Jacques Delors

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Jacques Delors
Illustration.
Jacques Delors, en 2001.
Fonctions
8e président de la Commission européenne

(10 ans et 16 jours)
Prédécesseur Gaston Thorn
Successeur Jacques Santer
Maire de Clichy

(1 an, 9 mois et 18 jours)
Prédécesseur Gaston Roche
Successeur Gilles Catoire
Ministre de l'Économie et des Finances
11e ministre des Finances de la Ve République

(3 ans, 1 mois et 27 jours)
Président François Mitterrand
Gouvernement Pierre Mauroy
Prédécesseur René Monory
Successeur Pierre Bérégovoy
Député européen

(1 an, 11 mois et 15 jours)
Biographie
Date de naissance (98 ans)
Lieu de naissance Paris
Nationalité Drapeau de la France Française
Parti politique Parti socialiste
Enfants Martine Aubry
Jean-Paul Delors

Jacques Delors, né le à Paris, est un homme politique français.

Il est ministre de l'Économie, des Finances et du Budget de 1981 à 1984, maire de Clichy-la-Garenne en 1983-1984, et est aussi connu pour son engagement européen : il est notamment président de la Commission européenne de 1985 à 1994 et fondateur de l’institut de recherche « Notre Europe - Institut Jacques Delors» dans le but de « penser l'unité européenne ». Donné favori à l'élection présidentielle française de 1995, il renonce à se présenter. Jacques Delors est le père de Martine Aubry et de Jean-Paul Delors.

Biographie

Origine, formation et premiers postes

Originaire du Lonzac en Corrèze, Jacques Delors est le fils d’un père encaisseur à la banque de France et catholique pratiquant. Titulaire du certificat d'études (mention « très bien »), il effectue ses études secondaires au lycée Voltaire à Paris, au lycée Émile-Duclaux d'Aurillac et au lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand[1]. Il obtient en 1950 une licence de sciences économiques à la Sorbonne avant d’intégrer à son tour la banque de France où il commence sa carrière en tant que « rédacteur[2] » et devient syndicaliste de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Ancien élève du Centre d'études supérieures de banque (CESB), dont il est diplômé en 1950, il occupe les postes de chef de service puis d'attaché au cabinet du directeur général des titres et du marché monétaire à la banque de France (1945-1962).

Engagements politiques et syndicaux

Rattaché à l'origine à la famille de pensée démocrate-chrétienne et syndicale, il participe aux activités de La Vie Nouvelle, mouvement catholique (les « chrétiens de gauche ») d'inspiration personnaliste qui jouera un rôle essentiel dans l'émergence de la « deuxième gauche », au sein duquel il crée en 1959 le club de réflexion Citoyens 60 ainsi que la revue du même nom, qu'il dirige jusqu'en 1965, et travaille en liaison avec le club Jean Moulin. C'est cette même année (1959) qu'il devient membre de la section du plan et des investissements du Conseil économique et social (CES) jusqu'en 1961.

À cette époque, il est l'auteur, sous le pseudonyme Roger Jacques, d'écrits d'inspiration marxiste dans des revues d'extrême-gauche. Il est rapidement remarqué et devient « expert économique »[3] à la CFTC. Jacques Delors en tant que militant syndicaliste a toujours exprimé une méfiance du Marché commun car il conduirait selon lui à étrangler l'économie française, c'est ce qui ressort du livre sur Jacques Delors La Face cachée de Jacques Delors de Romain Meyret[source insuffisante].

En 1964, Jacques Delors suit le courant majoritaire non confessionnel du syndicat devenu Confédération française démocratique du travail (CFDT) dont il est depuis resté adhérent[3]. Il est également membre un temps du Parti socialiste unifié (PSU)[4].

De Chaban-Delmas à Mitterrand

En 1962, Jacques Delors entre au Commissariat général du Plan en tant que chef du service des affaires sociales et culturelles, poste qu'il garde jusqu'en 1969 pour devenir chargé de mission auprès de Jacques Chaban-Delmas jusqu'en 1972. À ce titre, il influence grandement le projet de « nouvelle société » que souhaitait promouvoir celui-ci. Participant à la mise en œuvre de ce programme, il est notamment l’inventeur des contrats de progrès et l’inspirateur de la loi sur la formation permanente (1971). De 1969 à 1974, il est aussi secrétaire général auprès du Premier ministre, pour la formation professionnelle et la promotion sociale.

De 1973 à 1979, il est membre du Conseil général de la banque de France et occupe sur la même période le poste de membre du Conseil de la banque de France. De 1974 à 1979, il est professeur de gestion à Paris IX. En 1974, il crée aussi le club de réflexion politique Échanges et projets ; c'est cette même année qu'il adhère au Parti socialiste. Durant, le congrès de Metz, il va rejoindre le camp de François Mitterand qui était pour une projet d'une économie administrée et dirigée par l'État contre l'aile modéré du Parti Socialiste, ce choix sera critiqué plus tard par Michel Rocard qui est contraire à ses prises de positions pour une économie de marché. Il soutient François Mitterrand qui exprime son opposition au capitalisme et refuse de s'allier avec Michel Rocard pour une voie médiane[réf. nécessaire].

De 1975 à 1979, il est directeur du Centre de recherche Travail & société. En 1976, il est choisi comme délégué national du PS pour les relations économiques internationales, fonction qu'il occupe jusqu'en 1981. .

Ministre des Finances

Jacques Delors, en 1988.

Jacques Delors est élu député européen (président de la commission économique et monétaire) en 1979, mais démissionne de ce poste en 1981. Sur cette période, il est président de la commission économique et monétaire du PS. En 1981, il est nommé au poste de ministre de l'Économie et des finances dans le premier gouvernement de Pierre Mauroy.

De 1981 à 1984, il est successivement :

  • du au  : ministre de l'Économie et des Finances, dans le gouvernement Pierre Mauroy (1) ;
  • du au  : ministre de l'Économie et des Finances, dans le gouvernement Pierre Mauroy (2). À ce titre, il est l'un des initiateurs du tournant de la rigueur à partir de 1982 ; il est chargé en plus du Budget à partir de mai 1983. Bénéficiant de la confiance des milieux économiques internationaux, il applique d’abord une politique de « rupture » pendant la période dite de l’« état de grâce » : nationalisations, dévaluations du franc, amélioration de l’efficacité des circuits de financement, et politique de relance. Après une première pause dans les réformes sociales qu’il propose dès 1982, Jacques Delors encourage le maintien de la France dans le Système monétaire européen (SME) et pratique une politique de rigueur. Il supprime, notamment, l'échelle mobile des salaires en 1982[5], l'équilibre budgétaire sera un objectif recherché, mais il vante le mérité du modèle reaganien de création d'emploi en omettant de mentionner le déficit du budget fédéral américain ; la lutte contre l'inflation bénéficiera de la baisse générale des matières premières, reste silencieux sur le redéploiement de la politique industrielle dans le contexte du SME et de l'avance de l'économie allemande industrielle. Il demeure fidèle à la priorité sur la lutte contre l'inflation et le maintien d'une parité fixe avec le Deutsche Mark, ce qui entame la politique du Franc fort ou du Franc Mark. Cette politique sera accusée de l'amorce du déclin industrielle français et l'abandon de champions nationaux industrielle dans les secteurs dominés par les allemands afin de ne pas contrecarrer le politique franco-allemande et un retournement d'alliance de l'Allemagne avec le Royaume-Uni ;
  • du au  : ministre de l'Économie, des Finances et du Budget, dans le gouvernement Pierre Mauroy (3).

Président de la Commission européenne

« Photo de famille » du sommet du G7 1988 à l'université de Toronto : (de gauche à droite) Jacques Delors, Ciriaco De Mita, Margaret Thatcher, Ronald Reagan, Brian Mulroney, François Mitterrand, Helmut Kohl et Noboru Takeshita.

Élu maire de Clichy (1983-1984), en banlieue parisienne, Jacques Delors fait figure de possible « premier ministrable » en remplacement de Pierre Mauroy. Il n'est pas reconduit dans le gouvernement dirigé par Laurent Fabius, ayant été pressenti, par accord guidé par François Mitterrand et Helmut Kohl, chancelier ouest-allemand, pour devenir en président de la Commission des Communautés européennes (qui deviendra la Commission européenne), succédant au Luxembourgeois Gaston Thorn. Il restera président de la Commission jusqu'en . En 1992, il est lauréat du Prix International Charlemagne.

Sa volonté d'aller de l'avant dans la construction européenne lui fait croiser l'enthousiasme de la Table ronde des industriels européens (ou European Round Table), lobby fondé par Étienne Davignon qui rassemble les dirigeants des grandes multinationales européennes. En effet à l'époque, l'idée d'un grand marché européen ne constituant pas une priorité pour la majorité des gouvernements, il se tourne donc vers les industriels afin que la construction ne s'enraye pas.

En janvier 1985, alors qu'il entre en fonction à Bruxelles, il reprend nombre de thématiques que le président de l'European Round Table (et de Philips) - Wisse Dekker - avait publié dans : Europe 1990 : un agenda pour l'action. Parmi elles : faire tomber les barrières commerciales et les frontières fiscales. Objectifs parfaitement atteints selon l'économiste anéricain Rawi Abdelal qui avance que Jacques Delors a joué un rôle déterminant dans la dérégulation des marchés financiers en décidant « de pousser la libéralisation bien plus loin que ne le prévoyait à l’origine le programme de marché unique ». Il introduit notamment la directive 88 (361) sur les mouvements de capitaux en juin 1988 précisant qu'« aucune transaction, aucun transfert de capitaux n’échappait à l’obligation de libéralisation »[6]. Delors est alors persuadé que la création du marché intérieur ne peut se faire sans une circulation des capitaux totalement libre[7].

En 1991, lors de l'émission La Marche du siècle sur France 3 il parle de cette aide qui dynamisa l'Union européenne : « Lorsque j'ai lancé en 1984-1985, le projet de grand marché, la Table Ronde des Industriels a soutenu ce projet. Et aujourd'hui, les industriels invitent les gouvernements à aller plus vite encore, et ce n'est pas moi qui leur dirais le contraire : nous avons bien besoin de cette poussée salutaire, sinon nous aurions tendance à ne pas aller au rythme où les évènements vont. »

Il souhaite ainsi une Europe qui devienne un pôle aussi compétitif que les États-Unis ou l'ensemble asiatique ; une fois cette condition atteinte l'Europe sociale pourrait se construire. Cette idée de l'Europe allait dans le sens contraire de celle de François Mitterrand qui en 1978 déclarait : « Nous voulons l'Europe des travailleurs, contre l'Europe marchande, l'Europe des profits, l'Europe des grandes affaires[8]. »

Pendant son long mandat ont lieu la signature des accords de Schengen (juin 1985), l'élargissement de l'Europe communautaire (entrée de l'Espagne et du Portugal en 1986), l'adoption de l'Acte unique européen (1986), la réforme de la politique agricole commune (PAC, associée à la création du Programme européen d'aide aux plus démunis, Delors soutenant la proposition de Coluche) et la signature du traité de Maastricht (1992).

Artisan d'un renforcement de l'exécutif européen, Jacques Delors représente la Communauté européenne, à la manière d’un chef d'État, lors des grands sommets internationaux (réunions du G7 et de l'Organisation de coopération et de développement économique, etc.).

Il est l'instigateur du livre blanc de la Commission recommandant la création d'un grand marché européen régulé par la mise en place de solidarités nouvelles. Ce livre blanc débouche sur la signature de l'Acte unique en février 1986, qu'il appelle « mon traité favori[9] » mais la partie monétaire ignore les contraintes sur la croissance et l'emploi pour l'économie et elles seront maintenues par le traité d'Amsterdam sous le qualificatif de « Pacte de croissance et de stabilité ». Il rejette cette règle lors de la crise de l'euro.

En 1989, il préside le Comité dit « Delors », composé d'experts et des gouverneurs des banques centrales des douze pays membres. Le rapport du comité Delors ouvre la voie à la création de la monnaie unique. Viennent ensuite l'adoption du « paquet Delors I » (1987) et du « paquet Delors II » (1992).

Après 1994

Jacques Delors, le 3 avril 2009.

En tête des sondages dans la perspective de l'élection présidentielle française de 1995, Jacques Delors renonce le à présenter sa candidature. Malgré les fortes pressions du PS, il dit craindre de ne pas pouvoir disposer de la majorité nécessaire pour mener sa politique. Il est ensuite président du comité de soutien de Lionel Jospin à l'élection présidentielle.

En 1995, il préside la commission internationale sur l'éducation pour le XXIe siècle à l'UNESCO jusqu'en 1998. L'année suivante, il devient président du conseil d'administration du Collège d'Europe, à Bruges (jusqu'en 2000) et président de l'association Notre Europe (précisément de mars 1996 à 2004).

En 2004, Jacques Delors signe la pétition initiée par Pierre Larrouturou, Michel Rocard et Stéphane Hessel, proposant un projet de « Traité de l'Europe sociale[10] ».

En retrait de la vie politique, il continue d’intervenir régulièrement dans le débat public, par la presse notamment, et se prononce en faveur du traité établissant une Constitution pour l’Europe à l’occasion du référendum organisé en France en .

À l'automne 2006, il s'engage en faveur des États généraux de l'Europe, une initiative de l'ONG EuropaNova, qui se tiendront largement grâce à son engagement et à celui de Notre Europe à Lille le 17 mars 2007 pour lancer les célébrations continentales du 50e anniversaire du traité de Rome. Il les ouvre aux côtés de Martine Aubry. Près de 4 000 participants y assistent.

En décembre 2007, avec son institut de recherche Notre Europe - Institut Jacques Delors il s'engage en faveur d'une Communauté européenne de l'énergie afin de renforcer le pouvoir de négociation de l’union européenne par rapport aux pays producteurs de pétrole et de gaz[11].

Le 15 septembre 2010, il soutient le lancement du Groupe Spinelli par Guy Verhofstadt, Daniel Cohn-Bendit, Isabelle Durant et Sylvie Goulard et en intègre le Comité de Pilotage[12]. Il s'agit d'un groupe interparlementaire informel au Parlement européen qui rassemble les élus désireux de relancer la recherche d'un fédéralisme au sein de l'Union Européenne[13]. Il regroupe des personnalités telles que Mario Monti, Andrew Duff, Joschka Fischer, Pat Cox, Elmar Brok et Élie Barnavi.

Prix et distinctions

Autres affiliations

Jacques Delors est notamment :

Sources

Références

  1. Alain Rollat, Delors, Flammarion, , p. 22-25
  2. Alain Rollat, op. cit., p. 33
  3. a et b J. Delors - CFDT Retraités
  4. Robert Meyret, La Face cachée de Jacques Delors
  5. Halimi 2008
  6. Le consensus de Paris: la France et les règles de la finance mondiale, Rawi Abdelal, Critique internationale, no 28, juillet/septembre 2005, p. 87–115
  7. « Cela n’allait pas sans inquiétudes, mais j’ai alors compris que la libre circulation des capitaux était indispensable à la création du marché intérieur » Le consensus de Paris: la France et les règles de la finance mondiale, Rawi Abdelal, Critique internationale, no 28, juillet/septembre 2005, p. 103
  8. Dossier spécial Construction européenne du journal national ch'Fakir no 40 (printemps 2009)
  9. Delors 2004, p. 202
  10. « 5 critères pour l'Europe sociale » (consulté le )
  11. Lucet 2007
  12. Site officiel - Les membres du Comité de Pilotage du groupe Spinelli
  13. Site officiel - Les actions du groupe Spinelli
  14. Aspenfrance.org
  15. (en) Liste des membres honoraires du Club de Rome

Bibliographie

  • Jacques Delors, Mémoires, Paris, Plon, , 535 p. (ISBN 2-259-19292-0)
  • Serge Halimi, « Colères populaires », Le Monde Diplomatique,‎ (lire en ligne)
  • Christophe Lucet, « Delors pour une « Communauté européenne de l'énergie » », Sud Ouest,‎ (lire en ligne)
  • Qui est Jacques Delors ?, CFDT-Retraités, (lire en ligne)
  • « Liste des membres », sur le site du Groupe Spinelli, (consulté le )

Compléments

Sur les autres projets Wikimedia :

Lectures approfondies

Ouvrages de Jacques Delors

  • Les indicateurs sociaux, S.E.D.E.I.S, (lire en ligne)
  • Jacques Delors et Philippe Alexandre, En sortir ou pas, Grasset,
  • La France par l'Europe, Grasset,
  • Le nouveau concert européen, Odile Jacob,
  • L'unité d'un homme, Odile Jacob,
  • Combats pour l'Europe, Économica,
  • L'Europe tragique et magnifique : Les grands enjeux européens, Saint-Simon,
  • Investir dans le social, Odile Jacob,
  • Investir dans le social, Paris, Odile Jacob,

Ouvrages sur Jacques Delors

  • Alexandre Mirlesse, En attendant L'Europe, Lille, La contre allée,
  • Charles Grant, Delors,
  • Ken Endo, The Presidency of the European Commission under Jacques Delors: The Politics of Shared Leadership, Macmillan-Palgave,
  • Stéphanie Baz-Hatem et Nadège Chambon, Jacques Delors, hier et aujourd'hui, édition Desclée de Brouwer, mars 2014
  • La face cachée de Jacques Delors, 1994 de Robert Meyret, 1994, Première Ligne

Articles connexes

Lien externe