Dysphorie de genre

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 4 octobre 2017 à 13:51 et modifiée en dernier par Blurby (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

La dysphorie de genre (anciennement troubles de l'identité de genre[1]) est un malaise et un sentiment d'inadéquation pouvant être ressentis par un individu vis-à-vis du genre qui lui est attribué d'après son sexe. En France, la dysphorie de genre n'est plus classée dans la nomenclature de la Sécurité sociale dans le chapitre des troubles de la personnalité ouvrant droit a une prise en charge en ALD depuis . « En dépit de toute classification allant dans le sens contraire, l’orientation sexuelle et l’identité de genre d’une personne ne sont pas en soi des maladies et ne doivent pas être traitées, soignées ou supprimées »[2]. Thomas Hammarberg, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe est aussi de la même opinion contre toute classification psychiatrique pour les transgenres et la stérilisation forcée pour le changement légal du sexe[3]. Selon le « Guide des activistes » à propos des principes de Jogjakarta, « il est important de noter que même si l'orientation sexuelle a été déclassifiée comme maladie mentale dans beaucoup de pays, ce n'est pas toujours le cas de l'« identité de genre » ou du « trouble de l'identité sexuelle » »[4].

Remise en question

Du point de vue essentialiste[5], le genre est perçu comme naturellement associé au sexe, les deux notions se confondant dans une « essence » masculine ou féminine, qui régit tant le sexe biologique que la plupart des comportements sociaux[6].

Selon l'analyse constructionniste développée par les queer studies et les gender studies (études de genre) à partir de la French theory (les philosophes de la déconstruction), la plupart des comportements associés à l'un ou l'autre genre sont arbitraires et d'origine culturelle[7]. Les troubles de l'identité de genre sont perçus comme une volonté de « jouer le genre » (to perform gender) autrement et les circonstances doivent être adaptées autant que possible à cette volonté. En clair, selon Butler, on est une femme car on se comporte comme la société pense qu'une femme doit se comporter. C'est le fait de recommencer tous les jours les mêmes comportements féminins qui fait qu'on accède au statut de femme. Le genre étant purement social et non quelque chose d'intérieur que l'on sent, il peut varier.

Cependant, le féminisme considère également que le genre, en tant que construction sociale de caractéristiques mentales liées à un sexe (justement assigné ou non), est lui-même essentialiste puisqu'il suppose qu'être homme ou femme est affaire de ressenti psychologique flou, d'une essence. Le féminisme radical et l'anarcho-féminisme[8], dont la branche gender critical (dont certaines personnes transgenres sont elles-mêmes représentantes) considèrent que le genre est un outil du patriarcat, puisqu'il associe des caractéristiques psychologiques, des styles vestimentaires, des coiffures, des attitudes, à quelque chose de féminin/masculin, mettant donc en danger les personnes ne correspondant pas aux stéréotypes genrés (ex. : femmes butch), et qu'il devrait donc être aboli, au profit d'une société non genrée où ces caractéristiques peuvent être accessibles à tout individu peut importe son sexe, sans catégorisation historiquement liée au sexe (homme/femme) nécessaire[8]. Elles considèrent aussi que se séparer de la définition historique (ex : femme = humain femelle adulte) pour la remplacer par un tautologisme (ex : femme = se sentir femme) vide le terme de sa substance et fasse perdre de vue l'objectif principal du féminisme, l'oppression basée sur une réalité biologique (le sexe) et non une construction sociale (le genre), qui découle de la première.

Personnes transgenres et transsexuelles

Une personne « transsexuelle » (au sens scientifique du terme) est convaincue que son genre (le fait de se sentir, de s'identifier homme ou femme) est en inadéquation avec le sexe (femelle ou mâle) qui lui a été assigné à la naissance. Ce sexe est toujours assigné administrativement « par défaut » à la naissance pour tout individu, malgré les cas peu connus mais nombreux d'intersexuation. Cette personne désire donc modifier son corps de façon radicale (hormones, chirurgie) pour accentuer le genre ressenti et prendre une nouvelle identité sexuelle[9].

Une personne transgenre (au sens strict) est quelqu'un dont la perception de son genre ne correspond pas au sexe assigné à la naissance mais qui ne désire pas modifier son corps ou du moins pas son sexe, mais qui a aussi ce besoin, autant qu'une personne « transsexuelle », de vivre selon son genre perçu.

Le terme de personne transgenre (au sens large) désigne toute personne ayant une perception non conforme à son sexe assigné[10],[11].

Classifications

Selon le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV), les symptômes incluent l'identification intense et persistante à l'autre sexe, le sentiment persistant d'inconfort par rapport à son sexe ou sentiment d'inadéquation par rapport à l'identité de rôle correspondante. L'affection n'est pas concomitante d'une affection responsable d'un phénotype hermaphrodite (pour les aspects biologiques : syndrome de Klinefelter : XXY, syndrome de Turner : X0). L'affection est à l'origine d'une souffrance cliniquement significative ou d'une altération des fonctionnements social, professionnel ou d'autres domaines importants. Ces troubles sont indépendants de l'orientation sexuelle.

C'est dans le DSM-5, sorti en 2013, que le terme « trouble de l'identité de genre » est remplacé par « dysphorie de genre ». Jack Drescher (en), un psychiatre de New York et membre du sous-comité APA, dit au sujet de cette mise à jour : « Tous les diagnostics psychiatriques surviennent dans un contexte culturel. Nous savons qu'il y a une communauté de gens qui ne cherchent pas des soins médicaux et vivent binairement entre les deux catégories. Nous voulions envoyer un message que le travail du thérapeute est de ne pas pathologiser. »[12].

Notes et références

  1. A Condat, F Bekhaled, N Mendes et C Lagrange, « La dysphorie de genre chez l’enfant et l’adolescent: histoire française et vignettes cliniques », Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'adolescence, vol. 64, no 1,‎ , p. 7–15 (ISSN 0222-9617, lire en ligne, consulté le ).
  2. Principe 18 des Principes de Jogjakarta sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre, disponibles ici.
  3. « Divorce et stérilisation forcés: une réalité pour de nombreuses personnes transgenres », Conseil de l'Europe, .
  4. « An Activist’s Guide to The Yogyakarta Principles », p. 100.
  5. C'est notamment celui des religions du livre.
  6. « pour les essentialistes, [...] les différences entre les femmes et les hommes sont le produit de leur essence même, il n'y a pas lieu de distinguer genre et sexe. »
    Georges-Claude Guilbert, C'est pour un garçon ou pour une fille ?: La dictature du genre, Autrement, (ISBN 9782746705067).
  7. « Or, si les attributs de genre ne sont pas expressifs mais performatifs, ils constituent en effet l'identité qu'ils sont censés exprimer ou révéler. » Judith Butler in Troubles dans le genre.
  8. a et b « Critique du genre et de la théorie Queer - Rebellyon.info », sur rebellyon.info (consulté le ).
  9. Maud-Yeuse Thomas, Karine Espinera et Arnaud Alessandrin, LA TRANSYCLOPEDIE : tout savoir sur les transidentités, Lulu.com, (ISBN 9781291103229, lire en ligne).
  10. Alexandre Baril, « Transsexualité et privilèges masculins : fiction ou réalité? », dans L. Chamberland, B. Frank et J.L. Ristock (dir.). Diversité sexuelle et constructions de genre,‎ , p. 263-295 (lire en ligne).
  11. Alexandre Baril, La normativité corporelle sous le bistouri : (re)penser l’intersectionnalité et les solidarités entre les études féministes, trans et sur le handicap à travers la transsexualité et la transcapacité. Thèse de doctorat., Ottawa, Université d'Ottawa, (lire en ligne), Glossaire p. 396-401.
  12. (en-US) J. Bryan Lowder, « Being Transgender Is No Longer a Disorder », Slate,‎ (ISSN 1091-2339, lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Bibliographie

  • Alexandre Baril. « Transness as Debility: Rethinking Intersections Between Trans and Disabled Embodiments », Feminist Review, 111, 2015, p. 59-74. [1]
  • Alexandre Baril. « Sexe et genre sous le bistouri (analytique) : interprétations féministes des transidentités », Numéro : Intersectionnalités, Recherches féministes, 28, 2, 2005, p. 121-141, Lire en ligne: [2]
  • Judith Butler Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, La Découverte, Paris, 2005.
  • Société américaine de psychiatrie, DSM-IV, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Traduction française, Paris, Masson, 1996
  • Psychiatrie clinique : une approche bio-psycho-sociale (Tome I)
  • L’identification : l’autre, c’est moi, éditions TCHOU, 1978
  • Jane Hervé et Jeanne Lagier, Les Transsexuel(le)s, Jacques Bertoin, (ISBN 2879490251 et 9782879490250)
  • Robert Stoller, Recherches sur l'identité sexuelle à partir du transsexualisme, Gallimard, (ISBN 2070285839, lire en ligne)
  • Georges-Claude Guilbert, C'est pour un garçon ou pour une fille? : la dictature du genre, Paris, Autrement, coll. « frontières », , 116 p. (ISBN 978-2-746-70506-7, OCLC 300264045)