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Berbérisme

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Le « drapeau berbère » adopté par le Congrès mondial amazigh à Paris, en France (CMA, Agraw Amadlan Amazigh ) en 1998

Le Berbérisme (en amazighe : Tamaziɣiẓri) est un courant ethnonationaliste berbère, défini par ses partisans comme un mouvement politique et identitaire qui milite pour « la reconnaissance de la dimension culturelle, historique, identitaire, et linguistique amazighe dans les pays du Maghreb », malgré la reconnaissance déjà établie de cette identité comme identité officielle et existante au Maroc et en Algérie. En effet il s'agit d'un mouvement qui cherche à affirmer que les Maghrébins sont, de manière universelle, berbères, que l'identité arabe n'est pas l'identité de la nation—(pas seulement les communautés berbérophones)—[1],[2],[3],[4], et que la véritable identité de la nation est celle des Amazighs/Berbères. Ce mouvement a vu le jour principalement en Kabylie (Algérie) et au Maroc durant l'époque de la colonisation française, centré autour du mythe kabyle[5]. Il a été largement soutenu par le colonialisme capitaliste et la politique française de diviser pour mieux régner[6],[7],[8],[9]. Le mouvement berbériste a d'abord été caractérisé par un racisme anti-arabe, une aversion pour l'islam[10],[11] et une affinité pour la culture française, tous approuvés et encouragés par les autorités coloniales françaises. Par la suite, le mouvement a gagné du terrain au sein d'autres communautés berbères dans le Maghreb, en Afrique du Nord. Il a été favorisé par des stratégies coloniales comme le dahir berbère. En Algérie et au Maroc, le mouvement berbériste s'oppose à l'arabisation culturelle, au panarabisme et à l'islamisme.

Durant la colonisation

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Selon l'historien Guy Pervillé, le berbérisme est en partie une création des auteurs coloniaux qui s'appuyant sur le fait berbère en avaient tiré la justification d'une politique visant à séparer les Berbères des Arabes pour rapprocher les premiers des colonisateurs français. « Cette valorisation des Berbères se faisait en les rapprochant de l’Occident européen, par l’affirmation d’une communauté d’origine et de “race”, garante de vertus héréditaires communes à des peuples également sédentaires, travailleurs, économes et démocrates. » Cette communauté de civilisation aurait été brisée par la conquête arabe et l'islamisation. Cette vision idéologique a inspiré une politique kabyle en Algérie et une politique berbère au Maroc, mais, selon Pervillé, « ni l’une ni l’autre ne sont allées au-delà des déclarations d’intentions »[12].

La crise berbériste dans le mouvement PPA/MTLD

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Conséquence de cette crise

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Les militants sont vite indexés et marginalisés. Certains sont éliminés par l'ALN ; c'est le cas de Amar Ould Hamouda et Mbarek At Menguellat, assassinés en 1956 au village Ait Ouabane (At Waɛban), dans l'actuelle commune de Akbil en haute-Kabylie, où ils sont enterrés dans deux sépultures, l'une à la sortie Est du village, l'autre à la sortie Ouest[13].

La position du PPA-MTLD

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La position de Abane Ramdane et le FLN

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Une lettre adressée par les congressistes de la Soummam condamnait le « travail de sape » au sein de la communauté algérienne en France des éléments « berbéristes ». La lettre fut signée par les dirigeants du FLN à savoir Zighout Youcef, Abane Ramdane, Larbi Ben M'hidi, Krim Belkacem, Lakhdar Bentobal, Amar Ouamrane, Si Cherif[14],[15].

Des années 1980 à nos jours

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En 1980 éclatent les manifestations du Printemps berbère, au cours desquelles les berbérophones de Kabylie réclament l'officialisation de leur langue. En 1988, l'ouverture démocratique donne une forte impulsion à la revendication berbériste avec la création du « Mouvement culturel berbère »[16].

Au cours de la « grève du cartable » des années 1994 et 1995, des élèves kabyles boycottent les écoles pour contester le monolithisme linguistique et culturel de l'arabe. En 1998, de très violentes émeutes suivent l’assassinat du chanteur Lounès Matoub. À partir de là, le climat devient pré-insurrectionnel. En 2000, la chaîne Berbère Télévision commence à émettre sur les ondes de Paris.

Lors du Printemps noir (), de violentes émeutes éclatent en Kabylie à la suite de la mort de Massinissa Guermah, jeune lycéen abattu par la gendarmerie à Béni-Douala. Le , les Kabyles, réclamant notamment l'officialisation de la langue berbère, marchent sur Alger avant d’être réprimés par la police[16].

Le , le roi Mohammed VI du Maroc crée un Institut royal de la culture amazighe (IRCAM) pour promouvoir la culture berbère.

En 2002, une révision de la Constitution algérienne de 1996 fait de l'amazighité l'une des composantes fondamentales de l'identité nationale algérienne, aux côtés de l'islam et de l'arabité. Parallèlement, les autorités fondent un Haut commissariat à l'amazighité. Dès lors, les revendications berbéristes diminuent[16].

Le , Mohammed VI propose une nouvelle constitution pour le Royaume du Maroc avec notamment l'élévation du berbère au rang de deuxième langue officielle du pays.

Lors des manifestations de 2019 en Algérie, le général Ahmed Gaïd Salah prévient que seules les couleurs nationales sont désormais autorisées dans les cortèges. En août 2019, un tribunal algérien requiert 10 ans de prison ferme contre un manifestant ayant brandi un drapeau berbère lors d’un rassemblement contre le régime. Selon le journal Ouest France, près de 60 personnes ont été arrêtées et placées en détention préventive en attendant leurs procès dans plusieurs villes d’Algérie pour des motifs similaires. Se rapportant à la presse algérienne, le quotidien précise que deux personnes ont été jugées et condamnées à deux mois de prison avec sursis[17].

En 2023, une nouvelle loi dispose que l'une des conditions à l'obtention de la nationalité marocaine est de maitriser la langue arabe ou la langue amazighe[18].

Références

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  1. Crisis States Programme Working papers series no.1 English version: Working Paper no.7, CO-OPTING IDENTITY: THE MANIPULATION OF BERBERISM, THE FRUSTRATION OF DEMOCRATISATION AND THE GENERATION OF VIOLENCE IN ALGERIA ,Hugh Roberts, Development Research Centre, December 2001: "other options which were open to them to canvass were the idea of l'Algérie arabo-berbère (i.e. dropping the explicit reference to Islam while keeping Arabic and Berber on an equal footing) or l'Algérie musulmane (affirming the nation's Muslim character while keeping the Arabic and Berber languages on an equal footing by omitting explicit references to either of them). The ‘Berberists’ did none of these things. They merely challenged the long-standing (and widely accepted) conception of the cultural content of Algeria nationality in the name of a conception which had no specific cultural content at all."
  2. Crisis States Programme Working papers series no.1 English version: Working Paper no.7, CO-OPTING IDENTITY: THE MANIPULATION OF BERBERISM, THE FRUSTRATION OF DEMOCRATISATION AND THE GENERATION OF VIOLENCE IN ALGERIA ,Hugh Roberts, Development Research Centre, December 2001: "Berberism is a form of politics which invest the energies of its activists in the business of making claims and demands and expressing grievances and resentment. Two of the key French terms in its vocabulary are revendication and déni. The Berberist movement asserts la revendication amazighe (the Berber claim) and expresses resentment at le déni identitaire, the state’s denial of the Amazigh identity. This denial is a myth. The Algerian state does not deny the Amazigh aspect of Algeria’s identity, it recognizes it and is accommodating it. Nor does it deny the particular identity of the Kabyles, or practise any substantive discrimination against them or other Algerian Berbers.64 In 1973, in the supposedly bad old days of the Boumediène era, one of the régime’s leading ideologues in cultural matters and the intellectual champ ion of Arabo- Muslim orthodoxy, Dr Ahmed Taleb Ibrahimi,65 published in Algeria a book (in French) which acknowledged the Berber element of the Algerian people,66 and since then successive régimes have gone further and further along the road of formally recognizing le fait berbère. As early as 1981, President Chadli spoke publicly of the Imazighen who were the ancestors from whom most Algerians were descended; in 1990, an Institute of Amazigh Studies was established at Tizi Ouzou university; in 1995 the Zeroua l régime agreed to set up a High Berber Commissariat (Haut Commissariat à l’Amazighité, HCA), chaired by a distinguished Kabyle intellectual, Mohand Idir Aït Amrane,67 to examine the question of the development"
  3. Alaoua (2001) :"26 Berberism as Kabyle self-denial Berberism, while actually about other things, is formally obsessed with the question of language to the virtual exclusion of other elements of culture. In this it can be seen to be a mirror image of, and retort to, the Arabist outlook as this developed as a powerful current within the mainstream of Algerian nationalism. At the same time, it imitates the Arabist position in another way: just as the advocates of Arabisation in Algeria have wanted to establish the modern standard Arabic that is the lingua franca of the Middle East as the Algerian national language at the expense of the colloquial Arabic which most Algerians actually speak, so too the Berberists have wanted to establish in Thamazighth a ‘modern standard Berber’ at the expense of the Berber dialects."
  4. Crisis States Programme Working papers series no.1 English version: Working Paper no.7, CO-OPTING IDENTITY: THE MANIPULATION OF BERBERISM, THE FRUSTRATION OF DEMOCRATISATION AND THE GENERATION OF VIOLENCE IN ALGERIA ,Hugh Roberts, Development Research Centre, December 2001: "Berberism Berberism in Algeria is above all a dissident political position which has developed with respect to the Kabyle question in Algerian politics. If the term is abstracted from its historical context, one might define it as simply the concern to affirm and promote the Berber identity, as Arabism and Islamism have been concerned to promote the Arab and Islamic identities respectively, with whatever these have been understood to imply in respect of language, culture, faith and morals. Many of those who have belonged to the Berberist movement as a movement of ideas have sought to promote the Berber language and culture, as Arabists have sought to promote Arabic language and culture, and have been seen - and have seen themselves - as acting in the cultural sphere rather than the political sphere. In this perspective, the Berberist movement can be traced back to the early years of the twentieth century."
  5. (en) Moha Ennaji, Multiculturalism and Democracy in North Africa: Aftermath of the Arab Spring, Routledge, (ISBN 978-1-317-81362-0, lire en ligne), "L'émergence du mouvement berbériste est le résultat de la domination du capitalisme colonial en Kabylie et de l'émigration subséquente des ouvriers kabyles vers la France et les grandes villes d'Algérie. Les deux groupes de migrants ont consolidé leurs fidélités traditionnelles à l'échelle villageoise et tribale pour créer une allegiance régionale de plus grande envergure. Le berbérisme a aussi inspiré la « politique berbère » de la France coloniale, visant à « pacifier » la Kabylie, zone où les derniers grands mouvements de révolte se sont déroulés en 1871. Les colonisateurs français ont employé différentes doctrines pour envahir et assujettir le territoire et les populations indigènes." p.61
  6. Abderrezzaq Ghafsi, Algerian Languages in Education: Conflicts and Reconciliation, Springer International Publishing AG, (ISBN 978-3-030-89324-8), p;25 - "Selon Ben Nouaman, le mouvement berbériste est laïque, opposé à l'islam, anti-arabe et francophile. Ce texte explicite la fondation et les buts du mouvement berbériste, en plus de décrire les réponses arabes à sa naissance, ses actions et ses orientations. La colonisation française a exacerbé le conflit idéologique entre Arabes et Berbères. Selon Nouicer, un historien algérien, les autorités françaises ont alloué des fonds spécifiques pour l'enseignement du tamazight et la création d'écoles dédiées à cette langue, tout en limitant l'utilisation et l'enseignement de l'arabe. Selon la loi française, l'enseignement était considéré comme un crime punissable."
  7. Mohamed Benrabah, Language conflict in Algeria: from colonialism to post-independence, MULTILINGUAL MATTERS, coll. « Multilingual matters », (ISBN 978-1-84769-964-0), p.68. "Il est vrai, il faut le souligner, que le berbérisme est tout aussi acculturationniste et imitateur de la culture occidentale (française) que le nationalisme arabo-islamique qu'il cherche à supplanter. Le mouvement berbériste, dans son expression « anti-arabe » et extrémiste, tend vers une idéologie exclusive et essentialiste, proche du dogme « arabo-islamique » de l'« authenticité » prôné par les autorités centrales algériennes."
  8. Algeria: revolution revisited, I. B. Tauris, coll. « Islamic world report », (ISBN 978-1-86064-368-2), p. 146 "La cause berbère doit rester en dehors des affrontements idéologiques. Actuellement, elle est clairement entraînée dans des camps aux motivations idéologiques propres, anti-musulmanes ou anti-arabes."
  9. Religions in Movement, Routledge, (ISBN 978-1-136-68100-4, lire en ligne), p. 119 "Une campagne anti-arabe et anti-islamique fut organisée par ces colons, formulant de nouvelles représentations des populations berbères, notamment des « bons berbères kabyles », la plus grande population berbérophone d'Algérie."
  10. James N. Sater, Civil society and political change in Morocco, Routledge, coll. « History and society in the Islamic world », (ISBN 978-1-134-12646-0, 978-0-415-41242-1 et 978-1-280-91777-6), p. 144 "On a reproché les activistes berbères de diffuser des pensées hostiles et intolérantes, anti-arabes et potentiellement anti-islamiques (soutenus par le sionisme et des nations étrangères)."
  11. (en) Kymlicka, Will; Pföstl, Eva, Minority Politics in the Middle East and North Africa: The Prospects for Transformative Change, (ISBN 978-1-317-20550-0, lire en ligne), p. 36 "Comme la plupart des mouvements identitaires ethniques modernes, les intellectuels ont joué un rôle essentiel dans l'articulation et la diffusion des principes fondamentaux du berbérisme contemporain. Ceux-ci sont pour la plupart laïcs, mettant en avant une identité ethnolinguistique sans référence à l'islam, voire en opposition à celui-ci, et les militants les plus actifs promeuvent souvent également une position anti-arabe virulente."
  12. Guy Pervillé, Du berbérisme colonial au berbérisme anti-colonial : la transmission du thème de l’identité berbère des auteurs coloniaux français aux intellectuels nationalistes algériens (2004), Cahiers d’histoire immédiate, n° 34, automne 2008, pp.285-304
  13. Said Sadi, Amirouche : une vie, deux morts, un testament, Tizi Ouzou Imprimerie les oliviers 2010, page 100
  14. Anne Marie Louanchi et Salah Louanchi, Parcours d’un militant algérien, Éditions Dahleb, , p. 193, annexe 5
  15. Oui, l'islam a joué un rôle dans la guerre d'Algérie
  16. a b et c Bernard Lugan, Histoire des Berbères, des origines à nos jours. Un combat identitaire pluri-millénaire., Afrique Réelle, , 204 p..
  17. Algérie. 10 ans de prison requis contre un manifestant qui a brandi le drapeau berbère, ouest-france.fr, 5 août 2019
  18. Le Matin MA, « Nationalité marocaine : Le demandeur doit désormais parler arabe ou amazigh », (consulté le )

Articles connexes

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Liens externes

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