Ferdi Kübler

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Ferdi Kübler
Ferdi Kübler lors du Tour de France 1954
Informations
Nom de naissance
Ferdinand KüblerVoir et modifier les données sur Wikidata
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 97 ans)
ZurichVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Équipes professionnelles
Équipes dirigées
Principales victoires
3 classements mondiaux
Challenge Desgrange-Colombo 1950, 1952 et 1954
Championnats
Champion du monde sur route 1951
Champion de Suisse sur route 1948, 1949, 1950, 1951 et 1954
1 grand tour
Leader du classement général Tour de France 1950
1 classement distinctif sur un grand tour
Classement par points
Leader du classement par points Tour de France 1954
8 étapes dans les grands tours
Tour de France (8 étapes)
Classiques
Liège-Bastogne-Liège 1951 et 1952
Flèche wallonne 1951 et 1952
Bordeaux-Paris 1953
Courses à étapes
Tour de Suisse 1942, 1948 et 1951
Tour de Romandie 1948 et 1951
Ferdi Kübler, en Italie.

Ferdinand Kübler, dit Ferdi ou Ferdy Kübler, né le à Marthalen et mort le à Zurich[1], est un coureur cycliste suisse, professionnel entre 1940 et 1957. Il compte plus de 400 victoires dont le Tour de France 1950 et le championnat du monde sur route 1951. Il compte également à son palmarès des prestigieuses classiques, comme Liège-Bastogne-Liège et la Flèche wallonne, ainsi que des courses par étapes, notamment le Tour de Suisse et le Tour de Romandie. Considéré comme l'un des meilleurs coureurs suisses de l'histoire, il s'adjuge à trois reprises le Challenge Desgrange-Colombo.

Biographie[modifier | modifier le code]

Surnommé « Le Fou pédalant », « L'Homme cheval », il est grand au teint très hâlé. On l'a aussi surnommé le cow-boy à cause de son goût pour les chapeaux Stetson.

Fils d'Alfred Kübler et de Lina Ehrensperger[2], il est issu d'une famille pauvre de 5 enfants[3]. Il a trois frères, Alfred, Max et Paul, et une sœur, Lydia, qui meurt à l’âge de quatre ans[4],[Note 1]. Sa mère meurt à la suite d'une chute à vélo en 1947[7]. Il décide de faire du cyclisme un métier, contre l'avis de son père. Il déclare en 2003 : « Je luttais pour manger, pour avoir une vie meilleure. J'ai gagné le Tour de France parce que j'en ai rêvé, parce que je savais qu'après je ne serais plus jamais pauvre. À l'arrivée à Paris, mon père n'était pas là. Cela ne l'intéressait pas. »[7].

Il devient coureur professionnel en 1940, mais ses débuts dans la compétition se limitent à la Suisse, du fait de l'occupation nazie dans une grande partie de l'Europe. Il est multiple champion national et triple vainqueur du Tour de Suisse. Ses années les plus fastes au niveau international se situent entre 1950 et 1952, quand les classiques ont repris après la Seconde Guerre mondiale. Il remporte la Flèche wallonne et Liège-Bastogne-Liège, à la fois en 1951 et 1952, à une époque où ces courses sont encore disputées dans le même week-end. Il devient également champion du monde sur route en 1951, après avoir terminé deuxième en 1949 et troisième en 1950.

Il participe au Tour d'Italie entre 1950 et 1953, se classant quatrième puis troisième à deux reprises. Il abandonne les Tours de France 1947 et 1949, en dépit d'une victoire d'étape à chaque fois. Lors du Tour 1950, il bénéficie de l'absence de Fausto Coppi, mis à l'écart après une chute sur le Giro. Après l’abandon de Gino Bartali dans les Pyrénées, il prend le meilleur sur les autres favoris, et s'impose avec plus de neuf minutes d'avance sur Stan Ockers et plus de vingt minutes sur Louis Bobet, remportant également trois étapes. Il devient le premier lauréat suisse du Tour de France. Lors du Tour de France 1954, Kübler remporte le classement par points et se classe deuxième du général derrière Louison Bobet.

Pendant le Tour 1955, il abandonne à l'issue de la 11e étape qui emprunte le mont Ventoux et met ainsi un terme à sa carrière sur les grands tours. Le Suisse attaque lors de la montée du mont Chauve et Géminiani le prévient : « Attention, Ferdinand, le Ventoux n'est pas un col comme les autres ». Kübler lui répond : « Ferdi n'est pas non plus un coureur comme les autres ! ». Après son abandon, Kübler prononce des mots qui deviendront célèbres : « Ferdi, il est trop vieux. Il a mal. Ferdi s'est tué ! Ferdi s'est tué dans le Ventoux ! »[8]. Pendant ce Tour, il semble bien que Kübler se soit dopé. Il zigzaguait pendant la montée du mont Ventoux et s'est mis à pousser des cris de tous côtés à la fin de la course. Pendant le contrôle des chambres les commissaires ont trouvé des produits dopants et des seringues[9]. Par la suite pourtant, au cours d'interviews, Kübler a nié s'être jamais dopé[10].

Il raccroche en 1957, âgé de 38 ans. En 1983, il est élu « Sportif suisse le plus populaire des cinquante dernières années »[2]. Moniteur de ski diplômé, il est devenu un commerçant prospère à sa reconversion.

Ferdi Kübler meurt le , à l'âge de 97 ans, dans un hôpital de Zurich où il avait été admis quelques jours plus tôt à la suite d'un refroidissement[11]. Avant sa mort, il est le plus vieux vainqueur vivant du Tour de France[12].

Postérité[modifier | modifier le code]

En 1983, Ferdi Kübler est élu « Sportif le plus populaire des derniers 50 ans » et « Sportif du Siècle » en Suisse. Vingt ans plus tard, en 2003, il reçoit le « Prix d’honneur du Crédit Suisse »[13]. En 2002, Ferdi Kübler fait partie des coureurs retenus dans le Hall of Fame de l'Union cycliste internationale[14]. Ferdinand Kübler est l'objet d'un souvenir de Georges Perec[15].

Style et personnalité[modifier | modifier le code]

L'écrivain Roland Barthes évoque Ferdi Kübler dans ses Mythologies. Il affirme que l'utilisation du diminutif Ferdi en lieu et place du prénom Ferdinand accompagne « l'entrée dans l'ordre épique » du coureur qui devient alors une véritable icône patriotique[13]. Le journaliste Jacques Augendre, spécialiste du Tour de France, le considère comme le plus grand coureur suisse de l'histoire, devant Hugo Koblet. Bon rouleur, attaquant remarquable, il est présenté comme un coureur énergique, sincère et authentique[16].

Rivalité Kübler-Koblet[modifier | modifier le code]

Le début des années 1950 apparaît comme l'âge d'or du cyclisme helvétique avec la victoire de Ferdi Kübler sur le Tour 1950 puis celle d'Hugo Koblet l'année suivante, mais ces succès soulèvent chez les journalistes et les spécialistes du cyclisme une véritable opposition manichéenne entre les deux personnages. Koblet et Kübler sont présentés comme « les figures antagonistes du bon et du mauvais »[17]. Ainsi, le journaliste Maurice Vidal décrit Kübler comme « un diable […] aussi noiraud, violent, désordonné, diabolique […], que l'autre était blond, doux et harmonieux »[18]. Un journaliste de l'hebdomadaire suisse La Semaine sportive écrit en 1964 : « Kübler avait remporté le Tour de France à la façon d'un aigle. Koblet, une année après, le gagna avec la légèreté d'une colombe. C'est bien pour cela qu'on le nomma le pédaleur de charme[17]. ». Reconnaissant le talent de Ferdi Kübler, Martin Lang, biographe de Koblet, considère que ce dernier représentait « la classe à l'état pur »[19]. Kübler apparaît comme un coureur perfectionniste, un travailleur acharné qui passe des heures à l'entraînement tandis que Koblet semble capable d'atteindre ses meilleures performances avec un minimum d'entraînement, ce qui fait dire à Jean-François Loudcher et Monica Aceti : « Fidèle à la fable de la Fontaine, Hugo Koblet est la cigale généreuse et dispendieuse tandis que Ferdi représente l'ambitieuse et laborieuse fourmi[20]. »

L'opposition entre les deux champions suisses est aussi marquée entre leurs supporters. Soignant son apparence, Koblet représente une culture moderne, en avance sur son temps, tandis que Kübler incarne des valeurs plus traditionnelles et conservatrices, celles d'une culture plus populaire, axée sur le travail et la volonté[21]. Hugo Koblet cultive son image de jeune premier, de fils de bonne famille misant avant tout sur son talent pour réussir[22] tandis que Kübler affiche l'image d'un coureur méritant qui incarne le dépassement personnel, la persévérance et l'opiniâtreté[23]. Cette représentation est approuvée par le journaliste Hanspeter Born, qui consacre une biographie à Ferdi Kübler[24].

« Ferdi était un enfant du peuple, il reflétait les vertus et les faiblesses des Suisses. En lui, chacun pouvait se reconnaître. […] D'une certaine manière Hugo était « unschweizerisch » par son mépris de grand seigneur des représentations morales courantes, par son insouciance heureuse, par ses manières mondaines, avec son esprit généreux et ouvert. Koblet semblait être toujours au-dessus des choses dans la chance ou le malheur et cela plaisait en particulier à une jeunesse urbaine, marquée depuis la guerre, qui se sentait lentement à l'étroit dans une Suisse rigide. […] Koblet était quelque chose qui en Suisse était toujours très suspect. Un hédoniste, un jouisseur. »

Palmarès[modifier | modifier le code]

Palmarès sur route[modifier | modifier le code]

Par année[modifier | modifier le code]

Résultats sur les grands tours[modifier | modifier le code]

Tour de France[modifier | modifier le code]

5 participations

  • 1947 : abandon (7e étape), vainqueur des 1re et 5e étapes, maillot jaune pendant 1 jour
  • 1949 : abandon (18e étape), vainqueur de la 5e étape
  • 1950 : Leader du classement général Vainqueur du classement général, des 6e (contre-la-montre), 16e et 20e (contre-la-montre) étapes, maillot jaune pendant 11 jours
Ferdi Kübler sur le Tour de France 1947, devant André Mahé.
  • 1954 : 2e, Leader du classement par points vainqueur du classement par points et des 4ea étape (contre-la-montre par équipes), 5e et 14e étapes
  • 1955 : abandon (12e étape)
Tour d'Italie[modifier | modifier le code]

4 participations

Palmarès sur piste[modifier | modifier le code]

  • 1940
    • Champion de Suisse de poursuite
  • 1941
    • Champion de Suisse de poursuite
    • Omnium de Zurich
    • Américaine de Zurich (avec Paul Egli)
    • Poursuite de Zurich
  • 1942
    • Poursuite de Nice
    • Individuelle de Zurich
    • 2e de l'omnium du Vigorelli (avec Fausto Coppi)
  • 1943
    • Champion de Suisse de poursuite
    • Américaine de Zurich (avec Paul Egli)
  • 1944
    • 2e du championnat de Suisse de poursuite
  • 1946

Palmarès en cyclo-cross[modifier | modifier le code]

Records[modifier | modifier le code]

  • Record de l'heure : 43,651 km (1941) ?
  • Record du 20 km : 27 min 25 s (1941)
  • Record du 10 km : 13 min 30 s 3 (1941)

Distinctions[modifier | modifier le code]

  • Challenge Desgrange-Colombo : 1950, 1952, 1954 (2e : 1951)
  • Trophée Edmond Gentil (exploit cycliste de l'année) : 1950
  • Coureur suisse de l'année : 1943, 1948

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Contrairement à ce qui est parfois rapporté[5], Ferdi Kübler n'a donc aucun lien de parenté avec la danseuse Ursula Kübler et ne fut jamais le beau-frère de son époux Boris Vian[4],[6].

Références[modifier | modifier le code]

  1. (de) « Das waren Ferdy Küblers grösste Erfolge », sur landbote.ch, (consulté le ).
  2. a et b Thomas Gmür, « Kübler, Ferdinand » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du ..
  3. Simon Meier, « Les cent ans du Tour de France (2). Ferdi Kubler et Hugo Koblet, l'âge d'or du cyclisme suisse », sur letemps.ch, (consulté le ).
  4. a et b Degauquier 1997, p. 16.
  5. Voir, par exemple: « À l'ombre du Moulin-Rouge », sur dhnet.be, (consulté le ), « L’inconnu belge Désiré Keteler remporte le Tour », Tribune de Genève,‎ (lire en ligne) ou « Boris Vian: Sa veuve Ursula Vian-Kübler, est décédée... », sur purepeople.com, (consulté le ).
  6. Dieter Bachmann, « Kübler, Arnold » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du ..
  7. a et b Mathilde L'Azou, « Ferdi Kübler, le plus ancien vainqueur du Tour de France, est mort », sur francetvsport.fr, (consulté le ).
  8. Jean-Emmanuel Ducoin, « Les vertiges du Ventoux »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur humanite.fr, (consulté le ).
  9. Dopingfälle (cas de dopage) ; voir aussi (de) Hans Leyendecker, « Eine gewisse Chemie », sur sueddeutsche.de, (consulté le ).
  10. (de) Thomas Sulzer et Perry Kretz, « Die würden sogar Rattengift nehmen », sur bild.de, (consulté le ).
  11. ATS/Le Matin, « L’Aigle d’Adliswil s’est envolé pour toujours », sur lematin.ch, lematin.ch, (consulté le ).
  12. Clément Guillou, « Mort du cycliste suisse Ferdi Kübler à 97 ans », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  13. a et b Loudcher et Aceti 2009, p. 55.
  14. « 14 avril 2002 : les 100 ans de Paris-Roubaix et l'inauguration du CMC de l'UCI à Aigle », sur uci.ch, Union cycliste internationale, (version du sur Internet Archive).
  15. "Je me souviens que le cycliste Ferdinand (Ferdi) Kübler portait ses lunettes de soleil (en mica avec un serre-tête élastique) au-dessus de la saignée du coude, ainsi que le faisaient généralement les champions de ski, alors que les cyclistes les relevaient sur leur front ou au-dessus de la visière de leur casquette". Sur Dossier pédagogique Vélo, Province de Liège, p. 71.
  16. Jacques Augendre, Petites histoires secrètes du Tour..., Paris, Solar, , 420 p. (ISBN 978-2-263-06987-1), p. 225-226.
  17. a et b Loudcher et Aceti 2009, paragraphe 5.
  18. Maurice Vidal, « Le diable noir et le dieu blond », dans Serge Lang, Il était une fois les deux K, Bâle, Biorama, .
  19. Loudcher et Aceti 2009, paragraphe 6.
  20. Loudcher et Aceti 2009, paragraphe 7.
  21. Loudcher et Aceti 2009, paragraphe 13.
  22. Loudcher et Aceti 2009, paragraphe 25.
  23. Loudcher et Aceti 2009, paragraphe 18.
  24. Born 1990, p. 220.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (de) Hanspeter Born, Das waren noch Zeiten ! : Ferdi Kübler und die goldenen Jahre des Schweizer Radsports, Zurich, Weltwoche / Sport, .
  • Claude Degauquier, Ferdi Kubler : l’aigle d’Adliswil, Seraing, Editions Coups de pédales asbl,
  • Hanspeter Born, Martin Born et Sepp Renggli, Ferdy Kübler : le fou pédalant, As Verlag, , 224 p. (ISBN 978-3-909111-35-0).
  • Jean-François Loudcher et Monica Aceti, « Le mythe Koblet/Kübler (1945-1964) : entre le local et le global, une expression de la neutralité et de la modernité dans le cyclisme suisse », Sciences sociales et sport, no 2,‎ , p. 55-91 (lire en ligne).

Liens externes[modifier | modifier le code]