Les jours de marché ou de foire, paysans et surtout paysannes se rendaient dans les villes ou gros bourgs où se tenait un marché. Lourdement chargés, ils y amenaient les produits de la ferme. Les paysannes portaient un panier sur leur tête protégée par un coussinet (der Wisch) rempli de son et de balles de blé. Les paysans, quant à eux, charriaient leurs produits dans une hotte accrochée au dos par deux lanières de cuir. Lors des haltes, les paysannes pouvaient déposer leurs fardeaux sur le linteau puis se reposer sur le banc de la dalle inférieure, à l'ombre généralement de quatre tilleuls. De part et d'autre étaient dressées deux bornes qui permettaient aux hommes d'y déposer leurs hottes ou encore aux cavaliers de se remettre en selle.
Il existe en Alsace deux sortes de bancs reposoirs :
ceux du Roi de Rome (dits aussi Bancs Marie-Louise[1]) datés de 1811 ;
« La solennité du deux juin doit être marquée non seulement par l'allégresse universelle, mais encore par des monuments, qui en éternisent le souvenir... L'un de ceux que je veux généraliser dans les départements est celui des reposoirs placés de distance en distance, le long des routes et des chemins communaux, pour la facilité des voyageurs et des cultivateurs qui portent des fardeaux. Je vous invite à prendre vos mesures pour que d'une demi-lieue en une demi-lieue un reposoir en pierre soit établi... Il conviendrai d'y joindre un banc... et derrière ces bancs seront plantés 4 à 5 arbres... Il faut qu'un jour chacun dise en se reposant sous ces ombrages : "Nous le devons au Roi de Rome". »
Tous les frais étaient à la charge des communes qui s'empressèrent de réaliser les Nabele Bänk (« bancs de Napoléon »). Toutefois quelques rares municipalités regimbaient en argumentant que le territoire trop vallonné de leur commune ne s'y prêtait point.
125 bancs ont été construits en 1811[2], et probablement davantage les années qui suivirent, mais très peu de ces bancs ont survécu.
Ils sont dus à l'initiative du préfet du Bas-Rhin Auguste-César West qui reprit l'idée de Lezay-Marnésia et concrétisa ainsi un vœu de l'Impératrice Eugénie de Montijo, en 1853, lors du premier anniversaire de son mariage avec l'empereur Napoléon III. Cette fois-ci, les frais d'achat et de taille des pierres sont pris en charge par le département. C'était un moyen fort habile pour inciter les communes peu enthousiastes après la grave crise économique, surtout alimentaire que connut l'Alsace de 1846 à 1848.
448[3] de ces monuments commémoratifs en grès des Vosges sont construits le long des chemins et routes d'Alsace en 1854. Souvent mutilés par les intempéries, mais aussi et surtout par l'ingratitude des hommes, ils se dressent encore dans les campagnes.
Les plus anciens connus à ce jour datent du XVIIIe siècle. Il s'agit de bancs construits en fonction de besoins locaux tels que l'agrément du promeneur ou le repos du vendangeur.
Un au moins est encore existant, à la sortie de Molsheim sur la RD 422[4].
Il est également possible que celui se trouvant à Ribeauvillé soit antérieur aux bancs du roi de Rome.
Pendant la période d'annexion de l'Alsace par l'Allemagne après 1870, des mesures d'entretien des bancs reposoirs napoléoniens sont prescrites en 1906 après une campagne de presse signalant leur mauvais état.
Cependant, ces mesures ne seront pas suivies d' effet.
Le 27 juillet 1910, de nouvelles instructions sont données par l'administrateur de Basse-Alsace qui déclare que « la forme de ces bancs ne répond plus aux besoins actuels ».
La dalle supérieure est déclarée inutile, le port de fardeaux sur la tête étant devenu obsolète avec l'apparition de petites carrioles en vannerie à quatre roues. Le banc en pierre est jugé incommode car trop bas et inconfortable.
Il n'est donc plus nécessaire d'entretenir ces bancs dans leur ancienne forme, et les bancs brisés ou endommagés n'auront plus besoin d'être restaurés[6].
Dans les années 1980, plusieurs bancs-reposoirs d'Alsace sont inscrits dans l'inventaire des monuments historiques et bénéficient ainsi d'un arrêté de protection[7].
La liste suivante recense les bancs-reposoirs encore existants. La colonne « Mérimée » lie vers la fiche correspondante de la base Mérimée ; les index débutants par « PA » indiquent un banc protégé au titre des monuments historiques.
↑Yves Bonnel, Les petits monuments napoléoniens en Alsace, 1re partie, Strasbourg, Y. Bonnel, , 34 p. (ISBN2-904701-01-X), p. 17
↑Arrêté préfectoral S.G.A.R.E. N° 2013/70 relatif à la radiation de l'inscription au titre des monuments historiques du banc reposoir napoléonien de Lupstein (Bas-Rhin)
[lire en ligne]
↑Radié en 2013 du fait que le banc a été détruit à la suite d’un accident de la route en 1998[9]
↑Ce banc est atypique en raison de la citation tirée de l’Énéide de Virgile gravée sur les montants : Discite justitiam moniti/et non temnere divos (« Apprenez à connaître la justice après cet avertissement/et à ne pas mépriser les dieux. »)
Yves Bonnel, Les petits monuments napoléoniens en Alsace : les bancs-reposoirs, Bonnel, 1986, 2 vol. 35 + 72 p., (ISBN290-47010-1-X)
André Colledeboeuf, Rapports pour la sauvegarde des bancs reposoirs : bancs du Roi de Rome et de l'Impératrice, A. Colledeboeuf, Paris, 1977-1981, 6 vol. (42, 47, 36, 44, 81, 51 p.) + ill., cartes
Eban (aquarelles) et Albert Rosenstiehl, Les bancs-reposoirs napoléoniens. Aquarelles, Les Petites Vagues, La Broque, 2001, 56 p. (ISBN2-9513215-4-6)
Christelle Gautron, « Les bancs-reposoirs en l'honneur des deux Napoléons », in En Alsace, 2010-2011, no 64, p. 58-63
« Les bancs-reposoirs », in L'Outre-forêt, 2008, no 141, p. 69-71
« Les bancs-reposoirs en Alsace Bossue », in Annuaire du Musée régional de l'Alsace Bossue, 1999, no 13, p. 45-46
Rudolf Wild, « L'origine des bancs napoléoniens », in L'Outre-forêt, 2008, no 143, p. 29-34
Rudolf Wild, « Les bancs napoléoniens dans la région de Wissembourg », in L'Outre-forêt, 2010, no 149, p. 29-36