Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

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Société Saint-Jean-Baptiste
de Montréal
Rendre le peuple meilleur
Histoire
Fondation
Association fondée le 9 juin 1843, elle a comme devise : « Aide-toi et le ciel t’aidera ».
Cadre
Type
Association/Société
Siège
Maison Ludger-Duvernay, 82, rue Sherbrooke Ouest, Montréal, Drapeau du Canada Canada
Pays
Coordonnées
Langue
Français
Organisation
Fondateur
Présidente
Marie-Anne Alepin
Personnes clés
Martin Gélinas, Directeur général
Affiliation
Société Saint-Jean-Baptiste
Site web
Carte

La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM) est une organisation québécoise fondée par le journaliste Ludger Duvernay le , sous le nom initial de l'Association « Aide-toi et le ciel t'aidera ».

Histoire[modifier | modifier le code]

Origines républicaines de la Société de Saint Jean Baptiste : Aide-toi et le Ciel t’aidera (1834-1843)[modifier | modifier le code]

Ludger Duvernay, à l’origine de la SSJB commença sa carrière de journaliste au Spectateur Canadien en 1813[1]. C’est là qu’il entra en relation avec Henri Mézière. Ce canadien, journaliste de la Gazette de Montréal de Fleury Mesplet, était passé au service de la France, au nom de ses idéaux républicains, de 1793 à la chute de Napoléon en 1815[2]. Revenu au Canada, Mézière y diffusa l’idéologie républicaine « jacobine »[3],[4]. Duvernay a gardé une certaine marque républicaine et révolutionnaire qui va marquer les origines de la SSJB.

Alors que la tension monte régulièrement entre la chambre d’Assemblée du Bas-Canada, où la majorité est entre les mains du Parti patriote, et la minorité dite « bureaucrate », appuyée sur l’administration et le pouvoir colonial, éclate, en 1830, la révolution à Paris (Trois Glorieuses) qui renverse les Bourbons. L’agitation pré-révolutionnaire avait été stimulée par une organisation d’opposition appelée Aide toi et le ciel t’aidera, fondée en 1827[5]. Ludger Duvernay, alors directeur de la Minerve, marqua son soutien à cette révolution parisienne en réunissait des fonds canadiens qui furent envoyés à Paris pour le secours des victimes des combats[6],[7]. Cette initiative rapproche Duvernay des réseaux républicains français, ceux du banquier Jacques Laffitte et du poète Pierre-Jean Béranger par l’intermédiaire d’expatriés ou exilés français rayonnant vers le Bas-Canada à partir des États-Unis[8],[9].

Le durcissement de la confrontation entre le Parti patriote et les autorités coloniales au Bas-Canada à partir de 1832 pousse les Patriotes à rechercher des formes d’affirmation symboliques nationales et républicaines à opposer au pouvoir impérial. Cette année, Ludger Duvernay et Daniel Tracey, sortant de prison, sont ovationnés par plusieurs milliers de sympathisant qui arborent pour la première fois le drapeau patriote en chantant la Marseillaise[10].

Sur cet élan, en 1834, Ludger Duvernay, associé notamment au libraire Édouard-Raymond Fabre (importateur de livres français) et au patriote irlandais Edmund Bailey O’Callaghan, donne naissance à une association, répondant au nom d'« aide toi et le ciel t’aidera », origine de la SSJB[11]. Il y a assurément ici une inspiration des usages irlandais, organisés autour de la fête de Saint-Patrick, qui se répand au Bas-Canada avec l’immigration irlandaise[12]. C’est en effet une célébration, la fête de Saint-Jean-Baptiste, « patron des Canadiens » (équivalent de Saint-Patrick), qui servira de prétexte à l’action de la société. À l'instar des autres sociétés nationales (anglaise, irlandaise, écossaise, allemande), l’Aide toi fut établie dans le but de stimuler le sentiment de solidarité nationale des Canadiens et de promouvoir tous les progrès de la nation canadienne-française mais sur une base qui restait ouverte aux individus d’autres origines.

Aide-toi le ciel t’aidera a initialement pour siège la librairie Fabre de Montréal, partenaire de la librairie Bossange de Paris, dont le propriétaire a participé à la révolution de 1830[13],[14]. La librairie Fabre est aussi le siège d’un club parallèle des amis de Pierre Jean de Béranger, se consacrant à la diffusion et à l’adaptation de ses œuvres républicaines au Canada[15]. Ces entreprises concourent à la politisation de la population alors que la tension monte entre les partisans de Louis-Joseph Papineau et le parti bureaucrate.

Les présidents des diverses sections de l'Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal et de la banlieue. Image tirée de L'album universel, vol. 20 n° 61. pp. 186-187 (24 juin 1903)
La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal est responsable de l'organisation des festivités de la Fête nationale du Québec dans la région de Montréal, dont le grand spectacle annuel au Parc Maisonneuve.
Maison Ludger-Duvernay
82, rue Sherbrooke Ouest

De 1834 à 1837, l’Aide toi le ciel t’aidera fonde ainsi, par ses banquets annuels, la tradition d’une fête nationale des Canadiens, sur la base d’une ancienne festivité populaire. Les membres se réunissent autour d’un consensus républicain, les Canadiens-français et ceux qui veulent former avec eux une nation politique au Bas-Canada : Les banquets sont entrecoupés de discours et d’hymnes où se mêlent éloges de la nation, de l’idéal républicain, des apologies du Parti patriote et des liens avec les Révolutions américaine et française ainsi qu’avec la cause irlandaise[16].

Les affrontements de 1837-1838 transporteront les célébrations de la société aux États-Unis durant l’exil de Ludger Duvernay et de nombre de Patriotes membres de l’Aide-Toi, entre 1837 et 1843[17].

La Société nationale des Canadiens-français (1844-1960)[modifier | modifier le code]

La défaite des Patriotes va changer la coloration idéologique de la Société qui prend sont nom définitif de Société de Saint-Jean-Baptiste, en 1844. L’idéal de mobilisation populaire au service du commun se maintient mais réinterprété par les tendances idéologiques qui vont successivement marquer le Bas-Canada et plus largement le Canada-français : réformisme, libéralisme, conservatisme etc.

La société a obtenu que le 24 juin, jour de la Saint-Jean-Baptiste, soit déclaré fête nationale des Canadiens français en 1922.

Au cours de son histoire, l'organisation s'est investie dans toutes les sphères de la vie collective des Bas-Canadiens français, qui plus tard se diront « Canadiens français » et, finalement, « Québécois ». La société a, entre autres, joué un rôle déterminant dans la création de l'École des beaux-arts de Montréal, l'École des hautes études commerciales de Montréal, le Monument-National, et la Société nationale de fiducie. En 1899, elle crée la Caisse nationale d'économie et contribue à la mise sur pied de la Chambre de commerce de Montréal. La société a aussi créé plusieurs organismes pour aider sa mission, notamment la Fondation du prêt d'honneur (en 1944) et la Fondation J.-Donat-Langelier (en 1988).

Tôt dans son histoire, la société adopte la feuille d'érable comme emblème et se fait même le promoteur d'un hymne national canadien-français, qui deviendra le Ô Canada.

De nombreuses branches de la SSJB ont été créées par les Canadiens-Français, principalement au Québec, mais aussi dans les provinces anglophones du Canada et aux États-Unis. Par exemple, le premier chapitre de la SSJB en Alberta a été fondé en 1885 à Saint-Albert et Edmonton a vu son premier chapitre fondé le [18],[19].

Dans un contexte général de montée de l’antisémitisme au Canada (en), la SSJB a soutenu un mouvement de grève contre l’embauche d'un interne juif, le Dr Sam Rabinovitch, à l’hôpital Notre-Dame à Montréal en 1934[20]. Ce conflit s’inscrit dans un contexte de forte influence du clergé catholique qui contestait l’influence des laïcs dans les institutions universitaires et les hôpitaux qui en dépendaient. Bien que le mouvement de grève obtînt la démission du Dr Rabinovitch, il échoua à obtenir l’exclusion des juifs à l'Université de Montréal[20]. L’épisode montre l’influence acquise durant les années 1930, en pleine crise économique, par le clergé et ses partisans dans la société québécoise, y compris à la SSJB, mais aussi ses limites.

Au service de la nation québécoise (1960 à nos jours)[modifier | modifier le code]

Depuis 1977, le 24 juin a été déclaré jour de la Fête nationale du Québec.

En 2005, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal compte 14 sections dans la grande région de Montréal. Les sociétés sont associées au Mouvement national des Québécoises et des Québécois (MNQ) qui, de son côté, fédère 14 sociétés Saint-Jean-Baptiste ou sociétés nationales affiliées dans le reste du Québec.

Le fonds d'archives de la Société Saint-Jean-Baptiste-de-Montréal est conservé au centre d'archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec[21].

Hymne national[modifier | modifier le code]

C'est à Québec qu'a eu lieu la première prestation du Ô Canada en 1880. Auparavant, la chanson Un Canadien errant (1842) avait chanté l'exil de la Rébellion des Patriotes, parmi laquelle il y avait de nombreux membres de la SSJB.

Hymne national du Québec[modifier | modifier le code]

En , la Société rend public Ô Kébèk[22], une proposition d'hymne national québécois[23]. La chanson a été réalisée et cointerprétée par Raôul Duguay.

Présidents[modifier | modifier le code]

Activités et actions politiques[modifier | modifier le code]

Mission de la Société Saint-Jean-Baptiste[modifier | modifier le code]

La mission de la Société Saint-Jean-Baptiste se décline à travers les points suivants :

  • Protéger l’intégrité territoriale du Québec;
  • Promouvoir l’indépendance politique, économique et culturelle du peuple québécois;
  • Favoriser la diffusion l’éducation nationale, patriotique et civique du peuple québécois dans tous les domaines, tant culturel que social, économique et politique;
  • Défendre et promouvoir l’égalité des hommes et des femmes, la laïcité de l’État québécois et le français comme langue nationale;
  • Étudier et faire connaître l’évolution historique du peuple québécois, ses ambitions présentes et ses aspirations futures;
  • Faire la promotion des intérêts de ses membres

Réalisations[modifier | modifier le code]

Au fil du temps, la Société Saint-Jean-Baptiste a initié plusieurs projets importants pour le Québec :

Journées nationales[modifier | modifier le code]

La Société organise des activités à l'occasion de plusieurs journées nationales annuelle, dont :

Prix et titres[modifier | modifier le code]

La Société remet annuellement des prix pour de nombreux accomplissements méritoires.

  • Le Prix Hélène-Pedneault, féminisme
  • Le Prix Chomedey-de-Maisonneuve, personnalité montréalaise
  • Le Prix Séraphin-Marion, francophonie hors-Québec
  • Le Prix Maurice-Champagne, droits de la personne

Le prix citron[modifier | modifier le code]

En 2022, la SSJB a remis un prix citron au Canadien national pour son non respect de la langue française au Québec[24].

Structure de l'organisation[modifier | modifier le code]

Sections[modifier | modifier le code]

La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal se divise en 18 sections qui occupent chacune une partie du territoire du Grand-Montréal. Les sections sont formées d'un exécutif de section.

Les sections sont les suivantes :

  • Andrée Ferretti
  • Chevalier de Lorimier
  • Chomedey-De-Maisonneuve - Jeanne-Mance
  • Doris-Lussier
  • Henri-Bourassa
  • Jacques-Viger
  • Laval
  • Jean-Olivier-Chénier
  • Joseph Marceau
  • Louis-Riel
  • Ludger-Duvernay (membres à vie)
  • Marguerite-Bourgeoys
  • Nicolas-Viel
  • Ouest-de-l’île
  • Pierre-Lemoyne-D’Iberville
  • Pierre-Le-Gardeur
  • René-Lévesque
  • Yves Blais

Conseil général[modifier | modifier le code]

La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal est administrée par son Conseil général. Cette instance compte quinze postes, dont cinq sont réservés à des personnes ayant occupé la présidence la Société.

Conseil jeunesse[modifier | modifier le code]

Le conseil jeunesse est un comité d’action qui sert à promouvoir les objectifs de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal chez la jeunesse québécoise.

La commission des présidents et des présidentes[modifier | modifier le code]

La commission des présidents et présidentes est constituée des présidents de chaque section. Elle constitue un comité consultatif du conseil général.

Les organismes affinitaires[modifier | modifier le code]

La Fondation pour la langue française

Comité de la fête nationale

La Fondation Maurice-Séguin

Assurance Entraide

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Monière, D. (1987). Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada. Montréal : Québec/Amérique. p. 24-25.
  2. Galarneau, C. (1970). La France devant l'opinion canadienne (1760-1815). Québec : Presses universitaires de l’université Laval. p. 161-163, 174-178, 222, 230, 233-234.
  3. Bernard, J.-P., & Grenon, M. (1991). La Révolution française et les rébellions de 1837-1838 dans le Bas-Canada. In S. Simard (dir.), La Révolution française au Canada Français. Presses de l’université d’Ottawa, p. 22.
  4. Plante, D. (2007). Henri Antoine Mézière et l’Abeille canadienne (1818-1819) (Mémoire de maîtrise, UQAM). L’Aurore, 4 octobre 1817, 11 octobre 1817.
  5. Lamonde, Y. (2017). Créer ‘un type canadien dans le domaine de l’intelligence’ : la Société des Amis contemporaine de l’Institut canadien de Montréal (1844-1848). Les Cahiers des dix, (71), p. 65–90
  6. La Minerve, 8 septembre 1830. 13 septembre 1830. 20 septembre 1830. 4 octobre 1830. 14 octobre 1830 Fond Ludger Duvernay 1805-1852, BANQ P680.
  7. Bertrand, A. (2003). De l’Utopie aux répercussions de la Révolution de juillet 1830 au Québec. In B. Andrès & N. Desjardins (Eds.), Les Utopies en Canada, 1545-1845 (pp. 147-174). Montréal: UQAM.
  8. Miklos, B. (2008). La chanson politique au Québec (1760-1840): Champ Littéraire, Littérarité et Utopie. Thèse de l’université de Kiel, p. 159.  
  9. Baraton, E. Delcambre L. (2022), « « Les échos les plus lointains sont les plus doux » : la chanson française, révolutionnaire, républicaine et napoléonienne dans le mouvement des Patriotes canadiens », Études canadiennes / Canadian Studies, 93, P. 33-57.
  10. Miklos, B. (2008). p. 468. Monière, D. (1987). p. 80.
  11. Elinor Kyte, S. (1997). Les habits rouges et les patriotes, VLB, 1997, p. 29
  12. Lamonde, Y. (2017). Créer ‘un type canadien dans le domaine de l’intelligence’ : la Société des Amis contemporaine de l’Institut canadien de Montréal (1844-1848). Les Cahiers des dix, (71), 66, 68, 69. Les différentes communautés montréalaises vont se structurer sur le même modèle : Ainsi, le 19 décembre 1834, les Anglais du Bas-Canada fondèrent la Saint George's Society of Montreal, et, le 12 octobre 1835, la Saint George's Society of Quebec. Les Canadiens francophones fondèrent le 24 juin 1834 ce qui allait devenir la SSJB. Les Irlandais bas-canadiens fondèrent la Saint Patrick's Society of Montreal la même année. Le 6 février 1835, les Écossais fondèrent la Saint Andrew's Society of Montreal. La même année, les Allemands fondèrent la Société allemande de Montréal.
  13. Grolleau-Fricard, A. (2006). Le réseau Bossange dans trois récits de voyage. In Y. Lamonde & D. Poton (dir.), La Capricieuse (1855): Poupe et proue. Les relations France-Québec (1760-1914). Québec : PUL.). p. 37-72.
  14. Rumilly, R. (1974). Histoire de la Société de la St-Jean Baptiste de Montréal. Fides, Montréal. p. 24. Roy, F. (2000). Histoire de la librairie au Québec. Leméac, Montréal. p. 39.
  15. Miklos, B. (2008). p. 140-161.
  16. La Marseillaise est ainsi régulièrement entonnée (1835, 1840) avec d’autres chants tel que La Parisienne ou Vive la canadienne. Miklos, B. (2008). p. 215-216.
  17. Mauduit, J. (2016). Les « vrais républicains » d’Amérique : les patriotes canadiens en exil aux États-Unis (1837- 1842). Montréal : Thèse de l’UQAM. p. 188.
  18. « La Société Saint-Jean-Baptiste », sur La Société historique francophone de l'Alberta (consulté le )
  19. « Quartier Francophone », sur Association canadienne-française de l'Alberta régionale d'Edmonton et SFCA (archivé sur Bibliothèque et Archives Canada) (consulté le )
  20. a et b « 4 Religion, Theology and American Antisemitism », dans Antisemitism in North America, BRILL, , 60–80 p. (lire en ligne)
  21. Fonds Société Saint-Jean-Baptiste-de-Montréal (P82) - Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).
  22. [vidéo] Hymne national du Québec 2011 ( O KEBEK ) sur YouTube
  23. La Presse canadienne, « La SSJB propose un hymne national québécois issu de la plume de Raôul Duguay », Le Devoir,
  24. « Un prix citron pour non-respect du français pour le CN », sur TVA Nouvelles, (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]