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[[Fichier:Lutin by godo.jpg|thumb|Un lutin au chapeau rouge typique, |Godo]], octobre 2011, technique mixte crayon et [[tablette graphique]].]]
[[Fichier:Lutin by godo.jpg|thumb|Un lutin au chapeau rouge typique, réalisation par [[illustration de fantasy en France#Godo|Godo]], octobre 2011, technique mixte crayon et [[tablette graphique]].]]
Le '''lutin''' est une créature humanoïde nocturne de petite taille, issue au sens strict du [[folklore]] et des croyances populaires de certaines régions [[France|françaises]] comme le [[Berry]], la [[Normandie]] et la [[Picardie]]. Les [[Ardennes françaises|Ardennes]] et la [[Wallonie]] connaissent un génie domestique très proche sous le nom de [[nuton]]. En [[Bretagne]], les [[korrigan]]s sont assimilés à des lutins, tandis que dans les Alpes, le nom de [[servan (folklore)|servan]] est employé. Probablement inspiré des [[Divinité du foyer|divinités du foyer]] et de « petits dieux » païens tels que [[Sylvanus (mythologie)|les sylvains]], les [[satyre]]s et les [[Pénates]], son nom dérive de l'influence linguistique du dieu romain [[Neptune (mythologie)|Neptune]] et/ou du celte [[Nuada]], tous deux liés à l'eau. L'influence des croyances envers les [[fantôme|revenants]] peut expliquer une partie de ses caractéristiques. Dès le [[Moyen Âge]], il apparaît dans les récits et les chroniques déjà doté de particularités qui restent connues à notre époque. Les paysans se transmettent des siècles durant les [[rite]]s visant à s'attirer ses bonnes grâces, ou au contraire à le chasser.
Le '''lutin''' est une créature humanoïde nocturne de petite taille,

En plus de sa taille réduite, le lutin est réputé pour son espièglerie, son don de [[métamorphe|métamorphose]] et d'invisibilité, son côté facétieux bienfaisant ou malfaisant, son obsession pour les femmes à l'origine du mot « [[wikt:lutiner|lutiner]] », sa susceptibilité, et surtout son habitude de s'occuper des foyers humains, en particulier des [[écurie]]s. Les croyances évoluent en englobant de nouvelles créatures au fil du temps, puis elles gagnent l'[[Amérique du Nord]] avec les colons français. Elles rejoignent un [[archétype (psychologie analytique)|archétype]], le « [[fripon]] », et permettent à [[Carl Gustav Jung]] de définir l'[[enfant intérieur]] comme la part enfantine de chaque être humain.

La confusion entre le lutin, le [[nain (mythologie)|nain]] des pays germaniques et l'[[elfe]] des pays scandinaves est fréquente depuis le {{s|X|e}} en [[Europe de l'Ouest]], le mot « lutin » étant spécifique aux [[langues romanes]], et surtout à la France. Des centaines de petites créatures aux noms différents peuvent être désignées comme des « lutins », désormais un terme générique pour le [[petit peuple]] masculin en France. Après une période de fort recul des croyances et traditions au {{s|XX|e}}, ''[[La Grande Encyclopédie des lutins]]'' de [[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]] marque les débuts d'un regain d’intérêt et d'une abondante production littéraire et artistique à leur sujet. Le lutin est désormais vu comme un personnage de la ''[[fantasy]]'', et comme l'assistant du [[père Noël]].

== Étymologie et terminologie ==
Le mot « lutin » (prononcé [{{phonétique|ly.tɛ̃}}] {{audio|Fr-lutin.ogg|écouter la prononciation française}}), tout comme ses nombreuses variantes dans l’aire francophone, relève d’une origine qui suscite encore la controverse parmi les [[philologue|philologues]]<ref name="Eau265"/>.

=== Attestations ===
{{Encadré
|titre=[[Benoît de Sainte-Maure]], ''[[Roman de Troie]]'', {{s|XII|e}}, v. 14679
|contenu=Ne grant serpenz volanz, hisdous, ''Noituns'' ne monstres perillous<ref name="DB">Extrait du [[Littré]] cité dans la thèse de Francisco Vicente Calle Calle, ''Les représentations du diable et des êtres diaboliques dans la littérature et l'art en France au XII{{e}} siècle'', Volume 2, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 1997 {{ISBN|2284006779|9782284006770}}, p. 566</ref>...}}

Les premières attestations du mot remontent au {{s|XI|e}}, notamment « ''nuitum'' » dans un [[laaz]] de [[Rachi]], rabbin champenois, qui l'emploie dans son commentaire sur le [[Talmud]]<ref>בכורות (''folio'' 44b), cité dans {{harvsp|Wagner|2005|p=260}}</ref>. Vers 1150, ''neitun'' (« monstre marin »), qui semble être une forme reconstituée par l'éditeur, apparaît dans ''[[le Roman de Thèbes]]''<ref>''[[Le Roman de Thèbes]]'', v. 6005-6008 : « Ptolémée avait un cheval noir... un cheval arabe d'outre mer, engendré par une jument et un Netun » (engendrez d'ive et de Neitun) », cité par {{harvsp|Wagner|2005|p=261}}</ref>. Entre 1171 et 1181, [[Chrétien de Troyes]] emploie le mot ''netun'' dans ''[[Yvain ou le Chevalier au Lion]]''<ref>[[Chrétien de Troyes]], ''[[Yvain ou le Chevalier au Lion]]'', v. 5267. Voir l'étude de Claude Gonthier, ''Yvain, ou, Le chevalier au lion'', coll. « Parcours d'une œuvre », Beauchemin Éditions, 2007 {{ISBN|2761651316|9782761651318}}, p. 233</ref>. On retrouve le « ''nuiton'' » chez [[Benoît de Sainte-Maure]], une forme sans doute issue de l'influence du mot « [[nuit]] »<ref>« Parce que ces créatures sont réputées se manifester après le crépuscule ». Voir {{harvsp|Lecouteux|1988|p=93}}</ref> et, dès 1176 à 1181, la forme « ''luitun'' » chez [[Wace]], dans le [[Roman de Rou]]<ref>[[Wace]], ''[[Roman de Rou]]'', III, v. 4575. Voir A. J. Holden, ''Le Roman de Rou de Wace'', Volume 2, société des anciens textes français, A. & J. Picard, 1973, p. 57</ref>, probablement par attraction avec le verbe « lutter ». La forme ''luiton'' est employée dans ''[[Perceforest]]''<ref>{{harvsp|Ferlampin-Acher|2002|p=239}}</ref>. D'après [[Walther von Wartburg]], « l'ancien français écrivait d'abord ''netun'', puis ''nuiton'' (d'après nuit), puis ''luiton, luton'' (d'après ''luiter'', forme ancienne de lutter), et enfin lutin qui d'ordinaire, au Moyen Âge, désigne un génie malfaisant »<ref>{{ouvrage|prénom1=Oscar|nom1=Bloch|lien auteur1=Oscar Bloch|prénom2=Walther|nom2=von Wartburg|lien auteur2=Walther von Wartburg|édition=6|titre=Dictionnaire étymologique de la langue française|éditeur=Presses universitaires de France|année=1975|année première édition=1932|pages totales=682}}</ref>{{,}}<ref name="a">{{harvsp|Bloch|1981|p=341-352}}</ref>.

[[Émile Littré]] décrit le ''luitin'', ou lutin, comme une « espèce de démon de nature plutôt malicieuse que méchante qui vient tourmenter les hommes », précisant que ''luiton''<ref group="Note">[[Littré]] : « On a dit luiton, qui est la forme archaïque, jusque dans le {{s|XVII|e}}, par exemple « Notre ami monsieur le luiton...» chez [[Jean de La Fontaine|La Fontaine]] »</ref> et ''nuiton'', issus du [[vieux français]], seraient employés jusqu'au {{s|XVII|e}}<ref>{{lien web|auteur=[[Émile Littré]]|url=http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/lutin/45340|titre=Lutin|site=Dictionnaire de Français Littré, définitions, citations, synonymes, usage… d'après l'ouvrage d’Émile Littré (1863-1877)|consulté le=16 septembre 2011}}</ref>.

En [[wallon]], le mot poursuit une évolution parallèle, les formes dialectales « ''lûton'' » (la plus rare, signalée entre autres à [[Huy]], [[Durbuy]] et [[Ellezelles]]) et « ''nûton'' » (la plus courante, signalée dans tout le pays de [[Namur]]) mènent au terme moderne ''[[nuton]]''<ref>{{harvsp|Sterckx|1994|p=51}}, citant entre autres O. Colson dans ''Wallonia'' X, 1902, p. 35-36</ref>{{,}}<ref>Évolution du terme d'après Émile Dantinne : Neptunus, neptuni, netum, nuiton (qui donne nuton), luiton (qui donne luton), luitin et enfin lutin. Voir {{harvsp|Dantinne|1958-1960|p=173-199}}</ref>.

=== Théories ===
[[Fichier:Bologna - Nettuno - 5-3-2005 - Foto Giovanni Dall'Orto.jpg|thumb|Selon la théorie la plus répandue, le dieu Neptune est à l'origine étymologique du lutin.]]
D'après la théorie de [[Walther von Wartburg]], encore largement acceptée, tous les noms communs anciens du lutin sont issus du dieu latin de la mer ''[[Neptune (mythologie)|Neptunus]]'', déchu de son ancienne fonction divine par la [[christianisation]], et devenu un démon [[paganisme|païen]] des eaux lui-même à l'origine des petites créatures aquatiques maléfiques nommées « neptuni »<ref>[[Walther von Wartburg]] cité par {{harvsp|Martineau|2003|p=83}}</ref>{{,}}<ref name="a"/>. Cette perception est peut-être issue du [[Judaïsme]] à l'origine<ref>Voir commentaires de {{harvsp|Wagner|2005|p=261}}</ref>. Un sermon en latin tardif d'[[Éloi de Noyon]], au {{s|VII|e}}, cite ''Neptunus'' parmi les démons auxquels il est interdit de rendre un culte, attestant de sa persistance dans les croyances ou les superstitions<ref>{{harvsp|Lecouteux|1988|p=94}}</ref>{{,}}<ref name="Sterckx51">{{harvsp|Sterckx|1994|p=51}}</ref>. Cette étymologie est jugée « indiscutable » par de nombreux philologues<ref>{{harvsp|Ménard|2000|p=380}}</ref>, d'autant qu'elle explique le lien fréquent entre le lutin, le monde marin, et les chevaux, deux des attributs du dieu Neptune<ref>{{harvsp|Ferlampin-Acher|2002|p=456}}</ref>.

Citant les traditions médiévales qui comparent le netun/luiton au [[saumon]] ou à un pêcheur, [[Claude Sterckx]]<ref>{{harvsp|Sterckx|1994|p=64}}</ref> et [[Jean Markale]]<ref>[[Jean Markale]], ''L'épopée celtique en Bretagne'', Payot, 1971 {{ISBN|2228317411|9782228317412}}, p. 180, cité par {{harvsp|Dubois|1992|p=63}}</ref> voient le dieu celte des eaux [[Nuada|Nudd]] (ou Nuada, Noddens, Nutt) à l'origine de cette étymologie, ajoutant que Neptunus n'est qu'une ''[[interpretatio romana]]''. [[Claude Lecouteux]], qui un temps a défendu la première théorie en disant que le lutin connaît une trop vaste diffusion pour être une simple « importation celtique »<ref name="Lec176">{{harvsp|Lecouteux|1988|p=176}}</ref>, s'est plus tard appuyé sur la thèse d'Anne Martineau, qui juge la théorie étymologique celte plus probable<ref group="Note">Voir {{harvsp|Martineau|2003|p=83-138}}, pour qui la découverte d'un ex-voto dédié au dieu ''Neutto'' serait en faveur de la thèse Nudd.</ref>, pour suggérer que les mots ''Neptunus'' et ''luiton'' avaient une origine et un sens différents avant de se rejoindre dans le mot « lutin ». Le premier serait un génie domestique, le second un démon aquatique issu de [[Nuada]] ou d'un autre dieu pan-indo-européen. Ceci expliquerait la coexistence des deux termes au {{s|XIII|e}}, et le fait que les lutins du [[cycle arthurien]] aient peu de rapports avec l'eau, alors qu'on observe l'inverse dans la littérature épique et les autres romans<ref name="Eau265">{{Chapitre|Prénom1=Claude|nom1=Lecouteux|lien auteur1=Claude Lecouteux|titre=les génies des eaux, un aperçu|titre ouvrage=Dans l'eau, sous l'eau : le monde aquatique au Moyen Âge|volume=25 de Cultures et civilisations médiévales|éditeur=Presses Paris Sorbonne|année=2002|isbn=284050216X|isbn2=9782840502166|passage=265}}</ref>.
[[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]] cite bon nombre d'anciennes théories linguistiques, liées au mot « nuit »<ref group"Note">particulièrement en [[wallon]], où nuit se dit ''neutt'' ou ''nutte''.</ref>, à l'anglais « ''little'' » qui signifie « petit »<ref group="Note">Théorie de Charles Grandgagnage, voir ''Dictionnaire étymologique de la langue wallonne: avec un glossaire d'anciens mots wallons et une introduction'', volume 2, Partie 1, coll. « Bibliothèque des dictionnaires patois de la France », Slatkine Reprints, 1969.</ref>, au [[wikt:hutin|hutin]] qui désigne un querelleur<ref group="Note">Les deux mots sont liés, mais « hutin » est vraisemblablement issu du lutin, non l'inverse. Voir entre autres {{harvsp|Ménard|2000|p=380}}.</ref>, voire à l'[[wikt:utinet|utinet]], un marteau de tonnelier. [[Collin de Plancy]] voyait en son temps le mot « lutte » à l'origine du lutin<ref>« Les lutins s'appelaient ainsi parce qu'ils prenaient quelquefois plaisir à lutter avec les hommes » : [[Collin de Plancy|Jacques Albin Simon Collin de Plancy]], ''[[Dictionnaire infernal]]'', édition, P. Mongie, 1826, p. 489 {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=GItbAAAAQAAJ&pg=PA489}}</ref> et Pierre Dubois ajoute, non sans humour, que selon [[Petrus Barbygère]]<ref group="Note">[[Petrus Barbygère]] est un personnage fictif, auteur des non moins fictives ''Chroniques Alfiques'', que Pierre Dubois a mis en scène dans une bande dessinée avec [[Joann Sfar]].</ref>, les lutins sont les descendants du petit roi bretteur Lutt<ref>L'existence de ce roi du petit peuple n'est évoquée dans aucun autre ouvrage. Voir {{harvsp|Dubois|1992|p=63}}.</ref>.

=== Terminologie et champ sémantique ===
[[Fichier:Wikignomecouleur003.png|thumb|[[nain (créature fantastique)|Nains]], [[gnome]]s et lutins, très proches dans leur descriptions et leurs rôles, sont fréquemment confondus.]]
[[Claude Lecouteux]] regrette l'absence d'une définition du [[champ sémantique]] des lutins, ce qui provoque de très nombreuses idées fausses à leur sujet, et une perte dans la compréhension des traditions et des mythes qui leur sont liés. Dans la famille des lutins et des nains peuvent être regroupés un très grand nombre de petits êtres, issus de différentes traditions dans différentes régions du monde, tels que les [[farfadet]]s, [[Servan (lutin)|servans]], [[sottai]]s, [[kobold]]s, [[nuton]]s, [[matagot]]s, [[gripet]]s, [[korrigan]]s ou [[nisse]]s<ref name="Lecouteux21-24">{{harvsp|Lecouteux|2010|p=21-24}}</ref>. Le lutin joue un rôle similaire aux « esprits du foyer » des pays anglo-saxons, la traduction du mot en anglais peut d'ailleurs donner [[Brownie (folklore)|brownie]], [[elfe]], [[fée]], [[gnome]], [[gobelin (folklore)|gobelin]], [[hobgoblin]], [[leprechaun]], [[pixie]], ou encore [[Puck (mythologie)|Puck]]<ref>{{en}} {{lien web|url=http://www.websters-online-dictionary.org/Lu/Lutin.html|titre=Lutin|éditeur=Webster's Online Dictionary|consulté le=12 octobre 2011}}</ref>... Depuis le Moyen Âge, les lutins sont également nommés des « [[Follet (folklore)|follets]] », soit « petits fous », en raison de leurs sautes d'humeur<ref name="Martineau97"/>.
Ils sont perçus comme des êtres masculins, sous des noms qui peuvent varier en « lubins », « lupins », « letiens », « luitons », « luprons » et « ludions »<ref name="Dubois62"/>, mais des « lutines » et « lupronnes » sont signalées<ref name="Dubois64"/>. Ils sont à l'origine du verbe « [[wikt:lutiner|lutiner]] », qui signifie « taquiner » et « tourmenter » dans le vocabulaire galant<ref name="Dubois62"/>, et en [[Wallonie]], donnent naissance à l'expression populaire « être pris du lûton », soit « être ensorcelé »<ref name="Lec176"/>. Le [[dictionnaire de Furetière]] signale enfin d'anciennes expressions désormais inusitées : un enfant {{citation|acariâtre et méchant}} était nommé {{citation|petit lutin}}, et un {{citation|vieillard scélérat}}, {{citation|vieux lutin}}, à la fin du {{s|XVII|e}}<ref name="Furetière"/>.
{{clr}}

== Origine et transformations linguistiques ==
{{Encadré
|titre=Extrait de ''[[La Grande Encyclopédie des lutins]]'' <br/> par [[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]]
|contenu=Les lutins [...] lutinent, taquinent, turlupinent, encoquinent, se faufilent, intriguent, se métamorphosent, grouillent, pincent, s'esclaffent, enfourchent et chevauchent des espèces voisines; s'éparpillent sous différentes identités, émigrent, prolifèrent, disparaissent dans un trou... et réapparaissent par un autre en cent dissemblables exemplaires<ref name="Dubois62">{{Harvsp|Dubois|1992|p=62}}</ref>.}}
[[Fichier:Statue of a Satyr.jpg|thumb|left|Le [[satyre]] (ici, une sculpture exposée au [[musée archéologique d'Athènes]]), pourrait être en partie à l'origine des lutins.]]
L'origine des lutins est intimement liée à la croyance envers les génies de la maison<ref name="Lecouteux9"/>, situés dans {{citation|l’espace intermédiaire entre la civilisation des hommes, l’élément sauvage et le monde surnaturel}}. Dans les [[conte]]s populaires {{citation|qu'on les nomme lutins, nains, korrigans, génies, trolls ou encore gnomes, ils appartiennent à la vaste catégorie des divinités de la [[Mère Nature|Nature]] dont ils incarnent l’âme}}<ref>{{harvsp|Besançon|Ferdinand|2003|p=présentation éditeur}}</ref>. Les lutins sont influencés par le [[christianisme]], et par un amalgame avec les croyances liées aux [[fantôme|revenants]].

=== Christianisation des petits dieux païens ===
{{article connexe|Divinité du foyer}}
Les anciennes croyances celtiques, gallo-romaines et latines comptent un abondant [[panthéon]] de « grandes » divinités, telles [[Zeus]], [[Lug (dieu)|Lug]] ou encore [[Neptune (mythologie)|Neptune]], et de « petites » divinités, qui gèrent les rapports entre l'homme, son foyer, les forces surnaturelles et la nature. [[Claude Lecouteux]] cite notamment le ''[[wikt:dusius|dusius]]'' gallo-romain, « dieu du [[lucus]] devenu un génie tutélaire »<ref group="Note">Ce mot de bas-latin se retrouve en Belgique à l'origine d'un ''trô dès dûhons'', et en [[Basse-Bretagne]] avec le ''Teuz-ar-pouliet'', soit « duse de la mare ».</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Lecouteux|2003|p=172}}</ref>, le dieu des forêts [[Sylvanus (mythologie)|Sylvanus]] (et ses sylvains), les [[satyre]]s (dont le côté [[wikt:lubrique|lubrique]] se retrouve dans certaines créatures du petit peuple<ref>{{harvsp|Lecouteux|2010|p=13-14}}</ref>). [[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]] et d'autres spécialistes ajoutent leur équivalent romain les [[faune (mythologie)|faunes]], [[Faunus]], [[Pan]], les [[Pénates]], les [[Lares (mythologie)|Lares]], ou encore les ''genii catabuli'', « génies de l'écurie »<ref name="Dubois62"/>{{,}}<ref name="Martineau117">{{harvsp|Martineau|2003|p=117}}</ref>. Dans les foyers romains, par exemple, il est d'usage de se référer au Lare, le « dieu de la maison », en toute occasion<ref>Joël Schmidt, ''Dieux, déesses et héros de la Rome antique'', coll. « Splendeurs », Paris, éditions Molière, 2003 {{ISBN|2847900055|9782847900057}}, p. 16-20</ref>.

L'[[évangélisation]] progressive des populations provoque de grands bouleversements dans le panthéon, les autorités chrétiennes interdisant d'abord le culte des « grandes » divinités païennes, tandis que des [[Église (édifice)|églises]] et des chapelles sont bâties sur l'emplacement des temples païens. Mais les « petits dieux » du foyer, proches des préoccupations quotidiennes du peuple (avoir des récoltes abondantes, des animaux en bonne santé, une maison bien tenue, etc.), ne s'effacent pas totalement dans les campagnes en raison de l'attachement profond des [[paysan]]s envers eux. Les cultes deviennent clandestins, secrets, les noms se transforment, les caractéristiques des petites divinités sont transférées dans d'autres créatures issues de [[Neptune (mythologie)|Neptune]] ou du dieu celte [[Nuada|Nudd]], qui sont les ancêtres des lutins<ref name="Martineau117"/>.

Pour Anne Martineau, « Nudd ou Neptunus qu'il soit, finalement, qu'importe : les deux étymologies s'accordent sur le fait que le lutin est une ancienne créature des eaux »<ref name="Martineau83">{{harvsp|Martineau|2003|p=83}}</ref>. [[Claude Sterckx]] ajoute qu'« ils sont vraisemblablement tombés bien bas par rapport à ce que devait être leur prototype pré-chrétien »<ref>{{harvsp|Sterckx|1992|p=52}}</ref>.

=== Croyances mortuaires ===
{{Encadré
|titre=[[Montesquieu]], 1734
|contenu=Ce n'est qu'aux lutins de luicter les morts<ref name="Montesquieu"/>.}}

[[Claude Lecouteux]] défend depuis de nombreuses années une thèse selon laquelle une partie des caractéristiques des lutins et des nains sont issues de croyances relatives à la [[mort]], aux [[fantôme|revenants]]<ref name="Lec182">{{harvsp|Lecouteux|1988|p=182}}</ref> et au [[double (dualité)|double]]<ref>[[Claude Lecouteux]], ''Fées, sorcières et loups-garous au Moyen Âge : histoire du double'', Imago, 1996 {{ISBN|2902702701|9782902702701}}, p. 52</ref>, ce qui explique qu'ils soient peu bavards, qu'ils détestent être vus et que leur habitat soit souvent localisé sous terre<ref>{{harvsp|Martineau|2003|p=114-115}}</ref>. Le royaume des lutins et des nains, si souvent évoqué, serait donc celui des morts<ref name="Martineau124">{{harvsp|Martineau|2003|p=124}}</ref>. Un indice se trouve dans cette croyance du [[Finistère]], collectée par [[Paul Sébillot]], selon laquelle « quelques-uns des lutins sont d'anciens valets de ferme qui, ayant négligé les chevaux qui leur étaient confiés, sont condamnés à venir les soigner après leur mort »<ref>Paul Sébillot, ''Le Folk-lore de France: La Faune et la flore'', Maisonneuve et Larose, 1968, p. 115</ref>{{,}}<ref>Cité par {{harvsp|Martineau|2003|p=127}}</ref>. Le lutin serait alors perçu comme un « génie domestique qui tente d'obtenir le salut par son travail acharné »<ref>{{harvsp|Martineau|2003|p=128}}</ref>. Or, dans toutes les croyances, les ancêtres morts qui se manifestent à leur famille et leurs connaissances peuvent se montrer dangereux<ref>{{harvsp|Wagner|2005|p=258}}</ref>. Un autre indice est la présence du « [[Crieur (légende)|crieur]] », en allemand « ''{{lang|de|schrat}}'' », dont « le [[folklore français]] a conservé le souvenir de personnages, tour à tour esprits, nains, lutins et revenants, dont la principale caractéristique est d'émettre des cris ou de produire des bruits » pour attirer les vivants dans des pièges<ref name="Lec182"/>.

Cet amalgame avec les croyances mortuaires pourrait être dû au [[christianisme]] et à l'interdiction du culte des dieux païens : il est plus simple à un lutin de petite taille clandestinement vénéré de se cacher dans quelque lieu souterrain. Les croyances populaires liées aux petits dieux joyeux et protecteurs auraient donc intégré des croyances mortuaires (donnant la petite taille et l'habitat des lutins), et d'autres issues des dieux [[chtonien]]s déchus [[Nuada|Nudd]] et Neptune (donnant leur rapport premier avec l'eau). Outre la taille des lutins, leur physique « difforme », un [[archétype (psychologie analytique)|archétype]] propre aux êtres chtoniens, serait issu de ces croyances mortuaires<ref name="Martineau116">{{harvsp|Martineau|2003|p=116}}</ref>. Une autre possibilité serait que les ancêtres des lutins aient initialement été de petites créatures chtoniennes, maîtres du royaume des morts, mais qu'en raison de la place prise par le [[Jésus-Christ|Christ]], cette origine ne transparaisse plus que dans quelques indices<ref name="Martineau126">{{harvsp|Martineau|2003|p=124-126}}</ref>.

Le lutin est influencé par Hennequin, personnage mortuaire inquiétant de la [[chasse fantastique]], en ce qui concerne son capuchon pointu<ref group="Note">Selon [[Étienne de Bourbon]], les personnages de la ''Maisnie Hellequin'' se demandaient à tour de rôle « ''sedet mihi bene capucium'' », soit « le capuchon me va t'il bien ? »</ref>. L'importance du chapeau des lutins est toujours visible dans des fêtes populaires comme le [[carnaval de Malmedy]], et son [[sottai|sotê]] chapeauté<ref name="Martineau134">{{harvsp|Martineau|2003|p=134-128}}</ref>.

=== Confusions linguistiques et syncrétisme ===
[[Fichier:Bankuś-krasnal.JPG|thumb|left|Le [[nain (mythologie)|nain]] (ici, une sculpture à [[Wrocław]] en Pologne), très proche du lutin, est à l'origine propre au monde germanique.]]
Le « [[nain (mythologie)|nain]] » est, à l'origine, spécifique au monde germanique, tandis que le « lutin » appartient davantage au monde [[Roman (langue)|roman]]<ref name="Martineau83"/>, et l'[[ancien français]] entretient la distinction entre « nuiton » et « nain »<ref name="Gringas"/>. Mais les auteurs des textes médiévaux doivent rendre un vocable intelligible à la majeure partie de leur lectorat, raison pour laquelle le « ''{{lang|de|zwerc}}'' », nain allemand, est rendu en français par « lutin »<ref>{{harvsp|Lecouteux|1988|p=93}}</ref>, et inversement le lutin français devient un ''{{lang|de|zwerc}}'' en allemand. Dès le {{s|X|e}}, la distinction faite entre les lutins, les [[nain (mythologie)|nains]], les [[elfe]]s et les [[gnome]]s s'estompe en France<ref>{{harvsp|Lecouteux|2010|p=10}}</ref>, au fil du temps les termes deviennent des [[synonyme]]s<ref name="Martineau84">{{harvsp|Martineau|2003|p=84}}</ref>.

Les [[gloses]] des textes latins du {{s|X|e}} {{citation|attestent la fusion de créatures différentes}}. [[Claude Lecouteux]] remarque que sous le terme de [[vieux haut-allemand]] ''scrat'', correspondant au nain crieur, sont assimilées des créatures que d'autres textes peuvent associer au lutin, telles que [[Faunus]], Sylvanus, et les satyres. Cette confusion de vocabulaire perdure pour de très nombreuses raisons, en premier lieu l'évolution des croyances colportées par l'oralité, certaines créatures disparaissant et léguant leurs caractéristiques à d'autres. Les noms se mélangent fortement : un exemple en est la [[mandragore]] qui, de plante, devient la bête mandrigoule de la Drôme, le [[chat d'argent|chat matagot]], puis un nain ou un lutin<ref group="Note">[[Collin de Plancy]], ''Dictionnaire infernal'' : « Démons familiers assez débonnaires qui apparaissent sous la forme de petits hommes sans barbe », cité par {{harvsp|Dubois|1992|p=165}}.</ref>. Pour ne rien arranger, une créature d'un même nom peut être perçue différemment en fonction de l'époque, la littérature populaire entretenant cette confusion<ref name="Lecouteux20">{{harvsp|Lecouteux|2010|p=20}}</ref>, et traduisant un important [[syncrétisme]]<ref>D. Acke, ''Du syncrétisme des figures mythographiques en littératures française et européenne'', Asp / Vubpress / Upa, 2007 {{ISBN|9054874317|9789054874317}}, p. 156</ref>. Il existe toutefois une tendance à rendre les termes en français par « nain » ou par « [[gnome]] » pour le petit peuple {{citation|s'il est en relation avec les profondeurs de la terre et ses richesses, et par « lutin » s'il habite une maison ou ses alentours}}<ref>{{harvsp|Leser|2001|p=17}}</ref>.

Vers 1135, Hugues de Saint-Calais, évêque du Mans, désigne par le nom de ''[[Faunus]]'' ce qui est vu plus tard comme un lutin tapageur<ref>{{harvsp|Lecouteux|Marcq|1998|p=113}}</ref>, tandis que [[Marie de France (poétesse)|Marie de France]] traduit le ''nanus monticulus'', soit « nain des montagnes », en « [[follet (folklore)|follet]] »<ref name="Lecouteux18"/>. Le regroupement entre lutins et nains est particulièrement visible depuis le {{s|XIX|e}} et la diffusion des contes populaires<ref name="Gringas"/>. En 1891, l'Allemand Karl Grün écrit que les lutins se rapprochent des [[elfe]]s et des [[lémure]]s, mais aussi des [[kobold]]s et des [[Lares (mythologie)|lares]], et que dans ce dernier cas, ils prennent le nom de « follets » ou de « [[farfadet]]s ». Ce commentaire amuse beaucoup [[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]], constatant les difficultés qu'ont toujours rencontrées les spécialistes pour établir une « classification » des lutins<ref name="Grün">Karl Grün, ''Les esprits élémentaires'', Nautet-Hans, 1891, cité par {{harvsp|Dubois|1992|p=62}}</ref>.

== Description ==
[[Fichier:Men hur kommer man in i berget, frågade tomtepojken.jpg|thumb|Des [[tomte]]s, équivalent scandinave du lutin, vus par [[John Bauer]] en 1909.]]
Des différences existent entre les lutins présentés dans les romans, souvent stéréotypés, et ceux des croyances populaires, beaucoup plus diversifiés<ref name="Lecouteux24-25">{{harvsp|Lecouteux|2010|p=24-25}}</ref>. La grande majorité des témoignages à leur sujet proviennent de [[Bretagne]]<ref>{{harvsp|Brasey|2008|p=10}}</ref>. Bien qu'ils soient facilement confondus avec les [[nain (mythologie)|nains]], les lutins s'en distinguent par quelques particularités<ref name="Lecouteux16"/>. Leur espièglerie, leurs taquineries et leur [[rire]] sonore sont bien connus<ref name="Lecouteux17">{{harvsp|Lecouteux|2010|p=17}}</ref>, tout comme leur susceptibilité<ref name="Martineau86">{{harvsp|Martineau|2003|p=86}}</ref>. Ils passent le plus clair de leur temps à s'amuser et courir derrière les filles<ref name="Dubois64-65"/>. [[Collin de Plancy]] cite à ce propos un proverbe populaire à son époque :

<center>{{citation bloc|Où sont fillettes et bon vin,<br/>
C'est là que hante le lutin.|Collin de Plancy, ''[[Dictionnaire infernal]]''<ref>Collin de Plancy, ''[[Dictionnaire infernal]]'', également cité par {{harvsp|Brasey|2008|p=13}}</ref>.}}</center>

Mais les lutins se montrent à l'occasion travailleurs et guerriers<ref name="Dubois64-65">{{harvsp|Dubois|1992|p=64-65}}</ref>. Certains récits mentionnent leur force extraordinaire, tel ce [[fabliau]] allemand du {{s|XIII|e}}, cité par [[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]], dans lequel un ''schretel'' combat un [[ours]]<ref>''Der schretel und der Wazzerbär'', cité par {{harvsp|Dubois|1992|p=63}}</ref>. D'autres textes les attachent à des [[paladin]]s en aventure, et en font de redoutables bretteurs malgré leur taille réduite<ref>Voir notamment le récit de Hodekin dans {{harvsp|Dubois|1992|p=65}}</ref>.

Il est délicat de saisir les caractères du lutin en raison du très grand nombre de rôles qu'il peut jouer : lié tantôt à la [[forêt]], à l'eau, à l'air, aux dunes ou aux prés, protecteur du foyer, des enfants et des animaux puis démon nocturne, bandit voleur ou lubrique insatiable, il a survécu à travers les contes et récits du [[folklore]] populaire, transmis par la [[tradition orale]] des siècles durant<ref name="Dubois62"/>. Il est généralement nocturne, « le monde lui appartient depuis onze heures jusqu'à deux heures après minuit », et il se défend férocement contre les [[alcoolisme|ivrognes]] qui l'insultent<ref name="Suliac">''Saint-Suliac et ses légendes'', Dinan, Huart, 1861. Cité par {{harvsp|Le Sturm|2001|p=97}}</ref>. Enfin, dans les récits, le lutin meurt parfois d'accident ou de chagrin, et n'est pas « tout à fait immortel »<ref name="Dubois65">{{harvsp|Dubois|1992|p=65}}</ref>.

[[Claude Lecouteux]] a mis au jour une étroite association entre les croyances mortuaires, le [[petit peuple]], l'eau et les chevaux<ref>{{harvsp|Doulet|2002|p=299}}</ref>. Il rapporte aussi la distinction « commode bien que peu pertinente » faite par plusieurs chercheurs entre les « lutins terrestres », et les « lutins des eaux »<ref name="Lecouteux16">{{harvsp|Lecouteux|2010|p=16}}</ref>.

=== Apparence et habits ===
[[Fichier:Nisse.jpg|thumb|Apparence classique du lutin : petite taille, poulaines et bonnet pointu.]]
À l'origine, les lutins n'ont pas de taille caractérisée<ref name="Gringas">{{ouvrage|titre=Érotisme et merveilles dans le récit français des XIIe et XIIIe siècles|volume=63 de Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge|prénom1=Francis|nom1=Gingras|éditeur=Champion|année=2002|isbn=2745306553|isbn2=9782745306555|pages totales=524|passage=166-167}}</ref>. Leur première description est celle de l'Anglais [[Gervais de Tilbury]], vers 1210, lequel affirme que les ''nuitons'' ont l'aspect de vieillards et la face ridée, sont vêtus de haillons cousus ensembles, et mesurent un demi-pouce, soit moins de deux centimètres<ref name="OtiaLecouteux"/>. Les lutins, tout comme les nains, sont presque toujours perçus comme « vieux et petits », mais pas toujours autant que ceux de Tilbury. Si les récits médiévaux ne précisent pas qu'ils sont barbus, des témoignages du {{s|XIX|e}}, wallons en particulier, insistent là-dessus<ref name="Martineau86"/>.
[[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]] dit que « rien n'est plus compliqué que décrire un lutin », mais évoque une taille {{citation|d'un demi-pouce à trente centimètres}}, la présence de [[cheveux]] touffus et d'une [[barbe]] « qui pousse à l'âge de 300 ans », d'habits en haillons verts et bruns, de [[poulaine]]s, et d'un [[Bonnet (vêtement)|bonnet]] pointu rouge ou vert sur la tête<ref name="Dubois62"/>.

Les habits du lutin ont une importance particulière, bon nombre d'histoires rapportent qu'ils sont vêtus de haillons et que leur offrir des [[vêtements]] neufs provoque leur départ<ref name="Martineau88">{{harvsp|Martineau|2003|p=88}}</ref>. [[Claude Lecouteux]] en cite une à [[Bad Iburg|Ibourg]] au {{s|XIX|e}}. Des lutins s'occupent du [[cheval]] gris d'un paysan, un valet les surprend et révèle leur présence au propriétaire de l'animal. Celui-ci, pour les remercier, leur offre des habits, mais les lutins ne reparaissent plus jamais<ref>''Les lutins d'Ibourg'', traduit dans {{harvsp|Lecouteux|2010|p=284}}</ref>. Des récits similaires concernent les [[Brownie (folklore)|Brownies]] d’Irlande et d’Écosse. Un Brownie des [[Highlands]] bat le grain pour des fermiers jusqu'au jour où, croyant ainsi le remercier, ces derniers lui offrent un bonnet et une [[Robe (vêtement)|robe]]. Il s'enfuit avec, ajoutant qu'ils sont « bien bêtes » de lui avoir donné avant qu'il n'achève sa tâche<ref>''Les derniers Brownies'', traduit dans {{harvsp|Lecouteux|2010|p=286-287}}</ref>{{,}}<ref group="Note">Cette particularité du petit peuple a notamment inspiré [[J.K. Rowling]] pour créer les [[elfes de maison]].</ref>. Cette particularité est probablement issue d'une très ancienne tradition orale, puisque les mêmes thèmes se retrouvent chez le petit peuple de la [[légende arthurienne]]<ref name="Martineau89">{{harvsp|Martineau|2003|p=89}}</ref>.

Citant le départ du lutin de la ''chronique de Zimmern'' (1566), [[Claude Lecouteux]] suppose que la couleur du bonnet offert, le [[rouge]], contraint le lutin à partir. Il existe aussi une histoire où le [[Puck (mythologie)|pooka]] révèle que les habits qui lui sont offerts représentent le [[salaire]] qui met un terme à sa pénitence<ref name="Martineau127">{{harvsp|Martineau|2003|p=127}}</ref>.

=== Portrait psychologique ===
[[Fichier:Image-Dadd - Fairy Feller's.jpg|thumb|left|Plusieurs créatures du petit peuple, dont des lutins, sont visibles sur ''Fairy Feller's Master-Stroke'', une huile sur toile de [[Richard Dadd]] réalisée entre 1855 et 1864, conservée à la [[Tate Gallery]] de Londres.]]
Les lutins sont très inconstants, d'où le nom des [[Farfadet|follets]] (petits fous) et des [[sottai|sotês et massotês]] (petits sots)<ref name="Martineau97">{{harvsp|Martineau|2003|p=97}}</ref> : ils peuvent rendre de multiples services un jour et commettre les pires bêtises le lendemain<ref name="Suliac"/>. Leur asocialité est connue depuis le Moyen Âge puisque [[Marie de France (poétesse)|Marie de France]] parle d'un ''folet'' capturé par un paysan, et prêt à lui donner tout ce qu'il voudra « s'il ne le montre pas aux gens ». La plupart sont furieux lorsque des humains les voient, la pire des situations étant qu'une personne leur adresse la parole, et exige d'eux une réponse. [[Paul Sébillot]] et [[Henri Dontenville]] les disent « peu loquaces », Sébillot ajoutant même qu'un lutin des dunes bretonnes viendrait défier en duel quiconque l’appelle. Les [[nuton]]s ardennais prennent peu la parole, et toujours pour livrer des messages désagréables, à tel point que « nuton » est devenu un synonyme de « [[misanthropie|misanthrope]] » et « taciturne »<ref>{{harvsp|Martineau|2003|p=98}}</ref>. En [[Picardie]], deux follets, les ''fioles'', jettent à l'eau les personnes qu'ils entendent siffler<ref>Jacques Borgé et Nicolas Viasnoff, ''Archives du Nord'', coll. « Archives de la France », Balland, 1979, p. 55, cité à titre d'exemple par [[Hervé Thiry-Duval]]</ref>.

=== Capacités ===
Tous les récits de lutins leur prêtent des capacités [[magie (surnaturel)|magiques]], comme celle de [[prédiction|prédire l’avenir]] et de lancer des sorts<ref name="Lecouteux16"/>{{,}}<ref name="Dubois65"/>. Leurs sortilèges sont particulièrement craints dans les [[massif ardennais|Ardennes]]. Un récit bien connu parle d'un paysan [[Wallonie|wallon]] fauchant son [[blé]] pour le rentrer avant l'orage, lorsqu'il voit le [[nuton]] de son foyer l'aider en portant un [[Épi (botanique)|épi]] à la fois. Énervé par ce qu'il juge comme une aide inutile, il s'en moque. Le nuton sort de son mutisme et lui lance cette malédiction :

<center>{{citation bloc|Paume à paume (Épi par épi), je t'ai enrichi, paume à paume je te ruinerai !|Collecté par [[Jérôme Pimpurniaux]]<ref>[[Jérôme Pimpurniaux]], ''Guide du voyageur en Ardenne'', t. 2, 1858, p. 258</ref>{{,}}<ref group="Note">Il y a des variantes à cette formule, comme « ''Pâte à pâte, t'as flouri, djâbe à djâbe tu d'flourihrès'' » (« Pâte à pâtes, tu as fleuri, gerbe à gerbe tu défleuriras ! »). Voir {{harvsp|Lecouteux|2010|p=273}}</ref>}}</center>

[[Fichier:Champ de blé Seine-et-Marne.jpg|thumb|right|Le lien du lutin avec la nature se traduit par sa capacité à rendre une terre fertile ou stérile. Ici, un champ de [[blé]] en [[Seine-et-Marne]].]]
La variante « Épi par épi, je t'ai enrichi, gerbe par gerbe je te ruinerai » est citée par [[Albert Doppagne]]<ref>{{harvsp|Doppagne|1977|p=19}}</ref> et surtout [[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]], qui en a fait le symbole du lien du petit peuple avec la Nature, et de l'importance à le respecter, ajoutant que rien n'est jamais acquis ou définitif avec eux<ref>{{harvsp|Dubois|1992|p=6}}, le cite très souvent lors de ses [[conte]]s oraux</ref>. Dans la suite du récit en effet, le paysan wallon perd toutes ses possessions et finit ruiné<ref>Ce récit est très fréquemment cité, entre autres par [[André Dhôtel]] dans ''Lointaines Ardennes'', Arthaud, 1979 {{ISBN|2700302699|9782700302691}}, p. 126 ; Anne Martineau : {{harvsp|Martineau|2003|p=103}}, et Claude Lecouteux : {{harvsp|Lecouteux|2010|p=273}}</ref>. Une histoire très semblable met en scène un donanadl, lutin [[tyrol]]ien qui, assis entre les cornes de la plus belle [[vache]] de la Grünalm (« la toute verte », vallée des Alpes tyroliennes), voit le propriétaire du troupeau tenter de l’assommer. Il le maudit en disant {{citation|La Grünalm sera dépourvue d'eau et d'herbe, et d'eau encore plus !}}. Peu après, les sources se tarissent et l'herbe ne repousse plus<ref>Cité par {{harvsp|Lecouteux|2010|p=296-298}}</ref>.

Les lutins peuvent aussi se rendre invisibles<ref name="Lecouteux16"/>, le plus souvent grâce à un objet tel qu'un bonnet ou une cape. Ils utilisent leurs pouvoirs au bénéfice des gens vertueux, comme dans ce conte picard d'[[Acheux-en-Amiénois|Acheux]] collecté par [[Henry Carnoy]], où un bossu aide une bande de lutins à connaître le dernier jour de la semaine, lesquels lui ôtent sa bosse pour le remercier. Un autre bossu ayant appris l'affaire croise une autre bande de lutins et mélange les jours : ils le punissent en l'affublant d'une deuxième bosse<ref>''Volk en Taal III'', 1890, p. 89, cité par {{harvsp|Lecouteux|2010|p=214-215}}</ref>. Un récit flamand parle de lutins établis dans une ferme à [[Linden (Belgique)|Linden]], qui bâtissent une tour sur une église en un mois contre un peu de nourriture<ref>[[Henry Carnoy]], ''Littérature orale de la Picardie'', Paris, 1883, cité par {{harvsp|Lecouteux|2010|p=184-194}}</ref>. Enfin, s'ils sont réputés agités et courent souvent dans tous les sens selon les croyances, les lutins peuvent aussi se déplacer sur une grande distance bien plus rapidement que les humains<ref name="Martineau103">{{harvsp|Martineau|2003|p=103}}</ref>.

==== Métamorphose ====
La capacité à se [[métamorphose]]r et à changer de taille est l'une des particularités les plus typiques des lutins dans les récits à leur sujet. Elle se retrouve aussi chez les nains des traditions populaires, en étroite relation avec la croyance médiévale du [[Double (dualité)|double]]<ref name="Lecouteux18">{{harvsp|Lecouteux|2010|p=18}}</ref>. Leur portrait psychologique (taciturnes, détestant être vus...) explique que la plupart du temps, ils semblent de petite taille<ref>{{harvsp|Martineau|2003|p=104-105}}</ref>. Cependant, il est probable qu'à des époques plus lointaines, en cas de menace, les lutins peuvent grandir instantanément et flanquer une correction à leur agresseur. Les auteurs de textes médiévaux auraient dédoublé le lutin originel du folklore en un « nain petit et faible », toujours vu en premier, et son « protecteur »<ref>{{harvsp|Martineau|2003|p=105}}</ref>. Un exemple en est la chanson ''Dieudonné de Hongrie''<ref>{{harvsp|Martineau|2003|p=106-107}}</ref>.

Les lutins prennent aussi l'apparence d'animaux<ref name="Lecouteux16"/>, voire se changent en objets<ref name="Dubois65"/>. Leurs métamorphoses animales sont variées, incluant surtout le cheval et la [[grenouille]] (le ''Teul ar Pouliez'' breton dans sa mare étant un exemple), puis le [[chat]] et le [[serpent]]. Des traces de génies de la maison adorés sous forme de serpent sont présentes depuis des époques très reculées en Europe, l'animal partageant un trait commun avec le lutin, qui est sa réputation d'aimer le lait<ref name="Martineau96">{{harvsp|Martineau|2003|p=96}}</ref>. Le lutin a également la capacité de changer autrui en animaux, particulièrement en équidés : au {{s|XIX|e}}, un [[sottai|sotrê]] de Lorraine aurait métamorphosé un fermier en [[âne]]<ref name="Martineau104">{{harvsp|Martineau|2003|p=104}}</ref>. Un certain nombre de textes, dont ''[[Les Évangiles des quenouilles]]'', lient le [[feu follet]] au lutin (luiton) en disant que ce dernier apparaît parfois sous la forme d'une petite lumière<ref>{{harvsp|Ferlampin-Acher|2002|p=386}}</ref>.

==== Changelings ====
{{article détaillé|Changeling (folklore){{!}}''Changeling''}}
Tout comme les [[fée]]s, certains lutins enlèvent, dit-on, des bébés humains au berceau et les remplacent par l'un des leurs, le ''[[changeling (folklore)|changeling]]''. Ce dernier a parfois l'apparence d'un bébé lutin, d'autre fois celle d'un très vieux lutin<ref>{{harvsp|Martineau|2003|p=113-114}}</ref>. Pour se protéger des enlèvements, plusieurs méthodes sont citées, l'une d'elles étant de coiffer l'enfant d'un bonnet rouge, qui traditionnellement était réservé aux bébés morts-nés. Le lutin, croyant l'enfant déjà mort, est censé ne pas l'importuner. Un récit lorrain parle d'une mère qui s'empare du bonnet rouge d'un [[sottai|sotrê]] retrouvé au pied du berceau de son enfant disparu, et s'en sert de monnaie d'échange<ref>{{harvsp|Doulet|2002|p=356}}</ref>. Un récit daté de 1885, dans le [[Morbihan]], parle d'une servante fée qui guide une bande de lutins volant les biens et les enfants des habitants. Une mère, se doutant que son enfant a été remplacé, pose douze [[Œuf amniotique|œuf]]s en rond sur la pierre de son foyer, et voit le ''changeling'' rire puis dire {{citation|J'ai bientôt cent ans, oncques n'ai vu tant de pots blancs}}<ref>{{harvsp|Doulet|2002|p=135-136}}</ref>.

=== Liens avec le foyer ===
[[Fichier:Elves-shoemaker.gif|thumb|left|upright=1.2|Illustration anonyme (1915) du conte de Grimm ''[[Les Lutins (conte)|Les lutins]]'' (''Die Wichtelmänner'').]]
[[Fichier:Vilhelm Pedersen - krasnoludek ubt.jpeg|thumb|Un [[nisse]], lutin du [[folklore scandinave]], sur une illustration du conte de [[Hans Christian Andersen]] ''Le Nixe chez l'épicier'', par [[Vilhelm Pedersen]].]]

{{Vers|<poem>
Les petits nains<ref group="Note">Bien que la chanson dise « nain », Anne Martineau suppose qu'il s'agit de lutins.</ref> de la montagne
''Verdurenette'', ''Verduret''
La nuit font toute la besogne
Pendant que dorment les bergers</poem>
|auteur =[[Comptine]] collectée par [[Émile Jaques-Dalcroze]]
|ouvrage=Chansons populaires romandes : Chanson à la lune (1904)|précision=La ronde des petits nains<ref>Éditions de la Baconnière, 1965. Cité par {{harvsp|Martineau|2003|p=91}}</ref>}}

Selon la croyance, le « lutin du foyer » vit à l'origine dans la nature (des habitats souterrains sous les collines, dans les bois ou entre les racines de grands arbres<ref name="Dubois63"/>), et choisit de s'établir dans une habitation humaine (en général une [[Exploitation agricole|ferme]]) pour se mettre au service de ses habitants<ref name="Martineau90"/>, causant parfois des troubles, et jouant la nuit dans la [[cheminée]]<ref>La cheminée est un lieu chthonien, que fréquentent aussi les âmes en peine. Voir{{harvsp|Lecouteux|1995|p=73}}</ref>. Ils sont nommés « lutins domestiques », ou « follets qui font office de valets », selon [[Jean de la Fontaine]]. Le nom du [[Servan (lutin)|servan]] alpin, daté du {{s|XIX|e}}, provient de cette fonction<ref name="Martineau90"/>.

==== Tâches accomplies par les lutins ====
Les « lutins du foyer » s'occupent d'une foule de travaux, en particulier pour les [[cheval|chevaux]] dont ils prennent grand soin<ref name="Martineau90"/>, mais aussi pour les [[bos taurus|bovins]]. Les [[Sottai|sotrés]] vosgiens soignent le bétail, changent sa litière et donnent aux vaches un fourrage appétissant ; le follet de [[Suisse romande]] dérobe aux autres des brins d'herbe fraîche pour les donner à sa vache favorite, et en Basse-Bretagne, ''Teuz-ar-pouliet'', l'espiègle de la mare, [[baratte]] aussi le lait<ref name="Folkfrff"/>. Les lutins surveillent, protègent et tiennent propre la maison dont les habitants lui témoignent un grand respect, font la cuisine, consolent les enfants tristes, en résumé, ils s'occupent de toutes les tâches domestiques du foyer avec une extrême efficacité, bien plus grande que les hommes. Ils peuvent s'y mettre à plusieurs, ne sortent et se montrent que la nuit, et ne dorment jamais, d'où le proverbe français {{citation|Il ne dort non plus qu'un lutin}}<ref name="Lecouteux16"/>{{,}}<ref name="Martineau90">{{harvsp|Martineau|2003|p=90}}</ref>. Ils fréquenteraient les caves et les greniers, le dessous des lits et les armoires<ref name="Dubois63"/>, et fuiraient tout contact avec les objets en fer<ref name="Martineau131">{{harvsp|Martineau|2003|p=131}}</ref>. Les textes rapportent qu'ils se nourrissent de [[grenouille]]s rôties<ref>Voir [[Gervais de Tilbury]] plus bas. Cette particularité est également citée pour le nuton par [[Jérôme Pimpurniaux]]. Voir {{harvsp|Martineau|2003|p=90}}</ref>, mais aussi qu'ils réclament uniquement de la nourriture en échange de leurs services. La plupart du temps, il s'agit de [[lait]] (parfois caillé) ou de bouillies à base de lait. L'amour immodéré du lait est d'ailleurs le seul détail alimentaire permettant de reconnaître à coup sûr un lutin<ref name="Martineau96"/>.
{{clr}}

[[Fichier:ElvesShoemaker-Crane1886.jpg|thumb|center|upright=3|Illustration de [[Walter Crane]] pour le conte ''[[Les Lutins (conte)|Les lutins]]'', publiée dans ''Household Stories by the Brothers Grimm'' par ''Macmillan and Company'' en 1886.]]

==== Moyens de les chasser ====
[[Fichier:Tomte.jpg|thumb|Un [[tomte]] s'occupant des [[écurie]]s, sur une gravure de Carta Marina en 1539, publiée dans ''Historia de gentibus septentrionalibus'' par [[Olaus Magnus]] en 1555.]]
Cette relation avec les habitants du foyer n'est jamais un acquis. Très susceptible, le lutin est attentif à la moindre marque d'irrespect et se retourne en un instant contre les personnes qu'il servait. Il peut aussi se défendre férocement : un récit de [[Plouaret]] rapporte qu'un charretier ivre défie un soir le lutin de l'écurie, estimant qu'il lui fait une concurrence déloyale. L'homme est retrouvé au matin « complètement brisé », ayant le rire terrible du petit être résonnant en lui, tremblant de tous ses membres<ref name="Martineau99"/>. Enfin, le lutin est l'une des causes potentielles du [[cauchemar]]<ref name="Martineau107"/>{{,}}<ref name="Chaufaton">{{harvsp|Abry|Joisten|1976|p=125-132}}</ref>.

Ces raisons expliquent que les gens désirent parfois chasser les lutins de leur foyer<ref name="Martineau107">{{harvsp|Martineau|2003|p=107}}</ref>, plusieurs méthodes étant citées aux côtés de l'habituelle utilisation d'objets ([[eau bénite]]) et de [[prière]]s chrétiennes. L'une des plus classiques consiste à placer un récipient rempli de fines [[graine]]s (il s'agit de [[millet]], de pois ou de cendres en [[Auvergne]], selon Paul Sébillot<ref name="Butler16">{{harvsp|Butler|1997|p=16}}</ref>) sur le chemin du lutin : s'il le renverse, il est forcé de tout remettre en place avant l'[[Aube (temps)|aube]] et le chant du coq, et ne revient plus jamais<ref name="Martineau110"/>. Une autre, connue pour se débarrasser de ceux qui « lutinent » les filles depuis le {{s|XV|e}}, est de parvenir à les dégoûter. ''[[Les Évangiles des quenouilles]]'' parlent de porter du [[pain]] sur soi, {{citation|''et quant volenté te prent de pissier, fay ton aise, et toudis mengue de ton pain''}}<ref>''[[Les Évangiles des quenouilles]]'', ligne 2334, cité par {{harvsp|Doulet|2002|p=152}}</ref>. Le folklore belge conseille de s'accroupir sur du [[fumier]] en position de [[défécation]], et de manger une tartine dans cette position. Le lutin pousse alors une exclamation de dégoût comme « ''Ah ! Ti cakes èt magnes'' » (« Ah ! Tu défèques en mangeant »), et s'enfuit pour toujours<ref name="Doulet152">{{harvsp|Doulet|2002|p=152}}</ref>. La plupart des lutins sont connus pour leur réaction d'horreur face à ce qui évoque les besoins naturels, c'est pourquoi, dans le [[Duché de Limbourg|Limbourg]], on les prévenait avant d'épandre le [[fumier]]<ref>{{harvsp|Lecouteux|2010|p=14}}</ref>. En [[Italie]], un moyen de faire fuir le « Linchetto » trop entreprenant est de manger du fromage assise sur les toilettes, en disant {{citation|Merde au Linchetto : je mange mon pain et mon fromage et lui chie à la figure}}<ref name="Dubois132"/>. Une histoire belge parle d'une jeune fille harcelée par un lûton, dont les parents posent des coquilles d’œuf en rond emplies de brindilles. En les voyant, le lûton dit {{citation|J'ai vu [[Bastogne]] haut boir, Frèyir plein champ, mais jamais je n'ai vu tant de pots mélangeants}}, et part à jamais<ref>A. de Ruette, ''Ardenne et Famenne'', I, 1958, p. 59, cité par {{harvsp|Lecouteux|2010|p=262}}</ref>.

Le [[sottai|sôté]] et d'autres lutins du foyer peuvent se venger de tentatives ratées pour les chasser en ruinant toute la maisonnée<ref name="Doulet152"/>. Dans un conte près de [[Saint-Philbert-du-Pont-Charrault]], une femme se débarrasse de [[farfadet|fadets]] qui venaient près de son âtre en chauffant le trépied sur lequel ils se posent. Plus tard, la fée [[Mélusine (fée)|Mélusine]] remplace l'un des enfants de la femme par un ''changeling'' en son absence, pour les venger<ref>{{harvsp|Doulet|2002|p=136}}</ref>.

Les paysans ont toujours cherché à capturer des lutins. Une méthode [[Québec|quebécoise]] consiste à répandre de la [[farine]] fine au sol, et à suivre les traces qu'ils ont laissées jusqu'à l'endroit où ils se cachent dans la journée<ref name="Martineau110">{{harvsp|Martineau|2003|p=110}}</ref>.

=== Liens avec l'eau ===
[[Fichier:FR-08-Warcq2.JPG|thumb|La [[Meuse (fleuve)|Meuse]] à hauteur de [[Warcq (Ardennes)|Warcq]], territoire des [[Pie-Pie-Van-Van]] selon la légende.]]
Le lutin aquatique remonte au {{s|XIII|e}}, apparaissant dans ''[[Huon de Bordeaux]]'', la ''[[Chanson de Gaufrey]]'' et ''[[Littérature_française_du_Moyen_Âge#La_Geste_de_Garin_de_Monglane|la Geste de Garin de Monglane]]''<ref>{{harvsp|Ménard|2000|p=379-392}}</ref>. [[Malabron]] est un bon représentant, tout comme le [[Klabautermann]] des pays germaniques<ref name="Lecouteux17"/>. Sans doutes parce qu'ils sont « les plus primitifs », ce sont aussi les plus négatifs dans les récits à leur sujet, en particulier à l'époque médiévale. Leur apparence est peu détaillée, et ils sont réputés pour leur [[anthropophagie]]<ref name="Martineau100">{{harvsp|Martineau|2003|p=100}}</ref>. Si les nains de la légende arthurienne sont quasiment sans rapport avec l'eau, d'autres monstres plus ou moins liés aux lutins y sont présents. Le [[Chapalu]], félin aquatique ennemi du [[roi Arthur]], est décrit comme le « roi des lûtons »<ref>Daniel Gricourt et Dominique Hollard, ''Cernunnos, le dioscure sauvage: recherches comparatives sur la divinité dionysiaque des Celtes'', collection Kubaba: Série Antiquité, Editions L'Harmattan, 2010 {{ISBN|229613596X|9782296135963}}, p. 105</ref> et [[Christine Ferlampin-Acher]] lie le chat noir du [[lac Léman|lac de Lausanne]], mentionné dans la ''[[Post-Vulgate|Vulgate Merlin]]'' comme une bête aquatique capable de changer de taille jusqu'à devenir un « diable gigantesque », à un avatar du lutin issu des légendes celtiques<ref>{{harvsp|Ferlampin-Acher|2002|p=265}}</ref>.

Les tours favoris des lutins, en dehors du foyer, sont presque toujours en rapport avec les équidés et l'eau : si le houzier des Ardennes et le poulain Fersé de [[Haute-Bretagne]] attirent les hommes dans l'eau pour leur jouer des tours sans gravité<ref>{{harvsp|Martineau|2003|p=98-99}}</ref>, les [[Pie-Pie-Van-Van]] de la [[Meuse (fleuve)|Meuse]], et d'autres, cherchent à les noyer<ref name="Martineau99">{{harvsp|Martineau|2003|p=99}}</ref>. [[Paul Sébillot]] cite quelques lutins aquatiques positifs, tel le petit bonhomme rouge des côtes [[Dieppe (Seine-Maritime)|dieppoises]], qui garde les filets des pêcheurs<ref>Paul Sébillot, ''Le folklore de France : la Mer'', PyréMonde (Ed.Régionalismes), 2009 {{ISBN|284618352X|9782846183529}}, p. 128</ref>.

=== Liens avec les chevaux ===
{{article connexe|Symbolique du cheval}}
[[Fichier:John Bauer-Då och då tog tomten tag i tyglarna.jpg|thumb|left|Dessin de [[John Bauer]] (1882-1918) représentant un lutin à cheval.]]
Plusieurs chercheurs ont remarqué des liens très étroits entre lutins et chevaux, {{citation|si étroits que, dans les [[chanson de geste|chansons de geste]] médiévales comme dans le plus moderne [[folklore]], lorsque le lutin prend forme animale, il adopte presque toujours celle-là}}<ref name="Martineau91">{{harvsp|Martineau|2003|p=91}}</ref>. La raison semble liée, en plus du lien à l'élément liquide et au dieu [[Neptune (mythologie)|Neptune]] déjà évoqué, au fait que le [[cheval]], animal familier des hommes, est aussi le plus approprié pour se rendre dans les univers féeriques et pour jouer les « tours » caractéristiques du lutin, tels que jeter un cavalier dans une mare de [[boue]], une [[rivière]] ou une [[Fontaine (bassin)|fontaine]]. Dans la [[littérature médiévale]], [[Malabron]] et Zéphyr se changent fréquemment en chevaux<ref name="Martineau91"/>{{,}}<ref>{{harvsp|Ferlampin-Acher|2002|p=455-456}}</ref>. Le « nain » Frocin<ref group="Note">« Frocin » est un nom issu de la grenouille.</ref>, qui affuble le [[Marc'h (roi)|roi Marc'h]] d'oreilles de cheval dans la version de la légende fournie par Béroul au {{s|XII|e}}, est vraisemblablement issu du lutin folklorique<ref>{{harvsp|Martineau|2003|p=110-111}}</ref>. Le [[roman de Thèbes]] et d'autres textes évoquent aussi la paternité d'un fabuleux [[poulain]] noir pour le ''netun'', ''noitun'' ou ''luiton''<ref>{{harvsp|Wagner|2005|p=261}}</ref>, ce dernier étant bien connu à l'époque pour s'occuper des écuries<ref>{{harvsp|Ferlampin-Acher|2002|p=241}}</ref>. [[Guillaume d'Auvergne]] affirme au {{s|XIII|e}} qu'au matin, les crins des chevaux sont retrouvés tressés, et couverts de petites gouttes de cire. [[François Le Poulchre]] ajoute en 1587 qu'un cheval rentré souillé à l'étable peut être retrouvé « estrillé et net le lendemain, sans que de créature il eust été touché pour en oster l'ordure »<ref name="Martineau92">{{harvsp|Martineau|2003|p=92}}</ref>. [[Paul Sébillot]] fournit de nombreux témoignages : en [[Normandie]], le lutin mène les chevaux boire, dans la [[Beauce]] et en [[Franche-Comté]], il les étrille, les soigne, et les nourrit, ce qui en en [[Haute-Bretagne]] les fait hennir au moment où le Maît' Jean apporte leur nourriture. Le fouletot franc-comtois vole le [[foin]] pour le donner à sa bête préférée, si le maître n'en a pas dans son fenil. En Normandie, le lutin vole les plus beaux épis d'[[avoine]] pour ses favoris<ref name="Folkfrff">Paul Sébillot, ''Le Folklore de France: La Faune et la flore'', volume 3 de Le Folk-lore de France, Maisonneuve et Larose, 1968, p. 115</ref>, il en est de même en [[Acadie]], où il prend le grain des chevaux gras pour le donner à ceux des plus pauvres paysans<ref name="Frcana128">Jean Claude Dupont et Jacques Mathieu, ''Héritage de la francophonie canadienne: traditions orales'', Presses Université Laval, 1986 {{ISBN|2763770681|9782763770680}}, p. 128-129</ref>.

[[Fichier:Elf-locks2.jpg|thumb|« Nœud de fée » dans la crinière d'un cheval [[pie (cheval)|pie-alezan]] tovero, pâture [[Le Meux|ulmeusienne]], en [[Picardie]]. Jadis, cette particularité était souvent considérée comme la preuve qu'un lutin a chevauché l'animal durant la nuit.]]
L'[[elficologue]] [[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]] cite de nombreux témoignages de lutins visitant les écuries durant la nuit, et laissant pour traces de leur passage des torsades dans les [[crinière]]s, qu'ils utilisent afin de se confectionner des [[étrier]]s (les fameux {{citation|nœuds de fées}}), et galoper toute la nuit<ref name="Dubois64-65"/>. [[Paul Sébillot]] en relève dans la [[Manche (département)|Manche]] en 1830, cette croyance est très ancrée dans le Nord de la France, particulièrement la [[Bretagne]] et la [[Normandie]]<ref>Paul Sébillot, 1905, cité par {{harvsp|Butler|1997|p=9}}</ref>. Preuve du forfait des lutins, le propriétaire retrouve son animal couvert de [[sueur]] au matin<ref name="Doulet300"/>. Les chevaux aux {{citation|nœuds de fées}} sont prisés sur les marchés bretons, et les juments réputées pour devenir de bonnes [[poulinière]]s<ref name="Doulet300"/>. La tradition rapporte qu'il ne faut surtout pas démêler les crinières de ces juments : dans le [[Berry]], cela les fait [[avortement|avorter]]<ref name="Dubois64-65"/>{{,}}<ref name="Doulet300"/>, en [[Franche-Comté]] cela provoque une mort dans l'année<ref>{{harvsp|Wagner|2005|p=266}}</ref>, et en [[Acadie]], les lutins se vengent en maltraitant les chevaux<ref>Père Anselme Chiasson, cité par {{harvsp|Butler|1997|p=9}}</ref>. Des témoignages de crinières emmêlées sont recueillis par les paysans de [[Haute-Bretagne]]<ref name="Martineau91"/> et du [[Québec]]<ref name="Butler154">{{harvsp|Butler|1995|p=154}}</ref> jusqu'au début du {{s|XX|e}}.

{{Vers|<poem>
Maint’nant, au travail ! Comme un fou
Vers les ch’vaux le voilà qui file,
À tous leur nouant à la file
Les poils de la tête et du cou.

Dans ces crins tordus et vrillés
Va comme un éclair sa main grêle,
Dans chaqu’ crinière qu’il emmêle
Il se façonn’ des étriers.

Puis, tel que ceux du genre humain,
L’une après l’autre, i’ mont’ chaqu’ bête,
À ch’val sur l’cou — tout près d’la tête,
En t’nant un’ oreill’ de chaqu’ main</poem>
| auteur=[[Maurice Rollinat]]
| ouvrage=Paysages et paysans (1899)|précision=[[s:Le Lutin|Le Lutin]]}}

Ces phénomènes ont été de tous temps attribués aux lutins ou à des créatures similaires, jusqu'à la découverte d'une explication scientifique, celle d'une [[plique polonaise]], défaut d'entretien longtemps considéré comme une maladie<ref name="Martineau92"/>{{,}}<ref name="Doulet300"/>{{,}}<ref>{{harvsp|Wagner|2005|p=263}}</ref>.

La diabolisation du lutin conduit toutefois à une inversion progressive de son rôle envers les chevaux : dans le [[Berry]], d'animal favori, le cheval devient sa victime, et « seuls l'[[âne]] et le [[Bœuf (animal)|bœuf]] échappent aux tourments des lutins, grâce à leur rôle dans la Nativité »<ref>{{harvsp|Wagner|2005|p=265}}</ref>. Les deux croyances coexistent parfois, le [[sôtré]] étant capable d'agacer les chevaux ou de les soigner. Un objet déjà utilisé pour se protéger des [[changeling (folklore)|changelings]], tel qu'une pierre percée (contre le foulta de [[Suisse romande]]) ou une série de coquilles d’[[Œuf amniotique|œuf]]s (contre le chorriquet à [[Treffiagat]]), peut être déposé dans l'écurie pour en chasser les lutins<ref name="Doulet300">{{harvsp|Doulet|2002|p=81, 300}}</ref>. En [[Ontario]], des graines de [[Linum|lin]] sont mélangées à la ration des chevaux, pour forcer les lutins à trier<ref name="Frcana128"/>. Les traditions canadiennes parlent de créer une [[girouette]] à forme équine que le lutin vient ensuite chevaucher, ou de faire détresser les crinières par une femme enceinte. En [[Haute-Bretagne]], des séances d'[[exorcisme]] sont menées, mais sont mal acceptées par les populations à en croire ce témoignage collecté par [[Paul Sébillot]] : « si on brûle les crins avec un [[Cierge (bougie)|cierge]] bénit, le lutin ne revient jamais, mais les bêtes sont, par suite de son départ, exposées à dépérir »<ref>[[Paul Sébillot]], ''Le folk-lore de France: La faune et la flore'', commenté par {{harvsp|Wagner|2005|p=266}}</ref>.

Parallèlement « les silhouettes du lutin et du cheval tendent à se confondre et à se fondre en un seul personnage dont le rôle est d'égarer, d'effrayer et de précipiter dans quelque mare ou rivière ceux qui les montent »<ref>{{harvsp|Doulet|2002|p=301}}</ref>. [[Paul Sébillot]] rapporte des croyances populaires quant à plusieurs lutins-chevaux jouant ce rôle, notamment le Bayard de Normandie, le [[Mourioche]] de Haute-Bretagne, Maître Jean, le [[Bugul-noz]] et la jument blanche de la Bruz<ref name="Martineau91"/>. Dans les îles anglo-saxonnes, [[Puck (mythologie)|Puck]] prend cette forme pour effrayer la population<ref name="Martineau">{{harvsp|Martineau|2003|p=91-94}}</ref>.

== Créatures désignées comme « lutins » ==
{{article connexe|Liste de créatures du petit peuple}}
[[Fichier:Laminak-Pont.jpg|thumb|left|Les [[Lamina (mythologie)|laminak]] de la mythologie basque, parfois décrits comme des lutins, tiennent un rôle de bâtisseurs nocturnes dans certaines légendes.]]
[[Fichier:King Olaf and the Little People.jpg|thumb|right|''King Olaf and the Little People'', par Julia Goddard, 1871, publié dans ''Wonderful Stories from Northern Lands''. Londres, Longmans, Green, and Co. Les petites créatures, semblables à la description des lutins, y sont nommées des [[elfe]]s (''elves'' en anglais).]]
[[Paul Sébillot]] parle des lutins comme d'une « grande tribu », et Anne Martineau en dénombre {{citation|{{formatnum:30000}} espèces}} rien qu'en France<ref name="Martineau84"/>. En 1992, si [[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]] dit que le mot « lutin » désigne communément (et à tort) l'ensemble du [[petit peuple]] en France<ref>{{harvsp|Dubois|1992|p=11}}</ref>, il insiste aussi sur le fait que les lutins forment {{citation|une race à part entière}}, à ne pas confondre, notamment, avec les [[nuton]]s de Wallonie et des [[Ardennes françaises]] dont l'habitat et les légendes sont différents, ni les [[kobold]]s, les [[Gobelin (folklore)|gobelins]], les [[leprechaun]]s et les [[gnome]]s, distincts de plus par l'étymologie<ref name="Dubois62"/>. La plupart des récits de lutins sont spécifiques à la France et se trouvent notamment en [[Bretagne]], dans les [[Massif ardennais|Ardennes]], dans les [[Alpes]] et en [[Picardie]], mais quelques textes en évoquent dans le [[comté de Devon]]<ref group="Note">Les [[pixie]]s, notamment, peuvent avoir une forme masculine. Voir entre autres {{harvsp|Brasey|2008|p=38-42}}</ref>, le [[Yorkshire]], les [[Flandre (terminologie)|Flandres]], l'[[Allemagne]] et l'[[Italie]]<ref name="Dubois63">{{harvsp|Dubois|1992|p=63}}</ref>. Dans le [[Berry]] et selon [[George Sand]], les lutins sont surtout nommés des follets<ref>Gilbert Millet et Denis Labbé, ''Les mots du merveilleux et du fantastique'', volume 40, coll. « Le français retrouvé », Belin, 2003 {{ISBN|2701133424|9782701133423}}, p. 194-196</ref>. Pierre Dubois inclut parmi les lutins proprement dits les chorriquets, bonâmes, penettes, gullets, boudigs et bon noz, dont le rôle est surtout de soigner les chevaux et le bétail, et y ajoute le Bona d'Auvergne, qui se déguise en joueur de [[cabrette]]<ref name="Dubois64"/>. Bien d'autres créatures sont qualifiées de « lutins », comme le fullettu de [[Corse]], qui avec sa main d'étoupe et sa main de plomb, s'attaque aux gens couchés<ref>{{harvsp|Lecouteux|2010|p=34-35}}</ref>. En [[Provence]] et en [[Languedoc]], le [[gripet]] et le [[fantasti]] s'occupent du bétail et des écuries<ref>{{harvsp|Lecouteux|2010|p=40-42}}</ref>. Les [[Pyrénées]] connaissent [[Truffandec]], génie du foyer plutôt nocturne et diabolique<ref>Bernard Duhourcau, ''Guide des Pyrénées mystérieuses'', volume 13 des Guides noirs, Tchou, 1973, p. 149</ref>, et le Pays basque les [[Lamina (mythologie)|laminak]]<ref>« lamia : elfe, gnome, lutin, troll. Personnage mythologique du folklore basque qui incorpore les caractéristiques de ces créatures. lamiña cf. lamia. » {{ouvrage|auteur=Gorka Aulestia, Linda White|titre=English-Basque Dictionary|éditeur=University of Nevada Press|mois=décembre|année=1990|isbn=0874171563}}. Gorka Aulestia, né à Ondarroa (Biscaye) est docteur en littérature basque.</ref>.

L'[[Alsace]] a de nombreuses histoires de lutins, comme celle de Mikerlé dans la vallée de [[Guebwiller]]<ref>{{harvsp|Leser|2001|p=45}}</ref>. La [[Suisse]] utilise le nom de « [[farfadet|follet]] ». Dans l'[[Allier (département)|Allier]], le « fol » joue de vilains tours, comme le [[farfadet]] du [[Poitou|pays poitevin]]<ref name="Dubois74">{{harvsp|Dubois|1992|p=74-75}}</ref>. Le nom de « [[fadet]] » est attesté dans la [[Vienne (département)|Vienne]], les [[Deux-Sèvres]] et le Poitou<ref name="Dubois80">{{harvsp|Dubois|1992|p=80}}</ref>.

=== En Bretagne ===
{{article détaillé|Korrigan|Liste de créatures du petit peuple#Bretagne historique{{!}}Noms du petit peuple en Bretagne}}
[[Fichier:Korrigan.png|thumb|left|Le [[korrigan]], « lutin de Bretagne », renvoie étymologiquement au nain (''korr'')<ref>Gilbert Millet et Denis Labbé, ''Les mots du merveilleux et du fantastique'', volume 40, coll. « Le français retrouvé », Belin, 2003 {{ISBN|2701133424|9782701133423}}, p. 149</ref>{{,}}<ref name="Martineau119">{{harvsp|Martineau|2003|p=119}}</ref>.]]
La [[langue bretonne]] a un très grand nombre de mots pour le [[petit peuple]], et dans cette « région infestée de lutins » où existent des milliers de témoignages, il est commun de les distinguer par leur habitat<ref name="Martineau84"/>{{,}}<ref>{{harvsp|Brasey|2008|p=20}}</ref>. Pierre Dubois attribue aux korikaneds les bois, aux korils, courils, corrics, kriores, kéréores et kannerez noz les [[lande]]s, aux poulpiquets les vaux, aux teuz les prés, aux boléguéans les [[tumulus|tumuli]], aux hoseguéannets les cercles de pierres et aux boudics, boudiguets et bouffon noz les fermes<ref>{{harvsp|Dubois|1992|p=73}}</ref>. La [[Bretagne]] connaît aussi des fadets et [[farfadet]]s, duz, korrigs, komaudons, fomiquets, chorriquets... Au fil du temps, ces petites créatures jadis distinctes sont venues à être toutes désignées sous l'unique nom de « [[korrigan]] »<ref name="Martineau119"/>.

Le petit peuple breton est « relativement sympathique » selon [[Paul Sébillot]]<ref name="Sébillot45">[[Paul-Yves Sébillot]], ''Le Folklore de la Bretagne'', G.-P. Maisonneuve et Larose, 1968, p. 45</ref>. Il participe efficacement à toutes les tâches ménagères et domestiques, calme les enfants, prépare les repas, s'occupe des chevaux en échange de « bons égards », et ne joue des tours qu'à ceux qui lui manquent de respect<ref name="Le Braz"/>{{,}}<ref>{{harvsp|Brasey|2008|p=20-22}}</ref>. [[Anatole Le Braz]] ajoute que des surnoms respectueux tels que ''nantrou'' (« monsieur ») ou ''Moestre Yan'' (« maître Jean ») lui sont donnés<ref name="Dubois64">{{harvsp|Dubois|1992|p=64}}</ref>.

[[Fichier:LaRocheAuxFees Dolmen 2 20070408.jpg|thumb|right|Bon nombre de [[korrigan]]s sont censés vivre sous les [[tumulus|tumuli]] et [[dolmen]]s bretons, comme à [[La Roche-aux-Fées]].]]
Sur l'[[île d'Yeu]], les fras habiteraient le [[dolmen]] des « Petits-Fradets » et sèmeraient des herbes qui font parler les bêtes à minuit, croyance commune à toute la Bretagne<ref>Claude Bugeon, ''Contes et légendes traditionnels de l'Ile d'Yeu (croyances et rituels): inventaire et étude critique : tradition fictive des légendes islaises'', éditions du Petit Véhicule, 2000 {{ISBN|2842732081|9782842732080}}, p. 43-44</ref>. [[Collin de Plancy]] a rassemblé des témoignages concernant la disparition des boléguéans du [[tumulus]] de [[Saint-Nolff]], où ils étaient autrefois des milliers :
{{citation bloc|Cette désertion des boléguéans est un malheur pour la commune. Du temps qu'ils vivaient ici, qu'ils nous parlaient (car ils parlent le langage du peuple chez lequel ils habitent), qu'ils nous conseillaient, nous étions heureux, tout nous prospérait. Avions-nous perdu quelque chose, un [[couteau]], une pièce de monnaie, un bouton, il nous suffisait de dire : Boléguéan, j'ai perdu tel objet ; et le lendemain, au lever du jour, on était sûr de trouver l'objet sur le seuil de sa porte. Nous manquait-il un [[Bœuf (animal)|bœuf]] pour traîner notre charrue, les boléguéans, toujours bons et obligeants, se faisaient un plaisir de nous en prêter un ; seulement il fallait demander en détail les parties principales de l'animal ; si l'on oubliait soit la tête, soit les pieds, soit la queue, ils nous le prêtaient sans tête, sans pieds ou sans queue. [...]}}

Les lutins bretons auraient été admis dans les églises de [[Basse-Bretagne]]<ref name="Sébillot45"/>, mais ils restent capables de malice, forçant ceux qui les croisent durant la nuit à [[danse]]r jusqu'à épuisement, par exemple. Enfin, ils échangent les enfants des humains avec leur ''[[changeling (folklore)|changeling]]''<ref>[[Jacques Collin de Plancy]], ''Légende des esprits et des démons qui circulent autour de nous'', Plon, 1863, p. 22 {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=_CaFGSX5ERIC&pg=PA22}}, cité en partie par {{harvsp|Dubois|1992|p=72-73}}</ref>. Un certain nombre d'entre eux sont aquatiques, tels les korandons de [[Plouézec|Bilfot]], qui se promènent sur les falaises et ne parlent à personne<ref>[[Paul Sébillot]] cité par {{harvsp|Martineau|2003|p=98}}</ref>. ''Ian an Ôd'' (Jean du rivage), ''Pautre Penn-er-Lo'', le ''Begul an Aod'' ou encore le ''Colle Pohr-En-Dro'' sont plus dangereux, puisqu'ils imitent des personnes qui se noient pour attirer des humains dans l'eau, ou mettent des gens en confiance avant de les pousser à se noyer<ref>{{harvsp|Dubois|1992|p=38}}</ref>.

=== En Wallonie et Champagne-Ardenne ===
{{article détaillé|Liste de créatures du petit peuple#Champagne, Ardenne, Wallonie{{!}}Noms du petit peuple en Champagne, Ardenne, et Wallonie|Nuton}}
Le [[nuton]] (ou ''lûton'', ''nûton'') des [[massif ardennais|Ardennes]] franco-belges partage la même origine que le lutin, mais les grottes, [[caverne]]s et souterrains forment l'essentiel de son habitat selon le folklore local, à l’instar des [[nains]] du monde germanique<ref>{{harvsp|Duvivier de Fortemps|2007|p=3}}</ref>. Il était jadis d'usage de leur déposer des objets endommagés le soir, avec un peu de nourriture, et la tradition veut qu'ils soient retrouvés réparés au matin. Si les croyances populaires ont largement reculé, les expressions demeurent, en général pour désigner la [[misanthropie]] ou, à [[Warmifontaine]], la gourmandise. Les [[coing]]s de [[Comblain-au-Pont]] sont nommés « pommes de nutons ». Des tours et des « trous de nutons » sont toujours visibles dans les toponymes belges, tout comme les « étrons de nuton », des blocs de [[pyrite]] dans l'[[entre-Sambre-et-Meuse]]<ref name="Dubois132">{{harvsp|Dubois|1992|p=132-133}}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Brasey|2008|p=23-24}}</ref>.

À [[Celles]], non loin de [[Dinant]], on retrouve une pierre votive vouée à une divinité populaire du nom de « NVTTO » dont elle est la seule évocation connue<ref name="harvsp Duvivier de Fortemps p5">{{harvsp|Duvivier de Fortemps|2007|p=5}}</ref>. Si sa dédicace demeure controversée, elle permet de risquer l’hypothèse que les nutons seraient en [[Ardenne|Ardenne belge]] liés à la mythologie populaire, et cela dès la période [[gallo-romaine]]<ref name="harvsp Duvivier de Fortemps p5"/>. Le pays de [[Malmédy]] a pour sa part gardé la trace de très anciennes toponymies avec son ''trô dès dûhons'' (trou des duhons), dont l'étymologie est issue des [[wikt:dusius|duses]]. Ces créatures sont comparables aux nutons<ref>Enquêtes du Musée de la vie wallonne, Volume 12, numéros 133 à 142, Liège, Belgique, Le Musée, 1971, p. 29</ref>{{,}}<ref name="Sterckx49">{{harvsp|Sterckx|1994|p=49}}</ref>{{,}}<ref name="Doppagne12">{{harvsp|Doppagne|1977|p=12}}</ref>, tout comme le [[sottai]], nommé sotê dans le [[pays de Liège]], massotê à [[Grand-Halleux]]<ref name="Sterckx49"/>{{,}}<ref name="Doppagne12"/>, et sotrê dans les [[Vosges (département)|Vosges]]<ref>{{harvsp|Dubois|1992|p=93}}</ref>, ou encore le [[felteu]], attesté dans un récit du [[Bassigny]]<ref>Gustave Sarcaud, ''Légendes du Bassigny Champenois'', 1844, cité par {{harvsp|Lecouteux|2010|p=109-116}}</ref>.

D'autres lutins sont plus effrayants, notamment les [[Annequin (folklore)|Annequin]]s, qui se manifestent sous la forme de [[feu follet|feux-follets]]<ref>{{harvsp|Martineau|2003|p=138}}</ref>, et les [[Pie-Pie-Van-Van]] ardennais. Le croqueur d'os, toujours dans les [[massif ardennais|Ardennes]], est un [[nécrophage]] repoussant qui vivrait sous les [[cimetière]]s<ref>{{harvsp|Dubois|1992|p=22-23}}</ref>.

=== En Franche-Comté, dans les Alpes et en Suisse ===
[[Fichier:Braunvieh Kälber Hohe Kugel 1.JPG|thumb|left|Le [[servan (folklore)|servan]] alpin et le donanadl tyrolien guideraient les troupeaux de bovins sur les chemins montagnards.]]
{{article détaillé|Servan (lutin){{!}}Servan|Hutzêran}}
La croyance envers le [[servan (folklore)|servan]] (ou ''sarvan'', ''sarvin'', ''chervan'' en [[patois]]), est commune à toutes les [[Alpes]], au [[Valais]] et au nord de l'Italie<ref name="Brasey26">{{harvsp|Brasey|2008|p=26}}</ref>. Ce lutin bénéfique, protecteur du foyer et surtout du bétail qu'il guide en montagne<ref name="Dubois84">{{harvsp|Dubois|1992|p=84}}</ref>, se voit encore offrir des libations de lait par les pasteurs au {{s|XIX|e}}<ref>Collectage du {{s|XIX|e}} dans le recueil de {{harvsp|Lecouteux|2010|p=61}}</ref>. Les paysans lui donnent la première [[crème (produit laitier)|crème]] du matin pour se protéger de ses tours<ref name="Brasey26"/>. Dans le [[Tyrol]], un esprit servant très proche, de petite taille, d'apparence âgée et vêtu de guenilles, le donanadl, est réputé vivre près d'[[Hochfilzen]] et rendre de multiples services similaires. Les paysans le remercient en lui offrant de la nourriture dans les chalets<ref>{{harvsp|Lecouteux|2010|p=54-55}}</ref>. Le [[chablais]] connaît le chaufaton, un lutin domestique qui provoque les cauchemars<ref name="Chaufaton"/>. Dans le [[Massif du Jura|Jura]], en [[Bourgogne]] et en [[Suisse romande]], les contes mettent en scène des ioutons<ref group="Note">Même étymologie que « lutin » et « nuton ».</ref>, fouletots et foultas<ref>{{harvsp|Wagner|2005|p=256}}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Mergnac|2008|p=80}}</ref>. Le iouton est connu pour se mettre en colère si les hommes oublient son bol de [[lait]], d'après un témoignage collecté aux [[Les Planches-en-Montagne|Planches-en-Montagne]] en 1852<ref>{{harvsp|Lecouteux|2010|p=62-63}}</ref>. Moins sympathique est le [[hutzêran]] du [[canton de Vaud]], lutin hurleur qui fait tomber les branches et tourbillonner les feuilles<ref>{{harvsp|Dubois|1992|p=36}}</ref>.

=== En Amérique du Nord, dont le Québec ===
{{article connexe|Nain rouge}}
[[Fichier:Gatos cats 7 cropped.png|thumb|upright=0.7|Au [[Québec]], le lutin est associé au [[chat]] blanc.]]
La croyance envers les lutins a gagné l'[[Amérique du Nord]] avec les colons français, particulièrement la [[province de Québec]], où ils prendraient la forme d'animaux (entre autres le chien et le lapin). Les chats blancs sont les plus réputés pour être des lutins, bien que tout animal vivant près des foyers humains puisse être considéré comme tel. Ils sont bons ou mauvais, leur est attribué le contrôle bénéfique de la [[météo]] et le [[rasage]] de la barbe du maître de maison avant qu'il ne s'éveille le dimanche, mais aussi, s'ils sont fâchés, son harcèlement à travers des tours tels que l'émoussage d'une [[Faux (outil)|faux]] et le remplissage des chaussures avec des [[wikt:caillou|cailloux]]. Ils détesteraient le [[Sel alimentaire|sel]], et éviteraient de le traverser s'ils en trouvent répandu au sol<ref>{{article|lang=en|titre=Lutins in the Province of Quebec|périodique=The Journal of American Folklore|volume=5|entrée=19|pages=327–328|année=1892|format=PDF|consulté le=9 juillet 2007|doi=10.2307/533243|jstor=533243}}</ref>. Les lutins [[Acadie|acadiens]], québécois et de [[Nouvelle-Angleterre]] partagent tous un lien avec les chevaux, mais une tradition importée d’[[Écosse]] ou d'[[Irlande (île)|Irlande]] est relevée à [[Kippens]] : celle de sortir avec du pain dans ses poches pour éviter leurs tours<ref name="Butler155">{{harvsp|Butler|1995|p=155}}</ref>. Le folklore américain propre à [[Detroit (Michigan)|Detroit]] connaît le [[nain rouge]] (en français dans le texte), originaire de [[Normandie]]<ref>{{en}} Ebenezer Cobham Brewer, ''Dictionary of Phrase and Fable'', Londres, Cassell, 1905, p. 876 {{lire en ligne|url=http://books.google.com/books?id=6aElzaWwzkQC&pg=PA876}}</ref>.

=== En Nouvelle-Calédonie ===

Les auteurs français qui étudient les traditions populaires de [[Nouvelle-Calédonie]] y mentionnent des lutins<ref>Marie-Joseph Dubois, ''Mythes et traditions de Maré, Nouvelle Calédonie: les Eletok'', volume 35, Musée de l'homme, 1975, p. 249</ref> notamment dans les croyances des [[kanaks]], pour qui la [[forêt]] est sacrée<ref>Frédéric Angleviel, Jean-Michel Lebigre, Université de la Nouvelle-Calédonie. Lettres, langues et sciences humaines, ''De la Nouvelle-Calédonie au Pacifique: éléments de recherches en lettres, langues et sciences humaines'', volume 8 de Portes océanes, Éditions L'Harmattan, 2009 {{ISBN|2296076653|9782296076655}}, p. 215</ref>.

== Évolution des croyances ==
Les lutins sont connus à travers des [[conte]]s et des récits populaires ou plus littéraires, mais ils font également l'objet de croyances quant à leur existence, depuis le Moyen Âge et à toutes les époques<ref name="Martineau84"/>. Une importante évolution se produit dans la vision de ces créatures : le ''[[Neptune (mythologie)|Neptunus]]'' aquatique primitif est vu comme un dangereux démon, mais le génie du foyer, très serviable bien qu'inconstant et susceptible, est l'archétype du lutin. Il {{citation|figure au nombre des démons païens que le [[christianisme]] se doit d'extirper}}<ref name="Gringas"/>, mais la croyance populaire perdure durant des siècles. De manière générale, les récits de lutins provoquent quatre types de réactions chez les personnes qui les connaissent : l'acceptation totale et le partage de la croyance, le refus pour des motifs rationnels mais l'acceptation pour des motifs émotionnels, la considération comme une source d'amusement destinée aux enfants, et enfin le rejet total, incluant la négation de toute connaissance des « anciennes traditions ». L'histoire des mutations culturelles inclut naturellement des phases de totale acceptation des croyances envers les lutins, et des phases de rejet<ref>{{harvsp|Butler|1997|p=17}}</ref>.

Selon [[Claude Lecouteux]], « Au Moyen Âge et à la Renaissance, la notion de génie domestique est bien vivante et on attribue donc aux follets et lutins la paternité des mauvais tours ; au {{s|XIX|e}}, les génies et lutins sont tombés dans le domaine de la [[légende]] et du [[conte]], du moins en grande partie selon les régions ; on recourt donc à une autre explication, celle de la [[sorcellerie]] et du [[diable]] »<ref>{{harvsp|Lecouteux|1995|p=175}}</ref>.

=== Moyen Âge ===
L'une des premières attestations de croyance envers les lutins est le fait de [[Burchard de Worms]], qui vers 1007 parle des ''Pilosus'' et des ''Satyrus'', sortes de génies domestiques qui apparaissent dans les caves des maisons, auxquels il est d'usage d'offrir des [[chaussure]]s ou des [[Arc (arme)|arc]]s de petite taille. Il est probable qu'il a cherché à les nommer en [[latin]], alors qu'ils portent un autre nom en [[langue vernaculaire]]<ref>{{harvsp|Lecouteux|Marcq|1998|p=15}}</ref>.

En 1210, [[Gervais de Tilbury]] écrit dans ''[[Les Divertissements pour un empereur]]'' un chapitre titré {{citation|Des faunes et des satyres}} qui forme le premier témoignage détaillé concernant le petit peuple médiéval. Il y parle de follets nommés ''nuitons'' en français et ''portuns''<ref group="Note">D'après Lecouteux, Portunus est l'un des surnoms de Neptune.</ref> en anglais, confondus sous sa plume avec les [[faune (mythologie)|faunes]], [[satyre]]s et [[incube]]s. Ces êtres habitent avec les [[paysan]]s fortunés dans leur demeure, et ne craignent ni l'[[eau bénite]] ni les [[exorcisme]]s, ce qui les dissocie du [[Diable]]<ref>[[Gervais de Tilbury]], ''Otia Imperalia'' I, 18, commentaire dans {{harvsp|Lecouteux|2010|p=19}}</ref>. Ils assistent « les gens simples des campagnes », et se chargent facilement et sans effort des travaux les plus rudes. Sans être nuisibles, il leur arrive de taquiner les habitants. Ils entrent dans les maisons la nuit dès que la porte est fermée, et se réunissent autour du feu pour manger des [[grenouille]]s grillées<ref>Gervais de Tilbury, « Des faunes et des satyres » dans ''Otia Imperalia'' I, 18, cité par {{harvsp|Dubois|1992|p=63}}</ref>. Ils ont toutefois la vilaine habitude de s'agripper aux cavaliers anglais chevauchant de nuit, pour conduire leur monture dans les marécages, avant de s'enfuir en riant<ref name="OtiaLecouteux">[[Gervais de Tilbury]], ''Otia Imperalia'' III, 61, traduction de Claude Lecouteux : {{harvsp|Lecouteux|2010|p=36}}</ref>. L'insistance avec laquelle [[Gervais de Tilbury]] affirme que les ''nuitons'' sont généralement inoffensifs et ne craignent pas les objets religieux laisse à supposer que cette opinion ne devait pas être partagée à son époque<ref name="Martineau84"/>. Il ajoute que les démons prennent l'apparence des « lares », soit des « esprits des maisons »<ref name="Lecouteux9">{{harvsp|Lecouteux|2010|p=9}}</ref>.

La [[religion chrétienne]] a une influence non négligeable sur la perception des lutins. L’Église, toutefois, ne parvient pas à éradiquer ces créatures issues de la mentalité païenne, malgré ses efforts, ni la croyance selon laquelle les défunts se transforment en « esprits » puis continuent à se manifester. L'au-delà est {{citation|le refuge marginal d'où surgissent aussi bien des enfants verts que des nains, des génies maléfiques ou bénéfiques}}<ref>{{harvsp|Marcq|Lecouteux|1998|p=présentation éditeur}}</ref>. [[Claude Lecouteux]] rapporte un texte didactique du {{s|XV|e}}, selon lequel les [[Gobelin (folklore)|gobelins]], ou ''nuituns'', seraient des Diables inoffensifs, créateurs d'illusions et de fantasmes, que Dieu laisse errer nuitamment<ref>{{harvsp|Lecouteux|2010|p=19}}</ref>. [[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]] évoque l'abandon d'un monastère [[Ordre des Prêcheurs|dominicain]] en 1402, suite à la présence d'un lutin en colère qu'aucune prière ne pouvait faire fuir<ref name="Dubois63"/>.

=== Temps modernes ===
Les croyances perdurent, puisqu'en 1586, [[Pierre Le Loyer]] parle des esprits follets ou lutins « qui font bruit et tintamarre dans les maisons particulières » en ajoutant que « ce n'est point une fable »<ref>[[Pierre Le Loyer]], ''Discours des spectres, ou visions et apparitions d'esprits, comme anges, démons et âmes, et monstrans visibles aux hommes, etc...'', Paris, Buon, 1608. Cité par {{harvsp|Lecouteux|2010|p=308-309}}</ref>. Un an plus tard, [[François Le Poulchre]] établit une sorte de classification élémentaire des lutins, en disant que les créatures liées au feu sont colériques et causent des misères aux hommes, tout comme celles de la terre et de l'eau. Seules celles de l'air sont d'après lui fréquentables<ref group="Note">On note ici que le sympathique lutin Zéphyr du ''roman de [[Perceforest]]'', au {{s|XIV|e}}, porte un nom lié à l'air</ref> « et prennent soin des biens » : il s'agit des génies domestiques<ref>[[François Le Poulchre]], ''Honnestes Loisirs'', 1587, cité par {{harvsp|Martineau|2003|p=84}}</ref>. À la même époque, en Allemagne, le [[Hinzelmann]], décrit comme un [[kobold]] mais possédant de nombreux traits du lutin français, est réputé faire grand tapage au [[Hodenhagen|château de Hudemühlen]]<ref>Cité par {{harvsp|Lecouteux|2010|p=225}}</ref>.

Plusieurs chroniques parlent d'un [[bail]] résilié au parlement de [[Bordeaux]] en 1595 à cause de lutins<ref>Par exemple l'''Encyclopédie des gens du monde, par une société de savans'', 1842, p. 80 {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=Yz2h-DiuQmEC&dq=bail%201595%20maison%20lutins&pg=PA80}}</ref>, une affaire similaire est évoquée en 1599 (à moins qu'il s'agisse de la même), mais le locataire est finalement débouté au motif qu'il existe une foule de moyens pour se débarrasser du petit peuple, et qu'il lui suffit de les employer<ref name="Martineau85">{{harvsp|Martineau|2003|p=85}}</ref>. Pierre Dubois ajoute qu'une des voisines dit s'être retrouvée [[grossesse|enceinte]] d'un lutin à la suite de l'affaire<ref name="Dubois63"/>.

En 1615, un « lutin tapageur » se manifeste près de [[Valence (Drôme)|Valence]] dans le [[Dauphiné]], tous les jours « sauf le dimanche et les jours de fête ». Il remplit une tapisserie de feuilles de [[Chou (plante)|chou]]x, couvre le visage d'un potier de raclure d'[[étain]], rit bruyamment et joue du [[Fifre (instrument)|fifre]]. Le seigneur de Valence parvient à le chasser en faisant venir six ou sept [[Curé|prêtre]]s pour bénir la maison et l'exorciser<ref>P. Barthélemy Jacquinot, ''Adresse chrétienne pour vivre selon Dieu dans le monde'', 1621, cité par {{harvsp|Lecouteux|2010|p=135-138}}</ref>. Une affaire similaire se déroule dans une maison à [[Rumilly (Haute-Savoie)|Rumilly]] en 1622, où une bande de lutins renverse la vaisselle et les livres, et jette des pierres sur les habitants. Un prêtre bénit les lieux et ils s'enfuient<ref>R.P. Jean Grossi, ''La Vie de la Vénérable Mère Louise-Blanche Terese de Ballon'', Annecy, 1695, p. 223-225, cité par {{harvsp|Lecouteux|2010|p=142-143}}</ref>. Le [[dictionnaire de Furetière]], dans son édition de 1690, dit que {{citation|lorsqu'une chose que l'on vient de manier disparaît de la maison, il faut que ce soit le lutin qui l'ait prise}}. Il ajoute que ce dernier est une sorte de démon ou d'esprit follet, que l'on croit revenir dans les maisons pour y faire du désordre, des malices, ou de la peine<ref name="Furetière">[[Antoine Furetière]], ''Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts'', chez A. et R. Leers, 1690, p. 502 {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=4iAlACqi88cC&pg=PA502}}</ref>.

En 1728, un Français de passage à [[Hechingen]] arrive dans la ville le jour où une ordonnance princière impose la chasse annuelle aux « esprits malfaisants de la maison ». Tous ces témoignages tendent à prouver que la croyance aux lutins est partagée tant par les gens simples que par les puissants et les érudits, même si elle connaît des exceptions : [[Jean de La Fontaine]], bon connaisseur de ces croyances, situe l'origine des lutins dans le [[Empire moghol|Mogol]], par dérision sans doutes<ref name="Martineau85"/>.

Les premières arrivées de [[colonisation|colons]] français dans l'île de [[Terre-Neuve]] ne sont pas datées avec précision mais remonteraient au {{s|XVIII|e}}<ref>{{harvsp|Butler|1997|p=5}}</ref>. Issus de plusieurs communautés françaises et notamment de [[Quimper]] en Bretagne, ils apportent avec eux leurs croyances envers les lutins, qui survivent jusqu'au début du {{s|XX|e}} dans le folklore populaire<ref name="Butler6">{{harvsp|Butler|1997|p=6}}</ref>. Elles gagnent le [[Michigan]] où une population française s'est établie<ref>{{harvsp|Butler|1997|p=9}}</ref>, donnant le personnage du [[nain rouge]]. Il semblerait que seules les personnes immigrées de la première génération croient réellement en ces personnages, leurs enfants n'en gardant que la connaissance<ref name="Butler10">{{harvsp|Butler|1997|p=10}}</ref>.

=== {{s-|XIX|e}} ===
[[Fichier:Farfadets.jpg|thumb|left|Illustration des [[farfadet]]s vus par [[Alexis Vincent Charles Berbiguier de Terre-Neuve du Thym]].]]
{{article connexe|Alexis Vincent Charles Berbiguier de Terre-Neuve du Thym}}
De nombreux érudits du {{s|XIX|e}} continuent de croire aux lutins, parmi lesquels [[Robert Louis Stevenson]], qui affirme que les [[Brownie (folklore)|Brownies]] inspirent une partie de son travail<ref>{{ouvrage|nom1=Chassagnol|prénom1=Anne|titre=La Renaissance féerique à l'ère victorienne|lieu=Berne|éditeur=Peter Lang|année=2010|pages totales=380|isbn=978-3-03911-757-4|présentation en ligne=http://books.google.fr/books?id=ujHIKsBtJzcC|page=2}}</ref>, [[William Butler Yeats]], qui s'intéresse également au [[spiritisme]] et aux [[paranormal|phénomènes paranormaux]]<ref>Jacqueline Genet, ''William Butler Yeats, les fondements et l'évolution de la création poétique : essai de psychologie littéraire'', Presses Univ. Septentrion, 1980, p. 463</ref>, et peut-être [[Théodore Hersart de La Villemarqué]], imprégné de la mentalité bretonne où la croyance envers le petit peuple est fortement ancrée<ref>''Bien dire et bien aprandre : bulletin du Centre d'études médiévales et dialectales de l'Université Lille III'', numéro 24, 2006, p. 107</ref>. La relation avec les lutins n'est toutefois pas toujours simple, puisqu'en 1821, le sieur [[Alexis Vincent Charles Berbiguier de Terre-Neuve du Thym|Berbiguier de Terre-Neuve]] publie à son compte ''Les farfadets ou Tous les démons ne sont pas de l'autre monde'', dans lequel il détaille son obsession et son combat incessant contre des créatures démoniaques qu'il nomme les « [[farfadet]]s », sortes de lutins maléfiques visibles de lui seul. Il est considéré comme un précurseur du [[fantastique]], ou un archétype du fou littéraire<ref>[[Alexis Vincent Charles Berbiguier de Terre-Neuve du Thym]] et Claude Louis-Combet, ''Les Farfadets, ou, Tous les démons ne sont pas de l'autre monde'', Editions Jérôme Millon, 1990 {{ISBN|2905614404|9782905614407}}, 667 p., voir préface {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=R-Yf94CU1SEC}}</ref>.

==== Influence du spiritisme et de la théosophie ====
La popularité de la [[doctrine spirite]] et d'autres qui en sont dérivées, comme la [[théosophie]], entraîne une nouvelle vision de ces êtres. [[Allan Kardec]] nomme « esprits légers » tous les « follets, lutins, gnomes et farfadets », ajoutant qu'ils sont « ignorants, malins, inconséquents et moqueurs »<ref>[[Allan Kardec]], ''[[Le Livre des Esprits|Le livre des esprits]]: contenant les principes de la doctrine spirite'', 1857, p. 48 {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=J_MTAAAAQAAJ&pg=PA48}}</ref>{{,}}<ref>Jean-Baptiste Martin, François Laplantine et [[Massimo Introvigne]], coll. CREA, volume 2 de ''Le défi magique'': Esotérisme, occultisme, spiritisme. Satanisme, sorcellerie. Presses Universitaires de Lyon, 1994 {{ISBN|2729704965|9782729704964}}, p. 324</ref>. Dans son autobiographie, la médium [[Lucie Grange]] affirme qu'elle a un lutin domestique du nom d'Ersy Goymko dans son foyer, lequel ressemble à un jeune homme blond de 22 ans<ref>Collectif, ''L'ésotérisme au féminin'', volume 20 de Politica hermetica, l'Âge d'Homme, 2006 {{ISBN|2825137146|9782825137147}}, p. 65</ref>.

==== Collectages campagnards ====
[[Fichier:CarlSpitzwegGnomEisenbahnbetrachtend.jpg|thumb|Un [[Gnome]] regardant passer un train, par [[Carl Spitzweg]] (1808–1885).]]
La plupart des nombreux témoignages recueillis au {{s|XIX|e}} concernent les campagnes<ref name="Martineau85"/>, grâce notamment au travail de collectage effectué par les [[folkloriste]]s<ref name="Lec174"/>.

{{citation bloc|Moi, dit Kéradec, j'ai été longtemps sans croire aux revenants, aux lutins, aux [[fantôme]]s et autres apparitions de tout genre dont on parle aux veillées d'hiver. Quand on racontait devant moi quelque histoire semblable, je haussais les épaules de pitié et me moquais de ceux qui y croyaient, et je disais : — Ah ! j'aurais bien voulu être là ! Qu'il m'arrive donc une bonne fois de voir un revenant, et il trouvera à qui parler, et je vous en donnerai des nouvelles ! Et autres vanteries semblables. Aujourd'hui je ne ris plus de ces récits ; je ne les crois pas tous — il s'en faut mais je me donne bien de garde de me moquer de ceux qui y croient, et si j'ai changé à cet égard, c'est que j'ai eu d'excellentes raisons pour cela : ''j'ai entendu, j'ai vu''.|Traditions populaires des bretons : la veillée de Noël<ref>Traditions populaires des bretons : la veillée de Noël dans ''Revue de Bretagne, de Vendée & d'Anjou'', Partie 2, J. Forest aîné, 1861, p. 436 {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=H2pNAAAAMAAJ&pg=PA436}}</ref>.}}

En 1857, [[Alfred Fouquet]] révèle des récits populaires du [[Morbihan]]. À [[Saint-Marcel (Morbihan)|Saint-Marcel]], des lutins sortis des « grottes druidiques » troublent les voyageurs, les paysans et les bergers dès la nuit tombée par « mille clameurs confuses, mille notes aiguës, murmurées ou chantées », et les égarent jusqu'au lever du jour.
Deux vieilles filles que les lutins tourmentent chaque nuit résident dans une petite chaumière, non loin. Un jour, elles passent leur demeure à l'[[eau bénite]]. Les lutins grimpent sur le toit en [[gazon]], et en jettent par la [[cheminée]] afin d'atteindre le lit et de chanter « Tout n'est pas bénit !... tout n'est pas bénit !... tout n'est pas bénit ! »<ref>[[Alfred Fouquet]], ''Légendes, contes et chanson populaires de Morbihan'', A. Canderan, 1857, p. 47-48 {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=pn9Z7DRPXZgC&pg=PA47}}</ref>. Le [[Callac#Le Château de Callac|château de Callac]] abritait jadis, dit-il, un lutin qui « lutinait » une vieille femme. Quand elle s'endormait en filant sa [[quenouille]], il « roulait de grosses boules dans la pièce supérieure, brouillait son fil, poussait au feu son [[Fuseau (bobine de fil)|fuseau]], flambait sa filasse à la chandelle de résine, mettait force sel dans sa soupe de [[lait]], dérangeait sa coiffe à pignon, nouait ses cheveux, ou lui traçait au charbon de belles moustaches noires ». Un soir où il lui rit au nez en lui passant au cou un grand trépied de fer, la vieille jura de s'en débarrasser et plaça derrière la porte de sa cuisine une grande jatte remplie de [[Mil (céréale)|mil]]. Le lutin la renversa et fut forcé de le ramasser jusqu'au chant du [[coq]]. Furieux, il ne reparut plus jamais<ref>[[Alfred Fouquet]], ''Légendes, contes et chanson populaires de Morbihan'', A. Canderan, 1857, p. 51-53 {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=pn9Z7DRPXZgC&pg=PA51}}, également cité par {{harvsp|Dubois|1992|p=64}}</ref>.

En [[Picardie]], [[Henry Carnoy]] collecte la littérature orale à partir de 1879, dont une partie a pour thématique ''[[s:Littérature orale de la Picardie – Les lutins|Les lutins]]''. [[Paul Sébillot]], auteur du ''Folklore de France'' écrit à l'arrivée du {{s|XX|e}} une œuvre immense dans laquelle les lutins sont présents partout : « dans les bois, les eaux, les grottes et les maisons »<ref name="Lec174">{{harvsp|Lecouteux|1988|p=174}}</ref>.
Lors de ses collectages en [[Bretagne]], [[Anatole Le Braz]] rassemble lui aussi des témoignages, à une époque où chaque maison « a son lutin »<ref name="Le Braz">[[Anatole Le Braz]], correspondance avec [[Walter Evans-Wentz]] citée par {{harvsp|Dubois|1992|p=64}}</ref>.

=== {{s2-|XX|e|XXI|e}} ===
[[Fichier:Scene lutins-Armand Langlois.jpg|thumb|Scène animée de lutins automates créée par [[Armand Langlois|Armand]] et [[Janie Langlois]].]]
[[Fichier:Nissen-2155 ubt.jpeg|thumb|left|Un lutin de Noël scandinave ([[tomte]]), à l'origine de la tradition moderne selon laquelle les lutins assistent le [[Père Noël]] à la fabrication des jouets.]]

<center>{{Citation bloc|J'aime mieux croire aux lutins qu'à vos [[cryptogame]]s. Les lutins, au moins, on les a vus.|[[Charles Le Goffic]]|L'âme bretonne<ref>[[Charles Le Goffic]], ''L'âme bretonne'': 2. Volume 5 de La Bretagne et les pays celtiques, H. Champion, 1908, p. 299. Dialogue entre lady Herbert et un scientifique</ref>}}</center>

Les croyances perdurent dans les campagnes au début du {{s|XX|e}}, approximativement jusqu'à la [[Première Guerre mondiale]] en France<ref>{{harvsp|Martineau|2003|p=12}}</ref>, et jusqu'aux années 1920 pour le [[Québec]]<ref name="Butler10"/>. [[Léon Le Berre]] décrit dans son ouvrage ''Bretagne d'hier'' les veillées de sa jeunesse, lorsque les paysans se livrent mutuellement des preuves de l'existence des lutins<ref>[[Léon Le Berre]], ''Bretagne d'hier'', cité par {{harvsp|Martineau|2003|p=85}}</ref>. Dans les années 1970, [[Albert Doppagne]] recueille le témoignage d'une femme wallonne de 60 ans qui affirme avoir vu les nutons courir sur l'appui de fenêtre de sa maison<ref>[[Albert Doppagne]] cité par {{harvsp|Martineau|2003|p=85}}</ref>, et en [[Savoie]] à la même époque, la croyance envers le [[servan (folklore)|servan]] est presque aussi répandue que celle relative aux [[fée]]s<ref>Jean Cuisenier, ''Les sources régionales de la Savoie: une approche ethnologique, alimentation, habitat, élevage...'', Fayard, coll. « Les sources régionales », 1979, p. 617</ref>.

Le {{s|XX|e}} correspond néanmoins à une très forte réduction de ces croyances populaires. Les traditions telles que le bol de lait offert à l'intention des petits êtres du foyer disparaissent<ref>{{harvsp|Ronecker|2000|p=résumé éditeur}}</ref>. D'après [[Hervé Thiry-Duval]], l’[[industrialisation]] va de pair avec la disparition des veillées paysannes où les conteurs transmettaient ces histoires, ce qui empêche la diffusion des légendes du petit peuple. Il s'ensuit {{citation|une assez longue période où les gens montrent même comme une espèce de honte vis-à-vis de ce passé rustique}}<ref>Interview d'[[Hervé Thiry-Duval]], propos recueillis sur ''Le Peuple Féerique'', {{lien web|url=http://peuple-feerique.com/2010/06/21/rencontre-avec-herve-thiry-duval-feericologue-en-franche-comte/|titre=Rencontre avec Hervé Thiry-Duval, féericologue en Franche-Comté…|date=21 juin 2010|prénom1=Richard|nom1=Ely|consulté le=24 septembre 2011}}</ref>. Durant toutes ces années, l'image de ces petites créatures perdure toutefois à travers les [[nain de jardin|nains de jardin]]<ref name="Lecouteux9"/>.

Les [[adolescent]]s et les jeunes s'intéressent beaucoup plus aux [[extraterrestre]]s et aux phénomènes liés aux [[Objet volant non identifié|OVNIS]] qu'aux lutins de leurs parents et grands-parents<ref>Christine Aulenbacher et Philippe Le Vallois, ''Les ados et leurs croyances: comprendre leur quête de sens, déceler leur mal-être'', Éditions de l'Atelier, 2006 {{ISBN|2708238728|9782708238725}}, p. 127 {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=c5ku2HVNUJgC&lpg=PA127}}</ref>. En 1980, le [[folkloriste]] Gary Reginald Butler collecte des informations sur les lutins à [[Terre-Neuve]], et n'obtient pour réponse des habitants qu'un vague souvenir d'avoir entendu ce mot durant leur jeunesse : il en conclut que la croyance est arrivée « à son stade final de disparition »<ref name="Butler6"/>, et que les lutins québécois ne sont plus connus que « des gens les plus âgés »<ref name="Butler153">{{harvsp|Butler|1995|p=153}}</ref>. Il relève une confusion quant à la nature de ces êtres, et en conclut que la culture télévisuelle des [[années 1980]] affecte les dernières croyances populaires en donnant aux lutins une origine [[extra-terrestre]]<ref name="Butler14">{{harvsp|Butler|1997|p=14}}</ref>.

Dans les [[années 1950]], le folkloriste [[Claude Seignolle]] collecte des traditions populaires comportant des histoires de lutins<ref>Roland Ernould, ''Claude Seignolle et l'enchantement du monde'', L'Harmattan, 2007 {{ISBN|2296029973|9782296029972}}, p. 423</ref>, mais c'est surtout le travail de [[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]] qui remet le petit peuple à l'honneur en [[France]]. Constatant la disparition des récits et des croyances, il entreprend un vaste travail de collectage et de diffusion à la fin du {{s|XX|e}}, affirmant lui-même « croire aux fées, aux lutins et aux fantômes »<ref name="Lexpress1">{{Article|langue=|prénom1=Tristan |nom1=Savin|lien auteur1=|titre=Les féeries de Pierre Dubois|périodique=l'Express|lien périodique=L'Express|jour=1|mois=décembre|année=2006|volume=|numéro=|pages=|issn=|url texte=http://www.lexpress.fr/culture/livre/les-feeries-de-pierre-dubois_811727.html|consulté le=}}</ref>.

{{Encadré
|titre=Extrait de l'épisode ''[[Ironie du sort]]'' de ''[[Desperate Housewives]]''
|contenu={{Personnage|Lynette}} : Je connais quelqu'un, qui connaît quelqu'un, qui connaît un lutin. Si l'un de vous fait une seule bêtise, je vous préviens que j'appelle le Père Noël illico pour lui dire que vous voulez des ''claques'' pour Noël. Vous allez prendre ce risque<ref>[[Marc Cherry]] (auteur) et [[Felicity Huffman]] (actrice), ''[[Desperate Housewives]]'' épisode 1 : [[Ironie du sort]]</ref> ?}}

Désormais, les lutins sont vus comme les employés du [[Père Noël]]<ref group="Note">On notera que dans les pays non-francophones, une autre créature du [[petit peuple]] est invoquée dans ce rôle : dans les pays scandinaves, c'est le nisse ou le [[tomte]], et dans les pays anglophones, l'[[elfe]], par exemple</ref>, pour lequel ils fabriquent des [[jouet]]s<ref>Véronique Piaton-Hallé, ''Figures et destins du père Noël: croyance et symbolisation'', Éditions L'Harmattan, 2003 {{ISBN|2747538249|9782747538244}}, p. 40</ref>, se rapprochant ainsi de la version moderne du [[nisse]] scandinave. « Esprits follets et espiègles indissociables de la nature », ils représentent « l'esprit de Noël »<ref>Isabelle Papieau, ''Le renouveau du merveilleux'', coll. « Logiques sociales. Études culturelles », Éditions L'Harmattan, 2008 {{ISBN|2296063810|9782296063815}}, p. 174</ref>, époque où les contes et les histoires du petit peuple « foisonnent »<ref>Voir les interventions de Pierre Dubois dans [[C dans l'air]] : ''Heureusement, il y a Noël'' le 24 décembre 2008 et ''La véritable histoire du Père Noël'' le 25 décembre 2009, sur [[Arte]]</ref>.

== Psychanalyse et symbolique des lutins ==
{{article détaillé|Enfant intérieur}}
[[Fichier:Per gynt i dovregubbens hall.jpg|thumb|left|upright=1.2|Scène de ''[[Peer Gynt]]'' par [[Theodor Kittelsen]] (1913). La pièce de théâtre d'[[Ibsen]] met en scène de nombreux lutins qui conduisent le personnage principal à découvrir sa vérité intérieure.]]
Pour le psychanalyste [[Carl Gustav Jung]], Les gnomes et lutins sont des dieux nains « chthoniens », des [[Homoncule (alchimie)|homoncule]]s comme les [[Cabires]], et un symbole des « forces créatrices infantiles »<ref>[[Carl Gustav Jung]], {{Psychologie et alchimie}}, {{p.}}265.</ref> qui « aspirent éternellement à passer des profondeurs vers les hauteurs »<ref>[[Carl Gustav Jung]], {{Psychologie et alchimie}}, {{p.}}205.</ref>. Ils possèdent de nombreux traits [[psychologie|psychologiques]] propres aux enfants, se montrant alternativement joueurs, sages ou cruels<ref name="EI12"/>. Selon la [[psychologie analytique]], ils sont l'une des manifestations symboliques de l'[[Archétype (psychanalyse)|archétype]] de l'[[enfant intérieur]] (ou ''{{lang|la|puer aeternus}}'' : « enfant éternel » en latin), la part enfantine qui existe en chaque adulte, quel que soit son sexe. Lorsqu'il représente également le développement harmonieux et spontané de la [[Psyché (psychologie)|psyché]], l'enfant intérieur est le germe de la totalité psychique<ref>[[Carl Gustav Jung]], {{Métamorphoses de l'âme et ses symboles}}, {{p.}}546.</ref>.

Les personnages de lutins peuvent personnifier la part d'[[Ombre (psychanalyse)|ombre]] qui continue de vivre sous la personnalité consciente et dominante. L'une de ces manifestations est le [[Fripon|Fripon divin]] (ou ''[[trickster]]'' dans la culture des indiens des Amériques, [[Kokopelli]] chez les Amérindiens). C'est dans ''Le Fripon divin : un mythe indien'', écrit en collaboration avec l'anthropologue américain [[Paul Radin]] et le mythologue hongrois [[Károly Kerényi]], que le psychiatre suisse [[Carl Gustav Jung]] étudie la symbolique du ''trickster'', le mettant en relation avec des mythes du monde entier. Dans ''Introduction à l'essence de la mythologie'' ([[1968 en littérature|1968]]), les trois hommes étudient les variations de l'archétype du [[enfant intérieur|Fripon divin]] dans la mythologie, les arts et la littérature. Paul Radin le définit comme l'un des mythes centraux de l'humanité : {{Citation|Il n'est guère de mythe aussi répandu dans le monde entier que celui que l'on connaît sous le nom de « mythe du Fripon » dont nous nous occuperons ici. Il y a peu de mythes dont nous puissions affirmer avec autant d'assurance qu'ils appartiennent aux plus anciens modes d'expression de l'humanité ; peu d'autres mythes ont conservé leur contenu originel de façon aussi inchangée. (...) Il est manifeste que nous nous trouvons ici en présence d'une figure et d'un thème, ou de divers thèmes, doués d'un charme particulier et durable et qui exercent une force d'attraction peu ordinaire sur l'humanité depuis les débuts de la civilisation}}<ref name="EI12">{{ouvrage|auteur=[[C. G. Jung]], [[Paul Radin]] et [[Károly Kerényi]]|titre=Le Fripon divin : un mythe indien|éditeur=Georg|année=1997|passage=12}}.</ref>.

== Histoire littéraire et représentations dans les arts ==
{{article connexe|Fée dans l'art et la littérature}}
Malgré la fixation du mot ''luiton'' aux {{s2|XII|e|XIII|e}}, ces personnages sont beaucoup plus rares dans les récits que ne peuvent l'être les [[fée]]s ou les [[magie|magiciens]]. Il faut attendre le renouvellement de la [[chanson de geste]]s, inspirée par le [[cycle arthurien]], pour qu'ils prennent une place plus importante<ref>[[Christine Ferlampin-Acher]], « Le luiton : du transgénique au transgénérique, un motif à la peau dure » dans les actes du colloque « Motifs merveilleux et poétique des genres au Moyen Âge » sous la direction de F. Gingras, Montréal, 31 mai-2 juin 2007</ref>, et exercent une véritable fascination<ref name="Ferl276">{{harvsp|Ferlampin-Acher|2002|p=276}}</ref>.

Un certain nombre de personnages médiévaux présentés comme des [[nain (mythologie)|nains]] ont les caractéristiques du lutin : c'est le cas de Tronc dans [[Ysaÿe le Triste]], qui joue des farces en bondissant en selle derrière les cavaliers ennemis<ref name="Martineau100"/>. Les caractéristiques du lutin originel tendent toutefois à s'effacer<ref name="Martineau140">{{harvsp|Martineau|2003|p=140}}</ref> sous la plume des auteurs médiévaux, puisqu'ils se mettent au service des [[noblesse|nobles]] et des [[chevalerie|chevaliers]] pour devenir les nains du roman arthurien<ref>Postulat de la thèse d'Anne Martineau : {{harvsp|Martineau|2003|p=89}}, voir aussi introduction et conclusion</ref>, et changent de régime alimentaire<ref name="Martineau90"/>.

=== Malabron ===
{{article détaillé|Malabron}}
Malabron, issu de la [[chanson de Gaufrey]] et de [[Huon de Bordeaux]], est « semblable à un nuiton » qui nage plus vite que le saumon<ref>{{harvsp|Lecouteux|1988|p=81}}</ref>. Il est capable de prendre l'apparence d'un [[poisson]] à volonté, grâce à une peau dont il se revêt, et de se rendre invisible avec une cape. Il se change aussi en bœuf ou en cheval. Effrayant, il est couvert de fourrure, bossu, doté d'yeux rouges et de dents pointues<ref name="Lecouteux17"/>. Contrairement au « roi de féerie » [[Obéron (personnage)|Aubéron]], il ne semble pas issu de la tradition celtique<ref>{{harvsp|Sterckx|1994|p=58}}</ref>.

=== Zéphyr ===
{{article détaillé|Zéphyr (Moyen Âge){{!}}Zéphyr}}
Zéphyr (ou Zéphir), personnage du ''roman de [[Perceforest]]'' au {{s|XIV|e}}, est la première « image accomplie du lutin » selon [[Claude Lecouteux]]<ref name="Lecouteux17"/>, [[Christine Ferlampin-Acher]] précisant qu'il est issu de « données folkloriques et littéraires » : présenté comme un [[ange déchu]], à la fois « bon et cruel, pitoyable et effrayant, facétieux », au début du roman, il joue des tours en prenant la forme de chevaux, d'oiseaux et de cerfs, en se cachant dans des cadavres et en lançant des enchantements pour tromper les gens. Il ne sort que la nuit et habite la [[boue]], la vase et les eaux sales. Christianisé, il se repentit en punissant les hommes malfaisants, et en devenant le protecteur de Troïlus<ref>{{harvsp|Ferlampin-Acher|2002|p=219-251}}</ref>{{,}}<ref name="Martineau100"/>.

=== Du {{sp-|XVI|e|au|XX|e}} ===
{{article détaillé|Puck (mythologie){{!}}Puck|Le Prince Lutin|Trilby ou le lutin d’Argail}}
[[Fichier:Reynolds-Puck.JPG|thumb|left|''Puck'' vu par [[Sir Joshua Reynolds]], 1789]]
Le personnage de [[Puck (mythologie)|Puck]], présenté comme un [[Sylphe (créature)|sylphe]] ou un [[elfe]] (''elf'') dans la version originale du ''[[Le Songe d'une nuit d'été|Songe d'une nuit d'été]]'' de [[William Shakespeare]], est souvent désigné comme un lutin dans les traductions françaises. Farceur et doté du pouvoir de commander aux éléments<ref>Maurice Abiteboul, ''Le monde de Shakespeare: Shakespeare et ses contemporains entre tradition et modernité'', Éditions du Temps, 2005 {{ISBN|284274313X|9782842743130}}, p. 181</ref>, il est très largement issu du [[folklore anglais|folklore populaire des îles britanniques]].

La littérature française fait régulièrement référence au lutin, entre autres dans ''[[Pantagruel]]'' de [[Rabelais]] en 1532<ref>« C'est un ''luiton'' ou diable deguisé... » dans [[Rabelais]], ''[[Pantagruel|Les horribles et épouvantables faits et prouesses du très renommé géant Pantagruel]]'', 1532, p.35, cité entre autres par le Littré et le ''Dictionnaire étymologique de la langue françoise'', Briasson, 1750, p. 144 {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=HsFIAAAAcAAJ&pg=PA144}}</ref>, chez [[Étienne Pasquier (poète)|Étienne Pasquier]] en 1586<ref>« Ces misanthropes et ''lutons''...» dans [[Étienne Pasquier (poète)|Étienne Pasquier]], ''Les lettres d'Estienne Pasquier'', Abel L'Angelier, 1586, p. 178 {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=dWATAAAAQAAJ&pg=RA3-PA178}}</ref> et chez [[Montesquieu]] en 1734<ref name="Montesquieu">« Ce n'est qu'aux lutins de luicter les morts », [[Montesquieu]], ''Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence...'', éd. Pagnerre, 1734, p. 112</ref>.

[[Fichier:The enchanted fairy tree by richard doyle.jpg|thumb|''The enchanted fairy tree'', par [[Richard Doyle]], vers 1870.]]
En [[Italie]], le personnage d'[[Arlequin]], présent dans la [[commedia dell'arte]] à partir du {{s|XVI|e}}, est probablement issu d'[[Mesnie hellequin|Hellequin]], qui lui-même partage des points communs avec le lutin, comme sa capacité à se rendre invisible et son habitude de jouer des tours aux cavaliers. Arlequin transforme d'ailleurs tous les meubles en lutins dans ''Les Bains de la Porte Saint-Bernard''<ref>{{harvsp|Martineau|2003|p=15}}</ref>, une pièce de [[théâtre]] du {{s|XVII|e}}. [[Claude Lecouteux]] suppose que cette pièce « fait la somme de tous les êtres de la mythologie populaire encore suffisamment connus pour être parlants »<ref>{{harvsp|Lecouteux|2010|p=310}}</ref> :

{{Vers|<poem>
Perturbateurs de l'univers
Qui faites votre délice
De mettre tout à l'envers ;
Esprits enclins à la malice,</poem>
|auteur =
|ouvrage=''Les Bains de la Porte Saint-Bernard''|précision=Scène VI<ref>''Le théâtre italien'', Ed E. Gherardi, Paris, 1700, t. IV, acte I, scène VI, cité par {{harvsp|Martineau|2003|p=364}} et {{harvsp|Lecouteux|2010|p=310}}</ref>}}

[[Madame d'Aulnoy]] écrit ''[[Le Prince Lutin]]'', où le jeune Léandre est changé en lutin par la fée Gentille, et se voit remettre un chapeau qui le rend invisible. Le personnage du lutin est ici beaucoup plus pudique que ceux du folklore<ref>Anne Defrance, ''Les contes de fées et les nouvelles de Madame D'Aulnoy'', volume 369 de Histoire des idées et critique littéraire Librairie Droz, 1998 {{ISBN|2600002782|9782600002783}}, p. 294-306</ref>.

Sans faire explicitement référence aux lutins français, [[Walter Scott]], figure majeure du [[romantisme anglais]], remet au goût du jour le folklore de l'[[Écosse]] à travers des œuvres comme les ''Chants populaires de la frontière écossaise'', son ouvrage de recherche sur la [[démonologie]], et ses romans évoquant plus d'une fois le [[petit peuple]] et les [[Brownie (folklore)|Brownies]]<ref name="GlotBris72-73">[[Michel Le Bris]] dans {{harvsp|Le Bris|Glot|2002|p=72-73}}</ref>. En France, le [[rationalisme]] et l'héritage du [[siècle des Lumières]] font que les contes et traditions sont peu mis en avant au début du {{s-|XIX|e}}, le romantique [[Charles Nodier]] étant l'un des premiers à publier ce type d'histoire<ref name="GlotBris80">[[Michel Le Bris]] dans {{harvsp|Le Bris|Glot|2002|p=80}}</ref>, avec ''[[Trilby ou le lutin d’Argail]]'' en juillet 1822<ref>{{Ouvrage|prénom1=Charles|nom1=Nodier|lien auteur1=Charles Nodier|titre=Trilby ou le lutin d’Argail|sous-titre=Conte écossais|année première édition=1882|année=1999|éditeur=Terre de brume|pages totales=63|passage=préface}}</ref>, qui est plus tard adapté en [[Vaudeville (théâtre)|vaudeville]] par [[Eugène Scribe]] et [[Pierre-Frédéric-Adolphe Carmouche]].

{{Vers|<poem>
Tous les lutins que les sorciers honorent
Dans les livres sont très-connus;
Approche-t-on, soudain ils s'évaporent;
Veut-on les voir ? Il n'en existe plus.
Des curieux ils craignent la présence....</poem>
|auteur =[[Eugène Scribe]] et [[Pierre-Frédéric-Adolphe Carmouche]]
|ouvrage=[[Trilby ou le lutin d’Argail]]|précision=Scène XV<ref>[[Eugène Scribe]] et [[Pierre-Frédéric-Adolphe Carmouche]], ''Trilby ou le lutin d'Argail: Vaudeville en un acte'', Duvernois, 1823, p. 30</ref>}}

Le conte de [[frères Grimm|Grimm]] en allemand ''Die Wichtelmänner'', paru en 1812, est traduit en français par ''[[Les Lutins (conte)|Les Lutins]]''<ref group="Note">En anglais, ce sont des elfes : ''The Elves and the Shoemaker'', et en néerlandais des [[kabouter]]s : ''De kabouters''.</ref>. En 1863, Édouard Cazeneuve publie un concert nommé ''Les esprits follets'' et en 1880, l'[[opéra de Paris]] joue ''La Korrigane'' de [[Charles-Marie Widor]] et [[François Coppée]]<ref name="Lecouteux9"/>.
Une très ancienne danse scandinave nommée ''chorea elvarum'' (littéralement « danse des elfes » en [[latin]])<ref>Comte de Résie, ''Histoire et traité des sciences occultes: ou, Examen des croyances populaires sur les êtres surnaturels, la magie, la sorcellerie, la divination, etc. depuis le commencement du monde jusqu'à nos jours'', volume 1, Vivès, 1857, p. 215-216</ref> est adaptée au piano par Henri Celot en 1875, sous le nom de « danse des lutins »<ref>{{harvsp|Lecouteux|2010|p=313}}</ref>.

=== Depuis le {{s-|XX|e}} ===
[[Fichier:Kabouter Plop.JPG|thumb|left|Personnage de la série ''[[Kabouter Plop]]'', traduite en Belgique francophone sous le nom de ''Lutin Plop''.]]
En 1906 et 1907, le [[tomte]] (traduit par « elfe » ou par « lutin » en français) qui réduit Nils Holgersson à sa taille dans ''[[Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède]]'', « l'un des plus grands livres pour enfants de la littérature mondiale », popularise largement le petit peuple en étant traduit « dans toutes les langues du monde ou à peu près »<ref>[[Michel Le Bris]] dans {{harvsp|Le Bris|Glot|2003|p=154}}</ref>. Les [[Schtroumpfs]], créés par le dessinateur belge [[Peyo]] en 1958, sont souvent nommés les « petits lutins bleus »<ref>Jacques Sadoul, ''93 ans de BD'', J'ai lu, 1989, p. 91</ref>. Ainsi leur bonnet, au départ pointu<ref>{{harvsp|Fossois|2011|op=}}</ref>, fait référence à un attribut couramment associé aux lutins. En 1985, [[Ridley Scott]] réalise le film de féerie ''[[Legend]]'', dont le lutin Gump est l'un des personnages en version française<ref>{{lien web|titre=Legend|url=http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=541.html|éditeur=Allociné|consulté le=19 octobre 2011}}</ref>.

En Belgique dès les années 1970, [[Albert Doppagne]] s'intéresse plusieurs fois aux nutons<ref>Notamment {{harvsp|Doppagne|1977|p=}}</ref> et en France, [[Claude Lecouteux]], professeur de [[la Sorbonne]] bien connu pour sa spécialisation dans les fantômes, démons et génies du [[Moyen Âge]], publie régulièrement au sujet des lutins depuis 1988<ref>voir entre autres {{harvsp|Lecouteux|1988|p=}}, {{harvsp|Lecouteux|1990|p=}}, {{harvsp|Lecouteux|1995|p=}}</ref>. En 1998, un organisme nommé les [[Lutins du court métrage]] est créé en France pour promouvoir les films courts.

La [[série télévisée]] néerlandaise pour enfants ''[[Kabouter Plop]]'', dont le personnage central [[éponyme]], un [[kabouter]] connu depuis 1997, a donné naissance à quatre parcs à thème, a fait son apparition le {{date|17|février|2007|à la télévision}} en [[Belgique francophone]], sous le titre ''Lutin Plop''<ref>{{lien web|url=http://archives.lesoir.be/samson-et-plop-parleront-francais_t-20070210-009JCQ.html|titre=Samson et Plop parleront français|éditeur=Le Soir|consulté le=23 septembre 2011}}</ref>.

Dans les [[pays anglo-saxons]], l'{{guil|effet [[Tolkien]]}} des [[années 1970]] correspond à la naissance du [[jeu de rôle]] et à {{citation|un retour en force des fées et des lutins, fers de lance inattendus de la contre-culture<ref name="GlotBris188">{{harvsp|Le Bris|Glot|2003|p=188}}</ref>}}. Il faut attendre la fin des années 1990 pour observer le même phénomène dans les [[pays francophones]], grâce entre autres au succès des ouvrages de Pierre Dubois. Plusieurs films mettent en scène les lutins du [[Père Noël]], parmi lesquels ''[[Elfe (film)|Elfe]]'' (''Elf'' en anglais<ref group="Note">En anglais, les « lutins du père Noël » sont nommés des elfes (''elfs'').</ref>, ''Le Lutin'' au Québec) en 2003, et le court-métrage d'animation des [[studios Disney]] ''[[Lutins d'élite, mission Noël]]'' fin 2009.

Le plasticien [[Armand Langlois]] a créé une grande scène animée<ref group="Note">Cette scène de 100 m² a été exposée à la mairie de [[La Celle Saint Cloud]] en 2009, à [[Saran]] en 2010 et les textes ont servi de support au Centre de Lecture de la [[Mairie de Paris]] dans le cadre de cours sur la [[biodiversité]], à la médiathèque de [[Tulle]] en 2010, puis en 2011 à la médiathèque de [[Denain]].</ref> où cohabitent des [[troll|trolls]], des [[korrigan|korrigans]], des [[elfe|elfes]] entourés de menhirs d'arbres et de ruines. Leur histoire est gravée sur de grandes pierres et ces textes développent l'idée que le [[petit peuple]] contribue à la bonne marche de la nature.

==== Pierre Dubois ====
[[Fichier:Mons100 Pierre Dubois.jpg|thumb|[[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]] au [[festival Trolls et Légendes]] de [[Mons]], le 24 avril 2011.]]
{{article détaillé|Pierre Dubois (auteur){{!}}Pierre Dubois|La Grande Encyclopédie des lutins}}
[[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]] est à l'origine {{citation|du retour du [[petit peuple]] et du réveil des fées en France}}<ref name="GlotBris214">Hervé Glot dans {{harvsp|Le Bris|Glot|2002|p=214-216}}</ref> grâce à ses nombreuses interventions (conférences, radio, télévision...) sur le sujet, et à ses écrits. Son ''Grand Fabulaire du petit peuple'', des fiches illustrées avec [[René Hausman]] au dessin, paraît dans ''[[Spirou (périodique)|Spirou]]'' en [[1984]], mais c'est surtout ''[[La Grande Encyclopédie des lutins]]'', parue en [[1992]] chez [[Hoëbeke]], qui connaît un succès certain, vendue à {{formatnum:80000}} ou {{formatnum:90000}} exemplaires en France<ref name="Peupleféérique">{{Lien web|url=http://peuple-feerique.com/2008/08/31/pierre-dubois-lelficologue/|titre=Pierre Dubois l'Elficologue|id=|série=|auteur=Richard Ely|lien auteur=|coauteurs=|date=|année=2008|mois=août|site=http://peuple-feerique.com/|éditeur=|page=|citation=|en ligne le=|consulté le={{1er}} octobre 2009}}</ref>, elle obtient le prix du livre des Arts de la [[société des gens de lettres]] le 25 mai 1993<ref>« La société des gens de lettre de France a remis ses grands prix littéraires le 25 mai 1993 » dans ''Magazine littéraire'', numéros 306 à 311, 1993, p. 13</ref> et attire l'attention de [[Bernard Pivot]]<ref name="PF7">{{lien web|langue=|auteur=Richard Ely|lien auteur1=|titre=La Grande Interview de l’Elficologue Pierre Dubois – extrait n°7|éditeur=Peuple féerique|url=http://peuple-feerique.com/2011/07/08/la-grande-interview-de-l%E2%80%99elficologue-pierre-dubois-%E2%80%93-extrait-n%C2%B07/|date=9 juillet 2011|consulté le=10 juillet 2011}}</ref>. Cette encyclopédie, première du genre en français, est traduite dans de nombreuses langues, dont le japonais<ref name="Peupleféérique"/>, et rééditée<ref group="Note">[[Référence:La grande encyclopédie des lutins|Liste des éditions]] de ''La Grande Encyclopédie des lutins''.</ref>. Pierre Dubois est publié dans plusieurs pays<ref>Voir interview de son éditeur [[Hoëbeke|Lionel Hoëbeke]] : {{lien web|url=http://www.lechoixdeslibraires.com/livre-24456-l-ecole-de-la-feerie.htm|titre=L'école de la féerie|éditeur=Lechoixdeslibraires.com.|date=30 juillet 2006|consulté le=27 septembre 2011}}</ref> et met souvent les lutins au centre de son œuvre, avec ''[[Laïyna]]'' en 1987 et 1988, ''L'Agenda des lutins'' en 1993, ''[[Les Lutins (bande dessinée)|Les Lutins]]'' entre 1993 et 1997, ''Les Contes du petit peuple'' en 1997, ''[[Le Grimoire du petit peuple]]'' en 2004 et 2005, et ''[[La légende du Changeling]]'', en cours depuis 2008. Le héros du ''Changeling'', Scrubby, est un lutin échangé à la naissance contre un bébé humain<ref>Série en cinq tomes, voir la chronique de {{lien web|url=http://www.khimairaworld.com/articles/fiche/2105/Interview-Dubois-Fourquemin|titre=Interview Dubois - Fourquemin : Sur les traces du Changeling|éditeur=Khimaira|auteur=Christophe Van De Ponseele|date=07 juin 2010|consulté le=19 septembre 2011}}</ref>.

==== Édition et illustration depuis les années 2000 ====
{{article connexe|Illustration de fantasy en France|Fée_dans_l'art_et_la_littérature#Illustration{{!}}Illustration féerique depuis le XX{{e}} siècle}}
[[Fichier:ErléFerronnière.jpg|thumb|left|upright=0.7|[[Erlé Ferronnière]] a eu l'occasion de dessiner des lutins pour l'ouvrage ''Halloween: sorcières, lutins, fantômes et autres croquemitaines''<ref>Patrick Jézéquel, Bénédicte Morant, [[Jean-Baptiste Monge]] et [[Erlé Ferronnière]], ''Halloween: sorcières, lutins, fantômes et autres croquemitaines'', Avis de tempête, 1997 {{ISBN|2911684052|9782911684050}}, 140 p.</ref>]]
[[Fichier:Mons102 Marie-Charlotte Delmas.jpg|thumb|[[Marie-Charlotte Delmas]] au [[festival Trolls et Légendes]] de [[Mons]], le 24 avril 2011]]

Bon nombre d'ouvrages ayant pour thème le [[petit peuple]] sont parus depuis les années 2000 : [[Hervé Thiry-Duval]] publie un « guide d'élevage des lutins » en 2005<ref>{{harvsp|Thiry-Duval|2005|p=}}</ref>, [[Marie-Charlotte Delmas]] ''Fées et lutins : les esprits de la nature'' en 2006<ref>{{harvsp|Delmas|2006|p=}}</ref>, [[Édouard Brasey]] ''Le petit livre des lutins''<ref>{{harvsp|Brasey|2008|p=}}</ref> et ''[[La petite encyclopédie du merveilleux]]'' en 2008, entre autres. Des anthologies thématiques de [[conte]]s et de [[légende]]s sont rassemblées, ''Lutins et lutines'' par [[Françoise Morvan]] en 2002<ref>{{harvsp|Morvan|2002|p=}}</ref>, et ''Nos bons voisins les lutins'' par [[Claude Lecouteux]] en 2010<ref>{{harvsp|Lecouteux|2010|p=}}</ref>.

Parallèlement, de nouvelles études et des travaux universitaires apparaissent sur le sujet. [[Claude Lecouteux]] continue à travailler sur ses thématiques, et [[Françoise Morvan]] consacre une thèse entière aux lutins bretons en 2005<ref>{{harvsp|Morvan|2005|p=}}</ref>. [[Christine Ferlampin-Acher]]<ref>{{harvsp|Ferlampin-Acher|2002|p=}}</ref> s'y intéresse également.

Des dessinateurs illustrent le [[petit peuple]], à la suite des Anglais [[Brian Froud]] et [[Alan Lee]]. [[Au Bord des Continents]] publie en 1996 le ''Carnet de Route d'un Chasseur de Lutins'' de [[Laurent Lefeuvre]], influencé par une rencontre avec Pierre Dubois vers 1993<ref>[[Laurent Lefeuvre]] et Stéphanie Richard, ''Carnet de Route d'un Chasseur de Lutins'', Au bord des continents, 1996, voir préface de Pierre Dubois.</ref>. Il travaille ensuite sur une série d'ouvrages à propos de lutins aux [[éditions P'tit Louis]]<ref>''Le Guide des lutins comestibles de Brocéliande'' en 2005, ''Comment cuisiner lutins et fées'' en 2006, ''30 Recettes de Lutins Délicieux'' en 2007 et ''30 Recettes de Lutins Vénéneux'' en 2007</ref>. [[Au Bord des Continents]] a publié en 2009 ''Le Guide du Lutin Voyageur''<ref>Raphaël Grosjean, ''Le Guide du Lutin Voyageur'', Au Bord des Continents, juin 2009, 72 p.</ref>, et révélé [[Jean-Baptiste Monge]], avant qu'il ne s'établisse à son compte puis crée en 2010 une marque avec le lutin M. Dumblebee<ref>{{lien web|url=http://peuple-feerique.com/2010/05/10/mr-dumblebee-le-nouveau-defi-de-jean-baptiste-monge/|titre=Mr. Dumblebee, le nouveau défi de Jean-Baptiste Monge ?|auteur=Richard Ely|éditeur=Peuple féerique|date=10 mai 2010|consulté le=27 septembre 2011}}</ref>. [[Pascal Moguérou]] se spécialise dans les [[korrigans]]<ref>{{lien web|auteur=Thierry Mercadal|url=http://www.capcanal.com/video.php?rubrique=3&emission=10&key=5Gndvof6yY|titre=L'univers des auteurs et illustrateurs d'albums - Pascal Moguérou|éditeur=CapCanal|date=2010|consulté le=28 septembre 2011}}</ref>, thème qu'illustre par ailleurs un collectif dans ''[[Les Contes du Korrigan]]''. [[Erlé Ferronnière]], [[Illustration de fantasy en France#Brucero|Brucero]], [[Illustration de fantasy en France#Godo|Godo]] ou encore [[Illustration de fantasy en France#Jim Colorex|Jim Colorex]], passionnés par la féerie, représentent des lutins à l'occasion.
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== Notes ==
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== Références ==
{{Références|colonnes=3}}

== Annexes ==
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=== Articles connexes ===
*[[Farfadet]]
*[[Nain (mythologie)|Nain]]
*[[Gobelin (folklore)|Gobelin]]

=== Liens externes===
* [http://www.lutins.net Le Royaume des Lutins]

=== Bibliographie ===
*{{Ouvrage|éditeur=Hoëbeke|titre=La grande encyclopédie des lutins|prénom1=Pierre|nom1=Dubois|lien auteur1=Pierre Dubois (auteur)|illustrateur=[[Roland Sabatier (illustrateur)|Roland]] et Claudine Sabatier|année=1992|isbn=9782-84230-325-9|plume=oui}}
*{{ouvrage|titre=Lutins|prénom1=Jean-Paul|nom1=Ronecker|éditeur=Pardès|année=2000|isbn=2867142326|isbn2=9782867142321|pages totales=128|commentaire=Ouvrage à orientation ésotérique}}
*{{ouvrage|titre=Le monde merveilleux et inquiétant des gnomes, nains et lutins en Alsace|prénom1=Gérard|nom1=Leser|illustrateur=Didier Éberlé|éditeur=Éd. du Bastberg|année=2001|isbn=2913990673|isbn2=9782913990678|pages totales=159}}
*{{ouvrage|titre=Fées, korrigans et autres créatures fantastiques de Bretagne|collection=Mémoires|lieu=Rennes|prénom1=Philippe|nom1=Le Stum|éditeur=Ouest-France|année=2001|isbn=273732369X|isbn2=9782737323690|pages totales=123}}
*{{ouvrage|titre=Le monde étrange des fées, elfes, lutins, korrigans, gnomes et autres personnages|prénom1=Run|nom1=Futthark|éditeur=De Vecchi|année=2003|isbn=273283419X|isbn2=9782732834191|pages totales=128|commentaire=Ouvrage à orientation ésotérique}}
*{{Ouvrage|titre=Élevez des Lutins|sous-titre=guide pratique des génies domestiques|prénom1=Hervé|nom1=Thiry-Duval|lien auteur1=Hervé Thiry-Duval|illustrateur=Yves Clément|éditeur=Coprur|année=2005|isbn=284208151X|isbn2=9782842081515|pages totales=104}}
*{{Ouvrage|prénom1=Édouard|nom1=Brasey|lien auteur1=Édouard Brasey|titre=Le petit livre des lutins|éditeur=Le pré aux clercs|année=2008|pages totales=60|isbn=9782842283339|plume=oui}}
*{{ouvrage|prénom1=Marie-Odile|nom1=Mergnac|titre=France, terre de sorciers ?|collection=Vie d'autrefois|éditeur=Archives & culture|année=2008|isbn=2350770893|isbn2=9782350770895}}
*{{Ouvrage|éditeur=Hoëbeke|titre=Inventaire mondial des Lutins|prénom1=Pierre|nom1=Dubois|lien auteur1=Pierre Dubois (auteur)|illustrateur=[[Roland Sabatier (illustrateur)|Roland]] et Claudine Sabatier|année=2010|isbn=2842303881|isbn2=9782842303884|pages totales=116}}

==== Fictions et recueils ====
*{{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Dubois|lien auteur1=Pierre Dubois (auteur)|titre=Les Contes du Petit Peuple|éditeur=Hoëbeke|lieu=Paris|année=1997|isbn=9782842300395|pages totales=470}}
*{{Ouvrage|prénom1=Françoise|nom1=Morvan|lien auteur1=Françoise Morvan|titre=Lutins et lutines|éditeur=Librio|année=2002|isbn=978-2290318638}}
*{{Ouvrage|prénom1=Dominique|nom1=Besançon|directeur1=oui|prénom2=Sylvie|nom2=Ferdinand|directeur2=oui|titre=Gnomes, Lutins, Korrigans, farfadets, trolls et autres génies du monde|éditeur=Terre de Brume|année=2003|isbn=2-84362-296-4}}
*{{Ouvrage|prénom1=Dominique|nom1=Besançon|directeur1=oui|titre=Petites Histoires de… Lutins et korrigans|éditeur=Terre de Brume|année=2007|isbn=9782843623462|pages totales=96}}
*{{Ouvrage|prénom1=Claude|nom1=Lecouteux|lien auteur1=Claude Lecouteux|titre=Nos bons voisins les lutins|sous-titre=Nains, elfes, lutins, gnomes, kobolds et compagnie|collection=Merveilleux|éditeur=[[José Corti]] éditions|année=2010|isbn=2714310133|isbn2=9782714310132|pages totales=335|commentaire=Recueil précédé de 26 pages d'analyse|plume=oui}}

==== Études ====
*{{ouvrage|titre=Esprits et génies du terroir|volume=1 de Usages & croyances populaires|prénom1=Albert|nom1=Doppagne|lien auteur1=Albert Doppagne|éditeur=J. Duculot|année=1977|isbn=280110129X|isbn2=9782801101292|pages totales=192}}
*{{Ouvrage|prénom1=Claude|nom1=Lecouteux|lien auteur1=Claude Lecouteux|titre=Les nains et les elfes au Moyen Âge|éditeur=Imago|année=1988|isbn=2902702442|isbn2=9782902702442|pages totales=207|plume=oui}}
*{{Article|prénom1=Claude|nom1=Sterckx|lien auteur1=Claude Sterckx|titre=Nûton, lûtons et dieux celtes|périodique=Zeitschrift für celtische Philologie|numéro=46|année=1994|pages=39-79|issn=1865-889X|url=http://www.reference-global.com/doi/abs/10.1515/zcph.1994.46.1.39}}
*{{Ouvrage|prénom1=Claude|nom1=Lecouteux|lien auteur1=Claude Lecouteux|titre=La maison et ses génies|sous-titre=croyances d'hier et d'aujourd'hui|éditeur=Imago|année=1995|isbn=2902702884|isbn2=9782902702886|pages totales=218}}
*{{Chapitre|prénom1=Gary Reginald|nom1=Butler|titre ouvrage=Histoire et traditions orales des Franco-Acadiens de Terre-Neuve|titre=les lutins, les feux-follets et les marionettes|volume=14 des Nouveaux Cahiers de CELAT|éditeur=Les éditions du Septentrion|année=1995|isbn=2894480539|isbn2=9782894480533|pages=153-160|lire en ligne=http://books.google.fr/books?id=uCRKdR9SOwkC&lpg=PA153}}
*{{chapitre|lang=en|prénom1=Gary R.|nom1=Butler|titre=The Lutin Tradition in French Newfoundland Culture : Discours and Beliefs|titre ouvrage=The Good People: New Fairylore Essays|auteur ouvrage=Peter Narváez|éditeur=University Press of Kentucky|année=1997|isbn=0813109396|isbn2=9780813109398|pages=5-21|plume=oui}}
*{{Ouvrage|prénom1=Claude|nom1=Lecouteux|lien auteur1=Claude Lecouteux|prénom2=Ph.|nom2=Marcq|titre=Les esprits et les morts: Croyances médiévales''|lieu=Paris|éditeur=Honoré Champion|année=1998|pages totales=225|isbn=9782852030992 }}
*{{Ouvrage|prénom1=Claude|nom1=Lecouteux|lien auteur1=Claude Lecouteux|titre=Démons et génies du terroir au Moyen Age|éditeur=Imago|année=2000|isbn=2911416414|isbn2=9782911416415|pages totales=202}}
*{{Ouvrage|prénom1=Christine|nom1=Ferlampin-Acher|lien auteur1=Christine Ferlampin-Acher|titre=Fées, bestes et luitons : croyances et merveilles dans les romans français en prose ({{sp-|XIII|e|-|XIV|e|s}})|éditeur=Presses Paris Sorbonne|année=2002|isbn=9782840501930|plume=oui|lire en ligne=http://books.google.com/books?id=evbmsFYPtqMC}}
*{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Michel|nom1=Le Bris|lien auteur1=Michel Le Bris|directeur1=oui|prénom2=Claudine|nom2=Glot|lien auteur2=Claudine Glot|directeur2=oui|titre=Fées, elfes, dragons & autres créatures des royaumes de féerie|sous-titre=|numéro d'édition=|éditeur=Hoëbeke|lien éditeur=Hoëbeke|lieu=Paris|jour=|mois=novembre|année=2002|volume=|tome=|pages totales=226|passage=|isbn=2-84230-159-5|commentaire=Ouvrage présentant l'évolution historique de la féerie, avec de nombreux articles universitaires|plume=oui}}
*{{ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean-Michel|nom1=Doulet|lien auteur1=|titre=Quand les démons enlevaient les enfants: les changelins : étude d'une figure mythique|sous-titre=Traditions & croyances|numéro d'édition=|éditeur=Presses de l'Université de Paris-Sorbonne|lien éditeur=|lieu=|jour=|mois=|année=2002|volume=|tome=|pages totales=433|isbn=9782840502364|présentation en ligne=http://books.google.com/books?id=YpVZAAAAMAAJ|plume=oui}}
*{{Chapitre|langue=fr|prénom1=Anne|nom1=Martineau|titre=La grande tribu des lutins|titre ouvrage=Le nain et le chevalier: Essai sur les nains français du Moyen Âge|collection=Traditions et croyances|numéro d'édition=|éditeur=Presses Paris Sorbonne|lieu=|jour=|mois=|année=2003|passage=83-138|isbn=9782840502746|lire en ligne=http://books.google.com/books?id=ZXLNEsYPfAs}}. Thèse recensée et critiquée par Bernard Ribémont dans les ''Cahiers de recherches médiévales et humanistes'' en 2003, {{lire en ligne|url=http://crm.revues.org//239}} {{plume}}
*{{ouvrage|langue=|prénom1=Marc-André|nom1=Wagner|lien auteur1=Marc-André Wagner|titre=Le cheval dans les croyances germaniques: paganisme, christianisme et traditions|sous-titre=|numéro d'édition=|éditeur=Champion|lien éditeur=|lieu=|jour=|mois=|année=2005|volume=73|titre volume=Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge|tome=|pages totales=974|passage=|isbn=9782745312167|présentation en ligne=http://books.google.com/books?id=sVC1AAAAIAAJ|plume=oui}}
*{{ouvrage|titre=Vie et mœurs des lutins bretons|prénom1=Françoise|nom1=Morvan|lien auteur1=Françoise Morvan|éditeur=Actes Sud|année=2005|isbn=2742757937|isbn2=9782742757930|pages totales=332}}
*{{Ouvrage|prénom1=Marie-Charlotte|nom1=Delmas|lien auteur1=Marie-Charlotte Delmas|titre=Fées et lutins : les esprits de la nature|éditeur=Omnibus|année=2006|isbn=978-2258070448|collection=Le grand légendaire de France}}

==== Articles ====
*{{article|prénom1=Émile|nom1=Dantinne|titre=Les mystérieux habitants de nos cavernes : les Nutons de Wallonie et leur origine|périodique=Les Chercheurs de la Wallonie|tome=XVII|année=1958-1960|pages=173-199}}
*{{Chapitre|prénom1=C.|nom1=Abry|prénom2=C.|nom2=Joisten|titre=De lutins en cauchemars. À propos d'un nom chablaisien du lutin domestique : le chaufaton|titre ouvrage=Le Monde alpin et rhodanien|année=1976|passage=125-132}}
*{{Article|prénom1=Raymond|nom1=Bloch|lien auteur1=Raymond Bloch|titre=Quelques remarques sur Poséidon, Neptune et Nethuns|périodique=Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres|année=1981|volume=125|numéro=2|pages=341-352|lire en ligne=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1981_num_125_2_13844}}
*{{chapitre|prénom1=Philippe|nom1=Ménard|titre=Les lutins dans la littérature médiévale|titre ouvrage=Si on a parlé par moult vertu. Mélanges de littérature médiévale offerts à Jean Subrenat|lieu=Paris|éditeur=Champion|année=2000|pages=379-392|isbn=2745304038|isbn2=9782745304032|plume=oui}}
* {{Lien web|url=http://www.lescheminsdelapierre.be/CheminsPierre/pdf/Nutons%20nain%20fantastique.pdf |titre=Le nuton, nain de l'Ardenne fantastique |auteur=Jean-Luc Duvivier de Fortemps|année=2007 |site=Les Chemins de la Pierre |éditeur=La Maison du Tourisme du Pays de la [[Haute-Lesse]] |page=3 |consulté le={{date|19|octobre|2011}} }}
* {{article|prénom1=Gwendal|nom1=Fossois|photographe=''Exposition Artcurial''|titre=Peyo, ce n'était pas que les Schtroumpfs|périodique=L'Express|lien périodique=L'Express|lieu=Paris|jour=2|mois=août|année=2011|format=Article en ligne|url texte=http://www.lexpress.fr/culture/livre/les-schtroumpfs-retrospective-de-l-oeuvre-de-peyo_1017002.html|consulté le={{date|19|octobre|2011}}|id=111055588938671}}

{{Palette|Lutins}}

{{Portail|créatures légendaires|Contes|paranormal|Religions et croyances|France}}
{{Article de qualité|oldid=71710380|date=2 novembre 2011}}

[[Catégorie:Créature fantastique du folklore français]]
[[Catégorie:Créature fantastique du folklore canadien]]
[[Catégorie:Lutin]]
[[Catégorie:Créature des plaines]]
[[Catégorie:Esprit de la maison]]

[[de:Wichtel]]
[[en:Lutin]]
[[nl:Lutin]]

Version du 8 mars 2012 à 18:05

Un lutin au chapeau rouge typique, réalisation par Godo, octobre 2011, technique mixte crayon et tablette graphique.

Le lutin est une créature humanoïde nocturne de petite taille, issue au sens strict du folklore et des croyances populaires de certaines régions françaises comme le Berry, la Normandie et la Picardie. Les Ardennes et la Wallonie connaissent un génie domestique très proche sous le nom de nuton. En Bretagne, les korrigans sont assimilés à des lutins, tandis que dans les Alpes, le nom de servan est employé. Probablement inspiré des divinités du foyer et de « petits dieux » païens tels que les sylvains, les satyres et les Pénates, son nom dérive de l'influence linguistique du dieu romain Neptune et/ou du celte Nuada, tous deux liés à l'eau. L'influence des croyances envers les revenants peut expliquer une partie de ses caractéristiques. Dès le Moyen Âge, il apparaît dans les récits et les chroniques déjà doté de particularités qui restent connues à notre époque. Les paysans se transmettent des siècles durant les rites visant à s'attirer ses bonnes grâces, ou au contraire à le chasser.

En plus de sa taille réduite, le lutin est réputé pour son espièglerie, son don de métamorphose et d'invisibilité, son côté facétieux bienfaisant ou malfaisant, son obsession pour les femmes à l'origine du mot « lutiner », sa susceptibilité, et surtout son habitude de s'occuper des foyers humains, en particulier des écuries. Les croyances évoluent en englobant de nouvelles créatures au fil du temps, puis elles gagnent l'Amérique du Nord avec les colons français. Elles rejoignent un archétype, le « fripon », et permettent à Carl Gustav Jung de définir l'enfant intérieur comme la part enfantine de chaque être humain.

La confusion entre le lutin, le nain des pays germaniques et l'elfe des pays scandinaves est fréquente depuis le Xe siècle en Europe de l'Ouest, le mot « lutin » étant spécifique aux langues romanes, et surtout à la France. Des centaines de petites créatures aux noms différents peuvent être désignées comme des « lutins », désormais un terme générique pour le petit peuple masculin en France. Après une période de fort recul des croyances et traditions au XXe siècle, La Grande Encyclopédie des lutins de Pierre Dubois marque les débuts d'un regain d’intérêt et d'une abondante production littéraire et artistique à leur sujet. Le lutin est désormais vu comme un personnage de la fantasy, et comme l'assistant du père Noël.

Étymologie et terminologie

Le mot « lutin » (prononcé [ly.tɛ̃] [audio]), tout comme ses nombreuses variantes dans l’aire francophone, relève d’une origine qui suscite encore la controverse parmi les philologues[1].

Attestations

Benoît de Sainte-Maure, Roman de Troie, XIIe siècle, v. 14679

Ne grant serpenz volanz, hisdous, Noituns ne monstres perillous[2]...

Les premières attestations du mot remontent au XIe siècle, notamment « nuitum » dans un laaz de Rachi, rabbin champenois, qui l'emploie dans son commentaire sur le Talmud[3]. Vers 1150, neitun (« monstre marin »), qui semble être une forme reconstituée par l'éditeur, apparaît dans le Roman de Thèbes[4]. Entre 1171 et 1181, Chrétien de Troyes emploie le mot netun dans Yvain ou le Chevalier au Lion[5]. On retrouve le « nuiton » chez Benoît de Sainte-Maure, une forme sans doute issue de l'influence du mot « nuit »[6] et, dès 1176 à 1181, la forme « luitun » chez Wace, dans le Roman de Rou[7], probablement par attraction avec le verbe « lutter ». La forme luiton est employée dans Perceforest[8]. D'après Walther von Wartburg, « l'ancien français écrivait d'abord netun, puis nuiton (d'après nuit), puis luiton, luton (d'après luiter, forme ancienne de lutter), et enfin lutin qui d'ordinaire, au Moyen Âge, désigne un génie malfaisant »[9],[10].

Émile Littré décrit le luitin, ou lutin, comme une « espèce de démon de nature plutôt malicieuse que méchante qui vient tourmenter les hommes », précisant que luiton[Note 1] et nuiton, issus du vieux français, seraient employés jusqu'au XVIIe siècle[11].

En wallon, le mot poursuit une évolution parallèle, les formes dialectales « lûton » (la plus rare, signalée entre autres à Huy, Durbuy et Ellezelles) et « nûton » (la plus courante, signalée dans tout le pays de Namur) mènent au terme moderne nuton[12],[13].

Théories

Selon la théorie la plus répandue, le dieu Neptune est à l'origine étymologique du lutin.

D'après la théorie de Walther von Wartburg, encore largement acceptée, tous les noms communs anciens du lutin sont issus du dieu latin de la mer Neptunus, déchu de son ancienne fonction divine par la christianisation, et devenu un démon païen des eaux lui-même à l'origine des petites créatures aquatiques maléfiques nommées « neptuni »[14],[10]. Cette perception est peut-être issue du Judaïsme à l'origine[15]. Un sermon en latin tardif d'Éloi de Noyon, au VIIe siècle, cite Neptunus parmi les démons auxquels il est interdit de rendre un culte, attestant de sa persistance dans les croyances ou les superstitions[16],[17]. Cette étymologie est jugée « indiscutable » par de nombreux philologues[18], d'autant qu'elle explique le lien fréquent entre le lutin, le monde marin, et les chevaux, deux des attributs du dieu Neptune[19].

Citant les traditions médiévales qui comparent le netun/luiton au saumon ou à un pêcheur, Claude Sterckx[20] et Jean Markale[21] voient le dieu celte des eaux Nudd (ou Nuada, Noddens, Nutt) à l'origine de cette étymologie, ajoutant que Neptunus n'est qu'une interpretatio romana. Claude Lecouteux, qui un temps a défendu la première théorie en disant que le lutin connaît une trop vaste diffusion pour être une simple « importation celtique »[22], s'est plus tard appuyé sur la thèse d'Anne Martineau, qui juge la théorie étymologique celte plus probable[Note 2], pour suggérer que les mots Neptunus et luiton avaient une origine et un sens différents avant de se rejoindre dans le mot « lutin ». Le premier serait un génie domestique, le second un démon aquatique issu de Nuada ou d'un autre dieu pan-indo-européen. Ceci expliquerait la coexistence des deux termes au XIIIe siècle, et le fait que les lutins du cycle arthurien aient peu de rapports avec l'eau, alors qu'on observe l'inverse dans la littérature épique et les autres romans[1].

Pierre Dubois cite bon nombre d'anciennes théories linguistiques, liées au mot « nuit »[23], à l'anglais « little » qui signifie « petit »[Note 3], au hutin qui désigne un querelleur[Note 4], voire à l'utinet, un marteau de tonnelier. Collin de Plancy voyait en son temps le mot « lutte » à l'origine du lutin[24] et Pierre Dubois ajoute, non sans humour, que selon Petrus Barbygère[Note 5], les lutins sont les descendants du petit roi bretteur Lutt[25].

Terminologie et champ sémantique

Nains, gnomes et lutins, très proches dans leur descriptions et leurs rôles, sont fréquemment confondus.

Claude Lecouteux regrette l'absence d'une définition du champ sémantique des lutins, ce qui provoque de très nombreuses idées fausses à leur sujet, et une perte dans la compréhension des traditions et des mythes qui leur sont liés. Dans la famille des lutins et des nains peuvent être regroupés un très grand nombre de petits êtres, issus de différentes traditions dans différentes régions du monde, tels que les farfadets, servans, sottais, kobolds, nutons, matagots, gripets, korrigans ou nisses[26]. Le lutin joue un rôle similaire aux « esprits du foyer » des pays anglo-saxons, la traduction du mot en anglais peut d'ailleurs donner brownie, elfe, fée, gnome, gobelin, hobgoblin, leprechaun, pixie, ou encore Puck[27]... Depuis le Moyen Âge, les lutins sont également nommés des « follets », soit « petits fous », en raison de leurs sautes d'humeur[28]. Ils sont perçus comme des êtres masculins, sous des noms qui peuvent varier en « lubins », « lupins », « letiens », « luitons », « luprons » et « ludions »[29], mais des « lutines » et « lupronnes » sont signalées[30]. Ils sont à l'origine du verbe « lutiner », qui signifie « taquiner » et « tourmenter » dans le vocabulaire galant[29], et en Wallonie, donnent naissance à l'expression populaire « être pris du lûton », soit « être ensorcelé »[22]. Le dictionnaire de Furetière signale enfin d'anciennes expressions désormais inusitées : un enfant « acariâtre et méchant » était nommé « petit lutin », et un « vieillard scélérat », « vieux lutin », à la fin du XVIIe siècle[31].

Origine et transformations linguistiques

Extrait de La Grande Encyclopédie des lutins
par Pierre Dubois

Les lutins [...] lutinent, taquinent, turlupinent, encoquinent, se faufilent, intriguent, se métamorphosent, grouillent, pincent, s'esclaffent, enfourchent et chevauchent des espèces voisines; s'éparpillent sous différentes identités, émigrent, prolifèrent, disparaissent dans un trou... et réapparaissent par un autre en cent dissemblables exemplaires[29].

Le satyre (ici, une sculpture exposée au musée archéologique d'Athènes), pourrait être en partie à l'origine des lutins.

L'origine des lutins est intimement liée à la croyance envers les génies de la maison[32], situés dans « l’espace intermédiaire entre la civilisation des hommes, l’élément sauvage et le monde surnaturel ». Dans les contes populaires « qu'on les nomme lutins, nains, korrigans, génies, trolls ou encore gnomes, ils appartiennent à la vaste catégorie des divinités de la Nature dont ils incarnent l’âme »[33]. Les lutins sont influencés par le christianisme, et par un amalgame avec les croyances liées aux revenants.

Christianisation des petits dieux païens

Les anciennes croyances celtiques, gallo-romaines et latines comptent un abondant panthéon de « grandes » divinités, telles Zeus, Lug ou encore Neptune, et de « petites » divinités, qui gèrent les rapports entre l'homme, son foyer, les forces surnaturelles et la nature. Claude Lecouteux cite notamment le dusius gallo-romain, « dieu du lucus devenu un génie tutélaire »[Note 6],[34], le dieu des forêts Sylvanus (et ses sylvains), les satyres (dont le côté lubrique se retrouve dans certaines créatures du petit peuple[35]). Pierre Dubois et d'autres spécialistes ajoutent leur équivalent romain les faunes, Faunus, Pan, les Pénates, les Lares, ou encore les genii catabuli, « génies de l'écurie »[29],[36]. Dans les foyers romains, par exemple, il est d'usage de se référer au Lare, le « dieu de la maison », en toute occasion[37].

L'évangélisation progressive des populations provoque de grands bouleversements dans le panthéon, les autorités chrétiennes interdisant d'abord le culte des « grandes » divinités païennes, tandis que des églises et des chapelles sont bâties sur l'emplacement des temples païens. Mais les « petits dieux » du foyer, proches des préoccupations quotidiennes du peuple (avoir des récoltes abondantes, des animaux en bonne santé, une maison bien tenue, etc.), ne s'effacent pas totalement dans les campagnes en raison de l'attachement profond des paysans envers eux. Les cultes deviennent clandestins, secrets, les noms se transforment, les caractéristiques des petites divinités sont transférées dans d'autres créatures issues de Neptune ou du dieu celte Nudd, qui sont les ancêtres des lutins[36].

Pour Anne Martineau, « Nudd ou Neptunus qu'il soit, finalement, qu'importe : les deux étymologies s'accordent sur le fait que le lutin est une ancienne créature des eaux »[38]. Claude Sterckx ajoute qu'« ils sont vraisemblablement tombés bien bas par rapport à ce que devait être leur prototype pré-chrétien »[39].

Croyances mortuaires

Montesquieu, 1734

Ce n'est qu'aux lutins de luicter les morts[40].

Claude Lecouteux défend depuis de nombreuses années une thèse selon laquelle une partie des caractéristiques des lutins et des nains sont issues de croyances relatives à la mort, aux revenants[41] et au double[42], ce qui explique qu'ils soient peu bavards, qu'ils détestent être vus et que leur habitat soit souvent localisé sous terre[43]. Le royaume des lutins et des nains, si souvent évoqué, serait donc celui des morts[44]. Un indice se trouve dans cette croyance du Finistère, collectée par Paul Sébillot, selon laquelle « quelques-uns des lutins sont d'anciens valets de ferme qui, ayant négligé les chevaux qui leur étaient confiés, sont condamnés à venir les soigner après leur mort »[45],[46]. Le lutin serait alors perçu comme un « génie domestique qui tente d'obtenir le salut par son travail acharné »[47]. Or, dans toutes les croyances, les ancêtres morts qui se manifestent à leur famille et leurs connaissances peuvent se montrer dangereux[48]. Un autre indice est la présence du « crieur », en allemand « schrat », dont « le folklore français a conservé le souvenir de personnages, tour à tour esprits, nains, lutins et revenants, dont la principale caractéristique est d'émettre des cris ou de produire des bruits » pour attirer les vivants dans des pièges[41].

Cet amalgame avec les croyances mortuaires pourrait être dû au christianisme et à l'interdiction du culte des dieux païens : il est plus simple à un lutin de petite taille clandestinement vénéré de se cacher dans quelque lieu souterrain. Les croyances populaires liées aux petits dieux joyeux et protecteurs auraient donc intégré des croyances mortuaires (donnant la petite taille et l'habitat des lutins), et d'autres issues des dieux chtoniens déchus Nudd et Neptune (donnant leur rapport premier avec l'eau). Outre la taille des lutins, leur physique « difforme », un archétype propre aux êtres chtoniens, serait issu de ces croyances mortuaires[49]. Une autre possibilité serait que les ancêtres des lutins aient initialement été de petites créatures chtoniennes, maîtres du royaume des morts, mais qu'en raison de la place prise par le Christ, cette origine ne transparaisse plus que dans quelques indices[50].

Le lutin est influencé par Hennequin, personnage mortuaire inquiétant de la chasse fantastique, en ce qui concerne son capuchon pointu[Note 7]. L'importance du chapeau des lutins est toujours visible dans des fêtes populaires comme le carnaval de Malmedy, et son sotê chapeauté[51].

Confusions linguistiques et syncrétisme

Le nain (ici, une sculpture à Wrocław en Pologne), très proche du lutin, est à l'origine propre au monde germanique.

Le « nain » est, à l'origine, spécifique au monde germanique, tandis que le « lutin » appartient davantage au monde roman[38], et l'ancien français entretient la distinction entre « nuiton » et « nain »[52]. Mais les auteurs des textes médiévaux doivent rendre un vocable intelligible à la majeure partie de leur lectorat, raison pour laquelle le « zwerc », nain allemand, est rendu en français par « lutin »[53], et inversement le lutin français devient un zwerc en allemand. Dès le Xe siècle, la distinction faite entre les lutins, les nains, les elfes et les gnomes s'estompe en France[54], au fil du temps les termes deviennent des synonymes[55].

Les gloses des textes latins du Xe siècle « attestent la fusion de créatures différentes ». Claude Lecouteux remarque que sous le terme de vieux haut-allemand scrat, correspondant au nain crieur, sont assimilées des créatures que d'autres textes peuvent associer au lutin, telles que Faunus, Sylvanus, et les satyres. Cette confusion de vocabulaire perdure pour de très nombreuses raisons, en premier lieu l'évolution des croyances colportées par l'oralité, certaines créatures disparaissant et léguant leurs caractéristiques à d'autres. Les noms se mélangent fortement : un exemple en est la mandragore qui, de plante, devient la bête mandrigoule de la Drôme, le chat matagot, puis un nain ou un lutin[Note 8]. Pour ne rien arranger, une créature d'un même nom peut être perçue différemment en fonction de l'époque, la littérature populaire entretenant cette confusion[56], et traduisant un important syncrétisme[57]. Il existe toutefois une tendance à rendre les termes en français par « nain » ou par « gnome » pour le petit peuple « s'il est en relation avec les profondeurs de la terre et ses richesses, et par « lutin » s'il habite une maison ou ses alentours »[58].

Vers 1135, Hugues de Saint-Calais, évêque du Mans, désigne par le nom de Faunus ce qui est vu plus tard comme un lutin tapageur[59], tandis que Marie de France traduit le nanus monticulus, soit « nain des montagnes », en « follet »[60]. Le regroupement entre lutins et nains est particulièrement visible depuis le XIXe siècle et la diffusion des contes populaires[52]. En 1891, l'Allemand Karl Grün écrit que les lutins se rapprochent des elfes et des lémures, mais aussi des kobolds et des lares, et que dans ce dernier cas, ils prennent le nom de « follets » ou de « farfadets ». Ce commentaire amuse beaucoup Pierre Dubois, constatant les difficultés qu'ont toujours rencontrées les spécialistes pour établir une « classification » des lutins[61].

Description

Des tomtes, équivalent scandinave du lutin, vus par John Bauer en 1909.

Des différences existent entre les lutins présentés dans les romans, souvent stéréotypés, et ceux des croyances populaires, beaucoup plus diversifiés[62]. La grande majorité des témoignages à leur sujet proviennent de Bretagne[63]. Bien qu'ils soient facilement confondus avec les nains, les lutins s'en distinguent par quelques particularités[64]. Leur espièglerie, leurs taquineries et leur rire sonore sont bien connus[65], tout comme leur susceptibilité[66]. Ils passent le plus clair de leur temps à s'amuser et courir derrière les filles[67]. Collin de Plancy cite à ce propos un proverbe populaire à son époque :

« Où sont fillettes et bon vin,
C'est là que hante le lutin. »

— Collin de Plancy, Dictionnaire infernal[68].

Mais les lutins se montrent à l'occasion travailleurs et guerriers[67]. Certains récits mentionnent leur force extraordinaire, tel ce fabliau allemand du XIIIe siècle, cité par Pierre Dubois, dans lequel un schretel combat un ours[69]. D'autres textes les attachent à des paladins en aventure, et en font de redoutables bretteurs malgré leur taille réduite[70].

Il est délicat de saisir les caractères du lutin en raison du très grand nombre de rôles qu'il peut jouer : lié tantôt à la forêt, à l'eau, à l'air, aux dunes ou aux prés, protecteur du foyer, des enfants et des animaux puis démon nocturne, bandit voleur ou lubrique insatiable, il a survécu à travers les contes et récits du folklore populaire, transmis par la tradition orale des siècles durant[29]. Il est généralement nocturne, « le monde lui appartient depuis onze heures jusqu'à deux heures après minuit », et il se défend férocement contre les ivrognes qui l'insultent[71]. Enfin, dans les récits, le lutin meurt parfois d'accident ou de chagrin, et n'est pas « tout à fait immortel »[72].

Claude Lecouteux a mis au jour une étroite association entre les croyances mortuaires, le petit peuple, l'eau et les chevaux[73]. Il rapporte aussi la distinction « commode bien que peu pertinente » faite par plusieurs chercheurs entre les « lutins terrestres », et les « lutins des eaux »[64].

Apparence et habits

Apparence classique du lutin : petite taille, poulaines et bonnet pointu.

À l'origine, les lutins n'ont pas de taille caractérisée[52]. Leur première description est celle de l'Anglais Gervais de Tilbury, vers 1210, lequel affirme que les nuitons ont l'aspect de vieillards et la face ridée, sont vêtus de haillons cousus ensembles, et mesurent un demi-pouce, soit moins de deux centimètres[74]. Les lutins, tout comme les nains, sont presque toujours perçus comme « vieux et petits », mais pas toujours autant que ceux de Tilbury. Si les récits médiévaux ne précisent pas qu'ils sont barbus, des témoignages du XIXe siècle, wallons en particulier, insistent là-dessus[66]. Pierre Dubois dit que « rien n'est plus compliqué que décrire un lutin », mais évoque une taille « d'un demi-pouce à trente centimètres », la présence de cheveux touffus et d'une barbe « qui pousse à l'âge de 300 ans », d'habits en haillons verts et bruns, de poulaines, et d'un bonnet pointu rouge ou vert sur la tête[29].

Les habits du lutin ont une importance particulière, bon nombre d'histoires rapportent qu'ils sont vêtus de haillons et que leur offrir des vêtements neufs provoque leur départ[75]. Claude Lecouteux en cite une à Ibourg au XIXe siècle. Des lutins s'occupent du cheval gris d'un paysan, un valet les surprend et révèle leur présence au propriétaire de l'animal. Celui-ci, pour les remercier, leur offre des habits, mais les lutins ne reparaissent plus jamais[76]. Des récits similaires concernent les Brownies d’Irlande et d’Écosse. Un Brownie des Highlands bat le grain pour des fermiers jusqu'au jour où, croyant ainsi le remercier, ces derniers lui offrent un bonnet et une robe. Il s'enfuit avec, ajoutant qu'ils sont « bien bêtes » de lui avoir donné avant qu'il n'achève sa tâche[77],[Note 9]. Cette particularité est probablement issue d'une très ancienne tradition orale, puisque les mêmes thèmes se retrouvent chez le petit peuple de la légende arthurienne[78].

Citant le départ du lutin de la chronique de Zimmern (1566), Claude Lecouteux suppose que la couleur du bonnet offert, le rouge, contraint le lutin à partir. Il existe aussi une histoire où le pooka révèle que les habits qui lui sont offerts représentent le salaire qui met un terme à sa pénitence[79].

Portrait psychologique

Plusieurs créatures du petit peuple, dont des lutins, sont visibles sur Fairy Feller's Master-Stroke, une huile sur toile de Richard Dadd réalisée entre 1855 et 1864, conservée à la Tate Gallery de Londres.

Les lutins sont très inconstants, d'où le nom des follets (petits fous) et des sotês et massotês (petits sots)[28] : ils peuvent rendre de multiples services un jour et commettre les pires bêtises le lendemain[71]. Leur asocialité est connue depuis le Moyen Âge puisque Marie de France parle d'un folet capturé par un paysan, et prêt à lui donner tout ce qu'il voudra « s'il ne le montre pas aux gens ». La plupart sont furieux lorsque des humains les voient, la pire des situations étant qu'une personne leur adresse la parole, et exige d'eux une réponse. Paul Sébillot et Henri Dontenville les disent « peu loquaces », Sébillot ajoutant même qu'un lutin des dunes bretonnes viendrait défier en duel quiconque l’appelle. Les nutons ardennais prennent peu la parole, et toujours pour livrer des messages désagréables, à tel point que « nuton » est devenu un synonyme de « misanthrope » et « taciturne »[80]. En Picardie, deux follets, les fioles, jettent à l'eau les personnes qu'ils entendent siffler[81].

Capacités

Tous les récits de lutins leur prêtent des capacités magiques, comme celle de prédire l’avenir et de lancer des sorts[64],[72]. Leurs sortilèges sont particulièrement craints dans les Ardennes. Un récit bien connu parle d'un paysan wallon fauchant son blé pour le rentrer avant l'orage, lorsqu'il voit le nuton de son foyer l'aider en portant un épi à la fois. Énervé par ce qu'il juge comme une aide inutile, il s'en moque. Le nuton sort de son mutisme et lui lance cette malédiction :

« Paume à paume (Épi par épi), je t'ai enrichi, paume à paume je te ruinerai ! »

— Collecté par Jérôme Pimpurniaux[82],[Note 10]

Le lien du lutin avec la nature se traduit par sa capacité à rendre une terre fertile ou stérile. Ici, un champ de blé en Seine-et-Marne.

La variante « Épi par épi, je t'ai enrichi, gerbe par gerbe je te ruinerai » est citée par Albert Doppagne[83] et surtout Pierre Dubois, qui en a fait le symbole du lien du petit peuple avec la Nature, et de l'importance à le respecter, ajoutant que rien n'est jamais acquis ou définitif avec eux[84]. Dans la suite du récit en effet, le paysan wallon perd toutes ses possessions et finit ruiné[85]. Une histoire très semblable met en scène un donanadl, lutin tyrolien qui, assis entre les cornes de la plus belle vache de la Grünalm (« la toute verte », vallée des Alpes tyroliennes), voit le propriétaire du troupeau tenter de l’assommer. Il le maudit en disant « La Grünalm sera dépourvue d'eau et d'herbe, et d'eau encore plus ! ». Peu après, les sources se tarissent et l'herbe ne repousse plus[86].

Les lutins peuvent aussi se rendre invisibles[64], le plus souvent grâce à un objet tel qu'un bonnet ou une cape. Ils utilisent leurs pouvoirs au bénéfice des gens vertueux, comme dans ce conte picard d'Acheux collecté par Henry Carnoy, où un bossu aide une bande de lutins à connaître le dernier jour de la semaine, lesquels lui ôtent sa bosse pour le remercier. Un autre bossu ayant appris l'affaire croise une autre bande de lutins et mélange les jours : ils le punissent en l'affublant d'une deuxième bosse[87]. Un récit flamand parle de lutins établis dans une ferme à Linden, qui bâtissent une tour sur une église en un mois contre un peu de nourriture[88]. Enfin, s'ils sont réputés agités et courent souvent dans tous les sens selon les croyances, les lutins peuvent aussi se déplacer sur une grande distance bien plus rapidement que les humains[89].

Métamorphose

La capacité à se métamorphoser et à changer de taille est l'une des particularités les plus typiques des lutins dans les récits à leur sujet. Elle se retrouve aussi chez les nains des traditions populaires, en étroite relation avec la croyance médiévale du double[60]. Leur portrait psychologique (taciturnes, détestant être vus...) explique que la plupart du temps, ils semblent de petite taille[90]. Cependant, il est probable qu'à des époques plus lointaines, en cas de menace, les lutins peuvent grandir instantanément et flanquer une correction à leur agresseur. Les auteurs de textes médiévaux auraient dédoublé le lutin originel du folklore en un « nain petit et faible », toujours vu en premier, et son « protecteur »[91]. Un exemple en est la chanson Dieudonné de Hongrie[92].

Les lutins prennent aussi l'apparence d'animaux[64], voire se changent en objets[72]. Leurs métamorphoses animales sont variées, incluant surtout le cheval et la grenouille (le Teul ar Pouliez breton dans sa mare étant un exemple), puis le chat et le serpent. Des traces de génies de la maison adorés sous forme de serpent sont présentes depuis des époques très reculées en Europe, l'animal partageant un trait commun avec le lutin, qui est sa réputation d'aimer le lait[93]. Le lutin a également la capacité de changer autrui en animaux, particulièrement en équidés : au XIXe siècle, un sotrê de Lorraine aurait métamorphosé un fermier en âne[94]. Un certain nombre de textes, dont Les Évangiles des quenouilles, lient le feu follet au lutin (luiton) en disant que ce dernier apparaît parfois sous la forme d'une petite lumière[95].

Changelings

Tout comme les fées, certains lutins enlèvent, dit-on, des bébés humains au berceau et les remplacent par l'un des leurs, le changeling. Ce dernier a parfois l'apparence d'un bébé lutin, d'autre fois celle d'un très vieux lutin[96]. Pour se protéger des enlèvements, plusieurs méthodes sont citées, l'une d'elles étant de coiffer l'enfant d'un bonnet rouge, qui traditionnellement était réservé aux bébés morts-nés. Le lutin, croyant l'enfant déjà mort, est censé ne pas l'importuner. Un récit lorrain parle d'une mère qui s'empare du bonnet rouge d'un sotrê retrouvé au pied du berceau de son enfant disparu, et s'en sert de monnaie d'échange[97]. Un récit daté de 1885, dans le Morbihan, parle d'une servante fée qui guide une bande de lutins volant les biens et les enfants des habitants. Une mère, se doutant que son enfant a été remplacé, pose douze œufs en rond sur la pierre de son foyer, et voit le changeling rire puis dire « J'ai bientôt cent ans, oncques n'ai vu tant de pots blancs »[98].

Liens avec le foyer

Illustration anonyme (1915) du conte de Grimm Les lutins (Die Wichtelmänner).
Un nisse, lutin du folklore scandinave, sur une illustration du conte de Hans Christian Andersen Le Nixe chez l'épicier, par Vilhelm Pedersen.

Les petits nains[Note 11] de la montagne
Verdurenette, Verduret
La nuit font toute la besogne
Pendant que dorment les bergers

— Comptine collectée par Émile Jaques-Dalcroze, Chansons populaires romandes : Chanson à la lune (1904), La ronde des petits nains[99]

Selon la croyance, le « lutin du foyer » vit à l'origine dans la nature (des habitats souterrains sous les collines, dans les bois ou entre les racines de grands arbres[100]), et choisit de s'établir dans une habitation humaine (en général une ferme) pour se mettre au service de ses habitants[101], causant parfois des troubles, et jouant la nuit dans la cheminée[102]. Ils sont nommés « lutins domestiques », ou « follets qui font office de valets », selon Jean de la Fontaine. Le nom du servan alpin, daté du XIXe siècle, provient de cette fonction[101].

Tâches accomplies par les lutins

Les « lutins du foyer » s'occupent d'une foule de travaux, en particulier pour les chevaux dont ils prennent grand soin[101], mais aussi pour les bovins. Les sotrés vosgiens soignent le bétail, changent sa litière et donnent aux vaches un fourrage appétissant ; le follet de Suisse romande dérobe aux autres des brins d'herbe fraîche pour les donner à sa vache favorite, et en Basse-Bretagne, Teuz-ar-pouliet, l'espiègle de la mare, baratte aussi le lait[103]. Les lutins surveillent, protègent et tiennent propre la maison dont les habitants lui témoignent un grand respect, font la cuisine, consolent les enfants tristes, en résumé, ils s'occupent de toutes les tâches domestiques du foyer avec une extrême efficacité, bien plus grande que les hommes. Ils peuvent s'y mettre à plusieurs, ne sortent et se montrent que la nuit, et ne dorment jamais, d'où le proverbe français « Il ne dort non plus qu'un lutin »[64],[101]. Ils fréquenteraient les caves et les greniers, le dessous des lits et les armoires[100], et fuiraient tout contact avec les objets en fer[104]. Les textes rapportent qu'ils se nourrissent de grenouilles rôties[105], mais aussi qu'ils réclament uniquement de la nourriture en échange de leurs services. La plupart du temps, il s'agit de lait (parfois caillé) ou de bouillies à base de lait. L'amour immodéré du lait est d'ailleurs le seul détail alimentaire permettant de reconnaître à coup sûr un lutin[93].

Illustration de Walter Crane pour le conte Les lutins, publiée dans Household Stories by the Brothers Grimm par Macmillan and Company en 1886.

Moyens de les chasser

Un tomte s'occupant des écuries, sur une gravure de Carta Marina en 1539, publiée dans Historia de gentibus septentrionalibus par Olaus Magnus en 1555.

Cette relation avec les habitants du foyer n'est jamais un acquis. Très susceptible, le lutin est attentif à la moindre marque d'irrespect et se retourne en un instant contre les personnes qu'il servait. Il peut aussi se défendre férocement : un récit de Plouaret rapporte qu'un charretier ivre défie un soir le lutin de l'écurie, estimant qu'il lui fait une concurrence déloyale. L'homme est retrouvé au matin « complètement brisé », ayant le rire terrible du petit être résonnant en lui, tremblant de tous ses membres[106]. Enfin, le lutin est l'une des causes potentielles du cauchemar[107],[108].

Ces raisons expliquent que les gens désirent parfois chasser les lutins de leur foyer[107], plusieurs méthodes étant citées aux côtés de l'habituelle utilisation d'objets (eau bénite) et de prières chrétiennes. L'une des plus classiques consiste à placer un récipient rempli de fines graines (il s'agit de millet, de pois ou de cendres en Auvergne, selon Paul Sébillot[109]) sur le chemin du lutin : s'il le renverse, il est forcé de tout remettre en place avant l'aube et le chant du coq, et ne revient plus jamais[110]. Une autre, connue pour se débarrasser de ceux qui « lutinent » les filles depuis le XVe siècle, est de parvenir à les dégoûter. Les Évangiles des quenouilles parlent de porter du pain sur soi, « et quant volenté te prent de pissier, fay ton aise, et toudis mengue de ton pain »[111]. Le folklore belge conseille de s'accroupir sur du fumier en position de défécation, et de manger une tartine dans cette position. Le lutin pousse alors une exclamation de dégoût comme « Ah ! Ti cakes èt magnes » (« Ah ! Tu défèques en mangeant »), et s'enfuit pour toujours[112]. La plupart des lutins sont connus pour leur réaction d'horreur face à ce qui évoque les besoins naturels, c'est pourquoi, dans le Limbourg, on les prévenait avant d'épandre le fumier[113]. En Italie, un moyen de faire fuir le « Linchetto » trop entreprenant est de manger du fromage assise sur les toilettes, en disant « Merde au Linchetto : je mange mon pain et mon fromage et lui chie à la figure »[114]. Une histoire belge parle d'une jeune fille harcelée par un lûton, dont les parents posent des coquilles d’œuf en rond emplies de brindilles. En les voyant, le lûton dit « J'ai vu Bastogne haut boir, Frèyir plein champ, mais jamais je n'ai vu tant de pots mélangeants », et part à jamais[115].

Le sôté et d'autres lutins du foyer peuvent se venger de tentatives ratées pour les chasser en ruinant toute la maisonnée[112]. Dans un conte près de Saint-Philbert-du-Pont-Charrault, une femme se débarrasse de fadets qui venaient près de son âtre en chauffant le trépied sur lequel ils se posent. Plus tard, la fée Mélusine remplace l'un des enfants de la femme par un changeling en son absence, pour les venger[116].

Les paysans ont toujours cherché à capturer des lutins. Une méthode quebécoise consiste à répandre de la farine fine au sol, et à suivre les traces qu'ils ont laissées jusqu'à l'endroit où ils se cachent dans la journée[110].

Liens avec l'eau

La Meuse à hauteur de Warcq, territoire des Pie-Pie-Van-Van selon la légende.

Le lutin aquatique remonte au XIIIe siècle, apparaissant dans Huon de Bordeaux, la Chanson de Gaufrey et la Geste de Garin de Monglane[117]. Malabron est un bon représentant, tout comme le Klabautermann des pays germaniques[65]. Sans doutes parce qu'ils sont « les plus primitifs », ce sont aussi les plus négatifs dans les récits à leur sujet, en particulier à l'époque médiévale. Leur apparence est peu détaillée, et ils sont réputés pour leur anthropophagie[118]. Si les nains de la légende arthurienne sont quasiment sans rapport avec l'eau, d'autres monstres plus ou moins liés aux lutins y sont présents. Le Chapalu, félin aquatique ennemi du roi Arthur, est décrit comme le « roi des lûtons »[119] et Christine Ferlampin-Acher lie le chat noir du lac de Lausanne, mentionné dans la Vulgate Merlin comme une bête aquatique capable de changer de taille jusqu'à devenir un « diable gigantesque », à un avatar du lutin issu des légendes celtiques[120].

Les tours favoris des lutins, en dehors du foyer, sont presque toujours en rapport avec les équidés et l'eau : si le houzier des Ardennes et le poulain Fersé de Haute-Bretagne attirent les hommes dans l'eau pour leur jouer des tours sans gravité[121], les Pie-Pie-Van-Van de la Meuse, et d'autres, cherchent à les noyer[106]. Paul Sébillot cite quelques lutins aquatiques positifs, tel le petit bonhomme rouge des côtes dieppoises, qui garde les filets des pêcheurs[122].

Liens avec les chevaux

Dessin de John Bauer (1882-1918) représentant un lutin à cheval.

Plusieurs chercheurs ont remarqué des liens très étroits entre lutins et chevaux, « si étroits que, dans les chansons de geste médiévales comme dans le plus moderne folklore, lorsque le lutin prend forme animale, il adopte presque toujours celle-là »[123]. La raison semble liée, en plus du lien à l'élément liquide et au dieu Neptune déjà évoqué, au fait que le cheval, animal familier des hommes, est aussi le plus approprié pour se rendre dans les univers féeriques et pour jouer les « tours » caractéristiques du lutin, tels que jeter un cavalier dans une mare de boue, une rivière ou une fontaine. Dans la littérature médiévale, Malabron et Zéphyr se changent fréquemment en chevaux[123],[124]. Le « nain » Frocin[Note 12], qui affuble le roi Marc'h d'oreilles de cheval dans la version de la légende fournie par Béroul au XIIe siècle, est vraisemblablement issu du lutin folklorique[125]. Le roman de Thèbes et d'autres textes évoquent aussi la paternité d'un fabuleux poulain noir pour le netun, noitun ou luiton[126], ce dernier étant bien connu à l'époque pour s'occuper des écuries[127]. Guillaume d'Auvergne affirme au XIIIe siècle qu'au matin, les crins des chevaux sont retrouvés tressés, et couverts de petites gouttes de cire. François Le Poulchre ajoute en 1587 qu'un cheval rentré souillé à l'étable peut être retrouvé « estrillé et net le lendemain, sans que de créature il eust été touché pour en oster l'ordure »[128]. Paul Sébillot fournit de nombreux témoignages : en Normandie, le lutin mène les chevaux boire, dans la Beauce et en Franche-Comté, il les étrille, les soigne, et les nourrit, ce qui en en Haute-Bretagne les fait hennir au moment où le Maît' Jean apporte leur nourriture. Le fouletot franc-comtois vole le foin pour le donner à sa bête préférée, si le maître n'en a pas dans son fenil. En Normandie, le lutin vole les plus beaux épis d'avoine pour ses favoris[103], il en est de même en Acadie, où il prend le grain des chevaux gras pour le donner à ceux des plus pauvres paysans[129].

« Nœud de fée » dans la crinière d'un cheval pie-alezan tovero, pâture ulmeusienne, en Picardie. Jadis, cette particularité était souvent considérée comme la preuve qu'un lutin a chevauché l'animal durant la nuit.

L'elficologue Pierre Dubois cite de nombreux témoignages de lutins visitant les écuries durant la nuit, et laissant pour traces de leur passage des torsades dans les crinières, qu'ils utilisent afin de se confectionner des étriers (les fameux « nœuds de fées »), et galoper toute la nuit[67]. Paul Sébillot en relève dans la Manche en 1830, cette croyance est très ancrée dans le Nord de la France, particulièrement la Bretagne et la Normandie[130]. Preuve du forfait des lutins, le propriétaire retrouve son animal couvert de sueur au matin[131]. Les chevaux aux « nœuds de fées » sont prisés sur les marchés bretons, et les juments réputées pour devenir de bonnes poulinières[131]. La tradition rapporte qu'il ne faut surtout pas démêler les crinières de ces juments : dans le Berry, cela les fait avorter[67],[131], en Franche-Comté cela provoque une mort dans l'année[132], et en Acadie, les lutins se vengent en maltraitant les chevaux[133]. Des témoignages de crinières emmêlées sont recueillis par les paysans de Haute-Bretagne[123] et du Québec[134] jusqu'au début du XXe siècle.

Maint’nant, au travail ! Comme un fou
Vers les ch’vaux le voilà qui file,
À tous leur nouant à la file
Les poils de la tête et du cou.

Dans ces crins tordus et vrillés
Va comme un éclair sa main grêle,
Dans chaqu’ crinière qu’il emmêle
Il se façonn’ des étriers.

Puis, tel que ceux du genre humain,
L’une après l’autre, i’ mont’ chaqu’ bête,
À ch’val sur l’cou — tout près d’la tête,
En t’nant un’ oreill’ de chaqu’ main

— Maurice Rollinat, Paysages et paysans (1899), Le Lutin

Ces phénomènes ont été de tous temps attribués aux lutins ou à des créatures similaires, jusqu'à la découverte d'une explication scientifique, celle d'une plique polonaise, défaut d'entretien longtemps considéré comme une maladie[128],[131],[135].

La diabolisation du lutin conduit toutefois à une inversion progressive de son rôle envers les chevaux : dans le Berry, d'animal favori, le cheval devient sa victime, et « seuls l'âne et le bœuf échappent aux tourments des lutins, grâce à leur rôle dans la Nativité »[136]. Les deux croyances coexistent parfois, le sôtré étant capable d'agacer les chevaux ou de les soigner. Un objet déjà utilisé pour se protéger des changelings, tel qu'une pierre percée (contre le foulta de Suisse romande) ou une série de coquilles d’œufs (contre le chorriquet à Treffiagat), peut être déposé dans l'écurie pour en chasser les lutins[131]. En Ontario, des graines de lin sont mélangées à la ration des chevaux, pour forcer les lutins à trier[129]. Les traditions canadiennes parlent de créer une girouette à forme équine que le lutin vient ensuite chevaucher, ou de faire détresser les crinières par une femme enceinte. En Haute-Bretagne, des séances d'exorcisme sont menées, mais sont mal acceptées par les populations à en croire ce témoignage collecté par Paul Sébillot : « si on brûle les crins avec un cierge bénit, le lutin ne revient jamais, mais les bêtes sont, par suite de son départ, exposées à dépérir »[137].

Parallèlement « les silhouettes du lutin et du cheval tendent à se confondre et à se fondre en un seul personnage dont le rôle est d'égarer, d'effrayer et de précipiter dans quelque mare ou rivière ceux qui les montent »[138]. Paul Sébillot rapporte des croyances populaires quant à plusieurs lutins-chevaux jouant ce rôle, notamment le Bayard de Normandie, le Mourioche de Haute-Bretagne, Maître Jean, le Bugul-noz et la jument blanche de la Bruz[123]. Dans les îles anglo-saxonnes, Puck prend cette forme pour effrayer la population[139].

Créatures désignées comme « lutins »

Les laminak de la mythologie basque, parfois décrits comme des lutins, tiennent un rôle de bâtisseurs nocturnes dans certaines légendes.
King Olaf and the Little People, par Julia Goddard, 1871, publié dans Wonderful Stories from Northern Lands. Londres, Longmans, Green, and Co. Les petites créatures, semblables à la description des lutins, y sont nommées des elfes (elves en anglais).

Paul Sébillot parle des lutins comme d'une « grande tribu », et Anne Martineau en dénombre « 30 000 espèces » rien qu'en France[55]. En 1992, si Pierre Dubois dit que le mot « lutin » désigne communément (et à tort) l'ensemble du petit peuple en France[140], il insiste aussi sur le fait que les lutins forment « une race à part entière », à ne pas confondre, notamment, avec les nutons de Wallonie et des Ardennes françaises dont l'habitat et les légendes sont différents, ni les kobolds, les gobelins, les leprechauns et les gnomes, distincts de plus par l'étymologie[29]. La plupart des récits de lutins sont spécifiques à la France et se trouvent notamment en Bretagne, dans les Ardennes, dans les Alpes et en Picardie, mais quelques textes en évoquent dans le comté de Devon[Note 13], le Yorkshire, les Flandres, l'Allemagne et l'Italie[100]. Dans le Berry et selon George Sand, les lutins sont surtout nommés des follets[141]. Pierre Dubois inclut parmi les lutins proprement dits les chorriquets, bonâmes, penettes, gullets, boudigs et bon noz, dont le rôle est surtout de soigner les chevaux et le bétail, et y ajoute le Bona d'Auvergne, qui se déguise en joueur de cabrette[30]. Bien d'autres créatures sont qualifiées de « lutins », comme le fullettu de Corse, qui avec sa main d'étoupe et sa main de plomb, s'attaque aux gens couchés[142]. En Provence et en Languedoc, le gripet et le fantasti s'occupent du bétail et des écuries[143]. Les Pyrénées connaissent Truffandec, génie du foyer plutôt nocturne et diabolique[144], et le Pays basque les laminak[145].

L'Alsace a de nombreuses histoires de lutins, comme celle de Mikerlé dans la vallée de Guebwiller[146]. La Suisse utilise le nom de « follet ». Dans l'Allier, le « fol » joue de vilains tours, comme le farfadet du pays poitevin[147]. Le nom de « fadet » est attesté dans la Vienne, les Deux-Sèvres et le Poitou[148].

En Bretagne

Le korrigan, « lutin de Bretagne », renvoie étymologiquement au nain (korr)[149],[150].

La langue bretonne a un très grand nombre de mots pour le petit peuple, et dans cette « région infestée de lutins » où existent des milliers de témoignages, il est commun de les distinguer par leur habitat[55],[151]. Pierre Dubois attribue aux korikaneds les bois, aux korils, courils, corrics, kriores, kéréores et kannerez noz les landes, aux poulpiquets les vaux, aux teuz les prés, aux boléguéans les tumuli, aux hoseguéannets les cercles de pierres et aux boudics, boudiguets et bouffon noz les fermes[152]. La Bretagne connaît aussi des fadets et farfadets, duz, korrigs, komaudons, fomiquets, chorriquets... Au fil du temps, ces petites créatures jadis distinctes sont venues à être toutes désignées sous l'unique nom de « korrigan »[150].

Le petit peuple breton est « relativement sympathique » selon Paul Sébillot[153]. Il participe efficacement à toutes les tâches ménagères et domestiques, calme les enfants, prépare les repas, s'occupe des chevaux en échange de « bons égards », et ne joue des tours qu'à ceux qui lui manquent de respect[154],[155]. Anatole Le Braz ajoute que des surnoms respectueux tels que nantrou (« monsieur ») ou Moestre Yan (« maître Jean ») lui sont donnés[30].

Bon nombre de korrigans sont censés vivre sous les tumuli et dolmens bretons, comme à La Roche-aux-Fées.

Sur l'île d'Yeu, les fras habiteraient le dolmen des « Petits-Fradets » et sèmeraient des herbes qui font parler les bêtes à minuit, croyance commune à toute la Bretagne[156]. Collin de Plancy a rassemblé des témoignages concernant la disparition des boléguéans du tumulus de Saint-Nolff, où ils étaient autrefois des milliers :

« Cette désertion des boléguéans est un malheur pour la commune. Du temps qu'ils vivaient ici, qu'ils nous parlaient (car ils parlent le langage du peuple chez lequel ils habitent), qu'ils nous conseillaient, nous étions heureux, tout nous prospérait. Avions-nous perdu quelque chose, un couteau, une pièce de monnaie, un bouton, il nous suffisait de dire : Boléguéan, j'ai perdu tel objet ; et le lendemain, au lever du jour, on était sûr de trouver l'objet sur le seuil de sa porte. Nous manquait-il un bœuf pour traîner notre charrue, les boléguéans, toujours bons et obligeants, se faisaient un plaisir de nous en prêter un ; seulement il fallait demander en détail les parties principales de l'animal ; si l'on oubliait soit la tête, soit les pieds, soit la queue, ils nous le prêtaient sans tête, sans pieds ou sans queue. [...] »

Les lutins bretons auraient été admis dans les églises de Basse-Bretagne[153], mais ils restent capables de malice, forçant ceux qui les croisent durant la nuit à danser jusqu'à épuisement, par exemple. Enfin, ils échangent les enfants des humains avec leur changeling[157]. Un certain nombre d'entre eux sont aquatiques, tels les korandons de Bilfot, qui se promènent sur les falaises et ne parlent à personne[158]. Ian an Ôd (Jean du rivage), Pautre Penn-er-Lo, le Begul an Aod ou encore le Colle Pohr-En-Dro sont plus dangereux, puisqu'ils imitent des personnes qui se noient pour attirer des humains dans l'eau, ou mettent des gens en confiance avant de les pousser à se noyer[159].

En Wallonie et Champagne-Ardenne

Le nuton (ou lûton, nûton) des Ardennes franco-belges partage la même origine que le lutin, mais les grottes, cavernes et souterrains forment l'essentiel de son habitat selon le folklore local, à l’instar des nains du monde germanique[160]. Il était jadis d'usage de leur déposer des objets endommagés le soir, avec un peu de nourriture, et la tradition veut qu'ils soient retrouvés réparés au matin. Si les croyances populaires ont largement reculé, les expressions demeurent, en général pour désigner la misanthropie ou, à Warmifontaine, la gourmandise. Les coings de Comblain-au-Pont sont nommés « pommes de nutons ». Des tours et des « trous de nutons » sont toujours visibles dans les toponymes belges, tout comme les « étrons de nuton », des blocs de pyrite dans l'entre-Sambre-et-Meuse[114],[161].

À Celles, non loin de Dinant, on retrouve une pierre votive vouée à une divinité populaire du nom de « NVTTO » dont elle est la seule évocation connue[162]. Si sa dédicace demeure controversée, elle permet de risquer l’hypothèse que les nutons seraient en Ardenne belge liés à la mythologie populaire, et cela dès la période gallo-romaine[162]. Le pays de Malmédy a pour sa part gardé la trace de très anciennes toponymies avec son trô dès dûhons (trou des duhons), dont l'étymologie est issue des duses. Ces créatures sont comparables aux nutons[163],[164],[165], tout comme le sottai, nommé sotê dans le pays de Liège, massotê à Grand-Halleux[164],[165], et sotrê dans les Vosges[166], ou encore le felteu, attesté dans un récit du Bassigny[167].

D'autres lutins sont plus effrayants, notamment les Annequins, qui se manifestent sous la forme de feux-follets[168], et les Pie-Pie-Van-Van ardennais. Le croqueur d'os, toujours dans les Ardennes, est un nécrophage repoussant qui vivrait sous les cimetières[169].

En Franche-Comté, dans les Alpes et en Suisse

Le servan alpin et le donanadl tyrolien guideraient les troupeaux de bovins sur les chemins montagnards.

La croyance envers le servan (ou sarvan, sarvin, chervan en patois), est commune à toutes les Alpes, au Valais et au nord de l'Italie[170]. Ce lutin bénéfique, protecteur du foyer et surtout du bétail qu'il guide en montagne[171], se voit encore offrir des libations de lait par les pasteurs au XIXe siècle[172]. Les paysans lui donnent la première crème du matin pour se protéger de ses tours[170]. Dans le Tyrol, un esprit servant très proche, de petite taille, d'apparence âgée et vêtu de guenilles, le donanadl, est réputé vivre près d'Hochfilzen et rendre de multiples services similaires. Les paysans le remercient en lui offrant de la nourriture dans les chalets[173]. Le chablais connaît le chaufaton, un lutin domestique qui provoque les cauchemars[108]. Dans le Jura, en Bourgogne et en Suisse romande, les contes mettent en scène des ioutons[Note 14], fouletots et foultas[174],[175]. Le iouton est connu pour se mettre en colère si les hommes oublient son bol de lait, d'après un témoignage collecté aux Planches-en-Montagne en 1852[176]. Moins sympathique est le hutzêran du canton de Vaud, lutin hurleur qui fait tomber les branches et tourbillonner les feuilles[177].

En Amérique du Nord, dont le Québec

Au Québec, le lutin est associé au chat blanc.

La croyance envers les lutins a gagné l'Amérique du Nord avec les colons français, particulièrement la province de Québec, où ils prendraient la forme d'animaux (entre autres le chien et le lapin). Les chats blancs sont les plus réputés pour être des lutins, bien que tout animal vivant près des foyers humains puisse être considéré comme tel. Ils sont bons ou mauvais, leur est attribué le contrôle bénéfique de la météo et le rasage de la barbe du maître de maison avant qu'il ne s'éveille le dimanche, mais aussi, s'ils sont fâchés, son harcèlement à travers des tours tels que l'émoussage d'une faux et le remplissage des chaussures avec des cailloux. Ils détesteraient le sel, et éviteraient de le traverser s'ils en trouvent répandu au sol[178]. Les lutins acadiens, québécois et de Nouvelle-Angleterre partagent tous un lien avec les chevaux, mais une tradition importée d’Écosse ou d'Irlande est relevée à Kippens : celle de sortir avec du pain dans ses poches pour éviter leurs tours[179]. Le folklore américain propre à Detroit connaît le nain rouge (en français dans le texte), originaire de Normandie[180].

En Nouvelle-Calédonie

Les auteurs français qui étudient les traditions populaires de Nouvelle-Calédonie y mentionnent des lutins[181] notamment dans les croyances des kanaks, pour qui la forêt est sacrée[182].

Évolution des croyances

Les lutins sont connus à travers des contes et des récits populaires ou plus littéraires, mais ils font également l'objet de croyances quant à leur existence, depuis le Moyen Âge et à toutes les époques[55]. Une importante évolution se produit dans la vision de ces créatures : le Neptunus aquatique primitif est vu comme un dangereux démon, mais le génie du foyer, très serviable bien qu'inconstant et susceptible, est l'archétype du lutin. Il « figure au nombre des démons païens que le christianisme se doit d'extirper »[52], mais la croyance populaire perdure durant des siècles. De manière générale, les récits de lutins provoquent quatre types de réactions chez les personnes qui les connaissent : l'acceptation totale et le partage de la croyance, le refus pour des motifs rationnels mais l'acceptation pour des motifs émotionnels, la considération comme une source d'amusement destinée aux enfants, et enfin le rejet total, incluant la négation de toute connaissance des « anciennes traditions ». L'histoire des mutations culturelles inclut naturellement des phases de totale acceptation des croyances envers les lutins, et des phases de rejet[183].

Selon Claude Lecouteux, « Au Moyen Âge et à la Renaissance, la notion de génie domestique est bien vivante et on attribue donc aux follets et lutins la paternité des mauvais tours ; au XIXe siècle, les génies et lutins sont tombés dans le domaine de la légende et du conte, du moins en grande partie selon les régions ; on recourt donc à une autre explication, celle de la sorcellerie et du diable »[184].

Moyen Âge

L'une des premières attestations de croyance envers les lutins est le fait de Burchard de Worms, qui vers 1007 parle des Pilosus et des Satyrus, sortes de génies domestiques qui apparaissent dans les caves des maisons, auxquels il est d'usage d'offrir des chaussures ou des arcs de petite taille. Il est probable qu'il a cherché à les nommer en latin, alors qu'ils portent un autre nom en langue vernaculaire[185].

En 1210, Gervais de Tilbury écrit dans Les Divertissements pour un empereur un chapitre titré « Des faunes et des satyres » qui forme le premier témoignage détaillé concernant le petit peuple médiéval. Il y parle de follets nommés nuitons en français et portuns[Note 15] en anglais, confondus sous sa plume avec les faunes, satyres et incubes. Ces êtres habitent avec les paysans fortunés dans leur demeure, et ne craignent ni l'eau bénite ni les exorcismes, ce qui les dissocie du Diable[186]. Ils assistent « les gens simples des campagnes », et se chargent facilement et sans effort des travaux les plus rudes. Sans être nuisibles, il leur arrive de taquiner les habitants. Ils entrent dans les maisons la nuit dès que la porte est fermée, et se réunissent autour du feu pour manger des grenouilles grillées[187]. Ils ont toutefois la vilaine habitude de s'agripper aux cavaliers anglais chevauchant de nuit, pour conduire leur monture dans les marécages, avant de s'enfuir en riant[74]. L'insistance avec laquelle Gervais de Tilbury affirme que les nuitons sont généralement inoffensifs et ne craignent pas les objets religieux laisse à supposer que cette opinion ne devait pas être partagée à son époque[55]. Il ajoute que les démons prennent l'apparence des « lares », soit des « esprits des maisons »[32].

La religion chrétienne a une influence non négligeable sur la perception des lutins. L’Église, toutefois, ne parvient pas à éradiquer ces créatures issues de la mentalité païenne, malgré ses efforts, ni la croyance selon laquelle les défunts se transforment en « esprits » puis continuent à se manifester. L'au-delà est « le refuge marginal d'où surgissent aussi bien des enfants verts que des nains, des génies maléfiques ou bénéfiques »[188]. Claude Lecouteux rapporte un texte didactique du XVe siècle, selon lequel les gobelins, ou nuituns, seraient des Diables inoffensifs, créateurs d'illusions et de fantasmes, que Dieu laisse errer nuitamment[189]. Pierre Dubois évoque l'abandon d'un monastère dominicain en 1402, suite à la présence d'un lutin en colère qu'aucune prière ne pouvait faire fuir[100].

Temps modernes

Les croyances perdurent, puisqu'en 1586, Pierre Le Loyer parle des esprits follets ou lutins « qui font bruit et tintamarre dans les maisons particulières » en ajoutant que « ce n'est point une fable »[190]. Un an plus tard, François Le Poulchre établit une sorte de classification élémentaire des lutins, en disant que les créatures liées au feu sont colériques et causent des misères aux hommes, tout comme celles de la terre et de l'eau. Seules celles de l'air sont d'après lui fréquentables[Note 16] « et prennent soin des biens » : il s'agit des génies domestiques[191]. À la même époque, en Allemagne, le Hinzelmann, décrit comme un kobold mais possédant de nombreux traits du lutin français, est réputé faire grand tapage au château de Hudemühlen[192].

Plusieurs chroniques parlent d'un bail résilié au parlement de Bordeaux en 1595 à cause de lutins[193], une affaire similaire est évoquée en 1599 (à moins qu'il s'agisse de la même), mais le locataire est finalement débouté au motif qu'il existe une foule de moyens pour se débarrasser du petit peuple, et qu'il lui suffit de les employer[194]. Pierre Dubois ajoute qu'une des voisines dit s'être retrouvée enceinte d'un lutin à la suite de l'affaire[100].

En 1615, un « lutin tapageur » se manifeste près de Valence dans le Dauphiné, tous les jours « sauf le dimanche et les jours de fête ». Il remplit une tapisserie de feuilles de choux, couvre le visage d'un potier de raclure d'étain, rit bruyamment et joue du fifre. Le seigneur de Valence parvient à le chasser en faisant venir six ou sept prêtres pour bénir la maison et l'exorciser[195]. Une affaire similaire se déroule dans une maison à Rumilly en 1622, où une bande de lutins renverse la vaisselle et les livres, et jette des pierres sur les habitants. Un prêtre bénit les lieux et ils s'enfuient[196]. Le dictionnaire de Furetière, dans son édition de 1690, dit que « lorsqu'une chose que l'on vient de manier disparaît de la maison, il faut que ce soit le lutin qui l'ait prise ». Il ajoute que ce dernier est une sorte de démon ou d'esprit follet, que l'on croit revenir dans les maisons pour y faire du désordre, des malices, ou de la peine[31].

En 1728, un Français de passage à Hechingen arrive dans la ville le jour où une ordonnance princière impose la chasse annuelle aux « esprits malfaisants de la maison ». Tous ces témoignages tendent à prouver que la croyance aux lutins est partagée tant par les gens simples que par les puissants et les érudits, même si elle connaît des exceptions : Jean de La Fontaine, bon connaisseur de ces croyances, situe l'origine des lutins dans le Mogol, par dérision sans doutes[194].

Les premières arrivées de colons français dans l'île de Terre-Neuve ne sont pas datées avec précision mais remonteraient au XVIIIe siècle[197]. Issus de plusieurs communautés françaises et notamment de Quimper en Bretagne, ils apportent avec eux leurs croyances envers les lutins, qui survivent jusqu'au début du XXe siècle dans le folklore populaire[198]. Elles gagnent le Michigan où une population française s'est établie[199], donnant le personnage du nain rouge. Il semblerait que seules les personnes immigrées de la première génération croient réellement en ces personnages, leurs enfants n'en gardant que la connaissance[200].

XIXe siècle

Illustration des farfadets vus par Alexis Vincent Charles Berbiguier de Terre-Neuve du Thym.

De nombreux érudits du XIXe siècle continuent de croire aux lutins, parmi lesquels Robert Louis Stevenson, qui affirme que les Brownies inspirent une partie de son travail[201], William Butler Yeats, qui s'intéresse également au spiritisme et aux phénomènes paranormaux[202], et peut-être Théodore Hersart de La Villemarqué, imprégné de la mentalité bretonne où la croyance envers le petit peuple est fortement ancrée[203]. La relation avec les lutins n'est toutefois pas toujours simple, puisqu'en 1821, le sieur Berbiguier de Terre-Neuve publie à son compte Les farfadets ou Tous les démons ne sont pas de l'autre monde, dans lequel il détaille son obsession et son combat incessant contre des créatures démoniaques qu'il nomme les « farfadets », sortes de lutins maléfiques visibles de lui seul. Il est considéré comme un précurseur du fantastique, ou un archétype du fou littéraire[204].

Influence du spiritisme et de la théosophie

La popularité de la doctrine spirite et d'autres qui en sont dérivées, comme la théosophie, entraîne une nouvelle vision de ces êtres. Allan Kardec nomme « esprits légers » tous les « follets, lutins, gnomes et farfadets », ajoutant qu'ils sont « ignorants, malins, inconséquents et moqueurs »[205],[206]. Dans son autobiographie, la médium Lucie Grange affirme qu'elle a un lutin domestique du nom d'Ersy Goymko dans son foyer, lequel ressemble à un jeune homme blond de 22 ans[207].

Collectages campagnards

Un Gnome regardant passer un train, par Carl Spitzweg (1808–1885).

La plupart des nombreux témoignages recueillis au XIXe siècle concernent les campagnes[194], grâce notamment au travail de collectage effectué par les folkloristes[208].

« Moi, dit Kéradec, j'ai été longtemps sans croire aux revenants, aux lutins, aux fantômes et autres apparitions de tout genre dont on parle aux veillées d'hiver. Quand on racontait devant moi quelque histoire semblable, je haussais les épaules de pitié et me moquais de ceux qui y croyaient, et je disais : — Ah ! j'aurais bien voulu être là ! Qu'il m'arrive donc une bonne fois de voir un revenant, et il trouvera à qui parler, et je vous en donnerai des nouvelles ! Et autres vanteries semblables. Aujourd'hui je ne ris plus de ces récits ; je ne les crois pas tous — il s'en faut mais je me donne bien de garde de me moquer de ceux qui y croient, et si j'ai changé à cet égard, c'est que j'ai eu d'excellentes raisons pour cela : j'ai entendu, j'ai vu. »

— Traditions populaires des bretons : la veillée de Noël[209].

En 1857, Alfred Fouquet révèle des récits populaires du Morbihan. À Saint-Marcel, des lutins sortis des « grottes druidiques » troublent les voyageurs, les paysans et les bergers dès la nuit tombée par « mille clameurs confuses, mille notes aiguës, murmurées ou chantées », et les égarent jusqu'au lever du jour. Deux vieilles filles que les lutins tourmentent chaque nuit résident dans une petite chaumière, non loin. Un jour, elles passent leur demeure à l'eau bénite. Les lutins grimpent sur le toit en gazon, et en jettent par la cheminée afin d'atteindre le lit et de chanter « Tout n'est pas bénit !... tout n'est pas bénit !... tout n'est pas bénit ! »[210]. Le château de Callac abritait jadis, dit-il, un lutin qui « lutinait » une vieille femme. Quand elle s'endormait en filant sa quenouille, il « roulait de grosses boules dans la pièce supérieure, brouillait son fil, poussait au feu son fuseau, flambait sa filasse à la chandelle de résine, mettait force sel dans sa soupe de lait, dérangeait sa coiffe à pignon, nouait ses cheveux, ou lui traçait au charbon de belles moustaches noires ». Un soir où il lui rit au nez en lui passant au cou un grand trépied de fer, la vieille jura de s'en débarrasser et plaça derrière la porte de sa cuisine une grande jatte remplie de mil. Le lutin la renversa et fut forcé de le ramasser jusqu'au chant du coq. Furieux, il ne reparut plus jamais[211].

En Picardie, Henry Carnoy collecte la littérature orale à partir de 1879, dont une partie a pour thématique Les lutins. Paul Sébillot, auteur du Folklore de France écrit à l'arrivée du XXe siècle une œuvre immense dans laquelle les lutins sont présents partout : « dans les bois, les eaux, les grottes et les maisons »[208]. Lors de ses collectages en Bretagne, Anatole Le Braz rassemble lui aussi des témoignages, à une époque où chaque maison « a son lutin »[154].

XXe et XXIe siècles

Scène animée de lutins automates créée par Armand et Janie Langlois.
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Un lutin de Noël scandinave (tomte), à l'origine de la tradition moderne selon laquelle les lutins assistent le Père Noël à la fabrication des jouets.

« J'aime mieux croire aux lutins qu'à vos cryptogames. Les lutins, au moins, on les a vus. »

— Charles Le Goffic, L'âme bretonne[212]

Les croyances perdurent dans les campagnes au début du XXe siècle, approximativement jusqu'à la Première Guerre mondiale en France[213], et jusqu'aux années 1920 pour le Québec[200]. Léon Le Berre décrit dans son ouvrage Bretagne d'hier les veillées de sa jeunesse, lorsque les paysans se livrent mutuellement des preuves de l'existence des lutins[214]. Dans les années 1970, Albert Doppagne recueille le témoignage d'une femme wallonne de 60 ans qui affirme avoir vu les nutons courir sur l'appui de fenêtre de sa maison[215], et en Savoie à la même époque, la croyance envers le servan est presque aussi répandue que celle relative aux fées[216].

Le XXe siècle correspond néanmoins à une très forte réduction de ces croyances populaires. Les traditions telles que le bol de lait offert à l'intention des petits êtres du foyer disparaissent[217]. D'après Hervé Thiry-Duval, l’industrialisation va de pair avec la disparition des veillées paysannes où les conteurs transmettaient ces histoires, ce qui empêche la diffusion des légendes du petit peuple. Il s'ensuit « une assez longue période où les gens montrent même comme une espèce de honte vis-à-vis de ce passé rustique »[218]. Durant toutes ces années, l'image de ces petites créatures perdure toutefois à travers les nains de jardin[32].

Les adolescents et les jeunes s'intéressent beaucoup plus aux extraterrestres et aux phénomènes liés aux OVNIS qu'aux lutins de leurs parents et grands-parents[219]. En 1980, le folkloriste Gary Reginald Butler collecte des informations sur les lutins à Terre-Neuve, et n'obtient pour réponse des habitants qu'un vague souvenir d'avoir entendu ce mot durant leur jeunesse : il en conclut que la croyance est arrivée « à son stade final de disparition »[198], et que les lutins québécois ne sont plus connus que « des gens les plus âgés »[220]. Il relève une confusion quant à la nature de ces êtres, et en conclut que la culture télévisuelle des années 1980 affecte les dernières croyances populaires en donnant aux lutins une origine extra-terrestre[221].

Dans les années 1950, le folkloriste Claude Seignolle collecte des traditions populaires comportant des histoires de lutins[222], mais c'est surtout le travail de Pierre Dubois qui remet le petit peuple à l'honneur en France. Constatant la disparition des récits et des croyances, il entreprend un vaste travail de collectage et de diffusion à la fin du XXe siècle, affirmant lui-même « croire aux fées, aux lutins et aux fantômes »[223].

Extrait de l'épisode Ironie du sort de Desperate Housewives

Lynette : Je connais quelqu'un, qui connaît quelqu'un, qui connaît un lutin. Si l'un de vous fait une seule bêtise, je vous préviens que j'appelle le Père Noël illico pour lui dire que vous voulez des claques pour Noël. Vous allez prendre ce risque[224] ?

Désormais, les lutins sont vus comme les employés du Père Noël[Note 17], pour lequel ils fabriquent des jouets[225], se rapprochant ainsi de la version moderne du nisse scandinave. « Esprits follets et espiègles indissociables de la nature », ils représentent « l'esprit de Noël »[226], époque où les contes et les histoires du petit peuple « foisonnent »[227].

Psychanalyse et symbolique des lutins

Scène de Peer Gynt par Theodor Kittelsen (1913). La pièce de théâtre d'Ibsen met en scène de nombreux lutins qui conduisent le personnage principal à découvrir sa vérité intérieure.

Pour le psychanalyste Carl Gustav Jung, Les gnomes et lutins sont des dieux nains « chthoniens », des homoncules comme les Cabires, et un symbole des « forces créatrices infantiles »[228] qui « aspirent éternellement à passer des profondeurs vers les hauteurs »[229]. Ils possèdent de nombreux traits psychologiques propres aux enfants, se montrant alternativement joueurs, sages ou cruels[230]. Selon la psychologie analytique, ils sont l'une des manifestations symboliques de l'archétype de l'enfant intérieur (ou puer aeternus : « enfant éternel » en latin), la part enfantine qui existe en chaque adulte, quel que soit son sexe. Lorsqu'il représente également le développement harmonieux et spontané de la psyché, l'enfant intérieur est le germe de la totalité psychique[231].

Les personnages de lutins peuvent personnifier la part d'ombre qui continue de vivre sous la personnalité consciente et dominante. L'une de ces manifestations est le Fripon divin (ou trickster dans la culture des indiens des Amériques, Kokopelli chez les Amérindiens). C'est dans Le Fripon divin : un mythe indien, écrit en collaboration avec l'anthropologue américain Paul Radin et le mythologue hongrois Károly Kerényi, que le psychiatre suisse Carl Gustav Jung étudie la symbolique du trickster, le mettant en relation avec des mythes du monde entier. Dans Introduction à l'essence de la mythologie (1968), les trois hommes étudient les variations de l'archétype du Fripon divin dans la mythologie, les arts et la littérature. Paul Radin le définit comme l'un des mythes centraux de l'humanité : « Il n'est guère de mythe aussi répandu dans le monde entier que celui que l'on connaît sous le nom de « mythe du Fripon » dont nous nous occuperons ici. Il y a peu de mythes dont nous puissions affirmer avec autant d'assurance qu'ils appartiennent aux plus anciens modes d'expression de l'humanité ; peu d'autres mythes ont conservé leur contenu originel de façon aussi inchangée. (...) Il est manifeste que nous nous trouvons ici en présence d'une figure et d'un thème, ou de divers thèmes, doués d'un charme particulier et durable et qui exercent une force d'attraction peu ordinaire sur l'humanité depuis les débuts de la civilisation »[230].

Histoire littéraire et représentations dans les arts

Malgré la fixation du mot luiton aux XIIe et XIIIe siècles, ces personnages sont beaucoup plus rares dans les récits que ne peuvent l'être les fées ou les magiciens. Il faut attendre le renouvellement de la chanson de gestes, inspirée par le cycle arthurien, pour qu'ils prennent une place plus importante[232], et exercent une véritable fascination[233].

Un certain nombre de personnages médiévaux présentés comme des nains ont les caractéristiques du lutin : c'est le cas de Tronc dans Ysaÿe le Triste, qui joue des farces en bondissant en selle derrière les cavaliers ennemis[118]. Les caractéristiques du lutin originel tendent toutefois à s'effacer[234] sous la plume des auteurs médiévaux, puisqu'ils se mettent au service des nobles et des chevaliers pour devenir les nains du roman arthurien[235], et changent de régime alimentaire[101].

Malabron

Malabron, issu de la chanson de Gaufrey et de Huon de Bordeaux, est « semblable à un nuiton » qui nage plus vite que le saumon[236]. Il est capable de prendre l'apparence d'un poisson à volonté, grâce à une peau dont il se revêt, et de se rendre invisible avec une cape. Il se change aussi en bœuf ou en cheval. Effrayant, il est couvert de fourrure, bossu, doté d'yeux rouges et de dents pointues[65]. Contrairement au « roi de féerie » Aubéron, il ne semble pas issu de la tradition celtique[237].

Zéphyr

Zéphyr (ou Zéphir), personnage du roman de Perceforest au XIVe siècle, est la première « image accomplie du lutin » selon Claude Lecouteux[65], Christine Ferlampin-Acher précisant qu'il est issu de « données folkloriques et littéraires » : présenté comme un ange déchu, à la fois « bon et cruel, pitoyable et effrayant, facétieux », au début du roman, il joue des tours en prenant la forme de chevaux, d'oiseaux et de cerfs, en se cachant dans des cadavres et en lançant des enchantements pour tromper les gens. Il ne sort que la nuit et habite la boue, la vase et les eaux sales. Christianisé, il se repentit en punissant les hommes malfaisants, et en devenant le protecteur de Troïlus[238],[118].

Du XVIe au XXe siècle

Puck vu par Sir Joshua Reynolds, 1789

Le personnage de Puck, présenté comme un sylphe ou un elfe (elf) dans la version originale du Songe d'une nuit d'été de William Shakespeare, est souvent désigné comme un lutin dans les traductions françaises. Farceur et doté du pouvoir de commander aux éléments[239], il est très largement issu du folklore populaire des îles britanniques.

La littérature française fait régulièrement référence au lutin, entre autres dans Pantagruel de Rabelais en 1532[240], chez Étienne Pasquier en 1586[241] et chez Montesquieu en 1734[40].

The enchanted fairy tree, par Richard Doyle, vers 1870.

En Italie, le personnage d'Arlequin, présent dans la commedia dell'arte à partir du XVIe siècle, est probablement issu d'Hellequin, qui lui-même partage des points communs avec le lutin, comme sa capacité à se rendre invisible et son habitude de jouer des tours aux cavaliers. Arlequin transforme d'ailleurs tous les meubles en lutins dans Les Bains de la Porte Saint-Bernard[242], une pièce de théâtre du XVIIe siècle. Claude Lecouteux suppose que cette pièce « fait la somme de tous les êtres de la mythologie populaire encore suffisamment connus pour être parlants »[243] :

Perturbateurs de l'univers
Qui faites votre délice
De mettre tout à l'envers ;
Esprits enclins à la malice,

— 'Les Bains de la Porte Saint-Bernard', Scène VI[244]

Madame d'Aulnoy écrit Le Prince Lutin, où le jeune Léandre est changé en lutin par la fée Gentille, et se voit remettre un chapeau qui le rend invisible. Le personnage du lutin est ici beaucoup plus pudique que ceux du folklore[245].

Sans faire explicitement référence aux lutins français, Walter Scott, figure majeure du romantisme anglais, remet au goût du jour le folklore de l'Écosse à travers des œuvres comme les Chants populaires de la frontière écossaise, son ouvrage de recherche sur la démonologie, et ses romans évoquant plus d'une fois le petit peuple et les Brownies[246]. En France, le rationalisme et l'héritage du siècle des Lumières font que les contes et traditions sont peu mis en avant au début du XIXe siècle, le romantique Charles Nodier étant l'un des premiers à publier ce type d'histoire[247], avec Trilby ou le lutin d’Argail en juillet 1822[248], qui est plus tard adapté en vaudeville par Eugène Scribe et Pierre-Frédéric-Adolphe Carmouche.

Tous les lutins que les sorciers honorent
Dans les livres sont très-connus;
Approche-t-on, soudain ils s'évaporent;
Veut-on les voir ? Il n'en existe plus.
Des curieux ils craignent la présence....

— Eugène Scribe et Pierre-Frédéric-Adolphe Carmouche, Trilby ou le lutin d’Argail, Scène XV[249]

Le conte de Grimm en allemand Die Wichtelmänner, paru en 1812, est traduit en français par Les Lutins[Note 18]. En 1863, Édouard Cazeneuve publie un concert nommé Les esprits follets et en 1880, l'opéra de Paris joue La Korrigane de Charles-Marie Widor et François Coppée[32]. Une très ancienne danse scandinave nommée chorea elvarum (littéralement « danse des elfes » en latin)[250] est adaptée au piano par Henri Celot en 1875, sous le nom de « danse des lutins »[251].

Depuis le XXe siècle

Personnage de la série Kabouter Plop, traduite en Belgique francophone sous le nom de Lutin Plop.

En 1906 et 1907, le tomte (traduit par « elfe » ou par « lutin » en français) qui réduit Nils Holgersson à sa taille dans Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, « l'un des plus grands livres pour enfants de la littérature mondiale », popularise largement le petit peuple en étant traduit « dans toutes les langues du monde ou à peu près »[252]. Les Schtroumpfs, créés par le dessinateur belge Peyo en 1958, sont souvent nommés les « petits lutins bleus »[253]. Ainsi leur bonnet, au départ pointu[254], fait référence à un attribut couramment associé aux lutins. En 1985, Ridley Scott réalise le film de féerie Legend, dont le lutin Gump est l'un des personnages en version française[255].

En Belgique dès les années 1970, Albert Doppagne s'intéresse plusieurs fois aux nutons[256] et en France, Claude Lecouteux, professeur de la Sorbonne bien connu pour sa spécialisation dans les fantômes, démons et génies du Moyen Âge, publie régulièrement au sujet des lutins depuis 1988[257]. En 1998, un organisme nommé les Lutins du court métrage est créé en France pour promouvoir les films courts.

La série télévisée néerlandaise pour enfants Kabouter Plop, dont le personnage central éponyme, un kabouter connu depuis 1997, a donné naissance à quatre parcs à thème, a fait son apparition le en Belgique francophone, sous le titre Lutin Plop[258].

Dans les pays anglo-saxons, l'« effet Tolkien » Le modèle {{Guillemets}} ne doit pas être utilisé dans l'espace encyclopédique des années 1970 correspond à la naissance du jeu de rôle et à « un retour en force des fées et des lutins, fers de lance inattendus de la contre-culture[259] ». Il faut attendre la fin des années 1990 pour observer le même phénomène dans les pays francophones, grâce entre autres au succès des ouvrages de Pierre Dubois. Plusieurs films mettent en scène les lutins du Père Noël, parmi lesquels Elfe (Elf en anglais[Note 19], Le Lutin au Québec) en 2003, et le court-métrage d'animation des studios Disney Lutins d'élite, mission Noël fin 2009.

Le plasticien Armand Langlois a créé une grande scène animée[Note 20] où cohabitent des trolls, des korrigans, des elfes entourés de menhirs d'arbres et de ruines. Leur histoire est gravée sur de grandes pierres et ces textes développent l'idée que le petit peuple contribue à la bonne marche de la nature.

Pierre Dubois

Pierre Dubois au festival Trolls et Légendes de Mons, le 24 avril 2011.

Pierre Dubois est à l'origine « du retour du petit peuple et du réveil des fées en France »[260] grâce à ses nombreuses interventions (conférences, radio, télévision...) sur le sujet, et à ses écrits. Son Grand Fabulaire du petit peuple, des fiches illustrées avec René Hausman au dessin, paraît dans Spirou en 1984, mais c'est surtout La Grande Encyclopédie des lutins, parue en 1992 chez Hoëbeke, qui connaît un succès certain, vendue à 80 000 ou 90 000 exemplaires en France[261], elle obtient le prix du livre des Arts de la société des gens de lettres le 25 mai 1993[262] et attire l'attention de Bernard Pivot[263]. Cette encyclopédie, première du genre en français, est traduite dans de nombreuses langues, dont le japonais[261], et rééditée[Note 21]. Pierre Dubois est publié dans plusieurs pays[264] et met souvent les lutins au centre de son œuvre, avec Laïyna en 1987 et 1988, L'Agenda des lutins en 1993, Les Lutins entre 1993 et 1997, Les Contes du petit peuple en 1997, Le Grimoire du petit peuple en 2004 et 2005, et La légende du Changeling, en cours depuis 2008. Le héros du Changeling, Scrubby, est un lutin échangé à la naissance contre un bébé humain[265].

Édition et illustration depuis les années 2000

Erlé Ferronnière a eu l'occasion de dessiner des lutins pour l'ouvrage Halloween: sorcières, lutins, fantômes et autres croquemitaines[266]
Marie-Charlotte Delmas au festival Trolls et Légendes de Mons, le 24 avril 2011

Bon nombre d'ouvrages ayant pour thème le petit peuple sont parus depuis les années 2000 : Hervé Thiry-Duval publie un « guide d'élevage des lutins » en 2005[267], Marie-Charlotte Delmas Fées et lutins : les esprits de la nature en 2006[268], Édouard Brasey Le petit livre des lutins[269] et La petite encyclopédie du merveilleux en 2008, entre autres. Des anthologies thématiques de contes et de légendes sont rassemblées, Lutins et lutines par Françoise Morvan en 2002[270], et Nos bons voisins les lutins par Claude Lecouteux en 2010[271].

Parallèlement, de nouvelles études et des travaux universitaires apparaissent sur le sujet. Claude Lecouteux continue à travailler sur ses thématiques, et Françoise Morvan consacre une thèse entière aux lutins bretons en 2005[272]. Christine Ferlampin-Acher[273] s'y intéresse également.

Des dessinateurs illustrent le petit peuple, à la suite des Anglais Brian Froud et Alan Lee. Au Bord des Continents publie en 1996 le Carnet de Route d'un Chasseur de Lutins de Laurent Lefeuvre, influencé par une rencontre avec Pierre Dubois vers 1993[274]. Il travaille ensuite sur une série d'ouvrages à propos de lutins aux éditions P'tit Louis[275]. Au Bord des Continents a publié en 2009 Le Guide du Lutin Voyageur[276], et révélé Jean-Baptiste Monge, avant qu'il ne s'établisse à son compte puis crée en 2010 une marque avec le lutin M. Dumblebee[277]. Pascal Moguérou se spécialise dans les korrigans[278], thème qu'illustre par ailleurs un collectif dans Les Contes du Korrigan. Erlé Ferronnière, Brucero, Godo ou encore Jim Colorex, passionnés par la féerie, représentent des lutins à l'occasion.

Notes

  1. Littré : « On a dit luiton, qui est la forme archaïque, jusque dans le XVIIe siècle, par exemple « Notre ami monsieur le luiton...» chez La Fontaine »
  2. Voir Martineau 2003, p. 83-138, pour qui la découverte d'un ex-voto dédié au dieu Neutto serait en faveur de la thèse Nudd.
  3. Théorie de Charles Grandgagnage, voir Dictionnaire étymologique de la langue wallonne: avec un glossaire d'anciens mots wallons et une introduction, volume 2, Partie 1, coll. « Bibliothèque des dictionnaires patois de la France », Slatkine Reprints, 1969.
  4. Les deux mots sont liés, mais « hutin » est vraisemblablement issu du lutin, non l'inverse. Voir entre autres Ménard 2000, p. 380.
  5. Petrus Barbygère est un personnage fictif, auteur des non moins fictives Chroniques Alfiques, que Pierre Dubois a mis en scène dans une bande dessinée avec Joann Sfar.
  6. Ce mot de bas-latin se retrouve en Belgique à l'origine d'un trô dès dûhons, et en Basse-Bretagne avec le Teuz-ar-pouliet, soit « duse de la mare ».
  7. Selon Étienne de Bourbon, les personnages de la Maisnie Hellequin se demandaient à tour de rôle « sedet mihi bene capucium », soit « le capuchon me va t'il bien ? »
  8. Collin de Plancy, Dictionnaire infernal : « Démons familiers assez débonnaires qui apparaissent sous la forme de petits hommes sans barbe », cité par Dubois 1992, p. 165.
  9. Cette particularité du petit peuple a notamment inspiré J.K. Rowling pour créer les elfes de maison.
  10. Il y a des variantes à cette formule, comme « Pâte à pâte, t'as flouri, djâbe à djâbe tu d'flourihrès » (« Pâte à pâtes, tu as fleuri, gerbe à gerbe tu défleuriras ! »). Voir Lecouteux 2010, p. 273
  11. Bien que la chanson dise « nain », Anne Martineau suppose qu'il s'agit de lutins.
  12. « Frocin » est un nom issu de la grenouille.
  13. Les pixies, notamment, peuvent avoir une forme masculine. Voir entre autres Brasey 2008, p. 38-42
  14. Même étymologie que « lutin » et « nuton ».
  15. D'après Lecouteux, Portunus est l'un des surnoms de Neptune.
  16. On note ici que le sympathique lutin Zéphyr du roman de Perceforest, au XIVe siècle, porte un nom lié à l'air
  17. On notera que dans les pays non-francophones, une autre créature du petit peuple est invoquée dans ce rôle : dans les pays scandinaves, c'est le nisse ou le tomte, et dans les pays anglophones, l'elfe, par exemple
  18. En anglais, ce sont des elfes : The Elves and the Shoemaker, et en néerlandais des kabouters : De kabouters.
  19. En anglais, les « lutins du père Noël » sont nommés des elfes (elfs).
  20. Cette scène de 100 m² a été exposée à la mairie de La Celle Saint Cloud en 2009, à Saran en 2010 et les textes ont servi de support au Centre de Lecture de la Mairie de Paris dans le cadre de cours sur la biodiversité, à la médiathèque de Tulle en 2010, puis en 2011 à la médiathèque de Denain.
  21. Liste des éditions de La Grande Encyclopédie des lutins.

Références

  1. a et b Lecouteux, « les génies des eaux, un aperçu », dans Dans l'eau, sous l'eau : le monde aquatique au Moyen Âge, vol. 25 de Cultures et civilisations médiévales, Presses Paris Sorbonne, (ISBN 284050216X et 9782840502166), p. 265
  2. Extrait du Littré cité dans la thèse de Francisco Vicente Calle Calle, Les représentations du diable et des êtres diaboliques dans la littérature et l'art en France au XIIe siècle, Volume 2, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 1997 (ISBN 2284006779 et 9782284006770), p. 566
  3. בכורות (folio 44b), cité dans Wagner 2005, p. 260
  4. Le Roman de Thèbes, v. 6005-6008 : « Ptolémée avait un cheval noir... un cheval arabe d'outre mer, engendré par une jument et un Netun » (engendrez d'ive et de Neitun) », cité par Wagner 2005, p. 261
  5. Chrétien de Troyes, Yvain ou le Chevalier au Lion, v. 5267. Voir l'étude de Claude Gonthier, Yvain, ou, Le chevalier au lion, coll. « Parcours d'une œuvre », Beauchemin Éditions, 2007 (ISBN 2761651316 et 9782761651318), p. 233
  6. « Parce que ces créatures sont réputées se manifester après le crépuscule ». Voir Lecouteux 1988, p. 93
  7. Wace, Roman de Rou, III, v. 4575. Voir A. J. Holden, Le Roman de Rou de Wace, Volume 2, société des anciens textes français, A. & J. Picard, 1973, p. 57
  8. Ferlampin-Acher 2002, p. 239
  9. Oscar Bloch et Walther von Wartburg, Dictionnaire étymologique de la langue française, Presses universitaires de France, (1re éd. 1932), 682 p.
  10. a et b Bloch 1981, p. 341-352
  11. Émile Littré, « Lutin », sur Dictionnaire de Français Littré, définitions, citations, synonymes, usage… d'après l'ouvrage d’Émile Littré (1863-1877) (consulté le )
  12. Sterckx 1994, p. 51, citant entre autres O. Colson dans Wallonia X, 1902, p. 35-36
  13. Évolution du terme d'après Émile Dantinne : Neptunus, neptuni, netum, nuiton (qui donne nuton), luiton (qui donne luton), luitin et enfin lutin. Voir Dantinne 1958-1960, p. 173-199
  14. Walther von Wartburg cité par Martineau 2003, p. 83
  15. Voir commentaires de Wagner 2005, p. 261
  16. Lecouteux 1988, p. 94
  17. Sterckx 1994, p. 51
  18. Ménard 2000, p. 380
  19. Ferlampin-Acher 2002, p. 456
  20. Sterckx 1994, p. 64
  21. Jean Markale, L'épopée celtique en Bretagne, Payot, 1971 (ISBN 2228317411 et 9782228317412), p. 180, cité par Dubois 1992, p. 63
  22. a et b Lecouteux 1988, p. 176
  23. particulièrement en wallon, où nuit se dit neutt ou nutte.
  24. « Les lutins s'appelaient ainsi parce qu'ils prenaient quelquefois plaisir à lutter avec les hommes » : Jacques Albin Simon Collin de Plancy, Dictionnaire infernal, édition, P. Mongie, 1826, p. 489 [lire en ligne]
  25. L'existence de ce roi du petit peuple n'est évoquée dans aucun autre ouvrage. Voir Dubois 1992, p. 63.
  26. Lecouteux 2010, p. 21-24
  27. (en) « Lutin », Webster's Online Dictionary (consulté le )
  28. a et b Martineau 2003, p. 97
  29. a b c d e f et g Dubois 1992, p. 62
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  31. a et b Antoine Furetière, Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts, chez A. et R. Leers, 1690, p. 502 [lire en ligne]
  32. a b c et d Lecouteux 2010, p. 9
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  42. Claude Lecouteux, Fées, sorcières et loups-garous au Moyen Âge : histoire du double, Imago, 1996 (ISBN 2902702701 et 9782902702701), p. 52
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  59. Lecouteux et Marcq 1998, p. 113
  60. a et b Lecouteux 2010, p. 18
  61. Karl Grün, Les esprits élémentaires, Nautet-Hans, 1891, cité par Dubois 1992, p. 62
  62. Lecouteux 2010, p. 24-25
  63. Brasey 2008, p. 10
  64. a b c d e et f Lecouteux 2010, p. 16
  65. a b c et d Lecouteux 2010, p. 17
  66. a et b Martineau 2003, p. 86
  67. a b c et d Dubois 1992, p. 64-65
  68. Collin de Plancy, Dictionnaire infernal, également cité par Brasey 2008, p. 13
  69. Der schretel und der Wazzerbär, cité par Dubois 1992, p. 63
  70. Voir notamment le récit de Hodekin dans Dubois 1992, p. 65
  71. a et b Saint-Suliac et ses légendes, Dinan, Huart, 1861. Cité par Le Sturm 2001, p. 97
  72. a b et c Dubois 1992, p. 65
  73. Doulet 2002, p. 299
  74. a et b Gervais de Tilbury, Otia Imperalia III, 61, traduction de Claude Lecouteux : Lecouteux 2010, p. 36
  75. Martineau 2003, p. 88
  76. Les lutins d'Ibourg, traduit dans Lecouteux 2010, p. 284
  77. Les derniers Brownies, traduit dans Lecouteux 2010, p. 286-287
  78. Martineau 2003, p. 89
  79. Martineau 2003, p. 127
  80. Martineau 2003, p. 98
  81. Jacques Borgé et Nicolas Viasnoff, Archives du Nord, coll. « Archives de la France », Balland, 1979, p. 55, cité à titre d'exemple par Hervé Thiry-Duval
  82. Jérôme Pimpurniaux, Guide du voyageur en Ardenne, t. 2, 1858, p. 258
  83. Doppagne 1977, p. 19
  84. Dubois 1992, p. 6, le cite très souvent lors de ses contes oraux
  85. Ce récit est très fréquemment cité, entre autres par André Dhôtel dans Lointaines Ardennes, Arthaud, 1979 (ISBN 2700302699 et 9782700302691), p. 126 ; Anne Martineau : Martineau 2003, p. 103, et Claude Lecouteux : Lecouteux 2010, p. 273
  86. Cité par Lecouteux 2010, p. 296-298
  87. Volk en Taal III, 1890, p. 89, cité par Lecouteux 2010, p. 214-215
  88. Henry Carnoy, Littérature orale de la Picardie, Paris, 1883, cité par Lecouteux 2010, p. 184-194
  89. Martineau 2003, p. 103
  90. Martineau 2003, p. 104-105
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  93. a et b Martineau 2003, p. 96
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  95. Ferlampin-Acher 2002, p. 386
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  97. Doulet 2002, p. 356
  98. Doulet 2002, p. 135-136
  99. Éditions de la Baconnière, 1965. Cité par Martineau 2003, p. 91
  100. a b c d et e Dubois 1992, p. 63
  101. a b c d et e Martineau 2003, p. 90
  102. La cheminée est un lieu chthonien, que fréquentent aussi les âmes en peine. VoirLecouteux 1995, p. 73
  103. a et b Paul Sébillot, Le Folklore de France: La Faune et la flore, volume 3 de Le Folk-lore de France, Maisonneuve et Larose, 1968, p. 115
  104. Martineau 2003, p. 131
  105. Voir Gervais de Tilbury plus bas. Cette particularité est également citée pour le nuton par Jérôme Pimpurniaux. Voir Martineau 2003, p. 90
  106. a et b Martineau 2003, p. 99
  107. a et b Martineau 2003, p. 107
  108. a et b Abry et Joisten 1976, p. 125-132
  109. Butler 1997, p. 16
  110. a et b Martineau 2003, p. 110
  111. Les Évangiles des quenouilles, ligne 2334, cité par Doulet 2002, p. 152
  112. a et b Doulet 2002, p. 152
  113. Lecouteux 2010, p. 14
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  115. A. de Ruette, Ardenne et Famenne, I, 1958, p. 59, cité par Lecouteux 2010, p. 262
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  118. a b et c Martineau 2003, p. 100
  119. Daniel Gricourt et Dominique Hollard, Cernunnos, le dioscure sauvage: recherches comparatives sur la divinité dionysiaque des Celtes, collection Kubaba: Série Antiquité, Editions L'Harmattan, 2010 (ISBN 229613596X et 9782296135963), p. 105
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  122. Paul Sébillot, Le folklore de France : la Mer, PyréMonde (Ed.Régionalismes), 2009 (ISBN 284618352X et 9782846183529), p. 128
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  129. a et b Jean Claude Dupont et Jacques Mathieu, Héritage de la francophonie canadienne: traditions orales, Presses Université Laval, 1986 (ISBN 2763770681 et 9782763770680), p. 128-129
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  141. Gilbert Millet et Denis Labbé, Les mots du merveilleux et du fantastique, volume 40, coll. « Le français retrouvé », Belin, 2003 (ISBN 2701133424 et 9782701133423), p. 194-196
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  143. Lecouteux 2010, p. 40-42
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  145. « lamia : elfe, gnome, lutin, troll. Personnage mythologique du folklore basque qui incorpore les caractéristiques de ces créatures. lamiña cf. lamia. » Gorka Aulestia, Linda White, English-Basque Dictionary, University of Nevada Press, (ISBN 0874171563). Gorka Aulestia, né à Ondarroa (Biscaye) est docteur en littérature basque.
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  202. Jacqueline Genet, William Butler Yeats, les fondements et l'évolution de la création poétique : essai de psychologie littéraire, Presses Univ. Septentrion, 1980, p. 463
  203. Bien dire et bien aprandre : bulletin du Centre d'études médiévales et dialectales de l'Université Lille III, numéro 24, 2006, p. 107
  204. Alexis Vincent Charles Berbiguier de Terre-Neuve du Thym et Claude Louis-Combet, Les Farfadets, ou, Tous les démons ne sont pas de l'autre monde, Editions Jérôme Millon, 1990 (ISBN 2905614404 et 9782905614407), 667 p., voir préface [lire en ligne]
  205. Allan Kardec, Le livre des esprits: contenant les principes de la doctrine spirite, 1857, p. 48 [lire en ligne]
  206. Jean-Baptiste Martin, François Laplantine et Massimo Introvigne, coll. CREA, volume 2 de Le défi magique: Esotérisme, occultisme, spiritisme. Satanisme, sorcellerie. Presses Universitaires de Lyon, 1994 (ISBN 2729704965 et 9782729704964), p. 324
  207. Collectif, L'ésotérisme au féminin, volume 20 de Politica hermetica, l'Âge d'Homme, 2006 (ISBN 2825137146 et 9782825137147), p. 65
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  210. Alfred Fouquet, Légendes, contes et chanson populaires de Morbihan, A. Canderan, 1857, p. 47-48 [lire en ligne]
  211. Alfred Fouquet, Légendes, contes et chanson populaires de Morbihan, A. Canderan, 1857, p. 51-53 [lire en ligne], également cité par Dubois 1992, p. 64
  212. Charles Le Goffic, L'âme bretonne: 2. Volume 5 de La Bretagne et les pays celtiques, H. Champion, 1908, p. 299. Dialogue entre lady Herbert et un scientifique
  213. Martineau 2003, p. 12
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  215. Albert Doppagne cité par Martineau 2003, p. 85
  216. Jean Cuisenier, Les sources régionales de la Savoie: une approche ethnologique, alimentation, habitat, élevage..., Fayard, coll. « Les sources régionales », 1979, p. 617
  217. Ronecker 2000, p. résumé éditeur
  218. Interview d'Hervé Thiry-Duval, propos recueillis sur Le Peuple Féerique, Richard Ely, « Rencontre avec Hervé Thiry-Duval, féericologue en Franche-Comté… », (consulté le )
  219. Christine Aulenbacher et Philippe Le Vallois, Les ados et leurs croyances: comprendre leur quête de sens, déceler leur mal-être, Éditions de l'Atelier, 2006 (ISBN 2708238728 et 9782708238725), p. 127 [lire en ligne]
  220. Butler 1995, p. 153
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  222. Roland Ernould, Claude Seignolle et l'enchantement du monde, L'Harmattan, 2007 (ISBN 2296029973 et 9782296029972), p. 423
  223. Tristan Savin, « Les féeries de Pierre Dubois », l'Express,‎ (lire en ligne)
  224. Marc Cherry (auteur) et Felicity Huffman (actrice), Desperate Housewives épisode 1 : Ironie du sort
  225. Véronique Piaton-Hallé, Figures et destins du père Noël: croyance et symbolisation, Éditions L'Harmattan, 2003 (ISBN 2747538249 et 9782747538244), p. 40
  226. Isabelle Papieau, Le renouveau du merveilleux, coll. « Logiques sociales. Études culturelles », Éditions L'Harmattan, 2008 (ISBN 2296063810 et 9782296063815), p. 174
  227. Voir les interventions de Pierre Dubois dans C dans l'air : Heureusement, il y a Noël le 24 décembre 2008 et La véritable histoire du Père Noël le 25 décembre 2009, sur Arte
  228. Carl Gustav Jung, Carl Gustav Jung, Psychologie et alchimie [détail des éditions], p. 265.
  229. Carl Gustav Jung, Carl Gustav Jung, Psychologie et alchimie [détail des éditions], p. 205.
  230. a et b C. G. Jung, Paul Radin et Károly Kerényi, Le Fripon divin : un mythe indien, Georg, , p. 12.
  231. Carl Gustav Jung, Carl Gustav Jung, Métamorphoses de l'âme et ses symboles. Analyse des prodromes d'une schizophrénie [détail des éditions], p. 546.
  232. Christine Ferlampin-Acher, « Le luiton : du transgénique au transgénérique, un motif à la peau dure » dans les actes du colloque « Motifs merveilleux et poétique des genres au Moyen Âge » sous la direction de F. Gingras, Montréal, 31 mai-2 juin 2007
  233. Ferlampin-Acher 2002, p. 276
  234. Martineau 2003, p. 140
  235. Postulat de la thèse d'Anne Martineau : Martineau 2003, p. 89, voir aussi introduction et conclusion
  236. Lecouteux 1988, p. 81
  237. Sterckx 1994, p. 58
  238. Ferlampin-Acher 2002, p. 219-251
  239. Maurice Abiteboul, Le monde de Shakespeare: Shakespeare et ses contemporains entre tradition et modernité, Éditions du Temps, 2005 (ISBN 284274313X et 9782842743130), p. 181
  240. « C'est un luiton ou diable deguisé... » dans Rabelais, Les horribles et épouvantables faits et prouesses du très renommé géant Pantagruel, 1532, p.35, cité entre autres par le Littré et le Dictionnaire étymologique de la langue françoise, Briasson, 1750, p. 144 [lire en ligne]
  241. « Ces misanthropes et lutons...» dans Étienne Pasquier, Les lettres d'Estienne Pasquier, Abel L'Angelier, 1586, p. 178 [lire en ligne]
  242. Martineau 2003, p. 15
  243. Lecouteux 2010, p. 310
  244. Le théâtre italien, Ed E. Gherardi, Paris, 1700, t. IV, acte I, scène VI, cité par Martineau 2003, p. 364 et Lecouteux 2010, p. 310
  245. Anne Defrance, Les contes de fées et les nouvelles de Madame D'Aulnoy, volume 369 de Histoire des idées et critique littéraire Librairie Droz, 1998 (ISBN 2600002782 et 9782600002783), p. 294-306
  246. Michel Le Bris dans Le Bris et Glot 2002, p. 72-73
  247. Michel Le Bris dans Le Bris et Glot 2002, p. 80
  248. Charles Nodier, Trilby ou le lutin d’Argail : Conte écossais, Terre de brume, (1re éd. 1882), 63 p., préface
  249. Eugène Scribe et Pierre-Frédéric-Adolphe Carmouche, Trilby ou le lutin d'Argail: Vaudeville en un acte, Duvernois, 1823, p. 30
  250. Comte de Résie, Histoire et traité des sciences occultes: ou, Examen des croyances populaires sur les êtres surnaturels, la magie, la sorcellerie, la divination, etc. depuis le commencement du monde jusqu'à nos jours, volume 1, Vivès, 1857, p. 215-216
  251. Lecouteux 2010, p. 313
  252. Michel Le Bris dans Le Bris et Glot 2003, p. 154
  253. Jacques Sadoul, 93 ans de BD, J'ai lu, 1989, p. 91
  254. Fossois 2011
  255. « Legend », Allociné (consulté le )
  256. Notamment Doppagne 1977
  257. voir entre autres Lecouteux 1988, Lecouteux 1990, Lecouteux 1995
  258. « Samson et Plop parleront français », Le Soir (consulté le )
  259. Le Bris et Glot 2003, p. 188
  260. Hervé Glot dans Le Bris et Glot 2002, p. 214-216
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  262. « La société des gens de lettre de France a remis ses grands prix littéraires le 25 mai 1993 » dans Magazine littéraire, numéros 306 à 311, 1993, p. 13
  263. Richard Ely, « La Grande Interview de l’Elficologue Pierre Dubois – extrait n°7 », Peuple féerique, (consulté le )
  264. Voir interview de son éditeur Lionel Hoëbeke : « L'école de la féerie », Lechoixdeslibraires.com., (consulté le )
  265. Série en cinq tomes, voir la chronique de Christophe Van De Ponseele, « Interview Dubois - Fourquemin : Sur les traces du Changeling », Khimaira, (consulté le )
  266. Patrick Jézéquel, Bénédicte Morant, Jean-Baptiste Monge et Erlé Ferronnière, Halloween: sorcières, lutins, fantômes et autres croquemitaines, Avis de tempête, 1997 (ISBN 2911684052 et 9782911684050), 140 p.
  267. Thiry-Duval 2005
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  272. Morvan 2005
  273. Ferlampin-Acher 2002
  274. Laurent Lefeuvre et Stéphanie Richard, Carnet de Route d'un Chasseur de Lutins, Au bord des continents, 1996, voir préface de Pierre Dubois.
  275. Le Guide des lutins comestibles de Brocéliande en 2005, Comment cuisiner lutins et fées en 2006, 30 Recettes de Lutins Délicieux en 2007 et 30 Recettes de Lutins Vénéneux en 2007
  276. Raphaël Grosjean, Le Guide du Lutin Voyageur, Au Bord des Continents, juin 2009, 72 p.
  277. Richard Ely, « Mr. Dumblebee, le nouveau défi de Jean-Baptiste Monge ? », Peuple féerique, (consulté le )
  278. Thierry Mercadal, « L'univers des auteurs et illustrateurs d'albums - Pascal Moguérou », CapCanal, (consulté le )

Annexes

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Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Lutin.

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Fictions et recueils

Études

Articles

  • Émile Dantinne, « Les mystérieux habitants de nos cavernes : les Nutons de Wallonie et leur origine », Les Chercheurs de la Wallonie, t. XVII,‎ 1958-1960, p. 173-199
  • C. Abry et C. Joisten, « De lutins en cauchemars. À propos d'un nom chablaisien du lutin domestique : le chaufaton », dans Le Monde alpin et rhodanien, , p. 125-132
  • Raymond Bloch, « Quelques remarques sur Poséidon, Neptune et Nethuns », Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 125, no 2,‎ , p. 341-352 (lire en ligne)
  • Philippe Ménard, « Les lutins dans la littérature médiévale », dans Si on a parlé par moult vertu. Mélanges de littérature médiévale offerts à Jean Subrenat, Paris, Champion, , 379-392 p. (ISBN 2745304038 et 9782745304032). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Jean-Luc Duvivier de Fortemps, « Le nuton, nain de l'Ardenne fantastique », sur Les Chemins de la Pierre, La Maison du Tourisme du Pays de la Haute-Lesse, (consulté le ), p. 3
  • Gwendal Fossois (photogr. Exposition Artcurial), « Peyo, ce n'était pas que les Schtroumpfs », L'Express, Paris,‎ (lire en ligne [Article en ligne])