Anne d'Autriche (1601-1666)

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Anne d’Autriche
Illustration.
Portrait d’Anne d'Autriche, par Rubens (1625)
Titre
Régente du Royaume de France

(8 ans, 3 mois et 30 jours)
Monarque Louis XIV
Reine consort de France et de Navarre

(27 ans, 5 mois et 23 jours)
Monarque Louis XIII
Prédécesseur Marie de Médicis
Successeur Marie-Thérèse d’Autriche
Biographie
Dynastie Maison de Habsbourg
Nom de naissance Ana María Mauricia de Austria y Austria[1]
Date de naissance
Lieu de naissance Valladolid (Espagne)
Date de décès (à 64 ans)
Lieu de décès Paris (France)
Nature du décès Cancer du sein
Père Philippe III d’Espagne
Mère Marguerite d'Autriche-Styrie
Conjoint Louis XIII de France
Enfants Louis XIV
Philippe de France
Religion Catholicisme

Signature de Anne d’Autriche

Anne d'Autriche (1601-1666)
Reines consorts de France

Ana María Mauricia[1][2], infante d’Espagne, infante de Portugal, archiduchesse d’Autriche, princesse de Bourgogne et princesse des Pays-Bas, née le 22 septembre 1601 à Valladolid en Espagne et morte le 20 janvier 1666 à Paris d’un cancer du sein, est reine consort de France et de Navarre de 1615 à 1643 en tant qu’épouse de Louis XIII, puis régente de ces deux royaumes pendant la minorité de son fils (de 1643 à 1651).

Elle est la fille du roi Philippe III (1578-1621), roi d’Espagne (1598-1621) et de l’archiduchesse Marguerite d'Autriche-Styrie (1584-1611). Elle est la mère de Louis XIV, le « roi Soleil », et de Philippe, duc d’Orléans.

Enfance

Anne est l’aînée du couple royal espagnol. Contrairement à l’usage du temps qui prônait une séparation des enfants de leurs parents, Anne mène une vie calme et ordonnée, entourée de l’affection de sa famille[3]. Elle grandit au palais royal de l’Alcázar à Madrid où ses parents, très pieux, lui donnent une forte éducation religieuse. La jeune Anne visite des couvents et passe des journées entières penchée sur des reliques. Elle s’attache à ses frères et sœurs et plus particulièrement à Philippe (futur Philippe IV d’Espagne) et à Marie-Anne. Mais la famille royale espagnole subit un drame en 1611 : la reine Marguerite meurt subitement à l’âge de 27 ans en mettant au monde son huitième enfant. Malgré son chagrin, la jeune infante s’occupe de ses frères et sœurs, qui l’appellent « Maman. » Elle peut tout de même se reposer sur l’attention que lui porte le roi, son père[4].

Il faut noter que cette enfance choyée est à l’opposé des relations conflictuelles que connut le futur Louis XIII avec sa propre mère, Marie de Médicis.

Un mariage politique

L'échange des princesses à la frontière pyrénéenne, Anne d'Autriche (à droite) part épouser le roi de France, tandis que Elisabeth de France (à gauche) part épouser le roi d'Espagne, par Pierre Paul Rubens, en 1622, musée du Louvre

C'est la Cour espagnole qui prend l'initiative de proposer le double mariage franco-espagnol[5]. Henri IV qui considère les Habsbourg comme ennemi héréditaire, tergiverse et songe plutôt à marier son héritier à Nicole de Lorraine, héritière des Duchés de Lorraine et de Bar, ce qui donnerait naturellement pour frontières à la France le massif vosgien (sans parler de la riche production de sel). Mais à sa mort, sa veuve, Marie de Médicis, soutenue par le parti dévot, assume un retournement de politique, faisant de l'alliance espagnole un gage de paix entre les deux grandes puissances catholiques. De son côté Philippe III espère que la présence de sa fille à la Cour de France sera un atout pour soutenir les intérêts de l'Espagne et donne à sa fille des instructions secrètes[6].

Fiancée à l'âge de dix ans, Anne épouse par procuration du duc de Lerme, le 18 octobre 1615 à Burgos, Louis XIII, fils de Henri IV, roi de France et roi de Navarre, et de Marie de Médicis. Le même jour, à Bordeaux, Elisabeth, sœur de Louis XIII, épouse par procuration du duc de Guise l'infant Philippe, frère d'Anne, futur Philippe IV d'Espagne. Les princesses ont ensuite été "échangées" sur l'île des Faisans, située sur la Bidassoa, près d'Hendaye. Le véritable mariage en France d'Anne d'Autriche et Louis XIII est célébré à Bordeaux le 21 novembre suivant.

Bien que les jeunes mariés n'aient que quatorze ans, Marie de Médicis, alors régente, ne veut pas qu'on puisse remettre en question cette union et s'ingénie à ce que ce mariage soit immédiatement consommé, ceci, pour des raisons politiques. Cependant, du fait de l'inexpérience des mariés, la nuit de noces semble s'être assez mal passée[7].

Le jeune roi l'a vécue comme une véritable humiliation. Il en gardera longtemps rancune contre sa mère, mais surtout, il ne s'approchera plus de son épouse pendant les quatre années suivantes[8].

L'épouse espagnole

Anne d'Autriche peinte par Rubens en 1622

Installée dans les appartements du Louvre avec sa suite, Anne d'Autriche reçoit tous les égards dus à son rang mais est délaissée. D'une part, Marie de Médicis continue à porter avec hauteur le titre de reine de France, sans la moindre déférence à l'égard de sa belle-fille[9]. D'autre part, Louis XIII continue de se désintéresser d'elle, bien qu'elle soit considérée comme une belle femme. Il est vrai que le roi a une nature complexe et sa timidité l'empêche de s'accorder avec elle. Entourée par une petite cour peuplée d'une centaine de dames espagnoles, elle continue à vivre à la mode espagnole et son français est encore très hésitant. Anne éprouve ainsi des difficultés à communiquer avec sa nouvelle famille. Enfin, Anne d'Autriche partage avec son époux une timidité et une inexpérience qui n'arrangent pas la situation.

Il faut attendre l'assassinat de Concini et le coup d'État de Louis XIII contre sa mère en 1617 pour voir les choses évoluer. Conscient du problème diplomatique et dynastique que cause l'indifférence du roi à l'égard de la reine, le duc de Luynes, nouveau favori, tente d'y remédier. Tout d'abord, il fait chasser la cour espagnole d'Anne d'Autriche et remplacer les dames d'atours espagnoles par des Françaises. La comtesse de Torre, surintendante de la Maison de la Reine, est remplacée par Marie de Rohan, la propre femme du duc de Luynes (la future duchesse de Chevreuse). On trouve également dans son entourage la princesse de Conti, Madame du Vernet (une sœur de Luynes et Gabrielle-Angélique de Verneuil, la fille d'Henri IV et d'Henriette d'Entragues). Le duc organise des rendez-vous intimes entre Anne et le roi. Sous l'influence de Mme de Luynes, la reine commence à s'habiller et à se comporter comme une Française. On lui fait porter des décolletés. Elle ne portait jusque-là que des robes espagnoles qui ne laissaient voir aucune partie du corps. On considérait d'ailleurs Anne comme trop rigide et trop prude. Au printemps 1619, Luynes finit par forcer le roi à coucher avec la reine[10]. À partir de ce moment, les relations entre Anne et Louis XIII ne cesseront de s'améliorer et Louis restera longuement à son chevet lors de sa grave maladie en janvier 1620. Toutefois cette idylle n'ira pas jusqu'à faire admettre Anne au Conseil, alors que la reine-mère y siège. Anne d'Autriche n'a donc aucune possibilité de jouer le rôle politique qu'en attend son père.

La mésentente

Sous l'influence de la duchesse de Chevreuse

Anne d'Autriche en costume de sacre (portrait des années 1620)

La lune de miel dure peu. La mésentente s'installe à nouveau entre les souverains. Tout d'abord, Anne fait plusieurs fausses couches qui mécontentent le roi. Le 14 mars 1622, alors qu'elle joue avec ses dames d'atours dans les galeries du Louvre mal éclairées, Anne bute contre une estrade et fait une fausse couche. Louis XIII est furieux contre elle, mais plus encore contre Mme de Luynes impardonnable à ses yeux d'avoir entraîné la reine enceinte dans une telle imprudence[11]. À partir de cette époque, le roi supporte de plus en plus mal l'influence déplorable que Mme de Luynes exerce sur son épouse. L'antipathie de la duchesse pour le roi est réciproque et lourde de conséquences pour le couple royal. La situation se détériore d'autant plus que le duc de Luynes, responsable de l'entente conjugale, est mort l'année précédente et que le roi est accaparé par la guerre contre les protestants.

Le roi écarte pour un temps Marie de Rohan en lui retirant les fonctions de surintendante auprès de la reine. Mais son remariage avec le duc de Chevreuse, un membre de la puissante Maison de Lorraine, la rend intouchable. Anne continuera de fréquenter la duchesse ou à correspondre avec elle lorsqu'elle en sera réduite à l'exil. La duchesse qui n'aime pas le roi aura une influence pernicieuse sur Anne[12].

L'affaire Buckingham

En 1625, une alliance matrimoniale est conclue entre la France et l'Angleterre. Le 11 mai Henriette, sœur de Louis XIII, épouse par procuration le nouveau roi d'Angleterre Charles Ier. Le duc de Buckingham, favori du feu roi, est chargé d'escorter la princesse. Selon l'usage, la Cour de France accompagne Henriette jusqu'à la frontière. Anne d'Autriche est du voyage ainsi que la reine-mère (Louis XIII est resté à Paris). C'est au cours de ce voyage que Buckingham fait une cour pressante à Anne. À l'étape d'Amiens, la duchesse de Chevreuse s'arrange pour isoler Anne et Buckingham du reste de la Cour. Ce dernier se montre entreprenant, Anne pousse un cri... La suite royale accourt alors que Buckingham s'éclipse.

Rien de fâcheux ne s'est passé. Mais l'incident fait le tour des Cours européennes et touche fatalement l'amour propre de Louis XIII, alors que les relations conjugales du couple sont déjà tendues. Buckingham se voit interdire le sol français. Plus tard La Rochefoucauld inventera dans ses mémoires cette histoire de ferrets offerts au duc[13], laquelle sera reprise par Alexandre Dumas dans Les Trois Mousquetaires

L'adversaire de Richelieu

Des époux profondément brouillés

La mésentente perdure entre les souverains, pour deux raisons.

  • La première est l'absence d'héritier direct après seize ans de mariage. Cette situation fragilise la dynastie, car la reine-mère Marie de Médicis ou le frère du roi Gaston de France, héritier présomptif, échafaudent des intrigues à l'intérieur ou à l'extérieur du royaume.
  • La seconde est la présence, au plus près du roi, de son ministre Richelieu, qui mène la lutte contre la Maison d'Autriche dont Anne est issue. Or si celle-ci n'a pas d'influence politique (elle ne participe pas au Grand Conseil), elle n'en reste pas moins proche de sa famille espagnole et ressent une hostilité vis-à-vis du ministre qu'elle partage avec le parti dévot et les Grands du royaume.

Toujours sous l'influence néfaste de la duchesse de Chevreuse, la reine se laisse entraîner dans l'opposition, défiant la politique absolutiste du cardinal de Richelieu, nouveau Premier ministre du roi à partir de 1624. La duchesse de Chevreuse la compromet dans plusieurs complots contre celui-ci. Plusieurs rumeurs de trahison visent la reine, mais sans réel élément à charge, notamment concernant sa participation aux conspirations de Chalais, puis de Cinq-Mars.

La Reine entre deux feux

Anne d'Autriche montant à cheval, par Jean de Saint-Igny, Versailles

En 1635, la France déclare la guerre à l'Espagne, plaçant Anne d'Autriche dans une position encore plus délicate. En effet, la correspondance secrète qu'elle entretient avec le roi d'Espagne Philippe IV, son frère, va au-delà des nécessités de la simple affection fraternelle. Deux ans plus tard, en août 1637, Anne est suspectée. Sur l'ordre de Louis XIII, une enquête policière est menée sur les activités de la Reine. On perquisitionne le monastère du Val-de-Grâce où Anne a l'habitude de se réfugier. Comble de l'humiliation, Louis XIII l'oblige à signer des aveux concernant cette correspondance, et son courrier est désormais ouvert[14]. Son entourage est épuré (la trop remuante duchesse de Chevreuse doit s'enfuir en Espagne) et ses sorties surveillées.

Une naissance tardive

Malgré ce climat de méfiance, la reine est enceinte peu après[15]. Plusieurs mémorialistes attribuent ce rapprochement inespéré des deux époux à un orage providentiel qui, empêchant Louis XIII de rejoindre Saint-Maur, l'aurait forcé à passer la nuit chez la reine, au Louvre, mais la chronologie dément cette rumeur, puisqu'elle indique que le couple royal séjournait à Saint-Germain lors de la semaine du 23 au 30 novembre 1637 (semaine présumée de la conception de Louis XIV)[16].

D'autres attribuent cette naissance aux nombreux pèlerinages que la souveraine effectua à l'église Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle dont elle avait elle-même posé la première pierre en avril 1628, sur l'emplacement d'une ancienne chapelle de l'Annonciation détruite par la Ligue en 1591.

Après deux (ou quatre) fausses couches, Louis Dieudonné naît le 5 septembre 1638, à Saint-Germain-en-Laye. Mais cette naissance, suivie d'une deuxième, ne suffit pas à rétablir la confiance entre les deux époux.

La Régence

La régente Anne d'Autriche et ses deux fils par Champaigne

Les débuts

Jeton dont l’avers est à l’effigie d’Anne d’Autriche et le revers à celle de Louis XIV, années 1643-1646.

Richelieu meurt le 4 décembre 1642, suivi par Louis XIII le 14 mai 1643. Selon la tradition, Anne d'Autriche est nommée régente du royaume (le 18 mai 1643). Pourtant, Louis XIII, qui n'avait aucune confiance en la reine et en son frère, avait préalablement organisé auprès d'elle un Conseil de régence comprenant outre Monsieur et Henri de Condé en tant que premier prince de sang, les ministres de Richelieu : Mazarin, Le Bouthiller, Chavigny et le chancelier Séguier. Les décisions doivent être prises à la pluralité des votes. Cinq jours après la mort de son mari, et avec l'aide du chancelier, Anne convoque le parlement de Paris en lit de justice et fait casser le testament de Louis XIII, qui limitait ses prérogatives. Ces Messieurs du Parlement en profitent pour stigmatiser l'absolutisme du règne précédent, augurant des révoltes futures de l'Institution.

La régente quitte alors les appartements incommodes du Louvre et s'installe au Palais-Cardinal, légué par Richelieu à Louis XIII, pour profiter du jardin où peuvent jouer le jeune Louis XIV et son frère. Le Palais-Cardinal devient le Palais-Royal.

À la stupéfaction générale, elle nomme le cardinal Mazarin, déjà présent dans le Conseil de régence, comme son principal ministre. On la soupçonnera d'ailleurs d'avoir ultérieurement contracté un mariage secret avec lui, sans qu'aucun élément probant fût jamais apporté[17]. Anne écarte Le Bouthillier et son fils Chavigny, mais garde Séguier. La faveur de Mazarin et la poursuite de la guerre contre l'Espagne engendrent des déceptions parmi les Grands du royaume. Anne marque aussi une distance vis-à-vis de ses amies (la duchesse de Chevreuse, Marie de Hautefort) rentrées d'exil.

Une première cabale menée par le duc de Beaufort est matée par Mazarin. Beaufort est envoyé en prison et ses comparses sont réduits à l'exil.

Inexpérimentée, la Régente a l'intelligence de s'appuyer sur les avis de son ministre et de le soutenir. Prenant conscience qu'elle se doit de laisser à son fils un royaume fort, elle adhère à la politique d'abaissement de la Maison d'Autriche que Mazarin poursuit sur les traces de Richelieu. Mazarin prend également en charge l'éducation politique et militaire du jeune roi, Anne se réservant l'éducation religieuse et morale.

Les révoltes

Anne d'Autriche en habits de veuve, par Charles de Steuben, Versailles

Face à la révolte du Parlement, Anne d'Autriche est tentée d'employer la force, mais Mazarin lui conseille la modération. En janvier 1649, la reine-mère et son fils quittent Paris pour Saint-Germain et laissent Condé investir la capitale. L'apaisement obtenu par le traité de Saint-Germain est fragile et n'évitera pas la révolte des princes, puis l'alliance des deux Frondes instaurant une guerre civile qui va durer jusqu'en 1652.

Durant ce long conflit, Anne d'Autriche accompagne son fils dans une vie itinérante aux hasards des campagnes. Elle s'appuie sur Mazarin qu'elle soutient, y compris pendant les deux exils volontaires de ce dernier, et ceci malgré les humiliations et les pamphlets perfides qui l'atteignent personnellement.

Le 5 septembre 1651, Louis XIV atteint la majorité fixée à treize ans. Deux jours plus tard devant le Parlement, Anne d'Autriche transmet officiellement les pouvoirs régaliens à son fils qui lui répond :

« Madame, je vous remercie du soin qu'il vous a plu de prendre de mon éducation et de l'administration de mon royaume. Je vous prie de continuer à me donner vos bons avis, et je désire qu'après moi vous soyez le chef de mon Conseil »

Anne continuera à siéger auprès du roi jusqu'à la mort de Mazarin en 1661.

Fin de vie

Dernier portrait d'Anne d'Autriche, par Nanteuil

En 1661, après le décès de Mazarin, elle devient le principal soutien de la Compagnie du Saint-Sacrement, et se retire régulièrement au Val-de-Grâce, bien que toujours tenue en vénération par son fils. D'ailleurs ce qui fait l'originalité de cette famille royale, c'est l'adoration (excessive, pour des princes de cette époque) qu'ils se portent entre eux, adoration renforcée par l'épreuve de la Fronde. En effet, si Louis a conservé son trône, c'est grâce à sa mère et Mazarin, il en est parfaitement conscient. Il leur voue donc une dévotion éternelle et un profond respect. De plus, Anne, contrairement à sa belle-mère envers Louis XIII, n'accapare pas le pouvoir. Lorsque son fils devient un homme, elle lui laisse l'entière responsabilité des affaires, avec l'aide de Mazarin. Elle n'avait plus le goût de la politique, et Louis XIV la remercia pour avoir su se retirer au bon moment.

Pourtant, elle continue à se préoccuper des mœurs de son fils aîné, et de la rapidité avec laquelle il délaisse son épouse. Il s'ensuit de grandes querelles entre Anne et Louis. Parfois, elle souffre d'être peu écoutée par le roi, qui la consulte de moins en moins. Cet éloignement est plus du fait d'un « fossé des générations », que d'un manque d'affection. Louis XIV dans la force de sa jeunesse, en dehors des affaires, ne pense qu'aux fêtes et aux plaisirs de toutes sortes, charnels, danse, théâtre... Tandis qu'Anne sentant sa fin arriver devient très pieuse. Mais elle n'est pas que cela : elle aime aussi s'amuser, écouter la musique, apprécie la comédie (quand celle-ci n'entre pas en conflit avec la religion) et protège les arts. Malgré les brouilles, les liens entre Anne et ses deux fils ne cessent d'être fusionnels.

Anne, qui a toujours joui d'une bonne santé, est atteinte d'un cancer du sein à 64 ans et s'éteint le 20 janvier 1666. Le roi, qui attendait dans l'antichambre pendant l'agonie de sa mère, s'évanouit en l'apprenant.

Alors qu'un conseiller tente de réconforter Louis XIV en lui disant « Ce fut une Grande Reine ! », Louis répond solennellement : « Non monsieur, plus qu'une Grande Reine, elle fut un Grand Roi ». Ultime et émouvant hommage d'un fils qui devait tant à sa mère[18].

Les contemporains expriment également leur admiration, comme (Mlle de Scudéry), auteur des vers suivants :

« Elle a su mépriser les caprices du sort
Regarder sans horreur les horreurs de la mort
Affermir un grand trône et le quitter sans peine
Et pour tout dire enfin, vivre et mourir en reine »

Peu avant de mourir, elle demande expressément à ne se faire retirer que le cœur qui est porté à la chapelle Sainte-Anne (nommée la « chapelle des cœurs » renfermant les cœurs embaumés de 45 rois et reines de France) de l'église du Val-de-Grâce. En 1793, lors de la profanation de cette chapelle, l'architecte Louis-François Petit-Radel s'empare de l'urne reliquaire en vermeil contenant notamment le cœur d'Anne d'Autriche, le vend ou l'échange contre des tableaux à des peintres qui recherchaient la substance issue de l'embaumement ou « mummie » – très rare et hors de prix – alors réputée, une fois mêlée à de l'huile, donner un glacis incomparable aux tableaux[19].

Descendance

Ascendance

Fiction

Statue d'Anne d'Autriche dans la série Reines de France et Femmes illustres du jardin du Luxembourg.
  • De nombreux opuscules, provenant le plus souvent des Hollandais, alors fortement hostiles à la France, affublent la reine d'une liste impressionnante d'amants. La principale source de ces marottes est un petit livre attribué à un certain Pierre Le Noble, assez rare, imprimé à Cologne en 1692, sous ce titre : Les amours d'Anne d'Autriche, épouse de Louis XIII, avec M. le C. D. R., le véritable père de Louis XIV, roi de France; où l'on voit au long comment on s'y prit pour donner un héritier à la couronne, les ressorts qu'on fit jouer pour cela, et enfin le dénouement de cette comédie[20]. Aucun historien sérieux ne donne crédit à ces accusations fantaisistes. Cette hypothèse a d'ailleurs été réduite à néant depuis la confrontation génétique entre l'ADN de la tête d'Henri IV et le sang de Louis XVI recueilli dans une gourde, qui a montré une filiation directe par les pères, donc une absence de filiation adultérine entre ces deux souverains français[21].

Notes et références

  1. a et b Son nom espagnol complet est Ana Ana María Mauricia de Austria y Austria (maison de Habsbourg).
    Elle tient ses noms de son père Philippe III (de son nom de naissance, Felipe de Austria y Austria) et de sa mère Marguerite d’Autriche-Styrie (à sa naissance, Margarita de Austria-Estiria)
  2. L’utilisation de la forme francisée « Anne d’Autriche. »
    De la même manière, son nom complet serait en français Anne Marie Maurice d’Autriche.
  3. Ruth Kleinman, Anne d'Autriche, Fayard 1993 (trad.) p.26
  4. Pour mon fils, Pour mon Roi, Philippe Alexandre et Béatrix de l’Aulnoit
  5. François Tommy Perrens, Les mariages espagnols sous le règne de HenriIV et la régence de Maris de Médicis, 1869 p. 261-262
  6. Simone Bertière, Les deux régentes, dans la série Les Reines de France aux Éditions du Fallois, p.156
  7. Certains historiens doutent de cette version qui ne leur semble avoir été montée que pour éviter d'ultérieures contestations sur la légitimité du mariage de la part des opposants en France (Prince de Condé, chefs huguenots)
  8. Emission de télévision Secrets d'histoire intitulée Anne d’Autriche, la mystérieuse mère du Roi Soleil, diffusée le 25 août 2010 sur France 2.
  9. Kleinman op.cit. p.74
  10. Kleinman op.cit. p.79-85.
  11. Kleinman op.cit. p.106
  12. Bertière op.cit. p.192
  13. Bertière op.cit. p.202
  14. Bertière op?cit. p.291-296
  15. Le doute sur la paternité de Louis XIII interviendra des années plus tard suite aux rumeurs et libelles sans fondement qui alimenteront par exemple les histoires romancées d'un Guy Breton - Voir ici. Les historiens modernes pensent que la profonde piété de la reine et la surveillance étroite dont elle faisait l'objet n'accréditent pas cette thèse
  16. Jean-Christian Petitfils, Louis XIV, Perrin 1995, p.24
  17. Aucun document ne corrobore ce soupçon. En revanche les historiens se divisent sur la nature des relations entre le ministre et la reine : Claude Dulong croit à une relation charnelle, hypothèse que repoussent par exemple François Bluche ou Ruth Kleinmann. Philippe Delorme ajoute prudemment que l'on se trouve face à un océan d'incertitude
  18. Claude Dulong, Anne d'Autriche, Hachette, 1980, rééd. 2000, ISBN 2-262-01601-1
  19. André Castelot, L'Histoire insolite, Paris, Perrin, , 427 p. (ISBN 2-262-00248-7), p. 171
  20. http://le-bibliomane.blogspot.com/2009/10/les-amours-danne-dautriche-epouse-de.html
  21. (en) Charlier P, Olalde I, Solé N, Ramírez O, Babelon JP, Galland B, Calafell F, Lalueza-Fox C., « Genetic comparison of the head of Henri IV and the presumptive blood from Louis XVI (both Kings of France) », Forensic Sci Int., vol. 226, nos 1-3,‎ , p. 38-40. (PMID 23283403, DOI 10.1016/j.forsciint.2012.11.018)

Annexes

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Bibliographie

  • Jean de La Varende, Anne d'Autriche, Paris, Flammarion (coll. « Visage de l'Histoire »), 1938
  • Ruth Kleinman, Anne d'Autriche, Fayard 1993 [ISBN 978-0-8142-0429-0]
  • Philippe Delorme, Anne d'Autriche, Histoire des Reines de France, Ed. Pygmalion, 2000 [ISBN 2-85704-571-9]
  • Claude Dulong, Anne d'Autriche, mère de Louis XIV, Hachette, 1980, rééd. 2000 [ISBN 2-262-01601-1]
  • Antonia Fraser, Les Femmes dans la vie de Louis XIV, Flammarion, 2007.
  • Oliver Mallick, Spiritus intus agit. Die Patronagepolitik der Anna von Österreich. Untersuchungen zur Inszenierungsstrategie, Hofhaltungspraxis und Freundschaftsrhetorik einer Königin (1643-1666), 2 vol. Thèse de doctorat Albert-Ludwigs-Universität Freiburg et Université Paris-Sorbonne 2012/2013.
  • Oliver Mallick: Clients and Friends: The Ladies-in-waiting at the Court of Anne of Austria (1615-1666), in: The Politics of Female Households. Ladies-in-Waiting across Early Modern Europe, éd. par Nadine N. Akkerman, Birgit Houben, Leiden: Brill, 2013, p. 231-264.
  • Oliver Mallick, Freundin oder Gönnerin? Anna von Österreich im Spiegel ihrer Korrespondenz, in: Freundschaft. Eine politisch-soziale Beziehung in Deutschland und Frankreich, 12.–19. Jahrhundert (8. Sommerkurs des Deutschen Historischen Instituts Paris in Zusammenarbeit mit der Universität Paris-Sorbonne, der Albert-Ludwigs-Universität Freiburg und der École des hautes études en sciences sociales, 3.–6. Juli 2011), éd. par Bertrand Haan, Christian Kühner (discussions, 8). Online sur perspectivia.net

Articles connexes

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