Les Aventures de Tintin

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Les Aventures de Tintin
Série
Décoration murale de la gare de Stockel (métro de Bruxelles) représentant les personnages des Aventures de Tintin.
Décoration murale de la gare de Stockel (métro de Bruxelles) représentant les personnages des Aventures de Tintin.

Auteur Hergé
Assistant Studios Hergé
Edgar P. Jacobs
Genre(s) Bande dessinée jeunesse
Aventures
Policier
Science-fiction

Personnages principaux Tintin et Milou
le capitaine Haddock
Dupond et Dupont
Tryphon Tournesol
Lieu de l’action Les cinq continents
La Lune à une occasion
Époque de l’action Milieu du XXe siècle

Pays Drapeau de la Belgique Belgique
Langue originale Français
Autres titres Les Aventures de Tintin et Milou
Éditeur Le Petit Vingtième (1930–1939)
Casterman
Première publication Le Petit Vingtième no 11
()
Nombre de pages 62 pages (du tome 2 à 23)
Nombre d’albums 24 albums, dont un inachevé

Prépublication Le Petit Vingtième
(de 1929 à 1939)
Cœurs vaillants
(de 1930 à 1947)
Le Soir Jeunesse puis Le Soir (de 1940 à 1944)
Le Journal de Tintin
(1946 à 1976)
Site web tintin.com

Les Aventures de Tintin constituent une série de bandes dessinées créée par le dessinateur et scénariste belge Hergé.

Les Aventures de Tintin font partie des plus célèbres et plus populaires (250 millions d'exemplaires vendus[1]) bandes dessinées européennes du XXe siècle. Elles ont été traduites en une centaine de langues et dialectes[2] et adaptées à de nombreuses reprises au cinéma, à la télévision et au théâtre. Elles se déroulent dans un univers réaliste et parfois fantastique, fourmillant de personnages aux traits de caractère bien définis. Le héros de la série est le personnage éponyme, Tintin, un jeune reporter et globe-trotter belge ; il est accompagné dans ses aventures par son fox-terrier Milou. Au fil des albums, plusieurs figures récurrentes apparaissent, comme le capitaine Haddock – qui ne tarde pas à devenir un personnage principal –, les détectives accumulant les maladresses loufoques Dupond et Dupont, ou encore le professeur Tournesol.

La série est appréciée pour ses dessins qui mélangent personnages aux proportions exagérées et décors réalistes. L'utilisation de traits d'une égale épaisseur, l'absence de hachures et le recours aux aplats de couleur sont les marques du style de l'auteur, connu sous l'appellation de « ligne claire ». Les intrigues des albums mélangent les genres : des aventures à l'autre bout du monde, des enquêtes policières, des histoires d'espionnage, de la science-fiction, du fantastique. Les histoires racontées dans Les Aventures de Tintin font toujours la part belle à l'humour « peau de banane », contrebalancé dans les albums les plus tardifs par une certaine ironie[3] et une réflexion sur la société.

Publications

Couverture du Petit Vingtième publié le jeudi 13 mai 1930
Couverture du Petit Vingtième publié le jeudi , montrant Tintin de retour du « pays des Soviets ».

Les Aventures de Tintin sont publiées pour la première fois le dans Le Petit Vingtième, supplément hebdomadaire pour enfants du journal belge Le Vingtième Siècle. La dernière parution dans ce journal date du – jour où les armées allemandes entrent en Belgique.

À partir du , la série est également publiée dans Cœurs vaillants. À partir du , elle l'est également, avec quelques modifications, dans l'hebdomadaire catholique suisse L’Écho illustré[4]

À partir du , la publication des Aventures de Tintin reprend dans Le Soir jeunesse, supplément du journal Le Soir. Hergé y commence Le Crabe aux pinces d'or.

À partir du , à la suite de l'arrêt d'édition du Soir jeunesse, conséquence du rationnement en papier, la publication des Aventures de Tintin est directement intégrée dans les pages du journal Le Soir. Cette publication s'y poursuivra jusqu'au , date à laquelle débute la libération de la Belgique.

À partir du , après une période d'interdiction de publication, Les Aventures de Tintin sont prépubliées dans le Journal de Tintin avec Le Temple du Soleil.

Les Aventures de Tintin sont aussi publiées en 24 albums, dont un inachevé, aux éditions Casterman. Elles se terminent avec la mort de leur auteur, le .

Vue d'ensemble

Tintin illustrant le thème de la plongée dans les couloirs du Centre sportif de Blocry à Louvain-la-Neuve avec des scènes tirées de l'album Le Trésor de Rackham le Rouge.

Tintin est un reporter[Note 1], profession dont Hergé se sert pour mêler son personnage à plusieurs événements d'actualité : la révolution bolchevique en Russie, les prémices de la Seconde Guerre mondiale, la conquête lunaire, etc. Hergé a créé autour de Tintin un univers aux détails stylisés, mais réaliste. Il a obtenu cet effet en s'inspirant d'une importante collection de photographies.

Les Aventures de Tintin suivent une trame très linéaire — une énigme résolue de manière logique[réf. nécessaire] — mais Hergé les présente avec son sens de l'humour caractéristique. De plus, il y introduit des personnages secondaires, assez prévisibles[réf. nécessaire], mais auxquels les lecteurs, dont l'attention est captée, s'attachent parfois plus qu'aux héros[réf. nécessaire] (voir plus bas).

Le dessinateur a également particulièrement bien compris les mécanismes de la bande dessinée, en particulier concernant le rythme. Ce sens du rythme est flagrant dans Les Bijoux de la Castafiore, album dont l'action se déroule dans une atmosphère tendue, alors qu'il ne s'y passe aucune action aventureuse. La publication en planches hebdomadaires imposait en effet que chaque page fasse avancer l'action suffisamment et se termine sur un point d'humour ou de surprise qui donnait envie d'acheter la suite. Même si le dessin peut sembler simpliste, voire caricatural pour les visages, il va devenir de plus en plus précis sur les décors au fil du temps et des rééditions[5].

Hergé a, dans les premiers temps, créé Les Aventures de Tintin en improvisant, ne sachant pas à l'avance de quelle manière le héros se sortirait de toutes ses mésaventures. Il n'a été amené à se documenter et à prévoir ses scénarios qu'après avoir terminé Les Cigares du pharaon. L'impulsion est venue de Zhang Chongren (Tchang Tchong-jen, ou Tchang), un étudiant chinois qui, en apprenant qu'Hergé allait envoyer Tintin en Chine pour sa prochaine aventure, l'a incité à ne pas colporter les idées reçues qu'avaient les Européens de l'époque. Hergé et Zhang ont ainsi travaillé ensemble sur l'épisode suivant de la série : Le Lotus bleu, ouvrage repris dans les 100 livres du siècle, classement français des livres considérés comme les cent meilleurs du XXe siècle, établi au printemps 1999 dans le cadre d'une opération organisée par la Fnac et Le Monde. Hergé y expose la manipulation conduisant à l'occupation de la Mandchourie par le Japon et l'incapacité de la Société des Nations (SDN) dans ce conflit.

Des événements extérieurs obligent également Hergé à effectuer d'autres changements dans sa manière de créer ses bandes dessinées.

La Seconde Guerre mondiale et l'invasion de la Belgique par les armées d'Hitler entraînent la fermeture du Petit Vingtième. Hergé travaillait à ce moment-là sur Tintin au pays de l'or noir. L'histoire est interrompue et ne sera reprise qu'en . Malgré la raréfaction du papier, Hergé peut poursuivre Les Aventures de Tintin en publiant, d'abord dans Le Soir-Jeunesse puis dans Le Soir, Le Crabe aux pinces d'or, L'Étoile mystérieuse, Le Secret de La Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge. De 1941 à 1944, ces mêmes histoires paraîtront en album. Paraissent également les versions couleur du Crabe aux pinces d'or, de L'Île Noire et de L'Oreille cassée. Les Sept Boules de cristal ne paraîtront que partiellement dans le journal Le Soir. Enfin, les versions de Tintin au Congo et Tintin en Amérique en néerlandais paraissent dans le journal Het laatste Nieuws.

Pendant et après l'occupation allemande, Hergé est accusé par les autorités d'épuration d'être un collaborateur, car le journal Le Soir était contrôlé par les nazis, et il est brièvement incarcéré à la Libération[réf. nécessaire]. Il se défend en déclarant qu'il avait tout simplement fait son métier pendant l'Occupation, comme l'auraient fait un plombier ou un charpentier. Les histoires nées durant cette période, contrairement à sa production d'avant et d'après-guerre, sont dans l'ensemble politiquement neutres, sans référence avec la situation de l'Europe en guerre. Néanmoins, Le Sceptre d'Ottokar dénonce bien le déroulement d'un Anschluss, commandité par un dictateur nommé Musstler (contraction de « Mussolini » et de « Hitler »).

Par ailleurs, l'apocalyptique album L'Étoile mystérieuse traduit la peur de l'avenir éprouvée par l’auteur durant cette époque de guerre et distingue, dans sa version originale, un groupe ami de scientifiques issus de pays neutres ou occupés par l'Allemagne, d'un groupe concurrent conduit par un banquier juif américain. Mais les histoires sont souvent tournées vers les voyages, l'aventure et la chasse aux trésors, comme dans Le Secret de La Licorne, Le Trésor de Rackham le Rouge ou Les Sept Boules de cristal.

La pénurie de papier née de la guerre entraîne un changement de format des Aventures. Hergé avait pour habitude de donner à ses albums le nombre de pages nécessaire au développement de ses scénarios en produisant 2 planches contenant chacune 6 cases réparties en 3 lignes de 2 colonnes. Petit à petit, la place réservée aux aventures se réduit jusqu'à se limiter à un simple strip de 4 à 5 cases. Le [6], la maison d'édition Casterman persuade Hergé de passer à la couleur grâce aux machines offset que possède l'imprimeur. Mais cela suppose de dessiner des planches plus petites et d'adopter une longueur de 62 pages par album. En effet, un album est constitué de 4 cahiers de 16 pages, soit 64 (62 + page de titre + verso). Hergé agrandit donc son équipe (les dix premiers albums ont été conçus par lui-même et sa femme), qu'il finit par regrouper en studio.

L'adoption de la couleur permet à Hergé de donner une plus grande envergure à son œuvre. Sa manière de l'utiliser est plus subtile que celle des Américains[réf. nécessaire], avec des valeurs mieux rendues à l'impression, permettant l'emploi de la quadrichromie et, de ce fait, une approche cinématographique de la lumière et des ombres[réf. souhaitée]. Hergé et son studio se servent d'images pour remplir des demi-pages ou tout simplement pour détailler et mettre en avant une scène. L'emploi de la couleur fait ressortir les détails importants. Hergé insiste sur ce point en affirmant : « Je considère mes histoires comme des films. Donc, pas de narration, pas de description. Toute l'importance, je la donne à l'image. »[7]

La vie personnelle d'Hergé a également influencé la série. Par exemple, Tintin au Tibet est fortement marqué par sa dépression ; ses cauchemars, qu'il aurait décrits comme étant « tout blancs », trouvent un écho dans les paysages enneigés de l'album. L'intrigue est basée sur les recherches menées par Tintin pour retrouver Tchang, qu’il avait rencontré dans Le Lotus bleu. Cet épisode ne met en scène aucun bandit, et Hergé, qui s'abstient de tout jugement de valeur, se refuse à qualifier l'homme des neiges (le yéti) « d'abominable ».

Hergé aura aussi dénoncé dans ses ouvrages l'exploitation des minorités (Tintin en Amérique), la traite esclavagiste (Coke en stock), le trafic d'armes et les dictatures en Amérique du Sud (L'Oreille cassée, Tintin et les Picaros) et en Europe (L'Affaire Tournesol).

Les Aventures de Tintin se sont terminées avec la mort d'Hergé le . La vingt-quatrième aventure, Tintin et l'Alph-Art, est restée inachevée. Dans cet album, Tintin évolue dans le monde de l'art moderne, et l'histoire se termine sur une scène où il risque la mort, enfermé dans du plexiglas et exposé comme une œuvre d'art.

Ensemble des œuvres

Série « classique »

Les neuf premiers albums ont d'abord été publiés en noir et blanc. Hergé, à l'aide de son équipe, a fait par la suite une version en couleurs de tous ces premiers albums (qu'il a redessinés et dont il a plus ou moins modifié le scénario), à l'exception de Tintin au pays des Soviets ; L'Île Noire a même fait l'objet d'une troisième version. Bien qu'initialement publiés en couleur, les albums L'Étoile mystérieuse et Tintin au pays de l'or noir ont également fait l'objet d'une seconde version, plus neutre politiquement : publiée pendant la Seconde Guerre mondiale, la première version de L'Étoile mystérieuse a pu être interprétée[Par qui ?] comme une œuvre de propagande en faveur de l'Axe Rome-Berlin, tandis que la première version de Tintin au pays de l'or noir fait explicitement référence au conflit israélo-palestinien.

Les dates mentionnées ci-dessous sont celles de la première édition en album. Les trois premiers albums ont été publiés aux éditions du Petit Vingtième, à Bruxelles, et les autres, chez Casterman, à Tournai. Tous les scénarios et dessins sont de Hergé. Pour les 13e et 14e albums, la couleur est d’Edgar P. Jacobs.

Parmi ces vingt-quatre albums, seul Tintin et l'Alph-Art ne fut pas achevé.

Les 22 albums canoniques (de Tintin au Congo à Tintin et les Picaros) représentent au total 15 000 cases et 1 364 planches[8].

Projets inachevés et jamais édités

  • La Piste indienne (1958)[7] : projet inachevé où Hergé désirait traiter la problématique des Indiens d'Amérique avec des éléments plus sérieux que dans Tintin en Amérique.
  • Nestor et la justice (1958)[7] : projet d'aventure dans laquelle Nestor est accusé de meurtre.
  • Les Pilules (1960) : à court d'inspiration, Hergé a demandé à Greg de lui écrire un scénario. Celui-ci a finalement été abandonné, Hergé préférant la liberté de créer seul ses histoires.
  • Tintin et le Thermozéro (1960) : continuation, toujours avec Greg, du projet des Pilules, reprenant la trame de ce dernier. Également abandonné pour les mêmes raisons. Un peu moins d'une dizaine de planches crayonnées ont été dessinées.
  • Lors du cocktail de présentation de Vol 714 pour Sydney dans les locaux parisiens de Qantas, compagnie aérienne australienne, Jacques Bergier, qui a inspiré le personnage de Mik Ezdanitoff, propose à Hergé un sujet le remettant en scène : « On apprendrait un jour que Tournesol a remplacé Einstein à l'université de Princeton, et qu'il a là une chaire de sémiologie, la science de la science, la science de l'expression. Je présenterais le professeur Tournesol en lui apportant mon hommage, et ce pourrait être le point de départ de nouvelles aventures à la découverte de la science absolue[9]. »
  • Un jour d'hiver, dans un aéroport (1976-1980) : projet d'aventure se déroulant uniquement dans un aéroport, fréquenté par un bon nombre de personnages pittoresques. Le scénario prévoyait que la lecture pouvait commencer à n'importe quelle page de l'album et s'achever 61 pages plus loin[10]. Abandonné au profit de l'Alph-art.

Albums tirés de films

Hors-série

Fresque de la station Stockel (Bruxelles).

Personnages

Tintin et Milou

Tintin est un jeune reporter belge qui se trouve mêlé à des affaires dangereuses dans lesquelles il passe héroïquement à l'action pour sauver la mise. Pratiquement toutes les aventures montrent Tintin accomplissant avec enthousiasme ses tâches de journaliste d'investigation, mais, à l'exception du premier album, on ne le voit jamais en train d'écrire des articles. C'est un jeune homme adoptant une attitude plus ou moins neutre ; il est moins pittoresque que les seconds rôles de la série. À cet égard, il est à l'image de Monsieur-tout-le-monde (Tintin signifie d'ailleurs littéralement en français « rien du tout »).

Milou, un fox-terrier blanc, est le compagnon à quatre pattes de Tintin. Ils se sauvent régulièrement l'un et l'autre de situations périlleuses. Milou « parle » fréquemment au lecteur par l'intermédiaire de ses pensées (affichant souvent un humour pince-sans-rire), lesquelles sont censées ne pas être entendues par les autres personnages. Comme le capitaine Haddock, Milou adore le whisky Loch Lomond. Les quelques fois où il en boit lui attirent des ennuis, tout comme le fait sa violente arachnophobie. Le nom de Milou est généralement considéré comme une référence indirecte à un amour de jeunesse de Hergé, Marie-Louise Van Cutsem, dont le surnom était « Malou »[13].

On peut expliquer autrement les origines des deux personnages. Certains ont prétendu que Robert Sexé, un reporter-photographe dont les exploits ont été racontés dans la presse belge du milieu à la fin des années 1920, avait inspiré le personnage de Tintin. Il est célèbre pour sa ressemblance avec ce dernier, et la Fondation Hergé a reconnu qu'il n'était pas difficile d'imaginer que les aventures de Sexé aient pu influencer Hergé. À ce moment-là, Sexé avait parcouru le monde sur une moto fabriquée par Gillet et Herstal. René Milhoux est un champion et recordman de moto de l'époque. En 1928, alors que Sexé était chez Herstal en train de parler de ses projets avec Léon Gillet, Gillet le mit en contact avec son nouveau champion, Milhoux, qui venait de quitter les motos Ready pour l'équipe Gillet-Herstal. Les deux hommes se lièrent rapidement d'amitié et passèrent des heures à parler de motos et de voyages, Sexé demandant à Milhoux de lui transmettre ses connaissances sur la mécanique et les motos poussées au-delà de leurs limites. Grâce à ce mélange d'érudition et d'expérience, Sexé a mené un grand nombre de voyages à travers le monde ; il en a publié de nombreux comptes rendus dans la presse[14].

Le secrétaire général de la fondation Hergé a admis qu'on pouvait facilement imaginer que le jeune Georges Remi ait pu être inspiré par les exploits médiatisés des deux amis, Sexé avec ses voyages et ses documentaires, et Milhoux avec ses victoires et ses records, pour créer les personnages de Tintin, le fameux journaliste globe-trotter, et de son fidèle compagnon Milou.

Le psychanalyste Serge Tisseron émet l'hypothèse qu'enfant George Remi avait apprécié le roman Sans famille d'Hector Malot dont le héros est un jeune garçon appelé Rémi et qui possède un petit chien appelé Capi (allusion au capitaine Haddock).

Le capitaine Haddock

La partie centrale du château de Cheverny a inspiré le Château de Moulinsart.

Le capitaine Archibald Haddock, un commandant de marine à l'ascendance incertaine (peut-être d'origine anglaise, française ou belge), est le meilleur ami de Tintin. Il apparaît pour la première fois dans Le Crabe aux pinces d'or. Haddock est initialement dépeint comme un personnage instable et alcoolique, mais il est devenu plus respectable par la suite. Il se transforme en véritable héros sur la piste du trésor de son ancêtre François de Hadoque, dans Le Secret de La Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge, et même en personnalité mondaine lors de l'exposition de ce trésor dans le château de son ancêtre. Le côté humain et bourru, les sarcasmes du capitaine viennent tempérer l'héroïsme incroyable de Tintin. Il est toujours prompt à asséner un commentaire tranchant à chaque fois que le jeune reporter semble trop idéaliste. Le capitaine Haddock vit dans le luxueux château de Moulinsart. Haddock emploie une palette colorée d'insultes et de jurons pour exprimer sa mauvaise humeur, tels que : « mille millions (ou mille milliards) de mille sabords », « tonnerre de Brest », « troglodyte », « bachi-bouzouk », « ectoplasme », « anacoluthe », « choléra », « va-nu-pieds », « marchand de tapis », mais aucune expression qui soit réellement considérée comme une grossièreté.

Haddock est un buveur invétéré, amateur inconditionnel de whisky Loch Lomond. Ses moments d'ivresse sont souvent utilisés pour provoquer un effet comique.

Hergé affirmait que le nom de famille de Haddock était inspiré d'un « triste poisson anglais qui boit beaucoup », autrement dit l'aiglefin fumé – ou haddock – qu'il appréciait particulièrement[15]. Haddock est resté sans prénom jusqu'au dernier album complet paru, Tintin et les Picaros, où le prénom Archibald est évoqué.

Personnages secondaires

Les principaux personnages secondaires des Aventures de Tintin sont :

  • le professeur Tryphon Tournesol, physicien tête-en-l'air et dur d'oreille, est un personnage d'importance secondaire — mais récurrent — aux côtés de Tintin, de Milou et du capitaine Haddock. Il est apparu pour la première fois dans Le Trésor de Rackham le Rouge. Tournesol est en partie inspiré d'Auguste Piccard (un physicien suisse). Au départ mal accueilli par les personnages principaux, sa nature généreuse et ses compétences scientifiques lui ont permis de nouer des liens durables avec eux, en particulier le capitaine Haddock.
  • Dupond et Dupont sont deux détectives empotés qui, tout en n'ayant apparemment aucun lien de parenté (du moins, c'est ce que laisse à penser le fait qu'ils n'ont pas le même nom), semblent être des jumeaux dont la seule différence visible serait la forme de leur moustache[16]. Ils contribuent en grande partie au comique des Aventures de Tintin par leur tendance chronique à faire des contrepèteries et leur incompétence flagrante. Les deux détectives sont inspirés, entre autres, du père et de l'oncle d'Hergé, des jumeaux qui portaient tous les deux un chapeau melon identique.

D'autres personnages jouent aussi un rôle de façon plus ou moins récurrente :

Bulle de bande dessinée avec le mot Tintin

Hergé

Hergé s'est représenté lui-même dans certains de ses albums. On le reconnaît facilement à des signes distinctifs : une silhouette grande et maigre, une chevelure blonde, courte et abondante, un visage long et étroit, des joues creuses, un nez pointu, un menton en retrait. Il est un simple figurant.

Les apparitions d'Hergé dans Les Aventures de Tintin[17] sont les suivantes :

  • dans Tintin au Congo, parmi le groupe de journalistes qui accompagnent Tintin à son départ (p. 1) ;
  • dans Le Sceptre d'Ottokar, parmi les invités du concert dans le palais royal (p. 38) et parmi les invités à la cérémonie de décoration de Tintin (p. 59) ;
  • dans Les Sept Boules de cristal, parmi les spectateurs du music-hall (p. 6) ;
  • dans L'Affaire Tournesol, parmi les badauds installés devant la grille du château (p. 13).

Les créateurs du dessin animé ont tenu à garder ce concept et ont fait figurer Hergé dans chacun des épisodes.

Paysages

Les paysages représentés dans Tintin ajoutent de la profondeur aux vignettes dessinées par Hergé. Il y mélange des lieux réels et imaginaires. Le point de départ de ses héros est la Belgique, avec dans un premier temps le 26, rue du Labrador, puis le château de Moulinsart. Le meilleur exemple de la créativité d'Hergé en la matière est visible dans Le Sceptre d'Ottokar où Hergé invente deux pays imaginaires (la Syldavie et la Bordurie) et invite le lecteur à les visiter en insérant une brochure touristique au cours de l'histoire.

Hergé a donc dessiné plusieurs milieux différents (des villes, des déserts, des forêts et même la Lune), mais, pour amplement démontrer le talent d'Hergé, on notera trois grands espaces : la campagne, la mer et la montagne[18].

Traductions

Historique

En 1946-1947, les albums sont traduits en néerlandais à destination du lectorat flamand et des Pays-Bas ; depuis 1947, les albums paraissent simultanément en français et néerlandais. En 1952, Tintin est traduit en anglais, espagnol et en allemand : Casterman souhaite développer les éditions internationales. « Le succès ne sera pas au rendez-vous, la diffusion restera confidentielle et cette tentative ne connaîtra pas de lendemain sauf en allemand »[19]. En 1958, une nouvelle tentative de traduction est lancée, en Espagne, Royaume-Uni et États-Unis ; les premières traductions en portugais sortent au Brésil en 1961. En 1960, plusieurs albums de TIntin sont traduits en suédois, danois, puis en finnois l'année suivante.

Fichier:Exposition Hergé - Grand Palais - Tintin dans toutes les langues.jpg
Les couvertures des albums des Aventures de Tintin dans de nombreuses langues.

Le succès international de Tintin arrive véritablement dans les années 1960. De nouvelles traductions paraissent en italien, grec, norvégien (années 1970), mais également en arabe (Egypte et Liban), afrikaans, malais, indonésien, iranien, hébreu... « Depuis lors, le succès est au rendez-vous et la diffusion ne s'est plus arrêtée »[19]. Plus de 2700 titres ont ainsi été publiés, toutes langues confondues[19]. En Asie, des traductions pirates de Tintin sont imprimées, notamment en Chine, au Viêt Nam, en Malaisie[20] ou en Turquie (où, dès 1950, des feuillets de Tintin paraissent dans des magazines)[19]. Ce phénomène est devenu marginal car Casterman a conclu de nombreux accords avec les différents éditeurs pirates afin de régulariser la situation[19]. En Iran, les éditions officielles se sont arrêtées après la révolution islamique de 1979, laissant place à des traductions pirates.

En 2001, une traduction en mandarin de l'album Tintin au Tibet provoque une polémique : le titre était « Tintin au Tibet chinois », ce qui a provoqué les vives protestations de Fanny Rodwell, qui menace de cesser toute collaboration avec l'éditeur chinois[21]. 10 000 exemplaires sont imprimés, avant que l'album ne soit retiré de la circulation[22] et réédité sous son titre original[23].

Tintin est également traduit dans de nombreuses langues régionales de France ou de Belgique. La plupart des traductions en sont réalisées par des associations culturelles, qui se chargent du financement et de la promotion de l'album avec l'aval de Casterman[24].

En 2009, depuis 1929, plus de 230 millions d'albums de Tintin ont été vendus à travers le monde en plus de 90 langues[25]. En 2014, les Aventures de Tintin ont été traduites en plus de 100 langues[24].

Les noms des personnages ont également été traduits ou adaptés selon les langues, pour des raisons de prononciation[20] et pour préserver l'aspect humoristique des noms.

Liste des langues

  • 50 langues officielles (2009)[26] :

(La date mentionnée entre parenthèse est la première date d'édition.)

Afrikaans (1973) - Allemand (1952) - Anglais américain (1959) - Anglais britannique (1952) - Arabe (1972) - Arménien (2006) - Bengali (1988) - Bulgare - Catalan (1964) - Chinois mandarin (2001) - Cingalais (1998) - Coréen (1977) - Danois (1960) - Espagnol (1952) - Espéranto (1981) - Estonien (2008) - Finnois (1961) - Grec (1968) - Hébreu (1987) - Hongrois (1989) - Indonésien (1975) - Islandais (1971) - Italien (1961) - Japonais (1968) - Khmer (2001) - Latin (1987) - Letton (2006) - Lituanien (2007) - Luxembourgeois (1987) - Malais (1975) - Mongol (2006) - Néerlandais (1946) - Norvégien (1972) - Persan (1971) - Polonais (1994) - Portugais (1936) - Portugais brésilien (1961) - Romanche (1986) - Roumain (2005) - Russe (1993) - Serbo-croate (1974) - Slovaque (1994) - Slovène (2003) - Suédois (1960) - Taïwanais (1980) - Tchèque (1994) - Tibétain (1994) - Thaï (1993) -Turc (1962) - Vietnamien (1989).

  • 43 langues régionales (2009)[26] :

Alghero (1995) - Allemand (Bernois, 1989) - Alsacien (1992) - Anversois (2008) - Asturien (1988) - Basque (1972) - Borain (2009) - Bourguignon (2008) - Breton (1979) - Bruxellois (2007) - Bruxellois (2004) - Cantonais (2004) - Corse - Créole antillais (2009) - Créole mauricien (2009) - Créole réunionnais (2008) - Féroïen (1988) - Flamand (Ostende, 2007) - Francoprovençal (Bresse) (2006) - Francoprovençal (Gruyère, 2007) - Francoprovençal (unifié, 2007) - Frison (1981) - Gaélique[Lequel ?] (1993) - Galicien (1983) - Gallo (1993) - Gallois (1978) - Gaumais (2001) - Néerlandais (Hasselts, 2009) - Monégasque (2010)[27] - Néerlandais (Twents, 2006) - Occitan (1979) - Picard (Tournai-Lille, 1980) - Picard (Vimeu) - Papiamentu (2008) - Provençal (2004) - Tahitien (2003) - Vosgien (2008) - Wallon (Charleroi) - Wallon (Liège, 2007) - Wallon (Namur, 2009) - Wallon (Nivelles, 2005) - Wallon (Ottignies) (2006) - Français québécois (2009).

Conception de la série

Recherches documentaires

Hergé mène ses premières recherches documentaires approfondies pour l'album Le Lotus bleu, ce qu'il confirme lui-même : « C'est à cette époque que je me suis mis à me documenter et que j'ai éprouvé un réel intérêt pour les gens et les pays dans lesquels j'envoyais Tintin, accomplissant une sorte de devoir de crédibilité auprès de mes lecteurs. » La documentation d'Hergé et son fonds photographique l'ont aidé à construire un univers réaliste pour son héros. Il est allé jusqu'à créer des pays imaginaires et à les doter d'une culture politique qui leur était propre. Ces contrées fictives sont largement inspirées par les pays et les cultures de l'époque d'Hergé.

Pierre Skilling affirme qu'Hergé voyait la monarchie comme « une forme légitime de gouvernement », remarquant au passage que « les valeurs démocratiques semblent absentes dans ce type de bande dessinée classique franco-belge »[28]. La Syldavie, en particulier, est décrite avec beaucoup de détails, Hergé l'ayant dotée d'une histoire, de coutumes et d'une langue qui est en fait du dialecte flamand bruxellois. Il situe ce pays quelque part dans les Balkans et il s'inspire, de son propre aveu, de l'Albanie. Le pays se retrouve agressé par sa voisine, la Bordurie, qui tente de l'annexer dans Le Sceptre d'Ottokar. Cette situation rappelle évidemment celle de la Tchécoslovaquie ou de l'Autriche face à l'Allemagne nazie juste avant la Seconde Guerre mondiale.

On peut citer à titre d'exemple les mois de préparation nécessaires à Hergé pour imaginer l'expédition lunaire de Tintin, décrite en deux parties dans Objectif Lune et On a marché sur la Lune. Ces travaux ont conduit à la réalisation d'une maquette détaillée de la fusée lunaire, permettant de placer sans erreur les personnages dans le décor. Les recherches préalables à l'élaboration de son scénario ont été commentées dans le New Scientist : « Les recherches considérables entreprises par Hergé lui ont permis de créer une tenue spatiale très proche de celle qui serait utilisée pour les futurs voyages lunaires, même si sa fusée était bien différente de ce qui a existé par la suite. »[29] Pour cette dernière, Hergé s'est effectivement inspiré des V2 allemands.

Influences

Hergé admirait, dans sa jeunesse, Benjamin Rabier. Il a avoué que de nombreux dessins de Tintin au pays des Soviets reflétaient cette influence, en particulier ceux représentant des animaux. Le travail de René Vincent, le dessinateur de mode de la période Art déco, a également eu un impact sur les premières aventures de Tintin : « On retrouve son influence au début des Soviets, quand mes dessins partent d'une décorative, une ligne en S, par exemple (et le personnage n'a qu'à se débrouiller pour s'articuler autour de ce S !). »[30] Hergé reconnaîtra aussi sans honte avoir volé l'idée des « gros nez » à l'auteur de bandes dessinées américain George McManus : « Ils étaient si drôles que je les ai utilisés sans scrupules ! »[30]

Au cours des nombreuses recherches qu'il a menées pour Le Lotus bleu, Hergé a également été influencé par le dessin chinois et japonais, et par les estampes. Cette influence est particulièrement visible dans les paysages marins d'Hergé, qui rappellent les œuvres de Hokusai et Hiroshige[18].

Hergé a aussi reconnu que Mark Twain l'avait influencé, même si son admiration l'a conduit à se tromper en montrant des Incas ne sachant pas ce qu'était une éclipse solaire, lorsque ce phénomène a lieu dans Le Temple du Soleil. T. F. Mills a rapproché cette erreur de celle de Mark Twain décrivant des « Incas craignant la fin du monde dans Un Yankee à la cour du roi Arthur »[31].

Critiques contre la série

Certains critiquent les premières Aventures de Tintin, considérant que celles-ci contiennent de la violence, de la cruauté envers les animaux, des préjugés colonialistes et même racistes, présents entre autres dans la description qui y est faite des non-Européens. Néanmoins, beaucoup considèrent ces critiques comme étant totalement anachroniques.

Tintin paraît à l'origine dans le journal Le Petit Vingtième. Même si la Fondation Hergé met ces éléments sur le compte de la naïveté de l'auteur et que certains chercheurs comme Harry Thompson prétendent que « Hergé faisait ce que lui disait l'abbé Wallez (le directeur du journal) »[32], Hergé lui-même sent bien que, vu ses origines sociales, il ne peut échapper aux préjugés : « Pour Tintin au Congo, tout comme pour Tintin au pays des Soviets, j'étais nourri des préjugés du milieu bourgeois dans lequel je vivais. […] Si j'avais à les refaire, je les referais tout autrement, c'est sûr. »[33]

Dans Tintin au pays des Soviets, les bolcheviques sont dépeints comme des personnages maléfiques. Hergé s'inspire du livre de Joseph Douillet, ancien consul de Belgique en Russie, Moscou sans voile, qui est extrêmement critique envers le régime soviétique. Il remet cela dans le contexte en affirmant que, pour la Belgique de l'époque, nation pieuse et catholique, « tout ce qui était bolchevique était athée »[30]. Dans l'album, les chefs bolcheviques ne sont motivés que par leurs désirs personnels, et Tintin découvre, enterré, le « trésor caché de Lénine et Trotsky ». Hergé a plus tard attribué les défauts de ce premier album à « une erreur de jeunesse »[30]. Mais aujourd'hui, avec la découverte des archives soviétiques, sa représentation de l'URSS, bien que caricaturale, possède quelques éléments de vérité. En 1999, le journal The Economist, de tendance libérale, écrira que « rétrospectivement, la terre accablée par la faim et la tyrannie dépeinte par Hergé était malgré tout étrangement exacte »[34].

On reproche à Tintin au Congo de représenter les Africains comme des êtres naïfs et primitifs. Dans la première édition de l'album, on voit Tintin devant un tableau noir, donnant la leçon à des enfants africains. « Mes cher amis, dit-il, je vais vous parler aujourd'hui de votre Patrie : la Belgique. » En 1946, Hergé redessine l'album et transforme cette leçon en un cours de mathématiques. Il s'est par la suite expliqué sur les maladresses du scénario original : « Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l'époque : « Les Nègres sont de grands enfants… Heureusement pour eux que nous sommes là ! », etc. Et je les ai dessinés, ces Africains, d'après ces critères-là, dans le plus pur esprit paternaliste qui était celui de l'époque en Belgique. »[35]

L'auteur Sue Buswell résume en 1988, dans le journal britannique Mail on Sunday, les problèmes posés par cet album, en soulignant deux éléments : « Les lèvres molles et les tas d'animaux morts [NDT : en référence à la manière dont sont dessinés les Africains dans l'album, et aux animaux qui y sont tués par Tintin]. »[36] Néanmoins, Thompson pense que cette citation est mise « hors de son contexte »[37]. L'expression « animaux morts » est une allusion à la chasse au gros gibier, très en vogue à l'époque de la première édition de Tintin au Congo. En transposant une scène de chasse du livre d'André Maurois Les Silences du colonel Bramble (1918), Hergé présente Tintin comme un chasseur de gros gibier, abattant quinze antilopes, alors qu'une seule serait nécessaire pour le dîner. Ce nombre important d'animaux tués conduit l'éditeur danois des Aventures de Tintin à demander quelques modifications à Hergé. Ainsi, une planche où Tintin tue un rhinocéros en perçant un trou dans le dos de l'animal et en y insérant un bâton de dynamite est jugée excessive. Hergé la remplace par une autre planche montrant le rhinocéros accidentellement touché par une balle du fusil de Tintin, alors que ce chasseur d'une autre époque est embusqué derrière un arbre.

En 2007, un organisme britannique, la Commission pour l'égalité raciale, demande, à la suite d'une plainte, que l'album soit retiré des rayonnages des librairies, en affirmant : « Cela dépasse l'entendement qu'à notre époque, un vendeur de livres puisse trouver acceptable de vendre ou faire la promotion de Tintin au Congo[38] Le , une plainte est déposée par un étudiant de République Démocratique du Congo à Bruxelles, celui-ci estimant que l'ouvrage constitue une insulte envers son peuple[39]. En réaction, une institution belge, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, met en garde contre « une attitude hyper-politiquement correcte »[40] dans ce dossier. Le la cour d'appel de Bruxelles rend son jugement : elle considère que l'album ne contient pas de propos racistes et que « Hergé s'est borné à réaliser une œuvre de fiction dans le seul but de divertir ses lecteurs. Il y pratique un humour candide et gentil », confirmant ainsi le jugement de première instance de 2011[41].

Plusieurs des premiers albums de Tintin ont été remaniés pour être réédités, le plus souvent à la demande des maisons d'édition. Par exemple, à la demande des éditeurs américains des Aventures de Tintin, la plupart des personnages noirs de Tintin en Amérique ont été recoloriés pour devenir blancs ou d'origine indéterminée[42]. Dans L'Étoile mystérieuse, on trouvait à l'origine un « méchant » américain nommé Monsieur Blumenstein (un patronyme juif), ce qui était tendancieux, d'autant plus que le personnage avait un faciès correspondant exactement aux caricatures de Juifs. Hergé attribue par la suite à son personnage un nom jugé moins connoté – Bohlwinkel – et le fait habiter dans un pays sud-américain imaginaire, le São Rico. Hergé a découvert bien plus tard que Bohlwinkel était également un nom juif[30],[43].

Propriété intellectuelle et critiques

La société Moulinsart SA est chargée de la gestion et de la perception des droits des œuvres d'Hergé depuis 1987. Fondée par sa femme en qualité de légataire universelle, cette société est actuellement dirigée par Nick Rodwell, qui en est le gestionnaire délégué. Très regardante sur la gestion des droits moraux et sur leur perception financière, la société provoque régulièrement la controverse en interdisant toute utilisation d'une image de Tintin sans son autorisation formelle.

Ainsi, à l'heure d'internet, toute forme de parodie, détournement ou réutilisation est fortement combattue par la société Moulinsart SA. De même, le fait de poster une simple bulle d'une BD de Tintin est réprimandé selon les lois des différents pays[44].

Cette attitude inquiète certains passionnés de culture et de BD franco-belges qui se demandent comment ils vont pouvoir faire en sorte que Tintin reste dans le patrimoine culturel francophone si la diffusion de son image est aussi fortement restreinte dans les médias modernes.

Cependant, une décision rendue par la Cour de La Haye au début de l'année 2015 a esquissé un changement. La justice néerlandaise a donné raison à l'association Hergé Genootschap, qui s'était vu réclamer plusieurs dizaines de milliers d'euros par Moulinsart SA pour l'utilisation de vignettes originales dans ses publications, après y avoir longtemps été autorisée. En effet, la Cour a retenu que la légataire universelle d'Hergé, Fanny Rodwell, n'avait jamais remis en cause un contrat de 1942 stipulant explicitement la cession de l'intégralité des droits sur les textes et vignettes des albums d'Hergé à Casterman. Ce verdict a été perçu comme pouvant instaurer un précédent dans la jurisprudence, ouvrant ainsi la porte à des réparations éventuelles de Moulinsart SA envers les associations ayant dû verser des sommes d'argent pour l'utilisation d'une ou plusieurs vignettes de Tintin. Moulinsart SA a contesté ce jugement[45],[46].

L'œuvre d'Hergé entrera dans le domaine public le . Mais Moulinsart SA, qui perdrait ainsi de substantielles sources de revenus, envisage d'en empêcher l'utilisation et la publication par tous en publiant une nouveauté Tintin en 2052. Cette opération ferait face à des limites juridiques et à un certain problème moral[47].

Autres médias et adaptations

Les Aventures de Tintin ont été diffusées dans de nombreux médias venus s'ajouter à la bande dessinée originale. Certaines sont des œuvres originales, d'autres des adaptations. Hergé était favorable aux adaptations de Tintin, et il encourageait ses équipes à participer à des projets d'animation de la série. Après sa mort, les studios Hergé sont devenus la seule institution habilitée à donner son accord pour des adaptations de Tintin.

Théâtre

Radio

Entre 1959 et 1963, la radiodiffusion-télévision française présente un feuilleton radiophonique des Aventures de Tintin de près de 500 épisodes, produit par Nicole Strauss et Jacques Langeais. Adaptés sous la forme de disques 33 tours, ces épisodes rencontrent un grand succès[48].

En 2015, une adaptation des Cigares du pharaon est coproduite par France Culture, Moulinsart SA et la Comédie-Française. Elle est diffusée en sur les ondes de France Culture. Quatre autres adaptations sont annoncées : Le Lotus bleu, Les 7 Boules de cristal, Le Temple du Soleil et L’Affaire Tournesol[49].

Cinéma

Tintin a été adapté au cinéma, à la fois en prises de vues réelles et en animation. Certains films sont cependant des œuvres originales ; c'est le cas pour Tintin et le Mystère de la Toison d'or, Tintin et les Oranges bleues et Tintin et le Lac aux requins.

Les photos des films sortis ont été reprises dans plusieurs albums et sous forme de strips pour Le Lac aux requins (cf. ci-dessus).

Projets inachevés

  • En 1967, un troisième film avec Jean-Pierre Talbot était prévu, censé se dérouler en Inde, mais fut finalement annulé.
  • Au début des années 2000, le projet d'adapter Tintin au cinéma refit surface. Plusieurs réalisateurs furent pressentis puis démentis, notamment Jaco Van Dormael, Jean-Pierre Jeunet, Roman Polanski, tous trois tintinophiles avérés. Si dans la plupart des cas il s'agit avant tout de rumeurs, Jeunet fut réellement intéressé par le projet, mais en 2002 il annonça qu'il y renonçait : « Le verrouillage des héritiers d'Hergé rend tout trop compliqué, je les ai rencontrés et j'ai compris qu'ils allaient me casser les pieds. »[52]

Télévision

Jeux vidéo

Magasins

The Tintin Shop à Covent Garden.

Il existe des magasins consacrés à Tintin. Ils sont appelés « The Tintin Shop ». Le premier a ouvert en 1984 à Londres (Covent Garden) et les autres sont situés à Bruxelles (La Boutique de Tintin), Bruges, Toulouse, Cheverny et Montpellier. On peut y acheter tous les livres dans une variété de langues, des T-shirts, des tasses et beaucoup d'autres choses à thème.

Parodies

Il existe plusieurs parodies de Tintin, dont Tintin en Suisse, publiée aux éditions Sombrero, qui utilise des mots obscènes et de la pornographie[56]. La série Les Aventures de Saint-Tin et son ami Lou, initiée par Gordon Zola et complétée par Bob Garcia et Pauline Bonnefoi, est également un pastiche de la bande dessinée.

Tintin est aussi parodié dans le film d'animation Le Chat du rabbin, lors de son voyage au Congo.

Autres

L'Airbus A320 Rackham de Brussels Airlines .

La compagnie aérienne belge Brussels Airlines a signé un partenariat avec Moulinsart SA afin de parer l'un de ses avions de l'image du héros d'Hergé. L'Airbus A320 immatriculé OO-SNB, rebaptisé Rackham pour l'occasion, a ainsi reçu une livrée unique montrant Tintin et Milou dans une scène extraite de l'album Le Trésor de Rackham le Rouge, qu'il portera de 2015 à 2019. À bord, l'album Le Trésor de Rackham le Rouge est mis à la disposition des passagers en français, néerlandais et anglais[57],[58].

Notes et références

Notes

  1. On ne le verra toutefois écrire qu'un seul article, dont on ignore le contenu (dans Tintin au pays des Soviets).

Références

  1. À 90 ans, Tintin reste une valeur sûre ! (bvoltaire.fr)
  2. Jérôme Rivet, « Tintin, le héros qui parle plus de 100 langues », La Presse,‎ (lire en ligne)
  3. T. Groensteen, « Le rire de Tintin : Essai sur le comique hergéen », sur Actua BD, (consulté le ).
  4. Loïse Bilat, Gianni Haver, [1],« Tintin, oui mais avec modération. Les tâtonnements de la bande dessinée en Suisse romande », in Sociétés 106(4), p. 65-74, 2009.
  5. Jean-Bruno Renard, Bandes dessinées et croyances du siècle. Essai sur la religion et le fantastique dans la bande dessinée franco-belge, Paris, PUF, « La Politique éclatée », 1986
  6. Philippe Goddin, Hergé, chronologie d'une œuvre, tome 4, page 200.
  7. a b et c Benoît Peeters, Hergé, fils de Tintin, Flammarion - Grandes biographies 2002.
  8. Tintin au pays des philosophes, éd. Moulinsard, 2011, p. 99
  9. « Bergier en BD », Claude Thomas
  10. Entretiens avec Numa Sadoul, 1976 : « Je songe déjà au prochain Tintin. J'ai une idée, ou plutôt, une fois encore, j'ai un lieu, un décor : j'aimerais que tout se passe dans un aéroport, du début à la fin. L'aéroport est un centre riche de possibilités humaines, un point de convergence de diverses nationalités : le monde entier se trouve en réduction dans un aéroport ! Là, tout peut arriver, des tragédies, des gags, de l'exotisme, de l'aventure… J'ai donc un lieu, il me reste à trouver une histoire. »
  11. a et b Voir « Tintin et la SGM  »
  12. Voir « Tintin raconte... L'histoire de »
  13. Tintin.com
  14. Bruno Delion, « Et si le vrai Tintin avait vécu à Saint-Benoît », Centre Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. La galerie Moulinsart, L'Express du 14 décembre 2006.
  16. Benoît Peeters, Le Monde d'Hergé, Casterman, 1983.
  17. Liste des apparitions d'Hergé dans les aventures de Tintin
  18. a et b « Hergé, un grand paysagiste », objectiftintin.com.
  19. a b c d et e Jacques Bonnaric, « Les Aventures de Tintin en Volapük ? », ?,‎ ? (lire en ligne)
  20. a et b « LE TOUR DU MONDE LINGUISTIQUE DE TINTIN - TOUTENBD.COM », sur www.toutenbd.com (consulté le )
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  22. Agence France-Presse (AFP), « Tintin au Tibet retiré du marché chinois », sur La Libre.Be, Bruxelles, La Libre Belgique, (consulté le ).
  23. Agence France-Presse (AFP), « La version chinoise de Tintin au Tibet retrouve son titre original », sur La Libre.Be, Bruxelles, La Libre Belgique, (consulté le ).
  24. a et b « Tintin a franchi le cap des traductions dans 100 langues et dialectes », sur www.actualitte.com (consulté le )
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  26. a et b « Tintin around the world », Astérix & Obélix
  27. « Le premier album en monégasque de Tintin déjà très demandé », sur archives.monacomatin.mc (consulté le )
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  29. Stephanie Pain, « Welcome to the Moon, Mr Armstrong », in New Scientist, vol. 182, no 2441 (3 avril 2004), p. 48–49.
  30. a b c d et e Numa Sadoul, Entretiens avec Hergé, 1971.
  31. T.F. Mills, « America discovers Tintin », The Comics Journal no 86, p. 60–69, 1983.
  32. (en) Harry Thompson, Tintin: Hergé and His Creation, 1991.
  33. Numa Sadoul, Entretiens avec Hergé, 1971, p. 74.
  34. "Moreover: Great blistering barnacles", The Economist, 30 janvier 1999, p. 79.
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  37. Harry Thompson, Tintin: Hergé & His Creation, 1991.
  38. « Bid to ban “racist” Tintin book », sur BBC News.
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  40. « Plainte contre Tintin au Congo », Le Soir, 7 août 2007.
  41. « Tintin au Congo n'est pas raciste, selon la justice belge », sur lefigaro.fr, (consulté le )
  42. « Variantes de Tintin : La preuve par l'image de quelques modification effectuées par Hergé lors des rééditions de ses albums », sur dardel.info
  43. Le mot bollewinkel signifie littéralement « magasin de bonbons », appellation usuelle en bruxellois pour désigner ces magasins où les enfants vont s'approvisionner à la sortie de l'école.
  44. Victor Garcia, « Tintin: Moulinsart fait interdire un Tumblr, ce n'est pas près de s'arrêter, mille sabords! », sur www.lexpress.fr, (consulté le )
  45. « Tintin: les héritiers de Hergé n'ont pas les droits sur les albums de Hergé et risquent de devoir indemniser les tintinophiles. », sur huffingtonpost.fr, 8 juin 2015.
  46. « Tintin et le mystère des ayants droit », sur liberation.fr, 10 juin 2015.
  47. « La Société Moulinsart peut-elle empêcher Tintin d'entrer dans le domaine public? », sur slate.fr,
  48. Benoit Mouchart et François Rivière, Hergé : Portrait intime du père de Tintin, Paris, Éditions Robert Laffont, , 250 p. (ISBN 978-2-84868-430-7, lire en ligne)
  49. « Les cigares du Pharaon (1/5) : Les aventures de Tintin », sur France Culture (consulté le )
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  58. « Nous vous présentons... Rackham. », sur brusselsairlines.com (consulté le )

Annexes

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Bibliographie

Ouvrages

  • Albert Algoud, Petit dictionnaire énervé de Tintin, L'Opportun, 2010.
  • Jean-Marie Apostolidès, Les Métamorphoses de Tintin, Seghers, 1984, 2e édition, Flammarion, 2006.
  • Michael Farr, Tintin, le rêve et la réalité : L'Histoire de la création des aventures de Tintin, Moulinsart, 2001.
  • Pierre Fresnault-Deruelle, Hergé ou le Secret de l'image, Moulinsart, 1999.
  • Patrick Gaumer, « Tintin et Milou », dans Dictionnaire mondial de la BD, Larousse, (ISBN 978-2035843319), p. 848-851.
  • Thierry Groensteen, Le Rire de Tintin : Essai sur le comique hergéen, Moulinsart, 2006.
  • Tom McCarthy, Tintin et le Secret de la littérature, Hachette, 2006.
  • Benoît Peeters, Le Monde d'Hergé, Tournai, Casterman, , 2e éd., 320 p. (ISBN 2-203-23124-6)
  • Numa Sadoul, Entretiens avec Hergé : Édition définitive, Tournai, Casterman, coll. « Bibliothèque de Moulinsart », , 3e éd. (1re éd. 1975), 256 p. (ISBN 2-203-01708-2)
  • Frédéric Soumois, Dossier Tintin : Sources, Versions, Thèmes, Structures, Bruxelles, Jacques Antoine, , 316 p. (ISBN 2-87191-009-X)
  • Tintin à la découverte des grandes civilisations, Le Figaro/Beaux Arts, 2010.
  • Serge Tisseron, Tintin et le Secret d'Hergé, Hors Collection, 2009.
  • Pol Vandromme Le Monde de Tintin, Gallimard, Paris 1959. Réédition La Table ronde, Paris, 1994.
  • Collectif, « Hergé reporter : Tintin en contexte », Études françaises, numéro préparé par Rainier Grutman et Maxime Prévost, vol. 46, n° 2, 2010, 171 p. (http://revue-etudesfrancaises.umontreal.ca/volume-46-numero-2/).

Documents audio

  • Philippe Garbit, « La Nuit spéciale Tintin » avec Philippe Goddin et Benoît Mouchart, diffusion sur France Culture les 7 et  :

Articles connexes

Liens externes