Empire colonial portugais

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Empire colonial portugais
(pt) Império Português

1415–2002

Drapeau Blason
Description de cette image, également commentée ci-après
L'Empire portugais à son apogée
Informations générales
Statut Monarchie
Capitale Lisbonne
Langue(s) Portugais
Monnaie Escudo (d)
Histoire et événements
1415 Fondation de l'empire par la conquête de Ceuta.
1500 Découverte du Brésil.
1822 Indépendance du Brésil.
1999 La restitution de Macao.

L'empire colonial portugais désigne les territoires d'outre-mer occupés et administrés par le Portugal entre le début du XVe siècle et le XXe siècle. Ce terme ne fut pourtant jamais employé officiellement. On parlait simplement d’« Outre-mer portugais » (Ultramar Português) avant d'adopter temporairement le terme d’« Empire colonial portugais » entre 1930 et 1951.

Cet ensemble fut le premier empire mondial de l'histoire avec un ensemble de territoires répartis sur les cinq continents, sous souveraineté portugaise, résultat des explorations réalisées à l'époque des découvertes. Cet empire s'étendait sur un territoire inclus aujourd'hui dans 53 états souverains différents. Ce fut aussi le plus long des empires coloniaux européens modernes ; la présence portugaise hors d'Europe a duré presque six siècles.

L'Empire fut administré par la Dynastie d'Aviz durant près de 150 ans, puis par la Dynastie des Habsbourg durant 60 ans et enfin celle des Bragance durant 300 ans avant d'être gouverné par la République portugaise à partir de 1910.

Par convention, on positionne le début de l'empire en 1415, date de la conquête de Ceuta. Pour ce qui est de sa fin, la date varie selon les critères utilisés: 1975, qui voit la majeure partie des colonies retrouver leur indépendance; 1999, qui voit la fin de l'administration portugaise de Macao, le dernier territoire d'outre-mer à être encore sous administration portugaise ou 2002, date de l'indépendance du Timor oriental, dernier territoire d'outre-mer officiellement sous souveraineté portugaise.

Aujourd'hui, les pays de cet ancien empire font partie de la Communauté des pays de langue portugaise.

Les origines

Portugal en 1415.

Les origines de l'empire portugais, et du Portugal lui-même, s'inscrivent dans la reconquista, reconquête chrétienne de la péninsule ibérique occupée alors par les Maures. Après avoir formé un royaume indépendant en 1139, le Portugal termine sa reconquête en 1249 après avoir atteint l'Algarve. Son indépendance continua néanmoins à être menacée par la Castille voisine jusqu'à la bataille d'Aljubarrota et la signature du traité qui s'en suivit.

Libéré de cette menace et à l'écart des conflits qui occupent les autres puissances européennes, le roi du Portugal porte son attention de l'autre côté de la mer. Il planifie une expédition militaire directement dans les terres musulmanes du nord de l'Afrique.

La conquête de Ceuta en 1415 par Jean Ier de Portugal amorce le processus des « grandes découvertes» et marque le début de l'expansion territoriale portugaise hors de la péninsule ibérique.

Les raisons de cette première attaque sont multiples : occasion de poursuivre la croisade chrétienne contre l'islam ; promesse de gloire et de richesse pour la noblesse militaire qu'il faut occuper ; occasion de développer le commerce et l'économie portugais en déclin.

Le choix de Ceuta pour cette première attaque est stratégique : la place située au nord de l'Afrique est un port où aboutissent les caravanes du Sahara transportant de l'or et des esclaves.

Si le Portugal remporte ici un succès militaire, la place devient vite difficile à protéger contre les attaques musulmanes. Elle se révèle impossible à utiliser comme base pour une exploration de l'intérieur des terres, tandis que les caravanes ne tardent pas à dévier leur route.

La conquête se poursuit un temps en terre africaine autour de Ceuta par Alphonse V dit « l'Africain » avec la prise d'Alcácer-Ceguer en 1458 et celles d'Arzila, de Tanger et de Larache en 1471.

Les grandes découvertes

Ces places africaines se révèlent décevantes et difficiles à protéger. La décision est prise de poursuivre l'exploration de la côte africaine. Le personnage-clé de cette période est le prince Henri le Navigateur, gouverneur de l'Ordre du Christ (héritier portugais de l'Ordre du Temple), ayant participé à la prise de Ceuta. Établi à Lagos en Algarve, Henri organise et finance l'exploration systématique de l'Atlantique proche et des côtes africaines.

À cette époque, on ne connaît pas ce qui se trouve au-delà du cap Bojador. Henri cherche ainsi à savoir jusqu'où s'étend le territoire musulman et imagine peut-être établir un contact avec le mythique royaume chrétien du Prêtre Jean afin de joindre leurs forces contre les Maures.

Il y a aussi une motivation plus lucrative à cette entreprise: il s'agit de trouver une autre route vers les Indes et le marché des épices. Très vite le commerce très lucratif de l'or, de l'ivoire et des esclaves se substitue à l'esprit de découverte et de croisade.

À l'initiative d'Henri, les marins portugais découvrent les îles Atlantiques et s'y établissent : João Gonçalves Zarco découvre Madère en 1419, Diogo de Silves et Diogo de Teive les Açores entre 1427 et 1452. On y produira du blé notamment qui sera exporté vers le continent.

Après une douzaine de tentatives portugaises, Gil Eanes double finalement le cap Bojador, point le plus méridional connu des Occidentaux, en 1434.

En 1443, Henri obtient le monopole de la navigation, de la guerre et du commerce sur les terres découvertes au-delà du cap Bojador ; monopole encore renforcé par les bulles papales, Dum Diversas (1452) et Romanus Pontifex (1455).

L'introduction de la caravelle au milieu du XVe siècle sera déterminante pour la suite des explorations. Grâce à cette nouvelle technologie, les marins progressent vers les latitudes sud à une moyenne d'un degré par année.

Dinis Dias atteint le Cap-Vert en 1444 et Álvaro Fernández le Sénégal en 1445[1].

La première factorerie d'outre-mer est fondée en 1445 sur l'île d'Arguin près de la côte de Mauritanie. Les Portugais cherchent à détourner les routes des caravanes d'Afrique du nord à leur profit.

En 1460, à la mort d'Henri, les Portugais ont atteint le golfe de Guinée.

Étape par étape, les Portugais contournent le continent africain pour atteindre les Indes, sous-continent aux richesses convoitées, avec lequel les contacts commerciaux terrestres ont été rompus depuis que les Turcs ottomans se sont emparés de Constantinople en 1453. En 1483, Diogo Cao atteint l'embouchure du Congo. En 1488, Bartolomeu Dias, premier Européen à pratiquer la navigation hauturière dans l'Atlantique sud, double le cap de Bonne-Espérance avec une flotte de trois caravelles et pénètre dans l'océan Indien. En 1499, Vasco de Gama revient de son périple vers les Indes avec une cargaison de poivre, marquant le début de la « Carreira da India », liaison maritime entre la métropole et Goa[1].

Entre temps, les Portugais se sont installés dans des archipels atlantiques vierges (Açores, Madère, Cap-Vert, Sao Tomé-et-Principe). En exploitant ces territoires, ils développent un système économique colonial moderne, avec des cultures exotiques (canne à sucre), le début de la traite négrière européenne (La première cargaison d'esclaves, capturés près du cap Blanc, arrive à Lagos en 1444), et des investissements capitalistes élevés pour l'époque. Des contacts commerciaux sont établis avec les populations côtières africaines (pour acquérir esclaves, or ou ivoire), et quelques comptoirs sont alors établis, dont le plus important est celui d'Elmina (actuel Ghana), fondé en 1482. Les Portugais considèrent le commerce et la navigation dans ces zones comme leur monopole absolu et répriment violemment les incursions des navires des autres pays européens.

Entre 1495 et 1498, João Fernandes Lavrador et Pêro de Barcelos naviguent dans l'Atlantique septentrional et touchent le Groenland.

La fondation de l'empire

La sphère armillaire symbolise l'expansion mondiale des Portugais à compter de la Renaissance.

Par le traité d’Alcáçovas (1479), ratifié l'année suivante par le traité de Tolède, qui conclut la guerre pour la succession de la Castille, le Portugal reçoit la possession des terres découvertes et contrôle la région côtière de l'Afrique occidentale (dite Guinée), Madère, les Açores et le Cap-Vert. Le Portugal conserve également l'exclusivité de la conquête du royaume de Fez. Le traité de Tordesillas (1494) règle le partage des terres découvertes entre le Portugal et l'Espagne : les terres situées à 370 lieues à l'est du Cap-Vert reviennent au Portugal, celles situées à l'ouest, à la Castille[1].

Dans la première moitié du XVIe siècle, les Portugais s’assurent le contrôle de l'océan Indien, après avoir vaincu les flottes des États musulmans (Empire ottoman, sultanat mamelouk, sultanat du Gujarat). Entre 1505 et 1511, Francisco de Almeida, le premier vice-roi des Indes, fondateur de l'empire portugais en Asie, établit une série de comptoirs fortifiés et impose ainsi la présence portugaise dans les circuits commerciaux de l'océan Indien, jusqu’alors dominés par les Musulmans. Son successeur, Afonso de Albuquerque, s'attaque à faire de l'océan Indien occidental un mare clausum portugais, en s'emparant de trois points qui commandent le passage des marchandises : Ormuz (1507 et 1517) à l'entrée du Golfe Persique, Goa (1510), capitale de l'« Estado da India », pour la côte de Malabar et Cochin, et Malacca (1511) qui commande l'entrée du détroit du même nom[1]. Les Portugais étendent leur domination jusqu'aux Moluques, îles riches en épices. Cette expansion est justement motivée par le commerce très lucratif de telles denrées. Le poivre, les clous de girofle, la noix de muscade, la cannelle, s'arrachent à prix d'or sur les marchés européens.

Au Brésil, découvert officiellement par Pedro Alvares Cabral en 1500, les premiers établissements permanents datent des années 1530. Plusieurs vagues pionnières successives liées à l'exploitation d'une ressource (canne à sucre, or, café, bétail, etc.) accompagnent jusqu'à nos jours l'expansion territoriale. La conquête de l'intérieur du pays est essentiellement le fait d'expéditions des habitants des établissements côtiers (bandeirantes), le plus souvent métis et relativement autonomes vis-à-vis de la métropole.

M Jorge Álvares arrive en Chine en 1513 et la première ambassade européenne dans ce pays, conduite par Tomé Pires parvient à Canton en 1517. Ce n'est qu'en 1557 que l'Empire céleste accorde aux Portugais le droit d'établir un comptoir sur la presqu'île de Macao, dans l'estuaire du Xi Jiang. Le Japon est atteint en 1543, à Nagasaki[1].

L'empire oriental connait son apogée sous le gouvernement de João de Castro (1545-1548), grâce aux conquêtes territoriales des années 1535 (Diu, Bassein), aux actions militaires contre les États indiens limitrophes (Bijâpur) et à la maîtrise du commerce des chevaux avec le puissant empire hindou du Sud de l'Inde, le Vijayanagar. Les Portugais parviennent aussi à éloigner les Turcs ottomans de l'Inde et à désamorcer, en 1521 et en 1572, les coalitions formées par les princes musulmans[1].

Le déclin de l'empire

La bataille des Trois Rois.
Amboina (Ambon) - 1724-1726.
Possessions portugaises en Afrique méridionale (1891).

Le déclin de l'empire colonial portugais se révèle inévitable, compte tenu des limites démographiques (un million d'habitants), géographiques et économiques de la métropole par rapport à l'étendue de son empire. Les richesses coloniales sont partiellement utilisées pour des constructions de prestige[Note 1] et non investies dans la modernisation des structures économiques du Portugal. La métropole accentue sa confortable dépendance envers les colonies, l'acquisition facile de richesses pervertit les mentalités.

Le 4 août 1578, le jeune roi Sébastien Ier, qui avait gagné le Maroc à la tête d'une armée de 17 000 hommes, disparaît au cours de la bataille des Trois Rois. Avec cette lourde défaite, le Portugal perd « sa noblesse, son armée, son indépendance et sa position mondiale ».

De 1580 à 1640, le Portugal, gouverné par les Habsbourg d'Espagne, est réuni à la Monarchie catholique dans l'Union ibérique, et les Hollandais, nouvellement indépendants de l'Espagne, ainsi que les Anglais, ennemis traditionnels des souverains espagnols, en profitent pour s'emparer de nombreux comptoirs et colonies portugais. Ceylan, Malacca, Ormuz et Cochin sont perdues en moins de cinquante ans. En 1602, les Hollandais fondent la Vereenigde Oostindische Compagnie (Compagnie hollandaise des Indes orientales) ou VOC. Celle-ci s'empare d'Ambon en 1605, qui devient son siège. Les Portugais sont définitivement expulsés des Moluques en 1636, et se rabattent sur Timor. En 1641, les Hollandais de la VOC prennent Malacca et lancent une série d'attaques sur Macao.

À Ceylan, les Portugais, qui ont conquis presque toute l'île, se heurtent à la résistance du royaume de Kandy. De 1593 à 1638, ils tentent de faire tomber le royaume et brûlent et pillent cinq fois Kandy, mais leurs troupes finissent toujours par se faire massacrer. Le roi de Kandy s'allie aux Hollandais pour rejeter les Portugais et, en 1659, Jaffna, la dernière place forte de ces derniers, tombe aux mains des Hollandais. Comme les Portugais, ils s'installent sur l'île pour environ cent cinquante ans.

Au moment de l'expulsion des Habsbourg d'Espagne et de l'accession au trône de Jean IV de Portugal en 1640, le Portugal possède encore en Inde les trois territoires de Goa, Diu et Daman, la richissime « Province du Nord » de l'État portugais des Indes[2], et les établissements vice-royaux du Coromandel (São Tomé de Meliapore, Pippli, Hugli, etc.)[Note 2]. Partout ailleurs dans l'océan Indien, le dispositif des Portugais doit être réorganisé. Dans le golfe persique, les Portugais expulsés d'Ormuz se rabattent sur Mascate et ses dépendances. En Afrique de l'Est, l'Estado da India, qui a reculé au Nord de la côte swahilie, sécurise définitivement ses positions du Mozambique. En Extrême-Orient, les activités autrefois dévolues à Malacca sont à présent déviées vers Timor et Macao. Mais surtout, les Portugais décident de concentrer leurs forces sur le Brésil, d'où ils expulsent les Hollandais, et dont ils étendent le territoire largement au-delà des frontières fixées par le traité de Tordesillas, avec les expéditions des Bandeirantes. La position internationale du Portugal est alors stabilisée pour plus de cent cinquante ans, et l'Empire devient à nouveau une source de profits substantiels.

En dépit de la défaite de Napoléon Ier, les invasions françaises du Portugal ébranlent indirectement le vaste édifice impérial portugais. En 1807, le roi Jean VI décide de quitter sa capitale devant l'invasion des armées napoléoniennes pour s'établir à Rio. Une réforme institutionnelle élève alors le Brésil, colonie américaine, au rang de royaume, au sein du Royaume-Uni du Portugal, du Brésil et de l'Algarve, dont la capitale est à Rio de Janeiro. Cette mesure, considérée comme exceptionnelle et transitoire au Portugal, est maintenue après le congrès de Vienne de 1815, ce qui provoque un fort mécontentement en métropole. S'ensuit la Révolution portugaise de 1820, qui est à la fois libérale et conservatrice : libérale, parce qu'elle exige le retour du roi à Lisbonne pour lui imposer une Constitution. Conservatrice, parce qu'elle souhaite que le Brésil soit ramené à son ancien statut de colonie, et que les Portugais du Brésil soient privés de leurs droits politiques. Lors de son retour au Portugal, le roi Jean IV laisse son fils Pierre comme régent, en lui conseillant de prendre la tête de tout mouvement séparatiste, afin que le Brésil reste dans le giron de la famille des Bragance. En 1822, face aux tensions extrêmes entre les Portugais du Brésil et ceux du Portugal, le jeune prince décide de proclamer l'indépendance du Brésil et en devient empereur constitutionnel sous de nom de Pierre Ier, alors même que son père règne au Portugal.

Par la suite, les possessions africaines (Angola, Mozambique, Guinée-Bissau) sont développées. Dans les années 1960, la dictature de Salazar tente vainement de les préserver malgré des guerres d'indépendance (guerre d'indépendance de l'Angola, guerre d'indépendance du Mozambique), qui s'achèvent en 1975, après la Révolution des œillets : la République populaire d'Angola, la République populaire du Mozambique, la Guinée-Bissau, Sao Tomé-et-Principe et le Cap-Vert obtiennent tous leur indépendance. L'Inde annexe quant à elle Goa, Daman et Diu et des îles Anjidiv lors de l'opération Vijay en décembre 1961. Le Timor oriental déclare également son indépendance en 1975, mais est aussitôt envahi et annexé par l'Indonésie, il n'en deviendra pleinement indépendant qu'en 2002. Macao est rétrocédée à la République populaire de Chine en 1999.

Notes et références

Références

  1. a b c d e et f Guides Bleus - Portugal. Hachette tourisme, 2000
  2. L'Empire portugais d'Asie, de Sanjay Subrahmanyam, Maisonneuve et Larose, 1999.

Notes

  1. Par exemple l’Igreja de Santa Engrácia de Lisbonne qui devient plus tard le Panteão Nacional
  2. Goa, Daman et Diu comptoirs sont finalement annexés par l'Union indienne en 1961

Voir aussi

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Sources et bibliographie

  • A. H. de Oliveira Marques, Histoire du Portugal et de son empire colonial (trad. du portugais par Marie-Hélène Baudrillart), Karthala, Paris, 1998 (2e éd.), 615 p. (ISBN 2-86537-844-6)
  • Sanjay Subrahmanyam, Empire portugais d'Asie (1500-1700) : histoire politique et économique, Maisonneuve & Larose, 1999, 385 p. (ISBN 2706812524)
  • (pt) João Paulo Guerra, Descolonização portuguesa : o regresso das caravelas, Oficina do livro, Lisbonne, 2009, 250 p. (ISBN 978-989-555-472-0)

Articles connexes

Liens externes