Charles Tillon
Charles Tillon (né le à Rennes et mort le à Marseille) était un homme politique français, député, ministre, membre du comité central et du bureau politique du Parti communiste français.
Il prit part à la Résistance pendant la guerre, en tant que fondateur et commandant en chef des FTPF (Francs tireurs et partisans français).
Biographie
Il est élevé par sa grand-mère paternelle jusqu’à l’âge de l’école primaire, à Saint-Grégoire. Il est ensuite repris par ses parents. Sa mère tient un café au bas de la place des Lices à Rennes[1], où il est élève à l'école primaire de la rue d'Échange puis de l'École d'Industrie du boulevard Laënnec. Il se plaisait à dire qu'il devait tout à la formation reçue dans ces deux écoles.
Ajusteur à l'arsenal de Brest avant la Première Guerre mondiale, il s'engage dans la marine en 1916 et embarque comme matelot mécanicien sur le croiseur Guichen. En février 1919, le croiseur était mouillé en rade d'Itéa (en) (Grèce). Il n'a donc pas pu être impliqué directement dans les mutineries de la mer Noire, où il n'a d'ailleurs jamais mis les pieds… Le 25 mai, pour des raisons liées à la dureté du commandant du Guichen, le capitaine de frégate Sémichon, alors que le croiseur est de retour à Itéa après avoir transporté des tirailleurs sénégalais depuis Tarente, il se rebelle et entraîne avec lui l'équipage qui refuse d'obéir à ses officiers. La mutinerie est rapidement matée et il est condamné à cinq ans de bagne. Envoyé au Maroc, il est assez rapidement rapatrié pour raisons sanitaires (asthme) et peu après amnistié à la suite de la campagne menée en faveur des mutins de la mer Noire. Il faut noter qu'il ne faisait partie à ce moment d'aucun mouvement révolutionnaire ou de sympathie pour le bolchevisme et que c'est de sa propre initiative qu'il avait provoqué une mutinerie à bord du Guichen[1].
Il travaille comme ajusteur dans un atelier à Nantes, adhère au Parti communiste français en 1921. Adhérent de la CGT, il soutient en 1923 la scission de la CGTU, dont il devient un permanent dès 1924 (il sera élu au bureau confédéral en 1931). En 1925, il est très actif lors de la grève des pêcheurs et des sardinières dans le Pays bigouden et particulièrement à Douarnenez, les « Penn-Sardins ». Peintre à ses heures, il immortalise d'ailleurs un défilé des ouvrières en grève sur les dunes, drapeau rouge en tête[2]. Entre 1924 et 1935, il est condamné à plusieurs peines de prison (grèves, outrages à commissaires).
Sa carrière politique commence en 1932, quand il entre au Comité central du PCF et est désigné comme suppléant au Bureau politique ; en 1936, il est élu député d'Aubervilliers.
- 1939 : en mission politico-humanitaire à Alicante et Valence en avril, pour tenter de rapatrier les derniers combattants républicains. À l’exception d'un vieux cargo : Le Lezardrieux, les navires promis par France-Navigation, propriété du PCF, sont absents. Il reste auprès de ses compagnons et se trouve placé aux arrêts au consulat de France avec le consul. Il obtiendra un sauf-conduit en qualité de député.
- 1940 : député membre du groupe ouvrier et paysan français, il est déchu de son mandat, le et condamné par contumace le par le 3e tribunal militaire de Paris à cinq ans de prison, 5 000 francs d'amende et cinq ans de privation de ses droits civiques et politique pour appartenance à un groupe parlementaire succédant au groupe communiste[3] et propagation des « mots d'ordre de la IIIe Internationale »[4].
Alors que l'URSS est liée à l'Allemagne par le pacte germano-soviétique, Tillon, après avoir entendu à la radio le discours de Pétain demandant de cesser le combat, rédige à Bordeaux un tract qu'il signe au nom du Parti communiste et qui, après la guerre, a pu être présenté, sous le nom d'appel du 17 juin 1940, comme un véritable « appel » à la résistance au fascisme hitlérien, mais qui, selon Yves Santamaria, n'est que « modérément décalé par rapport aux analyses kominterniennes », dénonce la guerre comme impérialiste et rejette l'alliance avec l'Angleterre[5]. Pour leur part, Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier sont sensibles à la différence de ton entre ce tract, offensif envers l'hitlérisme, et les comportements plus ambigus à la même période d'autres membres de la direction du parti (dont Jacques Duclos). Le tract de Charles Tillon leur semble symptomatique de la pensée d'un dirigeant proche des milieux syndicalistes, davantage en prise avec la classe ouvrière, et qui ne s'est rendu qu'une fois (en 1931) en Union soviétique[6]. Il y affirme avec conviction que « le peuple français ne veut pas de l'esclavage, de la misère, du fascisme, pas plus qu'il n'a voulu de la guerre des capitalistes. Il est le nombre. Uni, il sera la force ». « Peuple des usines, des champs, des magasins et des bureaux, commerçants, artisans et intellectuels, soldats, marins, aviateurs encore sous les armes, unissez-vous dans l'action ». Il publiera un second texte le 18 juillet, invitant « à l'union pour chasser à la fois les capitalistes, leur tourbe de valets et de traîtres, et les envahisseurs. »
En octobre, il reprend contact avec Benoît Frachon et il est question qu'il entre à la direction du Parti. En décembre, il participe aux règles de sécurité de la clandestinité.
- 1941 : il crée le journal France d'abord (dont la première édition paraitra en septembre). Il crée et prend la direction du Comité militaire national (CMN), au mois d'octobre, État-major point de départ de la naissance des Francs-tireurs et partisans (FTP), constitué pour une grande partie de « MOI » (Main-d'œuvre immigrée), ainsi que des « Bataillons de la jeunesse » et de l'OS. Il intègre avec Jacques Duclos et Benoît Frachon le secrétariat clandestin du PCF.
- 1942 : installation du CMN à Palaiseau et Limours. Avec Maria Valtat, Albert Ouzoulias, Georges Bayer. Il supervise les organisations d'Organisation spéciale (OS). Il est nommé commandant en chef, apporte son soutien aux résistants non communistes.
- 1944-1947 : réélu député d'Aubervilliers - maire d'Aubervilliers[7] - Après la libération de Paris il est successivement Ministre de l'Air, de l'armement et de la reconstruction. Au ministère de l'Air il a dans son cabinet Marcel Valtat qu'il envoie en Allemagne pour essayer de faire venir Werner von Braun, en France. Il crée le premier corps de pilotes militaires féminins.
- 1947-1952 : création de l'Association nationale des anciens combattants de la Résistance (ANACR) - Fondation du « Mouvement de la Paix ». Marcel Valtat, le fils de Maria Valtat, lui trouve Armand Simonnot, dit Commandant Théo dans la Résistance, comme garde du corps en novembre 1948. C'est le début d'une amitié indéfectible.
- 1952-1968 : Début du procès Marty-Tillon au PC - Écarté de la direction du parti le Simonnot reste avec lui, l'accompagne à Montjustin dans les Alpes-de-Haute-Provence, où il resteront 10 ans, réparant la maison en ruines. Il y écrit plusieurs livres.
- 1968 : les Printemps de Paris et de Prague l'obligent à retourner au combat avec d'importantes personnalités.
- Signature du « Manifeste contre la normalisation en Tchécoslovaquie ».
- Création d'un nouveau « Secours Rouge ».
- 1970 : le 3 juillet il signe avec Roger Garaudy, Jean Pronteau et Maurice Kriegel-Valrimont un manifeste : « Il n'est plus possible de se taire » et se voit exclu du Parti communiste.
- 1975 : il se retire à la Bouëxière en Bretagne.
- 1982 : promu chevalier de la Légion d'honneur[8]
- 1986 : remet la Légion d'honneur à Armand Simonnot (deux mois avant son décès) en présence d'anciens FTP du Cher et de la Nièvre.
- 1992 : promu en décembre 1992 commandeur de la Légion d'honneur.
Fonctions gouvernementales
- Ministre de l'Air du gouvernement Charles de Gaulle (1) (du 10 septembre 1944 au 21 novembre 1945)
- Ministre de l'Armement du gouvernement Charles de Gaulle (2) (du 21 novembre 1945 au 26 janvier 1946)
- Ministre de l'Armement du gouvernement Félix Gouin (du 26 janvier au 24 juin 1946)
- Ministre de l'Armement du gouvernement Georges Bidault (1) (du 24 juin au 16 décembre 1946)
- Ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme du gouvernement Paul Ramadier (1) (du 22 janvier au 4 mai 1947)
Distinctions
- Commandeur de l'ordre de la Légion d’honneur en décembre 1992[8].
- Rosette de la Résistance[9]
- Médaille de la Liberté
Hommages
- En 1994, le conseil municipal de Rennes, sa ville natale, décide de renommer l'avenue d'Île-de-France en avenue Charles-Tillon. En 2017, la même assemblée décide d'y associer le nom de son épouse Raymonde, décédée quelques mois auparavant, et l'avenue se dénomme désormais avenue Charles-et-Raymonde-Tillon[10].
- En 2007, le lycée professionnel Laënnec-Robidou de Rennes change de nom et devient le lycée professionnel Charles-Tillon[11].
- Depuis 2003, une place parisienne porte son nom.
- Plusieurs autres villes ont attribué son nom à une de leurs voies : Aubervilliers, la commune dont il a été l'édile, Orly, Les Mureaux en Île-de-France ; Fougères, Lorient, Quimper, Pacé, Acigné, Chantepie, Hennebont, Brest en Bretagne ; Clermont-Ferrand, Grande Synthe, Châtellerault.
Ouvrages
- Les F.T.P., témoignage pour servir à l'histoire de la Résistance, Paris, Julliard, , 687 p. (visualiser dans Gallica)
- La révolte vient de loin, Paris, Julliard, , 557 p.
- Un « Procès de Moscou » à Paris, Paris, Seuil, , 203 p.
- On chantait rouge, Paris, Robert Laffont, , 581 p.
- Le Laboureur et la République, Paris, Fayard, , 310 p. Prix Eugène-Piccard de l'Académie française
- Les FTP : soldats sans uniforme, Rennes, Ouest France, , 324 p. (visualiser dans Gallica)
Notes et références
- Charles Tillon, La Révolte vient de loin.
- [image] La peinture en question, tirée de l'article suivant : Marie-Line Quéau, « Nouvelle BD du Télégramme. L'épopée de la sardine », Le Télégramme, 3 septembre 2011.
- soit une infraction au décret de dissolution des organisations communistes (cf. Florimond Bonte, Le Chemin de l'honneur – De la Chambre des députés aux prisons de France et au bagne d'Afrique, Éditions Hier et Aujourd'hui, 1949, p. 345
- Condamnation des ex-députés communistes, Le Matin, 4 avril 1940, sur gallica.bnf.fr.
- Yves Santamaria, « L'appel du 17 juin de Charles Tillon », dans Max Lagarrigue (dir.), 1940, La France du repli. L'Europe de la défaite, Toulouse, Privat, 2001, p. 331. Cité par Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, L'affaire Guy Môquet. Enquête sur une mystification officielle, Larousse, 2009, p. 76.
- Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier, Juin 40, la négociation secrète, éd. de l'Atelier, 2006, p. 157-159.
- Sur l'arrivée à la mairie d'Aubervilliers, lire : Aubervilliers, 27 août 1944 - Parti Communiste - Section d'Aubervilliers.
- Décret du 31 décembre 1992 portant promotion.
- [1]| Les Amitiés de la Résistance.
- Avenue Charles et Raymonde Tillon sur WikiRennes
- Historique du Lycée.
Voir aussi
Bibliographie
- « Désenchaîner l'espérance », entretien avec Charles Tillon, revue Bretagnes no 8, p. 7-19, Morlaix, 1978.
- Denis Peschanski, Notice « Charles Tillon » dans Le Maitron en ligne.
- « Charles Tillon » sur le site des Amitiés de la Résistance.
Articles connexes
- Mutineries de la mer Noire
- Histoire du Parti communiste français
- Place Charles-Tillon (Paris)
- Raymonde Tillon, son épouse.
Liens externes
- Photos de Charles Tillon sur le site de son fils.
- Biographie de Charles Tillon sur le site de l'Assemblée nationale.
- Militaire français de la Première Guerre mondiale
- Personnalité du Parti communiste français
- Résistant communiste français
- Ministre français de l'Air
- Ministre français de la Reconstruction
- Personnalité liée à Aubervilliers
- Commandeur de la Légion d'honneur
- Récipiendaire de la médaille de la Liberté
- Naissance à Rennes
- Naissance en juillet 1897
- Décès en janvier 1993
- Ministre de la Quatrième République
- Maire de la Seine
- Conseiller général de la Seine
- Député de la Seine
- Député membre du Parti communiste français
- Député de la seizième législature de la Troisième République
- Maire membre du Parti communiste français
- Membre de l'Assemblée constituante de 1945
- Membre de l'Assemblée constituante de 1946
- Député de la première législature de la Quatrième République
- Décès à Marseille
- Décès à 95 ans