Grandes antiennes « Ô » de l'Avent

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Titre :
Grandes antiennes Ô, Antiennes majeures etc.

Origine :
rite romain ou rite romano-franc

Usage liturgique :
antiennes pour le Magnificat, usage avant Noël

Témoignages les plus anciens :
- titres
Liber de ordine antiphonarii (Amalaire, vers 830)
- textes
Antiphonaire de Compiègne (vers 877)

Liens incertains avec :
Saint Grégoire le Grand († 604)
Alcuin († 804)

Usage historique :
rite romain, rite de Sarum, rite anglican

Sans utilisation :
rite ambrosien, rite mozarabe

Usage actuel :
rite romain (depuis 1568, approbation par Pie V), rite anglican


Image :
Antiphonarium pro Ecclesia Einsidlensi
(Einsiedeln, manuscrit 611), folio 15r [14][1]

Les antiennes Ô sont des chants de la liturgie catholique latine qui accompagnent le Magnificat aux vêpres des sept jours qui précèdent Noël. Elles sont ainsi nommées parce qu'elles commencent par l'interjection « Ô » adressée au Christ. Elles appliquent en effet au Christ des titres extraits de l'Ancien Testament qui expriment l'attente messianique selon les auteurs chrétiens. Les antiennes Ô sont désignées de différentes manières dans les livres liturgiques anciens et modernes : « Grandes antiennes », « Antiennes majeures » (antiphonae majores)[2], « Grandes Ô », « Ô de devant Noël », « Ô de Noël », ou en France « Oleries » d'après Charles du Fresne du Cange[eg 1]. On parle aussi à leur sujet de semaine ou octave de « Sainte Marie de l'Ô », en raison d'une tradition qui associe la semaine qui précède Noël, scandée par ces antiennes, à une octave liturgique inversée, puisqu'elle anticipe et prépare à la fête, alors qu'une octave a pour caractéristique de prolonger une solennité liturgique[3].

Principaux témoins manuscrits des antiennes « Ô » de l'Avent

Les grandes antiennes « Ô » se trouvent dans les manuscrits les plus anciens et les plus sûrs du chant grégorien. Cela signifie que ces antiennes sont issues du rite romain authentique et non des liturgies locales. Les spécialistes les identifiaient scientifiquement.

Le texte

latin français
O Sapientia[9],

quae ex ore Altissimi prodisti, attingens a fine usque ad finem, fortiter suaviter disponensque omnia : veni ad docendum nos viam prudentiae.

Ô Sagesse,
de la bouche du Très-Haut, toi qui régis l’univers avec force et douceur, enseigne-nous le chemin de vérité : Viens, Seigneur, nous enseigner le chemin de la prudence.
latin français
O Adonai[10],

et dux domus Israël, qui Moysi in igne flammae rubi apparuisti, et ei in Sina legem dedisti : veni ad redimendum nos in brachio extento.

Ô Adonai,
chef de ton peuple Israël, tu te révèles à Moïse dans le buisson ardent et tu lui donnes la Loi sur la montagne : Viens, Seigneur, nous délivrer par la vigueur de ton bras.
latin français
O Radix Jesse[11],

qui stas in signum populorum, super quem continebunt reges os suum, quem gentes deprecabuntur : veni ad liberandum nos, jam noli tardare.

Ô Rameau de Jessé,
étendard dressé à la face des nations, les rois sont muets devant toi tandis que les peuples t’appellent : Viens, Seigneur, délivre-nous, ne tarde plus.
latin français
O Clavis David[12],

et sceptrum domus Israël, qui aperis, et nemo claudit, claudis, et nemo aperit : veni, et educ vinctum de domo carceris, sedentem in tenebris, et umbra mortis.

Ô Clé de David,
ô Sceptre d’Israël, tu ouvres et nul ne fermera, tu fermes et nul n’ouvrira : Viens, Seigneur, et arrache les captifs établis dans les ténèbres et la nuit de la mort.
latin français
O Oriens[13],

splendor lucis aeternae, et sol justitiae : veni, et illumina sedentes in tenebris, et umbra mortis.

Ô Orient,
splendeur de la lumière éternelle et soleil de justice : Viens, Seigneur, illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort.
latin français
O Rex Gentium[14],

et desideratus earum, lapisque angularis, qui facis utraque unum : veni, et salva hominem, quem de limo formasti.

Ô Roi de l’univers,
ô Désiré des nations, pierre angulaire qui joint ensemble l’un et l’autre mur : Force de l’homme pétri de limon, viens, Seigneur, viens nous sauver.
latin français
O Emmanuel[15],
Rex et legifer noster, expectatio gentium, et Salvator earum : veni ad salvandum nos, Domine, Deus noster.
Ô Emmanuel,
notre Législateur et notre Roi, espérance et salut des nations : Viens nous sauver, Seigneur, notre Dieu[16].

Ces textes se constituaient des extraits de la Vulgate, essentiellement du Livre d'Isaïe[am 1] et du Nouveau Testament [15][eg 2].

Liturgie

Antiennes distinguées

De grandes antiennes « Ô » sont des antiennes qui accompagnent le cantique du Magnificat, un des deux cantiques les plus importants. D'où, parfois elles s'appelaient Antiphone super Magnificat[17].

Distribution A : dans cet antiphonaire de Poissy (entre 1335 et 1345, chez Dominicains), la huitième antienne O virgo virgonum était définitivement séparée (folio 392r) [manuscrit en ligne (folios 30v, 30r, 31v et 392r].

Distributions traditionnelles

Distribution B : antiphonaire dit de Compiègne (BNF latin 17436 (vers 877)) [manuscrit en ligne (folio 36r)].
Antienne Distribution A
Liturgie des Heures[18]
Distribution B
(ancien rite romain)
O Sapientia
O Adonai
O Rádix Jesse
O Clavis David
O Oriens
O Rex gentium
O Emmanuel
O Virgo Virginum

La distribution A est non seulement la pratique de la liturgie actuelle mais aussi la tradition principale de la plupart des pays, à partir du bréviaire romain de Pie V (1568). Le calendrier B était essentiellement conservé en Angleterre jusqu'au XXe siècle tandis que assez nombreux diocèses gardaient cette distribution comme liturgie locale, telle celle de Rouen[eg 3].

Cependant, selon l'antiphonaire de Compiègne qui est le manuscrit le plus ancien, la B représente exactement le calendrier officiel, dans lequel la huitième et dernière ancienne O Virgo Virginum était le souvenir d'une fête mariale[am 2]. Avec son œuvre Liber de ordine antiphonarii (vers 830), Amalaire de Metz expliquait en effet « qu'il s'agit de la semaine consacrée à Vierge Marie quand on exécute les grandes antiennes « Ô » de l'Avent[am 3] ». Cette semaine sainte avant Noël correspondait à la Semaine sainte de Pâques. Celle-ci était dans la liturgie une octave, dans la manière de grandes fêtes des Israélites. Le huitième et dernier jour dans l'« octave liturgique », se distingue en tant que clôture solennelle de la sainte assemblée[3].

Le rite romain adopté en Gaule au VIIIe siècle, il y eut un changement du calendrier. Dans les pays germaniques, plusieurs antiennes « Ô » supplémentaires furent composées, en tant que liturgie locale[19]. Déstabilisé, le calendrier perdit son uniformité et commença à varier selon la région[am 4]. Finalement, en supprimant soit l’O Emmanuel soit l’O Virgo Virginum, les sept antiennes devinrent habituelles.

Il est à noter que, depuis 2019, l'église anglicane en Amérique du Nord (ACNA) pratique la distribution B avec l’O Virgo Virginum, en rétablissant la tradition ancienne[20].

Historique

Origine des antiennes

En ce qui concerne l'origine des antiennes Ô, il reste une grosse difficulté à l'identifier : Rome, Gaule ou Espagne. Certes, auparavant, les chercheurs l'attribuaient au rite romain ancien, avec le Liber responsorialis de saint Grégoire le Grand († 604)[21],[cpl 1],[eg 4]. Or, manque de manuscrit sûr, l'attribution pour ce pape n'est plus acceptée[22]. D'après des manuscrits tardifs, l'on confirme néanmoins que ces chants en vieux-romain étaient pratiqués à la chapelle papale de Rome. Il s'agit des manuscrits copiés après le XIe siècle. Enfin cette pratique ne remonte, hypothétiquement, qu'au VIe siècle[cpl 1], car la liturgie de l'Avent y fut directement importée de la Gaulle dans ce siècle[ds 1].

Selon certains historiens, il serait même possible de remonter jusqu'au IVe siècle, d'après le poème De Cognomentis Salvatoris (Carmen VI) du pape Damase Ier, dans lequel figurent déjà des références à Emmanuel, Sapientia, Radix, ou encore à judex et lapis[23],[24].

Il est à noter qu'en Espagne, la fête de l’Expectatio ou de l'Ô de la Vierge qui est célébrée le 18 décembre[eg 5], serait antérieure, car elle remonte à la conversion d'un roi wisigoth au VIe siècle. Cependant aucun manuscrit de la liturgie mozarabe ne porte la trace des antiennes Ô[25],[eg 6] ni le décret du Xe concile de Tolède (656) qui institua cette fête[N 1]. Or, ce décret était en fait l'origine de cette célébration mariale (Sancte et Virginis festum), huit jours avant Noël[26], laquelle peut donner une explication pourquoi les antiennes sont affectées au Magnificat pendant cette période.

Si l'on consulte les manuscrits concrets, il n'en existe pas avant le IXe siècle. L'œuvre d'Amalaire de Metz (vers 830)[cpl 1] ainsi que l'antiphonaire de Compiègne (vers 877), mentionnés au-dessus, restent les témoignages les plus anciens de ces antiennes[eg 7],[N 2]. D'ailleurs, Amalaire, qui avait été à Rome en qualité d'ambassadeur[27], s'apercevait l'ordre différent de huit antiennes entre l'antiphonaire de Rome et celui de Metz[am 5],[eg 8]. Or, il ne savait pas lequel était plus ancienne.

Les antiennes dans le calendrier liturgique

Variété de calendriers

Le calendrier de l'exécution des grandes antiennes « Ô » demeurait problématique, jusqu'à ce que le chant vieux-romain, ancien chant officiel du Vatican, ait été identifié en 1950 par un musicologue allemand Bruno Stäblein. Ces antiennes en vieux-romain étaient chantées tant durant l'Avent que toute l'année, à la basilique Saint-Pierre de Rome. Dans le manuscrit Vatican B79 (folio 14v), le copiste écrivit [16][N 3] : « Ces antiennes, à savoir O sapientia et celles qui suivent, nous les chantons quotidiennement à Benedictus jusqu'à la fête de sainte Lucie, sauf le dimanche[ds 2]. » On commençait donc à chanter ces antiennes entre les 13 et 17 décembre pour les vêpres. Ce manuscrit explique aussi qu'à l'origine, on chantait également ces antiennes pour le cantique Benedictus, qui se distingue comme sommet des laudes[ds 3].

La « Table parisienne »

Une table parisienne des Ô, bibliothèque centrale de Soleure, manuscrit S378 (Breviarium canonicorum regularium), folio 176r (vers 1470)

En 1263 apparaît la « table parisienne » des antiennes de l’office de Avent, un abaque afin de pouvoir calculer grâce à sept tableaux ou plans, les différents jours de la semaine où chanter les antiennes fériales de l’Avent et les antiennes Ô, selon le jour de la semaine où tombait la fête de Noël[28]. Toutes les possibilités de dates et de jours de la semaine, étaient envisagées dans ces sept tables : Si Noël tombe un dimanche, la première des antiennes doit être chantée le vendredi de la troisième semaine de l'Avent, si cela tombe un lundi, le jeudi de la seconde semaine, etc. Frère Rubinus, sans doute franciscain, et chantre parisien, aurait été l’artisan de la plus célèbre de ces sept tables, en 1300 dans le domaine de la liturgie conventuelle, et ces tables furent utilisées par tout l'ordre franciscain, quarante ans après les premiers chapitres d'Assise[29].

Suppression et réstauration au XVIe siècle

En ce qui concerne le rite romain, ces antiennes furent en entier supprimées dans le bréviaire romain de 1535, édité par le cardinal Francisco de los Ángeles Quiñones. Puis, ce dernier fit en restaurer trois, Ô Oriens en faveur des matines, Ô Rex Gentium aux laudes, et Ô Emmanuel aux vêpres. Il fallait qu'elles soient chantées du troisième dimanche de l'Avent à la veille de Noël[eg 6]. En interdisant ces éditions[30], le pape Pie V fit rétablir la tradition en sept antiennes, le 25 juin 1568 avec sa bulle pontificale Quod a nobis postulat[eg 6].

Structure des antiennes

Références à l'Ancienne Alliance

Les antiennes « Ô » associent l'invocation du Messie, « Ô », avec la prière pour sa venue (introduite par : « veni », « viens», et s'appuient sur les textes de l'Ancien Testament (surtout, Livre d'Isaïe VII, 14 pour Ô Emmanuel[eg 9], ce qui était cité par Amalaire[am 3]). Chaque antienne reprend des livres de l'Ancien et du Nouveau Testament : Judith, Malachie, Ezéchiel, Aggée, Zacharie, Actes[eg 2]. Et chacune est un titre du Messie dont la naissance était attendue en Israël.

Les antiennes permettaient aux catholiques de prier pour la conversion des Juifs, le nombre de références bibliques et de termes hébreux (Adonaï, Emmanuel) « y incitait »[31]. Les antiennes soulignent que Jésus est le Fils du Dieu Père de l'Ancien Testament.

Forme tripartite

D'après Emmanuel Böhler, le cycle des antiennes Ô est structuré par une forme tripartite récurrente[32]: « Tout d’abord une partie commençant par le vocable « O » suivi du titre christologique. Une deuxième partie va déployer, commenter le titre conféré. Enfin la troisième partie est toujours un appel qui commence par le verbe « veni » (viens). L’appel est systématiquement en lien avec la deuxième partie. D’après les catégories d’analyse de l’édition critique de l’antiphonaire par l’abbaye de Solesmes on peut se rendre compte que la structure musicale est complètement calquée sur la structure narrative. La mélodie de chaque antienne forme une « période » que l’on peut nettement diviser en trois « incises ». Chaque « incise » correspondant à chacune des trois parties narratives. Les deux premières incises formant un « membre » de la période, correspondant au « protasus ». La dernière incise formant le deuxième « membre » correspondant à « l’apodosis ». Le « protasus » permet de souligner la structure narrative de l’annonce du titre christologique et de son déploiement littéraire. « L’apodosis » permettant alors de souligner l’appel. La grammaire musicale épousant parfaitement la grammaire littéraire, nous sommes en présence d’un chef-d’œuvre du genre. ».

Caractéristiques de antiennes « Ô »

Mode

À partir du Haut Moyen Âge en chant grégorien monodique, les antiennes Ô sont toutes exécutées selon le deuxième mode. Alors que chaque antienne Ô en deuxième mode contient une prière, celle du sixième mode exprime l'admiration[33]. Ce sont donc, caractérisées par le mode II, des prières. Dans le répertoire grégorien, ces antiennes étaient groupées sur le même plan musical et correspondaient à un autre groupe d'antiennes commençant par Hodie (Aujourd'hui) qui était réservé à Noël et à l'Épiphanie[ds 4]. D'où, Daniel Saulnier supposait une influence de l'église d'Orient par l'intermédiaire de la liturgie en Gaulle, introduite par les prêtres grecs tel saint Irénée de Lyon[ds 4].

Un vocatif

Martigny [34] précise que, « en l'Église de Marseille c'est que pendant l'Avent, après matines, avant de commencer laudes, on interrompait quelque temps l'office pour soupirer après l'attente du salut. Tout le chœur se mettait à genoux, et on chantait solennellement l'antienne Emitte agnum dominatorem terne, ce qui continuait jusqu'à la veille de Noël. ». Selon Jacques Viret[35] par exemple, ce « O » de forme ronde, ce cercle évoque le soleil et le solstice d'hiver de Noël : « Sous le soleil il a reçu sa forme et du soleil, dans le ventre de sa mère il a reçu la forme : la lettre O comme l'oméga ressemble à merveille à la rondeur du ventre d'une femme enceinte du Fils de Dieu, le Très-Haut, le Saint des saints, et prête à... perdre les eaux le soir de Noël ».

Usage liturgique

Les antiennes Ô appartiennent au cursus de la liturgie des Heures, en faveur du cantique Magnificat dans les vêpres. Depuis le chant vieux-romain, on les chantait aussi aux laudes, au lever du soleil, avant et après le cantique Benedictus, en double rit. D'ailleurs, les antiennes Ô Clavis David et Ô Oriens l'illustraient tout particulièrement[36]. En tant que liturgie locale, avant 1840 en Seine-et-Marne, une coutume était de les chanter tous les soirs aux complies, entonnées par des petits garçons de huit ou neuf ans[37].

Tradition pitance

Remarquée par l'accomplissement de jeûne de l'Avent, la pratique de grandes antiennes s'accompagnait souvent d'une collation distinguée qui s'appelait pitance.

Manière de les chanter

Chants liturgiques de la Renaissance carolingienne

O Sapientia, la première grande antienne de l'Avent.

Les notations anciennes, notamment celles de l'antiphonaire de Hartker, offrent une interprétation de ce chant. La notation à gros carrés, à droite, reste utile pour le solfège. Dans la notation de Hartker, les neumes attribués à la syllabe « Ô » sont identiques [lire en ligne] alors que les versets varient en raison des textes différents et de leur accentuation. Cet « Ô » n'est pas une simple introduction. Il s'agit d'une première mélodie importante, avec la valeur du terme « Ô » accentué.

Structure et articulation de l'antienne « Ô »

Selon les notations authentiques, la mélodie « Ô » se compose de quatre notes : Ré - Fa - Fa - Mi. Une mélodie identique dans la notation à droite, La (3 x ½) Do (=) Do (½) Si selon la clef C (= Do), mais à l'époque de la composition du chant grégorien, le demi-ton Si n'existait pas encore faute de notation musicale. Les deux premières notes sont déjà vraiment importantes. En effet, les et Fa ne sont autres que les deux tons principaux du deuxième mode (Protus plagal), plus précisément le ton final (Ré, voir le terme prudentiæ à la fin) ainsi que le teneur (Fa). À savoir, la couleur de toutes ces grandes antiennes est déterminée avec ce premier élan Ré - Fa. De surcroît, il est important qu'il s'agisse d'un trihémiton, degré principal du chant grégorien, redécouvert par Dom Jean Claire dans la deuxième moitié du XXe siècle. En conséquence, il faut chanter soigneusement ces notes, en précisant le mode II. Il s'agit du mode employé dans toutes premières antiennes « Ô ».

De plus, il faut une articulation raffinée pour ces deux notes. Le copiste sangallien écrivit un pes rond épisémé (), qui indique l'importance de la deuxième note. L'élan se commence, avec une note moins importante (il s'agit d'une caractéristique du chant grégorien, au contraire de la musique moderne qui pose toujours le rythme principal à la première note) et se développe vers la deuxième note. Dans les manuscrits de Saint-Gall, ce neume était fréquemment attribué aux mots importants.

Cette tension mélodique se continue encore, en faveur de la troisième note à l'unisson, sommet de cet élan. Le notateur de Saint-Gall ajoutait une lettre significative t à toutes les premières huit antiennes, afin d'allonger la troisième note. Désormais, ces deux sons principaux et Fa assurent l'unité architecturale en tant qu'axes. D'autres notes dans les élans suivants ne sont autres que les ornements sur l'axe , puis celui de Fa, d'après la notation.

La quatrième et dernière, Mi, est une note de détente partielle en demi-ton, pour la préparation de l'élan suivant. Le copiste employait un neume particulier, pressus minor qui signifie l'unisson suivie d'une note légèrement basse. Même si cette note un peu basse n'est plus sommet, Dom Eugène Cardine de Solesmes considérait qu'il s'agit également d'une note soulignée, en dépit d'une ambiguïté rythmique de ce neume[38]. En résumé, on doit chanter attentivement cet élan « Ô » avec un raffinement artistique.

Motif solennel

Ce motif en mode II, Ré - Fa - Fa - Mi, attribué à la syllabe « Ô », est d'ailleurs la base de la formule la plus solennelle du chant grégorien. De fait, la formule Ré - Fa - Fa (- Fa - Fa...) - Fa - Mi - Ré - Mi se trouve toujours dans plusieurs chants importants des prêtres de la messe, notamment juste avant le Pater noster : Per ipsum, et cum ipso. Ce dernier est fréquemment chanté en grégorien, même après le concile Vatican II, non seulement en latin mais aussi en langue vulgaire. Mais surtout, il faut rappeler qu'au début de la vigile pascale, célébration la plus distinguée de l'Église, le célébrant répète singulièrement cette formule. Les huit antiennes « Ô » répartissent de même la gravité de cet élan.

Exécutants

Sans mélisme, les antiennes ne sont pas difficiles à chanter. Néanmoins, on peut considérer qu'en raison de leur fonction importante, l'exécution était confiée aux schola et chantres. En effet, le notateur de l'antiphonaire de Hartker employait les neumes liquescents, précisant le changement délicat de l'articulation linguistique selon quelques syllabes du latin. Ces neumes compliqués n'étaient pas destinés aux fidèles.

Bibliographie

Commentaires

Ouvrages récents

  • (en) Saunders, Rev. William. « What are the O Antiphons? », Arlington Catholic Herald.
  • Document utilisé pour la rédaction de l’article (en) Allen Cabaniss, Jewish Provenience of the Advent Antiphons? , The Jewish Quarterly Review , New Series, tome 66, no 1 (), p. 39-56.(Jstor)
  • (en) Burlin, R.B. « The Old English Advent: a Typological Commentary », New Haven, CT, (1968).
  • Document utilisé pour la rédaction de l’article (en) Susan Rankin, « The liturgical background of the Old English Advent lyrics : A Repraisal » in Learning and Literature, Clemoes, p. 317-340.
  • (fr) Gasser, Sylvain, « Les antiennes O », Études grégoriennes tome XXIV (1992), p. 53-84.
  • (de) Egbert Ballhorn, Die O-Antiphonen : Israelgebet der Kirche, in Jahrbuch Fur Liturgik Und Hymnologie. 1998, Volume 1998 par Karl-Heinrich Bieritz, pages 9–35.
  • (en) Knoblach Thomas, « The O Antiphons », dans l'Ephemerides Liturgicae, ISSN 0013-9505. (1992) tome 106, (3) juin, p. 177-204.
  • Jacques-Marie Guilmard, « Nécessité et limites du recours aux mélodies pour établir l’histoire de la création du chant grégorien » dans l'Ecclesia orans, tome 16 (1999), p. 415-517, et notamment p. 447-453.
  • Immaculata Astre o.s.b. (Mère abbesse de l'Abbaye Notre-Dame du Pesquié), « Les grandes antiennes O de l’Avent » dans la Chronique des moniales de l’Abbaye Notre-Dame du Pesquié, 135 (1999), p. 11-36.
  • Gilbert Maurice, « Les antiennes majeures de l’avent », Quaderno No 3802, 2008, Civ. Catt. IV 319-424.
  • Document utilisé pour la rédaction de l’article Emmanuel Boehler, Les titres christologiques dans les 7 antiennes Ô de l'Avent, ou qui est Jésus ? (revue Communio, La sainteté de l'Église, 2013)
  • Wilfrid Jones, Ero Cras?, Department of Theology and Religions at the University of Birmingham, 17th December 2014.
  • Document utilisé pour la rédaction de l’article Cécile Davy-Rigaud, La Fête de Noël dans le diocèse de Paris au XVIIe siècle dans « La célébration de Noël du XVIIe au XIXe siècle : liturgie et tradition », Université Blaise Pascal. (2005).
  • Marie-Paule Mville, « La dimension eschatologique des antiennes O », Liturgie (revue de la Commission Francophone Cistercienne), tome 151, (), p. 387-405
  • (de) Theresia Hainthaler, Die O-Antiphonen Eine Einführung und Auslegung der Großen Antiphonen im Hohen Advent von Patristisches Zentrum Koinonia-Oriens, Ed. Cardo, 2004, (ISBN 9783936835052)
  • (en) Oliver Treanor, Seven Bells to Bethlehem : The O Antiphons, Gracewing Publishing, , 133 p. (ISBN 978-0-85244-329-3, lire en ligne)

Références bibliographiques

  1. p. 1266C
  2. p. 1269B
  3. a et b p. 1266
  4. p. 1267C ; déjà, Amalaire constatait que l'ordre de huit antiennes était différent entre l'antiphonaire de Rome te celui de Metz.
  5. p. 1267CD - 1268ABCD - 1269AB ; à Metz, O sapientia, O clavis David, O Emmanuel, O radix Iesse, O oriens, O adnai, O rex Gentium et O virgo virginum.
  • Everard Green (Society of Antiquaries of London), On the words "O Sapientia" in the Kalender, dans l’Archaeologia, or, Miscellaneous Tracts relating to Antiquity, tome XLIX, Société des antiquaires de Londres, 1885 [lire en ligne]
  1. p. 220
  2. a et b p. 240 - 241
  3. p. 220 - 221
  4. p. 221 ; attribution dans le canon de Sienne daté de 1213
  5. p. 225
  6. a b et c p. 236
  7. p. 223 ; selon une biographie ancienne d'Alcuin († 804), ce serviteur de Charlemagne aurait dit, sur son lit de mort de l'abbaye Saint-Martin de Tours, l’O Clavis David
  8. p. 224
  9. p. 241
  • Dom Daniel Saulnier, Des variantes musicales dans la tradition manuscrite des antiennes du répertoire romano-franc — Description, typologie, perspectives (2005), thèse doctorale de Dom Saulnier à Solesmes, ancien professeur du chant grégorien auprès de l'Institut pontifical de musique sacrée [lire en ligne]
  1. p. 59, note n° 143
  2. p. 33, note n° 39
  3. p. 33, note n° 40
  4. a et b p. 59
  1. a b et c pi (sommaire)
  2. p. ii

Notes et références

Notes

  1. En effet, il s'agissait de le transfert de la fête de l'Annonciation (le 25 mars), étant parfois dans la Semaine sainte, au 18 décembre ; Jean Croiset, Exercices de fiété pour tous les jours de l'année - décembre, p. 314 - 318, 1804 [1]
  2. Jean Grancolas présenta en 1713 dans son Traité de la messe et de l'office divin un autre texte : p. 412 [2]. Cette histoire demeure encore légendaire, car on ne sait pas si les biographies originelles sont fiables.
  3. Voir aussi la transcription de O Radix, en comparaison de celle du manuscrit 391 de Corpus Christi College de Cambridge [3].

Références

  1. Avant 1314
  2. rubrique de l'antiphonaire dit de Compiègne (vers 877) : « Ans (antiphonas) Maiores in evglo (Evangilio) » ; manuscrit en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8426787t/f77
  3. a et b http://www.liturgiecatholique.fr/Octave.html Dom Robert Le Gall, Dictionnaire de liturgie
  4. Corpus antiphonalium officii, tome I, p. 28 - 31.
  5. Le copiste du manuscrit M écrivit stans au lieu de stas, mais il ne s'agit autre que d'une erreur (p. 29).
  6. Seulement le C écrivit æternel tandis que d'autres donnaient eternel.
  7. CAO, tome I, p. 29
  8. Page 9 (rubrique Les difficultés)
  9. René-Jean Hesbert, Corpus antiphonalium officii, no 4081
  10. Hesbert, Corpus antiphonalium officii, no 3988
  11. Hesbert, Corpus antiphonalium officii, no 4075
  12. Hesbert, Corpus antiphonalium officii, no 4010
  13. Hesbert, Corpus antiphonalium officii, no 4050
  14. Hesbert, Corpus antiphonalium officii, no 4078
  15. Hesbert, Corpus antiphonalium officii, no 4025
  16. textes « Les antiennes Ô de l'Avent », par Monique Brulin, enseignante à l'Institut catholique de Paris.
  17. rubrique de l'antiphonaire d'Ivrée (Xe ou XIe siècle) : « Antiphone super Magnificat » (Corpus antiphonalium officii, tome I (1963), p. 29).
  18. Le diurnal du Bréviaire romain, Suivant la Réformation du Saint Concile de Trente, p. 106, Paris 1673 [4]
  19. Ainsi, dans l'Antiphonaire de Hartker, copié vers 990 qui est une référence de l'antiphonaire grégorien, celui-ci compte 12 antiennes « Ô » dont l'O Virgo Virginum reste la huitième [manuscrit en ligne]
  20. Église anglicane en Amérique du Nord, Calendrier, [5]
  21. Sancti Gregorii papæ I, cognomento magni, opera omnia, p. 182, publication et attribution 1774 (la)[6]
  22. Susan Rankin (université de Cambridge), The Liturgical background of the Old English Advent lyrics, p. 318 Cambridge University Press 1985 (en)[7]
  23. (la) Saint Pacien, Lucifer de Cagliari et Damase Ier, Sanctorum Damasi papae et Paciani nec non Luciferi, episcopi Calaritani, Opera omnia juxta memoratissimas Merendae, Gallandi, et fratrum Coleti editiones recensita et emendata. Intermiscentur Felicis papae II, Faustini et Marcellini, Theodosii Magni, Pacati, variorum, Filocali, Sylvii, S. Virgilii Tridentini, Julii Hilariani, S. Siricii papae, universa quae exstant opuscula, ex Gallandi, Constantii Bollandistarumque completissimis collectionibus excerpta, castigata, et nunc primum in unum volumen coadunata, (lire en ligne), p. 378
  24. Allen Cabaniss, A Jewish Provenience of the Advent Antiphons? The Jewish Quarterly Review - New Series, Vol. 66, No. 1 (Jul., 1975), p. 49.
  25. Ibidem, Susan Rankin, p. 326, note n° 50, 1985 (en)[8]
  26. Louis Thomassin, Traité des festes de l'Église, p. 64, 1693 [9]
  27. British Library, Amalaire de Metz, De Ecclesiasticis officiis [10]
  28. Haimo de Faversham, Sources of the modern Roman liturgy. 2. Texts page 140. : «  Incipit tabula parisiensis que de antiphonis ante nativitatem domini positis sufficienter ordinat. De specialibus antiphonis laudum que ponuntur ante nativitatem…»
  29. « Habeatur tabula parisiensis in omnibus locis fratrum que sufficientissime ordinat de antiphonis dicendis ante nativitatem domini. » cité dans J. Dalarun, « Vers une résolution de la question franciscaine: La Légende ombrienne ».
  30. Traduction de la bulle Quod a nobis postulat (extrait) [11]
  31. François Louis Gauthier
  32. Abbé Bohler, Les titres christologiques dans les 7 antiennes "O" de l'avent, Communio, Revue catholique internationale, novembre 2013 [12]
  33. Joseph Pothier, Antienne du Magnificat des IIes Vêpres de la Toussaint, Revue du chant grégorien, tome II.3, p. 36, 1893 [13]
  34. Dictionnaire des Antiquités chrétiennes, « Avent », p. 74.
  35. « Le chant grégorien et la tradition grégorienne », Jacques Viret, page 63.
  36. Revue grégorienne, Volumes 25 à 26, Abbaye Saint-Pierre de Solesmes, 1946. « Les Ô de l'Avent ».
  37. Tradition wallonne: revue annuelle de la Commission royale belge de folklore, Volume 19, pages 86-87.
  38. Sémiologie grégorienne, p. 81

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