Tatars de Crimée
Crimée | 248 200[1] |
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Turquie | 150 000[2] |
Ukraine | entre 30 000 et 60 000 |
Roumanie | 24 137 |
Ouzbékistan | 10 046[3] |
Russie (hors Crimée) | 2 249 |
Bulgarie[4] | 1 803 |
Population totale | 500 000 à 2 000 000 |
Langues | tatar de Crimée et langue du pays de résidence |
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Religions | Islam sunnite, Chrétiens Orthodoxes 5 %,agnostiques et athées 2 %. |
Ethnies liées | Tatars de Dobroudja, Nogaïs, Tatars de la Volga, Krymtchaks, Turcs |
Les Tatars de Crimée sont une variété de Peuples turcs installée au XIIIe siècle dans la péninsule de Crimée. Entre les XVe et XVIIIe siècles, ils constituaient le khanat de Crimée, allié aux Ottomans, qui prospéra puis tomba sous le pouvoir de l'Empire russe. D'autres Tatars vivent également dans d'autres régions de Russie, en Finlande, en Pologne ou en Roumanie. Pour leur part, les Tatars de Crimée sont également dispersés dans les républiques de l'ancienne URSS, les Balkans et la Turquie[5].
La République de Crimée compte actuellement 1,9 million d'habitants, dont environ 15% sont des Tatars de Crimée.
Ethnogenèse
Les Tatars de Crimée sont issus de différents peuples cavaliers de la steppe, dont le plus important en nombre est celui des Coumans (que les Russes appellent Polovtses), venus d'Asie centrale vers la Volga aux XIe et XIIe siècles. Ils progressèrent ensuite vers la mer d'Azov et la mer Noire. Installés dans les montagnes de l'actuelle Crimée lors des incursions mongoles, initialement tengristes, les Tatars de Crimée embrassent l'islam sunnite au moment de la formation du khanat de Crimée à partir de 1441 et qui dura jusqu'en 1783. Bénéficiant d'apports turcs ottomans d'Asie Mineure, les Tatars vécurent, en maîtres du pays, parmi les autres peuples de Crimée descendant du mélange de populations disparues en tant que telles : Scythes, Sarmates, Grecs antiques, Goths, Grecs pontiques, Alains, Khazars, Slaves (principauté de Tmoutarakan), Arméniens, Circassiens. Ces peuples se mélangèrent durant l'Empire romain et plus tard l'Empire byzantin, ainsi que durant la colonisation génoise avant d'être en partie assimilés par les Tatars.
Histoire
Les Tatars de Crimée étaient craints et haïs pour leurs raids dévastateurs en Ukraine, Russie et Moldavie, environ tous les trente ans entre 1223 et 1782. En 1571, les Tatars de Crimée prirent et brûlèrent Moscou. Ils pratiquèrent jusqu'au XVIIIe siècle le commerce d'esclaves slaves, moldaves ou circassiens avec l'Empire ottoman et le Proche-Orient. Le port de Caffa (Kefe) était un de leurs principaux marchés d'esclaves. Les anciennes affirmations[6] faisant état de plus de trois millions de personnes, principalement des Ukrainiens, Russes, Biélorusses et Polonais, capturées et asservies à la suite des incursions des Tatars de Crimée, sont exagérées. À l'inverse, celle de l'historien polonais Andrzej Dziubiński, estimant qu'au XVIe siècle le nombre de Slaves vendus par les Tatars aux Ottomans atteignait en moyenne autour d'un millier par an, sont minorées. L'historien anglais Alan Fischer estime quant à lui qu'entre 1475 et la fin du XVIIe siècle plus d'un million d'esclaves furent pris en Pologne-Lituanie, essentiellement dans ce qui est aujourd'hui l'Ukraine, et vendus en Crimée. À ces ventes effectives sur les marchés s'ajoutent les massacres commis pour les captures, et les morts au cours du transport.
Outre le pillage et le commerce d'esclaves, les Tatars de Crimée avaient comme ressource l'élevage (notamment de chevaux, surtout pratiqué par les Roms dits Tataritika Roma qui leur servaient aussi d'éclaireurs, de charrons et de goujats)[7], l'agriculture (fréquemment pratiquée par des esclaves slaves ou moldaves) et le commerce (en particulier la vente de chevaux très réputés, de fruits secs et de fourrures, notamment vers l'Empire ottoman, leur principal débouché).
Les Tatars de Crimée furent en guerre quasi permanente contre les puissances chrétiennes voisines, notamment la Russie et la Pologne-Lituanie, qui armèrent contre eux des troupes irrégulières d'hommes libres vivant dans le pays : les Cosaques. Ceux-ci adoptèrent le même style de vie et se livrèrent aussi au pillage. Orthodoxes d'obédience russe, les Cosaques pillèrent non seulement les Tatars, mais parfois aussi les chrétiens catholiques d'obédience polonaise ou les juifs. Ils vécurent dans ce que la Russie appela l’« Ukraine », littéralement sa « marche-frontière », peuplée de « Ruthènes » ou « Petits-Russiens » (comme on appelait alors les Ukrainiens).
Empire russe
En 1792, l'Empire ottoman perdit une guerre de cinq ans contre l'Empire russe et dut lui céder la Crimée : les Tatars de Crimée se trouvèrent dès lors soumis à leurs anciennes victimes. Ils durent rendre les armes, libérer tous les esclaves chrétiens, céder leurs Roms aux monastères et seigneurs russes, et un grand nombre d'entre eux s'enfuirent dans l'Empire ottoman, notamment en Dobrogée, en Bulgarie, en Anatolie et dans le Caucase. Au cours des décennies suivantes, ils devinrent minoritaires en Crimée, car l'Empire russe y installa un grand nombre d'agriculteurs russes, ukrainiens et allemands.
La guerre de Crimée de 1853 et les lois de 1860-1863 et 1874 provoquèrent un nouvel exode des Tatars de Crimée vers des territoires ottomans — aujourd'hui la Bulgarie, la Roumanie et la Turquie. Ceux de la côte sud étaient réputés pour leurs connaissances en jardinage, leur honnêteté et leurs habitudes laborieuses. Les Tatars de montagne ressemblent beaucoup à ceux du Caucase, alors que ceux de la steppe (les Nogaïs) sont certainement d'origine mélangée entre des Turcs et des Mongols.
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Femmes tatares de Crimée vers 1900.
URSS
Le régime communiste provoqua, parmi les Tatars de Crimée, une nouvelle saignée démographique durant la collectivisation et les Grandes Purges des années 1930 : une génération entière d'hommes politiques et d'intellectuels — comme Veli İbraimov et Bekir Çoban-Zade — disparut sous les fausses accusations du NKVD.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands tentèrent d'embrigader les Tatars, mais bien que seule une minorité eût accepté la collaboration active, toute la population tatare de Crimée fut victime de la répression stalinienne. Ils furent accusés d'être des collaborateurs du Troisième Reich et déportés en masse en Asie centrale (Ouzbékistan) et dans les régions lointaines de l'Union soviétique (Sibérie), le . En deux jours du 18 au environ 180 000 Tatars ont été déportés[8]. Cette punition collective fut également appliquée indistinctement, quelques mois plus tard, aux Grecs, aux Allemands et aux Arméniens vivant dans la péninsule. Beaucoup moururent de maladie et de malnutrition. L'année suivante, la République socialiste soviétique autonome de Crimée fondée en 1921 fut supprimée et transformée en une simple oblast de Crimée au sein de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR).
En 1967, un décret annula les accusations du NKVD portées contre les Tatars de Crimée déportés, mais le gouvernement soviétique ne prit aucune mesure concrète pour faciliter leur réinstallation en Crimée, ni pour réparer les pertes humaines et les confiscations. Les retours ne furent qu'individuels.
Ukraine
Le retour collectif a commencé avec la dislocation de l'URSS à partir de 1989. Plus de 250 000 Tatars sont retournés en Crimée, luttant pour rétablir leurs vies et réclamer leur autonomie et leurs droits culturels. Cette communauté, qui représente plus de 12 % de la population (19,4 % en 1939) de la Crimée, est malgré tout confrontée à beaucoup d'obstacles sociaux et économiques, comme la ghettoïsation, car la plupart des rapatriés vivent concentrés dans des immeubles vétustes à la périphérie des villes, ce qui ajoute à leur isolement.
Les problèmes que rencontrent les Tatars sont importants et portent d’abord sur :
- l'emploi (taux de 60 % de chômage), l’instruction, la sécurité sociale, les soins de santé dont le coût est prohibitif ;
- le logement (constitué généralement de logements ne répondant souvent pas aux normes) ;
- la protection culturelle et linguistique, alors que la presque totalité des Tatars de Crimée sont russophones et qu'il faut leur faire découvrir la langue de leurs ancêtres.
Depuis 1991, la défense des intérêts des Tatars est prise en charge par une organisation, le Mejlis (assemblée) des Tatars de Crimée qui, le de cette même année, déclara la souveraineté des Tatars de Crimée et adopta un hymne national, ainsi qu'un drapeau, le Qırımtatar bayrağı ou Kök bayraq. Depuis 1998, l'organisation envoie 14 députés au parlement ukrainien (Rada), dont son leader, Mustafa Abdülcemil Qırımoğlu. Elle est soutenue financièrement par la Turquie.
Russie
Le Premier ministre de Crimée Sergueï Axionov signe le un accord de coopération économique avec le président de la république du Tatarstan, Roustam Minnikhanov, dont la priorité est l'aide aux Tatars de Crimée[9]. Cependant la langue d'origine et l'histoire des Tatars du Tatarstan et des Tatars de Crimée sont différentes. Seuls le sunnisme, l'appartenance aux peuples de l'ex-URSS (avec le russe comme langue véhiculaire) et le fait qu’ils soient des peuples turcs (de branche kiptchak) les rapprochent.
Le , l'une des figures politiques des tatars, Moustafa Djemilev, se vit interdire par Vladimir Poutine d'entrer sur le territoire de la Crimée[10].
Le président russe Poutine a signé un décret le lundi concernant la réhabilitation des Tatars de Crimée, en tant que peuple réprimé sous Joseph Staline. Ce décret inclut des mesures pour le développement des autonomies culturelles nationales, pour l'accès à l'apprentissage des langues des peuples opprimés, pour le développement de leur artisanat et d'entreprises locales, et pour leur développement socio-économique[11].
Le Congrès mondial des Tatars de Crimée a eu lieu le 1er et à Ankara. Parmi ses organisateurs principaux figurent Moustafa Djemilev et Refat Choubarov[réf. souhaitée].
La chanteuse d'origine tatare de Crimée, Jamala remporte l'Eurovision en 2016 et est aujourd'hui fort populaire dans toute l'Ukraine et les pays environnants.
En 2016, une unité paramilitaire spéciale formée de volontaires tatars de Crimée est constituée en Ukraine pour combattre les séparatistes pro-russes à l'est du pays.
Le , la Cour internationale de justice condamne la Russie pour le traitement infligé à leur égard[12].
Culture
Notes et références
- http://www.ukrcensus.gov.ua/eng/results/general/nationality (en)
- « Crimean Tatars and Noghais in Turkey »
- 2000 estimate: (ru) Этнический атлас Узбекистана Институт "Открытое общество", 2002. (ISBN 5-862800-10-7). — стр. 206
- « Bulgaria Population census 2001 »
- Maxime Deschanet, Les Tatars de Crimée au XVIIe siècle dans Pierre Chevalier, "Histoire de la guerre des Cosaques contre la Pologne", Paris, 1663, , 26 p. (lire en ligne), p. 11-12.
- Théophile Lavallée: http://www.crda-france.org/fr/6histoire/a_d/16_devchirme.htm
- Stéphane Zweguintzow, « Les Roms dans la C.E.I. », Échos de Russie et de l'Est, no 24, jan.-février 1995, p. 16, Éd. B. de Saisset, (ISSN 1250-8659). Goujat doit ici s'entendre dans son sens premier de « valet d'armée ».
- Jean-Jacques Marie les peuples déportés de l'Union soviétique éd.Complexe 1995 p. 103 (ISBN 2-87027-598-6)
- (ru) Itar-Tass, 5 mars 2014, Signature d'un accord économique avec le Tatarstan
- Moustafa Djemilev, chef tatar d’une Crimée deux fois mutilée, 14 juillet 2014, Libération
- Poutine signe un décret sur la réhabilitation des Tatars de Crimée, 21 avril 2014, Romandie
- « A La Haye, une victoire en demi-teinte pour l'Ukraine », sur La Libre Belgique (consulté le )
Annexes
Bibliographie
- Grégory Dufaud, Les Tatars de Crimée et la politique soviétique des nationalités, Non lieu, Paris, 2011, 439 p. (ISBN 978-2-35270-096-8) (texte remanié d'une thèse)
- (en) Alan W. Fisher, The Crimean Tatars, Hoover Institution Press, Stanford, Calif., 1978, 264 p. (ISBN 0817966617)
- (en) Paul Robert Magocsi, This blessed land : Crimea and the Crimean Tatars, Chair of Ukrainian Studies, University of Toronto, 2014, 152 p. (ISBN 978-0-7727-5110-2)
- (en) Brian Glyn Williams, The Crimean Tatars : the diaspora experience and the forging of a nation, Brill, Leiden, Boston, Köln, 2001, 488 p. + pl. (ISBN 90-04-12122-6)