Aller au contenu

Valeur travail (idéologie)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 27 février 2022 à 10:30 et modifiée en dernier par Golmote (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

L'expression valeur travail est examinée ici dans son sens moral : la valorisation du travail, pour lui-même ou ses vertus supposées. Il ne faut pas entendre ici ce que l'économie politique nomme valeur-travail. (Cf. les articles : valeur travail (économie) ; théorie de la valeur (marxisme)).

La valorisation du travail a une histoire, particulièrement marquée et polarisée par l'avènement du travail moderne, notamment sous la forme du travail salarié. Ainsi, Dominique Méda distingue au cours des trois derniers siècles trois étapes marquantes dans l'évolution historique de sa représentation :

  1. Le XVIIIe siècle, période où le travail est valorisé comme facteur de production ;
  2. Le XIXe siècle, période où le travail est consacré comme « l'essence de l'homme » ;
  3. Le XXe siècle, période où le travail devient la clé de voûte du système de distribution des revenus, des droits et des protections[1].

La valorisation du travail – entendue comme valeur au sens large et non dans une perspective économique – mérite d'être resituée et analysée dans un contexte historique et social envisagé de façon longue. Les anthropologues (comme Marcel Mauss) et historiens (comme Karl Polanyi) notamment font valoir qu'en fonction du contexte historique, technique, politique et social, la valeur travail a occupé et occupe – dans toute société globale historiquement bien connue – un rôle fédérateur.
Et qu'elle a toujours été au service d'une cohérence sociétale. Ce qui se traduit par une conception organisée du vivre ensemble, par une assignation et une articulation des rôles sociaux, par la constitution de représentations idéologiques et de statuts d'individus ou de collectifs, pour lesquels leurs titulaires reçoivent « reconnaissance » voire de la « considération ».

Historique de la valeur travail comme idéologie

La valeur travail dans l'Antiquité

À côté de la classe de citoyens ou de guerriers, le monde antique comporte des agriculteurs, des artisans et des commerçants qui sont diversement considérés, ainsi que des esclaves en abondance.

La société athénienne se répartit entre Nobles (eupatrides), agriculteurs (géomores) et artisans (démiurges). Un gouffre se créant entre la richesse des Nobles et la pauvreté du peuple, Solon vers 600 av. J.-C. supprime l’esclavage pour dettes et affranchit ceux qui étaient tombés en servitude. Il donne également accès au Droit à n'importe quel citoyen. On attribue à Solon l'invention de l'aréopage.

Le Mésopotamien comme le Grec ne connaît pas la notion de travail. Pour lui existent surtout des travaux exécutés sur ordre ou à la suite d'une commande. Par ailleurs, l'homme aurait été créé pour réaliser les travaux que les dieux devaient jusque-là assurer eux-mêmes (Voir le mythe mésopotamien de la création dit d'Enki et Ninmah). La raison métaphysique de l'homme serait dans le travail, plus particulièrement dans la « corvée » destinée à satisfaire le travail des dieux[2]. Les activités sont classées dans diverses catégories sans que la notion générale de travail s’impose. Les Grecs distinguent deux grands groupes de tâches, l’une désignée par le terme ponos qui regroupe les activités pénibles, exigeant un effort et un contact avec la matière, considérées comme dégradantes. Les autres, identifiées comme ergon (œuvre), sont associées à des arts, tous particuliers, ne pouvant faire l’objet d’une commune mesure : le travail. L’idéal grec se trouve au contraire dans le digne loisir qui permet l’entretien du corps (gymnastique) et de l’esprit (science comme contemplation du vrai), et surtout la participation aux affaires de la Cité. De cette conception dérive l’usage fréquent des esclaves dont la valeur n’est pas estimée en termes de travail mais d’utilité. Ainsi, selon Karl Popper, Platon considère que « les travailleurs, marchands et autres, font partie de cette tourbe dont l'unique fonction est de pourvoir aux besoins matériels des gouvernants »[3]. La technique grecque (la Mèkané (μηχανή) qui n'a pas d'équivalent dans le monde romain, semble s'être arrêté avec les derniers représentants de l'école d'Alexandrie. La primauté de la science sur les techniques et le mépris du travail manuel et, par conséquent, de la technique, le fait d'une certaine aristocratie intellectuelle, sont invoqués comme cause[4].

L'artisan est à l’occasion mis sur pied d'égalité avec le guerrier. Vers 450 av. J.-C., à propos des programmes dispendieux de construction d'Athènes, incluant le Parthénon et l'Acropole, Plutarque, dans son ouvrage « Vies des hommes illustres » met dans la bouche de Périclès les mots qui suivent : « Ceux que leur âge et leurs forces rendent propres au service militaire reçoivent, sur le fonds commun, la paye qui leur est due. Quant à la multitude des ouvriers que leurs professions exemptent présentement du service militaire, j’ai voulu qu’elle ne restât point privée des mêmes avantages, mais sans y faire participer la paresse et l’oisiveté. Voilà pourquoi j’ai entrepris, dans l’intérêt du peuple, ces grandes constructions, ces travaux de tous genres, qui réclament tous les arts et toutes les industries, et qui les réclameront longtemps. Par ce moyen, la population sédentaire n’aura pas moins de droits à une part des deniers communs, que les citoyens qui courent les mers sur nos flottes, ou qui gardent nos places éloignées, ou qui font la guerre(...) Ainsi le travail distribue et répand au loin l’aisance, dans tous les âges et dans toutes les conditions »[5],[6].

L'étymologie habituelle du mot travail, qui viendrait du latin tripalium, un instrument de torture à trois pieux, nous renseigne sur la valeur attribuée au travail dans la Rome antique. Il semble toutefois avoir subi aussi l'influence du bas-latin trabicula, poutrelle, établi.

Née pour conquérir le monde, esprit pratique et administratif plutôt qu'artiste comme l'est la Grèce, Rome avait pour devise ces préceptes de Virgile:

« Romain, souviens-toi de commander au monde! Tes arts, les voici: Imposer la paix, pardonner aux vaincus et dompter les Superbes[7] »

Rome, patricienne et guerrière, ne pouvait être favorable au développement de l'industrie.

Les classes ouvrières (la plèbe), organisées en collèges, étaient, depuis les premiers temps de Rome, méprisées et suspectes. Denys d'Halicarnasse affirme, en parlant des premiers temps de la république, qu'il n'était permis à aucun Romain de se faire marchand ou artisan. Plus tard, au milieu de la corruption de l'empire, Sénèque s'indignait encore qu'un écrivain eût osé attribuer aux philosophes l'invention des arts : « Elle appartient, s'écrie-t-il, aux plus vils des esclaves. La sagesse habite des lieux plus élevés: elle ne forme pas les mains au travail ; elle dirige les âmes... Encore une fois, elle ne fabrique pas des ustensiles pour les usages de la vie. Pourquoi lui assigner un rôle si humble ? ». Rome fut donc dans un premier temps une nation sans industrie et sans art.

Rome eut, dès la plus haute antiquité, quelques collèges ou corporations ouvrières dont l'organisation semble avoir été contemporaine de ses premières institutions politiques et religieuses[8]. Elles avaient leurs chefs, leurs assemblées, leurs règlements; elles pourvoyaient à leurs dépenses par des contributions volontaires, et, à certaines époques, les membres d'un même collège, unis sous le nom de sodales, se rassemblaient autour d'un autel commun. Les collèges avaient chacun leur divinité, leurs fêtes sacrées. Ils connurent un succès varié au cours du temps.

Par la suite de ses conquêtes, Rome s'enrichit du commerce. L'artisan doit alors affronter la concurrence des esclaves. À l'époque de la Deuxième Guerre servile vers -104, quatre cents esclaves sortaient armés de la maison d'un simple chevalier romain. Le plus grand nombre formait une classe d'ouvriers dont les propriétaires exploitaient le travail, vendaient les produits ou louaient même les services. Ils avaient sur les artisans libres deux avantages qui les firent préférer : ils étaient plus dociles, parce qu'on pouvait les instruire, les châtier et, jusqu'au siècle des Antonins, les mettre à mort à son gré ; leur main-d'œuvre revenait moins cher, parce que le maître ne leur devait et ne leur donnait souvent que la nourriture. Chacun composait sa maison selon ses goûts. Crassus qui faisait bâtir avait des ouvriers et des architectes. Ainsi les artisans esclaves se substituèrent aux artisans libres dans les villes et dans les champs[8].

Les artisans libres étaient donc pauvres, endettés, le Nexum romain pouvant s'apparenter à une forme d'esclavage.

La Gaule romaine avait aussi des artisans libres qui s'y étaient, comme à Rome, organisés en collèges. L'esclavage ne paraît pas avoir exercé sur eux une influence aussi funeste qu'en Italie, parce qu'en Gaule la population servile ne fut jamais aussi nombreuse. Les collèges y étaient, par conséquent, moins turbulents et moins méprisés, et les artisans, vivant dans leurs associations sous la loi romaine, sans être sous le coup de la réprobation qui les frappait à Rome, contribuèrent pour une large part à la grande prospérité du pays[8].

Dans les religions

Le travail et Confucius

La pensée confucianiste voit le travail comme une chose secondaire. Lorsque, dans le Lunyu, le maître évoque sa vie, il tient les propos suivants : « A quinze ans, je résolus d’apprendre. À trente ans, j’étais debout dans la voie. À quarante ans, je n’éprouvais plus aucun doute. À cinquante ans, je connaissais le décret du Ciel. À soixante ans j’avais une oreille parfaitement accordée. À soixante-dix ans j’agissais selon les désirs de mon cœur, sans pour autant transgresser aucune règle[9]. » Cette phrase, outre le résumé de la vie de Confucius, définit également le canon de la vie d'un homme confucéen (le maître étant un exemple), l'insignifiance de la valeur travail par rapport aux questions du savoir, de la morale et de la société.

Plus tard, Mencius définira le travail comme simple activité humaine devant permettre à la société de subvenir à ses besoins[10]. Le travail n'est pas présenté comme une valeur centrale, il est au service de la société. Il faut, selon Mencius, travailler le nécessaire, mais ne pas exploiter jusqu'à l'usure les ressources[10].

Ce sont en revanche les légistes, opposants radicaux et frontaux des confucéens à l'époque des royaumes combattants[11], et notamment le réformateur Shang Yang, qui donnent une importance cruciale au travail. Durant son gouvernement, il fut interdit à tout sujet du royaume de Qin de pratiquer toute activité autre qu'agricole et militaire (arts, commerce, oisiveté furent prohibés)[12]. Pour Jean Lévi, le travail sous le règne des légistes est d'abord un instrument de domination pour s'assurer la docilité d'un peuple : « faciliter la surveillance de la population en empêchant sa mobilité, interdire la formation de puissances économiques qui pourraient s’ériger en rivales de l’État et annihiler les facultés intellectuelles des hommes »[13].

La valeur travail dans le christianisme[14],[15]

Ancien Testament :

Le livre de la Genèse, le premier de la Bible, s'ouvre sur un récit de la Création du monde par Dieu en six jours(quelques pages).

On y lit, pour ce qui est du travail de l'homme aux origines du monde :

"Yahvé Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin d'Éden pour le cultiver et le garder."[16]

Il n'y a là encore aucune idée de punition. Mais immédiatement après la phrase citée s'engage le récit qui va rapidement conduire au péché originel d'Adam et Ève, au terme duquel Dieu punit Adam en ces termes :

Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre : Tu n'en mangeras point ! le sol sera maudit à cause de toi. C'est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie [...]. C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris ; [...] Et l'Éternel Dieu le chassa du jardin d'Éden, pour qu'il cultivât la terre, d'où il avait été pris.[17]

On ne saurait sous-estimer la portée de cette condamnation dans la mentalité chrétienne, dans le sens de la culpabilisation[18], et accessoirement pour ce qui est de l'acceptation de la pénibilité du travail comme une donnée intangible de sa condition terrestre. Pourtant cela est loin de clore la réflexion de la Bible sur le travail. Revenons une page avant l'expulsion de l'homme du paradis. Nous lisons :

"Dieu vit tout ce qu'il avait fait : cela était très bon. (...) Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu'en ce jour il se reposa de toute son œuvre qu'il avait créée en la faisant."[19]

Or en écho à ce septième jour de la création, à un stade beaucoup plus avancé du récit de l'histoire mythique du peuple hébreu, il se trouve que le plus original et remarquable des "dix commandements" ou "dix paroles" (Décalogue) remis par Dieu à Moïse, et symbolisant la conclusion de son Alliance avec le peuple hébreu, est :

"(...) On travaillera six jours; mais le septième jour est le sabbat, le jour du repos, consacré à Dieu. Celui qui fera quelque ouvrage le jour du sabbat, sera puni de mort. Les enfants d'Israël observeront le sabbat, en le célébrant, eux et leurs descendants, comme une alliance perpétuelle. Ce sera entre moi et les enfants d'Israël un signe qui devra durer à perpétuité; car en six jours Dieu a fait les cieux et la terre, et le septième jour il a cessé son œuvre et il s'est reposé."

Ainsi premièrement, le travail de l'homme dont il est question dans le commandement cité, est-il mis en parallèle avec l'action de Dieu créant le monde par l'effet de sa parole au livre de la Genèse[20] : Dieu a travaillé, donc le travail de l'homme, effectué selon les mêmes modalités, élève l'homme vers la condition divine. Le travail de l'homme peut être créatif !

Rappelons que l'importance de l'instauration du repos sabbatique dans la vie sociale est immense puisque jusqu'à aujourd'hui, l'alternance de la semaine de travail et d'un jour chômé structure le temps des humains dans la civilisation judéo-chrétienne[21] et ses extensions à travers le monde. On peut se demander si l'instauration du sabbat n'a pas paradoxalement codifié une prise de conscience sociétale de l'existence même de la notion de travail, et même (avec par ailleurs la codification du temps de la célébration religieuse) une prise de conscience de la notion de temps social, de vie sociale commune à tous ses membres : bref, la notion de société. Plus précisément, la Bible consigne là l'invention de l'encadrement des individus par leur emploi du temps (penser au lycéen, à l'ouvrier). On peut juger cela structurant pour l'espace social : la cohésion du groupe se trouve renforcée parce que chacun sait à quel moment il peut compter sur la disponibilité de l'autre pour travailler avec lui. Cette réglementation est contraignante et on peut aussi la juger aliénante. Aussi, la pression sociale sur l'individu qui se dessine ici est-elle sagement équilibrée par l'instauration du temps sabbatique qui est un temps ou l'individu est au contraire libéré de ses obligations sociales : un "temps libre". Mais pour quoi faire ?

Le temps du sabbat est typiquement tourné vers l'épanouissement de la vie de la cellule familiale (rapports parents-enfants, et entre époux), avec par exemple le "repas dominical" de la tradition chrétienne, et dans la tradition juive la prescription de "manger trois repas somptueux" lors du Shabbat (etc. : prescription de prendre du plaisir, recommandation des rapports conjugaux) sous la présidence du père de famille, et lui-même sous l'ascendant de Dieu[22]. Ceci fait apparaître la famille comme une institution complémentaire de l'espace social étendu défini lui par le lieu et le temps organisé pour le travail ; la crise de la famille aujourd'hui (divorces...) doit-elle être comprise comme conséquence de la perte d'un équilibre réglé et multi-séculaire entre espace-temps social dédié au travail et espace-temps sabbatique dédié à la vie familiale[23] ?

Dans un monde déchristianisé, on justifie aujourd'hui (implicitement) l'alternance du travail et du repos dominical en invoquant le respect d'un cycle physiologique de même nature que les cycles : veille-sommeil, alimentation-digestion, effort physique- détente, concentration-divertissement etc. Mais tentons pour finir d'expliciter la justification proprement religieuse ultime de l'instauration du sabbat, selon une vision chrétienne en tout cas. Une phrase biblique l'exprime par une affirmation d'une magnifique concision :

"(...) l'homme ne vit pas de pain seulement, mais (...) de tout ce qui sort de la bouche de Dieu."[24]

Tentant de traduire cette affirmation en langage contemporain, on propose de dire que ni la satisfaction des besoins utilitaires (conçus rationnellement, précisément définis en termes de buts et de moyens, et circonscrits dans un langage ou logos) ni celle des plaisirs hédonistes n'épuise pas le champ des possibilités ouvertes à l'épanouissement d'une vie humaine ; car il reste encore le temps de la culture, du loisir (otium), et ce qui se rapporte à la vie de l'esprit[25]. On propose de dire que la dimension religieuse de ce temps-là commence à l'instant où l'homme s'arrête... et reconnaît son incapacité radicale à tout saisir, percevoir, comprendre et maîtriser (incapacité par exemple à arrêter le cours fini de sa vie, difficulté à en comprendre le sens...). Chacun peut alors choisir de "prendre le temps" (par exemple sabbatique), pour faire réflexion sur soi et se placer seulement dans une posture d'écoute indéfinie. Ainsi compris (par exemple), l'institution du sabbat revendique une place, plus précisément un temps réservé et sanctuarisé pour l'arrêt de l'activité, de la production utile visant des buts précis, pour la pratique d'une libre et gratuite respiration de l'individu (reprendre ses esprits).

En résumé, cherchant à formuler l'intuition qui conduisit à l'institution du sabbat mais cette fois sans tenter d'actualiser le mode de pensée religieux des rédacteurs de la Bible, on proposera de dire qu'il est affirmé là que la relation de l'homme à Dieu ne peut s'épanouir si l'homme ne cesse pas de travailler. Et réactualisée en termes agnostiques, cette affirmation se reformule trivialement par : "il n'y a pas que le travail dans la vie". Retenons ce point de vue ; on indiquera plus loin qu'il a été contredit par certains avatars de l'histoire du christianisme.

Nouveau Testament :

  • Dans les évangiles (écrits entre 60 et 100 ap. J.-C. env.) :

La Torah, cœur de l'Ancien testament et citée plus haut, était un récit de l'histoire du monde très tôt orienté vers celui de la naissance d'un peuple (les hébreux) marquée par son Alliance avec Dieu. Les quatre évangiles ont quant à eux pour trame commune un récit de la vie d'un individu (qui professera la fondation, sur son corps et son sang, d'une "nouvelle alliance"[26] avec Dieu) : Jésus de Nazareth. Au travers de ces textes, nous sont transmis des paroles de Jésus, mais aussi ses actes et des éléments de comportement révélateurs de sa manière d'être. Ainsi, selon les évangiles, Jésus était-il travailleur, et adepte du travail ? On donnera une réponse nuancée, en commençant par ce qui place Jésus en opposition avec l'apologie du travail.

Il est surprenant que Jésus n'ait pas tenté de faire établir de son vivant un recueil autorisé de ses paroles et opinions : Jésus n'a rien écrit, alors qu'il était juif instruit puisque décrit sans cesse instruisant ou débattant dans les synagogues[27]. On va repréciser plus loin que Jésus selon les évangiles s'est soucié de se choisir des premiers disciples, les douze apôtres, de les enseigner, et même, peut-être, avec le but précis qu'ils fondent "son" Église[28] ; mais il a ainsi laissé à ses successeurs le soin d'en fixer la doctrine, ce qui s'est précisé jusqu'aux conciles des IVe et Ve siècles... avec cependant l'aide après sa mort, par lui explicitement annoncée[29], de l'Esprit-Saint. Cela paraît témoigner d'une stupéfiante absence d'intérêt pour les contingences, c'est-à-dire pour tout ce qui a trait à la mise en œuvre matérielle de ses idées. Mais en vérité ce comportement est cohérent avec l'affirmation du rôle caché de l'Esprit-Saint dans l'orientation du destin du monde, affirmation qui juge illusoire l'idée que l'homme , ou la (somme des) volonté(s) des individus, aurait ce pouvoir. Le chrétien est par là encouragé à "lâcher prise", notamment dans un beau texte dont ne citera ici que le début :

"(...) ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ?"[30],[31]

Jésus donne à comprendre qu'il faut s'effacer pour laisser la volonté de Dieu trouver son chemin en nous et à travers nous, en particulier en cherchant dans la prière à connaître quelle est cette volonté -- et il en donne l'exemple, par exemple lorsque seul au jardin des oliviers, il hésite à "entrer dans sa passion" :

"Étant allé un peu plus loin, il tombait à terre, et il priait pour que, s'il était possible, cette heure passa loin de lui. Et il disait : "Abba (Père) ! tout t'est possible : éloigne de moi cette coupe ; pourtant, pas ce que je veux, mais ce que tu veux !""[32]

Selon les évangiles, Jésus s'est aussi laissé arrêter, interdisant à ses proches de s'y opposer de force[33] ; qui plus est, il aurait anticipé cette arrestation et sa mort et son supplice, qui sont donc présentés par les évangiles comme un destin librement accepté[34] ; selon ce modèle de comportement, le recours à la force, et par extension le volontarisme (soit par extension encore, le travail acharné), ne sont pas la bonne solution dans une vie de chrétien, et ceci a orienté la vie de bien des chrétiens.

Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger[35].

La présence du mot "repos" invite à penser que Jésus (écho de l'invention du sabbat ?) se montre ici avocat d'une guérison de certains effets pénibles qui sont typiques d'une vie envahie par les soucis ("soucis du monde"[36]) et l'épuisement à diverses formes de travail, que suggèrent les mots "fatigués", "chargés", "joug", "fardeau", etc. Mais c'est peut-être métaphoriquement seulement, à titre d'image, qu'il faut comprendre l'allusion à la pénibilité du travail. Le texte dit d'ailleurs : "vous trouverez du repos pour vos âmes." Le "joug (...) doux" proposé par le Christ est d'ordre spirituel[37]. Disons alors seulement que "[douceur]" et "[humilité] semblent des manières d'être éloignées de celles que requiert l'engagement dans le travail, et constatons que les raisons pour lesquelles le "joug" que propose le Christ est "léger " ne sont pas explicitées là.

Citons ce passage qui conteste frontalement ce qu'on pourrait appeler l'impérialisme du travail :

" Comme Jésus était en chemin avec ses disciples, il entra dans un village, et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison. Elle avait une sœur, nommée Marie [il ne s'agit pas de la mère du Christ], qui, s'étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe, occupée à divers soins domestiques, survint et dit : Seigneur, cela ne te fait-il rien que ma sœur me laisse seule pour servir ? Dis-lui donc de m'aider. Le Seigneur lui répondit : Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour beaucoup de choses. Une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée."[38]

Ces paroles attribuées au Christ dénoncent l'excès (addictif ? ; pathologique ?) d'une implication sans bornes au travail, notamment dans la mesure où ce comportement peut nous empêcher de nous rendre disponible et attentif (-- à autrui, à ce qui se passe autour de nous, et en nous-mêmes, comme on le redira un peu plus loin). Notons que pour ce qui est de la mère du Christ (une autre Marie), les quelques éléments descriptifs de son comportement qu'on peut trouver dans les évangiles donnent l'image d'une acceptation totale de son destin, au nom de sa foi[39], d'un tempérament tourné vers l'observation silencieuse et la méditation[40], et la soumission à son fils une fois celui-ci devenu adulte[41] ; or Marie a été dans l'histoire du christianisme le principal modèle d'identification féminin, objet de dévotions ardentes (au Moyen Âge notamment, mais encore jusqu'au XXe siècle), et avec un effet y compris sur l'idéal de comportement de bien des chrétiens de sexe mâle.

Précisons le champ de notre étude du comportement de Jésus en rapport au travail : peut-on dire que Jésus a exercé une profession ? On va distinguer ici trois étapes de sa vie (terrestre). La dernière dans l'ordre chronologique est aussi la plus brève : c'est celle de sa passion (depuis son arrestation jusqu'à sa mort). On propose de dire que l'activité principale de Jésus durant ce temps est de souffrir -- jusqu'à en mourir. Souffrir peut-il être considéré (associé à la prière, ou bien la souffrance "pure") comme un travail ? On dit d'une femme en train d'accoucher qu'elle est "en travail", et on connaît l'étymologie du mot travail liée à un instrument de torture (tripalium). Il se trouve que la doctrine chrétienne affirme (dès le Nouveau testament) que la souffrance du Christ a un rôle de "réparation", d'"expiation" ou "rédemption"[42], ce dernier mot, un peu tardif[43] dans le Nouveau testament ayant le sens hérité de l'Ancien testament, d'un rachat, d'une "rançon"[44], comme un esclave (ou un peuple vaincu) peut être racheté pour être affranchi (modèle d'une transaction commerciale donc). Une part explicite et souvent répétée de la doctrine chrétienne s'applique donc a donner un sens logique à la souffrance du Christ, à lui attribuer une fonction, une utilité qui plus est conçue d'avance par le Christ. Dans quelle mesure cela légitime t-il l'idée de considérer la souffrance du Christ comme un travail ?

Les deux autres étapes qu'on distinguera ici dans la vie du Christ antérieurement à sa passion sont d'abord les trente premières années d'une vie ordinaire qui vont de sa naissance à son baptême[45] à trente ans environ, et les trois années d'intense activité publique qui vont de ce baptême jusqu'à sa passion. Pour ce qui est du métier de Jésus jusqu'à son baptême, on ne dispose que de cette indication : "N'est-ce pas le charpentier, le fils de Marie, (...)?" (Marc 6:3). Mais la même phrase chez un autre évangéliste devient : "N'est-ce pas le fils du charpentier ? n'est-ce pas Marie qui est sa mère ? (...)" (Matthieu 13:55), ce qui rend bien fragile l'affirmation que Jésus était charpentier. Et surtout, si on replace ces phrases dans l'ensemble du passage où elles se trouvent, on s'aperçoit que le message d'ensemble est que les proches de Jésus (ses parents, ses voisins du temps de son enfance) sont incapables de comprendre qui Jésus est vraiment : "Mais Jésus leur dit : Un prophète n'est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents, et dans sa maison. " (Marc 6:4), et incapable en particulier d'accepter que tout ce qu'il a fait antérieurement à son engagement public ne peut le définir essentiellement. De multiples passages des évangiles esquissent la représentation d'un Christ toujours en mouvement et par là insaisissable[46]. On peut actualiser cette controverse en portant un regard critique sur l'illusion commune d'avoir défini une personne à l'énoncé de sa profession : "il est boulanger" (ou professeur, militaire, avocat...). Le verbe être a t-il là un sens pour ainsi dire métaphysique ? (ou lorsque nous disons : "il est catholique" ou "il est de droite" ?). Les évangiles quant à eux... travaillent... évidemment à nous faire reconnaître que Jésus n'est (au sens fort) pas qu'un homme, mais aussi "fils de Dieu", "Christ" ou"Messie", etc. (Mc 1:1 etc.)[47], ce qui d'abord, rend toutes les catégories humaines inadéquates à le définir, et ensuite est source de malentendus : le Messie attendu par les juifs du temps de Jésus était conçu comme un roi béni de Dieu ("oint") avec mission de libérer Israël de ses oppresseurs.[48]

Quant à l'activité de Jésus durant les trois années dites de sa vie publique (passion exclue), elle est à peu près celle d'un prédicateur et guérisseur[49] itinérant[50]. Peut-on considérer qu'il s'agit d'un travail[51] ? Ici le vent tourne : montrons en effet que cette fois, c'est une hypothèse pertinente selon les évangiles même. Ainsi, quand Jésus envoie ses disciples deux par deux en mission d'évangélisation, il leur donne pour consignes :

"Il leur disait donc: La moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers: suppliez donc le Seigneur de la moisson, en sorte qu'il pousse des ouvriers dans sa moisson. Ne portez ni bourse, ni sac, ni souliers, et ne saluez personne en chemin. Dans quelque maison que vous entriez, dites d'abord : Que la paix soit sur cette maison ! Et s'il se trouve là un enfant de paix, votre paix reposera sur lui (...). Demeurez dans cette maison-là, mangeant et buvant ce qu'on vous donnera; car l'ouvrier[52] mérite son salaire[53]. (...) Guérissez les malades et dites aux gens : "Le royaume est tout proche de vous.""[54],

Ces termes sont clairement ceux d'un travail rémunéré (en nature : le gîte et le couvert). Selon ce passage entre autres[55], le chrétien a un travail (qui constitue peut-être alors le sens de sa vie, en tout cas au moins une mission religieuse) qui est de convertir ses semblables ; les évangiles disent ailleurs que le Christ lui-même se considère comme "envoyé de son Père"[56], donc en mission, au sens où, dirait-on aujourd'hui : il considère qu'il a un travail à faire (et à mener à bien avant de repartir au ciel). La première phrase a une forte composante métaphorique[57] , comme très souvent[58] dans les évangiles : la "moisson" a récolter n'est pas une vraie moisson de grains, mais la multitude des personnes qu'il s'agit, selon l'image, de ramener dans le giron du christianisme . Mais ceci donne une ambiguïté au message évangélique sur le travail : en effet s'il ne s'agit pas d'une vraie moisson, faut-il comprendre que "l'ouvrier" et le "salaire" sont là seulement des image à ne pas comprendre littéralement[59], ou au contraire que le prosélytisme religieux est un vrai travail, c'est-à-dire une activité justifiant que, par un effet de la foi (qu'elle manifesterait), on s'y consacre (c'est-à-dire en fait, qu'on y travaille) à plein temps et avec une exigence de résultats, de la même façon qu'il est d'usage d'exercer son métier à plein temps et pour accomplir des tâches quantifiables ? L'histoire illustre quelques réponses des hommes : on sait que la mission chrétienne a été un aspect important du phénomène mondial de la colonisation, les missionnaires côtoyant-là les aventuriers ("conquistadores") motivés eux par le seul appât du gain à tout prix. Il serait réducteur de considérer que les missionnaires ont été toujours complices des aventuriers, approbateurs de leurs exactions, et qu'ils aient toujours eu une conception expéditives de la "conversion" à rechercher (cf. Controverse de Valladolid). Mais on ne peut pas[60]exonérer complètement l'Évangile d'avoir par certaines de ses tendances encouragé ceux qui se sont nourris de sa lecture, vers une conception productiviste, quantitative (matérialiste -- et superficielle ?) de la mission de diffusion de l'Évangile et de la conversion par le baptême. Avec une efficacité indéniable, mais le monde s'en est-il mieux porté ? : il est plus difficile de démêler l’écheveau des conséquences qui continuent de se dérouler, que d'analyser les causes.

Signalons enfin, pour ce qui est des évangiles, un autre récit des évangiles présenté comme une parabole[61] décrit de manière succincte mais assez précise les modalités du travail des ouvriers agricoles recrutés à la journée par un patron ou "maître" (figurant Dieu): c'est la parabole dite des ouvriers de la onzième heure[62]. Des ouvriers sont recrutés à diverses heures de la journée, mais à la fin de la journée (: fin de la vie, suivie du jugement dernier), le maître choisit au moment de les payer tous pareillement (par l'entrée dans "le royaume des cieux"), quoiqu'ils n'aient pas du tout travaillé durant un temps égal. En résumé de la parabole, on peut dire qu'elle affirme que la rétribution divine (ou salaire) de l'attitude de l'homme au cours du travail de sa vie terrestre , rétribution qui consiste(rait) en l'admission de l'homme au Royaume de Dieu pour une vie éternelle, fonctionne sur des principes très différents à ceux, comptables, qui régissent la justice dans la rétribution d'un travail ordinaire dans le monde[63]. Et pour ce qui est de notre recherche des jugements sur le travail dans la Bible, on peut dire en résumé que cette parabole instille implicitement (toujours avec la question d'avoir à prendre pour argent comptant la forme littérale de la parabole), l'idée jusqu'ici non identifiée que le travail du chrétien sur terre est d'assurer son salut personnel (son entrée dans la "vie éternelle") par une vie droite et conforme aux préceptes chrétiens -- préceptes que la parabole ne précise pas. Notons qu'assigner un but en négligeant de donner les moyens de l'atteindre peut être inquiétant ; l'affirmation de ce que le salut est accordé sur une base strictement individuelle (comme l'est un salaire) ouvre une option individualiste dans l'interprétation de la religion chrétienne.

Pourtant dans les évangiles, une notion plus centrale que le travail, proche de ce dernier mais distincte de lui, est celle de service et de serviteur. Le service n'implique pas salaire (cas extrême de l'esclave ou serf, par exemple), mais un lien qu'il n'est pas juste de qualifier de paternaliste, parce qu'il s'affirme avant tout fraternel[64], ni non plus de qualifier de moral, parce que ce mot évoque l'existence d'une composante de coercition sociale alors que l'engagement chrétien, à l'image du comportement du Christ, s'affirment essentiellement libres (parce que rachetés par la grâce de Dieu, et ainsi libres en esprit[65]), même lorsque l'homme est réduit à une impuissance de fait. Là encore, Jésus renverse la hiérarchie sociale admise sur la base de ce modèle de relation sociale entre serviteur et maître, en se présentant à ses disciples tout ensemble comme maître et serviteur, et même maître véritable seulement parce que serviteur :

Jésus les appela, et dit : Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent [les nations], et que les grands les asservissent. Il n'en sera pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave. C'est ainsi que le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de plusieurs.[66]

En résumé, la (relative) préférence de Jésus (selon les évangiles) pour la relation de service par rapport à celle du travail salarié (soutenue un peu plus haut quand même) peut être comprise comme un aspect de sa prédication en faveur d'une société fondée sur l'amour fraternel ("[aimez-vous] les uns les autres, comme je vous ai aimés"[67]), plutôt que seulement sur la régulation des pulsions individuelles égoïstes et antagonistes par la loi et la police. Le message des évangiles n'est donc pas monolithique, mais parcouru de tendances contraires. On peut regretter la plasticité idéologique des évangiles, porte ouverte, on le verra, à des déformations historiques qui ont modifié l'équilibre éventuellement ambigu du message originel (supposé...). La vertu de cette complexité est de mettre chaque lecteur en tension et responsabilité, pour s'approprier ce qu'il y trouve en rapport à sa vie et à la culture de son temps.

  • Saint Paul contribue au Nouveau testament par une dizaine d’Épîtres adressées à quelques communautés chrétiennes[68] naissantes à travers le bassin méditerranéen. C'est, comme les évangiles, un second grand bloc relativement homogène de textes du Nouveau testament, avec une tonalité distincte puisque, par exemple, et quoiqu'ils soient ancrés indubitablement sur un fond commun de pensée, évangiles et Épîtres ne se citent pratiquement pas l'un l'autre. Extrait :

    « lorsque nous [Paul] étions chez vous, nous vous disions expressément, si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus. Or nous entendons dire qu'il en est parmi vous qui mènent une vie désordonnée, ne travaillant pas du tout et se mêlant de tout. Ceux-là, nous les invitons et engageons dans le Seigneur Jésus-Christ à travailler dans le calme et à manger le pain qu'ils auront eux-mêmes gagné. Pour vous, frères, ne vous lassez pas de faire le bien. Si quelqu'un n'obéit pas aux indications de cette lettre, note-le, et, pour sa confusion, cessez de frayer avec lui ; cependant ne le traitez pas en ennemi, mais reprenez-le comme un frère.»[69]

    Paul est ici[70] dans un rôle terre-à-terre d'animateur et d'arbitre des conflits garant de l'orthodoxie auprès des communautés qu'il a visitées et auxquelles il s'adresse par des lettres ("Épîtres"). On note que la première phrase citée a un caractère punitif, qui sous-entend la prégnance d'une vie de groupe sur chacun de ses membres. On retrouve donc la problématique de la complémentarité entre place de l'individu, et les exigences de la vie en société, signalée plus haut à propos du sabbat ; ici c'est l'espace du groupe qui retient l'attention de l'auteur. La nécessité de travailler qui selon le texte justifie la menace de sanction tient d'abord évidemment au besoin d'assurer la satisfaction des besoins matériels vitaux dans le cadre d'une division du travail : chacun ne pourvoit pas directement à assurer ses propres besoins alimentaires, et par là, tous se trouvent dépendants du travail des autres. Mais Paul laisse tout cela dans l'implicite ; il explique par contre que le travail "calme" et "[ordonne]" l'esprit , ou au moins le comportement individuel : nous pourrions dire aujourd'hui que le travail est régulateur psychologique (individuel), et social (collectif). Il est ici distingué comme une modalité nécessaire d'une relation entre personnes qui toutefois se désire "[fraternelle]", c'est-à-dire empathique, aimante par principe selon la recommandation du Christ[71]. Plus délicat à commenter :

    « Esclaves, obéissez en tout à vos maîtres d'ici-bas, non d'une désobéissance tout extérieure qui cherche à plaire aux hommes, mais en simplicité de cœur, dans la crainte du Maître [=Dieu]. Quelque soit votre travail, faites-le avec âme, comme pour le Seigneur et non pour les hommes, sachant que le Seigneur vous récompensera en faisant de vous ses héritiers. »[72]

    Pour ne pas surinterpréter cette citation de St Paul, il convient d'ajouter que tout en recommandant sans réserve le respect de l'ordre politique établi, inégalitaire, Paul affirme aussi ailleurs[73] l'égalité essentielle entre l'esclave et son maître (c'est-à-dire, selon lui, l'égalité en esprit et devant Dieu). En d'autres termes, Saint Paul estime contingentes les inégalités sociales résultant de la spécialisation des fonctions, en particulier dans le travail : elles ne signifient rien de profond selon lui, vis à vis de Dieu.

Observons que contrairement à ce qui avait été identifié plus haut comme "travail" dans les évangiles (travail d'évangélisation, ou travail pour obtenir la vie éternelle), le travail est selon la première des deux phrases citées compris dans son sens ordinaire et utilitaire, par son association au "[manger]" : il faut travailler pour manger, simplement. Cependant la deuxième phrase redonne une dimension religieuse à ce travail ordinaire en inventant l'idée de "faire [son] travail [ordinaire : son gagne-pain](...) comme pour le Seigneur [Dieu] ". Autrement dit, le travailleur sait bien qu'il travaille au départ pour pourvoir aux nécessités de son groupe ainsi qu'aux siennes propres (c'est un "vrai travail" dans lequel il n'est pas nécessaire d'inclure une dimension relgieuse), mais Saint Paul suggère que ce faisant, chacun a le pouvoir, la liberté spirituelle, d' imaginer[74] (c'est le "comme"[75]) qu'il travaille "pour [Dieu]" quand il travaille pour et avec les hommes-- et de donner un sens nouveau à son travail accompli avec soin et au prix d'un effort personnel (cf. plus haut : la souffrance est-elle un travail ?) en choisissant de le dédier mentalement à Dieu, c'est-à-dire littéralement de se consacrer à son travail. On dira que c'est là une fiction, mais il faut prendre au sérieux cette proposition qui ouvre la possibilité de donner une dimension spirituelle à l'ensemble des activités humaines. Saint Paul s'autorise d'ailleurs à promettre une "[récompense]" (le salut ou droit d'entrée dans la vie éternelle) qu'il juge substantielle, quoiqu'elle ne soit pas de ce monde ; il ramène donc sa proposition à une vision contractuelle intéressée typique du monde du travail. L'idée que nous avons trouvée ici sous la plume de Saint Paul se répandra largement parmi les chrétiens, avec des conséquences diverses, voire possiblement opposées : dans un sens, elle conduit à un engagement à (travailler à) placer toutes ses actions devant Dieu de sorte que la vie devient une prière perpétuelle ; ou au contraire, on verra plus loin comment le travail survalorisé par sa mise en relation avec Dieu a pu devenir l'objet d'une implication méthodique et d'une sacralisation envahissante et à la limite idolâtre.

  • Signalons enfin pour clore ce tour d'horizon du Nouveau testament, que l'(unique) Épître de St Jacques développe en quelques pages une pensée qui a sa tonalité particulière très soucieuse de la mise en pratique de l'amour chrétien notamment par le respect et le soutien aux pauvres ; l'exploitation inconsidérée du travail y est clairement dénoncée :

    « À vous maintenant, riches ! Pleurez et gémissez, à cause des malheurs qui viendront sur vous. Vos richesses sont pourries, et vos vêtements sont rongés par les teignes. Votre or et votre argent sont rouillés ; et leur rouille s'élèvera en témoignage contre vous, et dévorera vos chairs comme un feu. Vous avez amassé des trésors dans les derniers jours ! Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs, et dont vous les avez frustrés, crie, et les cris des moissonneurs sont parvenus jusqu'aux oreilles du Seigneur des

    Au Moyen Âge chrétien :

On ne peut insister ici sur l'importance structurante, tant culturelle qu'économique, des communautés monastiques au Moyen Âge occidental, période qui s'ouvre sur la destruction de l'ordre romain sur lequel s'était greffé le christianisme. Pour ces communautés, la règle de Saint Benoît[76](milieu du VIe siècle) est un texte capital : il reçoit d'un côté l'influence de penseurs antérieurs[77] dont il fait de facto une synthèse, et constitue une base pour le développement du monachisme occidental. "[Du IXe au XIe siècle,] les moines d'occident seront tous bénédictins." Cette Règle définit un cadre de vie en principe impératif pour les communautés qui y souscrivent. Elle est constituée 73 articles d'une ou deux pages chacun, occupés chacun d'un aspect particulier, précédés d'un prologue dont voici quelques extraits :

"1 Écoute, mon fils, les préceptes du maître et tends l'oreille de ton cœur (...) 2 afin de revenir par le labeur [labor] de l'obéissance à celui dont t'avait détourné la lâcheté de la désobéissance. (...) 21 Sanglés du ceinturon de la foi, et de la pratique des bonnes actions, sous la conduite de l'Évangile, suivons donc les chemins du Seigneur [le Christ] pour obtenir de voir dans son royaume celui qui nous a appelés. (...) 40 Préparons donc nos cœurs et nos corps à mener le combat de la sainte obéissance aux commandements (...) 44 [Il] nous faut courir et faire maintenant ce qui nous profitera pour l'éternité. 45 Voilà pourquoi nous allons fonder une école [schola] du service du Seigneur. 50 Ainsi (...), nous participerons par la patience aux souffrances du Christ pour obtenir d'être associés aussi à son règne.[fin du prologue]"[78]

Le prologue indique donc de manière insistante que le but de la communauté bénédictine est d'assurer à ses membres l'accès au "royaume" de Dieu "pour l'éternité" (après la mort) ; on se propose d' "obtenir" ce but (conçu comme quasi tangible donc) cet objectif au moyen d'un travail ("labor", dès le verset 2). On observe que de nombreux autres mots sont porteurs d'une connotation d'activité (comme l'est par ailleurs en principe le mot travail), et même d'activité guerrière ("ceinturon", "combat"). Mais d'autres ont par contre une connotation de passivité ("obéissance" (trois fois ici, ce qui est en proportion de la place de ce mot dans la Règle entière), "patience", "souffrances") -- ces mots se trouvent clairement en résonance avec la description que font les évangiles de la passion du Christ. Enfin, le point de conciliation entre ces deux composantes activité/passivité se présente dans l'expression "le labeur de l'obéissance" (verset 2, encore une fois). En quoi l'obéissance peut-elle être considérée comme un travail ? : -- par l'effort qu'elle demande en réfrénant notre désir de liberté, et par le profit qu'on en attend en retour : la vie éternelle conçue comme rétribution.

Les 73 articles de la Règle détaillent le modèle de répartition des activités du moine. Après quelques articles de présentation de principes cardinaux, les articles 8 à 19 décrivent la principale occupation (et c'est pourquoi elle est présentée) en premier des moines : le "service de Dieu" par sept offices quotidiens dont les horaires et la teneur respective est détaillée. Trois expressions latines sont employées pour désigner le "service de Dieu" : "officium divinum" (2 occurrences) ; "opus divinum" (deux occurrences) ; et "opus dei" (quinze occurrences)[79].

Buts et moyens

prévoit le travail des moines pour la communauté en ces termes :

"L'oisiveté est ennemie de l'âme. Aussi les frères doivent-ils s'adonner à certains moments au travail manuel et à d'autres heures déterminées à la lecture de la parole divine. Voici donc comment nous croyons devoir disposer les temps consacrés à l'une et à l'autre occupation."[80](Suit une page de précisions, selon les temps de l'année liturgique).

La première phrase renouvelle (relire plus haut St Paul : "travailler dans le calme"[69]) l'intuition que le travail a d'abord une vertu régulatrice de l'équilibre psychique individuel -- il s'agit même spécifiquement du travail manuel, qui laisse l'esprit libre. Notons aussi que la gestion du temps, son découpage en plages horaires fixées ("emploi du temps") est un sujet très soigneusement planifié par l'ensemble de la Règle, comme à l'alinéa cité ; la vie des lycéens, et de beaucoup d'adultes, n'est-elle pas aujourd'hui aussi réglée selon ce principe ? Est-ce parce que "l'oisiveté est ennemie de l'âme" ? Et en quoi le serait-elle ? Quel ordre social, "ami de l'âme", a la vertu d'assurer l'épanouissement optimal de ses membres ? « Tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. » (Pascal) Il semble que Saint Benoît ait estimé que même le moine n'est pas a priori exempt de cette incapacité qui au fond, en tout mortel sourd d'une angoisse existentielle. En effet si je m'arrête un instant, aussitôt je m'interroge : quel est le sens de ma vie ? Aussi bien l'objet de la vie chrétienne (à sa façon et comme d'autres modes de vies sans doute) est-il peut-être en bonne part de... travailler à pacifier cette angoisse (pour ce qui est du chrétien, par une culture personnelle patiente et méthodique des ressorts intimes de l'amour compris comme don gratuit de soi[81]), de sorte que se découvre peu à peu que :

" Pour toi quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra[82]. (italiques dans le texte)

Au XIIe siècle, l'abbé Bernard de Clairvaux (pratiquement le fondateur de l'ordre cistercien, sur la base d'un retour à une application plus stricte de la Règle de Saint Benoît) réaffirmera la place du travail manuel dans la vie du moine, en réaction au mode de vie clunisien "principalement orienté vers la louange divine par la célébration de la Liturgie dont la longueur avait augmenté au détriment du travail manuel"[83]. Les cisterciens cultivent donc eux-mêmes leurs domaines (avec cependant l'aide de frères convers), plutôt que de recevoir des dîmes sur les revenus de leurs domaines exploités par d'autres. L'objectif visé par cette recherche d'autonomie communautaire dans le travail est le rétablissement de l'idéal de pauvreté et de séparation d'avec le monde, et finalement, l'accès au repos contemplatif (quies)[83].

À la même époque, la scolastique réhabilite le travail. Les théologiens attribuent des valeurs contradictoires au travail. À l'époque carolingienne, les clercs occidentaux distinguaient deux types de travail : le travail intellectuel (arts libéraux) et le travail physique (arts mécaniques)[84]. Le travail des paysans est alors méprisé par les lettrés : au Xe siècle, Adalbéron de Laon décrit dans son Poème au roi Robert une société hiérarchisée dans laquelle « ceux qui travaillent » sont considérés comme inférieurs aux clercs et aux chevaliers. Les paysans doivent à leur seigneur un travail gratuit, la corvée, mais l'esclavage recule à la fin des temps carolingiens. L'Église interdit le travail le dimanche, mais également les jours de fêtes, qui sont fort nombreux au Moyen Âge : vers 1350, un jour sur deux est férié[85].

Dans le prolongement de la Réforme protestante :

Selon Max Weber, le travail est un des fondements idéologiques du protestantisme[86]. En effet dans son ouvrage L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme (1905), l'auteur indique que Luther, moine défroqué et dès lors opposé au monachisme en tant que proposition de vivre la foi chrétienne hors du monde, affirme qu'il y a une dimension religieuse à l'exercice de tout métier dans le monde ordinaire ; cela se traduit notamment dans la Bible de Luther (première traduction en allemand de la Bible) par l'emploi inédit et inventif du mot Beruf (qui avait jusqu'à lui seulement le sens d' appel de Dieu ou vocation) pour traduire les mots de la Bible dont la traduction la plus naturellement en accord avec le contexte est en français rendue par le mot travail (qui n'a aucune connotation religieuse évidente). La polysémie du mot Beruf à partir de Luther (qui est parfois considéré comme l'inventeur de l'allemand moderne) est proche de celle du mot profession en français : métier , ou bien (plus rare) engagement dans la foi (profession de foi). Le choix lexical de Luther implique donc d'une sanctification du travail. La suite de l'ouvrage de Weber explique les avatars de cette valorisation religieuse du travail dans les églises calvinistes, et surtout puritaines. L'œuvre du pasteur puritain anglais Richard Baxter est notamment examinée[87] ; on peut observer par exemple dans Le repos éternel du Chrétien[88] que le mot travail (work) apparaît plus d'une fois par page), ainsi :

"(...) As-tu fait diligence, de peur d'arriver trop tard et de mourir avant que ton travail soit fait ? Tu peux dire par son travail si ton serviteur a flâné quoique tu ne l'aies pas vu ; tu peux faire de même en regardant ton propre travail. Ton amour du Christ, ta foi, ton zèle, et autres dévotions, sont-ils forts ou faibles ? Est-ce que tout est en ordre pour toi ? Es-tu prêt à mourir, si ce devait être aujourd'hui ? (....) Juge à cette aune, et il apparaîtra très vite si tu as été un bon travailleur ou un flâneur. (...) Mets-toi donc au travail, vite et avec tout ton sérieux, et bénit Dieu que tu aies encore le temps de le faire. (...)"[89]

Le travail du chrétien selon ce passage représentatif de l'ouvrage entier est compris dans un sens étroitement religieux : il s'agit de mettre toute son énergie à vivre en conformité avec l'espérance de son salut pour la vie éternelle promise aux élus de Dieu. Cependant, Weber s'applique à montrer que la valorisation du travail dans ce sens spécifique va peu à peu se trouver étendue à toutes les activités de production de richesse, assimilées à leur tour dans la société puritaine à des œuvres pour Dieu[90]. Se répand l'idée que le croyant doit manifester sa certitude d'être un élu à la vie éternelle en se consacrant à un travail (dans le monde) méthodique et accumulateur. Weber note pour finir la permanence de la valeur-travail dans les sociétés enracinées sur ces mouvements religieux (U.S.A., Pays-Bas...), quand bien même la foi a cessé de jouer un rôle moteur dans la promotion des valeurs qui les organisent[91].


Le travail a été aussi été une valeur chrétienne selon le pédagogue catholique saint Jean-Baptiste de la Salle et plus récemment saint Josémaria Escriva. Plus récemment, l'Église catholique a solennellement réaffirmé la valeur sanctificatrice du travail lors du concile Vatican II. La doctrine sociale de l'Église consacre elle aussi une grande partie de son enseignement aux rapports des hommes avec le travail[92].

Sous l'Ancien Régime

La société d'Ancien Régime répartit la population française en trois ordres dont les fonctions sont hiérarchisées en dignité : le clergé, la noblesse et le Tiers État. Cette séparation repose sur une idéologie et une tradition, non sur un critère de mérite personnel. La noblesse s'occupe d'emplois dits nobles.

Charles Fourier en 1822 représente la civilisation en seize castes et sous castes dans lesquelles il ne trouve qu'une échelle ascendante de haine et une échelle descendante de mépris. « La noblesse de cour méprise la non présentée; la noblesse d'épée méprise celle de robe: les seigneurs à clocher méprisent les gentillâtres tous les parvenus anoblis qui ne sont que de 1er degré et qui dédaignent les castes bourgeoises. Dans la bourgeoisie nous trouverions en 1ère sous castes n°5 la haute banque et la haute finance méprisées des nobles mais s'en consolant avec le coffre fort, méprisant le gros marchand n°6 et le bon propriétaire. Ceux-ci tout fiers de leur rang d'éligibles méprisent la sous caste n°7 qui n'a que rang d'électeur elle s'en dédommage en méprisant la sous-caste 8 les savants, les gens de loi et autres vivant de traitements ou casuels ou petits domaines qui ne leur donnent pas l'entrée au corps électoral: enfin la classe 9, la basse bourgeoisie, petit marchand, petit campagnard, méprisée de la 8e serait bien offensée si on la comprenait dans le peuple dont elle méprise les trois sous castes et dont elle se pique d'éviter les manières. Il règne entre toutes ces castes des haines régulières c'est-à-dire que la 9e hait la 8e autant que la 8e hait la 7e quoique chacune recherche la fréquentation du degré supérieur par ambition et non par amitié[93]. »

La renaissance carolingienne, première période de renouveau culturel majeur au Moyen Âge fait la promotion des arts libéraux.

Au Moyen Âge et jusqu'à la Révolution française, la corporation devient le mode d'organisation de la plupart des professions. Les corporations sont des associations de personnes exerçant le même métier, qui réglementent à l’échelle de chaque ville, la profession. Le chantier des cathédrales met en valeur une distinction entre métiers qui va s’accentuant. Mis à part le cas particulier de l'architecte et de l'appareilleur, une véritable supériorité est accordée aux maçons, tailleurs de pierre, charpentiers, et, à un autre degré, aux métiers du fer et du feu : les serruriers et les verriers[94]. Pour Eugène Viollet-le-Duc vers 1860, l'ouvrier était libre, c'est-à-dire qu'il pouvait faire plus ou moins de travail, se faire embaucher ou se retirer du chantier. Mais vers le milieu du XIIIe siècle, lorsque les règlements d'Étienne Boileau furent mis en vigueur, ce mode de travail dut être modifié. « Les ouvriers durent d’abord se soumettre aux statuts de la corporation dont ils faisaient partie ; le salaire fut réglé par les maîtrises, et chaque affilié ne pouvant avoir qu’un, deux ou trois apprentis sous ses ordres, devenait ainsi, vis à vis le maître de l’œuvre, ce que nous appelons aujourd’hui le compagnon, ayant avec lui un ou plusieurs garçons[95]. ». D'abord clandestin, le Tour de France du compagnonnage s'affirmera de plus en plus comme une voie de promotion professionnelle et sociale distincte. Les premiers ouvriers itinérants posent les fondations du compagnonnage désireux de s'émanciper des corporations et confréries[94]. La société médiévale voit émerger les premiers bénévoles. Les moyens ordinaires de l'art et de l'industrie n'auraient jamais suffi pour exécuter les cathédrales : la foi y suppléait. Les populations ne s'intéressaient à aucune chose autant qu'à la construction de leur église ; « tous les âges et tous les sexes concouraient avec la même ardeur, de leur argent ou de leurs bras, à l'œuvre commune. Chartres fut, dans l'ouest de la France, la première ville dont la cathédrale ait été construite ainsi par le zèle spontané des fidèles[8]. »

En Italie dès le XIIe siècle la noblesse est renversée, son principe de société tombe avec elle. La loi ne demande pas à l'Italien ce qu'il possède mais ce qu'il fait. « Tel se trouva occuper encore de vastes domaines qui ne fut plus rien dans le monde, c'est le travail qui fit le citoyen non plus la propriété morte. Quiconque n'était pas inscrit sur le livre public, dans un des métiers reconnus était un membre inutile ou nuisible et comme tel retranché du corps de l’État ou plutôt il était censé n'en avoir jamais fait partie. » Le noble qui veut rester citoyen doit prendre ou afficher un métier et l'aristocratie terrienne passe sous le joug de l'industrie. Cette révolution établit ainsi dès le XIIe siècle la société italienne sur un principe que l'Europe est loin d'avoir atteint au XIXe siècle[96].

La révolution industrielle

La nuit du 4 août 1789, l'Assemblée nationale en France proclame la suppression des privilèges. Le , le Décret d'Allarde supprime les corporations et proclame ainsi le principe de liberté de commerce et d'industrie. La révolution industrielle se caractérise par le passage d'une société à dominante agricole et artisanale à une société commerciale et industrielle dont les valeurs sont rationalistes. Un modèle de société se développe alors sur le modèle de la croissance. Croissance démographique, croissance des moyens de production, croissance de la consommation matière première (houille et minerai de fer en premier), croissance des moyens de communication[97], ainsi qu'un goût de l'exploit qui s'exprime à partir de 1851 dans les Expositions universelles, dans la promptitude à s'armer[98] et à faire les guerres[99], et dans sa volonté d’assujettir le monde[100].

La mécanisation

Dans les mines, vers 1850, la difficulté de trouver des hercheurs (ouvrier qui a la charge pénible de faire circuler les wagons chargés de minerai) en assez grand nombre, détermine les exploitants du nord de la France et de la Belgique à employer les chevaux pour tous les roulages importants[101], ceci avant la mécanisation.

Avec les progrès de la métallurgie, l'époque se passionne pour les machines, servie par une nouvelle catégorie d'intellectuel, les ingénieurs. La mécanisation n'est que le moyen d'automatiser des tâches répétitives. Le gain de temps est remarquable mais la rentabilité n'est pas toujours au rendez-vous. La brutalité des moissonneuses lieuses par exemple, comparée à la dextérité du travail réalisé par la main de l'homme, occasionne des pertes de matière qui seront dans un premier temps de l'ordre de 60 % à 70 %, ramené par la suite à 20 % par l'amélioration des machines[102]. Comparativement au travail à la main du mineur, où chaque coup choisit le point d'attaque de la roche le plus approprié, le travail de la machine est extrêmement dispendieux en énergie[103]

La machine est docile et permet d'envisager les travaux de grande envergure : là où le personnel avait fait défaut pour le canal de Suez, à cause des conditions extrêmes de température, pour le Canal de Panama, le travail sera réalisé par les premières pelles à vapeur[104].

Les premières usines où le travail est mécanisé sont construites, dans le but d'organiser des machines : l'ouvrier, lui devient un employé. La production s'y fait en série et en continu. Une nouvelle organisation du travail s'y opère, qui n'est plus liée aux cycles du jour et de la nuit depuis que les ateliers sont éclairés au gaz d'éclairage. Le développement des moyens de transport, et surtout du chemin de fer, fait communiquer des régions et des pays qui doivent soudain harmoniser leurs horaires. Le tic-tac des horloges donne le rythme et trouve un écho dans le tic-tac des machines : désormais le temps de l'ouvrier se calque sur le rythme de l'usine[97].

Charlie Chaplin, Les Temps modernes.

En 1876, Zola décrit dans L'Assommoir l’impasse sociale dans laquelle certains ouvriers se trouvent.

L'homme peut apparaître de plus en plus comme le simple rouage d'une machine plus complexe, ce qui est exprimé en 1936 par le film de Charlie Chaplin, Les Temps modernes.

La richesse s’accumule dans les pays industrialisés et est redistribuée de manière disparate selon les pays, permettant l’émergence d'une classe moyenne.

Les travaux pénibles des mines, de la construction et de l'industrie en France, en Belgique et en Allemagne sont, à partir de 1880, réalisés notamment par une main d’œuvre immigrée venant de l'Italie du Nord.

Du secteur primaire au secteur secondaire, du secteur secondaire au secteur tertiaire, le travail se déplace vers des tâches de service selon la Loi des trois secteurs définie par Allan Fisher, Colin Clark et Jean Fourastié.

Les ordinateurs placés en réseau gèrent les gens et les machines. L'économie tout entière se dématérialise. L'informatique est le dernier avatar de la révolution industrielle.

Mutations technologiques

À l'instar de beaucoup de pays qui ne se sont pas développés industriellement, en France, jusqu'au XVIIe siècle, 80 % de la population vit à la campagne (soit 16 millions de personnes) principalement de l'agriculture. Le déclin s'amorce avec la révolution industrielle et surtout à partir du XIXe siècle. En 1968, seulement 15 % de la population vit de l'agriculture[105]. L'exode rural en France se termine en 1975 après le remembrement de 1965. La baisse de population peut entraîner la disparition progressive des services et de l’artisanat.

Fenaison, Allemagne, 1956

Suit une concentration des exploitations et le machinisme agricole. La balle succède au ballot qui succède à la botte de paille ou de foins cueillie à la main et son cortège de coutumes et traditions.

Dans les mutations technologiques qui se sont profilées surtout à partir du XIXe siècle, peu des métiers traditionnels artisanaux qui s'étaient constitués au Moyen Âge ont résisté. La double révolution de l'acier et du béton de ciment par exemple, amène à l'abandon de la pierre comme matériau statique et modifie les usages et la répartition des tâches en construction. Les métiers de forgeron ou de serrurier, disparaissent, absorbés par les forges et les ateliers des usines sidérurgiques. Les machines-outils modifient fondamentalement le travail de tout autre artisan.

L'invention du travail au sens moderne

En 1847, Karl Marx écrit dans le Manifeste communiste : « L'histoire de toute société jusqu'à nos jours est l'histoire de luttes de classes ».

Au XVIIIe siècle

La notion moderne de travail est contemporaine de la Révolution industrielle et du moment où l'économie fait son apparition en tant que science. En 1764, dans sa Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Adam Smith définit le travail comme "ce qui crée de la richesse". Tout en restant synonyme de peine et d'effort, le travail n'est pas "valorisé" de façon explicite, pas plus que chez ses contemporains.

Jacques Ellul s'efforce de démontrer que c'est au fil du temps et de façon implicite que le travail est élevé au rang de valeur. Selon lui, la valeur-travail est une invention de la bourgeoisie qui, plusieurs siècles après s'être emparée du pouvoir économique (Renaissance), s'est emparée du pouvoir politique (Révolutions américaine et française), le second étant implicitement chargé de légitimer (ou "justifier") le premier. Comme l'aristocrate, le bourgeois fait travailler les autres mais, contrairement à lui, il travaille lui-même et proclame que le travail est une valeur par le fait qu'il permet d'accéder au bonheur (mot étant compris au sens de "bien-être matériel") : pour être heureux, jouir de l'existence, il faut consommer. Et pour consommer, il faut produire, "travailler". Le travail est une valeur au sens où il est "le prix du bonheur"[106].

Au XIXe siècle

Au début du siècle, le travail est peu à peu identifié à une activité émancipatrice[107], "l'essence de l'Homme". À la fin du siècle, l'idée du travail comme valeur est ancrée chez les socialistes comme chez les libéraux mais d'une autre façon. L'État constitue pour eux l'instance chargée de généraliser le salariat et d'en faire le canal par lequel les droits, les protections et les revenus se mettent en place. Karl Marx voit dans le salariat le mécanisme par lequel le patronat dépossède le travailleur de son mode de production, et par conséquent l'aliène. La révolution est comprise comme l'acte de réappropriation par les travailleurs de leurs outils de production. À ce prix, estime-t-il, le travail peut redevenir épanouissant. Ellul fait remarquer que Marx "croit" à la valeur-travail mais non à la capacité de la promouvoir par la médiation de l'État, comme ce sera le cas des marxistes. C'est pourquoi, dès les années 1930, il identifie le communisme à un capitalisme d'État : en érigeant à son tour le travail au rang de valeur, l'État, tout comme le patron bourgeois, élève le productivisme au rang d'objectif sociétal suprême. Et c'est précisément pour parvenir à faire imposer les contraintes du travail que l'État développe le salariat. Le rapport salarial étant ce par quoi transitent les revenus, les droits et les protections, l'État - en développant le salariat - se présente comme le garant du plein emploi, d'où la formule "État providence"). Mais de la sorte, il dépossède le travailleur du sens de l'initiative et de la responsabilité et, ce faisant, il continue de l'aliéner.

C'est pourquoi les anarchistes identifient le travail salarié à quelque chose qu'il faut abolir. Tout aussi radical, Paul Lafargue - gendre de Marx - fait paraitre en 1880 un pamphlet « Le Droit à la Paresse » où il déplore que les ouvriers se soient avilis en 1848, en proclamant comme « principe révolutionnaire le droit au travail » et poussé l'inconscience jusqu'à le réclamer « les armes à la main »[108].

Au XXe siècle

Le travail en tant qu'idéologie explicite

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le régime nazi reprend le thème du travail libérateur et positif, par opposition à la vieille image allemande antisémite du juif, usurier inactif et parasite, profitant du travail des autres. Le slogan Arbeit macht frei (« Le travail rend libre »), repris de Hegel, sera même apposé à l'entrée des camps d'extermination. Le régime de Vichy, imitant l'Allemagne nazie et voulant tourner le dos aux conceptions du Front populaire (semaines des 40 heures, congés payés, etc.), où il voit la source de la défaite, reprend la glorification du travail. Une nouvelle devise nationale voit le jour en 1941 dans le cadre de la Révolution nationale voulue par le maréchal Philippe Pétain : Travail, Famille, Patrie. Le droit de grève est supprimé, de même que l'activité syndicale. Les syndicats sont remplacés par des corporations contrôlées par l'État. Le retour à la terre est encouragé. Le travail des femmes, en revanche, est découragé : la politique nataliste du régime veut qu'elles soient des mères, pas des travailleuses : la division sexuelle du travail est officiellement légitimée[109].

Le travail en tant qu'idéologie implicite

L'après-guerre constitue la période de reconstruction de l'Europe. Le thème de la modernisation est vécu comme une nécessité, au point que la valeur-travail prend peu à peu le sens d'un dogme : le mot "croissance" sert de référence commune à toutes les sensibilités politiques. En 1954, Jacques Ellul avance la thèse que la technique s'impose désormais dans les consciences comme étant le prolongement naturel du travail dans la mesure où elle correspond à "la recherche du plus grand nombre d'individus de parvenir à l'efficacité maximale en toutes choses"[110]. Reprenant les analyses de Karl Marx sur la division du travail en tant que résultante du machinisme et source d'aliénation, Ellul avance l'idée que, paradoxalement, l'idée de valeur-travail renvoie à une croyance, une idéologie non explicite ("allant de soi") mais ne peut que générer que du chômage et de la "souffrance au travail". Ivan Illich considère lui aussi que dès lors que les hommes peuvent se faire aider, voire remplacer, par des machines mais qu'ils continuent d'ériger le travail au rang de valeur, ils ne peuvent que vivre toujours plus un sentiment de dépossession et donc de souffrance[111]. En 1967, dans Métamorphose du bourgeois[112], Ellul développe la thèse que "l'idéologie du travail" résulte de "l'idéologie du bonheur" (quête permanente du confort matériel maximal) mais que, la quête du confort matériel maximal constituant l'idéal humain le plus partagé, elle génère de facto "l'idéologie technicienne". Cette analyse est aujourd'hui reprise par les penseurs marxiens et un certain nombre de théoriciens de la décroissance.

De la valeur-travail à "la souffrance au travail" et "la fin du travail"

Pendant l'entre-deux-guerres, les activités de loisirs sont vécues comme une compensation nécessaire à l'aliénation produite par le travail et cela se concrétise dans les choix politiques, par exemple les congés payés institués en 1937 en France par le Front Populaire. Pendant les Trente Glorieuses, soit de la fin de la Seconde Guerre mondiale au "Choc pétrolier", les pays dits "développés" connaissent une période de forte croissance. Les classes moyennes voient s'élever leur niveau de vie[113], les activités de loisirs se développent et la majorité des intellectuels de l'époque décrivent la société de consommation, consommation non seulement de produits mais de signes (Baudrillard). S'impose alors dans les consciences l'idée que le travail n'a pas de valeur émancipatrice mais qu'il est cependant nécessaire pour parvenir au bonheur. Il s'ensuit que la société se développe selon deux directions opposées. En 1966, dans son livre Dimanche et lundi[114], Bernard Charbonneau analyse cette antinomie de façon détaillée : cinq journées de corvées pour avoir droit à deux de tranquillité. En 1993, Ellul considère que l'opposition frontale entre travail et loisir conduit à faire de l'homme moderne un être "divisé", schizophrène[115]. Selon lui, l'homme devient "entier" quand il équilibre le travail (nécessaire car réponse aux besoins vitaux) non pas par le loisir (lui-même générateur de travail et de nuisances écologiques ; cf. "les gadgets électroniques" qu'il faut renouveler sans cesse en raison de leur obsolescence intrinsèque) mais par la contemplation et le travail non productif et non rémunéré[116].

Au début des années 1970, la croissance économique garantit aux salariés une situation stable (plein emploi, niveau de salaire garanti, protection sociale) tandis que les conditions matérielles de vie s’améliorent (soins, logement, éducation, loisirs...). Durant la deuxième moitié du siècle, le développement de l'informatique et de la robotisation, plus encore que les luttes syndicales pour l'amélioration des conditions de travail, font que celui-ci tend à devenir de moins en moins physique et toujours plus intellectuel (Tertiarisation du travail), mutation à laquelle une grande partie de la population n'a pas été préparée. Par ailleurs, en raison du mouvement de financiarisation de l'économie et des politiques de dérégulation du travail et de délocalisations, le chômage de masse et la précarisation du travail se développent de façon exponentielle. Le « dogme » de la valeur travail a alors pour conséquence la souffrance physique et morale non seulement chez le chômeur et le précaire mais chez tout travailleur soumis à l'impératif d'efficacité et de profit. Les termes révolution de l'information ou société post-industrielle décrivent les tendances économiques, sociales et technologiques au-delà de la révolution industrielle.

Au XXIe siècle

Les moyens techniques étant de plus en plus sophistiqués avec l'intelligence artificielle, la productivité ne cesse de croître sans pour autant nécessiter un surcroît de travail humain. Alors qu'au siècle précédent de plus en plus de distributeurs automatiques, de robots et d'ordinateurs se sont vus confier des tâches effectuées jusqu'alors par des humains (caissières de magasins hypermarchés, guichetiers de banque, emplois domestiques...), cette fois sont touchés à leur tour les emplois qualifiés (enseignement assisté par ordinateurs) et hyper qualifiés et à haute responsabilité (algotrading, projet de drones entièrement autonomes...).

En 1995, l'essayiste américain Jeremy Rifkin a prédit "la fin du travail" mais dans le même temps, la quasi-totalité des responsables politiques en appellent à "redonner une valeur nouvelle au travail", ce qui conduit l'ensemble de la société à une situation paroxystique à laquelle on donne généralement le nom de "crise" (crise économique, crise écologique...) mais qui n'en est pourtant pas une dans la mesure où elle est permanente.

L'anthropologue américain David Graeber théorise l'existence des bullshit jobs ("jobs à la con") ; cette notion est liée au questionnement du sens du travail dans les sociétés modernes[117].

En République Populaire de Chine, le modèle "996" (travailler de 9 heures du matin à 9 heures du soir, 6 jours par semaine), présent dans plusieurs grandes entreprises, se trouve fortement contesté, notamment par les plus jeunes[118].

Emploi aujourd’hui

L'expression de valeur travail est souvent usitée dans les rapports politiques droite/gauche.

Ainsi s'exprime par exemple le parlementaire français Gilles Carrez (UMP)[119]:

  • « Le travail comme valeur fondatrice d'une droite moderne et populaire »
  • « Le travail comme fondement de la politique économique du gouvernement »

La « valeur travail » serait une valeur des personnes qui pensent que « le travail est la condition du sens de la vie ». S'appuyant sur cette valeur, les aides sociales seront une idée plutôt déconsidérée, car elles pourraient permettre de vivre sans travailler. Ainsi les propos de Nicolas Sarkozy lorsque celui-ci affirme que « Le travail libère, c'est le chômage qui aliène »[réf. souhaitée][120].

Lors de la campagne présidentielle de 2017, Emmanuel Macron, ancien ministre durant le quinquennat de François Hollande, se revendique "candidat du travail"[121].

À cette vision, s'opposerait une vision dite « de gauche », qui présenterait le travail comme un simple moyen de subsistance, voire une aliénation à abolir selon Karl Marx ou Lafargue[122]. S'ensuivrait une moindre réticence à mettre en place des aides sociales, permettant aux personnes les plus pauvres de survivre, même en cas de contexte économique difficile. Selon Philippe Villemus, économiste, le travail a de la valeur (qui s'échange sur un marché : le marché du travail), mais n'est pas une valeur en soi (il n'est pas un besoin en soi, mais un moyen de satisfaire des besoins)[123].

Critique de la valeur travail

La notion de valeur travail, au sens moral ici retenu, est employée aussi bien par la gauche que par la droite pour mesurer la contribution de chaque individu à la société et ainsi déterminer son mérite et sa juste rémunération. Cette vision est contestée par les libéraux qui considèrent que le marché rémunère spontanément ceux qui rendent service aux autres, c'est-à-dire que le marché est mécaniquement altruiste alors que la rémunération du travail en tant que tel revient à rémunérer la force ou le mérite indépendamment des services rendus. En d'autres termes il n'y a pas de valeur travail inconditionnelle. La valeur d'un travail varie en fonction de l'intérêt que d'autres lui portent. Selon l'économiste Philippe Villemus, la valeur du travail dépend surtout de la rareté du travailleur. Dans son livre Le patron, le footballeur et le smicard, il explique le "paradoxe du footballeur et de l'infirmière": les footballeurs stars sont mieux payés que les infirmières, parce qu'ils sont plus rares[124].

Article connexes

Notes et références

  1. Dominique Méda, Le Travail. Une valeur en voie de disparition, Aubier, 1995 ; Id. Le Travail, Puf, coll. "Que sais-je ?", 2007. Voir aussi François Vatin, Le Travail et ses valeurs.
  2. Olivier Rouault. Cité dans Raymond Descat, L'acte et l'effort : une idéologie du travail en Grèce ancienne (VIIIe – Ve siècle av. J.-C.). Presses Univ. Franche-Comté,
  3. Karl Popper, La Société ouverte et ses ennemis, Tome 1: L'ascendant de Platon, Seuil, 1980, p. 49.
  4. Gille Bertrand. Histoire des techniques. In: École pratique des hautes études. 4e section, Sciences historiques et philologiques. Annuaire 1974-1975. 1975. p. 697-728. Lire en ligne
  5. Angelos Vlachos, Thucydides' Bias, p. 62
  6. Thucydide, La Guerre du Péloponnèse [détail des éditions] [lire en ligne] (2.65)
  7. Romane, memento : hae tibi erunt artes; pacisque imponere morem, parcere subiectis, et debellare superbos. Debellare superbos Virgile, l’Énéide, 6, 851-852.
  8. a b c et d E. Levasseur. Histoire des classes ouvrières en France : depuis la conquête de Jules César jusqu'à la Révolution, volume 1. Librairie de Guillaumin et Cie, 1859 Consulter en ligne
  9. Les entretiens de Confucius chapitre 2 verset 4 traduit par Anne Cheng
  10. a et b Mencius traduit par André Levy, édition Youfeng, Paris, 2003 p. 24-25
  11. Anne Cheng, histoire de la pensée chinoise, Seuil, Paris, 2002 p. 235 à 238
  12. Shang Yang, le livre du prince Shang, trad. Jean Levi, Flammarion, Paris, 1982 p. 63 et suiv.
  13. Jean Levi, Dangers du discours Stratégies du pouvoir, IVe et IIIe siècles av. J.-C., Alinea, Aix en Provene, 1985, p. 12
  14. P. Debergé, « Le travail dans la Bible, dans la tradition judéo-chrétienne et dans l’enseignement de l’Église », in Travailler et vivre. LXXVe session des Semaines sociales de France, Bayard, Paris, 2001.
  15. À noter qu'il existe de nombreux outils de recherche biblique en ligne, comme : -- versions de la Bible en toutes langues et toutes époques : https://www.lexilogos.com/, et taper "bible" comme mot-clé ; --recherche de mots dans une bible en français : par ex. : ici;-- avec renvois aux mots grecs ou hébreux : ici ;  ; etc.
  16. Bible : Livre de la Genèse, ch.2 : v.15 (trad. Bible de Jérusalem) ; verset commenté dans l'encyclique du pape François : Laudato Si' : §67.
  17. Genèse 3: v.17-23.
  18. Cette tendance à la culpabilisation du chrétien n'est cependant pas universelle. La pensée de Saint Irénée (IIe siècle apr. J.-C.) considère le péché originel comme une erreur d'enfance de l'homme pour laquelle il ne peut être durablement tenu responsable : cf. par ex., in : Démonstration (...), 12 , ou Adversus (...) II, 22, 4, cités dans : Irénée de Lyon : la Gloire de Dieu, c'est l'homme vivant, Cerf 2010 (recueil de textes) p. 57 et 73. L'homme moderne (y compris chrétien) s'est aussi généralement libéré de ce sentiment de culpabilité depuis l'humanisme, les Lumières, l'investigation sans tabou de la sexualité par Freud, etc.
  19. Genèse ch.1: v. 31 et ch.2: v.3.
  20. "Cf. Dieu dit : que la lumière soit", et la lumière fut" (Gen 1:3), etc. La parole de Dieu réalise ce qu'elle dit.
  21. Suite à la révolution de 1789, le repos dominical est contesté en France. En 1906, et sous l'influence conjuguée de l'Église et de la C.G.T., une loi rétablit l'obligation du dimanche chômé (d'après Repos dominical, section FRANCE). Henry FORD est le premier à octroyer le samedi et le dimanche à ses employés en 1926 (d'après P. LARROUTUROU : Aujourd'hui l'esprit se révolte, 2020, éd. Les liens qui libèrent p. 90-91).
  22. Culture juive de la vie familiale : la fête juive de pessa'h par exemple est l'occasion de rituels d'enseignement d'enseignement de l'histoire de la fuite d'Égypte, par application du chapitre Exode 12, notamment aux v.26-27. (cf. sur wikipedia : pessa'h, ou encore : pourim).
  23. Il est à noter qu'au livre du Lévitique, ch.25, le sabbat se trouve étendu à deux échelles de temps plus longues : l'année sabbatique qui est essentiellement une année de jachère tous les ans ; le jubilé, tous les sept fois sept ans plus un, soit cinquante ans, ne propose pas seulement un arrêt d'activité, mais une remise à zéro des dettes souscrites et des ventes de terre pratiquées par nécessité entre membres de la communauté juive (il semble cependant que le jubilé ainsi conçu n'ait pas été mis en pratique -- à préciser). Cette proposition de limitation dans le temps du droit de propriété peut être interprété comme une manière de compenser les conséquences de l'accumulation de biens qui résulte généralement de la vie des affaires (productions et contrats dans le monde du travail). L'accumulation des dettes par les États est en tout cas un problème d'actualité mondiale.
  24. Deutéronome 8:3, (et cité en Matthieu 4:4).
  25. Cf. Jn 3:5-8. (etc). Noter que le judaïsme, contrairement au christianisme, ne conçoit pas de dichotomie de l'homme entre corps et esprit. Là où les Bibles chrétiennes en français traduisent esprit dans l'Ancien testament (par ex. en Gen 1:2), le mot hébreu source est ruah qui signifie souffle (de vent). Le souffle de respiration caractéristique de l'état de vie est quant à lui désigné en hébreu par le mot nephesh (par ex. en Gen 2:7). [selon les notes de bas de page de la Bible de Jérusalem aux deux versets signalés ici].
  26. "Il prit de même la coupe, après le souper, et la leur donna, en disant : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est répandu pour vous." (Luc 22:20 -- institution de l'Eucharistie)
  27. Jésus enseignant dans les synagogues : Luc 21:37 ; Marc 11:27-33 ; etc. : chercher les occurences du mot "Jésus" et "synagogue" à l'aide d'une concordance biblique sur le web, par ex. https://emcitv.com/bible/search/?search=J%C3%A9sus+synagogue
  28. "Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église (...)" (Matthieu 16:18 et ceci dans ce seul évangile). Le récit des premiers balbutiements du Christianisme après la mort du Christ, tels que présentés dans le récit des pèlerins d'Emmaüs (Luc 23), puis dans les Actes des apôtres (un livre du Nouveau testament dû à l'évangéliste Luc (cf. Actes 1:1)), donne l'impression d'une prise de conscience du projet à accomplir qui aurait été postérieure à la mort du Christ. Par exemple, l'universalisme chrétien (ouverture de l'Église chrétienne à tout homme, et non pas seulement aux juifs) est compris par Jésus dans les évangiles (donc du vivant du Christ, par ex. Mt 15:21-28), mais n'est compris de Pierre que bien après la mort du Christ, selon Actes 10. Jésus n'aurait donc pas enseigné à ses disciples ce point essentiel de la doctrine qui s'est imposée après sa mort. (...)
  29. Jean 14:16-17 (plus note explicative de votre Bible) ; Actes 2:1-21s. : c'est non pas le don d'un livre de ses pensées, mais comme l'allumage d'un feu qui est l'expression matérielle la plus adéquate pour décrire son action. Intangible, le feu est adapter à symboliser l'esprit (sur le feu, voir aussi : Luc 12:49).
  30. Matthieu 6:25-26 in 6:24-34.
  31. La réflexion chrétienne dans les évangiles puise fortement son inspiration dans l'observation du mystère de la croissance insensible des végétaux à partir de simples graines. De nombreuses paraboles y trouvent leur support concret. Voyez par exemple l'étonnante parabole du grain qui pousse tout seul en Marc 4:26-29, où l'on observera que le rôle éventuel de Dieu n'est même pas mentionné : le mystère est laissé entier -- Matthieu et Luc n'ont d'ailleurs pas repris cette parabole qui reste ainsi marginale. Un aspect particulier de la germination est aussi que " (...) si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais, s'il meurt, il porte beaucoup de fruit." (Jean 12:24), qui est une allusion transparente à la fécondité affirmée de la mort du Christ, qui n'a pas défendu sa vie à toute force.
  32. Marc 14:35-36.
  33. Matthieu 26:52.
  34. Marc 8:27-30 ; Jean 10:17-18 ; etc.
  35. Matthieu 11:28-30.
  36. Marc 4:19 dans la trad. de la Bible de Jérusalem.
  37. spirituel : ici la pensée chrétienne s'écarte du cadre juif, qui lui ne distingue pas en l'homme une part matérielle et une part spirituelle.
  38. Saint Luc, , ch. 10 : v.38-42 (trad. Louis-Segond) ; voir aussi du même Luc : ch. 12 : v.16-31 ; etc.
  39. Luc 1:38.
  40. Luc 2:19 et 51.
  41. Jean 2 :1-5s.
  42. Les sacrifices selon le judaïsme ancien sont définis au livre du Lévitique ; le but des "sacrifices pour le péché" (Lv 4:3) et autres est généralement d'obtenir de Dieu l'annulation pour des fautes humaines. Par ailleurs pour le chrétien, le texte dit du Serviteur souffrant (: Isaïe 53 en entier) est une référence capitale de l'association de la passion du Christ à un "sacrifice expiatoire" (v.10)  : "(...) il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison."(v.5) Dans les évangiles, sur la nécessité de la souffrance du Christ, relire surtout les mots avec lesquels Jésus instaure le rituel de l'eucharistie comme sacrifice de son corps et de son sang, dans : Matthieu 26:28. Sur la nécessité de la souffrance du Christ : par ex. : Marc 8:31 ; Luc 24:26 ; etc.
  43. "rédemption" (grec apolytrōsin : ἀπολύτρωσιν : cf concordance biblique STRONG'S NT 629 ) est surtout dans les Épîtres de Saint Paul, par ex. dans Colossiens 1:14 et Éphésiens 1:7, tardives, mais déjà en Romains 3:24,etc.
  44. Matthieu 20:28.
  45. Marc 1:9-10s. Jean 1:32-34 est un peu différent.
  46. Mentions poétiques du "[passage]" du Christ : "Comme il passait sur le bord de la mer de Galilée, (...) " (Marc 1:16a) ; "Et il advint qu'un jour de sabbat il passait à travers les moissons et ses disciples se mirent à se frayer un chemin en arrachant les épis [pour les manger]" (Marc 2:23). Le Christ insaisissable : "(...) tous, dans la synagogue, furent remplis de fureur [contre Jésus]. (...) Mais lui, passant au milieu d'eux, allait son chemin..." (Luc 4:28 et 30) ; "Ils cherchaient donc à le saisir, mais li leur échappa des mains." (Jean 10:19). Après la résurrection, apparition à Emmaüs : "Et il advint, comme il était à table avec eux, qu'il prit le pain, dit la bénédiction, puis le rompit et le leur donna. Leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent... mais il avait disparu."(Luc 24:30-31). On relira aussi le chapitre Marc 16:1-8. Les versets qui suivent ne semblent pas avoir été écrits par Marc, mais constitueraient un ajout "de la première génération chrétienne" (Swete, cité en note de bas de page de la Bible de Jérusalem à cet endroit). La fin originale au verset 8 est abrupte et étrange : Jésus semble s'être échappé en nous laissant en suspens.
  47. Les conciles chrétiens des IVe et Ve siècles, après bien des débats, aboutiront à dire que Jésus est "vrai homme, et vrai Dieu". Voyez : Jésus-Christ#Thèse chrétienne d'une double nature humaine et divine. Les Églises chrétiennes ont (sauf exceptions : Église Unitariste...) retenu et diffusé ces conceptions jusqu'à aujourd'hui. Voir aussi : Trinité (christianisme)#Non trinitaires et antitrinitaires . L'identification de l'essence du christianisme, en particulier pour ce qu'il aurait de fécond encore aujourd'hui, a -t-elle été épuisée définitivement avec les résultats de ces débats conciliaires anciens ?
  48. D'où une incompréhension des disciples à l'idée que Jésus doive finir sa vie misérablement crucifié : cf Matthieu 16:22, Luc 24:19-21, etc. Jésus semble avoir aussi demandé avec insistance à ses disciples de ne pas révéler aux foules qu'il était le Messie attendu ni le "Fils de Dieu". (Marc 1:34 ; 3:11 ; etc.).
  49. Jean 9:6 ; Marc 3:7-12 ; etc. (multiples guérisons miraculeuses...)
  50. Marc 1:14-15 et 38-39 ; Luc 9:58 ; etc.
  51. Dans bien des "Églises" protestantes aux U.S.A., prédicateur ("preacher") est bien un métier, et qui peut être lucratif. Tout un chacun peut fonder son Église sans contrôle d'aucune sorte (tant que ladite Église n'est pas rattachée à une dénomination existante). Mais la réponse à la question dépend de l'idée qu'on a de ce qu'est "un travail".
  52. Grec (francisé) : ergates (de ergon). Voyez ici .
  53. Grec : misthos : voyez ici
  54. Luc ch.10: v.2 et 4-7.
  55. Voir aussi : "Allez donc , de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. (...)" (Matthieu 28:19-20 ; ces versets d'envoi en mission sont les deux derniers de cet évangile) ; à noter que les exégètes estiment que le concept de trinité qui s'exprime ici s'est élaboré postérieurement à la mort du Christ. Le Christ ne se serait pas exprimé en ces termes qu'on lui prête (note de bas de page de la Bible de Jérusalem). Par ailleurs, mentionnons le livre des Actes des Apôtres, qui fait le récit des commencements du Christianisme ; on y voit présentés la conversion par le baptême comme le but essentiel de l'action des disciples, la foi chrétienne étant alors réduite à quelques fondamentaux comme l'affirmation que Jésus est le Messie annoncé par l'Ancien testament juif, et qu'il est ressuscité.
  56. Notamment au travers de tout l'évangile de St Jean, par ex. Jn 7:14. etc.
  57. Une autre métaphore du travail de conversion est la pêche : "venez à ma suite, et je vous ferai devenir pêcheurs d'hommes" (Marc 1:17 ; Luc 5-5s). Et une autre encore est l'invitation à un festin de noces (seuls répondent à l'invitation les convertis ou "élus") (Matthieu 22 : 1-14 ; Ap 19: 9 ; etc.)
  58. Outre le travail, c'est aussi l'argent qui est engagé dans de multiples paraboles, avec le résultat que l'interprétation littérale de ces textes est un encouragement à thésauriser -- alors que les évangiles affirment ailleurs au contraire explicitement que le souci de l'argent est contraire à l'engagement chrétien(Luc 16:13 ; Marc 10:17-25 ; etc.). Voyez sur ce point la parabole des talents : (Mt 25:14-30 ou Parabole des talents), ou la conclusion d'une autre parabole : Luc 12:20-21.
  59. Les évangiles synoptiques rapportent une série de paraboles et celles-ci sont assorties de justifications sur l'usage de cette forme de discours figuré. cf. Marc 4:33 , et plus surprenant : Marc 4:10-12.
  60. Une phrase des évangiles est catastrophique en rapport à la réflexion sur ce que peut (et ne peut pas) être la mission d'évangélisation. Dans une des versions de la parabole des invités qui se dérobent au festin, une première série d'invités se dérobent à l'invitation (clairement, au temps de la rédaction des évangiles, ils symbolisent le peuple juif contemporain de Jésus, notables pharisiens puis foule agressive envers Jésus le jour de sa crucifixion). Le maître du festin (↔ Dieu) a alors cette parole : à ses serviteurs (↔les premiers chrétiens) : "Va-t-en par les chemins et le long des clôtures et fais entrer les gens de force, afin que ma maison se remplisse." Elle a été contestée au XVIIe siècle par le pasteur Pierre BAYLE :Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ : « Contrains-les d’entrer », 1686.
  61. Le premier verset (Matthieu 20:1) est identique à Matthieu 13:31, explicitement une parabole.
  62. Matthieu ch.20 : v. 1-16.
  63. À noter que l'idée que l'élection à la vie éternelle par le jugement dernier de Dieu serait en quelque sorte la rétribution ou récompense d'une vie terrestre droite -- les (bonnes) "œuvres" -- a été contesté, malgré cette parabole et d'autres passages tels que Jacques 2:24 ; Apocalypse 20:13, etc. Voir à la suite de Saint Paul (Romains 3: 28, etc.) la théologie augustinienne puis protestante du salut par la grâce seule.
  64. cf. : "[Ne] vous faites pas appeler Rabbi; car un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères. Et n'appelez personne sur la terre votre père; car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux. (...) Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Quiconque s'élèvera sera abaissé, et quiconque s'abaissera sera élevé. " (Matthieu ch.23:v.8-12)
  65. "La Loi [hébraïque : décalogue etc., et dès Gen ch.2: v. 16-17] est intervenue pour que se multiplia la faute ; mais où le péché s'est multiplié, la grâce a surabondé (...) [Le] péché ne dominera pas sur vous : vous n'êtes plus sous la Loi, mais sous la grâce." (Rom 5:20-21 et 6:14) ; voir aussi (Jean 10: 17-18) vs. (Marc 14: 36). L'interprétation du message chrétien dans le sens d'une affirmation de la liberté individuelle (liberté de conscience d'abord) est historiquement un apport typique du protestantisme qui, même là, n'est pas sans subtilité : "Un chrétien est un libre Seigneur sur tout et n'est asservi à personne.// Un chrétien est un esclave asservi en tout et est soumis à tous." (in : p.1 de Martin Luther : De la Liberté du Chrétien (1520)).
  66. Matthieu ch.20: v.25-28. Voir aussi la scène du lavement des pieds des apôtres par Jésus : Jean ch.13: v.1-16.
  67. Jean ch.15 : v. 12-13
  68. Communautés naissantes : Voir deux descriptions synthétiques au livre des Actes des apôtres 2:42-47 ; 4:32-34 . Les Épîtres de Paul fourmillent aussi d'informations.
  69. a et b Thessaloniciens 3:10
  70. Sur un plan très différent, Paul est aussi le premier théologien du christianisme, notamment par son Épître aux Romains, le plus long de ses écrits à nous être parvenu, et le plus structuré.
  71. "Tu aimeras ton prochain comme toi même." (Lévitique 19 : 18, repris en Matthieu 5:43 , 22:39 ; Romains 13:9 ; Galates 5:14. "[C]omme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. " (Jean 13:34 et 15:12).
  72. Saint Paul, Épître aux Colossiens (lire en ligne), ch. 3, v.22-23
  73. St Paul, Épître aux Galates, ch. 3 : v.26-28. À Noter quelques (au moins deux : ci-dessous) affirmations dans les évangiles d'une indépendance de droit entre les considérations d'ordre politico-utilitaires d'un côté, et religieuses de l'autre, ce qu'on peut comprendre comme une préfiguration de la laïcité : "Rendez à César (...)" (Mc 12:17) ; "qui m'a établi pour être votre juge, ou pour faire vos partages ?" (Luc 12:14).
  74. Le chrétien affirmera souvent par la suite que sa résolution de "travailler pour Dieu" n'est pas imaginaire, mais véritable parce que l'intention en esprit a le pouvoir de donner une réalité à ce qu'elle vise -- parce que la réalité spirituelle est la plus importante. En philosophie, la forme la plus extrême de cette conception est peut-être le Solipsisme, au sens de Berkeley par exemple.
  75. Ce "comme" fait penser à "comme Maîtres et possesseurs de la nature" (Descartes).
  76. « Règle de Saint Benoît bilingue »
  77. Même source que la note suivante, à l'alinéa "Sources".
  78. Règle de Saint Benoît, Les éditions de Solesmes, , 121 p., prologue (numéros des versets inscrits dans la citation).
  79. D'après la concordance de la Règle dans l'édition de Solesmes (réf. en note ci-dessus), article Office.
  80. Benoît de Nursie, Règle de Saint Benoît, Solesmes, , §48 : Le travail manuel quotidien
  81. cf. Jean 15:13.
  82. Matthieu ch.6: v.6 (trad. Bible de Jérusalem)
  83. a et b Dom André LOUF, « Citeaux 1098-1998 , L'aventure du "nouveau monastère" », Renaissance de Fleury,‎ noël 1998, n°188
  84. Jacques Le Goff, article « Travail » dans Cl. Gauvard, A. de Libera, M. Zink (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, PUF, 2002, p. 1404
  85. André Vauchez, « Jésus, Marie, Satan... À quoi croyait-on vraiment ? », dans L'Histoire, no 305, , p. 56.
  86. Voir par exemple Max Weber, L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme
  87. Max Weber, op.cit., chap.II,2
  88. (en) Richard BAXTER, Saints' Everlasting Rest, in : Christian Directory, , 244 p. (lire en ligne)
  89. (en) Richard Baxter, Saints' Everlasting Rest, op.cit., ch. VII : De la nécessité de chercher le repos du saint : pp.71-72
  90. On notera à ce propos l'ambiguité malheureuse du verset qui conclut le passage de l'évangile : Luc 12: 13-21.
  91. Benjamin Franklin, Necessary hints to those that would be rich, , cité sur une page entière au ch.1, 2 dans op.cit de Weber : "Souviens-toi que le temps, c'est de l'argent.(etc.)"
  92. Compendium de la doctrine sociale de l'Église, éditions du Cerf
  93. Charles Fourier. Traité de l'association domestique agricole. Boussange, 1822. Consulter en ligne
  94. a et b François Icher. Les Compagnons ou l'amour de la belle ouvrage. Découverte Gallimard.
  95. Eugène Viollet-le-Duc Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle
  96. Edgar Quinet, Les Révolutions d’Italie, Pagnerre, (lire en ligne)
  97. a et b Adriaan Linters, Industria, Architecture industrielle en Belgique, Pierre Mardaga éditeur 1986
  98. La production de canons fait la prospérité de l'entreprise Krupp en Allemagne, à partir de 1859. À Essen, les deux cinquièmes de l'acier fondu qui sortent des usines Krupp sont destinés à la fabrication de canons tout calibre depuis la petite pièce de campagne de quatre jusqu'à des pièces monstrueuses de cent cinquante et cinq cents kilogrammes de projectile. Krupp équipe en canons les Russes, les Anglais, les Belges, les Italiens, les Turcs, les Autrichiens, Hollandais, et même les Japonais. Dans Fabrique d'acier fondu de Friedrich Krupp à Essen (Prusse), 1866. Consulter en ligne
  99. La bataille de Sedan, le , consacre la supériorité des canons en acier Krupp, qui se chargent par la culasse, dans les rangs de l'armée prussienne, sur les canons en bronze de l'armée française qui eux se chargent par la gueule. Si les portées des canons sont identiques, la cadence de tir des canons prussiens est infernale. Dans Alexis Philonenko. La philosophie du malheur. Vrin, 1999 Consuler en ligne
  100. La vente de canons sera pour l'Allemagne l'un des moteurs de son expansion, et plus tard de son hégémonie sur le monde. Gabrielle Foy. L'influence de la communauté allemande sur la géopolitique argentine de 1850 à nos jours. Éditions L'Harmattan, 2011. Consulter en ligne
  101. Amédée Burat Géologie appliquée : ptie. Exploitation des mines Langlois et Leclercq, 1855 Consulter en ligne
  102. Récolte des fourrages à travers les âges. Jean Renaud. France Agricole Éditions, 2002. Consulter en ligne
  103. l'abattage avec une machine ponctuelle consomme 76 fois plus, l'abattage à l'explosif dans des trous de mine est du même ordre. Une tarière de grand diamètre consomme 135 fois plus, la combinaison optimale, tarière, havage, et tir en forage réduit ce facteur à 20. Dans Pierre Duffaut. Manuel de mécanique des roches: Les applications. Comité français de mécanique des roches. Presses des MINES, 2003. Consulter en ligne
  104. François Prosper Jacqmin, École nationale des ponts et chaussées (France). Des machines à vapeur: Leçons faites en 1869-1870 à l'École impériale des ponts et chaussées, Volume 1. Garnier frères, 1870(Consulter en ligne)
  105. Molinier Jean. L'évolution de la population agricole du XVIIIe siècle à nos jours. In: Économie et statistique, No 91, . p. 79-84. doi : 10.3406/estat.1977.3127 Consulté le
  106. Jacques Ellul, Métamorphose du bourgeois, 1967. Réed. La Table ronde, 1998.
  107. Pour Hegel, « Arbeit macht frei » : le travail rend libre.
  108. Le Droit à la paresse, édition de 1935 p. 19
  109. L'État français (Cours d'histoire)
  110. Jacques Ellul, La Technique ou l'Enjeu du siècle, 1954 (troisième édition, Paris, Economica, 2008)
  111. Le film Les temps modernes, de Charles Chaplin, constitue une illustration de ce phénomène.
  112. Jacques Ellul, Métamorphose du bourgeois, 1967. Deuxième édition : Paris, La Table-ronde, 1998
  113. Quand on parle d'embourgeoisement de la société, Ellul précise que l'ouvrier a fait sienne l'idéologie bourgeoise, laquelle est une "idéologie du bonheur".
  114. Bernard Charbonneau, Dimanche et lundi, Paris, Denoël, 1966 (ouvrage non réédité)
  115. Serge Steyer : Jacques Ellul, L'homme entier. Documentaire disponible en DVD.
  116. Cette approche n'est pas sans rappeler la distinction qu'Hannah Arendt établit entre "le travail" et "l'œuvre".
  117. « Absurdes et vides de sens : ces jobs d’enfer », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  118. « En Chine, travailler plus pour gagner plus en mode « 996 » », sur La Tribune (consulté le )
  119. [PDF]Rapport de Gilles Carrez sur la valeur travail
  120. « Le travail libère, c'est le chômage qui [...] - Nicolas Sarkozy », sur dicocitations.lemonde.fr (consulté le )
  121. « Macron se pose en « candidat du travail » », sur Les Echos, (consulté le )
  122. Paul Lafargue, Le Droit à la paresse, Mille et une nuits, Paris, 1994.
  123. Le patron, le footballeur et le smicard, quelle est la juste valeur du travail?, éditions-dialogues, 2011.
  124. Philippe Villemus, Le patron, le footballeur et le smicard. Quel est la juste valeur du travail, éditions-dialogues.fr, 2011

Bibliographie

  • Philippe Villemus Le patron, le footballeur et le smicard. Quelle est la juste valeur du travail?, Brest, editsions-dialogues.fr, 2005.
  • Jacques Ellul Métamorphose du bourgeois, Paris, Calmann-Lévy, 1967. Réed. Paris, La table ronde, 1998
  • Jean-Marie Vincent, Critique du travail. Le faire et l'agir, PUF, 1987
  • André Gorz, Métamorphoses du travail, Paris, Galilée, 1988. Réed. Paris, Folio Essais, 2004.
  • André Gorz, "Critique of Economic Reason", chapter 3: Crisis of Work, Galilée, 1989
  • Moishe Postone, Time, Labor and Social Domination: A Reinterpretation of Marx's Critical Theory, New York and Cambridge: Cambridge University Press, 1993. Trad. fr. Temps, travail et domination sociale. Une réinterprétation de la théorie critique de Marx, Les Mille et une nuits, 2009
  • Dominique Méda, Le Travail. Une valeur en voie de disparition, Aubier, 1995 ; rééd. Champs Flammarion, 1998 (avec un "?" après le titre).
  • Guillaume Borel, Le Travail, histoire d'une idéologie, éditions Utopia, Paris, 2015
  • Françoise Gollain, Une critique du travail. Entre écologie et socialisme. Paris, La Découverte, 2000
  • Robert Kurz, Ernst Lohoff et Norbert Trenkle, Manifeste contre le travail, Lignes-Léo Scheer, 2002.
  • Jacques Le Goff, article "Travail", dans Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, PUF, coll. « Quadrige » 2002 (1re éd.), (ISBN 2130530575), p. 1404-1406.
  • Dominique Méda, Le travail, Paris, PUF, coll. Que sais-je ? 2007.
  • Michel Lallement, Le travail. Une sociologie contemporaine, Paris, Gallimard, Folio, 2009.
  • Jacques Ellul Pour qui, pour quoi travaillons-nous ? (compilations d'articles et de textes inédits ou peu connus), Paris, La table Ronde, 2013.
  • (en) Angelos Vlachos, Thucydides' Bias, Estia,

Filmographie

  • Pierre Carles, Attention danger travail, (coréalisé avec Christophe Coello et Stéphane Goxe), 2003
  • Pierre Carles, Volem rien foutre al païs, (coréalisé avec Christophe Coello et Stéphane Goxe), 2007

Liens externes