Saké

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Saké
Nihonshu
日本酒
Image illustrative de l’article Saké
Brasserie de saké, Takayama

Pays d’origine Japon
Principaux ingrédients Riz
Degré d'alcool 14°-17°
Couleur Transparent à blanchâtre

En français, le mot saké désigne une boisson alcoolisée japonaise à base de riz. Il s'agit d'un alcool de riz, produit comme la bière par fermentation répétée, titrant de 14 à 17°. En japonais, bien que ce même terme sake (?) ou o-sake (お酒?, prononciation kun'yomi, le « o » marquant le respect, voir Keigo) désigne cette boisson, son sens peut s'étendre selon le contexte à toute boisson alcoolisée, aussi les Japonais utilisent-ils plutôt le terme nihonshu (日本酒?, littéralement « alcool japonais »), pour être plus spécifique.

Par extension ce terme peut être employé pour désigner le « vin de riz » (米酒, mǐjiǔ, « vin de riz ») ou « vin de céréale » (黄酒, huángjiǔ, « alcool jaune ») chinois, qui comme lui, est fabriqué à partir de céréales cuites à la vapeur, inoculées par un activateur amylo-fermentaire nommé qu en chinois et kōji (?, simplifié ) en japonais.

Historique

Deux femmes buvant du saké au XIXe siècle

La fabrication du saké de riz aurait été introduite de Chine au Japon peu après la riziculture, à la période Yayoi (IIIe siècle), se propageant d'ouest en est à partir de Kyūshū et Kinki. L'inoculation du ferment était des plus primitives, dite kuchikami (口噛み?, « mâché dans la bouche »), les céréales cuites étant saccharifiées par la salive, et la fabrication du saké se disait kamosu, dérivé du verbe kamu (mâcher, mordre).

Au VIIIe siècle (période Nara), le saké reçoit ses lettres de noblesse par un édit de la cour impériale, en même temps que les deux religions nipponnes codifient son caractère sacré, en l'intégrant à certains rites. Au IXe siècle (période Heian), l'Enkishiki décrit un procédé de fabrication d'une dizaine de sortes de saké faits de « riz additionné de kōji et d'eau » et fournit des indications sur le chauffage. De la fin de la période Heian à la période Muromachi, la demande en saké croissant vertigineusement, son prix dépasse celui du riz. Prenant le relais de la cour impériale, les temples fabriquant du saké se multiplient.

Le Osake no nikki, « Journal du saké », rapporte la découverte du double ensemencement. Le précurseur du saké actuel était né. Au XVe siècle, à Nara, la fabrication de grandes cuves donne un coup de fouet à la production de masse et de nombreux « saké de pays » (地酒, jizake?) voient le jour. Le saké « Morohaku » de cette époque était presque identique au saké moderne.

C'est au cours de l'époque d'Edo qu'un brasseur de Nada découvre l’importance de la minéralité de l’eau sur la qualité du saké. À la période Meiji, l'Institut national des fermentations est fondé et la chimie s'impose ainsi que la plupart des matériaux modernes[1]. Voir Style Kohama.

Qu'est-ce que le saké ?

Baril de saké en offrande au temple Meiji-jingu à Tokyo.

Bien que parfois abusivement baptisé vin japonais par les Japonais eux-mêmes, le saké, au sens strict de nihonshu, est une « bière de riz », c’est-à-dire une eau de source dans laquelle on a fait étuver et fermenter du riz, après saccharification à l'aide d'une moisissure appelée kōji-kin (麹菌?, littéralement « microbe-levure »). Ce champignon ascomycète, dont le nom scientifique est Aspergillus flavus var. oryzae, permet de se passer du maltage utilisé pour d'autres alcools. Comparé à la bière, le saké ne présente toutefois aucune effervescence.

La qualité d'un saké dépend de trois facteurs essentiels définis par la formule waza-mizu-kome :

  • le savoir-faire (, waza?) du maître brasseur ;
  • la qualité de l’eau (, mizu?) ;
  • la qualité du riz (, kome?) et le degré de son polissage.

Les proportions requises sont 80 % d'eau et 20 % de riz.

Les riz sont soigneusement sélectionnés parmi une cinquantaine de variétés à saké, les plus prestigieux étant le Yamada-nishiki (山田錦?), Omachi (雄町?), Gohyakuman-goku (五百万石?) et Miyama-nishiki (美山錦?). Le riz pour saké se caractérise par la grosseur de ses grains, la présence d'un cœur blanc et opaque dit shinpaku (心白?) au centre du grain, et sa faible teneur en protéines[2].

Sauf exception, le saké ne se conserve pas plus d'un an après sa mise en bouteille.

Chaque région du Japon a son cru : les kura (?) ou sakagura (酒蔵, brasseries?) des préfectures de Niigata et d'Aomori sont très renommées, mais de modestes jizake (sakés de pays) réservent de bonnes surprises.

Fabrication

Le moromi, une étape de la fabrication du saké

Le riz est d'abord poli pour le débarrasser des graisses et de l'albumine, jusqu'à ne laisser que le cœur du grain, riche en amidon. Ce pourcentage, exprimant le résidu, varie d'un type de saké à l'autre (de 33 % à 77 % du grain initial). Plus le grain est poli (fraisé), plus le taux résiduel ou seimaibuai (精米歩合?, littéralement « taux de polissage ») sera bas, et plus le saké sera fin.

Le riz est ensuite lavé pour le débarrasser des résidus collés au grain après le polissage. La poudre blanche, appelée nuka, récupérée est envoyée dans le domaine alimentaire ou dans le domaine cosmétique. Le riz est ensuite immergé le temps qu'il atteigne une certaine teneur en eau, puis il est cuit à la vapeur[3].

Le kōji-kin est appliqué à une partie du riz cuit à la vapeur, qu'il ensemence pendant une durée de 40 à 45 heures. Le produit obtenu, le kōji (?, littéralement « levure ») entre pour environ 15 % dans la composition du saké final[4]. On prépare également le shubo, un mélange de kōji, de riz blanc cuit à la vapeur, d'eau et d'un mélange de levures pures. Le but est de développer la population des levures et qui aura la charge de transformer le sucre en alcool. Cette préparation s'étale sur une durée de deux semaines[3].

La fermentation alcoolique a ensuite lieu grâce à l'action des différentes levures sur le mélange eau-riz-kōji-shubo appelé moromi (諸味?), et dure de quinze jours à un mois, selon le type de levures employées et la qualité finale du saké[3].

Le riz est ensuite pressé pour en extraire le jus qui deviendra le saké, puis filtré, pour obtenir d'un côté, le saké clair, de l'autre, les lies blanches ou kasu (?), qui peuvent être utilisées dans d'autres recettes alimentaires ou comme engrais, et les solides qui n’ont pas été fermentés. On laisse ensuite le saké clair reposer afin de laisser le temps aux derniers solides de se déposer dans le fond de la cuve. Le saké peut ensuite être clarifié au charbon, ce qui va ajuster la saveur et la couleur[5].

La plupart des sakés sont ensuite pasteurisés, généralement une seule fois. On chauffe le saké très rapidement tout en le faisant passer dans un tuyau plongé dans l'eau chaude. Le but est, comme toute pasteurisation, d'éliminer les dernières bactéries et les enzymes. Le saké est ensuite laissé à reposer pendant environ six mois. Avant embouteillage, de l'alcool distillé est parfois ajouté, puis le saké est mélangé avec de l'eau pure pour réduire le pourcentage d'alcool. Une seconde pasteurisation peut intervenir ensuite[5].

Catégories de saké

Seishu est l'appellation officielle pour distinguer le nihonshu des autres alcools. Il est divisé en deux catégories de saké en fonction de leur nature :

  • Futsūshu (普通酒?, « standard, de table ») est le saké le plus consommé (deux-tiers de la production), aucune contrainte de taux de polissage du riz, ni d'additifs ne lui est appliqué. Il peut même être dilué et mélangé à l'affinage. Il est le plus souvent consommé chaud (kan, hitohada, atsukan).
  • Tokutei-meishōshu (特定名称酒?, équivalent de l'« appellation contrôlée, de qualité supérieure » française), environ 20 % du marché. On parle aussi de kōkyūshu (高級酒?)[6]. Le taux de kōji est obligatoirement supérieur à 15 %. Il réunit les appellations contrôlées suivantes, en fonction du seimai-buai (pourcentage de riz restant après polissage), de l'addition ou non d'alcool et de la technique de brassage[7],[8] :
    • Avec addition d'alcool distillé avant la filtration :
      • Honjōzō-shu (本醸造酒?) : seimai-buai de moins de 70 %. C'est le plus vendu des sakés supérieurs.
      • Tokubetsu honjōzō-shu (特別本醸造酒?) : seimai-buai inférieur à 60 %, ou produit par une technique de brassage particulière.
      • Ginjō-shu (吟醸酒?) : seimai-buai de moins de 60 %.
      • Daiginjō-shu (大吟醸酒?) : seimai-buai inférieur à 50 %.
    • Sans addition d'alcool :
      • Junmai-shu (純米酒?) : seimai-buai libre, à condition de préciser le taux sur l'emballage.
      • Tokubetsu junmai-shu (特別純米酒?) : seimai-buai inférieur à 60 %, ou produit par une technique de brassage particulière.
      • Junmai ginjōshu (純米吟醸酒?) : seimai-buai inférieur à 60 %.
      • Junmai daiginjō-shu (純米大吟醸酒?) : seimai-buai inférieur à 50 %. Il est considéré au Japon comme le sommet de l'art du brassage, donnant un bouquet subtil mais aromatique, une saveur fruitée-complexe, et son prix est en conséquence très élevé.
Une coupe de doburoku ou nigorizake

Il existe d'autres appellations qui viennent s'ajouter aux précédentes :

  • Kuroshu (黒酒?) : saké à base de riz complet, non décortiqué, appelé genmai (玄米?), proche de la méthode chinoise.
  • Doburoku (濁酒?) ou nigorizake (濁り酒?, « trouble, nuageux ») est un saké non filtré, à l'ancienne. Il est moins alcoolisé et de saveur douceâtre, sa consommation reste marginale. Son équivalent coréen est le makkolli[9].
  • Namazake (生酒?, « cru ») désigne tout saké non pasteurisé (chauffé une seule fois avant l'expédition), quelle que soit sa catégorie. Ceci est rendu possible grâce aux progrès de la filtration. De saveur piquante et rafraîchissante, il se consomme froid[9].
  • Genshu (原酒?) : saké pur, sans addition d'eau au moment de l'expression du moromi. Il titre de 18 à 20°.
  • Koshu (古酒?) : « vieille réserve », saké spécial de couleur jaunâtre et saveur mielleuse, se conservant dix à vingt ans.

Qualités organoleptiques

Voici un exemple d'étiquette pour un saké de qualité supérieure, avec sa traduction :

Japonais
日本酒度 +5(辛口)
酸度 1.4(芳醇)
アルコール度 15.5%
使用米 美山錦
出羽燦々
精米歩合 50%
使用酵母 小川酵母
楽しみ方 冷やして
Français
Nihonshu-do +5 (sec)
Sando 1,4 (moelleux)
Taux d'alcool 15,5°
Riz utilisé Miyama-nishiki
Kōji Dewa-sansan
Seimaibuai 50 %
Levure utilisée Ogawa
Mode de dégustation frais (rafraîchir)

Nihonshudo (日本酒度?) est une échelle hydrométrique allant de +10 (sec) à -20 (doux, moelleux). Elle est parfois réduite à la mention amakuchi (甘口?, « doux ») ou karakuchi (辛口?, « sec »), et deux valeurs intermédiaires, yaya-amakuchi, yaya-karakuchi.

Sando (酸度?) est une échelle indiquant le degré d’acidité du saké. Elle exprime en millilitres la quantité d’hydroxyde de sodium qu'il faudrait rajouter à dix millilitres de saké pour obtenir un pH neutre (7).

Seimai-buai (精米歩合?) est le pourcentage de riz perlé restant après le polissage, en général entre 30 et 70 %.

Dégustation

Hiya (?) se dit d'un saké servi froid (8 à 12 °C), surtout pour les grands crus ou les jizake servis à l'apéritif.

Kan (?) se dit d'un saké chauffé (dans un pichet ou dans un grand verre), traditionnellement au bain-marie, mais de plus en plus au four à micro-ondes (qui disposent au Japon d'un programme spécifique kanzake). Dans la restauration, il est possible de préciser, à la commande :

  • hitohada (人肌?, littéralement « peau humaine »), est chauffé à température du corps, soit 36−37 °C,
  • ou atsukan (熱燗?), chauffé à 50 °C. Cette préparation s'approche d'un grog en hiver, et le saké contient alors moins d'alcool, en partie perdu par évaporation. Cette préparation est généralement réservée aux sakés de table.

Récipients

Sakazuki (coupe plate), choko (petite tasse) et masu (boite)

On conserve le saké dans des tonneaux en bois appelés komodaru. On peut aussi le conserver dans des bouteilles traditionnelles appelées heishi.

Le saké est servi à l'aide d'un shuki, un service composé de pièces variées :

  • Tokkuri (徳利?) : pichet à saké en porcelaine, rarement en verre ou en bambou.
  • Chōshi (銚子?) : pichet à saké en céramique ou plus souvent en métal, avec une anse et un bec verseur.
  • Sakazuki (?) : petite coupe à saké très évasée en porcelaine ou plus rarement en bois. Utilisé essentiellement pour les situations formelles et notamment dans un masu comme lors du mariage shintoïste.
  • Guinomi : coupe à saké, d'environ, 6 à 8 cm de diamètre. Il est préféré au sakazuki dans les situations informelles. Gui signifie boire d'un trait.
  • Choko : petite coupe à saké, plus petite que le guinomi, d'environ 4 cm de diamètre.
  • Masu (?) : gobelet cubique en bois.

Économie et consommation

En 1975, la consommation annuelle de saké au Japon était de 16,7 millions d'hectolitres. En 2010, elle était de 5,89 millions d'hectolitres, une baisse due notamment au manque d’intérêt des jeunes[10]. Les exportations représentaient 32 000 hL en 2000, mais 85 000 hL en 2010[10]. En 2013, on comptait environ 1 500 brasseries au Japon[10].

Des appellations parfois abusives

Le saké diffère fondamentalement des autres alcools servis dans les restaurants chinois et vietnamiens d'Europe, appelés abusivement saké par les consommateurs ou même les serveurs. Il s'agit alors le plus souvent d'alcool de sorgho parfumé à la rose Mei Kwei Lu ou beaucoup plus rarement d'alcool de riz Baijiu, chinois ou de « Lúa mới » (Nouvelle récolte) vietnamien. L'agent qui est à la base de leur transformation en alcool est un autre champignon, Choum-choum (Rhizopus oryzae) et ils sont en général des alcools distillés.

Références

  1. Aux origines du sake, Office National du Tourisme Japonais
  2. Le succès mondial de la cuisine japonaise enflamme la demande en riz pour saké, Nippon.com, le 30 octobre 2015
  3. a b et c « Comment fabriquer du saké (1/2) », sur Omakase, (consulté le ).
  4. (en) How sake is made : Koji is one of the crucial ingredients in sake brewing, Sake-world
  5. a et b « Comment fabriquer du saké (2/2) », sur Omakase, (consulté le ).
  6. « Qu'allez-vous trouver dans votre verre », Zoom Japon, no 38, avril 2014
  7. Pour le détail de la classification des sakés artisanaux de cette qualité voir aussi The long journey from rice to ambrosia John Gauntner, Japan Times, 4 février 2002
  8. (ja) « 「清酒の製法品質表示基準」の概要 », sur National Tax Agency Japan
  9. a et b « Les différents types de saké », sur Uisuki.com (consulté le ).
  10. a b et c Takaaki Nagasawa, « Paris va-t-il s’enflammer pour le saké avec Dassai ? », Nippon.com, le 5 février 2014

Voir aussi

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Articles connexes

Bibliographie