Évasion
Une évasion est le fait pour un prisonnier de s'échapper de la prison où il est détenu. Les moyens qu'il est susceptible d'utiliser pour y parvenir sont, par exemple :
- la force (violences et/ou destructions),
- l'intimidation et les menaces (armes),
- la pure improvisation (une chance créant un contexte favorable),
- la ruse (parfois purement psychologique),
- une certaine préparation (parfois longue, organisationnelle et technique),
- une aide extérieure,
- des complicités intérieures (obtenues par menaces ou prévarication),
- l'usage de fausse décision de libération[1].
Dans le domaine financier et économique, on parle depuis les années 1980 environ d'« évasion fiscale ».
Droit
En France, l'évasion, définie dans le Code pénal, fait partie du droit pénal spécial[2]. L'évasion simple n'était pas réprimée avant la loi du [3]. Depuis cette loi, l'évasion simple (commise sans violence, effraction ou corruption) est réprimée, par l'article 434-27 du code pénal[4], de trois ans de prison et 45 000 euros d'amende, la peine pouvant être aggravée si l'usage de la violence, d'armes, de produits incendiaires, toxiques, explosifs ou de corruption est avéré[2]. La qualification pénale de l'évasion est large : elle inclut l'évasion lors d'une garde à vue, ou le fait de se soustraire à une mesure de surveillance électronique[2].
En Allemagne[5], en Autriche[6], en Belgique[7], au Mexique[8], aux Pays-Bas[9] et en Suède[10], la théorie du droit considère qu'il est de la nature humaine de vouloir être libre et de vouloir s'évader. Dans ces pays, les prisonniers qui s'évadent ne sont pas punis d'une peine supplémentaire s'ils le font sans enfreindre d'autres lois (utilisation de la violence, d'armes, etc.).
Le Mexique, par exemple, ne pénalise pas l'évasion en tant que telle depuis les années 1930 : le droit mexicain reconnait en effet l'aspiration à toute personne pour la liberté. De même, la loi y reconnait le droit de s'enfuir de la police pour éviter une arrestation[réf. à confirmer][11]. Toutefois, si l'évasion elle-même n'est pas un crime, le fait d'utiliser de la violence ou de la corruption pour s'évader est réprimé. De plus, les gardes de prison ont le droit de tirer à vue et de tuer toute personne tentant de s'évader[réf. à confirmer][11].
Dans son Répertoire de jurisprudence, Guyot (1728-1816) écrivait, à l'entrée « prison »:
« Un prisonnier qui verroit la porte de la prison ouverte, & profiteroit de la négligence du geôlier pour recouvrer sa liberté, seroit trop excusable d'avoir suivi le premier mouvement de la nature, pour devoir être puni ; mais si, retenu pour crime, il corrompoit le geôlier, & parvenoit à la déterminer à se sauver avec lui, dans le cas où ils viendroient à être repris, tous deux courroient le risque d'être punis de mort. »
Faits divers
De récents faits divers ont fait état, en France, d'évasions spectaculaires, où la technologie moderne remplace, par exemple, les « classiques » draps noués descendus le long de la muraille d'enceinte, les traditionnels coups de scie entamant l'acier des barreaux, et les rocambolesques percements de murs et de souterrains : il s'agit de l'usage des téléphones mobiles et de survol d'établissements pénitentiaires par hélicoptère (pilote pris en otage, ou — plus « intéressant » — petite amie d'un délinquant ayant pris elle-même pendant de longs mois des cours de pilotage). C'est ainsi que dans les investissements prévus par les autorités s'ajoutent aux équipements (tels que tessons de bouteilles fixés dans le ciment de la partie supérieure des murs d'enceinte, miradors, portes sécurisées électroniquement, caméras vidéo, etc.) les filets anti-hélicoptère couvrant les cours de prison par un maillage résistant et suffisamment serré pour empêcher tout hélitreuillage.
L'évasion peut être annoncée par le prisonnier et/ou particulièrement crainte par les gardiens, dans le cas d'opposant politique, d'ennemi ou d'ennemi public numéro 1. Elle peut être :
- solitaire,
- individuelle dans sa première phase et plus collective par des enchaînements de circonstances,
- le fait, dès le début, de tout un groupe.
Quelques évasions renommées
- 1414 : Évasion de la Tour de Londres de Sir John Oldcastle, personnage historique qui inspira partiellement Shakespeare pour son Falstaff.
- Latude à plusieurs reprises :
- : Napoléon Bonaparte depuis l'Île d'Elbe, lors des Cent-Jours (si tant est que l'on considère l'île en question comme une prison).
- : Napoléon III, du Château de Ham, dans la Somme.
- : Henri Rochefort, Paschal Grousset, Olivier Pain, Charles Bastien, Achille Ballière et François Jourde, du bagne de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.
- 1934 : Raymond Hamilton, l'un des compagnons de Clyde Barrow et Bonnie Parker[12],[13] qui fut repris puis exécuté sur la chaise électrique.
- : Au cours d'une révolte, plusieurs jeunes délinquants s'échappent de la Prison de Bastøy.
- : 55 jeunes détenus d'une maison de correction à Belle-Île-en-Mer s'évadent. Commence alors une chasse à l'enfant sur toute l'île qui sera à l'origine de la légende noire d'un bagne d'enfant[14]
- (1941-1944) : 34 prisonniers réussissent à s'échapper du Château de Colditz.
- : Opération Jéricho, bombardement de la prison d'Amiens par les Alliés pour tenter de libérer des Résistants ou opération tenant à cacher le débarquement imminent en Normandie[15],[16],[17]
- 1953 : Évasion d'Albertine Sarrazin de la prison Le bon pasteur à Marseille.
- : Nouvelle évasion d'Albertine Sarrazin, cette fois de la prison-école de Doullens dans la Somme.
- 11 juin 1962 : Evasion d'Alcatraz, Frank Morris et les frères Clarence Anglin et John Anglin prennent la fuite à bord d'un radeau de fortune après avoir creusé le mur de leur cellule.
- Jacques Mesrine à plusieurs reprises :
- : repris le lendemain,
- : jamais repris,
- : tentative d'évasion de complices/amis échouée.
- : Évasion d'Albert Spaggiari (cerveau du « Casse du siècle » de Nice en 1976), de la prison de Nice.
- : en Afrique du Sud, Tim Jenkin réussit à s'enfuir de la prison de Pretoria avec 2 autres détenus grâce à des copies de plusieurs clés que Jenkin a fabriquées.
- à 10 h 50, la « grande évasion » : première évasion mondiale en hélicoptère et double évasion en hélicoptère depuis une prison française, celle de Fleury-Mérogis (Essonne). Grâce à Serge Coutel, Gérard Dupré et Daniel Beaumont louent un hélicoptère dont le pilote, Claude Fourcade, est pris en otage alors qu'il pensait transporter de Paris à Orléans des hommes d'affaires.
- : en Irlande du Nord, 36 prisonniers de l'Armée républicaine irlandaise se sont évadés d'un complexe militaire britannique, le Maze, près de Belfast. Ce fut la plus grande évasion en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale et elle s'est déroulée dans la prison la plus fortifiée de l'Europe à l’époque.
- 1998 : évasion de Martin Gurule du quartier des condamnés à mort dans la prison d'Ellis, à Huntsville (Texas) (alias « Prison City »)[12],[13]. Martin Gurule fut retrouvé mort dans une rivière quelques jours plus tard[12].
- Pascal Payet, évadé à trois reprises des prisons françaises par hélicoptère :
- : repris le .
- : Antonio Ferrara s'évade de la prison de Fresnes à l'aide d'explosifs et de lance-roquettes[18]
- : organise l'évasion d'un ami, repris tous les deux en mai.
- : repris le .
- : 28 détenus s'évadent de la prison de Termonde (Belgique).
- : Près d'un millier de prisonniers, dont plusieurs centaines de talibans, se sont évadées de la prison de Kandahar, en Afghanistan, après une attaque armée très violente sur l'établissement.
- 13 avril 2013 : Rédoine Faid s'évade de la maison d'arrêt de Lille-Sequedin (Nord) à l'aide d'explosifs et après avoir pris quatre personnes en otage[19].
- : Joaquín Guzmán, dit « El Chapo » s’évade de la prison de haute sécurité d’Altiplano[20].
- : deux pilotes d'avion, condamnés à 20 ans de prison par la justice de la République dominicaine pour trafic de drogue dans le cadre de l'affaire Air Cocaïne, échappent à la surveillance de leur résidence surveillée en attente de l'appel et rejoignent la France avec l'aide du député européen Aymeric Chauprade et d'un criminologue.
- 1er juillet 2018 : Rédoine Faid, s'évade pour la seconde fois en hélicoptère Alouette du centre pénitentiaire du sud-francilien à Réau en Seine-et-Marne[21].
- 25 février 2021 : Évasion de la Croix-des-Bouquets en Haïti. 400 prisonniers s'évadent[22].
Dans la culture
Cinéma
- Le Joueur d'échecs (film, 1927) de Raymond Bernard : Caché dans un automate, un polonais veut fuir l'occupation russe.
- Les Chasses du comte Zaroff : (1932) évasion du repaire d'un psychopathe.
- La Grande Illusion (1937), de Jean Renoir, avec Jean Gabin et Marcel Dalio dans les rôles des deux évadés.
- Le Cheval de bois en 1950 de Jack Lee adapte le récit éponyme autobiographique d'Eric Williams, prisonnier dans un Stalag.
- Les Évadés de Jean-Paul Le Chanois nous fait suivre des prisonniers français qui arrivent à sortir d'Allemagne par la Mer Baltique.
- Un condamné à mort s'est échappé (1956) de Robert Bresson détaille les préparatifs et l'évasion du lieutenant Fontaine emprisonné au Fort de Montluc à Lyon.
- La Vache et le Prisonnier d'Henri Verneuil en 1959, raconte à partir d'un récit de Jacques Antoine basé sur des faits authentiques, comment monsieur Bailly put s'échapper d'Allemagne en compagnie de Marguerite, une vache.
- Le Trou (1960), de Jacques Becker
- La Grande Évasion (1963)
- Le Caporal épinglé de Jean Renoir reprend en 1962 le livre de récits d'évasions de Jacques Perret (écrivain).
- Les Damnés (1963), film de Joseph Losey avec Oliver Reed, montrant la tentative des « enfants radio-actifs », objet d'expériences… médico-pédago-militaires.
- Et pour quelques dollars de plus (1965), avec Clint Eastwood et Gian Maria Volontè dans le rôle du hors-la-loi évadé
- La Poursuite impitoyable (1966), avec Marlon Brando et Robert Redford
- Luke la main froide (1967), avec Paul Newman
- L'Astragale (1969), avec Marlène Jobert
- Papillon (1973), avec Steve McQueen et Dustin Hoffman
- Vol au-dessus d'un nid de coucou (1975), roman de Ken Kesey, adapté au cinéma par Miloš Forman, avec Jack Nicholson : évasion temporaire d'un hôpital psychiatrique
- Midnight Express, (1978), d'Alan Parker, basé sur l'histoire de William Hayes
- L'Évadé d'Alcatraz (1979), avec Clint Eastwood
- La Nuit de l'évasion (1981), de Delbert Mann. Tiré de l'histoire vraie des familles Wetzel et Strelzyk, qui ont fui la République démocratique allemande, en 1978, à bord d'une montgolfière.
- Nous ne sommes pas des anges (1990) Neil Jordan
- Le Fugitif (1993)
- Les Évadés (1994), avec Morgan Freeman et Tim Robbins
- Un monde parfait (1995), avec Clint Eastwood et Kevin Costner
- Divers « opus » de James Bond 007
- King Kong, la « bête » (très grand singe, devenu mythique depuis le film original) qui s'échappe en créant catastrophe sur catastrophe pour rejoindre la « belle » humaine, dont il est tombé amoureux.
- L'Instinct de mort et L'Ennemi public n°1, (2008) avec Vincent Cassel dans le rôle de Jacques Mesrine. Les films montrent plusieurs évasions du plus célèbre criminel de France.
- I Love You Phillip Morris, (2009) avec Jim Carrey, d'après l'histoire de vraie de Steven Jay Russell
- Les Chemins de la liberté, (2010), de Peter Weir
- Évasion (2013)
- Escape from Pretoria (2020)
Télévision
Livres
- 1845 : Le Comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas
- 1944 : Mes évasions de Serge Rousseau.
- 1946 : Mes évasions de Henri Giraud (militaire).
- 1947 : Le caporal épinglé de Jacques Perret.
- 1949 : Le cheval de bois d'Eric Williams
Musique
- Jailbreak, chanson d'AC/DC
- Je suis un évadé, chanson de Nuclear Device reprise par Ludwig von 88
- Le Gorille, chanson de Georges Brassens : le primate s'échappe de sa cage et « emmène un juge dans un maquis ».
Manga
- Stone Ocean, sixième partie de la saga JoJo's Bizarre Adventure de Hirohiko Araki : les héros parviennent à quitter leur pénitencier en Floride.
Notes et références
- http://www.lexpress.fr/actualite/societe/evasion-par-fax_493588.html L'express 06/2001 Évasion par fax
- LIVRE IV : Des crimes et délits contre la nation, l'État et la paix; TITRE III : Des atteintes à l'autorité de l'État; CHAPITRE IV : Des atteintes à l'action de justice; Section 3 : Des atteintes à l'autorité de la justice; Paragraphe 2: De l'évasion. (art.434-27 et suivants)
- http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=7FAE0CA5D69155CC2D9794F65E42C594.tpdjo10v_2?cidTexte=JORFTEXT000000249995&idArticle=LEGIARTI000006494475&dateTexte=20090914&categorieLien=id
- http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=7FAE0CA5D69155CC2D9794F65E42C594.tpdjo10v_2?idArticle=LEGIARTI000006418670&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20040309
- Judith Zubrin Gold, « Prison Escape and Defenses Based on Conditions: A Theory of Social Preference », California Law Review, vol. 67, no 5, , p. 1184, note 7 (lire en ligne [archive du ], consulté le )
- « Correctional Services in Austria » [archive du ], sur justiz.gv.at, Republic of Austria Federal Ministry of Justice, (consulté le ) : « Considerable attention is being focussed upon rights and obligations of prisoners [...] The violation of certain obligations of conduct is called a misdemeanour. Some misdemeanours are listed as examples: − Escape »
- « Pourquoi s'évader de prison n'est pas puni en Belgique? », sur RTBF Info, (consulté le )
- Mary Jordan et Kevin Sullivan, « Mexican Jailbirds Get to Fly for Free », The Washington Post, (lire en ligne [archive du ], consulté le )
- (nl) « Ontsnappen uit gevangenis is niet strafbaar », sur RTL Nieuws, (consulté le )
- (en) « Prison Escapes Still No Crime », Sveriges Radio, (lire en ligne, consulté le )
- Mary Jordan et Kevin Sullivan, Mexican Jailbirds Get to Fly for Free, Washington Post, 15 novembre 2002. Article ayant été récompensé par le Prix Pulitzer.
- Patrick Sabatier, « La folle cavale au Texas. 500 policiers traquent l'évadé du couloir de la mort de Huntsville », Libération, 2 décembre 1998. Lire en ligne.
- Joel Stein, Rooting for the Death-Row Fugitive Guy, Time, 14 décembre 1998.
- Lien: http://philippepoisson-hotmail.com.over-blog.com/article-la-bretagne-et-son-bagne-pour-enfants-77106905.html
- « Opération Jéricho : de l'intox! », L'Embrasement du monde : le forum de la Seconde guerre mondiale, (consulté le )Défend la thèse de l'intox
- Jack Fishman (trad. de l'anglais), Et les murailles tombèrent : Amiens, 18 février 1944, Paris, Robert Laffont, , 353 p. (ISBN 978-2-221-00945-1 et 2-221-00945-2, présentation en ligne).Défend la thèse de la technique d'évasion
- Jean-Pierre Ducellier, « Jéricho » : 18 février 1944, les secrets du bombardement de la prison d'Amiens, Abbeville, Paillart, , 757 p. (ISBN 2-00-199804-X, EAN 5552001998046, présentation en ligne).Défend la thèse de l'intox
- France 2, journal du 12 mars 2003
- « Evasion de Redoine Faïd en 2013 : le médiatique braqueur condamné à 10 ans de réclusion », sur Franceinfo, (consulté le )
- [1]
- « RECIT. "Ça a duré dix minutes en tout" : comment Redoine Faïd s'est une nouvelle fois évadé de prison », sur Franceinfo, (consulté le )
- https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210227-ha%C3%AFti-une-%C3%A9vasion-de-prison-fait-25-morts-%C3%A0-port-au-prince
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Ian Dear, Escape and Evasion. Prisoner of War Breakouts and the Routes to Safety in World War Two, Arms and Armour Press, , 192 p.
- Frédéric Ploquin, Ils se sont fait la belle, Le Livre de poche, , 448 p.
- Franck Sénateur, Incroyables évasions, La Manufacture de livres, , 213 p.
- Daniel Bilalian, Les Évadés, Presses de la Cité, 2016, 334 pages.
Articles connexes
- Plan Épervier
- mutinerie (hèmes connexes traités par les œuvres de fiction)