Drag

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Le drag est une forme de performance utilisant notamment le vêtement, le maquillage, la coiffure, et l'expression scénique afin de jouer un genre de façon volontairement exagérée : féminité (drag queen), masculinité (drag king) ou d'autres formes d'expressions de genre. Ces performances interviennent en particulier lors de drag shows.

Histoire[modifier | modifier le code]

William Dorsey Swann, première « queen of drag »

L'histoire du drag se mêle à celle plus général du travestissement. La journaliste française Apolline Bazin distingue trois grandes périodes[1].

La première correspond à la réinterprétation de moments historiques comme pouvant être lus comme une forme de drag, tels que les nombreuses mentions du travestissement dans l'antiquité et la mythologie grecque (Achille chez Lycomède, Heraclès et Omphale, ou les Bacchanales) ou le grand raffinement vestimentaire de la cour de Versailles[1],[2]. La drag queen Nicky Doll y ajoute la lucha libre du Mexique[3] et le festival Navratri en Inde[4].

La deuxième période correspond aux arts du spectacle dont les caractéristiques sont proches de celles du drag ou à qui le drag sert de source d'inspiration, tels que le kabuki au Japon, l'opéra de Pékin en Chine, le vaudeville en France, la commedia dell'arte, les freak shows, le new burlesque et les ministrel show en Amérique du Nord, le théâtre shakespearien ou la pantomine au Royaume-Uni[1].

La troisième correspond à l'histoire spécifiquement drag, qui commence au XIXe siècle aux États-Unis avec William Dorsey Swann, né dans l'esclavage puis homme libre qui organise des bals de travestissement où se retrouvent très majoritairement des hommes eux-aussi sortis de l'esclavage[5].

Types de drag[modifier | modifier le code]

Transformisme[modifier | modifier le code]

Chad Michaels incarnant Cher à l'Austin's Pride Festival de 2012

Le transformisme est un type de travestissement où l'artiste imite une célébrité par le maquillage, la coiffure, les vêtements, l'attitude corporelle et le timbre de la voix[6]. Ce style de divertissement apparaît dès le début du XXe siècle dans les cabarets français[6]. Le genre suit ensuite deux évolutions différentes : en France, le spectacle transformisme comporte plusieurs célébrités incarnées par le même artiste ; ainsi Christophe, du cabaret Chez Michou, joue dans la même soirée Mireille Mathieu et Chantal Goya, ce qui implique de pouvoir réaliser des transformations rapides[6]. Aux États-Unis, en revanche, les artistes transformistes se spécialisent dans une seule personne, tel que Chad Michaels avec Cher ou Derrick Barry avec Britney Spears ; ils peuvent ainsi utiliser la chirurgie esthétique pour accentuer leur ressemblance[6].

L'inclusion du transformisme dans le drag fait débat : pour la franchise RuPaul's Drag Race, c'est le cas, et chaque saison inclut une épreuve de transformisme, le Snatch Game[7]. Pour d'autres, et c'est la position de Christophe, drag et transformisme sont deux formes distinctes de travestissement[6].

Drag queen[modifier | modifier le code]

Drag king[modifier | modifier le code]

Drag queer / drag creature[modifier | modifier le code]

Représentation[modifier | modifier le code]

Cinéma et séries télévisées[modifier | modifier le code]

L'auteur américain Simon Doonan (en) fait remonter les origines du drag au cinéma à la naissance du 7ème art, même s'il y est alors cantonné à des farces, citant Charlie Chaplin, Jerry Lewis, les Marx Brothers et Laurel et Hardy[8].

Les années 1950 produisent plusieurs films drag dans le domaine de la comédie avec All About Eve ou Some Like It Hot, tandis que les années 1960 lient le drag avec l'horreur, en particulier avec Psychose d'Alfred Hitchcock sorti en 1960 mais aussi Homocidal, No Way to Treat a Lady[8]. Pour Doonan, ce virage correspond à la montée en popularité de la psychanalyse, qui voit le travestissement masculin comme un symptôme d'une relation disfonctionelle entre le fils et sa mère[8]. Cette tendance se poursuit jusque dans les années 1980, avec Le Locataire de Roman Polanksi et Dressed to Kill de Brian de Palma[8].

Pour Apolline Bazin, le drag fait ses premières véritables apparitions au cinéma à travers la caméra du réalisateur John Waters qui met en scène dans les années 1970 sa muse, la drag queen Divine, dans la trilogie trash composée de Pink Flamingos, Female Trouble et Desperate Living[9]. En raison de la provocation présente dans ces films, ceux-ci sont interdits aux moins de 18 ans jusqu'en 1981[9]. À la même période sort le Rocky Horror Picture Show, dont le personnage principal est joué par Tim Curry en drag[9].

Harvey Fierstein, Jerry Herman et Arthur Laurents posant devant La Cage aux Folles, adapation en comédie musicale du film éponyme

En 1978 sort La Cage aux folles, le film français le plus exporté, mettant en scène le personnage de Zaza Napoli, star de cabaret drag inspiré de Michou[9]. Le film remporte un grand succès, mais est aussi critiqué par la communauté LGBT française de l'époque qui ne se reconnait pas dans l'aspect bourgeois du personnage et perçoit sa grande féminité comme une caricature homophobe[9]. Ce rejet de l'aspect « grande folle » de Zaza est ensuite questionné par la communauté LGBT du XXIe siècle, qui considèrent celui-ci comme une forme d'homophobie intériorisée[9].

Les années 1980 voient la multiplication des films abordant le drag et le travestissement : les films de Pedro Almodóvar et de la Movida, Victor Victoria de Blake Edwards qui aborde la question du drag king, Yentl de Barbara Streisand, Tootsie, Mrs Doubtfire, ou Hairspray[9]. Ces films, souvent des comédies familiales, permettent d'aborder la question du sexisme et de la performance de genre auprès du grand public[9]. Doonan voit dans l'évolution de ces années, où le drag n'est plus systématiquement associé à la dépravation et au meurtre, à la fois le signe de la meilleure acceptation de la culture LGBT par le grand public, mais aussi de l'influence de la pandémie de sida qui décime les communautés trans et gays, d'une recherche de rentrer dans les critères de l'académie des Oscars ainsi que de la politique de Reagan[8].

Les drag queens commencent à être des personnages de cinéma à part entière à partir de 1988 et de Torch Sonc Trilogy, adapation de pièces de théâtre autobiographiques d'Harvey Fierstein[9]. Cinq ans plus tard sort Priscilla, folle du désert, film mettant en scène trois drag queens, deux hommes gays et une femme trans en tournée en Australie ; c'est devenu un film-culte en raison de ses dialogues et de la finesse avec laquelle il aborde les questions LGBT[9]. Priscilla fait l'objet d'un reboot américain, Extravagances[9]. En 2001, John Cameron Mitchell crée Hedwig and the Angry Inch, succès du cinéma underground[9]. Cette période, que Doonan caractérise par une association entre drag, créativité et extravagance, comporte aussi Birdcage, un remake de La Cage aux Folles[8].

D'autres films explorent les liens entre drag et identité de genre, tels qu'Orlando, adaptation du roman éponyme de Virginia Woolf, ou The Crying Game, qui lance la tendance des acteurs hommes cis jouant des personnages de femmes trans et recevant des nominations aux Oscars pour ça[8]. Doonan note que cette tendance, qui vaudra l'oscar du meilleur acteur à Jared Leto pour Dallas Buyers Club en 2013 ou une nomination pour Eddie Redmayne dans Danish Girl en 2015, est une manière pour le cinéma de récompenser une forme de drag policée, celle d'un acteur transformé en femme[8].

En 2016, Bianca Del Rio utilise sa notoriété, obtenue notamment en gagnant la saison 6 de RuPaul's Drag Race, pour créer Hurricane Bianca, film sur le quotidien d'une drag queen la nuit et professeur le jour, financé par crowdfunding[9].

Plusieurs autres queens font des apparitions à l'écran en drag : Shangela et Willam en 2018 dans A Star is Born, et Jinkx Monsoon dans Doctor Who[9].

En France, plusieurs films sur le drag sortent au début des années 2020 : Paloma sort en 2022, après sa victoire à la saison 1 de Drag Race France, un court-métrage éponyme, tandis que Cookie Kunty est à l'affiche la même année de Trois nuits par semaine[9].

Réception[modifier | modifier le code]

Par la communauté LGBT+[modifier | modifier le code]

Le drag est perçu de manière ambivalente par la communauté LGBT+. Certains hommes gays, embrassant une forme de politique de la respectabilité, les accuse ainsi de « donner une mauvaise image de la communauté »[10]. Pour d'autres, le drag est le véhicule de l'acceptation et de la culture LGBT auprès du public cis-hétérosexuel[11]. Enfin, pour les penseuses queer Judith Butler, Karine Espineira et Maud-Yeuse Thomas, le drag, en parodiant la masculinité et la féminité, montre que celles-ci ne sont pas naturelles mais au contraire des constructions sociales qui peuvent faire l'objet d'une performance[12].

Lois anti-drag[modifier | modifier le code]

Des lois visant à réprimer la pratique du drag, et plus particulièrement « l'incarnation, dans le but de tromper, du genre opposé » sont utilisées contre les artistes drag mais aussi contre les personnes trans[13]. Lorsque de telles lois existaient à San Francisco, la drag queen José Sarria a distribué des badges avec l'inscription « I am a boy » (« Je suis un garçon ») à ses amis afin qu'ils ne soient pas affectés par cette loi[13].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Apolline Bazin, « Mythes et arts fondateurs », dans Drag : Un art queer qui agite le monde
  2. Apolline Bazin, « Le grand siècle des extravagances », dans Drag : Un art queer qui agite le monde
  3. Nicky Doll, « le Mexique », sur Les Voyages de Nicky,
  4. Nicky Doll, « l'Inde », sur Les Voyages de Nicky,
  5. Apolline Bazin, « La Belle Époque se travestit », dans Drag : Un art queer qui agite le monde, p. 26-35
  6. a b c d et e Nicky Doll, « Christophe », dans Reines : L'Art du drag à la française, (ISBN 9782701403977)
  7. (en-US) E. Alex Jung, « The 10 Tightest Snatch Game Characters on RuPaul’s Drag Race », sur Vulture (consulté le )
  8. a b c d e f g et h (en) Simon Doonan, « Movie Drag », dans Drag : The Complete Story, (ISBN 9781786274236)
  9. a b c d e f g h i j k l m n et o Apolline Bazin, « Comment le drag a crevé l'écran », dans Drag : Un art queer qui agite le monde, (ISBN 9782376714293), p. 84-93
  10. Nicky Doll, « Nicky Doll : outisder », dans Reines : L'Art du drag à la française, (ISBN 9782701403977)
  11. « Finale de « Drag Race France » : « C’est la coupe du monde de la communauté LGBT » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. Karine Espineira, Maud-Yeuse Thomas et Arnaud Alessandrin, « Drag », dans La transyclopédie : Tout savoir sur les transidentités, (ISBN 978-1-291-10322-9)
  13. a et b (en) Michael Waters, « José Sarria Combined Opera, Drag, and Politics to Change America », sur Atlas Obscura, (consulté le )

Bibliographie[modifier | modifier le code]

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Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]