Relations entre la France et la Russie

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Relations entre la France et la Russie
Drapeau de la France
Drapeau de la Russie
France et Russie
France Russie
Ambassades
Ambassade de Russie en France
  Ambassadeur Alexeï Mechkov
  Adresse 40-50 Boulevard Lannes, Paris 16e
Ambassade de France en Russie
  Ambassadeur Pierre Lévy
  Adresse Dom Igoumnova
45, Oul. Bolchaïa Iakimanka, Moscou 119049

Vladimir Poutine et Emmanuel Macron lors de la rencontre franco-russe au château de Versailles, 29 mai 2017
Vladimir Poutine et Emmanuel Macron lors de la rencontre franco-russe au château de Versailles, 29 mai 2017

Cet article traite des relations entre la France et la Russie. La France a une ambassade à Moscou tandis que la Russie a une ambassade à Paris.

Environ 115 000 citoyens d'origine russe vivent en France, principalement à Paris, Lyon et Nice.

Histoire

Avant la révolution d'Octobre

On peut dater les premiers signes d'une réelle communication entre les deux États au milieu du XIe siècle, et plus précisément en 1048, lorsqu'une délégation diplomatique française fut envoyée à Kiev, qui fut la capitale de la Russie, afin d'obtenir la main d'Anne, fille de Iaroslav le Sage, pour un futur mariage avec Henri Ier, alors roi de France et petit-fils d'Hugues Capet. Cette union, célébrée le , donna naissance à quatre enfants dont Philippe Ier, futur roi.

En 1413, le chevalier flamand Guillebert de Lannoy visite Veliky Novgorod et Pskov, participant à une guerre contre l'ordre Teutonique avec la Pologne et écrivit son livre Voyages et Ambassades.

Très hostile à la révolution française de 1848 qui aboutit à la proclamation de la république, Nicolas Ier envisage une guerre contre la France et lance un manifeste : « Pour la justice de Dieu et pour les principes sacrés de l'ordre établi sur les trônes héréditaires[1]. »

En 1892 fut signé un accord entre la France et la Russie établissant une alliance franco-russe. Elle se manifeste notamment par la visite médiatisée du tsar Nicolas II à Paris, en 1896. Cet accord reste en vigueur jusqu'en 1917 (date à laquelle l'Empire russe est renversé par la révolution bolchévique).

19 septembre 1901, revue de Bétheny près de Reims, par Nicolas II et Alexandra.

Pendant la Première Guerre mondiale, l'Empire russe et la France sont alliés contre la Triplice conclue entre l'Empire allemand, l’Empire austro-hongrois et le royaume d’Italie.

Durant la période soviétique

Avant la Seconde Guerre mondiale

Après la révolution bolchevique d'octobre 1917, la France prend le parti de soutenir les diverses unités d'armée russe qui refusent le nouveau pouvoir, en fournissant du matériel soit léger soit lourd aux armées des « Russes blancs ». Elle participe aussi aux opérations militaires à partir de jusqu'en en Sibérie avec un contingent d'environ 1 500 militaires, qui combattent aux côtés des Russes blancs, après avoir débarqué à Vladivostok. Le soutien contre les forces du nouveau régime bolchevique sera constant jusqu'en , au moment où Vladivostok est conquise par l'Armée rouge.

Au cours de l'année 1923, des émissaires soviétiques venant notamment d'Allemagne (qui fut le premier pays au monde à reconnaitre officiellement le pouvoir bolchevik dès ) tendent d'établir des contacts avec les autorités françaises.

En 1924, la France reconnaît officiellement l'Union soviétique, créée à la fin de l'année 1922 et se tissent alors des relations officielles, diplomatiques, culturelles et commerciales, entre les deux pays, avec ambassade, consulats généraux et consulats dans chacun des pays.

En 1932, le ministre soviétique des Affaires étrangères, Maxime Litvinov, avertit Staline que l'Allemagne de Weimar est en « phase terminale » et le presse de tenter un rapprochement avec la France et le Royaume-Uni pour contenir les avancées du nazisme. En 1934, cette politique est bien accueillie par le ministre français des Affaires étrangères, Louis Barthou, et permet des négociations qui aboutissent en 1935 au traité d'assistance mutuelle entre la France et l'Union soviétique[2].

Toutefois, l’assassinat de Louis Barthou par l’extrême droite yougoslave conduit à son remplacement par le très anti-communiste Pierre Laval. Dans les années 1930, la montée des conflits sociaux en France fait craindre à Moscou un virage à droite des élites, voire leur conversion au fascisme.[réf. nécessaire] Avec la victoire du Front populaire, la diplomatie soviétique tente de ranimer l'idée d'une alliance antifasciste qui pourrait également inclure le Royaume-Uni ; pourtant, après son entretien avec Léon Blum, Maxime Litvinov confie à Staline que le président du Conseil français lui a donné « une impression de fatigue et de fatalisme d'outre-tombe ». Quant aux discussions militaires franco-soviétiques, qui avaient constamment été reportées par les autorités françaises, Léon Blum reconnait qu'elles sont « sabotées » par les généraux et par son ministre de la Défense, Édouard Daladier, qui le remplacera peu après en s'alliant avec la droite[2].

Lors de la crise tchécoslovaque — le pays étant menacé d'invasion par l'Allemagne nazie — l'URSS réclame la tenue immédiate de négociations militaires entre des représentants des forces soviétiques, françaises et tchécoslovaques, ainsi que l'inscription de la crise à l'ordre du jour de l'assemblée générale de la SDN. L'ambassadeur soviétique Ivan Maïski indique que son pays est disposé à apporter une aide militaire à la Tchécoslovaquie, à condition que la France et le Royaume-Uni en fassent autant. Ces derniers refusent et signent les accords de Munich en [2].

Durant la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide

Dès , le gouvernement soviétique reconnaît le général de Gaulle comme le leader « de tous les Français libres ». L'Escadron de chasse 2/30 Normandie-Niemen des Forces aériennes françaises libres (FAFL) combat sur le front de l'Est dans les rangs soviétiques. En 1943 et 1944, Moscou choisit de coordonner sa position vis-à-vis de la France avec Londres et Washington, et de ne reconnaître le GPRF que le . Staline demande à Thorez, leader du PCF, d'accepter l'installation du pouvoir gaulliste. De Gaulle comme Staline comprennent l'intérêt de développer leurs relations afin de faire contrepoids à la domination des Américains et des Britanniques en Europe et d'éviter la renaissance d'une Allemagne puissante que les Soviétiques comme les Français craignent par dessus tout. Le Traité d'alliance entre la France et l'URSS signé à Moscou le 10 décembre 1944 traduit cette convergence de vues et symbolise le retour de la France sur la scène diplomatique[3].

À partir de 1945, la guerre froide va rapidement imposer sa logique et conduire la France dont le gouvernement compte des ministres communistes et un moment tentée par une ligne de neutralité entre l'Est et l'Ouest naissants, à choisir clairement le camp occidental et à faire reposer sa sécurité sur l'Alliance atlantique conclue avec les États-Unis[4]. La France y est aussi incitée car, malgré le traité d'alliance, Staline ne soutient pas les demandes françaises relatives à l'Allemagne, qui concernent notamment l’internationalisation de la Ruhr et le contrôle français de la Rhénanie[5]. L'échec de la Conférence de Moscou en et le départ des ministres communistes signifie la fin de tout dialogue politique constructif avec Moscou jusqu'à la mort de Staline et l'installation d'un gouvernement collégial.

La guerre de Corée et la guerre d'Indochine, durant laquelle le Việt Minh est soutenu par les Soviétiques, exacerbent les craintes sur la sécurité de l'Europe et relance la volonté américaine de procéder au réarmement allemand auquel la France demeure hostile. La France propose en 1950 d'encadrer le réarmement allemand au sein d'une Communauté européenne de défense (CED) à laquelle gaullistes et communistes sont fermement opposés. Staline tente sans succès de fissurer le bloc occidental en proposant la réunification et le neutralisation de l'Allemagne en [6].

La mort de Staline le fait naître des espoirs de détente et incite une partie de la classe politique française à vouloir d'ultimes négociations avec Moscou avec l'idée qu’un accord sur l’Allemagne et la sécurité en Europe permettrait de ne pas avoir à ratifier la CED[7]. En 1954, Moscou mène une offensive diplomatique largement destinée à la France en proposant le plan Molotov de sécurité européenne excluant les États-Unis. Ces propositions entraînent un vaste débat en France entre « atlantistes » et partisans de l'alliance franco-soviétique qui contribue à l'échec de la ratification de la CED par le Parlement français en [7].

Meeting dédié aux 60 ans de relations entre la France et l'URSS, Moscou, 1984.

La politique du général de Gaulle est double : fermeté vis-à-vis de la politique soviétique durant les crises de Berlin et de Cuba en dépit des difficultés que pose la guerre d'Algérie, tout en préservant la souveraineté française dans le pacte atlantique. Sa volonté de varier les interlocuteurs lui fait évoquer « une Europe de l’Atlantique à l’Oural », seule garante de paix et de liberté. Il s’engage avec l’URSS et ses satellites dans « une politique de détente, d’entente et de coopération ». En mars 1960, il invite en France Nikita Khrouchtchev, pour une longue visite, lors de laquelle De Gaulle traite avec lui d’égal à égal[8].

En 1966, après la distance prise avec le commandant intégré de l’OTAN, le voyage du général de Gaulle en URSS (juin-juillet) peut être considéré comme un triomphe pour la politique de détente[8].

En 1977, l'URSS ouvre un consulat à Marseille, et la France, à Léningrad, afin d'intensifier les relations diplomatiques et les échanges culturels entre les deux pays. L'URSS dépêche dix fois plus de personnel diplomatique que la France, dont des espions sous couverture, la région abritant plusieurs sites stratégiques de la défense française ainsi que des entreprises florissantes[9].

François Mitterrand et Mikhaïl Gorbatchev se rencontrent dix fois entre 1985 et 1991. Après les sommets d'octobre 1985 et de juillet 1986, les désaccords entre la France et l'URSS sur les questions de désarmement nucléaire tendent les relations. Faisant suite aux entretiens du ministre soviétique des Affaires étrangères, Chevardnaze, à Paris en octobre 1988, celles-ci reprennent au sommet fin 1988 quand Mitterrand se rend à Baïkonour et à Moscou les 25 et 26 novembre. Puis Gorbatchev est à Paris du 4 au 6 juillet 1989[10]. Les évènements en RDA conduisent à un nouveau sommet dès le 6 décembre 1989 à Kiev suivi d'une rencontre à Moscou le 25 mai 1990. Un nouveau sommet se tient à Paris les 28 et 29 octobre 1990, dans le contexte de la crise du Golfe, de la détérioration croissante de la situation économique en URSS et de la tenue du deuxième sommet de la CSCE en novembre 1990. Mitterrand se rend à Moscou le 6 mai 1991. Une nouvelle rencontre a lieu le 17 juillet 1991 en marge du G7 auquel Gorbatchev est invité à participer. Une dernière rencontre a lieu les 30 et 31 octobre à Latché.

Tout en continuant d'apporter formellement son soutien à M. Gorbatchev qui tente de bâtir une nouvelle Union devant succéder à l'URSS[11], la France commence à développer ses relations avec les anciennes RSS qui ont pris leur indépendance. Ainsi, Boris Eltsine est reçu à l'Élysée pour la première fois le 18 avril 1991[12].

Sommets franco-soviétiques

Les rencontres franco-soviétiques à haut niveau politique ne se limitent pas aux sommets auxquels le président du Conseil (sous la Quatrième République) ou le président de la République (sous la Cinquième République) participe. Ainsi, Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing dans leurs fonctions ministérielles avant qu'ils ne soient élus président ont rencontré à plusieurs reprises leurs homologues soviétiques. Par exemple, Pompidou rencontre Kossyguine à Moscou en juillet 1967[13].

Date Lieu Chef d'État ou de gouvernement Principaux sujets abordés
France Russie / URSS
1 - Drapeau de l'URSS Moscou C. de Gaulle J. Staline Signature du traité d'alliance entre la France et l'URSS
2 - Drapeau de l'URSS Moscou Guy Mollet N. Boulganine
N. Khrouchtchev
Entretiens avec le maréchal Boulganine, Nikita Khrouchtchev et Molotov[14],[15]
3 23 mars - 3 avril 1960 Drapeau de la France Paris C. de Gaulle N. Khrouchtchev Préparation de la conférence des 4 puissances, qui doit s'ouvrir le 16 mai à Paris, développement sur tous les plans des relations bilatérales franco-soviétiques[16].
4 14 - 17 mai 1960 Drapeau de la France Paris C. de Gaulle N. Khrouchtchev Entretiens préparatoires entre de Gaulle et Khrouchtchev. Sommet avorté en raison de l'affaire du survol de l'URSS par un avion espion U2[17].
5 - Drapeau de l'URSS Moscou C. de Gaulle L. Brejnev
A. Kossyguine
6 - Drapeau de la France Paris C. de Gaulle A. Kossyguine
7
et 1 juillet 1967
Drapeau de la France Paris C. de Gaulle A. Kossyguine Escale à Paris de Kossyguine, à l'aller et au retour des États-Unis, pour rencontrer L. Johnson et participer à l'Assemblée générale de l'ONU[18].
8 6 - 13 octobre 1970 Drapeau de l'URSS Moscou G. Pompidou L. Brejnev
9 26 - 30 octobre 1971 Drapeau de la France Paris G. Pompidou L. Brejnev
A. Kossyguine
10 11 - 12 janvier 1973 Drapeau de l'URSS Minsk G. Pompidou L. Brejnev Échange de vues sur les MBFR, accord pour que la CSCE soit convoquée dans les prochains mois[19],[20].
11 25 - 27 juin 1973 Drapeau de la France Rambouillet G. Pompidou L. Brejnev [21]
12 11 - 13 mars 1974 Drapeau de l'URSS Moscou G. Pompidou L. Brejnev
13 4 - 7 décembre 1974 Drapeau de la France Rambouillet V. Giscard d'Estaing L. Brejnev [22]
14 14 - 17 octobre 1975 Drapeau de l'URSS Moscou V. Giscard d'Estaing L. Brejnev
15 21 - 22 juin 1977 Drapeau de la France Paris V. Giscard d'Estaing L. Brejnev
16 27 - 28 avril 1979 Drapeau de l'URSS Moscou V. Giscard d'Estaing L. Brejnev [23]
17 19 mai 1980 Drapeau de la Pologne Varsovie V. Giscard d'Estaing L. Brejnev Courte rencontre faisant suite à l'invasion de l'Afghanistan par les troupes soviétiques.
18 20 - 23 juin 1984 Drapeau de l'URSS Moscou F. Mitterrand K. Tchernenko
* 13 mars 1985 Drapeau de l'URSS Moscou F. Mitterrand M. Gorbatchev Obsèques de K. Tchernenko. Bref entretien entre Mitterrand et Gorbatchev[24].
19 2 - 5 octobre 1985 Drapeau de la France Paris F. Mitterrand M. Gorbatchev Entretiens portant sur le désarmement en Europe, la force de dissuasion française, la situation des dissidents en URSS[25].
20 7 - 10 juillet 1986 Drapeau de l'URSS Moscou F. Mitterrand M. Gorbatchev Entretiens en tête-à-tête sur le désarmement en Europe[26].
21 25 - 26 novembre 1988 Drapeau de l'URSS Baïkonour F. Mitterrand M. Gorbatchev
22 4 - 6 juillet 1989 Drapeau de la France Paris F. Mitterrand M. Gorbatchev
23 6 décembre 1989 Drapeau de l'URSS Kiev F. Mitterrand M. Gorbatchev
24 25 mai 1990 Drapeau de l'URSS Moscou F. Mitterrand M. Gorbatchev
25 28 - 29 octobre 1990 Drapeau de la France Paris F. Mitterrand M. Gorbatchev
26 6 mai 1991 Drapeau de l'URSS Moscou F. Mitterrand M. Gorbatchev
27 17 juillet 1991 Drapeau du Royaume-Uni Londres F. Mitterrand M. Gorbatchev Rencontre en marge du sommet du G7 auquel Gorbatchev a été invité à participer.
28 30 octobre 1991 Drapeau de la France Latche F. Mitterrand M. Gorbatchev Dernière rencontre, deux mois avant la disparition de l'URSS.

Depuis 1992 avec la Fédération de Russie

Le , trois mois après la dislocation de l'URSS, la France reconnaît officiellement la Fédération de Russie comme État successeur de l'URSS.

Le gouvernement français apporte son soutien en 1996 à Boris Eltsine lors de la campagne présidentielle russe. Le premier ministre Alain Juppé se rendit à Moscou le , jour de l’annonce de la candidature d’Eltsine. Il déclara souhaiter que la campagne électorale soit « l’occasion de mettre en valeur les acquis de la politique de réformes menée par le président Eltsine »[27]. La présidence de Jacques Chirac semble inaugurer un fort rapprochement entre la Russie et la France. Chirac lui même était un admirateur avéré de la langue et de la culture russe : ayant appris cette langue dans son adolescence auprès d'un précepteur particuliers[28], il a réalisé une traduction du roman Eugène Onéguine de l'auteur et poète russe Pouchkine, à tout juste dix-neuf ans[29]. Vladimir Poutine admettra lui aussi, lors d'une interview donné au Financial Times en juin 2019, avoir une haute estime pour l'ancien président français[30]

Peu avant d'être élu président de la République, Nicolas Sarkozy se montre hostile envers la Russie : dans un entretien accordé à la revue Le Meilleur des mondes en , il annonce qu’il ne serrera pas les mains « tachées du sang des Tchétchènes »[31]. En , quelques jours avant sa première visite officielle à Moscou, il décrit notamment la Russie comme « un pays qui complique la résolution des grands problèmes du monde », plutôt qu'un « facilitateur »[32].

En 2008, le plan de paix Sarkozy-Medvedev met fin à la deuxième guerre d'Ossétie du Sud qui oppose la Géorgie aux républiques sécessionnistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud-Alanie et à la Russie. Selon, Florent Parmentier et Cyrille Bret, la France a ainsi « contribué à figer la situation dans un conflit gelé à l’avantage de Moscou et au détriment de Tbilissi »[33].

Nicolas Sarkozy, Dmitri Medvedev et leurs épouses respectives au sommet du G8 en 2011.

En 2010, la France vend un navire de classe Mistral, à la Russie, premier contrat d'armes franco-russe depuis la Seconde Guerre mondiale.Jean-Yves Camus estime qu'après un positionnement atlantiste associé à une « intransigeance [...] vis-à-vis de Moscou, en particulier sur les violations des droits de l’homme et la guerre en Tchétchénie », « on peut considérer que l’année 2008 a été le tournant qui a vu Nicolas Sarkozy ménager ensuite la relation bilatérale franco-russe, tant avec la conclusion en décembre 2010 du contrat de vente des deux porte-hélicoptères Mistral qu’avec la célébration en grande pompes de l’année croisée culturelle entre les deux pays (2010), ou le projet du Centre spirituel et culturel orthodoxe russe né en 2007 sous l'impulsion du patriarche Alexis II »[34]. Selon plusieurs analystes, Nicolas Sarkozy « conduit une politique internationale largement compatible avec les priorités de Moscou. Au fil des sommets et malgré les vicissitudes de la crise en Libye, les deux hommes [lui et Vladimir Poutine] ont développé une relation de soutien mutuel avantageuse aux deux : le statut d’homme fort de l’un venant régulièrement renforcer la carrure d’homme d’État de l’autre, et réciproquement »[33].

Lors de la première visite de François Hollande en Russie depuis son élection en février 2013, les deux pays divergent notamment sur le dossier syrien, la France jugeant le départ de Bachar al-Assad nécessaire pour parvenir à une solution politique tandis que la Russie estime qu'il revient aux Syriens de se déterminer eux-mêmes[35].

Le , en pleine crise ukrainienne, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian annonce l'arrêt de la coopération militaire franco-russe[36] tandis que l'Union européenne adopte des sanctions à l'encontre de la Russie. Malgré ces événements, la livraison des Mistral n'a pas été annulée et 400 marins russes sont arrivés à Saint-Nazaire fin pour une formation devant durer 4 mois[37],[38].

Les présidents français François Hollande et russe Vladimir Poutine à Moscou en décembre 2014.

Cependant, le , la situation en Ukraine pousse le président de la République à suspendre la livraison des Mistral. L’Élysée soumet alors le contrat à deux conditions : un cessez-le-feu et un règlement politique de la crise ukrainienne. Cette situation tend nettement les relations diplomatiques franco-russes depuis cette décision. La Russie demande une explication écrite le pour ce refus de livrer les porte-hélicoptères classe Mistral. Celle-ci a ensuite lancé un ultimatum de livraison à la France, le .

Celle-ci n'ayant pas été effectué, les deux parties négocient depuis la mi-avril sur le montant du remboursement : Paris est prêt à rembourser à Moscou 784,6 millions d’euros d’avances déjà perçus tandis que Moscou estime le préjudice subi par la Russie à près de 1,163 milliards d’euros[39]. Aussi, il existe un autre point de discorde : la France souhaite que la Russie signe qu'elle autorise la revente des deux Mistral à un pays tiers alors que celle-ci fait savoir qu'elle y est fortement opposée.

Une partie de l'UMP, traditionnellement atlantiste, exprime alors son soutien à la Russie, notamment Nicolas Sarkozy. Cette attitude est le prolongement d'une vague de russophilie présente depuis plusieurs mois au sein du parti, et qui en traverse toutes les familles. Celle-ci s'exprime par référence au gaullisme ou par volonté de défendre les valeurs conservatrices. François Fillon rencontre ainsi Vladimir Poutine à plusieurs reprises à partir de 2012. Thomas Gomart, de l’Institut français des relations internationales, évoque également une « action directe et extrêmement forte des services russes » à l'encontre de l'UMP. Pierre Lellouche, spécialiste des questions internationales à l'UMP, reconnaît que « c’est la première fois, hormis sur les questions européennes comme le référendum de 2005, qu’un sujet de politique étrangère nous rattrape en interne avec une telle force »[40]. En , Thierry Mariani, député Les Républicains des Français de l’étranger connu pour son soutien à la Russie, annonce qu'il se rendra quatre jours en Russie puis en Crimée avec neuf autres députés français : Nicolas Dhuicq, Claude Goasguen, Jacques Myard, Patrice Verchère, Sauveur Gandolfi-Scheit, Marie-Christine Dalloz (Les Républicains), Yves Pozzo di Borgo (UDI) et Jérôme Lambert (PRG)[41].

En , Nicolas Sarkozy donne une conférence sur la situation internationale à l'Institut d'État des relations internationales de Moscou (MGIMO), puis s'entretient avec Vladimir Poutine. Cette visite est perçue comme « un signal à l’aile la plus conservatrice de son parti » (Les Républicains)[33]. Selon plusieurs analystes, « en dépit de la rhétorique conciliante adoptée par Nicolas Sarkozy à Moscou, plusieurs forces structurelles entravent le développement d’un partenariat franco-russe décomplexé » en cas de victoire de l'intéressé lors de l'élection présidentielle de 2017 car « Nicolas Sarkozy a préservé, malgré les apparences, plusieurs fils rouges de la diplomatie française de la décennie écoulée », dont l'opposition au maintien de Bachar el-Assad dans le contexte de la guerre civile syrienne. Ainsi, « Nicolas Sarkozy se pose moins en alternative à la politique russe de François Hollande qu’il ne reprend la ligne traditionnelle des chefs de l’opposition française à l’étranger : lancer quelques formules indirectes contre l’action du chef de l’État français, bénéficier de l’aura de son hôte, mais reconduire en fait la ligne politique traditionnelle du pays »[33].

Vladimir Poutine et Emmanuel Macron en visio-conférence en juin 2020

En , Emmanuel Macron appelle à créer une « vraie armée européenne » pour faire « face à la Russie, qui est à nos frontières et qui a montré qu'elle pouvait être menaçante[42]. »

Malgré de nombreux points de tension, notamment sur la Syrie et l’Ukraine — il réaffirme notamment que la France ne reconnaît pas l'annexion de la Crimée par la Russie —, Emmanuel Macron cherche à rapprocher la France et l'Europe de la Russie : il convie notamment Vladimir Poutine au fort de Brégançon en marge du sommet du G7 de 2019, et défend la réintégration de la Russie au sein du Conseil de l'Europe[43],[44],[45]. En , il déclare que sa volonté de rapprochement avec la Russie suscite l’opposition des « États profonds de part et d’autre, à Paris comme à Moscou ». Dans L'Opinion, Jean-Dominique Merchet confirme que « la politique de l’Élysée se heurte à de fortes résistances au sein de l’appareil d’État », notamment de la part de diplomates « fidèles à la pensée de la spécialiste des affaires stratégiques Thérèse Delpech », qui « occupent aujourd’hui des postes clés au ministère des Affaires étrangères et à celui des Armées »[46]. Cette volonté de rapprochement avec la Russie recueille l'assentiment de figures de la droite : Nicolas Sarkozy, Christian Jacob ou encore Bruno Retailleau[47].

Relations scientifiques

La collaboration scientifique franco-russe en matière de biologie et de médecine est devenue particulièrement active et fructueuse sous l’impulsion de Louis Pasteur (1822-1895), éminent savant français, russophile par ailleurs. Parmi les premiers savants russes invités à venir travailler dans l’institut qui porte son nom, fondé à Paris en 1888, se distingue I.I. Metchnikoff, dont les travaux seront couronnés par le prix Nobel de physiologie et de médecine en 1908[48]. Plus tard, plusieurs savants russes dirigèrent avec succès différents services de l’Institut Pasteur de Paris, dont Alexandre Besredka, Sergueï Vinogradski, André Lwoff, Antonina Guelin[49], Serge Metalnikov.

À l’occasion de la célébration du centenaire de la naissance de Louis Pasteur en 1923, de nombreux laboratoires de recherches ont porté le nom de « Pasteur » dans la nouvelle URSS, ceci avant même le rétablissement des relations diplomatiques franco-russes en 1924. À Leningrad, est fondé notamment l'Institut Pasteur d'épidémiologie et de microbiologie[50], lequel entre dans le Réseau international des instituts Pasteur (RIIP) en 1993, actuellement nommé Institut d’épidémiologie et microbiologie de Saint-Pétersbourg[51].

La recherche sur la peste et les moyens de lutte au cours de la troisième pandémie en Russie/URSS - Asie Centrale (fin XIXe-XXe siècle) est un exemple de convergence d’efforts scientifiques internationaux (OMS, Organisation Mondiale de la Santé). Des chercheurs russes et français ont uni leurs efforts : parmi eux, M. Baltazard, E. Brygoo, côté français ; B.K. Fenyuck, N. Kalabukhov, Y. Rall,  A. Reshetnikov, côté russe[52].

Relations économiques

En 2010, le volume des échanges bilatéraux s'élevait à 21,3 milliards d'euros[53]. La France est ainsi le troisième partenaire économique européen de la Russie derrière l'Allemagne et l'Italie.

Notes et références

  1. Alain Garrigou, « 1848, le printemps des peuples », sur Le Monde diplomatique,
  2. a b et c Gabriel Gorodetsky, « Un autre récit des accords de Munich », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. Mikhaïl Narinskiy, « Moscou et le Gouvernement provisoire du général de Gaulle », Relations internationales,‎ , p. 561-573 (lire en ligne)
  4. La guerre froide de la France 1941-1990, 2018, Chap. III - La France entre en guerre froide, p. 120-141
  5. Jacques Fauvet, La IVe République, 1960, Chap. I - De la guerre à la paix
  6. Walter Schütze, « De la « note Staline » à la conférence « 2 + 4 ». La réunification en perspective », Politique étrangère,‎ (lire en ligne)
  7. a et b Georges-Henri Soutou, La guerre froide de la France, 2018, Chap. VI - La mort de Staline et le grand débat, p. 232-236
  8. a et b Farès Sassine, De Gaulle : un regard lucide sur la Russie, lorientlejour.com, 21 janvier 2018
  9. Notin, Jean-Christophe,, Le maître du secret : Alexandre de Marenches, Paris, Tallandier, 555 p. (ISBN 979-10-210-3129-6, 9789791021036 et 9791021031, OCLC 1030779675, lire en ligne)
  10. « France-URSS : Le vingtième sommet depuis la guerre », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  11. « Les déclarations de M. Mitterrand et de M. Gorbatchev », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  12. Anne de Tinguy, « L'émergence de la Russie sur la scène internationale », Politique étrangère,‎ , p. 49-61 (lire en ligne)
  13. Pierre Viansson-Ponté, « La visite de M. Pompidou à Moscou s'est achevée dans l'euphorie », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  14. André Fontaine, « Le sens d'un voyage », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  15. « Le communiqué final témoigne d'une bonne volonté mutuelle », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  16. « Communiqué conjoint franco-soviétique », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  17. André Fontaine, « La condamnation du raid de l'U-2 et l'engagement d'arrêter les vols au-dessus de l'U.R.S.S. Il propose l'ajournement à six ou huit mois de la conférence " au sommet " L'invitation en U.R.S.S. du président des États-Unis est annulée Menace de rupture », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  18. André Fontaine, « Le général de Gaulle s'entretient avec M. Kossyguine », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  19. Michel Tatu, « LA FIN DES ENTRETIENS ENTRE MM. BREJNEV ET POMPIDOU La France pourrait s'associer ultérieurement à la négociation sur une réduction des forces en Europe », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  20. « Le communiqué commun : la France et l'U.R.S.S. feront tout pour que la conférence européenne soit convoquée dans les prochains mois », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  21. « La prochaine visite de M. Brejnev en France manifeste un souci d'équilibre entre les États-Unis et l'Europe », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  22. Jacques Amalric, « M. Brejnev voudrait rallier M. Giscard d'Estaing à l'idée d'une conclusion rapide " au sommet " de la conférence sur la sécurité européenne », Le Monde,‎ (lire en ligne)
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Voir aussi

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Bibliographie

Articles connexes

Liens externes