:13
    mn znywtʾ: tournure de phrase plus conforme au syriaque.
    38:25 Hi moutset … lo ani hara … haker na … vèhaptilim (« Elle était sortie, … (litt.) lui j’ai conçu … reconnais donc … et ces cordons ») Wkd hnwn mpkyn lh … mnh bṭnʾ … ʾštwdʿ … wšwšpʾ (« Ils la font sortir … de lui j’ai conçu … reconnais … et ce cordon ») Wkd hnwn mpkyn lh: hi moutset est sans équivalent direct en syriaque
    mnh bṭnʾ: cf. Peshitta sur Gn 38:18
    ʾštwdʿ: le na hébreu n’a pas d’équivalent syriaque
    wšwšp: au singulier (possible différence de version).
    38:26 ki ʿal ken … (« [elle est plus juste que moi] car il est vrai que … ») mṭl hnʾ … (« [elle est plus juste que moi] à cause de ceci: ») Mṭl hnʾ: traduction littérale mais qui peut donner lieu à la lecture alternative « [elle est plus juste que moi.] À cause de ceci, je ne l’ai pas donnée … » (cf. Jubilés XLI:22). Il semble néanmoins que la première lecture doive être préférée (Hayes 1995, p. 75-76).
    Lamsa traduit « She is more righteous than I; because I did not give her in marriage to Shelah my son »
    38:28 vayehi velitedah vayiten yad … vatikshor ʿal yado shani (« (litt.) Ce fut lors de son accouchement et il donna la main … elle attacha à sa main de l’écarlate … ») whwʾ dkd yldʾ yhb ʾydh … ḥwṭʾ dzhwrytʾ wqṭrt ʿl ʾydh (« (litt.) Ce fut lorsque l’enfant donna la main … [elle prit] un fil d’écarlate qu’elle attacha à sa main ») Whwʾ dkd: C. Heller indique que cette tournure de phrase rend la lecture plus fluide et se retrouve aussi dans la traduction arabe de Saadia Gaon. Cependant, elle figure par ailleurs dans le Targoum des Néophytes — qui n’omet cependant pas de préciser que « ce fut lorsqu’elle accouchait » — et pourrait refléter une différence de versions avec le texte massorétique.
    Hwṭʾ dzhwrytʾ: Cf. Targoum Neofiti et Pseudo-Jonathan ; ces lectures résultent de Josué 2:18 t Cantique 4:3.
    38:29-30 vayqra (« il appela ») wqrt (« elle appela ») Différence de version ou harmonisation.
  5. Convergences et divergences entre le Testament de Juda et les Jubilés, d’après Shinan et Zakovitch 1992, p. 234-236,
    Testament de Juda Jubilés 41
    Hiram l’Adullamite est le chef des bergers de Juda (T. Juda 8:1) Juda envoie auprès de Tamar son berger (Jubilés 41:14)
    Le roi d’Adullam dont Juda épouse la fille s’appelle Parsaba/Bar Choua ; Juda l’épouse après avoir été enivré et appâté par le roi et sa fille (T. Juda 8:2) La femme prise par Juda comme épouse a pour nom Bedsouël/Bat Choua ; le livre n’explique pas ce qui a poussé Juda à la prendre en mariage alors qu’elle n’est pas araméenne (Jubilés 41:7-8, cf. 34:20)
    Er prend pour femme « Thamar d’Aram-Naharaïm, fille d’Aram » (T. Juda 10:1) Juda prend pour son fils Tamar, une « femme des filles d’Aram » (Jubilés 41:1)
    « Mais Er était mauvais, et il lui déplut qu’elle ne soit pas du pays de Canaan ; un ange de Dieu le fit mourir la troisième nuit, et il ne l’avait pas connue à l’instigation de sa mère car il n’avait pas envie d’engendrer des enfants d’elle » (T. Juda 10:2-3) « Il la prit en haine et ne coucha point avec elle car sa mère était des filles de Canaan et il aurait voulu épouser une femme de la famille de sa mère mais Juda son père ne le lui permettait pas. Et cet aîné étant méchant, Dieu le fit mourir » (Jubilés 41:2-3)
    Juda voulait donner Chelâ à Thamar « mais sa mère ne m’en donna pas l’occasion » car elle en voulait à Thamar de ne pas être des filles de Canaan comme elle […] Lorsque Juda était parti, elle alla prendre une femme pour Chelâ parmi les filles de Canaan. Juda, l’apprenant, la maudit dans son amertume « et elle mourut elle aussi dans sa méchanceté avec ses fils » (T. Juda 10:7 & 11-3-5) « Il grandit et Bat Choua la femme de Juda ne donna pas son fils Chelâ à Tamar ; Bat Choua la femme de Juda mourut en la cinquième année de ces sept ans » (Jubilés 41:7-8)
    Thamar éblouit Juda par ses atouts d’apparat. Juda étant un roi, les gages qu’il donne à Thamar sont des insignes royaux (T. Juda 12:4) Tamar s’embellit en se parant ; les Jubilés ne glosent pas sur les gages laissés à Tamar par Juda (Jubilés 41:9)
    Aucune mention n’est faite des jumeaux nés de Thamar Il est à peine fait mention des jumeaux nés de Tamar, sans s’attarder sur les circonstances de leur naissance (Jubilés 41:21-22)
    L’union de Juda et Thamar est un scandale moral L’union de Juda et Tamar est un scandale légal
    Juda confesse que sans son repentir et les prières de Jacob, il serait mort sans descendance mais le Dieu de ses pères le prend en pitié car il a fait ces choses sans en avoir conscience (T. Juda 19:3) Juda confesse amplement sa faute d’avoir couché avec sa bru et s’en repent jusqu’à ce qu’il lui soit annoncé en rêve que le pardon lui a été accordé (Jubilés 41:23-26)

Époque médiévale[modifier | modifier le code]

  1. Du texte hébreu au texte massorétique de Genèse 38, avec les notes massorétiques (se lit de droite à gauche):
    Lecture de la parasha selon la cantillation fixée par la massore (rite ashkénaze, prononciation hébraïque moderne)
    Notes massorétiques Traduction (Chouraqui) Transcription d’après la norme académique de la SBL Texte massorétique Texte hébreu verset
    Et c’est en ce temps: Iehouda descend de chez ses frères. Il tend jusque chez un homme d’‘Adoulâm. Son nom, Hira. Wayĕhî bāʿēṭ hahîʾ wayēred yĕhūdâ mēʾēt ʾeḥāyw wayēṭ ʿad ʾîš ʿădullāmî ûšmo ḥîrâ וַֽיְהִי֙ בָּעֵ֣ת הַהִ֔וא וַיֵּ֥רֶד יְהוּדָ֖ה מֵאֵ֣ת אֶחָ֑יו וַיֵּ֛ט עַד־אִ֥ישׁ עֲדֻלָּמִ֖י וּשְׁמ֥וֹ חִירָֽה׃ ויהי בעת ההוא וירד יהודה מאת אחיו ויט עד איש עדלמי ושמו חירה 38:1
    38:2
    38:3
    38:4
    38:5
    38:6
    38:7
    38:8
    38:9
    38:10
    šḇy ʾalmĕnâ ḇêt (retour à la maison) - six occurrences: Gn 38:11 (deux fois), 2 Sam 6:11 & 13:20, Jér 36:22, 2 Chr 26:21
    watēšeḇ: douze occurrences, listées en Gn 31:34
    Iehouda dit à Tamar, sa bru: « Habite en veuve la maison de ton père, jusqu’à ce que grandisse Shéla, mon fils. » Oui, il avait dit: « Afin qu’il ne meure pas, lui aussi, comme ses frères ! » Wayoʾmēr yĕhūdâ lĕtāmār kalātô šḇy ʾalmĕnâ ḇêt־ʾāḇyḵ ʿad־yigdal šēlâ ḇnî kî ʾāmar pen־yāmût gam־hûʾ kĕʾeḥāyw watēleḵ tāmār watēšeḇ bêt ʾāḇîhā וַיֹּ֣אמֶר יְהוּדָה֩ לְתָמָ֨ר כַּלָּת֜וֹ שְׁבִ֧י אַלְמָנָ֣ה בֵית־אָבִ֗יךְ עַד־יִגְדַּל֙ שֵׁלָ֣ה בְנִ֔י כִּ֣י אָמַ֔ר פֶּן־יָמ֥וּת גַּם־ה֖וּא כְּאֶחָ֑יו וַתֵּ֣לֶךְ תָּמָ֔ר וַתֵּ֖שֶׁב בֵּ֥ית אָבִֽיהָ׃ ויאמר יהודה לתמר כלתו שבי אלמנה בית אביך עד יגדל שלה בני כי אמר פן ימות גם הוא כאחיו ותלך תמר ותשב בית אביה 38:11
  2. Différences entre le texte massorétique de Genèse 38 et le Tafsir :
    verset texte massorétique et traduction du Rabbinat Tafsir d’après l’edition Derenbourg et les notes de Kappah 1984, p. 56-57 Explications et remarques d’après le même, ainsi que Blachman 2013
    38:2 … fille d’un homme cananéen … fille d’un homme de commerce L’édition Derenbourg reproduit l’euphémisme présent dans certains Targoumim mais le Taj traduit « cananéen » sans interpolation.
    38:3-5 … il appela … elle appela … elle appela … et il était à Kezib … et elle l’appela … et elle l’appela … et elle l’appela … et Juda se trouvait à Khziv Le Tafsir de l’édition Derenbourg reproduit la version du Targoum Pseudo-Jonathan, à l’encontre du texte massorétique. Le rabbin Qappah n’en fait cependant pas mention.

Table récapitulative des variantes entre les divers témoins textuels de Genèse 38[modifier | modifier le code]

verset Texte massorétique Bible samaritaine Septante Targoum Onkelos Targoum Pseudo-Jonathan Targoum Neophyti Peshitta Vulgate Explications et remarques
38:2 ûšmo šûʿa (masc.) wšēmu šū (m) è onoma Sava (fém.) ûšmê šûʿa (m) ûšmê šûʿa (m) ûšmê šûʿa (m) wšmʾ šwʿ (f?) vocabulo Suae (m) La lecture de la Septante semble lui être propre car celle de la Peshitta est tout entière tributaire d’un point diacritique qui figure dans la version Heller 1927 mais non dans le Codex Ambrosianus B21, principal manuscrit de l’édition Leiden de la Peshitta (Tal 2016, p. 169* sic).
38:3-5 vayiqra vatiqra vatiqra
(masc. *1, fém. *2)
wtiqra wtiqra wtiqra
(f *3)
ekalessen ekalessen ekalessen
(f *3)
ouqra ouqrat ouqrat
(m *1, f *2)
ouqrat ouqrat ouqrat
(f *3)
ouqrat ouqrat ouqrat
(f *3)
wqrʾ wqrʾ wqrʾ
(m *3)
vocavitque nominavit appelavit
(f *3)
La version figurant dans la Bible samaritaine et la Septante apparaît dans d’autres témoins textuels ainsi que dans des manuscrits de la Bible hébraïque et dans les manuscrits connus de Genèse Rabba. Emerton juge de ce fait raisonnable d’amender la version massorétique de Genèse 38:3 selon la Septante, Shinan et Zakovitch pensent au contraire que leur lecture relève d’une volonté d’harmonisation, ainsi qu’illustré par le contre-exemple de la Peshitta.
38:25 vèhaptilim
(pluriel)
waffā̊təl
(singulier)
ormiskos
(singulier)
shoshifei/shoshifa
(pluriel/singulier)
šwšyp̄ʾ
(singulier)
armilla
(singulier)

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sources primaires[modifier | modifier le code]

Sources juives[modifier | modifier le code]
  • (he + fr) Méchon Mamré et Sefarim, « La Genèse Chapitre 38 - בְּרֵאשִׁית לח », dans La Bible bilingue Hébreu-Français,‎ (lire en ligne)
  • (he + en) Abraham Tal, Genesis, Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, coll. « Biblia Hebraica Quinta » (no 7),
  • (he) « Miqraot gdolot Haketer, Bereshit lamed het im Ein Hamassora » (consulté le )
  • Genesis, kephalaion 38 (λη’) (Wikisource)
  • Pierre Giguet, « Genèse 38 », dans Tome I - Le Pentateuque, Josué, les Juges, Ruth, Paris, Poussielgue et fils, coll. « La sainte Bible, traduction de l'Ancien Testament d'après les Septante », (lire en ligne)
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Sources samaritaines[modifier | modifier le code]
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Sources chrétiennes[modifier | modifier le code]
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Sources secondaires[modifier | modifier le code]

Ouvrages principaux[modifier | modifier le code]
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  • (en) Maayan Lustigman, “What a breach you have made for yourself!” : The History of Jewish Interpretations of Genesis 38, Montréal, McGill University, (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
    A thesis submitted to McGill University in partial fulfillment of the requirements of the degree of Master of Arts in Jewish Studies
  • (en) Esther Marie Menn, Judah and Tamar (Genesis 38) in Ancient Jewish Exegesis : Studies in Literary Form and Hermeneutics, Leiden/New York/Köln, Brill, coll. « Supplements to the Journal for the Study of Judaism » (no 51), , 412 p. (ISBN 90-04-10630-8, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Madeleine Petit, « Exploitations non bibliques des thèmes de Tamar et de Genèse 38: Philon d'Alexandrie; textes et traditions juives jusqu'aux Talmudim », dans ΑΛΕΞΑΝΔΡΙΝΑ : hellénisme, judaïsme et christianisme à Alexandrie; mélanges offerts au P. Claude Mondésert, Paris, Cerf,‎ , p. 77-115. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Madeleine Petit, « Tamar », dans Cahiers de Biblia Patristica 2 : Figures de l'Ancien Testament chez les Pères, Strasbourg, Brepols, , p. 143-157. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (he) Avigdor Shinan et Yaïr Zakovitch, Maasse Yehoudah veTamar : Bereshit lamed het bamikra, batargoumim haatikim oubasifrout hayehoudit hakdouma lesouggeiha [« The story of Judah and Tamar : Genesis 38 in the Bible, The Old Versions and the Ancient Jewish Literature »], Jérusalem, Magnes Press, coll. « Research Projects of the Institute of Jewish Studies, Monograph Series » (no 15), (ISBN 965-350-013-9). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (he) Rona Tausinger, Tamar eshet Er : Poetiqa, mistiqa oupolitiqa shel teima miqra’it besafrout ha’ivrit [« Tamar femme d’Er : Poétique, mystique et politique d’un thème biblique dans la littérature hébraïque »], Ramat Gan, Bar Ilan, coll. « Teima », , 569 p. (ISBN 978-965-226-525-8). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
Autres ouvrages et articles consultés[modifier | modifier le code]
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  • (en) Rachel Adelman, « Seduction and Recognition in the Story of Judah and Tamar and the Book of Ruth », Nashim: A Journal of Jewish Women's Studies & Gender Issues, no 23,‎ , p. 87-109 (JSTOR 10.2979, lire en ligne, consulté le )
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Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Article connexe[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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