Kubrâwiyya

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La confrérie Kubrâwiyya (arabe : کبرویة) est un ordre soufi ayant pris naissance à Khârazm, en Asie centrale, au XIIIe siècle. Elle doit son nom à son principal fondateur Najm al-Dîn Kubrâ, mort en 1221.

Origine[modifier | modifier le code]

L'ordre Kubrâwî est parfois considéré comme une branche de la Suharwardiyya[1],[2], fondée par Najîb Sohrawardî, et dont l'un des disciples, 'Ammâr Yâsir al-Badlîsî, fut le maître de Najm al-Dîn Kubrâ[2]. Ce dernier, après avoir longtemps voyagé en Perse, dans la péninsule arabique et en Égypte, sur les conseils de son maître Ismâ'îl al-Qasrî, revient à Khârazm, sa terre natale, pour y fonder un couvent (Khanqah)[3]. Il y enseigne le soufisme auprès de nombreux disciples[4].

Développement[modifier | modifier le code]

La Kubrâwiyya[modifier | modifier le code]

En raison de l'hostilité que subissent les soufis de la part du pouvoir politique au Khorassan, Najm al-Dîn Kubrâ pousse à l'exil certains de ses disciples. Ce fut le cas de Bahhâ'oddîn Walad, le père de Rûmî, qui s'installa définitivement à Konya et y répandit l'enseignement Kubrâwî[5],[6]. Un peu plus tard, face à l'invasion mongole et la prise de Khârazm, Najm al-Dîn Râzî, autre disciple direct de Kubrâ, rejoignit également l'Asie Mineure où il fut en relation avec Sadroddîn Qonyawî et Jallâl al-Dîn Rûmî[7].

À Baghdâd, vers la fin du XIIIe siècle, après le passage peu concluant de Najm al-Dîn Râzî, la Kubrâwiyya s'établit véritablement grâce à Nuruddîn Isfarâyinî qui y demeura une quarantaine d'années. Il eut à cet endroit, selon Nûrbakhsh, une influence majeure sur le milieu politique[8].

L'ordre s'étendit ensuite vers l'Asie, notamment en Inde par le bais de Ahmad Kabîr Firdawsî, et au Cachemire par l'intermédiaire de 'Alî Hamadânî et son fils[9].

Ses ramifications[modifier | modifier le code]

La Kubrâwiyya a donné naissance à plusieurs branches dont[10],[11],[12]:

  • La Firdawsiyya qui s'implanta en Inde grâce à Ahmad Kabîr Firdawsî.
  • La Nûriyya, qui remonte à Isfarâyinî.
  • La Rukniyya fondée par Semnânî.
  • La Hamadâniyya fondée par 'Alî Hamadânî au Cachemire.

Ces branches ne constituèrent pas un nouvel ordre et demeurèrent attachées à la Kubrâwiyya. Mais à la mort de 'Alî Hamadâni, une scission s'opéra et la confrérie se divisa en deux branches distinctes. La non-reconnaissance de la succession établie par Ishaq Khotallânî, disciple de Hamadânî, fut la raison de cette séparation. Il avait désigné Sayyed Mohammed Nûrbakhsh comme successeur, mais 'Abdollah Barzishâbâdî refusa de le reconnaître. Il y eut dès lors deux lignées[13] :

  • La Nûrbakhshiyya affiliée à Mohammed Nûrbakhsh.
  • La Zahabiyya suivant 'Abdollah Barzishâbâdî.

Le déclin[modifier | modifier le code]

La confrérie joua un rôle majeur dans l'islamisation des turcs et des mongols, en particulier après la conversion du Khan Berke par le maître kubrâwî, Sayf al-Dîn Bâkharzî. Malgré son étendue, allant de la Turquie au Cachemire, en proie aux divisions, elle finit par s'éclipser presque entièrement à partir du XVe siècle devant l'influence grandissante de la confrérie Naqshbandiyya[14].

Maîtres[modifier | modifier le code]

On compte parmi les maîtres de l'ordre, tout d'abord des élèves immédiats de Kubrâ tels que[15] :

Puis parmi les maîtres des générations suivantes on trouve[16],[17] :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Najm al-Dîn Kubrâ (trad. de l'arabe, traduit de l'arabe et présenté par Paul Ballanfat), Les éclosions de la beauté et les parfums de la majesté, Nîmes, Editions de l'Eclat, coll. « philosophie imaginaire », , 256 p. (ISBN 2-84162-050-6)
  • Najm al-Dîn Kubrâ (traduit de l'arabe et du persan et présenté par Paul Ballanfat), La pratique du soufisme : quatorze petits traités, Editions de l'Eclat, coll. « philosophie imaginaire », , 293 p. (ISBN 2-84162-059-X)
  • Henry Corbin, Histoire de la philosophie islamique, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », , 546 p. (ISBN 2-07-032353-6), p. 408-412
  • Nuruddîn Isfarâyinî (trad. de l'arabe, traduit du persan et présenté par Hermann Landolt), Le révélateur des mystères : Traité de soufisme, Lagrasse, Verdier, coll. « Islam spirituel », , 418 p. (ISBN 2-86432-045-2)
  • 'Azîzoddîn Nasafî (traduit du persan et présenté par Isabelle de Gastines), Le livre de l'Homme Parfait : Kitâb al-Insân al-Kâmil, Paris, Fayard, coll. « L'espace intérieur », , 380 p. (ISBN 2-213-01412-4)
  • Christiane Tortel, L'ascète et le bouffon : qalandars, vrais et faux renonçants en islam, Arles, Actes Sud, , 439 p. (ISBN 978-2-7427-8055-6)
  • (en) J. Spencer Trimingham, The Sufi Orders in Islam, Oxford University Press, , 315 p. (ISBN 0-19-512058-2)
  • Louis Massignon, La Passion de Hallâj : martyr mystique de l'Islam, t. 2, Gallimard, , 519 p. (ISBN 2-07-071892-1), p. 236-237
  • Alexandre Bennigsen et Chantal Lemercier-Quelquejay (trad. de l'anglais), Le soufi et le commissaire : les confréries musulmanes en URSS, Paris, Seuil, , 315 p. (ISBN 2-02-009349-9)
  • Paul Ballanfat, « Les visions des lumières colorées dans l’ordre de la Kubrawiyya »

Références[modifier | modifier le code]

  1. Tortel 2009, p. 241.
  2. a et b Massignon 1975, p. 236.
  3. Kubrâ 2001, p. 31.
  4. Corbin 1986, p. 409.
  5. Corbin 1986, p. 416.
  6. Djalâl ad-Dîn Rûmî, Le Livre du dedans, Albin Michel, 1997, 370 p., p. 11-12
  7. Corbin 1986, p. 411.
  8. Isfarâyinî 1986, p. 31.
  9. Corbin 1986, p. 414.
  10. Trimingham 1971, p. 56-57.
  11. Tortel 2009, p. 247.
  12. Isfarâyinî 1986, p. 29.
  13. Corbin 1986, p. 435.
  14. Bennigsen et Lemercier-Quelquejay 1986, p. 70.
  15. Kubrâ 2001, p. 36.
  16. Isfarâyinî 1986, p. 18-36.
  17. Nasafî 1992, p. 9.