Ordre cistercien de la Stricte Observance

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Deux trappistes de Westvleteren en Belgique (au milieu, en blanc). Le moine de gauche porte la coule (sorte d'aube aux longues manches) de ceux qui sont définitivement engagés, et sa croix indique que c'est le père abbé; celui de droite porte une chape, ce qui signifie qu'il n'est engagé que par des vœux temporaires.

L'ordre cistercien de la stricte observance (en latin ordo cisterciensis strictioris observantiæ, en abrégé o.c.s.o.), dont les membres sont familièrement appelés trappistes, est un ordre monastique catholique qui forme, avec l'Ordre cistercien (en latin ordo cisterciensis, en abrégé OCist) et les moniales Bernardines, la Famille cistercienne ou Familia Cisterciensis. Il est connu, en outre, pour les fromages et les bières trappistes.

À l'heure actuelle, l'ordre cistercien de la stricte observance comprend 2 600 moines et 1 883 moniales, répartis respectivement dans quatre-vingt-seize abbayes et soixante-six monastères dans le monde entier.

Historique

Aux origines : l'Étroite observance de l'ordre de Cîteaux

Armand-Jean de Rancé
Armand Jean Le Bouthillier de Rancé (1626-1700), abbé de la Trappe.

Dès la deuxième moitié du XIIe siècle, l'ordre cistercien avait commencé à s'éloigner de l'idéal cistercien primitif en acceptant d'autres revenus que le travail des frères. Avec les années, et diverses calamités comme la peste noire et la guerre de Cent Ans, l'observance des monastères s'était encore plus relâchée. Au début du XVIIe siècle, un mouvement de réforme dans l'ordre cistercien naît à l'abbaye de la Charmoye, au diocèse de Châlons-sur-Marne. Son abbé, Octave Arnolfini, abbé initialement commendataire avant de devenir abbé régulier (comme plus tard Rancé) gagne à son projet d'autres abbayes de l'Ordre, d'abord Clairvaux, puis Châtillon (1605). La même année, mais indépendamment, Bernard de Montgaillard commence à rétablir l'observance dans son abbaye d'Orval. En 1616, l'influence de la réforme naissante s'étend à l'ensemble de la filiation de Clairvaux ; mais chaque communauté garde la liberté d'y adhérer ou non[1].

À partir de 1618, la réforme s'étend au niveau de l'Ordre, qui va progressivement se diviser en deux mouvements : celui de « l'étroite observance » (Il s'agit toujours de l'observance de la Règle de saint Benoît, et des statuts, constitutions et décrets des chapitres généraux de l'ordre cistercien) et celui de la « commune observance »[2],[3]. La réforme touche de plus en plus d'abbayes, comme Sept-Fons, le Val-Richer, etc. Ces monastères continuent à dépendre de l'ordre cistercien, dont une partie est fortement hostile à la réforme[4].

Dans la mouvance de l'Étroite Observance, à l'abbaye Notre-Dame de La Trappe à Soligny, l'abbé Armand Jean de Rancé commença également à rétablir l'observance cistercienne primitive à partir de 1662. L'objectif était de revenir à une vie monastique « authentique » en retrouvant la simplicité et l'austérité originelles de la vie cistercienne, fondées sur la règle de saint Benoît, qui met en avant le travail manuel ainsi que la prière liturgique et personnelle.

La Révolution française amena la fermeture de toutes les maisons religieuses et donc des monastères cisterciens de France. Avant la dispersion de sa communauté, dom Augustin de Lestrange, maître des novices à l'abbaye de la Trappe, organisa l'émigration d'une partie des moines vers la Suisse. Là, des moines d'autres communautés et des moniales se joignirent au groupe, lequel fut appelé par la suite les « trappistes ». Les moines s'installèrent à la chartreuse de La Valsainte, les moniales à Sembrancher. Mais la guerre et de nombreuses difficultés les obligèrent à un long voyage à travers la Suisse, l'Europe centrale, la Russie ; ils essaimèrent un peu partout en Europe (Westmalle en Belgique, Lulworth en Angleterre, Darfeld en Westphalie, et ailleurs…) et même au Nouveau Monde (États-Unis, Canada). Puis, après l'abdication de Napoléon Ier et lors de la Restauration, certains cisterciens se réinstallèrent en France.

1892 : la naissance de l'Ordre

En 1836, une congrégation belge se détacha de la partie française. En 1847, l'abbaye de Sept-Fons devint une seconde congrégation française. À la demande du Saint-Siège, les congrégations trappistes se réunirent en 1892 sous le nom d'Ordre des cisterciens réformés de Notre-Dame de la Trappe, élisant un abbé général. Il s'agissait donc, de fait, d'une séparation juridique de l'Ordre de Cîteaux : il y aurait désormais deux ordres cisterciens. En 1899, l'Ordre des cisterciens réformés put racheter Cîteaux et y recréer une communauté. L'abbaye de La Trappe, qui avait donné son nom aux cisterciens trappistes, devint alors tête de l'Ordre. Cet ordre s'appellerait désormais Ordre cistercien de la stricte observance (Constitution apostolique Haud mediocri, 30 juillet 1902).

Lors de l'expulsion des congrégations en 1903, les Trappistes furent une des cinq congrégations catholiques masculines autorisées à poursuivre leur activité en France[5].

Spiritualité

Trappiste priant

La spiritualité trappiste est la spiritualité commune aux Cisterciens. Elle tire sa source de la Bible, de la Règle de saint Benoît et des écrits des pères du monachisme[6]. Comme tous les ordres religieux, l'ordre cistercien de la stricte observance possède par ailleurs des Constitutions[7] qui explicitent la mise en œuvre de cette spiritualité aujourd'hui. La spiritualité cistercienne et trappiste est au service de la recherche de Dieu, objectif premier des moines et des moniales[8]. Elle se caractérise par une certaine simplicité et par la recherche d'un équilibre entre les formes traditionnelles de la prière monastique : liturgie des heures (prière commune, sept fois par jour, à partir de la Bible et en particulier des Psaumes), lectio divina (lecture priée de la Bible ou d'auteurs spirituels), oraison (prière personnelle silencieuse). Les cisterciens-trappistes valorisent aussi le travail manuel, considéré comme hautement favorable à la prière, le silence (qui laisse tout de même place à la communication nécessaire), et le retrait du monde : leurs monastères se situent normalement en des lieux écartés, voire en pleine nature. Ils n'ont pas d'activités apostoliques, dans le but de se consacrer pleinement à la vie contemplative[9].

Figures de l'ordre

Frère Rafael
Saint Rafael Arnáiz Barón

L'OCSO est également connu à travers plusieurs de ses membres qui, malgré le caractère caché de leur vie, ont eu un rayonnement au-delà des murs de leur monastère. Quelques-uns ont été déclarés par l'Église catholique « bienheureux », c'est-à-dire exemples de vie chrétienne : Cyprien Tansi, moine nigérian ; Maria Gabriella Sagheddu, moniale italienne; Marie-Joseph Cassant, moine français de Sainte-Marie du Désert. Un frère espagnol de l'abbaye San Isidro de Dueñas a été canonisé par Benoît XVI : Saint Rafael Arnáiz Barón (1911–1938).
D'autres sont connus pour avoir été fidèles à leur choix monastique jusqu'au don de leur vie, comme les sept frères du monastère de Tibhirine en Algérie, restés sur place à la demande de leurs voisins, et assassinés en mai 1996.
Enfin, quelques-uns ont témoigné de leur foi à travers des livres, comme le trappiste américain Thomas Merton de l'abbaye de Gethsémani (Kentucky), dont l'autobiographie La Nuit privée d'étoiles (The seven storey mountain) a été un best-seller traduit dans de nombreuses langues. Dom Jean-Baptiste Chautard est une des grandes figures de l'ordre célèbre pour sa rencontre avec Clemenceau qui évita l'expulsion des cisterciens lors des lois anticléricales.

Liste des abbés généraux de l’Ordre

  • 1892-1904 : Sébastien Wyart
  • 1904-1922 : Augustin Marre
  • 1922-1929 : Jean-Baptiste Ollitraut de Keryvallan
  • 1929-1943 : Herman-Joseph Smets
  • 1943-1951 : Dominique Nogues
  • 1951-1963 : Gabriel Sortais
  • 1964-1974 : Ignace Gillet
  • 1974-1990 : Ambroise Southey
  • 1990-2008 : Bernardo-Luis-José Oliveira
  • 2008-présent : Eamon Fitzgerald

Quelques abbayes de l'ordre

Allemagne

Belgique

Abbaye d'Orval
Rosace de l'ancienne église de l'abbaye d'Orval.

Canada

Chine

États-Unis

Abbaye ND de Gethsemani (Kentucky)

France

Abbaye d'Acey (Jura)
Abbaye de Notre-Dame d'Aiguebelle

Inde

Israël

Italie

Japon

Madagascar

Maghreb

Norvège

Royaume-Uni

Suisse

Pays-Bas

Bières trappistes

Brasserie de l'abbaye Saint-Remy de Rochefort où les moines produisent une bière trappiste.

La dénomination de bière trappiste est accordée aux seules bières produites par ou sous le contrôle des moines de l'ordre. Les bières trappistes ont toutes un logo hexagonal Authentic trappist product sur leur étiquette. Il y a en 2013 seulement dix brasseries possédant cette appellation, six belges, deux néerlandaises, une autrichienne et une américaine :

En juin 2011, l'abbaye du Mont des Cats a annoncé la reprise de son activité brassicole arrêtée il y a plus de cent ans. Une huitième bière trappiste, seule française, a donc vu le jour et devrait avoir le logo Authentic trappist product d'ici un an[12]

Bibliographie

  • Alban J. Krailsheimer, Armand-Jean de Rancé, abbé de la Trappe, Cerf, coll. « Histoire religieuse », 2000
  • Jean-Maurice de Montremy, Rancé, le soleil noir. Perrin, Paris 2006
  • Vie et mort des moines de la Trappe. Anthologie des Relations de la mort de quelques religieux de l'abbaye de la Trappe de l'abbé de Rancé. Edition présentée et annotée par Jean-Maurice de Montremy. Le Mercure de France, coll. "Le Temps retrouvé", Paris 2012.
  • Augustin-Hervé Laffay, Dom Augustin de Lestrange et l'avenir du monachisme (1574–1827), Cerf, coll. « Histoire religieuse », 1998
  • Robert Serrou et Pierre Vals, La Trappe, lieu de silence, de prière et de paix, Éditions Horay,
  • François-René de Chateaubriand, Vie de Rancé, 1844

Notes

  1. Jean de la Croix Bouton, Histoire de l'Ordre [Cistercien de la stricte Observance], Cisterciennes, fiche n°84 p. 334-335.
  2. Naissance de l’Étroite Observance, dossier préparé par Sœur Marie-Paule Bart, Peruwelz.
  3. L'ordre cistercien sur le site Architecture religieuse en Occident.
  4. Jean de la Croix Bouton, Histoire de l'ordre Cistercien de la stricte Observance, Cisterciennes, fiche n°85-86.
  5. Voir l'article : Histoire des congrégations chrétiennes en France.
  6. C'est-à-dire : Jean Cassien, Basile de Césarée, et tous ceux qu'on appelle les Pères de Désert, moines des déserts d'Égypte et de Palestine. Il faut y ajouter tous ceux qui par leurs écrits et leur vie ont stimulé la vie monastique à travers les âges, et notamment les auteurs cisterciens du XIIe siècle : saint Bernard, Guillaume de Saint-Thierry, etc.
  7. http://www.ocso.org/HTM/net/cstst-fr.htm
  8. Benoît ne fonda pas une institution monastique ayant pour but principalement l'évangélisation des peuples barbares, comme d'autres grands moines missionnaires de l'époque, mais il indiqua à ses disciples comme objectif fondamental et même unique de l'existence, la recherche de Dieu : "Quaerere Deum". Benoît XVI, Angelus du 10 juillet 2005
  9. Cf. Règle de saint Benoît, 66, 6-7: "Le monastère doit, autant que possible, être disposé de telle sorte que l'on y trouve tout le nécessaire : de l'eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour qu'on puisse pratiquer les divers métiers à l'intérieur de la clôture. De la sorte les moines n'auront pas besoin de se disperser au-dehors, ce qui n'est pas du tout avantageux pour leurs âmes."
  10. [Le nouveau monastère Notre-Dame de l'Atlas lire en ligne]
  11. [Tibhirine...Fes...Midelt lire en ligne]
  12. http://www.touteslesbieres.fr/dossiers/dossier_211_100+ans+apres+resurrection+biere+trappiste+mont+des+cats.html

Liens externes

Articles connexes