Yoga

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Yogi assis dans un jardin.

Le yoga (sanskrit devanāgarī : योग ; « union, joug »)[1] est l'une des six écoles orthodoxes de la philosophie indienne āstika. Il est devenu, particulièrement en Occident, une discipline visant, par la méditation, l'ascèse morale et les exercices corporels, à réaliser l'unification de l'être humain dans ses aspects physique, psychique et spirituel[2].

Il n'existe pas de date attestée pour les origines de la conception du yoga. C'est entre le IIe siècle av. J.-C. et le Ve siècle que Patañjali codifie la philosophie du yoga en rédigeant les Yoga Sūtra, texte de référence et synthèse de toutes les théories existantes[3].

Les quatre voies (mārga) traditionnelles majeures de yoga sont le jnana-yoga, bhakti-yoga, karma-yoga et raja-yoga.

Le terme yoga est communément utilisé aujourd'hui pour désigner le hatha-yoga, même si cette discipline n'en est qu'une branche.

En 2014, l'ONU décrète le 21 juin « Journée internationale du yoga »[4].

Étymologie

Le mot « yoga » (devānagarī : योग) est, dans la langue sanskrite, un nom masculin construit par adjonction à la racine YUJ- d'une voyelle thématique -a [5]. Lorsque cette dérivation primaire s'effectue sur une racine portée au degré plein (dit aussi degré guṇa), elle fournit le thème d'un nom d'action généralement masculin. Portée au degré guṇa, la racine YUJ- devient YOJ-. Les lois phonétiques du sanskrit demandent de prononcer, dans certains cas, la palatale sonore j- sur le point d'articulation de la gutturale sonore g-[6] .

Le radical YOJ- devient donc YOG-. Ce radical provient du mot Indo-Européen *yugóm, lui-même dérivée de la racine *yeug-. En Indo-Européen comme dans la plupart des langues filles, ce mot a gardé son sens originel de joug (par exemple : yukan en hittite, iugum en latin, یوغ en persan, etc.)[7].

YOG- permet ensuite différentes dérivations primaires, dont celle du thème nominal yoga- qui, dûment décliné, peut alors exercer une fonction nominale dans une phrase sanskrite, tel le sūtra que voici : yogaś cittavṛttinirodhaḥ. Ce verset de Patañjali, qui définit précisément ce qu'est le yoga, est une phrase nominale composée de deux termes, un nom simple yogaś et un nom composé de trois thèmes juxtaposés cittavṛttinirodhaḥ[8] tous deux déclinés au nominatif (la désinence -s du nominatif parait ici, pour des raisons phonétiques, sous les formes et -ḥ).

Sémantique

La racine sanskrite YUJ- signifie "atteler, unir". Le mot "yoga" a, en sanskrit, les sens suivants : "1) action d'atteler ; 2) méthode pour dresser les chevaux ; 3) mode d'emploi, technique ; 4) discipline spirituelle ; 5) râja-yoga ; 6) hatha-yoga ; 7) état d'union ou d'unité de l'être subjectif avec le suprême (selon Shrî Aurobindo)"[9].

La signification du mot yoga n'est pas limitée à celle d''union (« union de ātman (l'âme individuelle) avec brahman (l'Esprit universel) »[10].

Yogi

Naga Sadhus (Sadhu nu) en Inde 2013

Du point de vue hindou, un yogi ou yogin (au féminin, yogini) est un ascète qui peut être un samnyâsin, un sādhu ou un guru. Le terme ne désigne pas une fonction mais une forme d'engagement spirituel.

Histoire

Antiquité

Bhairava, Shiva sous sa forme terrifiante.

Dans les années 1920, une équipe d'archéologues dirigée par John Marshall découvre des ruines sur les bords de l'Indus (Pakistan actuel) de la cité de Mohenjo-Daro qui aurait été fondée trois mille ans avant notre ère. Parmi les objets mis au jour lors de ces fouilles, des sceaux illustrés de personnages dans des postures (asanas) qui ressemblent à celles du hatha-yoga ont provoqué un débat, sans qu'il y ait la moindre certitude à ce sujet, sur la possibilité que le yoga ait existé bien avant qu'il soit amené dans le nord de l'Inde par les aryens et avant les Védas[11].

Vers le XVIIe siècle av. J.-C., les Aryens envahissent le Penjab[12], ils amènent avec eux leur religion codifiée dans les Veda, racine de l’Hindouisme auquel se rattache le yoga. Ils imposent leur langue, le sanskrit[13], mais s’imprègnent des traditions autochtones du Nord de l'Inde, notamment les pratiques yogiques existant originellement chez les Dravidiens[14]. Pour les rituels de l'époque, " Prononcer la formule, consiste plus à déclencher une sorte de magie vocale, plutôt qu’à énoncer une forme de vérité absolue "[15]. Cette incantation très attentive se retrouve dans le mantra-yoga, et l'attention au geste se retrouve dans les mudrâ, positions codifiées et symboliques des mains.

Vers le VIIe siècle av. J.-C., les Upaniṣad forment le troisième et dernier groupe scripturaire de la révélation védique. L'élan métaphysique franchit ici le cercle restreint de la liturgie et, d'équivalences en équivalences, s'élève jusqu'à la vérité suprême[16] : l'identité de l'âme individuelle (ātman) et de l'âme universelle (brahman)[12], thème repris dans la philosophie du yoga.

Vers les IVe siècle av. J.-C. les Yoga Sūtra (Y.S.)[17] et la Bhagavad-Gītā sont rédigés, ils deviendront les textes de référence du yoga.

Période contemporaine

Au début du XXe siècle le yoga réapparaît en même temps que le regain d'intérêt pour les spiritualités orientales. En 1924, Sri Krishnamacharia fonde une école de yoga qui va modéliser le hatha-yoga tel qu'il est connu en Occident.

Le yoga s'est lentement élaboré en s'imprégnant et en imprégnant ce qui l'entourait. Le yoga est avant tout une réalisation pratique (sādhana) obtenue par une ascèse engageant toutes les forces du corps et de l'esprit[12] ; il s'apparente au Sāṃkhya par tous les apports théoriques qu'il y puise.

En décembre 2014, l'Assemblée générale des Nations unies adopte à 177 voix une résolution initiée par le Premier ministre indien Narendra Modi invitant les pays membres à soutenir l'idée d'une « Journée internationale du yoga », le 21 juin, afin de « faire connaître les bienfaits de la pratique du yoga ». Le mois précédent Modi crée un Ministère du yoga en Inde (dont les prérogatives s'étendent aussi aux médecines traditionnelles indiennes : ayurveda, unani et siddha, incluant aussi l'homéopathie et la naturopathie)[18],[19].

Approche littéraire

Parmi les écrits fondateurs il convient de citer les yoga sūtra attribués à Patanjali et la bhagavad gītā, partie intégrante du grand cycle du mahābhārata.

Yoga sūtra

Écriture dévanagari.

Cette suite de 195 aphorismes fut codifiée aux environs du IIe siècle av. J.-C. par Patañjali. Ils traitent de l'univers intérieur de l'homme et des moyens à mettre en œuvre pour se libérer de la confusion (अविद्या avidyā) entraînant la souffrance. Les Yoga Sūtra[20] codifient la pratique du yoga en quatre chapitres :

  • Chapitre I, De l'unification[21] : Samâdhi pāda.
Après avoir rendu hommage à la perpétuelle chaîne de transmission maître-disciple[22], ce chapitre définit tout de suite l'objectif du yoga[23] qui n'est pas sans surprendre les occidentaux habitués à ne connaitre que la pratique des âsana (postures) : pour Patañjali, il s'agit d'une cessation de l'agitation du mental[24] qui stimule la souffrance et la confusion de l'égo[25] pris pour le Soi[26]. Puis il indique les obstacles et les moyens pour les vaincre : finalement, il présente un modèle, et décrit les différents stades du samâdhi.
  • Chapitre II, Du cheminement : sādhana pāda.
Ce chapitre expose les causes de la souffrance et propose la discrimination comme moyen d'en sortir. Pour développer la discrimination, l'observance simultanée des huit directions de l'ashtānga yoga constitue les fondements de la pratique du yoga.
1- yama : pratiquer les devoirs moraux élémentaires envers les autres comme envers soi-même.
2- niyama : se discipliner et se mesurer dans la pratique quotidienne.
3- āsana : se tenir tranquille de façon stable ; Patañjali ne parle à aucun moment de position particulière ni assis ni debout.
4- Prāṇāyāma : devenir conscient de la respiration ; Patañjali ne détaille aucun Prāṇāyāma, et ne parle jamais de contrôle du souffle.
5- pratyāhāra : savoir séparer la perception sensorielle de l'objet perçu.
Ces cinq aṅga (membres) constituent les bases du hatha-yoga.
  • Chapitre III, Des pouvoirs : vibhûti pāda.
Description des trois derniers anga :
6- dhāraṇā : concentration, garder l'esprit concentré, fixé sur un point.
7- dhyāna : méditation profonde, fixer toute la saisie sensorielle au cœur de l'objet perçu (se reporter à méditation).
8- samādhi : contemplation profonde, percevoir les objets et événements hors de toute projection personnelle.
Puis ce chapitre évoque l'accès aux pouvoirs merveilleux (siddhi), et avertit que la quête de ces pouvoirs peut devenir une entrave.
  • Chapitre IV, De l'émancipation : Kaïvalaya pāda.
Exposé du Karma et de la dualité, puis de la dualité vers l'unité. C'est une reprise approfondie de tous les thèmes déjà exposés vers le détachement ultime qui mène à la liberté[27].

Bhagavad Gītā

Le plan philosophique est complété par la Bhagavad Gītā. La Bhagavad Gītā aborde les différentes voies du yoga et leurs philosophies. Elle s'articule en dix-huit sous-chapitres, étant elle-même un des chapitres du Mahābhārata. Le verset 48 du chapitre 2 (Yogasthaḥ kuru karmāṇi « établi dans le yoga, tu peux agir ») constitue l'aphorisme central de la pratique du yoga.

Approche philosophique

Yoga dans la philosophie indienne

Yogini, Tamil Nadu.

Le yoga est l'un des 6 points de vue de la philosophie indienne āstika (qui reconnaît l'autorité du veda): les darśana qui prolongent les upaniṣad. Ils fonctionnent par paires : nyāya et vaiśeṣika, sāṃkhya et yoga, mīmāṃsā et vedānta. Ces darśana sont considérés comme essentiels pour obtenir une vue complète de la réalité. C'est en effet la juxtaposition de ces six voies de la connaissance qui permettrait de saisir l'ensemble « comme nous regardons une statue sous des angles différents avant de pouvoir nous en former une idée d'ensemble »[28].

Au Sāṃkhya[29], système dualiste et athée, le yoga emprunte de nombreux éléments théoriques dont : le Puruṣa[30], la Prakṛti et les guṇa[31].

« Celui qui demeure dans le champ de l'ignorance, est victime des cinq obstacles[32] que sont l'ignorance, l'ego, l'attachement tout autant matériel qu’à ses propres idées, la répulsion et la peur de la mort[33]. ». L'homme souffre parce qu'il recherche constamment la source de son bonheur en dehors de lui-même et cette poursuite se fait au prix d'une agitation mentale qui se traduit par le stress et/ou le mal de vivre. Dans ce contexte, le yoga propose une pratique physique reliée à une connaissance précise des rouages et résistances psychiques, pour aboutir à une union corps et esprit où se révèle une sérénité naturelle, caractérisée par une liberté (मोक्ष mokṣa) intérieure affranchie (à son stade final) de tout asservissement aux conditionnements (संस्कार saṃskāra).

But philosophique en Occident

Le but du yoga selon la conception occidentale est la quête d'une harmonie, d'une unité corps et esprit. Pour Patañjali, c'est aussi l'établissement dans l'état de sattva, c'est-à-dire la prévention ou la cessation des modifications à l'état subtil au sein du mental (manas), sources du karma. Cette harmonie ou cet état s'inscrit dans l'instant présent, et est potentiellement accessible à tout être humain. « Au cœur du yoga il y a un message important : tout être humain est naturellement équilibré et entier car le Soi [34] ne peut être ni détruit ni endommagé. C'est là notre nature inhérente, et le yoga est la voie vers une plus grande conscience de cette entité intérieure, le Soi"[35]. « Lorsque nous suivons systématiquement la voie du yoga, il prend dans notre vie une importance profonde. Intérieurement, il nous permet d'agir conformément à nos besoins, à nos intentions et aux valeurs qui nous sont les plus chères. Extérieurement, il nous apprend à renforcer notre corps, à détendre et à équilibrer notre système nerveux et à trouver la paix et la concentration sur un objet. En fin de compte, on dit que le yoga mène à la réalisation directe de notre nature véritable »[36]. »

Le yoga est une philosophie sans exclusive, toutes les convictions, mêmes religieuses ou humanistes, peuvent y trouver leur compte. Pour autant, le yoga n'est pas une religion. Le yoga proposant l'union, les choix religieux[37] ou non[38] sont respectés. L'essentiel étant la cessation des perturbations du mental, cela induit : le respect d'autrui, la paix et la non-violence (ou Ahimsâ).

Pratiques

Il existe de nombreuses voies et styles de yoga liés aux différentes aspirations individuelles et aux divers aspects de notre nature. Quatre voies traditionnelles majeures résument ces directions.

Au sein d'une même voie (मार्ग, mārga), il peut exister des courants différents. Un yogi reconnu comme maîtrisant parfaitement un mode d'enseignement peut décider de fonder une école de yoga. Cette diversité n'est pas un signe de faiblesse ou de dissension, mais plutôt une réponse à l'extrême diversité des attentes de chacun. Dénué de tout esprit de compétition ni d'objectif à atteindre, n'importe qui peut s'adonner au yoga (quel que soit l'âge, l'état, la religion, malade ou bien portant etc...)[39],[40].

Quatre voies traditionnelles

Quatre voies traditionnelles majeures, entre autres, peuvent résumer ces directions. Il est possible de les suivre assemblées ou séparément :

  • Le jnana yoga, la voie d'un yoga dont le but est d'atteindre la connaissance transcendante.
  • Le bhakti yoga, la voie d'un yoga de dévotion.
  • Le karma yoga, la voie d'un yoga de service et d'action désintéressée. Ces trois yogas ci-dessus forment la trimàrga, ou voie vers l'éveil. Il existerait une voie qui regrouperait ces trois ascèses en une et qui leur serait antérieure. Cette voie, la madhyama màrga serait la source de la voie du milieu dont s'inspire le bouddhisme et le zen[réf. nécessaire].
  • Le rāja yoga, une voie de yoga s'inspirant des yoga sutra codifiés par Patañjali, cette voie de yoga procède essentiellement par méditation (dhyâna). Il est également considéré comme le yoga « intégral » ou « royal » associant les trois yogas précédents au Hatha-Yoga[41].

Voies de kriyā yoga

Une citation de David Frawley décrit comme suit le kriya yoga : « la science yogique possède sa propre technologie consistant en diverses méthodes et techniques impliquant le corps, la respiration et le mental. Kriya se réfère à l'action, au processus ou au mouvement, en particulier au déploiement interne du prana et à la concentration. La purification et la transformation issues des yogas techniques préparent ainsi à la méditation profonde[42]. » Le haṭhayoga, le mantrayoga et le tantra yoga sont trois formes répandues de kriyāyoga.

Haṭha yoga

Posture de hatha-yoga : l'iguane.

Pour une majorité d'occidentaux, le yoga se résume au haṭha yoga. Pourtant, non seulement ce n'est pas la seule forme de yoga, mais même, la forme proposée en Occident est très éloignée de ce qu'est réellement le hatha-yoga traditionnel. En effet, le haṭha yoga, traditionnellement, n'est pas une forme de gymnastique douce mais une voie spirituelle à part entière, qui plus est une voie abrupte et dangereuse réservée à une élite d'individus prêts à brûler les étapes de la réalisation.

Le terme « haṭha » (हठ), signifie vigueur, violence; d'un point de vue symbolique, cela exprime aussi la réunion heureuse des contraires, que l'on retrouve dessinée dans le praṇava, (प्रणव), la syllabe sacrée om (le croissant lunaire accueillant le point solaire). D'un point de vue technique, le haṭha yoga est une discipline d'harmonisation et de développement des facultés psychologiques (concentration, sérénité) et corporelles (puissance et souplesse) poussés à leur perfection. Les principaux ouvrages qui présentent cette méthode, développée à la fin du premier millénaire de notre ère dans la secte tantrique des Goraknath, sont la haṭhayogapradīpikā et à la gheranda samhitā.

Mantra-yoga

Japamala.

Le mantra est un objet ou un support de méditation. Le mantra est soit une formule sacrée d'invocation condensée, soit une série de syllabes assemblées en fonction de leur seule efficience magique intrinsèque, répétée de nombreuses fois suivant un certain rythme. Le but de sa pratique peut être un bienfait matériel ou spirituel. Le mantra yoga peut s'effectuer dans le cadre d'un rituel minimal, ou d'une liturgie élaborée, incluant prières, visualisations, mudrāetc. Le récitant s'accompagne souvent d'un mālā, sorte de chapelet comportant 108 grains. Le mantra yoga s'identifie en bonne partie avec le siddha yoga. Sous une forme plus aisée et populaire il s'assimile au japa yoga, yoga fondé sur la "récitation" du nom de la divinité, répété mécaniquement, ou sur un mantra.

Tantra-yoga

Le tantra yoga s'exprime au travers de deux religions : le bouddhisme tantrique[43] (Tibet, Bhoutan, Népal, et Japon) et l'hindouisme tantrique (principalement au Nord de l'Inde). Pour l'hindouisme, Tantra (तन्त्र) signifie : règle, méthode, traité. Le Tantra est une approche de l'énergie à un niveau subtil.

Plusieurs yogas puisent leur origine dans le tantra, nous en citerons trois : Le shivaïsme du Cachemire, le kuṇḍalinī yoga et le yoganidrā ou yoga du sommeil.

Shivaïsme du Cachemire
Mont Kailash, demeure supposée de Shiva.

Ce yoga est l'expression la plus aboutie du Tantra, il se fonde sur la triple autorité, tout d'abord des écritures sacrées, les Āgama, puis de l'expérience et de l'enseignement du maître, enfin du propre discernement du pratiquant. À la différence du Brahmanisme classique, le Shivaïsme du Cachemire n'exige aucune qualification particulière de caste, de foi, mais seulement une aspiration à s'initier, selon son aptitude, à un enseignement approprié. Seuls ferveur et désintéressement sont requis, aucune forme d'ascétisme douloureux, aucun mépris des sens ou de la vie courante[44]. Entre le VIe et le Xe siècle, Vasugupta, Abhinavagupta, Gauḍapāda, Kshemaraja rédigérent les œuvres majeures Cacheméries.

Kuṇḍalinī yoga
Les sept chakras.

La kuṇḍalinī désigne l'énergie primordiale présente en chaque être humain et évolue en Sushumnā, son canal principal situé le long de la colonne vertébrale, à travers des chakra jusqu'au sommet de la tête. Cette technique permet l'équilibration puis la conjonction des courants ascendants et descendants du corps circulant au travers des principaux canaux énergétiques (nādî) gauche (idā) et droit (Piṅgalā). Certaines écoles de Hatha-yoga y puisent de larges emprunts, notamment leurs représentations énergétiques du corps.

Jung poursuivit, tout au long de sa vie, une analyse de la psychologie humaine et tenta entre autres, un rapprochement entre pensée orientale – Kuṇḍalinī yoga – et théories psychanalytiques. Fondamentalement, la psychanalyse est une "praxis", une méthode empirique, dont les modèles théoriques émergeront précisément avec les débuts de Jung dans le mouvement psychanalytique (définition d'un "complexe"). Le yoga fournira une justification facile de ces modèles qui ne sont ni psychanalytiques ni yogiques, et permettra de recycler la quasi-totalité des modèles judéo-chrétiens.

Aleister Crowley se serait inspiré du kuṇḍalinī yoga en contrepoint justement de la définition jungienne.

Yoga nidrā

Yoga-nidrā signifie « sommeil yogique ». On peut le considérer comme étant un sommeil lucide. Cette technique très ancienne est décrite dans les traités des Tantras et a été transmise par les Yogis depuis des temps immémoriaux. Ce yoga est essentiellement basé sur la relaxation, travaillant à proximité de la phase liminale du sommeil. Cette technique utilise des représentations telles que reprises dans la sophrologie. L'induction par l'enseignant, la douceur relationnelle et l'attention au corps dans l'instant présent[45] s'apparentent à l'hypnose ericksonienne.

Le Yoga-nidrâ permet d'élargir sa conscience et de développer ses potentialités latentes en cultivant des zones de notre cerveau généralement en friche. Il rééduque le sommeil et représente un pont vers l'éveil[46].

Traditions de yoga non hindouistes

Bouddhisme et yoga

Mudrâ bouddhiste.

Le yoga possède des éléments communs aux croyances et pratiques religieuses des religions dharmiques[47]. La forte influence du yoga est perceptible dans le bouddhisme, notoirement par ses austérités, exercices spirituels, et états de transe[48],[49]. La méditation dhyāna propre au bouddhisme est la pratique qui se rapproche le plus du yoga.

Cittamātra

Cittamātra (sanskrit), « rien qu'esprit », est l'une des écoles du bouddhisme mahāyāna. Elle est parfois nommée vijñānavāda, voie de la conscience, vijñānaptimātra, la conscience seule, ou encore yogācāra, pratiquants du yoga.

Shingon

Le Shingon est une école bouddhiste vajrayâna japonaise, fondée au VIIIe siècle par le moine Kûkaï (空海). Il s'agit donc de fusionner son esprit avec Maha Vairocana le bouddha cosmique en japonais « Daïnitchi-Nyoraï » par la réalisation des trois mystères « traïguya-yoga », celui du corps, de la parole, et de la pensée. C'est-à-dire d'effectuer simultanément un geste symbolique avec les mains, une mudrâ, répéter un mantra et de se visualiser comme la divinité bouddhique pratiquée. Réalisant ainsi le Mahamudra ou grande union. Le nom d'un certain nombre de divinités laisse aussi à penser qu'il y aurait un rapport entre des éléments tirés du kundalini yoga et cette forme de tantrisme, ainsi uchussma ou encore gundali des protecteurs, ou enfin la principale divinité irritée achalanatha, l'immuable, qui est un des noms de shiva. Il est parfois aussi représenté sous la forme d'une dragon serpentant autour d'une épée de feu. Lors de Takishugyo (ascèses) il est invoqué sous des cascades d'eau glacée. Les textes de référence de cette école bouddhiste sont le Mahavairocana tantra et le tantra du pic du vajra.


Bouddhisme tibétain

Dans le Vajrayāna, le mandala intérieur est l'anatomie du corps subtil ou éthérique, permettant la maîtrise des souffles (prāṇas), des canaux (nādīs), des gouttes (bindus), et des centres de conscience, ou roues d'énergie, appelés cakra. Les pratiques qui y sont liées spiritualisent le corps en en faisant un instrument de réalisation, et s'apparentent aux haṭha yoga et kuṇḍalinī Yoga hindous. Quant au mandala extérieur, on le déploie par le yoga de la déité (Yidam)[50]. Le yoga tibétain associe des techniques respiratoires, des exercices rythmiques, des pratiques mantriques ; il s'inspire des pratiques du Yogi Naropa et des exercices internes similaires au Qi Gong[51].

Jaïnisme et yoga

Les cultures religieuse et yogique du sous-continent indien étant fort vastes, les croyants du jaïnisme pratiquent des méditations soi-disant issues du yoga, couramment. Le dhyana, un exercice de concentration fait partie des rituels quotidiens du moine-ascète jaïn au contraire de tout exercice yogique. La tradition jaïne dit que tout bon croyant s'il pratique les pujas et les autres moments spirituels donnés par le jaïnisme, trouve inutile toute forme de yoga classique[52]. Cependant, il faut noter que le jaïnisme pourrait avoir influencer le yoga car les débuts de cette religion sont antérieurs au IXe siècle avant J.C.[53].

Égypte et yoga

Selon Yogacharya Babacar Khane, les recherches qu'il a menées en Égypte en compagnie de son épouse, Geneviève Khane, lui ont permis de mettre en lumière la présence en Égypte d'une forme de yoga égyptien très proche du haṭha yoga de l'Inde. « Le yoga égyptien comporte des postures identiques à celles de l'Inde : position du lotus, du cobra royal, du pont, de la charrue etc. mais en plus des attitudes spécifiques qui se caractérisent par leur verticalité. Ce type de yoga permet un redressement progressif de l'arbre vertébral et des épaules ; il libère tous les étages pulmonaires, permet de retrouver une capacité respiratoire normale et un regain de dynamisme et de vitalité. Les mouvements combinés, réclament une attention soutenue, développant le pouvoir de concentration et ce que la voie du ch'an appelle « la présence au présent ». »[54]

Pratiques occidentales dérivées

Le terme yogathérapie a été créé en 1970 par le Dr Bernard Auriol pour désigner l'usage pour la santé de méthodes et principes issus du yoga indien[55].

Notes et références

  1. The Sanskrit Heritage Dictionary de Gérard Huet
  2. « … dont la dissociation ou le déséquilibre caractérisent les états névrotiques ou psychotiques. » (Virel Psych. 1977).:Informations lexicographiques et étymologiques de « yoga » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  3. (fr) Gerhard J. Bellinger, l'Encyclopédie des religions, ISBN 2-253-13111-3.
  4. (fr) Premier ministre indien Narendra Modi :«Je n'ai pas de mots assez forts pour décrire ma joie.../... Le fait que 177 nations s'accordent et votent une résolution montre bien le pouvoir intégrateur du yoga»
  5. Louis Renou, Grammaire sanskrite élémentaire, page 17, J. Maisonneuve, Paris 1978.
  6. Jean Varenne, Grammaire du sanskrit, page 37, Presses Universitaires de France, Paris 1971.
  7. J. P. Mallory et D. Q. Adams, The Oxford Introduction to Proto-Indo-European and the Proto-Indo-European world, Oxford University Press, page 248.
  8. Sadānanda Sarasvatī, Les yogasūtras de Patañjali, page 34, Le Courrier du Livre, Paris 1979.
  9. Jean Hébert et Jean Varenne, Vocabulaire de l'hindouisme, Dervy, 1985, p. 117.
  10. Page 23, (fr) B.K.S. Iyengar, L'arbre du yoga, éd. Buchet/Chastel, ISBN 2-7020-1651-0. (Il est étonnant que la traduction française ait omis de mentionner que cette citation est elle-même extraite des Yâjnavalkya samhita.)
  11. Anne-Marie Loth, Védisme et hindouisme : du divin et des dieux, Chapitre douze, (présentation en ligne), p. 12.
  12. a b et c Pages 62, 63, 109, 123 & 130, (fr) Michel Mourre, Les religions et les philosophies de l'Asie, Éd. la table ronde, Paris, 1998, 464 p. ISBN 2-7103-0841-X.
  13. « Langage complexe et souple adapté aux opérations mentales les plus abstraites. ». Michel Mourre.
  14. Il faut cependant noter que la théorie de l'Invasion Aryenne est de plus en plus contestée dans les différentes écoles d'historiens contemporains même si elle a été très en vogue au XIXe siècle (L'Inde et l'invasion de nulle part, Paris, Les Belles Lettres, 2006, Michel Danino)
  15. (fr) Trad. L. Renou, L'Inde classique, t. I, p. 279, (667 pages, éd. Jean Maisonneuve, 1990 (ISBN 2-7200-1035-9))
  16. Dans la Chandogya Upanishad 6. XIV-6 : « Pendant le sommeil, tous les êtres vivants baignent dans le brahman, le Soi unique, mais commun à tous et ils oublient l'être particulier qu’ils se croient être dans l'état de veille. ». (fr) Gilles Farcet, Les UPANlSHADS Collectif, 125 pages, éditeur : Altess, 1999 (ISBN 2-905219-38-6).
  17. Précisons que la mention par exemple : Y.S. 2-30, signifie : yoga-sûtra Chapitre II aphorisme 30.
  18. (fr) Narendra Modi « Le fait que 177 nations s'accordent et votent une résolution montre bien le pouvoir intégrateur du yoga .../... Je suis pratiquant depuis des années et vous ne pouvez pas savoir à quel point cela a fait une différence positive dans ma vie. Le yoga est l'ancre de ma vie». Modi avait nommé le mois dernier un ministre du Yoga afin de relancer cette discipline ancienne, à l'occasion d'un remaniement du gouvernement indien.
  19. (fr) Le ministre du yoga est aussi en charge de l'ayurveda, de l'unani et du siddha. L'homéopathie et la naturopathie font aussi partie de ses prérogatives.
  20. (fr) Françoise Mazet, yoga-sutras de Patañjali, éd. Albin Michel, coll. "Spiritualités vivantes", Paris, 1991, 217 p. ISBN 2-226-05247-X.
  21. Reprise des titres de chapitres de Jean Papin, La Voie du yoga, cf. biblio. infra. s
  22. Y. S. 1-1 : Et maintenant voici l’enseignement qui fait autorité, dans la continuité d’une transmission sans interruption.
  23. Y. S. 1-2 : Le yoga est la cessation des activités perturbatrices du mental
  24. Y. S. 1-3 : Alors le témoin est établi dans sa vraie nature. Autre formulation : ainsi le Soi se révèle.
  25. -104. Apprends que c'est le sens de l'ego (ahamkâra) qui, en s'identifiant avec le corps grossier, s'imagine être, sur la scène de ce monde, l'acteur et le bénéficiaire. page 27, Camkaracarya, Viveka-Cuda-Mani, cf. biblio. infra.
  26. Y. S. 1-4 : Dans le cas contraire, il y a identification avec l’activité du mental.
  27. revue shakti
  28. page 32, (fr) Alain Daniélou, Yoga, méthode de réintégration, Éd. L'Arche, Paris, 1997, 216 p. ISBN 2-85181-022-7.
  29. Sâmkhya
  30. page 37, (fr) Jean Papin, La voie du yoga, Éd. Dervy, Paris, 1990, 280 p. (ISBN 2-85076-171-0).
    Y.S. 2-5 : La Nescience repose sur la confusion entre le transitoire et l'éternel, le pur et l'impur, le tourment et le bonheur, l'impermanence et la stabilité du Soi (Puruṣa).
  31. page 82, (fr) Françoise Mazet, Yoga Sutras de Patañjali, Éd. Albin Michel, Paris, 1991, 217 p. ISBN 2-226-05247-X.
    Y.S. 2-15 : Pour le sage tout est souffrance issue du changement, du remords, des habitudes et du conflit des gunas, souvent en opposition.
  32. Les cinq kleshas ou afflictions du mental que décrit Patañjali dans les Yoga-Sûtra (Y.S. II-3).
  33. pages : 102 et 104, (fr) Swami Lakshman Ji, Le Sivaïsme du Cachemire, Éd. Les Deux Océans, 2000, 142p. ISBN 2-86681-030-9.
  34. Dans la Chandogya Upanishad, Uddalaka Aruna tente de faire comprendre pratiquement comment l'Absolu imprègne toute chose. Il propose à son fils de mettre une pincée de sel dans un verre d’eau et après avoir goûté par partie tout le verre, le fils conclut : « La moindre goutte était salée. De même, mon fils, en vérité l'Être pur imprègne tout, que tu le perçoives ou non. Cet Être qui est l'essence la plus subtile de toute création, la réalité suprême, le Soi de tout ce qui existe, Svetaketu (Chandogya Upanishad 6. XIV. 3, (fr) Gilles Farcet, Les UPANlSHADS Collectif, 125 pages, Éditeur : Altess, 1999, Français, ISBN 2-905219-38-6.
  35. Tu es le Soi ; le mantra Tat tvam asi (तत्त्वमसि : « Tu es Cela »), célèbre cette unité de la création avec son créateur, qu'il soit personnel ou impersonnel.
  36. Page 2 : (fr) Sandra Anderson et Rolf Sovik, Le Yoga : Maîtriser les postures de base, 235 pages, Éditions de l'Homme, 1985, ISBN 2-7619-1690-5
  37. PHILOS. : Doctrine qui admet l'existence d'un Dieu unique et personnel comme cause transcendante du monde (Morf. Philos. 1980) Informations lexicographiques et étymologiques de « théisme » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  38. S’il est possible à travers les différents textes sacrés de l’Inde de trouver des éléments appartenant au yoga, il ne faut pas oublier que cette discipline est avant tout véhiculée par les ascètes. À travers les âges, ils ont permis la transmission des techniques yogiques tout en restant autonomes vis-à-vis de la religion orthodoxe. Celle-ci a essayé d’assimiler les différents éléments constituant le yoga en les intégrant dans leur point de vue. Mais le yoga est avant tout une voie personnelle d’expérimentation directe qui ne nécessite pas l’adhésion à un système religieux… Seulement, il est important de savoir qu’en Inde, la mise par écrit d’idées et de pratiques ne correspond nullement à leur apparition. Le yoga est apparu progressivement dans les textes parce qu’il a pris de plus en plus d'importance. Il est donc devenu difficile à la religion orthodoxe et institutionnalisée de ne pas prendre en compte cette voie. arbre-de-bo.com
  39. Asana, Pranayama, Mudra, Bandha de Swami Satyananda Saraswati, pages 16,19 et 20, ISBN 2-905892-02-1
  40. Le Yoga, Guide complet et progressif, Centre Sivananda, page 7, ISBN 2-221-04552-1
  41. David Frawley, Yoga et Ayurveda, page 79
  42. Pages 79 à 87, (fr) David Frawley, Yoga et Ayurveda, Éd. Turiya, 2004, 400 p. (ISBN 2951801904.[à vérifier : ISBN invalide])
  43. Exemples de thèmes communs aux Y.S. et au yoga tibétain, page : 54 : " Pour un intellect supérieur, la meilleure pratique religieuse est de s'abstenir de tout désir et de toute entreprise de ce monde, en considérant toute chose terrestre comme inexistante… Pour les trois niveaux d'intellect, la meilleure indication du progrès spirituel est la diminution progressive des passions obscurcissantes et de l'égoïsme. ". (fr) Anonyme, La Voie suprême selon le yoga tibétain, Éd. Allia, 2005, 73p. ISBN 2844851703.
  44. Pages : 41-42, (fr) Colette Poggi, Les Œuvres de vie selon Abhinava Avagupta et Maître Eckhart, Éd. Deux Océans, 2000, 247p. ISBN 2866810864.
  45. Pages : 134-135, « Être là maintenant… Il s'agit de ne penser, de ne sentir, de n'éprouver rien d'autre que le présent. ». (fr) François ROUSTAND, Qu’est-ce que l'hypnose ?, Les éditions de Minuit, 2003, ISBN 2-7073-1814-0.
  46. Yoga Nidra, Swami Satyananda Saraswati, ISBN 978-2-905892-00-3.
  47. (en) page 111, Georg Feuerstein, The Yoga Tradition: its history, literature, philosophy and practice, (ISBN 8120819233).
  48. "Yoga, " Microsoft® Encarta® Online Encyclopedia 2007 © 1997-2007 Microsoft Corporation. All Rights Reserved.
  49. (en) page 22, Heinrich Dumoulin, James W. Heisig, Paul F. Knitter, Zen Buddhism: A History (India and China)
  50. Glenn H. Mullins, Readings on the Six Yogas of NaropaSnow Lion Publications, Ithaca (USA), 1997. 175p./ p. 34 (ISBN 1-55939-074-3).
  51. Le yoga Tibétain
  52. Jainism The World of Conquerors, par Natubhai Shah, volume I, pages 121 et suivantes, ISBN 8120819381
  53. Jainism The World of Conquerors, par Natubhai Shah, aux éditions Motilal Banarsidass Publishers, volume I, page 15, ISBN 8120819381
  54. Institut International de Yoga (section Québec).
  55. « La yoga-thérapie, vous connaissez ? », sur TF1 Vidéos (consulté le ).

Bibliographie

Textes du yoga

  • Michel Angot, Le Yoga-Sūtra de Patañjali - Le Yoga-Bhāṣsya de Vyasa, Les Belles Lettres, 2008, 771 p.
  • Patañjali, yoga-sûtra (IIe s. av. J.-C. ?), trad. Françoise Mazet, Albin Michel, coll. "Spiritualités vivantes", 1991.
  • Svâtmârama, Haṭhayogapradīpikā (XVe s. ?), trad. Mi Tara, Fayard, 2007.

Études sur le yoga

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