Dominique Grange

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Dominique Grange
Dominique Grange lors du Salon du livre de Paris en 2010
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Jean Bériac (d) (de à )
Jacques Tardi (depuis )Voir et modifier les données sur Wikidata
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Chanson révolutionnaire ou de résistance (en)Voir et modifier les données sur Wikidata

Dominique Grange, née le à Aix-les-Bains (Savoie)[1], est une autrice-compositrice-interprète et militante politique française.

Sa participation active aux événements de Mai 68 lui fait abandonner la chanson de variétés au profit de textes contestataires. Elle est alors active au sein de la Gauche prolétarienne, pour laquelle elle écrit Nous sommes les Nouveaux Partisans, en 1970. Après la dissolution, en 1973, de la Gauche prolétarienne, elle poursuit pendant quelques années un militantisme clandestin.

Dominique Grange n’a depuis jamais cessé son engagement en faveur des luttes sociales et contre les inégalités. Durant les années 2000, elle effectue un tournant libertaire et se syndique à la Confédération nationale du travail. Parallèlement, elle est aussi traductrice et scénariste de bandes dessinées.

Carrière artistique[modifier | modifier le code]

Dans son adolescence à Lyon, Dominique Grange aime chanter et souhaite en faire son métier mais distribue aussi des tracts pour la Paix en Algérie, grâce à l’influence de sa professeur de philosophie Jeannette Colombel[1]. À 18 ans, elle poursuit ses études à Paris, prend des cours d’art dramatique et décroche un premier rôle au théâtre. Elle joue également quelques petits rôles à la télévision. Côté chansons, elle se produit dans des cabarets de la rive gauche — Le Cheval d'Or, Le Port du Salut, etc. — pendant que la vague yéyé déferle et pousse les maisons de disques à rechercher de nouveaux talents. Remarquée par la maison Bel Air, elle enregistre son premier disque en 1963 dont une composition de Léo Missir aura un certain succès radiophonique (Il y avait toi). L’année suivante, le deuxième 45 tours paraît avec deux chansons de son cru puis un troisième dont elle signe la totalité des titres. Repérée par Guy Béart en 1965, elle interprète avec lui quelques duos (Le Trou dans le seau et Frantz) et participe à ses tournées à travers la France[2]. En 1966, elle devient, avec Michel Bourdais, son assistante pour l’émission télévisée Bienvenue chez Guy Béart, où sont reçus de nombreux artistes. En 1967, pour l’enregistrement de son quatrième 45 tours, Les orties sont en fleurs, constitué de quatre titres dont elle a composé paroles et musiques, elle bénéficie de la toute jeune maison de disques de Béart, « Temporel ».

Au printemps 1969, Dominique Grange et le chanteur Évariste se voient proposer un rôle dans une pièce de Claude Confortès, d’après les dessins de Georges Wolinski parus dans L’Enragé[3] : Je ne veux pas mourir idiot[4]. C’est non seulement l’occasion d’interpréter leurs chansons engagées mais aussi celle de rencontrer la bande de Hara-Kiri.

En , Dominique Grange est embauchée comme secrétaire de rédaction d’un nouvel hebdomadaire de bandes dessinées : BD (idée du professeur Choron), dans lequel Jacques Tardi fait paraître ses planches[5]. Bientôt ils collaborent pour mettre en images les scénarios dont elle est l’autrice. Le dessinateur ne tardera pas à entrer dans sa vie. Malgré un bon démarrage, la revue ne rencontre pas le succès et s’arrête en .

Soutenue par son compagnon, l’envie d’écrire et de chanter lui revient. En , elle entre en studio et enregistre son premier 33 tours : Hammam Palace, avec une pochette dessinée par Tardi. Elle y dénonce le travail à la chaîne, les violences policières, l’univers carcéral, la drogue, etc. L’album ne reçoit pas un accueil chaleureux de la part des médias. Déçue, elle prend à nouveau ses distances avec le show business.

Encouragée à rééditer ses chansons, Dominique Grange sort en 2004 L’Utopie toujours, avec une pochette dessinée par Tardi. Elle y reprend la chanson Le Vieux, rendant ainsi hommage au chanteur François Béranger : « Je l’ai rencontré quand j’étais dans la clandestinité en 1973. » Séduit par la chanson Les Nouveaux Partisans, François Béranger l’avait alors enregistrée (sa version est présentée dans cet album).

En , Dominique Grange enregistre de nouvelles chansons pour commémorer à sa façon les 40 ans de Mai 68. L’album est commercialisé en avec une pochette de Tardi (Label Juste une Trace). Le mois suivant, le disque fait l’objet d’une édition avec livre (chez Casterman), où le dessinateur s’est investi davantage pour accompagner les textes des chansons. L’une d’elles est la réponse à un certain discours politique incitant à tourner la page de mai 68[6]. Le titre significatif de cette chanson est repris pour intituler l’album : 1968 - 2008… N’effacez pas nos traces !.

En , Dominique Grange enregistre un album de dix chansons évoquant la Première Guerre mondiale, en compagnie de Tardi (Label Juste Une Trace). L’album sort, comme le précédent, inséré dans un livre (aux Éditions Casterman), Des lendemains qui saignent, avec des illustrations originales de Tardi et des commentaires de l’historien Jean-Pierre Verney. Un spectacle naît de cette écriture à quatre mains, avec les chansons interprétées par Dominique Grange, une projection simultanée d’images de Tardi, présent sur scène, en qualité de narrateur. Il a été présenté avec le soutien de l’Institut des Métiers de la Musique en avant-première à la Grande Bibliothèque de Montréal et au Musée de la Civilisation de Québec, puis dans plusieurs lieux emblématiques, en France, notamment à Craonne. En , Des lendemains qui saignent a été présenté à Ramallah, au théâtre Al Khasaba, à l’invitation du Centre culturel français des Territoires occupés.

En , elle publie un roman graphique autobiographique mis en images par Jacques Tardi sous le titre Élise et les Nouveaux Partisans.

En 2022, elle est la protagoniste d’un documentaire autoproduit intitulé « N’effacez pas nos traces  - Dominique Grange, une chanteuse engagée. », réalisé par le cinéaste Pedro Fidalgo et rappelant les étapes de son parcours militant.

Engagement politique et militant[modifier | modifier le code]

Lors des événements de mai 1968, elle rompt avec tout ce qu’elle a entrepris jusqu’alors, pour s’engager dans ce mouvement. Elle fait partie du Comité révolutionnaire d’agitation culturelle (CRAC) créé par des artistes à la Sorbonne et va chanter dans les usines en grève avec d’autres chanteurs rive gauche comme Leny Escudero, Évariste, Pia Colombo, Jean Ferrat, Les Barricadiers, Maurice Fanon, Francesca Solleville… Elle se met à composer des chansons que lui inspirent les événements, et qui seront reprises dans les manifestations.

Sollicitée par les comités de grève pour soutenir les luttes, elle s’engage sans hésiter. Armée de sa guitare, elle parcourt la France jusque dans le monde rural et chante dans les usines occupées. En , Dominique Grange se rend à Avignon pendant le Festival et poursuit son combat. De retour dans la capitale, elle assure l’enregistrement de ses chansons. Ce premier disque réalisé en autogestion est vendu à prix coûtant (3 francs), hors des circuits commerciaux, principalement par les Comités d'action.

Après cette parenthèse, elle s’engage dans une organisation maoïste : la Gauche prolétarienne (GP). Cette dernière lance le mouvement des « établis ». Il s’agit d’envoyer les militants travailler dans les usines afin de soutenir les révoltes ouvrières. Dominique Grange s’« établit » donc, dans une usine d'emballages et conditionnements alimentaires, dans la banlieue de Nice. Là, elle écrit Les Nouveaux Partisans qui deviendra un hymne emblématique pour les jeunes militants révolutionnaires. En 1970, la GP est officiellement interdite mais son action continue, notamment au sein du Secours rouge (organisation politique fondée la même année). De retour à Paris, Dominique Grange subsiste en traduisant des bandes dessinées pour Charlie mensuel, sans jamais cesser de militer. En , elle est arrêtée au cours d’une manifestation organisée dans le quartier parisien de la Goutte d’Or et violemment réprimée, à la suite de l’assassinat d’un jeune Algérien, Djilali Ben Ali. Condamnée à un mois et demi de prison pour coups et blessures et injures à représentants de la force publique, elle est incarcérée et placée à l’isolement à la prison de la Petite Roquette (prison pour femmes, dans le 11e arrondissement de Paris, qui sera démolie quelques années plus tard). Par la suite, après la mort d’un jeune militant maoïste, Pierre Overney, en , elle rejoint l’organisation clandestine de la GP, la Nouvelle Résistance populaire (NRP). Elle restera dans la clandestinité jusqu’en 1975.

À partir de 1981, elle milite pour un nouveau combat : fonder une famille avec son compagon, Jacques Tardi. Après quelques tentatives médicales infructueuses, le couple se tourne vers l’adoption. Pour cela, il est d’abord nécessaire de se marier — Dominique Grange raconte les étapes de ce parcours dans trois ouvrages. Au bout de quelques années, le couple adopte quatre enfants au Chili, puis cofonde l'Association des familles adoptives d’enfants nés au Chili (AFAENAC), en 1993.

De 2000 à 2008, Dominique Grange milite à la Confédération nationale du travail (CNT). Elle se produit fréquemment en concert, notamment pour défendre de nombreuses causes politiques[7]. On la trouve en première ligne pour soutenir Cesare Battisti, demander la libération des membres d’Action directe ou faire respecter le droit d’asile accordé aux anciens militants des Brigades rouges accueillis en France par le président Mitterrand. Elle contribue régulièrement à des actions de soutien au Jargon Libre, une bibliothèque anarchiste tenue par Hellyette Bess[8].

Elle est signataire, en , d’une tribune parue dans le journal Libération, appelant au renversement de la police, qualifiée d’« armée d'occupation », intitulée Pour les cinq de Villiers-le-Bel[9].

Elle écrit et compose, juste avant les élections présidentielles 2012, la chanson Dégage ! Dégage ! Dégage !. Cette dernière figure sur l’album de Dominique Grange intitulé Notre longue marche, publié en 2013 (Label Juste une trace) : Dominique Grange y rassemble les enregistrements d’origine de dix-neuf chansons qu’elle a écrites et interprétées depuis Mai 68 et qui s’inscrivent dans un héritage d’expression contestataire : y figure par exemple l’enregistrement d’origine de la chanson Les Nouveaux Partisans, écrite et composée en 1970.

En 2015, elle sort Détruisons le mur !, par solidarité avec le peuple palestinien et pour dénoncer la colonisation et l'« apartheid » israéliens. C'est l’occasion pour elle d’affirmer son soutien à la libération du plus vieux prisonnier politique d'Europe, le militant communiste libanais, Georges Ibrahim Abdallah[10], incarcéré depuis 1984 et libérable depuis 1999.

Le , elle est parmi les signataires de l’Appel des 58 : « Nous manifesterons pendant l'état d'urgence[11],[12]. »

En , Dominique Grange est signataire d’une pétition en collaboration avec des personnalités issues du monde de la culture pour boycotter la saison culturelle croisée « France-Israël », qui selon l’objet de la pétition sert de « vitrine » à l’État d’Israël au détriment du peuple palestinien[13]. En septembre de la même année, elle co-signe une tribune dans The Guardian en soutien à l’appel des artistes palestiniens à boycotter l’édition 2019 du concours de l’Eurovision qui doit se tenir en Israël[14].

Vie privée[modifier | modifier le code]

Dominique Grange est mariée depuis 1983 avec l’auteur de bande dessinée Jacques Tardi[15]. Ils sont parents, par adoption, de quatre enfants nés au Chili[16]. L'une d'elles, muette, lui inspire la chanson "Petite fille du silence" sur l'album N'effacez pas nos traces !

Discographie[modifier | modifier le code]

Albums studios[modifier | modifier le code]

Singles[modifier | modifier le code]

Extended plays[modifier | modifier le code]

  • 1964 : Si le soleil s’en va / Tu voudrais danser avec moi / Moi j’ai appris ton nom / Les « Ni froids ni chauds »
  • 1964 : Cinq-en-tin (Le chien) / Je ne suis pas prête / Deux ombres sur la plage / Les Yeux dangereux
  • 1964 : Je ne suis plus ton copain (La lettre) / Il y avait toi / Même si c’est vrai / Pardonne-moi
  • 1967 : Les Jeanne d’arc / À cet enfant / Les orties sont en fleurs / Panurge
  • 1968 : Chacun de vous est concerné / À bas l’État policier / La Pègre / Grève illimitée

Compilation[modifier | modifier le code]

Participations[modifier | modifier le code]

  • 1965 : Le Trou dans le seau, dans Allo, tu m’entends ? de Guy Béart

Théâtre[modifier | modifier le code]

Télévision[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Écrits[modifier | modifier le code]

  • Grange bleue (éditoriaux et scénarios de bandes dessinées illustrés par Pichard, Bilal, Tardi parus dans l’hebdomadaire BD en 1978), Futuropolis, septembre 1985
  • L’Enfant derrière la vitre (Dominique Grange évoque le parcours médical d'un couple confronté à la lutte contre la stérilité), coll. Latitudes, éd. Encre, 1985
  • Je t’ai trouvé au bout du monde. Journal d’une adoption, éd Stock/Laurence Pernoud, 1987Le Livre de poche no 6748, 1990
  • Victor, l’enfant qui refusait d’être adopté (« Parfois ça ne marche pas […] En cas de rejet ou simplement de difficultés, les parents adoptifs sont perdus. »[18]), éd. Stock/Laurence Pernoud, 1993
  • 1968-2008… N’effacez pas nos traces ! (Textes de chansons illustrés par Tardi + CD audio, pour l’anniversaire des 40 ans de Mai 68), éd. Casterman, sortie : 11 avril 2008 (ISBN 2-203-01529-2)
  • Élise et les Nouveaux Partisans (roman graphique autobiographique, dessiné par Tardi), Delcourt, sortie : octobre 2021 (ISBN 978-2-413-02438-5)

Traductions de bandes dessinées[modifier | modifier le code]

Sources[modifier | modifier le code]

  • Dominique Grange, Grange bleue, éd. Futuropolis, 1985
  • Interview du lundi , Barricata no 10 été 2003
  • François Bellart, VINYL no 47 juillet-août-septembre 2005
  • Gérard Prévost, Rouge no 2117,
  • Jean-Pierre Fuéri et Frédéric Vidal, Les Tardi chantent Mai 68, propos recueillis pour Casemate no 3, avril 2008.
  • Frantz Vaillant, Femmes de Mai 68 : Dominique Grange, la fidèle, voix intacte du printemps insurrectionnel, TV5 Monde, 19 mai 2018, [lire en ligne].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « GRANGE Dominique [dite MARTIN Catherine dans la clandestinité] », sur maitron.fr
  2. Le duo Le Trou dans le seau est sorti en sur un 45 tours de Guy Béart (Temporel GB 60 003)
  3. Journal pamphlétaire créé par le dessinateur Siné, paru entre mai et .
  4. Un des slogans de Mai 68.
  5. Griffu, scénario de Jean-Patrick Manchette (critique littéraire de Charlie Mensuel), paru aux éditions du Square en 1978.
  6. Le dimanche 29 avril 2007, en meeting de fin de campagne présidentielle au Palais omnisports de Paris-Bercy, le candidat Nicolas Sarkozy déclarait : « Dans cette élection, il s’agit de savoir si l'héritage de Mai 68 doit être perpétué ou s'il doit être liquidé une bonne fois pour toutes. Je veux tourner la page de mai 68. » (AFP et AP du ).
  7. Propos recueilli par Gérard Prévost, Rouge no 2117, .
  8. Yann Levy, « La « mama » du Jargon », sur cqfd-journal.org, CQFD, mensuel de critique et d'expérimentation sociales, (consulté le )
  9. Pour les cinq de Villiers-le-Bel, liberation.fr
  10. Campagne BDS France, « Dominique GRANGE - Détruisons le mur ! (ترجمة إلى العربية) »,‎ (consulté le ).
  11. Collectif, « L'appel des 58 : « Nous manifesterons pendant l'état d'urgence » », sur Club de Mediapart, .
  12. AFP, « État d'urgence : 58 personnalités revendiquent la liberté de manifester », Le Point,‎ (lire en ligne).
  13. « Contre la saison France-Israël », sur Mediapart, (consulté le ).
  14. (en) « Boycott Eurovision Song Contest hosted by Israel », sur www.theguardian.com, (consulté le )
  15. Jacques Tardi, Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B, éd. Casterman, , p. 77.
  16. Dominique Grange et Jacques Tardi, Élise et les Nouveaux Partisans, éditions Delcourt, p. 161.
  17. La distribution comprenait Jean-Roger Caussimon, Catherine Sauvage, Jean Rochefort, Michael Lonsdale et Jacques Higelin. (Avant-scène Théâtre no 285, 1er avril 1963).
  18. Comme pour Victor, que Dominique Grange a laissé rentrer chez lui, au Chili. Adopter un enfant étranger, (Le Nouvel Observateur no 1507 du ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Texte, interview[modifier | modifier le code]

Article connexe[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]