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Époque orientalisante

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Amphore funéraire protoattique d'Égine (?)[1], H. 142 cm. Peintre de Polyphème. Ulysse, ses hommes / Polyphème; lion / sanglier; Gorgones (à têtes de chaudrons orientalisants) / Persée. Vers 650.Musée archéologique d'Éleusis
Olpé Chigi. Protocorinthien moyen, vers 640-630. H. 26 cm. Combat d'hoplites qui resserrent leurs rangs au son d'un petit joueur d'aulos
Musée national étrusque de la villa Giulia
[2]

L'époque orientalisante ou du style orientalisant est l'époque de la culture et de l'art de la Grèce antique correspondant à la période centrale de la Grèce archaïque. Elle recouvre une durée dont les limites peuvent aller, selon les spécialistes, de la seconde moitié du VIIIe siècle à la première moitié du VIIe siècle AEC[3] ou bien de 720 à 600 AEC. Elle suit l'époque géométrique (environ 900 - 700) et correspond donc au moment central de la période archaïque (800/700 - 480/479).

Cette époque est caractérisée par la circulation et l'assimilation de faits culturels et de modèles artistiques orientaux. Des techniques, des modèles iconographiques et des modes de composition s'imposent de l'Orient à la Grèce, à l'Étrurie et jusqu'à Tartessos, au sud de la péninsule ibérique. Les productions artistiques sont qualifiées d'« orientalisantes ». En Grèce, le phénomène est renforcé par la créativité des artisans et des commanditaires, stimulée par l'afflux de ces nouveautés dans le bassin méditerranéen et par des rivalités au sein des élites et entre cités.

Le phénomène concerne les Grecs et aussi d'autres cultures. Les Phéniciens en sont, pour l'essentiel, à l'origine. Leur tradition culturelle fait de l'utilisation de formes étrangères une pratique récurrente dans les arts, un éclectisme. Les Chypriotes, qui sont à leur contact et au contact des Grecs accueillent ces rencontres culturelles et les diffusent. La Crète est un foyer essentiel, très tôt. Corinthe est la première cité "orientalisante", puis l'Attique et les Cyclades, enfin la Grèce de l'Est. Plus à l'Ouest, au contact des marchands et des colonies grecques et phéniciennes, les élites Étrusques s'approprient de telles nouveautés "exotiques" pour mieux se distinguer de leurs voisins, dont les anciens Romains, qui tentent de les imiter.

Au cours de l'époque orientalisante la Grèce reçoit, donc, l'influence du Moyen-Orient. Ce qui se manifeste dans de nombreux domaines comme les bronzes, la sculpture et l'architecture mais ce phénomène est particulièrement visible pour les archéologues sur le décor réalisé par les potiers-peintres, stimulés par ces modèles variés et par l'émulation ou la rivalité entre les cités naissantes. Les fragments de ces poteries permettent, aujourd'hui, de dater assez précisément les niveaux archéologiques tant ils sont caractéristiques d'une provenance, souvent un atelier, et d'une période précise.

De nombreux objets d'importation, en particulier déposés dans les sanctuaires grecs, signalent soit des dépôts faits par les élites grecques de produits importés par des commerçants, soit la trace du passage d'étrangers, ou de relations internationales et la proximité de certains cultes dans cette partie du bassin méditerranéen à cette époque.

Selon John Boardman cette « révolution orientalisante » (Orientalizing revolution) a conduit aux formes que l'on appelle « classiques » de l'art naturaliste[4].Modèle:Message galerie

Œnochoé aux animaux paissants. Style des Chèvres sauvages, v. 625. Milet. Villa Getty

Orientalisation: des échanges en tous sens

Échanges en Méditerranée

Ce nouveau style qui caractérise la période orientalisante reflète une longue période, sur plus d'un siècle, d'échanges culturels accrus dans le monde égéen jusqu'au Moyen-Orient. Ces phénomènes permettent d'aborder la notion d' "identité" des peuples du monde méditerranéen et de l'interculturalité qui s'opère à cette époque, des relations réciproques et complexes[5]. Walter Burkert a très simplement décrit le nouveau mouvement de l'art grec comme une révolution : « Avec des reliefs en bronze, des textiles, des sceaux et d'autres produits, tout un monde d'images orientales s'est ouvert que les Grecs n'étaient que trop désireux d'adopter et d'adapter au cours d'une "révolution orientalisante" »[6].

Ce phénomène commence progressivement. L'émergence des motifs orientalisants dans la poterie grecque est clairement évidente à la fin de l'époque géométrique, bien qu'il y ait deux écoles concernant la question de savoir si oui ou non l'art géométrique est bien redevable aux modèles orientaux[7]. Oswyn Murray constate qu'au moins au début les contacts des Grecs avec les Phéniciens sont amicaux. « La culture des Phéniciens étant techniquement plus avancée et plus raffinée. »[8]

Le phénomène s'arrête tout aussi progressivement. À partir du milieu du VIe siècle la croissance de la puissance achéménide à l'extrémité orientale de la mer Égée et en Asie Mineure a réduit la quantité de biens orientaux trouvés dans les sites grecs, alors que les Perses commençaient à conquérir les villes grecques en Ionie, le long de la côte de l'Asie Mineure.

Rivalités en Grèce

En Grèce même, ouverte à ces échanges avec le Moyen-Orient, les rivalités entre cités, constituées depuis peu ou qui se constituent à cette époque, favorisent des styles propres à chaque cité. L'orientalisation, cette ouverture du monde grec à l'Orient et l'utilisation de modèles orientaux va servir de distinction entre cités rivales. Les Jeux olympiques antiques favorisent l'émulation entre cités. Ces jeux sont, d'ailleurs, très certainement effectifs vers la fin du VIIIe siècle, donc au début de cette époque orientalisante. Les rivalités aboutissent parfois à des guerres, mais à aucune « grande » guerre au cours de cette période : Sparte est engagée dans la conquête de la Messénie (première 690-670, seconde 625-600), la guerre lélantine, entre Érétrie et Chalcis en Eubée entraine l'effacement de l'Eubée en Orient comme en Occident, et plusieurs affrontements à portée limitée ont été identifiés, comme la destruction d'Asinè par Argos et probablement un conflit entre Égine et Athènes, voisines, qui se serait terminé aux dépens d'Athènes[9].

Les grands sanctuaires sont aussi des lieux où, par leurs dépôts, les cités rivalisent, avec des commanditaires particuliers, aristocrates, et des ateliers d'artisanat d'art spécialisés. Les familles aristocratiques rivalisent dans ces sanctuaires et moins par les offrandes déposées dans les tombes[10] comme c'était le cas auparavant. On constate ainsi une augmentation des offrandes, accompagnées régulièrement d'objets étrangers au début de cette époque. Cependant il est à noter que la manifestation d'un style qui serait propre à une cité, à un moment précis, est difficile à appliquer aux œuvres orientalisantes, dont les attributions restent floues. En effet des choix ont été faits au sein du répertoire orientalisant par des commanditaires et des artisans, qui brouillent, aujourd'hui, l'identification de ces objets[11].

Selon Francis Croissant (2010)[12], les notions d'« orientalisation », d'« époque orientalisante » et même d'« influence », bien trop globalisantes, imposent une certaine grille de lecture qui nécessite, aujourd'hui une étude plus précise fondée sur l'archéologie. Le panorama qui va du VIIIe au VIe siècle est bien moins globalisable que cela. Tout d'abord concernant les sois-disantes "ruptures", certains ateliers, comme en Attique celui du Dipylon dès aux alentours de 760, ont introduit des frises animalières empruntées à l'imagerie orientale, mais « traduites » dans le langage formel géométrique. Le phénomène « orientalisation » ne s'est donc pas produit brutalement à la fin du VIIIe siècle en Attique, par contre la rupture est bien plus nette à Corinthe, mais c'est une exception. L'« orientalisation » ne s'est pas produite non plus de manière uniforme, car si les motifs orientaux apparaissent de manière évidente sur certains objets parmi d'autres motifs, ici ce sera des motifs végétaux, là des motifs animaliers et ailleurs des figures monstrueuses. Et lorsqu'il y a usage de « modèles » orientaux, ceux-ci ont fait l'objet d'une sélection adaptée aux formes locales traditionnelles et insérées dans ce cadre. Il n'y a pas eu d'éléments de styles étrangers, repris et juxtaposés, comme une certaine architecture occidentale et son mobilier au XIXe siècle de notre ère ont pu le pratiquer systématiquement, à tel point que l'on parle à leur propos d'un style « éclectique » du XIXe siècle. L'orientalisation opère une reformulation des éléments étrangers qui sont ainsi déplacés hors de leur contexte d'origine, et le langage local lui-même se transforme en les assimilant. Ainsi la célèbre statuette en ivoire d'Athènes[13] apparait comme l'assimilation d'un motif (Astharté) et d'une technique (la sculpture) avec le langage géométrique, qui analyse les formes, mais en transformant ce même langage par l'introduction du modelé et de la nuance. Par ailleurs, des objets orientaux ont été effectivement déplacés hors de leur culture d'origine pour être utilisés tels quels dans des contextes grecs et étrusques. L'orientalisation apparait alors comme un usage, qui peut être révélateur d'un comportement social local, ayant pour objectif/effet de renforcer la distinction des élites, et leurs rivalités internes. Selon Francis Croissant la globalisation "orientalisante" masque, en fait, la diversité et la continuité des traditions stylistiques héritées de l'époque géométrique ; et c'est la rupture, à Corinthe, d'avec la tradition du géométrique qui occulte les continuités ailleurs[14].

Phrygiens, Assyriens, Phéniciens, Égyptiens, Étrusques, anciens Romains, colonies grecques

Les Phéniciens — du Sud au Nord : Tyr, Sidon, Byblos, Arouad — intensifient le commerce avec tout le bassin méditerranéen. Tyr s'installe au sud de Chypre avec une production fusionnant des sources moyen-orientales diverses[15], puis est au contact des Grecs Eubéens à partir du VIIIe siècle[16] ; l'île étant alors divisée en plusieurs royaumes chypriotes. Les Phéniciens sont aussi en Crète et dans les régions occidentales de la Grèce.

La diasposa grecque a fondé un emporium à Al Mina (en), en Syrie du Nord et une communauté d'eubéens à Ischia (Pithecusae), vers Naples, et d'autres communautés similaires (que l'on a d'bord considéré comme des colonies) dans le sud de l'Italie et en Sicile[17]. La péninsule Ibérique a connu, pour sa part, une période éclectique typiquement phénicienne, en particulier la cité-état de Tartessos, enrichie par ses mines de cuivre et d'or et en tant qu'étape sur les routes atlantiques de l'étain[18].

Pendant cette période, les assyriens - de Sargon II (722-705) à Assurbanipal (668-v. 630) - ont avancé le long de la côte méditerranéenne, accompagnés de mercenaires grecs et cariens, qui étaient également actifs dans les armées de Psammétique Ier en Égypte. Les modèles assyriens et égyptiens touchent ainsi autant les Phéniciens que les Grecs.

Enfin, dans d'autres parties du monde, en mer Égée, des mouvements de population similaires se sont produits.

La période d'environ 750 à 580 a également vu une phase d'orientalisation comparable de l'Étrurie, car une économie croissante a donné les moyens à de très riches familles étrusques d'acquérir les produits de luxe étrangers, comme l'ivoire africain ou asiatique ouvragé, la vaisselle de luxe, dont les cratères pour le mélange du vin à l'eau lors des banquets, les chaudrons hérissés de têtes effrayantes incorporant des motifs de multiples origines orientales[19].

Plusieurs régions d'Italie ont également connu une phase orientalisante à cette époque en lien avec l'expansion des Grecs dans la région : la Grande-Grèce, mais aussi le Picénum (les Marches)[20], le Latium vetus (sud-est de Rome)[21],[22] l'Agro falisco (nord-ouest de Rome), la culture atestine (dans le Frioul)[23] et la culture nuragique en Sardaigne[24],[25].

Ces échanges ont conduit à une période d'emprunts intensifs au cours de laquelle les Grecs (surtout eux) ont adapté des traits caractéristiques venus de l'Est dans leurs arts[26]. L'étude de l'art orientalisant permet de visualiser cette période de brassages culturels, déterminante pour le développement de l'art grec ensuite.

Orientalisation hors de Grèce

L'orientalisation se manifeste essentiellement à partir de la culture des Phéniciens, qui pratiquaient depuis très longtemps des emprunts aux autres cultures du Moyen-Orient, une forme d'éclectisme[27],[28]. Par leurs activités en Méditerranée ils ont généré le phénomène « orientalisation » dans le monde grec mais aussi jusqu'en territoire étrusque, et dans une moindre mesure chez les anciens Romains. Si l'éclectisme procède plutôt par "collage" et "assemblage" de motifs empruntés, l'orientalisation procède plus par assimilation de sources diverses qui fusionnent dans une création qui se détache de ses modèles.

Le rôle moteur des Phéniciens

Au musée archéologique de Séville, la statuette d'Astarté - équivalent quasi identique de la déesse mésopotamienne Ishtar - témoigne de la diaspora Phénicienne dans le sud de l'Espagne et d'un culte local à Astarté que l'archéologie a confirmé, lié à celui de Baal. Ici les Phéniciens, dans la région du Río Tinto (Huelva) exploitaient des mines de cuivre et d'or, et l'importation d'étain depuis la côte atlantique de l'Europe en faisait une étape essentielle. La dédicace - l'un des plus ancien texte en Phénicien de cet ouest méditerranéen - sur le socle de la statuette, indique qu'elle était une offrande votive faite par un marin Phénicien à la déesse, laquelle protégeait aussi les marins. Son aspect, néanmoins, rappelle fortement une pose égyptienne, et la perruque aussi. Par contre le nu, étranger à la tradition égyptienne, se retrouve effectivement dans certaines figures du Panthéon Syro-Phénicien[29], voire babylonien et bien plus ancien. Pour Pierre Lévèque (1984), « dans le délicat problème de la genèse de l'Aphrodite grecque, quelques certitudes paraissent s'imposer aujourd'hui. La déesse grecque Aphrodite est une transposition de l'Athtart (Astarté) de Chypre, elle même fruit d'un syncrétisme entre Terre-Mère chypriote d'essence néolithique et la sémitique Athtart, forme cananéenne de l'Ishtar babylonienne »[30].

L'influence égyptienne touche le Moyen-Orient bien avant que l'orientalisation ne touche la Grèce. Par exemple, une coupe phénicienne, du IXe – VIIIe siècle, en bronze et à décor de sphinx égyptisants a été découverte à Nimrud, dans le palais Nord-ouest et dans une cache où des coupes de toutes origines se trouvaient rassemblées[31]. Les phéniciens se sont fait, d'ailleurs, une spécialité d'associer des motifs d'origines diverses sur la même coupe : celle du Louvre et celle du Metropolitan Museum[32] (typiquement éclectique et datée entre 725 et 650) en sont d'autres exemples caractérisés[33].

Les Grecs, les Étrusques et les anciens Romains

Le singulier cratère signé du peintre Aristonothos présente la première signature d'artiste grec connue et la plus ancienne représentation d'une scène figurant dans l'épopée homérique, enfin il provient d'une tombe étrusque, à Cerveteri, l'antique Caere. La face A présente l'aveuglement de Polyphème. La face B contient une image d'une bataille navale entre un navire à rames, à gauche, et un voilier à droite. Ce vase est caractéristique du banquet grec, il est signé en grec et il présente sur une de ses faces l'illustration d'un évènement marquant de l'Odyssée, cela tend à prouver que le style de vie, marqué par le banquet grec, les mythes que l'on se raconte, tous ces faits de culture grecque sont partagés par les élites étrusques. Ainsi, sur la même terre, Etrusques, Grecs et indigènes cohabitent sans rapport hégémonique et élaborent une culture commune originale dans laquelle le commerce des vins joue un rôle prépondérant depuis le milieu du VIIIe jusqu'au milieu du VIIe siècle. Ce qui conduit les spécialistes actuels à repenser le terme de « colonisation » grecque, qui serait ici inapproprié, et cette présence grecque en territoire indigène (qui se manifeste aujourd'hui par plusieurs milliers d'objets grecs en terre étrangère) pose alors de nombreuses et nouvelles questions. On s'efforce aujourd'hui de retrouver des indices des formes qu'a pu prendre la réception de la culture des indigènes par les grecs, et réciproquement, et on tente de percevoir l'originalité des cultures mixtes qui en sont issues[34].

Les élites Étrusques de la période orientalisante ont eu aussi un goût prononcé pour, voire une consommation ostentatoire de symboles et d'objets importés du Moyen-Orient. Mais certaines de leurs réalisations démontrent leur assimilation des modèles orientaux. Les grands tumuli de Caere (Cerveteri) en sont la preuve. Comme les autres tumuli étrusques ils avaient une base comprise entre 50 et 60 mètres de diamètre, cette base était bâtie et surmontée d'éléments sculptés, colonnes et trônes, qui trouvaient leurs prototypes orientaux au nord de la Syrie. Les tumuli eux-mêmes rappellent ceux d'Anatolie en Phrygie et en Lydie. Parmi les bijoux de Caere, une tombe digne d'une reine, un large pectoral en or était recouvert de plusieurs motifs, depuis ceux qui appartiennent au répertoire « oriental », comme la femme ailée, jusqu'à ceux qui sont plus spécifiques à la région syro-phénicienne, comme le Maître des animaux, le Griffon et la palmette phénicienne. Sur le même objet, Maurizio Sannibale repère d'autres motifs, qui relèvent de la culture grecque et précisément dans le répertoire des animaux fantastiques, comme la chimère et Pégase[35]. Sur un autre bijoux, un bracelet d'or, on rencontre un autre motif, lequel apparait souvent sur la céramique de l'époque géométrique grecque, ce sont des femmes en ligne qui se tiennent par la main, avec un rameau fleuri pour deux mains et où l'on a pu y voir une danse des jeunes filles en âge d'être mariées. Cependant Maurizio Sannibale y voit, sur ce bracelet, un assemblage d'emprunts, dont les "sceptres à fleur" d'origine phénicienne mais qui appartiennent au répertoire égyptien. Le motif a été reproduit ensuite par les Étrusques, mais dans le bronze.

Les tumuli de Caere (Cerveteri), Praeneste (Préneste/Palestrina) et Vetulonia étaient élevés pour une super-élite étrusque. Les dépôts funéraires comptaient des objets associés à la pratique grecque du symposion, le banquet couché, avec de magnifiques chaudrons - phéniciens de Chypre, mais d'une forme élaborée en Syrie-Palestine[36] - aux protomés de lions et de griffons, munis de poignées à sirènes, le tout réalisé avec un luxe de précision. Ces "princes" signalaient ainsi leur appartenance à des réseaux d'élites en Italie et au-delà. Pendant ce temps, un peu plus au Sud, des imitations lointaines de ces chaudrons ont été modelées en terre cuite pour des élites moins fortunées, ancêtres des Romains: les sites en question étaient occupés par le peuple des Falisques près de Civita Castellana et par des latins sur ceux de Ficana, Castel di Decima et Laurentino-Acqua Acetosa dans le Latium. Il manque à ces imitations en terre cuite les détails caractéristiques spectaculaires des bronzes, ce qui montre que les commanditaires et leurs artisans n'avaient pas de contacts physiques avec les autres élites, étrusques, qui leur servaient de modèles. Les élites "princières" étrusques contrôlaient ainsi la culture matérielle et visible orientalisante à leur profit[37].

Cultures en contact avec le monde grec

Des modèles qui circulent

Régions en contact avec les Grecs et orientalisations

Cette époque de l'histoire grecque se situe, au Levant, au cours de l'Iron Age II C (en), l' Âge du fer II C (700–586 AEC).

L'Eubée et la Crète ont été les premières à avoir développé des échanges importants avec le reste de la Méditerranée, mais sur une courte durée, fin IXe -début Xe siècle / fin VIIIe -début VIIe siècle. Les marchands grecs traversaient la Méditerranée d'Ouest en Est au cours du VIIIe siècle[40]. De leur côté, les Phéniciens avaient développé un véritable engouement pour les objets en provenance d'Égypte. Ils assemblèrent ces motifs à d'autres, empruntés à leurs voisins de l'Est et du Nord sur des vases en métaux précieux. Leur savoir-faire en matière de commerce méditerranéen dispersèrent tous ces objets de luxe au sein des élites, dont celles de Grèce et de leurs colonies, au cours de cette époque orientalisante.

Les principales régions en contact avec les Grecs et dont certains produits et autres faits culturels auront servi à cette « orientalisation » sont les royaumes néo-hittites et les autres territoires du Proche-Orient sous domination assyrienne (724-612 : empire assyrien), mais aussi la Phénicie et les derniers temps de la Troisième Période intermédiaire d'Égypte: la XXVe dynastie[41]. Les cultures se rencontrent en raison de la poussée des armées depuis l'Assyrie jusqu'à la Cilicie et Chypre, impliquant les marchands Grecs sur le passage. Dans le même temps, avec les diaspora phénicienne et grecque en Méditerranée occidentale, ces échanges artistiques et autres ont également touché les Étrusques et les premiers romains de la monarchie dans la péninsule italienne. Les premiers lieux de contact, au Moyen-Orient, correspondent à des « comptoirs » comme l' emporion d'Al Mina (en) ou l'île de Chypre où s'échangent matières premières et produits fabriqués. Ces échanges se font bien sûr dans le cadre de l'économie de la Grèce antique, très dépendante de certaines ressources. Ainsi le site d'Al Mina a été créé à l'embouchure de l'Oronte au VIIIe siècle par des Grecs de l'Eubée et des îles des Cyclades qui étaient à la recherche de minerais de fer, mais aussi de cuivre pour leur bronze[42],[43].

Coupe historiée chypriote en vermeil. Période archaïque, env. 725–675. Diamètre 16,8 cm, H. 3,1 cm. The Met. Le tondo central montre une divinité ailée de type assyrien abattant un lion rampant avec une épée. La frise qui l'entoure présente une variété de motifs animaliers et narratifs, dont deux sujets spécifiquement égyptiens : un sphinx portant la double couronne égyptienne et un lion piétinant un mort, symbolisant le pharaon dominant ses ennemis[44].

Au cours d'un colloque, en 1976, Chrysoula P. Kardara a pu établir cette approche globale des sources d'influences orientales sur les ateliers grecs. Au cours de cette période où les modèles orientaux inspirent les artisans grecs, les centres suivants existent au Proche-Orient à partir desquels les marchandises arrivent en Grèce :

1 La côte cilicienne et nord-syrienne, avec le port grec d'Al Mina (en), aux VIIIe et VIIe siècles, influence par laquelle la poterie rhodienne « des Chèvres sauvages » est présente à partir du milieu du VIIe siècle [non seulement rhodienne mais plus généralement de l'Ionie du Nord, et essentiellement produite à Milet - selon la synthèse d'Anne Coulié en 2013, qui cite Chrysoula Kardara[45]]. Dans cette région, Lydie et Nord-Syrie : survivances hittites et traces de mycénien, mais surtout influence assyrienne, puis effacement vers 600.
2 Les Phéniciens du sud et sur Chypre : influences égyptienne et mésopotamienne, survivances de mycénien.
3 Chypre, influences nord-syriennes et phéniciennes sur la tradition grecque. Assyrianisation après 700.
4 Phrygie : influences nord-syriennes, fortes survivances hittites, éléments d'assyrianisation et autres, dont Urartu du lac de Van. Persistance du style géométrique. Réputée comme la patrie de la broderie, influence la fabrication des tissus brodés grecs et, au-delà, la peinture sur vase et d'autres pratiques artistiques grecques. Quasi interruption de 675 à 650. La Lydie qui occupe son territoire en reprend l'héritage après le milieu du VIIe siècle[46].

À cela il faut ajouter:

5 Égypte : sous les rois nubiens: Chabaka (r. 716-702), Chabataka (r. 702-690), Taharqa (r. 690-665), lybiens: Psammétique Ier (r. 664-610) puis Nékao II (r. 610-595). Cette période très agitée en Égypte offre aux Grecs, après 664, l'occasion de contacts directs et d'une implantation progressive puis définitive dans le Delta, à Naucratis, fondé vers 630[47]. Les Grecs d'alors pouvaient se rendre directement en Égypte en cinq jours de navigation. Les objets égyptiens d'exportation n'étaient pas en matières précieuses, mais comme ils ont été déposé par des grecs ou d'autres peuples, souvent comme offrande votive, avec des objets en matières précieuses on peut en déduire que leur seule appartenance au monde égyptien leur donnait une valeur équivalente.

Certains centres en Grèce servent aussi de références orientalisantes pour les autres. Pour prendre un exemple caractéristique, le style des Chèvres sauvages a non seulement été produit dans plusieurs centres dont Milet et les îles du Dodécanèse, mais aussi Cos, Calymnos et Cnide, ateliers doriens de l'Est. Leurs colonies ont adopté aussi ce style sur les bords de la Mer noire, en Afrique du Nord et dans les cités étrusques d'Italie. La forme typique est un plat à décor de sphinx sur fond de fleurs stylisées, tandis qu'une moitié inférieure est striée de "langues" , comme vues en perspective, fuyant vers l'horizon[48].

Les puissances du Moyen-Orient

Cette période correspond à l'apogée de l'empire assyrien, du VIIIe au VIIe siècle. C'était alors la puissance dominante de l'ancien Proche-Orient et le plus grand empire que le monde ait jamais vu, s'étendant de l'Assyrie (l'actuel nord de l'Irak) à la Méditerranée. Au fur et à mesure de l'expansion de l'Assyrie, les cités-États phéniciennes du Levant - situées de manière précaire le long du territoire assyrien - ont été contraintes d'étendre et de renforcer leurs réseaux commerciaux maritimes vers l'ouest et le sud et de participer ainsi à la diffusion de produits et de traits culturels originaires du Moyen-Orient. Ces échanges touchent jusqu'à l'Égypte alors même que l'art de la Troisième Période intermédiaire pendant la XXVe dynastie, (744-656) renoue avec les ancienne tradition figuratives égyptiennes. Ensuite Psammétique Ier (r. 664-610), dans les débuts mouvementés de la Basse époque, va devoir créer dans le Delta le comptoir de Naucratis, fondée vers 650/630 pour les Grecs. En conséquence la statuaire égyptienne comptera dans le développement ultérieur de la statuaire grecque, avec le type célèbre du kouros et de la koré, dont les prototypes apparaissent sous forme de statuettes dédaliques à cette époque.

Contacts: leurs effets sur la société et la culture

L'accroissement des contacts coïncide aussi avec l'émergence de styles autonomes locaux. Ces contacts ont en effet favorisé localement l'apparition de styles singuliers orientalisés, et en même temps ils ont donné aux artisans l'occasion d'inventions dans le langage formel qui était propre à leur cité, renforçant ainsi la diversité[49]. Pour prendre un exemple dans la peinture sur céramique, les cerfs et les chevaux cycladiques du VIIe siècle n'ont aucun antécédent identifiable, que ce soit en Orient ou ailleurs[50]. C'est le même phénomène avec les formes des vases qui n'ont pas de modèles, par exemple les vases à parfum ont pris à cette époque plusieurs formes caractéristiques : l'aryballe, l'alabastre, l'amphorisque, l'exaleiptron, le lydion (en) et les nombreux vases plastiques prenant, en partie, des formes humaines, animales ou végétales. la Grèce de l'Est proposant des alabastres en verre et en faïence[49]. Certains motifs surgissent en Grèce à cette époque comme les protomés de chaudrons en bronze, en forme de griffons et de lions dont l'origine serait très probablement à situer au Moyen-Orient, sur des chaudrons importés, mais aussi réalisés en Grèce par des artisans émigrés du Moyen-Orient[51].

Mais ces « sources » artistiques orientales ont très bien pu varier dans la même cité grecque, comme à Corinthe, où les premiers lions qui apparaissent sur les vases s'inspirent d'abord de modèles hittites et ensuite assyriens[52].

Par ailleurs, avec l'accumulation des connaissances actuelles, certains procédés orientalisants apparaissent aujourd'hui comme des emprunts au style protocorinthien ou au style corinthien, après l'intégration des modèles orientaux par les grecs au sein de leurs pratiques ou techniques renouvelées. C'est le cas en Crète au VIIe siècle à Aphrati (site dit d'« Arkadès »). Protocorinthien et corinthien s'étant eux-mêmes orientalisés à des sources orientales diverses[53].

Enfin, ces emprunts multiples évoquent des populations mobiles et ouvertes aux qualités esthétiques venant des cultures qui leur sont étrangères. Pour exemple, une tombe à crémation d'Éleutherne en Crète contenait un riche matériel de diverses provenances, dont un stamnos, l'urne funéraire, et comme couvercle une coupe en bronze aux motifs égyptianisants, de facture phénicienne. Une autre coupe aux motifs et avec une composition similaires ont été trouvés à Nimrud, parmi tout un lot de vaisselles "exotiques"[54].

Colonies grecques et Phéniciennes du VIIIe au VIe siècle.
L'expansion de l'empire néo-assyrien.(Apogée de l'Assyrie : sous les Sargonides, 722-630)

Apports orientaux au monde grec

La Phrygie du roi Midas

Avec ce royaume au centre de l'Anatolie, les échanges se font dans les deux sens. Dès le milieu du VIIIe siècle les Phrygiens assimilent l'alphabet grec que ceux-ci ont élaboré à partir du modèle Phénicien. Aux VIIIe et VIIe siècles leur céramique à décor géométrique et les grands chaudrons de bronze témoignent de la continuité des relations avec le monde grec. Et, en effet, la pratique du banquet du type grec semble bien attesté aussi en Phrygie fin VIIIe siècle. Les Grecs s'inspirent, en retour, de leurs ceintures en bronze pour les offrandes votives en Grèce de l'Est. Et ils empruntent aux Phrygiens la déesse Cybèle, maîtresse des êtres vivants, des animaux et des hommes qui leur inspire de nombreuses figures de Potnia Theron, où potnia deviendra l'épithète d’Artémis[55].

La Lydie du roi Crésus

C'est l'époque de la grande Lydie, qui occupe une part importante de l'ouest anatolien, au cœur des hauts plateaux et de riches gisements miniers, dont l'or (...du roi Crésus - vers 560-546), jusqu'à la région de Troie. On observe au VIIe siècle, un jeux compliqué entre le roi Gygès (fin VIIIe première moitié du VIIe siècle) et les cités grecques de la côte ionienne (contre Smyrne et Colophon mais proche d'Éphèse). Il faut attribuer à la dynastie des Mermnades l'invention de la monnaie en électrum naturel tiré du fleuve Pactole, vers 600, à leur frontière avec les cités ioniennes[56], et finalement l'émission de monnaies, dont un statère d'or à l'époque du roi Crésus (v.560-v.547). Car il leur fallait maitriser la technologie de la frappe monétaire en or et en argent[57]. Crésus entretenait des relations serrées avec les grecs et en particulier avec le sanctuaire de Delphes. Gygès lui avait envoyé de magnifiques offrandes en or et en argent qui avaient marqué les esprits à cette époque. C'est dans ce contexte qu'il faut expliquer, à Delphes, une applique en ivoire d'homme au lion, « au carrefour des styles grecs d'Ionie et des productions lydiennes »[58].

Les Phéniciens, Chypre et la Crète

Les Phéniciens de Tyr prennent pied à Chypre, source de cuivre, dès le IXe siècle et possèdent un gouverneur à Kithion (Larnaca) vers 736-729[59]. Leur présence en Crète est attestée à la même époque. La grotte du mont Ida, en Crète, a livré dans les années 1930[60] des objets, en ivoire d'Asie ou d'Afrique, et des tambours (autrefois considérés comme des tympanon - instruments de musique à cordes - et ensuite comme des « boucliers votifs »). L'un d'eux ayant un décor de Maître des animaux, d'aspect Assyrien par le sujet et par le style. Les Phéniciens commercent aussi leurs parfums à Rhodes et à Samos, et leur vaisselle, en métaux rares, qui reprennent et véhiculent les motifs de l'art mésopotamien, d'Assyrie et Urartu, sans compter leurs précieux tissus dont la présence est difficilement estimable[61]. Les récipients qu'ils exportent, en bronze et en argent, ont été trouvés à Chypre, à Athènes, Olympie et Delphes puis en Italie du Sud et en Étrurie et jusqu'à Préneste (à proximité de Rome)[62]

L'Assyrie

Manifestement des dignitaires Assyriens ont envoyé du IXe au VIIe siècle des offrandes aux grands sanctuaires de Grèce, ce qui témoigne d'une certaine proximité culturelle. Ainsi, parmi les offrandes déposées à l'Héraion de Samos, l'une d'elles est une plaque en bronze (à l'origine une plaque de harnais) importée du nord de la Syrie, daté du IXe siècle, et dont le décor est composé, sous un « soleil ailé » (?) de quatre figures féminines nues dont trois d'entre elles tiennent leurs seins, tandis que leurs pieds reposent sur des têtes de félins[63]. Elle porte la dédicace du roi Hazaël de Damas (r. 842-805) et la dédicace à Héra de Samos (VIIIe siècle). Un objet identique, avec la même dédicace du roi Assirien porte dans le sanctuaire d'Apollon Daphnérophoros, à Érétrie, la dédicace à Apollon[64].

Quant au bouclier du hoplite grec il bénéficie, selon Walter Burkert, de l'influence manifeste de l'Orient[65].

En dehors des objets, bien visibles, l'Orient et en particulier l'Assyrie ont orientalisé certains aspects de la culture grecque. Ainsi les voyantes, voyants ou devins mais aussi les guérisseurs, ou guérisseuses. Ainsi trois petites statuettes en bronze de l'Héraion de Samos, datées du VIIe siècle, et représentant un assyrien barbu faisant le geste de la prière, accompagné d'un chien assis, en sont un indice[66]. Des figurines babyloniennes similaires et des textes cunéiformes nous indiquent que ces images sont en relation avec la très ancienne[67] déesse babylonienne de la guérison, Gula, le chien lui était sacrifié. Cela semble bien attester que Héra, à cette époque, a été considérée aussi comme déesse de la guérison. Et il est remarquable, par ailleurs, qu'à côté de la statue chryséléphantine, à Épidaure, du dieu grec de la guérison, Asclépios, il y avait, précisément, un chien. De même, une proximité manifeste entre Asklapios/Asclépios et Az(u)gallat(u) met en relation le fils d'Apollon, « médecin irréprochable » dans l'Iliade[68] et l'ancienne déesse de la guérison babylonienne[69].

L'image de la Gorgone apparait, pour la première fois clairement, en Grèce sur un grand pithos béotien, en Gorgone-centaure décapitée par le héros Persée, vers 660, et sur une grande amphore protoattique, en Gorgone-chaudron, vers 650. Cela semble favoriser le rapprochement, dans le cadre de l'orientalisation du monde grec, avec le très ancien monstre de la mythologie mésopotamienne à la face grimaçante, Humbaba, l'adversaire du héros Gilgamesh. Ces images moyen-orientales, moulées sous forme de plaquettes de terre cuite, sont d'abord adaptées sous une forme semblable en Crète: des plaquettes que l'on a découvertes sur l'acropole de Gortyne, ainsi qu'au sanctuaire d'Artémis Orthia à Sparte, avec un masque grimaçant mais sans la langue pendante qu'elle va acquérir ensuite, sur les grands vases. Les chaudrons aux protomés de griffons étaient aussi des objets "orientalisés", liés à ceux du Moyen-Orient, comme en Syrie ou en Urartu[70].

Orientalisation dans le monde grec

En Grèce : plusieurs théories

En Grèce, ce phénomène semble apparaître à la fin de l’époque géométrique, mais peut-être un peu auparavant, avec les premières frises d’animaux sur des vases attiques du peintre du Dipylon et son atelier, vers 760 et par l'intermédiaire d'objets prestigieux en métal repoussé, importés de Phénicie[71].

En 1986, l'archéologue Roland Martin évoquait plusieurs interprétations de ce phénomène. Pour certain il se serait agit d’un afflux soudain venu du Proche-Orient, qui aurait favorisé un art d’imitation, d’autres croyaient alors y voir une rupture brutale, avec l’apparition d’une nouvelle forme d’expression, enfin pour d'autres encore c’était « un type d’inspiration qui, avec des idées, des croyances, des thèmes décoratifs et figuratifs, crée une orientation originale de l’art grec »[72]. Cet auteur précisait les techniques "importées" avec les marchandises: vases et coupes de métal, ivoires, tissus. On constate d'ailleurs un renouveau de la métallurgie, avec le bronze en tôle martelée, travaillée au repoussé et rivetée. Les statuettes de culte découvertes à Dréros sont ainsi en tôles martelées et rivetées, une technique bien connue au Proche-Orient [73]. Le travail de l'ivoire, pratiqué au Moyen-Orient, en particulier par les Phéniciens, apparait aussi à la fin du VIIIe siècle. Enfin ce sont les décors peints pour lesquels les apports orientaux se traduisent dans la technique du dessin et le rendu des formes sur les céramiques, dans l'introduction de sujets nouveaux et dans l'évolution de motifs décoratifs en général, aussi dans les arts du métal. Les personnages peints ou sculptés prennent plus de place, acquièrent un certain modelé, présentent des détails anatomiques qui n'apparaissaient pas à l'époque géométrique. Les animaux présentent une silhouette caractérisée et des détails naturalistes bien identifiables, le tout étant reproductible en étant toujours attentif au détail[74].

Bernard Holzmann et Alain Pasquier[75], font du style protocorinthien (720-620) le premier à prendre un style très orientalisant qui va connaitre un succès considérable pour une production de masse stéréotypée, et souvent négligée pour cela. Elle est aussi précoce à Athènes, avec le protoattique bien moins exportée, et plus tardive en Grèce de l'Est mais bien exportée. En effet, quoiqu'au contact des commerçants du Moyen-Orient, les ateliers de Grèce de l'Est, de la côte micrasiatique et des îles proches, comme Rhodes, se distinguent d'abord par leur attachement au style géométrique. Lorsqu'ils adhèrent à la mode orientalisante leur distinction se marque par un style bien plus orientalisant que partout ailleurs.

Cette attitude pourrait révéler une façon d'affirmer, pour certaines cités, leur identité face aux autres cités avec lesquelles elles sont en rivalité. Par exemple Corinthe avec Athènes, les styles orientalisants des Cyclades, la Crète dédalique, ainsi que Milet, Rhodes et des sites côtiers avec leur style des « chèvres sauvages ».

Invention de l'alphabet grec au contact des Phéniciens

Les contacts intenses entre les Grecs et les peuples d'Orient au cours de la période ont participé à une invention majeure, celle de l'alphabet grec et des alphabets cariens, basés sur l'alphabet phénicien, lequel était un alphabet phonétique mais imprononçable. Cette invention de l'alphabet aurait provoqué ou accompagné la production de la |littérature grecque archaïque, en particulier les traditions orales des épopées, l’Iliade et l’Odyssée. Les poèmes d'Hésiode auraient été composés soit à la fin du VIIIe siècle soit au début du VIIe siècle[76].

Les premiers textes en caractères grecs apparaissent matériellement, par l'archéologie, vers 730 sous une forme déjà accomplie. Ce qui implique, d'une part qu'un long temps de découverte, d'expérimentation et de mise au point de l'écriture aurait commencé au moins au début du VIIIe siècle ; d'autre part, la coupe de Nestor qui portait un épigramme en alphabet eubéen sur une coupe découverte à Pithécusse, devant l'actuelle Naples, indique les Eubéens (de la grande île au nord d'Athènes) comme intermédiaires, et probablement acteurs, de l'élaboration et de la diffusion de l'alphabet depuis la mer Égée à l'Occident. Alors qu'ils étaient aussi au contact des Phéniciens au moins à Chypre au VIIIe siècle. C'est un moment essentiel de la culture occidentale[77].

Impacts de l'Orient sur le mythe et sur la littérature grecque

Walter Burkert a montré que les textes sémitiques, écrits en akkadien (babylonien et assyrien), dont l'épopée de Gilgamesh, composée du XVIIIe au XVIIe siècle, et le Chant de Kumarbi, hittite, montrent de très nombreux points de similitude avec l'Iliade, l'Odyssée et les poésies d'Hésiode[78]. Dans l'Iliade, les funérailles de Patrocle paraissent similaires à celles découvertes à Chypre[79]. De nombreux mythes grecs semblent être aussi l'interprétation ou la transposition grecque de représentations orientales, et selon Walter Burkert, tirées des classiques littéraires mésopotamiens, dont ceux présents dans l'épopée d'Atrahasis (probablement composée au XVIIIe siècle). De même il souligne les étroites proximités entre l'Astarté connue dans tout le Proche-Orient et Ishtar, mésopotamienne, avec Aphrodite[80]. Ce type de parallélisme vaut aussi pour d'autres dieux grecs/orientaux. En ce qui concerne la Théogonie d'Hésiode, elle présente de nombreuses similitudes avec des mythes plus anciens, le mythe babylonien de la Création Enūma eliš (avec un arrière plan mythologique sumérien), le Chant de Kumarbi découvert dans la capitale hittite Boğazkale, mais d'origine hourrite, et enfin, la mythologie phénicienne transmise jusqu'à un transcripteur grec tardif, Philon de Byblos, tirée de l'Histoire phénicienne initialement composée par le phénicien Sanchuniathon[81].

M. L. West a également documenté des similarités massives entre les premiers thèmes mythologiques grecs et la littérature du Proche-Orient. Ces influences s'étendent à des flux lexicaux considérables depuis les langues sémitiques vers le grec ancien. Ce chevauchement couvre également une gamme étendue de parallèles entre les thèmes de l'épopée grecque et le Tanakh (la Bible hébraïque)[82].

Caractéristiques formelles et techniques de l'orientalisation

Généralités

Au cours de cette période en particulier, l'usage de références orientales ou de matériaux exotiques favorise la distinction entre les cités grecques naissantes et, d'autre part, entre les élites, qu'elles quelles soient, et le reste de la population.

Dans leurs productions d'objets d'exception l’orientalisation révèle que les artisans grecs de chaque cité ont une remarquable aptitude à adopter et à transformer ce qu'ils reçoivent, à innover collectivement pour se distinguer, chacune, des autres cités grecques. Du côté des formes orientales utilisées par tous les types d'artisans et introduites par le commerce cela prend, d'une part, la forme de motifs décoratifs abstraits ou schématiques dont l’origine pourrait provenir de textiles brodés ou de tapis d’Orient, et d'autre part la figuration relativement naturaliste des animaux et végétaux [83], avec l'invention de figures hybrides stylisées. Quant au travail de l'ivoire, en particulier pour la figure humaine, si apprécié à Sparte et ensuite échangé dans tout le bassin méditerranéen, il est évident que l'origine exotique du matériau, d'Afrique ou d'Asie, en faisait toute la valeur, un objet de distinction radical réservé aux élites internationales[84].

Les importations massives de matières premières, y compris les métaux, et une nouvelle mobilité supposée parmi les artisans étrangers ont favorisé l'introduction de nouvelles compétences artisanales en Grèce sur de nouveaux matériaux, dont quelques rares exemplaires nous sont en partie parvenus, pour les plus fragiles (l'ivoire, en particulier). La céramique , parfaitement maitrisée depuis des siècles en Grèce comme dans tout le bassin méditerranéen, n'est donc pas une technique ou un matériau nouveau, mais elle est de très loin majoritaire aujourd'hui et offre des indices de l'orientalisation en Grèce avec ses décors peints aux caractéristiques propres à chaque atelier et sur une période limitée.

Sur le plan formel, l’invention du dessin de contour au trait sur la céramique, vers 720, s'écarte de la rigueur propre à l’esthétique géométrique qui procédait auparavant par a-plats noirs et lignes, points, etc.. Ce dessin au trait sera bien adapté aux nouvelles formes, courbes, d'inspiration végétale et animale et souvent naturalistes, qui prolifèrent au VIIe siècle[86]. Quant aux figures divines et humaines, en quittant le style géométrique, elles ont pris de l'épaisseur, les rondeurs se sont progressivement affirmées sur les céramiques, et dans la sculpture avec un certain modelé pour évoquer les nuances des volumes.

Céramique

L'orientalisation, très tôt dans la céramique mais aussi dans le travail des métaux au repoussé, se manifeste en effet en grande partie dans le décor des objets. Dans la continuité avec la période géométrique la répétition reste au principe de la décoration, mais avec des formes plus souples ; ce qui joue sur le choix des motifs, plus courbes, sur leur disposition, avec des éléments qui viennent perturber la régularité des alignements, mais aussi sur les procédés de reproduction des motifs. Ainsi pour les figurines en terre cuite, l'introduction, venue de l'Est, du moule qui permet en effet la répétition, a entraîné une forte augmentation de la production, principalement pour répondre à des demandes d'offrandes votives[87]. Et vers 650, la technique du moulage crée aussi la nouveauté, d'abord en céramique plaquée sur de grands pithoi aux files d'animaux et aux scènes d'action, puis en bronze. Enfin, sur ces grands vases pour la conservation des récoltes, les pithoi, l'usage de la roulette (ou molette[88]) régularise à la perfection la répétition d'un motif abstrait, dans le voisinage de scènes d'action, encadrées comme le seront les métopes architecturales, juxtaposés dans des cadres identiques.

Métaux

Le fer:

Aux VIIIe – VIIe siècles la Grèce entre dans l'Âge du fer. Le fer est mentionné dans Homère (fin VIIIe siècle) et Hésiode (début VIIe siècle), et sa technologie complexe est exploitée à cette époque[89]. Mais sa production, qui reste celle d'un produit de grande valeur car très difficile à mettre en œuvre, n'a pas été touchée par le phénomène de l'orientalisation.

Griffons et sirène (dessin) de chaudrons, bronze. Au premier plan : griffon, H. 28 cm. Kamiros, "temple" A. Période orientalisante, v. 650. Musée archéologique de Rhodes
Le bronze, comme alliage de produits d'importation:

Les Grecs de cette époque ont hérité de leurs ancêtres tout le savoir nécessaire à la production d'objets coulés en bronze, en particulier les haches depuis le début de l'Âge du bronze en Grèce, et du bronze selon la technique de la cire perdue, ou au martelage de tôles et à l'assemblage par soudure et rivets. La réalisation de reliefs dans la feuille de bronze leur posait des difficultés en raison de l'alliage qu'ils avaient eu coutume d'employer.

Jean-Claude Poursat précise que les Grecs ont commencé, au VIIIe siècle, à réaliser des imitations d'objets orientaux mais sans la forte proportion d'étain des originaux, d'une part, et que, d'autre part, ils ont commencé à pratiquer le martelage de la tôle au repoussé en suivant des procédés orientaux, réalisant de ce fait des produits orientalisants[90].

Plusieurs précisions de Claude Rolley au sujet des alliages étain-bronze de la période orientalisante permettent d'expliquer l'influence proche-orientale. Les bronziers du sud du Caucase et du royaume de l'Urartu, en particulier, connaissaient très tôt[91] divers types d'alliages de bronze, à l'arsenic puis à l'étain. Pendant l'âge du bronze, les principales sources d'étain qui existaient probablement en Iran ou en Afghanistan étaient exploitées et le minerai traité était exporté vers des ateliers de travail des métaux dans les régions de Mésopotamie et au nord de la chaîne du Kopet-Dag[92]. Ces produits ont circulé au Moyen-Orient. Les bronziers ont dû expérimenter plusieurs proportions cuivre/étain, ainsi que le plomb à ajouter au bronze selon le type d'objet et le procédé de fabrication, martelé ou coulé. Les différentes parties d'un objet, comme les protomés de chaudron, ont donc été fabriqués avec divers types d'alliage. La conclusion de Rolley est que les Grecs ont acquis ces connaissances métallurgiques spécialisées de l'Orient (par des objets importés de Syrie ou d'Urartu depuis le milieu du VIIIe siècle), pendant la période orientalisante, et plus précisément la pratique consistant à ajouter de grandes quantités d'étain (autour de 10% au moins en moyenne) dans la fabrication du bronze des chaudrons à sirènes et griffons[93].

Le bronze des chaudrons et boucliers orientalisants:

À la différence des chaudrons sur trépieds de l'époque géométrique, qui ont été produits en grande quantité, ceux de l'époque orientalisante sont peu nombreux et leur production disparait au cours du VIIe siècle. En Grèce (dans les sanctuaires de Crète, Delphes, Olympie ce sont les célèbres chaudrons à protomés de lions, de griffons, et avec des attaches de sphinx ou de sirènes. Des modèles similaires mais ayant été décorés sur la paroi de la cuve sont réalisés en Urartu au VIIe siècle et on en a retrouvé en Phrygie, à Chypre jusqu'en Étrurie[94]. Ceux avec protomés de griffons seraient une adaptation grecque basée sur un modèle du Moyen-Orient. Ils semblent avoir été des signes de pouvoir, de statut social et avoir fonctionné de la même manière en tant qu'objets votifs et prix au sein des élites, servant aussi de toile de fond, ou de centre "scénique" à des rituels collectifs. au Moyen-Orient§ des chaudrons sur support conique figurent dans des scènes de banquet assyriens. On a trouvé des chaudrons splendides dans une tombe de Gordion, en Phrygie. Ces derniers auraient contenu une boisson fermentée associée aux funérailles[95].

À côté de ces chaudrons, les fouilles du mont Ida, en Crète, à proximité des mines de fer, menées par l'archéologue Emil Kunze et publiées dans les années 1930, ont révélé un grand nombre de "boucliers", probablement non destinés à la guerre car avec des reliefs importants, et dont le style permet d’établir un lien avec des ateliers proches-orientaux. Les styles phéniciens y ont dominé au VIIIe siècle avant de se propager, avec leurs techniques, à toute la Grèce au VIIe siècle. Quant aux objets de style éclectique que les Phéniciens ont importé en Crète, ils étaient majoritairement de Syrie du Nord ou d'inspiration nord-syrienne[96].

Motifs orientalisants

Protomé d'un griffon, bronze martelé, avant le milieu du VIIe. Olympie

Parmi les nouveaux motifs peints sur la céramique, ou réalisés en bronze, trois types : animaux, végétaux et abstraits.

Animaux et mi-animaux, mi-humains : On voit apparaître tout un bestiaire syro-phénicien, des animaux comme le lion (qui n'est plus visible en Grèce à cette époque) et le taureau, ainsi que des monstres exotiques, en particulier les sphinxes et les griffons[97]. Quant au motif de protomé en « sirène », il est peut-être originaire d'Assyrie, et sa forme et ses dessins dérivent probablement de représentations du dieu Assur de l'Empire néo-assyrien (911-609). L'Assyrie connaissait aussi les gardiens de porte monumentaux, particulièrement saisissants, les lamassu, taureaux ou lions à tête humaine et ailés. Les motifs du génie-ailé, celui des Sept Sages (Apkallu), eux aussi ailés, y sont tout aussi récurrents.

Par ailleurs, l'idée de frise répétitive d'animaux est clairement orientale, mais le motif des chèvres sauvages qui n'apparait en Orient que dans des scènes de chasses, est une création de la Grèce de l'Est au troisième quart du VIIe siècle[98].

Végétaux : Une grande partie du répertoire végétal a encore tendance à être très stylisée. Les motifs végétaux tels que la palmette, le lotus et la vrille ou la volute, caractéristiques ensuite de la décoration grecque, ont été transmis depuis l'Eurasie.

Abstraits : L'art géométrique frappe par ses frises de grecques ou méandres, chevrons, croisillons et damiers, svastikas et triangles aux angles vifs, mais aussi des juxtapositions de lignes droites et des cercles concentriques ou encerclés de points. Mais on rencontre aussi des rosettes et des spirales tête-bêche en lignes.

Métopes du temple d'Apollon à Thermos. Deux femmes aux vêtements brodés. Peinture, v. 620. NAMA, Athènes

Humains : Alors que les humains, sur la céramique attique géométrique du début du VIIIe siècle, ont des bustes triangulaires mais de longues jambes aux lignes tendues comme des arcs, le décor orientalisant, quant à lui, multiplie les courbes souples qui apparaissent sur les personnages dès le milieu du VIIIe siècle. Les modulations des contours sont alors plus nuancés, la musculature simplement évoquée.

Scènes complexes Au VIIe siècle on assiste à une déferlante des motifs les plus divers, associant dérivés de végétaux et de formes abstraites, qui semblent collectionnés par les peintres avec un plaisir apparent, comme sur l'amphore protoattique du peintre de Polyphème. Des scènes complexes, éventuellement narratives, occupent des espaces circonscrits sur certains objets de luxe, à la manière de ce qui se pratiquait depuis longtemps au Moyen-Orient.

Dessin, restitution[99]: chaudron, ajouts grecs-modèles orientaux: sirène barbue, griffon, lion / socle conique Nord-Syrie, v. 700.
D. 65 cm[100].
Bronzes fin VIIIe -début VIIe siècle:En haut à dr.: griffon : bronze martelé, appartient au plus ancien groupe de protomé. Péloponnèse, influences néo-hittites. Olympie
Récipient en bronze repoussé d'Armou (district de Paphos) décoré d'une scène de chasse. VIIe siècle. Musée de Chypre.
Amphore funéraire protoattique du peintre de Polyphème. Ulysse et ses hommes aveuglent le cyclope Polyphème. H 142 cm; vers 650. Musée archéologique d'Éleusis

Narration et interprétation

Sur la célèbre amphore d'Éleusis du peintre de Polyphème, pour rendre les têtes des Gorgones encore plus effrayantes le peintre leur donne des têtes en forme de chaudrons, typiquement orientalisants avec leurs protomés de griffons. Ce qui donne à ces chaudrons un caractère particulièrement négatif. Pour Nassos Papalexandrou[101] Athéna, protectrice de Persée, tourne sa puissance contre les chaudrons orientalisants. À Éleusis, lieu où le vase a été déposé, Athéna aura évoqué la puissance voisine, Athènes et son sanctuaire sur l'acropole. Il est possible que de nombreux chaudrons au sanctuaire d'Éleusis offraient aux élites athéniennes l'occasion d'afficher leur pouvoir, et leur accès exclusif à esthétique orientalisante. Suivant le point de vue d'un groupe socialement ou politiquement dissident à Éleusis, le chaudron orientalisant aurait représenté un ordre politique dangereux, celui de ces élites au pouvoir excessif, qui devait être décapité comme Méduse par la puissance tutélaire d'Athènes, elle-même. Le vase pourrait correspondre à l'émergence de conflits au sein des élites grecques au VIIe siècle - la figure de Dracon aurait peut-être ici sa place, avec la maturation qui a précédé la promulgation de ses lois en 621, les premières lois écrites de la cité.

Procédés stylistiques : peintures, reliefs, sculpture, architecture

- La céramique dite « à figures noires » est mise au point en l'espace d'une génération, au milieu du proto-corinthien, vers 700-650[83]. Les figures sont peintes en aplats noirs, cuits, puis rehaussés après cuisson d'incisions qui en complètent le dessin. Avec le noir, d'autres couleurs peuvent être posées, mais il s'agit toujours d'argiles qui sont cuits. Cette invention grecque ne semble pas être autrement reliée à l'orientalisation que par le mouvement général d'innovations qui est entrainé par l'accélération des échanges multiples et intenses avec l'Orient.

- L'usage de moules en terre cuite inspirés du Moyen-Orient, permet de multiplier en argile les figurines données en ex-voto. Leurs légers reliefs conservent les décors, probablement brodés, sur les vêtements féminins de l'époque.

- Les reliefs, comme ceux produits par le métal repoussé déjà à l'époque géométrique, très en vogue en Phénicie ou Syrie et importés en Grèce, ont pu favoriser la recherche d'un certain naturalisme tel qu'il nous est parvenu avec les décors peints sur céramique[102].

- La sculpture monumentale et figurative orientalisante constitue le style dédalique, mot forgé sur le premier sculpteur capable de donner l'illusion de la vie, Dédale. Parmi les artéfacts survivants, les principaux effets sont observés dans la poterie peinte et les arts du métal. Dans la sculpture monumentale et figurative, moins affectée[103], le nouveau style est donc souvent appelé dédalique. Un nouveau type de visage est alors observé, en particulier en Crète [la « Dame d'Auxerre », Eleutherne en Crète centrale, 640-620], avec « le visage allongé, dont la forme triangulaire est adoucie en ovale régulier »[104], et qui provient du Proche-Orient[105].

- À partir du VIIe siècle, les anciens temples en bois sont progressivement remplacés par des structures en pierre ornées de sculptures architecturales, comme les reliefs du temple d'Athéna à Mycènes, vers 630, et de peintures sur terre cuite comme au temple C d'Apollon à Thermos, vers 630-620. Par ailleurs, la colonie corinthienne de Syracuse avait édifié un sanctuaire à Athéna orné de reliefs en terre cuite, peints de couleurs nuancées et vives qui reprennent les effets du style corinthien sur céramique à figures noires, avec rehauts de couleur, ici avec une gamme étendue de couleurs.

Céramique grecque de style orientalisant

Généralités

L’orientalisation dans la céramique apparait, plus ou moins successivement, dans plusieurs lieux qui correspondent à l’émergence de styles artistiques spécifiques aux cités émergentes. Ils se distinguent des styles régionaux hérités de la période géométrique. On voit l'émergence d'un esprit collectif propre à certaines cités naissantes par exemple dans les Cyclades, à Paros, à la fin du VIIIe siècle, se matérialiser sous la forme de la tombe collective de 160 soldats avec des indices de cérémonies funéraires en leur mémoire pendant deux siècles[106]. Anne Coulié précise :« [...] l’artisanat céramique à partir de la fin du VIIIe siècle connaît la tentation d’universalité que suscitent la mode orientalisante et la naissance d’images mythologiques. Or ces références communes se manifestent à travers le filtre d’identités communautaires. Ce paradoxe s’expliquerait par le grand changement politique du VIIIe siècle, l’essor de la polis ». Des styles locaux, apparus au géométrique, prospèrent précisément à l’époque orientalisante[86].

Il faut donc percevoir le rapport à l'Orient, non comme une influence mécanique et généralisée, mais comme le résultat de l'évolution interne de cités particulières qui les conduisent à s'inspirer de l'Orient pour mieux se démarquer les unes des autres[50]. Ainsi l'extrême diversité du répertoire oriental a fait l'objet, chaque fois, d'une appropriation sélective « pour construire une synthèse éclectique que nous appelons un style »[107].

La Grèce est un pays montagneux avec des contrastes forts entre les régions. Ainsi, à la différence de ces cités émergentes, en Grèce du Nord, en Épire et en Macédoine, la tradition des petits villages (kōmai) se poursuit. Ils ont une économie pastorale et pratiquent la transhumance vers les hauts plateaux. Ces territoires ont une organisation politique et sociale qui réunit plusieurs peuples (ethnē). Ainsi les Épirotes en Épire, les Macédoniens, mais aussi en Grèce centrale les Thessaliens et les Étoliens. Ces peuples peuvent être divisés en groupes plus petits jusqu'au niveau tribal, comme en Épire, les Chaones, les Thesprotes et les Molosses. Plusieurs de ces entités sont restés des royaumes, comme le royaume de Macédoine ou le royaume des Molosses, alors que les Thesprotes n'avaient pas de roi[108].

Périodisation de la céramique

Le style orientalisant dans la céramique se manifeste d'abord dans le protocorinthien (ancien vers 725-700, moyen 700-660 et récent ensuite jusqu'au corinthien transitionnel, vers 625 (limite hors période: Corinthien ancien, vers 625 et ensuite). Les ateliers ne passant pas d'un commun accord d'un style à l'autre, des décalages sont possibles entre des ateliers contemporains.

Par ailleurs si les grands vases funéraires sur les tombes de l'aristocratie de l'Attique avaient disparu autour du milieu du VIIIe siècle, les dépôts funéraires avaient continué à croitre à la fin du siècle avec la formation de la cité et la progression du nombre de personne ayant droit à des sépultures dans les nécropoles, exclusivement réservées à cet usage et placées hors les murs. Par contre, au VIIe siècle la domination de l'aristocratie semble en restreindre l'accès. À Argos le nombre de personnes inhumées dans des jarres s'accroit, mais avec peu ou pas d'offrande, et pourtant la société reste inégalitaire. Ce sont les temples qui témoignent d'un investissement important, et que l'on élève de plus en plus en pierres de taille[109].

Style protocorinthien, transitionnel et corinthien orientalisant

  • À Corinthe prend forme le style protocorinthien (ancien vers 725-700, moyen 700-660 et récent ensuite jusqu'au corinthien transitionnel, vers 630-610, et à la limite : Corinthien ancien, à partir de 625-620 avec de petits vases à figures noires (comme l’aryballe sphérique) de tradition orientalisante, tandis que de plus grandes pièces se distinguent de cette tradition[111],[112]) : invention de la céramique à figures noires, reprises par des incisions qui précisent les formes et inscrivent les détails. La céramique corinthienne a été la seule marchandise à être largement transportée pendant un siècle[83]. Les élégants petits vases à huile parfumée, les aryballes globulaires, les alabastres, ont donné à Corinthe la prédominance absolue sur ce marché. Les nombreux vases à parfums distinguent d'ailleurs très nettement Corinthe de l'Attique, plus centré sur les vases du banquet[113].

L'influence orientalisante y a commencé plus tôt qu'ailleurs, bien que la tendance y ait été de produire des vases plus petits et très détaillés dans ce style "protocorinthien" qui préfigurait la céramique à figures noires.

L'étude de plus en plus précise de la céramique, de ses décors et de ses formes, a permis d'établir une chronologie utile pour la datation d'un niveau archéologique ; le cas de la céramique corinthienne en est un bon exemple[114] :

  • Protocorinthien ancien 720-690 : apparition de l'aryballe ; les décors végétaux remplacent le décor géométrique ; les peintres tracent le contour des figures.
  • Protocorinthien moyen MPC I 690-670
  • Protocorinthien moyen MPC II 670-650 : invention de la céramique à figures noires. Cette technique de céramique grecque antique à figures noires va être généralisée dans le monde grec jusqu'au Ve siècle où elle est concurrencée par la céramique à figure rouges.
  • Protocorinthien récent LPC 650-630 : production de masse ; expériences de polychromie, dont des bruns, rouges et jaunes
  • Transitionnel TR 630-620/615
  • Corinthien ancient CA 620-615/595-590, moyen CM 595-590/570 et récent CR I 570-550, CR II après 550 . Production prolifique de vases à décor assez répétitif, figuré, souvent narratif et en couleurs, avec la technique de la figure noire. Mais elle est destinée à l'exportation et s'éteint face à la concurrence attique. L'influence de l'Orient est moins perceptible[115].

Style protoattique

La céramique de l'Attique se distingue des autres par le style « protoattique » (ancien (710-680), moyen (680-630), récent (630-600)[111]), et dès les premiers temps avec le peintre d’Analatos[117]. Mais cet atelier précis serait localisé à Égine, cité qui apparait aussi comme une rivale d'Athènes. La céramique d'Athènes est peu exportée. Une guerre entre les deux cités est très probable, et il semblerait qu'Athènes n'en soit pas sortie vainqueur. Or à cette époque, depuis Athènes, les amphores d'huile d'olive (du type dit « SOS »[118]) sont diffusées abondamment vers le bassin méditerranéen occidental. La cause de ce déclin apparent d'Athènes n'est donc pas total, mais se mesure par rapport à ce que produisaient les ateliers de céramique à l'époque géométrique et pourrait être sociale. L'étude des tombes d'Athènes semble indiquer le retour au pouvoir d'une forme d'aristocratie, qui aurait clivé la société entre aristocrates et paysans dépendants[119]. Les lois promulguées par l'aristocrate Dracon, en 621, bien que leur authenticité à la fin du Ve siècle soient aujourd'hui remise en cause, seraient en lien avec ces tensions sociales.

Ce style de décor sur la céramique peinte se manifeste par des rosettes, tresses, feuilles pointées, toutes formes venues d’Orient par la Crète et les Cyclades et qui incitent à une inventivité de plus en plus vive de motifs composites et nouveaux. L'orientalisation se manifeste aussi par des thèmes nouveaux : danseurs au son de la double flute, sphinx, scènes narratives tirées de l'épopée ou de la mythologie. Les potiers semblent avoir été leurs propres peintres et ne destinaient pas leur production à l'exportation. Par ailleurs, des styles concurrents sont apparus sans que cela corresponde à une « évolution » linéaire, au fil du temps[120].

La poterie attique de style orientalisant, protoattique, se distingue par ces motifs floraux et animaliers ; mais c'est aussi la première fois que des thèmes religieux et mythologiques grecs sont représentés dans la peinture sur vase. Les corps des hommes et des animaux sont représentés en silhouette, bien que leurs têtes aient été tracées par un contour ; les femmes sont représentées complètement dans le contour.

Style ionien des chèvres sauvages

Style des chèvres sauvages, Ionie. Détail de l'œnochoé Levy. Milet, v. 630.Louvre
  • Dans ce style ionien, dit des « chèvres sauvages », à Rhodes mais aussi à Milet et dans d'autres sites côtiers (640-630)[121] le décor joue sur la répétition des silhouettes d’animaux de profil, tandis que le champ est envahi de broderies copiées à des textiles, étoffes ou tapis produits de l'Est. Les motifs orientaux sont des fleurs et des boutons de lotus, des griffons et des sphinx, entre autres. Le motif qui domine est celui de chèvres sauvages paissant. Dans le même style, mais sans chèvres, d'autres motifs les remplacent comme une grorgone ou un cavalier, voire un sphinx, sur des plats.

Le style des chèvres sauvages est un terme moderne décrivant la peinture sur vase produite en Grèce de l'Est, à savoir les îles Ioniennes du Sud et de l'Est, entre vers 650 et 550. Des exemples ont été trouvés notamment sur les sites de Chios, de Milet et de Rhodes. Le style doit son nom au motif prédominant que l'on retrouve sur de tels vases : des frises de chèvres sauvages. Le style a développé la technique introduite à l'époque orientalisante consistant à mettre en valeur les têtes par une représentation relativement naturaliste et non par une quelconque stylisation créative (comme celle pratiquée à l'époque géométrique : une silhouette évocatrice par une stylisation singulière). Les peintres ont eu cette attention au détail, non seulement à la forme de la tête et des cornes de la capra aegagrus, mais aussi à l'ensemble de chaque figure. Ainsi, le style des chèvres sauvages a marqué une orientation des peintres grecs vers plus de naturalisme, avec des formes qui restent simplifiées, quelque peu stylisées, qui pouvaient être reproduites avec des variations de poses naturelles et un effet décoratif certain.

Les chèvres ne sont pas les seules créatures représentées sur de tels vases ; en commun avec d'autres poteries orientalisantes, on trouve également des lièvres, des lions, des chiens courants, des griffons et des sphinx, ainsi que des motifs de fleurs, et des motifs non figuratifs comme divers types de croix, de spirales et un motif en damier. La variété de l'ornementation permet de distinguer soigneusement un certain nombre de phases dans le développement du style qui à son tour a été utilisé pour dater la fondation des colonies grecques au Levant et en Afrique du Nord.

L'état excellent de l'œnochoe Lévy (Louvre[122]), mais aussi de nombreux vases de ce style, dont l'excellente production faisait le succès en Méditerranée, est déterminé par le lieu de leur provenance : il s'agit toujours de sanctuaires ou de nécropoles, jamais d'habitations et toujours dans le contexte d'un usage cérémoniel. Elles ont ainsi été préservées de tout usage quotidien. L'œnochoe Lévy provient ainsi d'un tombeau étrusque, à Vulci. Les motifs choisis en précisent l'arrière plan idéologique : autour de l'arbre de vie, qui apparait parfois, avec des fleurs et animaux, réels et mythologiques, on se place dans la sphère du rituel aristocratique méditerranéen, [et ces] vases se présentaient comme des moyens de transmettre une imagerie « royale » de tradition gréco-orientale[123].

Alors qu'Athènes s'oriente au VIe siècle vers l'utilisation délibérée de scènes figurées reflétant des attitudes civiques et religieuses, Corinthe prolonge les procédés et les décors mis au point auparavant. Ils reprennent la figure noire, plus précise que la céramique protocorinthienne en général, et abandonnent la plupart des décors orientalisants à l'exception importante des frises animales et des rosettes de remplissage, ainsi que l'essentiel des motifs floraux que d'autres artistes grecs allaient encore préférer longtemps. Enfin, le VIe siècle sera celui des styles à figure noire où Corinthe aura été l'initiatrice[125].

Style de Fikellura

Le style de Fikellura fait suite au style des chèvres sauvages, et initialement découvert à Rhodes (nécropole de Camiros). On y trouve moins d'œnochoé, mais les amphores à col y sont plus nombreuses. L'amphorisque, un petit vase à parfum plus répandu que l'aryballe, y fait son apparition. Ce style reprend un décor d'animaux avant de préférer des figures humaines ou un décor de fleurs stylisées.

Cyclades et Béotie

La poterie béotienne a eu aussi une phase orientalisante. Elle a été précédée par une phase subgéométrique où le style géométrique est mêlé de nouveaux motifs. Le pithos, un grand récipient servant à préserver les provisions, a souvent pris la forme d'une amphore. Il reçoit, en Crète ou dans les Cyclades des scènes d'action complexes sur le col, modelées et appliquées puis retouchées, tandis que les autres surfaces sont en général couvertes de décor animalier et géométrique. Le décor à Rhodes peut être aussi estampé à la roulette.

Le Sac de Troie, du musée archéologique de Mykonos, a probablement été composé au VIIe siècle. Son décor est tout à fait exceptionnel, par son sujet et par sa composition. Les scènes modelées sur la majeure partie de ce pithos adhèrent singulièrement à l'esprit même de l'épopée : « Il s'agit d'une poésie au passé, qui vient après un grand désastre, la fin violente de l'âge des « demi-dieux », disparus à jamais dans cette guerre d'extermination puis dans le retour catastrophique des grecs chez eux »[126]. Des gestes emphatiques et des maladresses, comme un bras armé considérablement disproportionné et qui tue un enfant peut d'ailleurs être vu comme une déformation expressive. Le Manuel de l'École du Louvre [127] précise : « Cette capacité à se représenter péjorativement est un ferment d'humanisme que la tragédie développera deux siècles plus tard. ».

Cyclades : Naxos, Paros, Mílos

Naxos : Un atelier naxien est célèbre pour ses décors "héraldiques", mais le principe de composition en "métopes" séparées par des bandes verticales remplies de filets caractérise aussi la production naxienne et aussi insulaire. La céramique de Naxos possède un argile rouge brique et l'engobe crème est épais. Le décor est d'abord monochrome, noir, puis les peintres introduisent progressivement d'autres couleurs, après le milieu du VIIe siècle, ton de chair, rouge, blanc et orange. La partie inférieure des vases est souvent remplie de ces filets à la mode protocorinthienne. La production d'un second atelier naxien, hors de Naxos, ou sous forte influence naxienne mais implanté dans les îles aura misé sur un décor entièrement linéaire[130].

La Crète, les Cyclades et la Béotie ne suivent pas de la même façon ce mouvement de références orientales. Ces lieux produisent en effet de grands pithoi, de grands vases de stockage au décor narratif en léger relief. Ceux-ci semblent rivaliser avec l'art du bronze travaillé au repoussé d'origine orientale, mais les motifs orientalisants peuvent être complètement absents. C'est le cas du pithos à la Prise de Troie[131]. Par contre la technique du repoussé est pratiqué en Crête dès le VIIIe siècle, comme d'autres techniques orientales. Un pectoral de cheval mettant en scène Héraclès et Géryon du sanctuaire d'Héra à Samos montre comment les parties non centrales peuvent être l'occasion de scènes bucoliques d'inspiration orientale et aurait été réalisé en Ionie, vers 620. En Crète centrale et de l'Est, l'absence de signe orientalisant a conduit à utiliser le terme de Protoarchaïque pour cette période[132].

La céramique « mélienne », bien attestée à Paros, constitue la production la plus abondante de la céramique orientalisante parienne et cycladique, soit Mílos, Délos, Páros, Sífnos, Tocra, Despotikó et Théra, du deuxième quart du VIIe siècle au deuxième quart du VIe siècle. La fin de la céramique « mélienne » (620-580) : dans la technique corinthienne adoptée tardivement, celle de la figure noire ou de la pseudo-figure noire, les peintres introduisent le bestiaire et le décor floral orientalisant. Les peintres de Paros ont aussi créé des visages féminins de profil, d'un simple trait, pur[133].

Crète

La céramique crétoise hérite de motifs et formes plus anciennes comme la jarre en forme de pithos, et certains motifs, comme la déesse aux oiseaux en Grèce orientalisante[135] ainsi que des décors linéaires, d'origine minoenne. Mais au VIIe siècle plusieurs modèles orientaux s'intègrent aux réalisations crétoises : chypriotes, proche-orientaux, égyptiens et grecs[136]. Par ailleurs les vases de Cnossos destinés aux morts se distinguent par leur polychromie non cuite. Enfin, la Crète se distingue aussi par ses emprunts au travail du métal, le chaudron en céramique peinte d'Héraklion en est un bon exemple.

Les références orientales peuvent s'entremêler de manière indistincte. Ainsi sur une bouteille crétoise à col plastique, le sphinx est d'inspiration égyptienne ou phénicienne, ce mélange de références peut être qualifié d'éclectique, tandis que la forme, la bouteille (lécythe) elle-même, est d'inspiration proche-orientale, notamment syrienne[137]. Cnossos est alors le centre de production le plus important de Crète.

Sculpture grecque : Le style dédalique et la Crète

Le style orientalisant en Crète se manifeste dans plusieurs domaines: la céramique et la sculpture. Le style dédalique y est un style propre à la Crète et clairement orientalisant. Mais le modèle égyptien a manifestement été utilisé sur d'autres kouroï et koraï, hors de Crète, comme la célèbre korè de Délos dédicacée par Nicandrè, qui suit presque exactement le « second canon » égyptien, alors que c'est un canon masculin en Égypte. Un certain nombre des kouroi et des korai archaïques ont suivi ce canon égyptien[138].

Au début du VIIe siècle, la statuette offerte à Apollon par Manticlos voit le montage de codes venus de l'époque géométrique, comme le buste triangulaire, avec de nouvelles formules dans la représentation du visage, ainsi la tête reprend en plus petit la forme triangulaire du torse. La Dame d'Auxerre aura conservé, vers 640, cette forme globalement triangulaire du visage, mais avec une courbure en ovale régulier, plus naturelle. De même, elle aura conservé les longues mèches verticales de la chevelure, traitées avec plus de volume et de précision que sur cette petite statuette.

Le rôle de la Crète semble avoir été essentiel dans la construction de ce style. Emblématique de cet apport crétois, la statue dite « la Dame d'Auxerre » rassemble toutes les conventions du style dédalique. En particulier le traitement du visage qui s'harmonise dans une courbe elliptique encore proche du triangle. Les yeux en amande occupent une place plus réduite qu'auparavant. Les lèvres esquissent un sourire. Le bas du corps disparait dans une robe fourreau qui rappelle les femmes en robes de la Triade de Dréros, au tout début du style orientalisant. La statue de la Dame d'Auxerre était peinte de couleurs vives, comme semblent l'indiquer les incisions gravées sur son vêtement[142]. Le bras gauche plaqué contre la cuisse, la main droite sur la poitrine, restera un geste codifié, « geste qu'il faut essayer de comprendre dans un contexte funéraire »[143]. Ce geste est aussi celui de la Coré de Thera, dans les Cyclades, haute de 2,30 m., et taillée dans un marbre de Naxos, mais d'une facture bien plus nuancée, dans un état de conservation excellent et datée vers 640[144].

L'architecture des sanctuaires en Grèce et son décor

Si les tombes de l'élite sont bien moins dotées qu'elles ne l'étaient auparavant, les sanctuaires et les temples bénéficient d'un investissement croissant. Pour cette période ce sont, en particulier, l'Hécatompédon à Samos, vers 660-650, et le temple de Prinias en Crète, vers 625-600. Les sanctuaires s'enrichissent d'offrandes vers la fin du VIIIe siècle et au VIIe siècle : le sanctuaire d'Artémis Orthia à Sparte, celui de l'Héraion d'Argos, celui de Pérachora, celui de Samos ou le temple d'Apollon à Érétrie après sa première phase, géométrique[109].

Cette époque voit se construire ou reconstruire quelques temples qui chaque fois prennent un aspect plus monumental, signe de la vitalité d'une cité. On a conservé quelques rares témoins de ces premières architectures en pierre, voire des chapiteaux de colonnes en pierre, alors que les supports étaient en bois.

Chapiteau éolique. Temple d'Athena, ancienne Smyrne (Izmir). VIIe siècleMusée d'Izmir

Le temple C de Thermon (ou Thermos), en Étolie, est un exemple remarquable dans la succession des usages d'un site devenu sanctuaire au VIIe siècle. Le site semble avoir été successivement une résidence de notable entre l'Helladique récent et les tout début de l'époque protogéométrique, ensuite transformé en lieu de culte d'un héros, fin XIe ou début Xe siècle, puis abandonné au IXe siècle et finalement dédié à un culte public, celui d'Apollon, fin VIIIe siècle, avant que le temple C ne soit édifié à la fin du VIIe siècle. C'est l'un des premiers temples bâti en pierres de tailles de la Grèce continentale. Il était rectangulaire (L. 40 m) et entouré d'une colonnade (peristasis) en bois. Des éléments du décor en terre cuite peinte, dont des métopes, ont été découverts. L'un d'eux présente la légende de Philomèle, fille de Pandion, le premier roi légendaire d'Athènes. Après avoir été violée par Térée, l'époux de sa sœur, Procné, le violeur lui coupe la langue. Mais elle brode le viol sur un tissus et communique ainsi avec sa sœur. Elles se vengeront... et seront finalement transformées en oiseaux par les dieux: une hirondelle et un rossignol. Le temple apparait ainsi comme un lieux de commémoration des légendes partagées dans l'espace grec[145].

Triade: Apollon entre Léto et Artémis (figurées nues et portant un polos). Temple archaïque d'Athéna[146] à Gortyne, milieu VIIe siècle. MA Héraklion

L'orientalisation imprègne certaines des premiers monuments "sacrés", quel qu'en ait pu être la fonction réelle au VIIe siècle. Le phénomène est particulièrement visible en Crète, et qui amène à des formes nouvelles mais qui seront sans suite. Le temple de Gortyne, bâti dans la seconde moitié du VIIe siècle, possède ainsi un plan unique dans le monde grec: il a plusieurs points en commun avec le petit temple de Médinet-Habou construit à Thèbes par Hatchepsout et Touthmôsis III. Tout d'abord, les dimensions des temples sont semblables, mais aussi le fait que le naos soit divisée, ici en six chambres, à Médinet Habou le naos est divisé en trois chambres, alors que dans le monde grec le naos est un espace unitaire. Ce modèle architectural est régulièrement utilisé en Égypte pour d’autres temples depuis le Nouvel-Empire, notamment dans le Delta, que les Grecs ont pu approcher depuis leur emporion de Naucratis, précisément situé dans le Delta[47]. À Gortyne la sculpture reflète aussi les modèles égyptiens. On y a découvert en effet un groupe sculpté du VIIe siècle, identifié comme Apollon entre Léto et Artémis, mais dont le prototype semble bien se trouver dans les triades égyptiennes (comme celles de Mykérinos) dont les coiffes complexes auraient trouvées un parallèle dans le polos local[147].

Olympie et Delphes deviennent aux VIIIe et VIIe siècles des sanctuaires panhelléniques. Le site d'Olympie aurait été, lui aussi, dès le Xe siècle dédié au culte d'un héros, Pélops. Des offrandes votives et des fondations en pierre datent du VIIIe siècle. C'est l'époque des premières compétitions gymniques et hippiques panhelléniques. Puis le VIIe siècle y voit s'élever le premier sanctuaire d'Héra[148]. Quant à la restitution de ces temples anciens, elle pose des difficultés qui ont fait l'objet d'une publication détaillée concernant le temple archaïque de l’Héraion d’Argos édifié au VIIe siècle. Ce travail est emblématique des difficultés rencontrées et de la réflexion soutenue pour proposer la restitution du plan initial de ces édifices[149].

Le « temple » de Prinias (Crète)

Selon une relecture de 2019 : « Les plaques sculptées de cavaliers doivent être, comme plusieurs spécialistes l’avaient déjà proposé, restituées en bas de l’édifice, à hauteur d’homme. [...] Une figure de déesse apparait sous plusieurs formes, et six fois, au niveau de l’entrée : deux fois, debout et nue, sur les montants verticaux d’une porte ; deux fois, debout et vêtue, sur le linteau au‑dessus de la porte ; deux fois, assise et vêtue, sur le linteau. [...] Les figures assises, quant à elles, doivent, contrairement à leur présentation au musée, être restituées de manière frontale sur la façade et non plus de profil, de manière à être bien visibles. »[150]. Des représentations de déesses nues qui, selon toute vraisemblance, flanquaient l'accès à l'édifice, seraient le produit d'un syncrétisme de l'Orient et de Grèce, des déesses protectrices, des Astartés. Quant aux deux représentations de la maîtresse des animaux, pour Jane B. Carter[151], « il s’agirait de divinités féminines liées aux forces nutritives et de régénérescence, notamment du monde végétal, dont l’iconographie trouverait des parallèles dans la déesse associée au rituel du marzeaḥ syro‑palestinien [lieu de réunion pour des confréries masculines qui se réunissaient dans le cadre de banquets au Levant]. De surcroît, sur le linteau, le motif des cerfs paissants trouve des parallèles précis dans les ivoires tant levantins (Samarie) qu’assyriens (Nimrud) ou encore de Syrie du Nord (Arslan‑Tash) tandis que la représentation orientalisante de panthères est fortement inspirée de modèles hittites. »

Pour J. B. Carter, les sculptures, plutôt que d’indiquer la nature religieuse de l’édifice comme temple, refléteraient l’utilisation du bâtiment par une élite guerrière, un espace dédié à des repas en commun et à un culte d'ancêtres héroïsés.

L'Héraion de Samos

Le premier Héraion de Samos, au VIIIe siècle, est hécatompédon, c'est-à-dire un « temple de 100 pieds », une construction étroite longue de 100 pieds, composée de murs en brique et d'une ligne de poteaux centrale qui soutenait la toiture par une charpente en bois. Au VIIe siècle un péristyle en poteaux de bois entoure le premier temple tout en gardant la ligne de poteaux centrale. Ce temple jouit à l'époque orientalisante d'une renommée internationale, comme en témoignent les offrandes d'origine anatolienne, assyrienne, syro-phénicienne, égyptienne. Son rayonnement donne alors à Samos un rôle essentiel dans la diffusion du phénomène orientalisant dans le reste de la Grèce. C'est dans ce contexte que nait l'ordre ionique au VIIe siècle. Il s'épanouira au deuxième quart du VIe siècle dans les grands temples diptères[153] de l'Ionie du Sud, Samos, Éphèse et Milet[154].

L'Artémision d'Éphèse

Au cours du VIIe siècle le temple d'Artémis à Éphèse n'est plus le petit enclos sacré de l'époque géométrique. Au second quart du siècle, un premier temple en pierre est construit, un des plus anciens de l’Égée à présenter un plan périptère. Dès le milieu du siècle la richesse des offrandes augmente considérablement. De telles offrandes sont clairement attribuées à l’action de la dynastie des Mermnades. Ceux-ci règnent alors sur la Lydie voisine[155],[156].

Images et sources littéraires perdues

De nombreux exemples ont été donnés de peintures sur céramique qui reprennent telle action des poèmes homériques, comme l'aveuglement du Cyclope par Ulysse et ses compagnons, sur l'amphore protoattique du peintre de Polyphème (amphore qui contenait les restes d'un enfant de 10 ans environ)[157].

Dès le VIIe siècle certaines peintures ou reliefs sur vases sont aussi évocateurs de textes qui venaient juste d'être composés et dont il ne nous reste, aujourd'hui, que des bribes. C'est le cas de l'Ilioupersis (la destruction de Troie), probablement composé au VIIe siècle. Ce poème épique appartient à ces textes que l'on nomme le « cycle épique », distinct par leur qualité moindre de l'Iliade et de l'Odyssée. Cette série de poèmes est aujourd'hui presqu'entièrement perdue, mais les auteurs classiques en ont donné des versions nouvelles dans les tragédies. Parmi ces textes perdus, les Nostoi (les retours des héros dans leur patrie, composé aux VIIe – VIe siècles) et d'autres apparaissent de manière moins visible sur les vases à l'époque orientalisante que la destruction de Troie. La scène de bataille de l'olpé Chigi est tout à fait exceptionnelle ; elle restitue probablement de manière assez réaliste un combat entre hoplites, sans que l'on puisse lui trouver de référence dans la littérature de l'époque. Par ailleurs, sur ce vase la suite des scènes correspond singulièrement à des moments chronologiques différents[158]. Enfin les Hymnes homériques, probablement composés eux aussi aux VIIe – VIe siècles, voire au Ve siècle et même après[159] sont à rechercher sur la belle surface des vases grecs.

Société

Le site du temple d'Héra à Pérachora, golfe de Corinthe
Certains vases à cosmétiques (fard ou poudre) sont décorés de figures féminines environnées de sphinx et d'animaux (comme cette pyxide. Corinthien moyen, v. 600-575)[160]

Sphinx et femme

Certaines caractéristiques de motifs orientaux importés dans la société grecque de cette époque ont été relevés récemment.

Le culte d'Héra à Pérachora a fait l'objet d'une étude qui en prouve la continuité du VIIIe au VIe siècle[161]. Avec d'autres lieux de culte d'Héra similaires, les motifs iconographiques peints sur les vases qui leur sont associés permettent d'approcher les représentations liées au mariage.

Catherine Cooper[162] fait remarquer que l'image du sphinx, très populaire dans la céramique corinthienne depuis le début du VIIe siècle, apparait seul ou par paires affrontées, parfois seul sur le vase mais souvent au sein d'une frise d'animaux, éventuellement exotiques, à côté d'oies, de lions et de panthères. Il n'apparait qu'exceptionnellement en interaction dans une scène. Il est rarement chassé par des hommes, mais alors comme une quelconque bête dangereuse.

Une poignée de vases le met en présence de femmes, dans des scènes singulières où il n'apparait pas dangereux. Ces vases ont tous été trouvés sur des sanctuaires dédiés à des divinités féminines, dont trois dédiés à Héra. Sur l'un de ces vases la figure de femmes assises semble bien en faire, comme dans les traditions orientales, une déesse ou une prêtresse. Ici le sphinx et la femme sont mis sur un pied d'égalité. Sa patte levée est rapprochée des figurations orientales à l'Arbre de vie, encadré par de semblables animaux, couple de sphinx ou de griffons, saisis dans un geste de vénération et de protection. La comparaison avec des dispositifs similaires à Chypre (vu comme intermédiaire entre l'Orient et la Grèce) est relevé mais écarté, il y a deux femmes assises et non pas une seule.

Ce dispositif n'est pas une interprétation-transposition fautive mais une construction utilisée dans le contexte grec pleinement maîtrisé. Le sphinx apparait ici comme le garant d'une union, lors d'un mariage ou enlèvement (cheir epi karpō) où la femme tient ce qui est interprété comme une couronne, tandis que son autre poignet est saisi par la main de l'homme, le tout en présence de deux divinités féminines. Au début du VIe siècle le couple sphinx-femme apparait dans d'autres sanctuaires dédiés à deux divinités féminines, ceux de Déméter et Koré et le sphinx, à l'origine issu de traditions orientales, semble être devenu une figure appropriée aux divinités féminines.

Clivages sociaux

À cette époque le type de société fondé sur la polis, traduit abusivement comme « cité-État » (le mot « État » étant anachronique), ne concerne pas toutes les régions: ainsi en Grèce du Nord, le royaume de Macédoine et l'Épire ne connaissent que de petites agglomérations non fortifiées, dites komai[163]. Dans le groupe des polis la distinction peut être faite entre les « modernes » et les « archaïques ». Cette distinction repose sur les définitions du citoyen, de l'homme libre et de l'esclave. Ainsi, après avoir pris possession de la Messénie les Spartiates ont créé une classe d'esclaves spécifique, les hilotes. On retrouve aussi, apparemment, des populations d'esclaves en Thessalie et en Crète. Les oppositions récurrentes pendant tout le VIe siècle entre les aristocrates et les autres trouveront des solutions différentes selon les cités en question. Dès Hésiode et jusqu'avec Solon les difficultés que rencontrent les paysans sont bien évoqués ; la précarité, l'endettement, la dépendance et la servitude restent des hantises constantes[164].

La théorie de l'explosion démographique à la fin VIIIe siècle a été remise en cause par celle du droit à sépulture. Un plus grand nombre d'aristocrates ou de gens aisés ayant accès au cimetière. Le taux de croissance serait ainsi plus homogène. On constate aussi qu'il n'y a pas de recul de l'habitat au VIIe siècle.

La société, essentiellement paysanne, évolue. Une personne de condition moyenne possède alors la terre d'un klèros, qu'elle transmet par héritage. C'est une tenure, une terre exploitée moyennant le paiement d'une redevance à son propriétaire, mais dégagée de toute obligation ; le propriétaire est le cultivateur[165],[166]. Alors que l'hectémore loue la terre qu'il travaille, c'est un métayer[167]. Julien Zurbach (2017) étudie la situation de la société grecque et la question de la dette, en particilier à la fin du VIIe siècle - avant la réforme de Solon en 594[168] - et si l'on peut ou non confondre hectémore et esclave pour dette[169]. Les prêts que pouvaient demander les pauvres auprès des riches mettaient en effet en gage leur propre personne et celle de leur famille.
Après la réforme censitaire de Solon les hectémores ont probablement été assimilés aux thètes[170], des ouvriers agricoles en quelque sorte. Quant à l'aristocratie de l'époque d'Hésiode, les basileis (« rois ») et le aristoi (« aristocrates »)[171], elle possède la terre et rend la justice - en se faisant "acheter" comme le remarque Hésiode[172].

Les paysans hectémores et leur famille, mais aussi toute personne endettée, pouvait donc être réduite en esclavage pour un loyer ou une dette non payée. Zurbach établit, après étude, que ce sont les cinq sixièmes de la récolte du paysan qui constituaient le loyer en question, à verser au propriétaire. D'autres statut coexistent à celui d'hectémore, les thètes, salariés agricoles, les esclaves en général et les hilotes, asservis aux Spartiates. L'essentiel des biens tirés de l'agriculture consiste en céréales, conservées dans les jarres, les pithoi.

En Attique, de 800 à 600, les populations d'hectémores les plus pauvres pouvaient essayer de survivre sur des terres marginales ou bien pouvaient émigrer - sauf que cette dernière option, largement ouverte à certaines périodes pour des raisons principalement politiques et militaires, n'était pas disponible à d'autres périodes, ou du moins pas disponible pour beaucoup[173]. Les terres marginales étant situées aux confins du territoire, ou simplement loin de la cité. C'était des terre à défricher[174].

En conséquence, la solution que choisissent certains Grecs pour fuir l'extrême pauvreté et le manque de terre, pour d'autres la recherche de débouchés commerciaux mais aussi les dissensions politiques entre des factions aristocratiques et le peuple civique en cours de formation, aura été la fondation de nouvelles polis, les apoikiai (des cités fondées outremer) que l'on a longtemps considéré comme une « colonisation grecque », en appliquant abusivement un concept moderne sur une réalité très différente, faite de multiculturalité et de cosmopolitisme[175]. Aujourd'hui on préfère le terme plus juste de « diasporas »: « mouvements de personnes, individuels ou collectifs, libres ou contraints », mais sans nostalgie du pays d'origine ni projet de retour. Le terme d'« essaimage » serait peut-être plus approprié[176],[177].

Si le commun des individus n'a laissé aucune trace dans le domaine funéraire, il n'en aura pas été de même d'une certaine élite civique, qui se sera distinguée au VIIIe siècle par des dépôts funéraires et au VIIe siècle par des dépôts votifs dans les sanctuaires, des dépôts souvent "exotiques", des orientalia[178]. L'objet, surtout exotique, oriental ou orientalisant, restait dans l'espace ouvert du sanctuaire et était alors un support de mémoire, mnèmata des donateurs[179]. Mais on a vu aussi que la Grèce a conservé le souvenir de leurs richesses dans les édifices de brique et de pierre, parfois ornés de sculptures au VIIIe siècle qui portent le nom du ou de la dédicante inscrit dans la pierre. Ces lieux de cultes civiques sont souvent élevés sur d'anciennes constructions dédiées au culte d'ancêtres prestigieux [180].

À l'inverse de la dureté de la vie imposée à certains, l'aristocratie de cette époque a aussi développé un goût du « luxe archaïque », l' habrosynè, legs oriental (lydien) - dont les objets « exotiques » mais aussi l'élevage des chevaux - qui toucha en particulier les cités de Grèce de l'Est. Il s'est agit d'un style de vie distinctif dépourvu, dès la fin du VIIe siècle, de toutes les connotations négatives qui seront celles attribuées au luxe, tryphè, après les guerres médiques (au début du Ve siècle) et nécessairement dans le climat d'hostilité permanente qui suivit. L'Orient fut alors vu comme une menace, et son luxe comme profondément débilitant.[181]

Références

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  16. Despina Pilides in Aruz, Graff and Rakic, 2014, p. 185
  17. Pour la période qui nous concerne, les premières d'entre elles en Italie du sud : Cumes (750-740), Rhêgion (730), Sybaris (720 ou 709-708), Crotone (708), Tarente (714 ou 706), Locres (673). En Sicile : Naxos (734), Zancle (740), Catane (729), Lentini (728), Syracuse (734-733 Thucydide ou 750 d'après l'archéologie), Megara Hyblaea (750), Gela (700-688).
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  38. Bronze assyrien d'Olympie : de haut en bas : 1. Une procession d'hommes. 2. Une figure féminine avec des hommes barbus des deux côtés 3. Deux hommes combattant une grue ailée et deux autres combattant une deuxième grue 4. Des cavaliers galopant. Dans une période postérieure (probablement le deuxième quart du VIIIe) le bronze a été réutilisé pour habiller une statue dédalique.
  39. Cette plaque servait de support à la fabrication de feuilles d'or et d'argent travaillé (avec insertion de verre ou d'émail multicolore) pour la réalisation d'objets votifs, en Égypte. Dans le contexte du sanctuaire archaïque d'Athéna à Milet, le relief en bronze de la déesse égyptienne Mut est un témoignage original venu de loin. Référence: Norbert Franken, 2013 [3]
  40. Dominique Barcat, « La diffusion des premières images de l’Égypte en Grèce », dans François Brizay, Les formes de l'échange: Communiquer, diffuser, informer, de l'Antiquité au XVIIIe siècle, PUR, (ISBN 978-2-7535-1994-7, SUDOC 163924856, lire en ligne), p. 167-185, avec une carte des vents et courants en Méditerranée de l'Est (repère 21) commentée.
  41. Wolf-Dietrich Niemeier, Greek sanctuaries and the Orient, in Joan Aruz and Michael Seymour, 2016, p. 237-250. Cet autre étudie plus particulièrement le sanctuaire panhellénique de Zeus à Olympie (objets étrangers venus de Phrygie, Chypre, Phénicie, Palestine/Transjordanie, Assyrie mais surtout Nord-Syrie) et l'Héraion de Samos (les mêmes, plus Lydie, Syrie, Babylonie, Urartu, Ouest-Iran, Caucase et Égypte).
  42. Étienne, Müller et Prost, 2014, p. 72.
  43. Concernant les sources d'étain il leur fallait, en partie, se tourner vers les Phéniciens qui allaient se fournir bien plus à l'Ouest : Mélanie Mairecolas et Jean-Marie Pailler, « Sur les « voies de l’étain » dans l’ancien Occident », Pallas, no 82,‎ , p. 139-167 (lire en ligne, consulté le ).
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  67. Gula est représentée avec son chien sur une stèle en bas-relief, kudurru, datée du XIIe siècle AEC, au Louvre. [7]
  68. « ἀμύμονος ἰητῆρος », Homère, Iliade [détail des éditions] [lire en ligne], IV, 194.
  69. Walter Burkert, 1995, p. 78.
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  71. Glenn Markoe, 1996, p. 47, qui évoque les métaux repoussés phéniciens.
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  85. Combat de Caeneus, roi des Lapithes, contre les centaures; ceux-ci l'enfoncent dans le sol à grands coups d'arbres qu'ils ont déracinés. Les arbres stylisés au fond signalent le lieu du combat.
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  88. Ces roulettes et molettes devaient être proches de celles reproduites dans cet article: Line Pastor, « Molettes et roulettes de potiers gallo-romains dans l’est de la Gaule », Revue d'Archéologie de l'Est, vol. 55, no 177,‎ , p. 287-297 (lire en ligne, consulté le ).
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  101. Nassos Papalexandrou, From lake Van to the Guadalquivir: Monsters and vision in the pre-classical Mediterrean in Joan Aruz and Michael Seymour, 2016, p. 267 (263-272.
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  134. « Les deux personnages représentés sur le col, souvent identifiés à Ariane et à Thésée, mais dont la gestuelle évoque plus généralement la symbolique du mariage et de la fécondité sont exécutés dans une autre technique celle du dessin au trait et en réserve, rehaussé d'incisions de contour », Anne Coulié, 2013, p. 268-269
  135. Cette déesse méditerranéenne, la Potnia ornithôn, est distincte de la Пότνια θηρῶν, Potnia Theron, qui ne devrait pas être confondue, elle aussi, avec la déesse protectrice du monde sauvage, Artémis : Christian Mazet, « La Пότνια θηρῶν ou les frontières de l’Autre. Réflexion archéologique sur la signification d’une image homérique en Grèce orientalisante », Kentron, vol. 32,‎ , p. 17-58 (lire en ligne, consulté le ).
  136. Anne Coulié, 2013, p. 267.
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  138. Dominique Barcat, 2012, p. 28 (repère numérique).
  139. Offrande de Manticlos à Apollon : Inscription de deux vers sur les jambes: « Manticlos m'a dédié au dieu à l'arc d'argent qui frappe au loin / avec la dîme (du butin?). Quant à toi, Phoibos, accorde-lui, en échange ta faveur »Bernard Holzman, 2010, p. 122
  140. Bernard Holzman, 2010, p. 128.
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  156. Le dernier membre de cette dynastie, Crésus (règne: 561 - 547/546), contribuera au luxe et au gigantisme du nouveau temple, premier temple diptère en marbre, construit autour de 550. Le prestige du sanctuaire tiendra longtemps à sa nouveauté, à son luxe et à ses reconstructions successive et jusqu'au temple du IVe siècle, gigantesque
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Bibliographie (ordre de parution)

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  • Anne Coulié, Mélina Filimonos-Tsopotou et Sophie Padel-Imbaud et Vassiliki Patsiada (participation), Rhodes : une île grecque aux portes de l'Orient : XVe-Ve siècle avant J.-C. [Louvre, 2014-2015], Somogy éditions d'art : Louvre éditions, , 359 p., 31 cm (ISBN 978-2-35031-489-1 et 978-2-7572-0883-0, SUDOC 181752824)
  • Anne Coulié, La céramique grecque aux époques géométrique et orientalisante XIe au VIe siècle av. J.-C., Picard, coll. « Les manuels d'art et d'archéologie antique », , 303 p., 29 cm (ISBN 978-2-7084-0926-2, SUDOC 170116905)
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  • Sabine Fourrier, « Chypre au VIIe siècle », dans Roland Étienne, dir., La Méditerranée au VIIe siècle av. J.-C. : essais d'analyses archéologiques [séminaire, Université Paris 1, 2004-2008], Paris, de Boccard, (ISBN 978-2-7018-0273-2, SUDOC 145397599, lire en ligne), p. 156-170.
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  • Roland Martin, L'art grec, Librairie générale française, coll. « Livre de poche », (1re éd. 1986) (ISBN 2-253-06573-0, SUDOC 00347707X)

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