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Nouvel antisémitisme

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Nouvel antisémitisme est une expression désignant des formes d'antisémitisme existant à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle.

Les partisans de ce concept considèrent que l'antisionisme, l'antiaméricanisme, l'antimondialisation, le tiers-mondisme, comme jadis l'anticommunisme à travers le concept de « judéo-bolchévisme », ainsi que la diabolisation d'Israël, peuvent abriter ou reposer sur une idéologie antisémite, ou encore constituer des formes déguisées d'antisémitisme[1]. Selon eux, le « nouvel antisémitisme » est une innovation issue de l'opposition au sionisme et à l'État d'Israël et émanant simultanément de l'extrême gauche, de l'extrême droite et de l'islam fondamentaliste. Le concept postule généralement que la majorité de ce qui se revendique n'être qu'une simple critique de la politique israélienne serait en fait une diabolisation d'Israël et représenterait un recyclage des anciens préjugés antisémites, jadis axés sur la religion (rejet du Christ par les Juifs - « déicides ») ou sur une prétendue « race juive ».

Les adversaires de ce concept affirment qu'il banalise la signification de l'antisémitisme, en amalgamant toute critique politique à des sentiments irrationnels de rejet, et toute forme d'antisionisme à l'antisémitisme. Cette banalisation s'effectue en définissant très étroitement la critique de la politique israélienne et très largement la diabolisation de l'État hébreu, et en instrumentalisant le légitime rejet de l'antisémitisme afin d'étouffer le débat[2],[3].

Historique du concept

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Fin des années 1960

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Le philosophe Pierre-André Taguieff décrit la première vague de « la nouvelle judéophobie », qui émerge dans le monde arabe et la sphère soviétique à la suite de la défaite de la guerre des Six Jours. Il cite des écrits traitent du lien qu'entretient l'« antisionisme » avec l'antisémitisme : une étude du « néo-antisémitisme » de Jacques Givet ainsi que de l'« antisémitisme contemporain » de Léon Poliakov[4].

Raymond Aron accusait pour sa part Charles de Gaulle d'avoir, par ses accusations contre le peuple juif lors de la conférence de presse du 27 novembre 1967, autorisé « solennellement un nouvel antisémitisme ». Il affirmait : « Le général de Gaulle a, sciemment, volontairement, ouvert une nouvelle période de l'histoire juive et peut-être de l'antisémitisme. Tout redevient possible. Tout recommence. Pas question, certes, de persécution : seulement de « malveillance ». Pas le temps du mépris : le temps du soupçon »[5].

Les années 1970 : les premiers débats

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En 1974, Arnold Forster et Benjamin Epstein de la Ligue antidiffamation publient un livre intitulé The New anti-Semitism, exprimant leurs inquiétudes en ce qui concerne ce qu'ils décrivent comme une nouvelle manifestation de l'antisémitisme, provenant de la gauche radicale, de la droite radicale et de personnalités pro-arabes aux États-Unis[6]. Forster et Epstein affirment qu'il prend la forme d'une indifférence aux craintes du peuple juif, d'une apathie en traitant des préjugés à l'encontre des Juifs et une incapacité à comprendre l'importance d'Israël pour la survie du peuple juif[7].

En analysant le travail de Forster et Epstein dans le magazine Commentary, Earl Raab soutient qu'un nouvel antisémitisme émerge réellement en Amérique, sous la forme d'une opposition aux droits collectifs du peuple juif, mais il critique Forster et Epstein pour l'avoir amalgamé avec la critique anti-israélienne[8]. Allan Brownfeld écrit que la nouvelle définition de l'antisémitisme donnée par Forster et Epstein banalise le concept en le transformant en « une forme de chantage politique » et en « une arme afin de faire taire toute forme de critique à l'égard d'Israël ou de la politique des États-Unis au Moyen-Orient »[9], tandis qu'Edward S. Shapiro, dans son A Time for Healing: American Jewry Since World War II, écrit que « Forster et Epstein sous-entendent que le nouvel antisémitisme montre l'incapacité des Gentils à estimer les Juifs et Israël »[10].

Des années 1980 à nos jours : convergence politique

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L'historien Robert Wistrich aborde la question en 1984 dans un exposé fait à la résidence du président d'Israël Chaim Herzog et affirme qu'un « nouvel antisionisme antisémite » est en train d'émerger, dont les caractéristiques distinctives sont l'identification du sionisme au nazisme et la croyance que les sionistes ont collaboré activement avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Il déclare que de telles accusations étaient courantes dans l'ancienne Union soviétique, mais ajoute que ce type de rhétorique serait maintenant utilisée par une partie de la gauche radicale, particulièrement par les groupes trotskistes en Europe de l'Ouest et en Amérique[11].

Dans son ouvrage Sur un nouveau moment antisémite[12], l'historien et sociologue Pierre Birnbaum voit dans le « jour de colère » du la date-clé d'un nouvel antisémitisme en France[13]. Selon le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), cette manifestation « agrégeait dans la même haine antirépublicaine, les chrétiens intégristes homophobes et les nationalistes racistes islamophobes, renforcés par la composante radicale du public de l’antisémite Dieudonné », sous des slogans que le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) qualifie de « xénophobes, racistes et antisémites »[14].

Pour le journaliste Alexandre Devecchio, un antisémitisme de personnes arabo-musulmanes se manifeste en France notamment sur fond d'islamisation de banlieues, conduisant à un exode massif des Juifs de certains quartiers et de certaines écoles, et qui s'illustre par des drames comme celui de Sarah Halimi en 2017, défenestrée par son voisin dans son HLM de Belleville aux cris de « Allah Akbar ». L'historien Georges Bensoussan a participé à faire connaître ce phénomène avec le livre Les Territoires perdus de la République (2002). Le Figaro Magazine estime cependant que ce sujet est encore un tabou, en témoigne le procès qu'a subi l'historien[15].

Les trois axes du nouvel antisémitisme

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Bernard-Henri Lévy.

Nicole Gnesotto, titulaire de la chaire « Union européenne » au Conservatoire national des arts et métiers, propose de distinguer trois sources de l'antisémitisme contemporain en France :

« L’antisémitisme historique d’abord, fondé sur les stéréotypes liés à l’argent […]. Il a toujours existé et on pourrait qualifier cet antisémitisme de populaire. Il y en a un deuxième, plus politique, dont parle Nonna Mayer, lié aux évènements du Moyen-Orient et à la politique d’Israël, celui-là est plutôt repris par ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme (la défense des musulmans contre la politique d’Israël). Il y en a enfin un troisième, un antisémitisme identitaire, fondé sur l’illusion d’une pureté de la nation. Celui-là appartient plutôt à l’extrême-droite, c’est celui qui s’est manifesté contre Alain Finkielkraut quand on a entendu des choses comme « on est chez nous ici, rentre chez toi »[16]. »

Bernard-Henri Lévy réfère le nouvel antisémitisme à trois raisons principales[17] :

  1. L’antisionisme : « Les juifs seraient haïssables parce qu’ils soutiendraient un mauvais État, illégitime et assassin »[17].
  2. Le négationnisme : « Les juifs seraient d’autant plus haïssables qu’ils fonderaient leur Israël aimé sur une souffrance imaginaire ou, tout au moins, exagérée »[17].
  3. La concurrence des mémoires : « Les juifs commettraient un troisième et dernier crime qui les rendrait plus détestables encore et qui consisterait, en nous entretenant inlassablement de la mémoire de leurs morts, à étouffer les autres mémoires, à faire taire les autres morts, à éclipser les autres martyres qui endeuillent le monde d’aujourd’hui et dont le plus emblématique serait celui des Palestiniens »[17].

« L’antisémitisme nouveau a besoin de ces trois énoncés », souligne Bernard-Henri Lévy. « Chacun, pris séparément, suffirait à discréditer un peuple redevenu objet d’opprobre ; mais qu’ils viennent à s’additionner, que les composants se composent, que les trois fils entrent en contact et parviennent à former un nœud ou une tresse — et l’on est à peu près sûr d’assister à une déflagration dont tous les juifs, partout, seront les cibles désignées »[17].

Bernard-Henri Lévy a notamment exposé cette thèse à l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, le 22 novembre 2015.

Arguments pour et contre le concept

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Un nouveau phénomène

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Jack Fischel, ancien titulaire de la chaire d'histoire à l'université de Millersville en Pennsylvanie, écrit que le nouvel antisémitisme est un nouveau phénomène regroupant une coalition de « gauchistes bruyamment opposés à la politique d'Israël et d'antisémites d'extrême droite, partisans de la destruction d'Israël, qui ont été rejoints par des millions de Musulmans, y compris les Arabes qui ont immigré en Europe… et qui ont emporté avec eux leur haine d'Israël en particulier et des Juifs en général. C'est ce nouvel alignement politique qui rend unique ce nouvel antisémitisme »[18]. Mark Strauss dans le magazine Foreign Policy y relie l'antimondialisation, pointant le forum social de 2003 comme un « instantané de l'évolution du phénomène » décrit comme « un kaléidoscope des anciennes haines brisées puis réassorties en motifs aléatoires, à la fois familiers et étranges »[19] :

« C'est l'image médiévale du Juif assassin du Christ, ressuscitée dans les éditoriaux des journaux cosmopolites européens. Ce sont les néonazis qui se parent du keffieh à damiers des Palestiniens et les Palestiniens qui font la queue pour acheter des copies de Mein Kampf[19]. »

Le philosophe français Pierre-André Taguieff estime que l'antisémitisme classique, basé sur le racisme et le nationalisme, a été remplacé par une nouvelle forme basée sur l'antiracisme et l'antinationalisme. Il identifie certaines de ses caractéristiques principales comme l'identification du sionisme au racisme ; l'utilisation d'arguments apparentés à la négation de la Shoah, tels que des doutes sur le nombre des victimes ou l'affirmation qu'il y a une « industrie de la Shoah » ; un discours emprunté au tiers-mondisme, à l'anti-impérialisme, à l'anticolonialisme, à l'antiaméricanisme et à l'antimondialisation ; et la dissémination de ce qu'il nomme le « mythe du "Palestinien intrinsèquement bon, la victime innocente par excellence" »[20].

Irwin Cotler, professeur de droit à l'université McGill à Montréal qui fut ministre de la Justice du Canada, estime dans FrontPage Magazine (en) que « l'antisémitisme classique est une discrimination contre les Juifs en tant qu'individus, et que le nouvel antisémitisme implique la discrimination à l'encontre, le déni ou l'attaque du droit du peuple juif à vivre en tant que membre à part entière de la famille des nations » et que ces deux formes d’antisémitisme ont en commun la discrimination[21]. Dans une étude sur l’antisémitisme publiée conjointement par le mémorial de Yad Vashem et le Centre Simon-Wiesenthal il définit plusieurs variantes de l’antisémitisme dont « l’antisémitisme génocidaire » qui s'exprime par l’incitation à la destruction de l’État d’Israël ouvertement et publiquement prônée par l'Iran, le Hezbollah, le Hamas et le Jihad islamique et « l'antisémitisme politique » qui est constitué par la contestation du droit du peuple juif à l’autodétermination. Il cite Martin Luther King qui a déclaré que « la négation des Juifs au même droit, le droit à l'autodétermination, que nous accordons aux pays africains et tous les autres peuples de la planète est en bref de l'antisémitisme ». Irwin Cotler souligne que ce nouvel antisémitisme est parfois « codé en antisionisme » et que si les variantes génocidaires et politiques « sont manifestes, publiques et clairement démontrables, l'antisémitisme idéologique est l'expression beaucoup plus sophistiquée et sans doute plus pernicieuse du nouvel antisémitisme »[22].

Un nouveau phénomène, mais non lié à l'antisémitisme

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Brian Klug écrit que la nouvelle médisance n'est pas de l'antisémitisme, nouveau ou ancien, ni une mutation d'un virus existant, mais un « virus de conception toute nouvelle »[23].

Qu'il y ait eu une résurgence des attaques et attitudes antisémites est accepté par certains des opposants au concept du « nouvel antisémitisme ». Ils doutent cependant qu'il s'agisse d'une différente sorte d'antisémitisme.

Brian Klug, maître de recherche en philosophie à St Benet's Hall, université d'Oxford qui a donné un rapport d'expert en février 2006 à une commission d'enquête du Parlement britannique sur l'antisémitisme dans le Royaume-Uni, et en novembre 2004 à une conférence sur l'antisémitisme au Bundestag allemand, ne pense pas qu'il y ait « un seul et unique phénomène » qui pourrait être appelé « nouvel » antisémitisme. Il reconnaît que les inquiétudes des communautés juives soient fondées, mais pense que ces manifestations sont imputables à l'antisémitisme classique[24]. Pour lui, la création de ce concept est basée sur un argument circulaire ou une tautologie. Il considère que c'est un concept inutile car il dévalue le terme « antisémitisme », conduisant à un cynisme largement répandu sur son utilisation. Les gens compatissants qui soutiennent les Palestiniens se sentent accusés à tort d'antisémitisme[23].

Klug définit l'antisémitisme classique comme « un fantasme européen invétéré sur les Juifs en tant que Juifs » définissant les Juifs, quelle que soit la façon dont ils sont vus (race, religion, ethnie, etc.), et quelle que soit l'origine idéologique de l'antisémitisme (de la droite ou de la gauche), comme « un peuple à part, non seulement par leurs coutumes mais par leur caractère collectif. Ils sont arrogants, secrets, rusés, essayant toujours de faire du profit. Loyaux seulement aux leurs, quel que soit l'endroit où ils vont, ils forment un état dans l'état, faisant leurs proies des sociétés parmi lesquelles ils résident. Mystérieusement puissants, ils contrôlent les banques et les médias. Ils vont même pousser les gouvernements à faire la guerre si cela est dans leur intérêt. Telle est l'image du Juif, transmise de génération en génération »[25] :

« Quand l'antisémitisme est partout, il n'est nulle part. Et quand tout antisioniste est un antisémite, nous ne pouvons plus reconnaître le phénomène réel. Le concept d'antisémitisme perd de sa signification[24]. »

Il souligne que, bien que le concept de nouvel antisémitisme continue à définir l'antisémitisme comme « une hostilité à l'égard des Juifs, en tant que Juifs, » la source de cette hostilité a changé et, qu'en conséquence, continuer à utiliser la même expression d'« antisémitisme » pour le décrire peut prêter à confusion.

L'hostilité envers les Juifs en tant que Juifs est de nos jours basée sur le conflit arabo-israélien, et non plus sur les anciens fantasmes européens. Israël se proclame lui-même comme l'État du peuple juif, et de nombreux Juifs s'alignent eux-mêmes sur Israël pour cette raison. Klug reconnaît qu'inclure, du fait de cet alignement, les Juifs en tant que Juifs dans cette hostilité, plutôt que l'hostilité envers les Israéliens ou les sionistes, est un préjugé, car c'est une généralisation concernant des individus ; néanmoins, ce préjugé n'est pas « enraciné dans l'idéologie du "Juif" », et par conséquent, c'est un phénomène différent de l'antisémitisme[23].

L'opposition à Israël n'est pas nécessairement de l'antisémitisme

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Earl Raab, directeur fondateur du Nathan Perlmutter Institute for Jewish Advocacy à l'université de Brandeis écrit qu'il existe bien une nouvelle vague d'antisémitisme dans le monde, et que la plupart des préjugés contre Israël sont guidés par cet antisémitisme, mais il insiste sur la distinction à faire entre antisémitisme et opinions anti-israéliennes, soulignant que des accusations d'antisémitisme basées sur des opinions anti-israéliennes manquent généralement de crédibilité. L'amalgame effectué entre antisémitisme et « anti-israélisme » résulte d'une « grave erreur de compréhension… suggérant que si d'une façon ou d'une autre, nous arrivions à supprimer l'antisémitisme, nous supprimerions du même coup l'anti-israélisme. Ceci réduit les problèmes de préjugés envers Israël à des proportions de caricatures ». Raab décrit les préjugés contre Israël comme une « sérieuse violation de la morale et du bon sens », et confirme qu'ils sont souvent liés à l'antisémitisme, mais il le distingue de l'antisémitisme en tant que tel[26].

Steven Zipperstein, professeur de culture et d'histoire juive à l'université Stanford, estime que cette tendance à l'amalgame existe aussi chez les Juifs, qui ont une tendance à voir l'État d'Israël comme une victime, car ils étaient eux-mêmes jusqu'à très récemment les « victimes quintessencielles ». Zipperstein conclut qu'une croyance en la responsabilité de l'État d'Israël dans le conflit israélo-arabe est considérée comme faisant partie « de ce qu'une personne honnête, progressiste et raisonnablement informée pense »[27].

Tariq Ali, un historien et militant politique pakistano-britannique, voit dans le concept de nouvel antisémitisme une tentative de corruption du langage dans l'intérêt de l'État d'Israël. Il écrit que la campagne contre le « supposé nouvel antisémitisme » en Europe, est un « stratagème cynique de la part du gouvernement israélien pour protéger l'État sioniste contre toute critique de sa brutalité régulière et constante à l'encontre des Palestiniens ». Il fait remarquer que la plupart des groupes pro-palestiniens et antisionistes qui sont apparus après la guerre des Six Jours, ont pris grand soin de maintenir la distinction entre antisionisme et antisémitisme[28].

Un lien étroit

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Antoine Spire.

Antoine Spire met en avant la séparation étroite entre l'antisionisme et l'antisémitisme. Selon lui, « [a]ujourd'hui, l'antisionisme, même s'il ne se veut pas antisémite, vise non seulement la politique oppressive d'Israël contre les Palestiniens, mais aussi Israël et son lien avec ses soutiens en diaspora qu'on accuse sans toujours aller y voir d'inconditionnalité ; il en vient à récuser l'existence même d'un État juif. C'est là que peut se nouer le lien entre antisionisme et antisémitisme : de l'antisionisme au vœu de disparition de l'État hébreu, il n'y a qu'un fil, et de la disparition de l'État hébreu à la haine de ceux qui militent pour le droit à l'existence de l'État d'Israël, il n'y a qu'un pas »[29].

Lors de la guerre entre le Hamas et Israël de 2023, la Première ministre Élisabeth Borne accuse une partie de l’opposition de gauche d’être « antisioniste », en ajoutant que c’est « aussi une façon de masquer de l’antisémitisme »[30].

Bien que les termes « judaïsme » et « sionisme » ne soient pas interchangeables, des slogans ou des prises de parole publiques du discours antisémite montrent que le mot « sioniste » remplace souvent celui de « juif », entretenant la confusion entre « antisionisme » et « antisémitisme », analyse Le Monde[30].

La troisième vague

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Bernard Lewis.

Pour l'historien Bernard Lewis, le « nouvel antisémitisme » représente la « troisième vague » ou « vague idéologique » de l'antisémitisme, les deux premières vagues étant l'antisémitisme religieux, qui s'est développé avec l'arrivée du christianisme en raison du rejet du Christ comme Messie par les Juifs, et l'antisémitisme racial, né en Espagne, dans le contexte des campagnes de conversions forcées de Juifs, à la suite desquelles des doutes sur la sincérité des convertis ont conduit au nouveau concept de limpieza de sangre (pureté du sang[31]).

Selon Lewis, si l'antisémitisme est « un cas particulier de préjugés, de haine ou de persécutions dirigés contre des gens qui sont, d'une certaine façon, différents des autres, » il s'en distingue par deux caractéristiques : les Juifs sont jugés selon un standard différent de celui appliqué aux autres, et ils sont accusés de diablerie cosmique.

Il associe la « troisième vague » avec les Arabes, et écrit qu'elle s'est développée en partie en raison de l'établissement de l'État d'Israël. La forme occidentale de l'antisémitisme, que Lewis nomme la « version satanique et cosmique de la haine du Juif », arrive au Moyen-Orient en plusieurs étapes. Elle commence avec l'arrivée des missionnaires chrétiens au XIXe siècle, et s'accompagne des premières accusations de crime rituel contre les Juifs, notamment lors de l'affaire de Damas. Elle grandit progressivement au XXe siècle jusqu'à l'avènement du Troisième Reich.

Cet antisémitisme s'amplifie encore avec l'humiliation consécutive aux défaites contre l'armée israélienne lors de la guerre israélo-arabe de 1948-1949, puis de la Guerre des Six Jours, en 1967[31].

Là-dessus s'est rajoutée l'action des Nations unies dont le traitement de la situation des réfugiés de 1948 a, selon Lewis, conforté le monde arabe dans ses préjugés et convaincu que la discrimination à l'égard des Juifs était acceptable : en effet, les Nations unies n'ont pas réagi lorsque l'ancienne communauté juive de Jérusalem-Est a été expulsée et que ses monuments désacralisés ou détruits, ni lorsque les réfugiés juifs ont fui ou été chassés des pays arabes. À l'inverse, des arrangements élaborés ont été effectués pour les Arabes chassés des territoires qui deviendront l'État d'Israël. Tous les gouvernements arabes impliqués dans le conflit annoncèrent qu'ils n'accepteraient dans leur pays aucun Israélien quelle que soit sa religion, et qu'ils ne donneraient pas de visas aux Juifs, quel que soit le pays dont ils sont citoyens. Lewis est sûr que le manque de protestation des Nations unies a envoyé un message clair au monde arabe[31].

Lewis écrit que la troisième vague d'antisémitisme a en commun avec la première vague, que les Juifs peuvent s'y soustraire : de même qu'avec l'antisémitisme religieux, les Juifs pouvaient prendre leur distance avec le judaïsme et, pour certains, atteindre des postes élevés à l'intérieur de l'église et de l'Inquisition, ils peuvent, en se joignant aux critiques, y échapper, alors que leur condition était immuablement fixée par l'antisémitisme racial. Le nouvel antisémitisme permet aussi, d'après Lewis, aux non-Juifs de critiquer et d'attaquer les Juifs sans se sentir suspectés des crimes des nazis[31].

Antisémitisme, mais pas nouveau

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Yehuda Bauer soutient que le « nouvel antisémitisme » n'est pas réellement nouveau.

Yehuda Bauer, professeur des études sur la Shoah à l'université hébraïque de Jérusalem, considère que le concept de « nouvel antisémitisme » est faux : il s'agit d'une nouvelle crise d'antisémitisme ancien, resté latent et réapparu du fait du conflit israélo-palestinien. Il déclinerait donc grandement si un compromis était atteint concernant le conflit israélo-palestinien, mais ne disparaîtrait pas[32].

Dina Porat, professeur à l'université de Tel-Aviv, estime, elle aussi, qu'il n'y a pas de nouvel antisémitisme, mais que l'on peut parler d'un antisémitisme dans une nouvelle enveloppe, apparue en Europe de l'Ouest depuis la seconde Intifada[32].

Georges Bensoussan, dont les considérations se limitent à la France, estime que ce n’est pas le conflit israélo-palestinien qui aurait été importé dans les banlieues mais l’antisémitisme qui avait cours au Maghreb, « lié à la fois à la culture traditionnelle des pays maghrébins, à l'islam et au contexte colonial »[33].

Un stratagème politique contradictoire

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Pour Norman Finkelstein, le « nouvel antisémitisme » est un argument utilisé périodiquement depuis les années 1970 par des organisations telles que la Ligue antidiffamation « non pas pour combattre l'antisémitisme, mais plutôt pour exploiter la souffrance historique des Juifs dans le but d'immuniser Israël contre les critiques »[34].

En Allemagne, Autriche, Pologne et Hongrie, on parle d'« antisémitisme secondaire » (allemand : Sekundärer Antisemitismus, polonais wtórny antysemityzm, hongrois másodlagos antiszemitizmus), dépeint comme une réaction haineuse d'une part contre la « culpabilisation collective » des nations sur le territoire desquelles s'est déroulée la Shoah, que les historiens rendent co-responsables de celle-ci en raison des actes des collaborateurs et antisémites locaux[35] et d'autre part, chez les personnes sensibles à la cause palestinienne, contre l'accusation d'antisémitisme (primaire) qui peut leur être adressée lorsqu'elles critiquent la politique israélienne[36].

Norman Finkelstein écrit que la colère contre « l'occupation par Israël a indubitablement conduit à une animosité contre les Juifs en général », qu'il décrit comme « lamentable », mais « dont il serait difficile de s'étonner »[37].

La plupart des témoignages présentés pour montrer un nouvel antisémitisme seraient uniquement le fait d'organisations liées d'une façon ou d'une autre à Israël, ainsi que celles qui ont « un intérêt à gonfler les faits antisémites », et divers incidents survenus au cours des dernières années, ne se sont jamais produits ou ont été abusivement attribués à l'antisémitisme[38]. Il cite, comme exemple de tels abus, le rapport de 2003 de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes qui inclut des images du drapeau palestinien, le support à l'OLP, et la comparaison entre Israël et l'Afrique du Sud du temps de l'apartheid dans sa liste d'activités et de croyances antisémites[39]. Il n'y aurait, en réalité, pas eu de montée significative de l'antisémitisme : « Que démontrent les preuves ? Des investigations sérieuses ont été menées. Tous les faits montrent qu'il n'y a pas de preuve du tout d'une montée d'un nouvel antisémitisme, que ce soit en Europe ou en Amérique du Nord. Les preuves sont inexistantes. Et en fait, il y a un nouveau livre sorti par un inconditionnel d'Israël. Son nom est Walter Laqueur, un très important chercheur. Le livre se nomme The Changing Face of Anti-Semitism (La face changeante de l'antisémitisme). Il est sorti en 2006, chez Oxford University Press. Il observe les preuves et dit : non. Il y a quelque antisémitisme en Europe parmi la communauté musulmane, mais la notion qui est au cœur de la société européenne ou de la société nord-américaine est que l'antisémitisme est absurde. Et en fait, une augmentation significative de l'antisémitisme est absurde »[40].

Il écrit que ce qui est appelé le nouvel antisémitisme consiste en trois composantes : (i) « exagération et fabrication » ; (ii) « fausse dénomination de la critique légitime de la politique israélienne » ; et (iii) « le débordement injustifié mais prévisible de la critique d'Israël aux Juifs en général »[41]. Il soutient que les apologistes d'Israël ont nié une relation causale entre la politique d'Israël et l'hostilité envers les Juifs, car « si la politique israélienne et son soutien par une majorité de Juifs conduit à une hostilité à l'égard des Juifs, cela signifierait qu'Israël et ses soutiens juifs seraient responsables eux-mêmes de l'antisémitisme »[42].

Finkelstein demande pourquoi une occupation par un État juif autoproclamé ne causerait pas d'antipathie à l'égard des Juifs, étant donné que les guerres du Vietnam et d'Iraq ont contribué à un antiaméricanisme, et que l'agression de l'Allemagne nazie a conduit à des sentiments antigermaniques. La seule surprise, selon lui, est que cette antipathie ne soit pas allée plus loin, alors que la majorité des organisations juives apporte un soutien à l'État d'Israël dénué de critique, qu'Israël se définit lui-même juridiquement comme l'État souverain du peuple juif, et que les Juifs eux-mêmes soutiennent quelquefois que faire une distinction entre Israël et les communautés juives de par le monde est un exemple d'antisémitisme. Il cite Phyllis Chesler qui pense d'un côté que « quelqu'un qui ne fait pas la différence entre les Juifs et l'État juif est un antisémite, » mais qui d'autre part affirme « qu'Israël est notre cœur et notre âme… nous sommes [de] la [même] famille »[43], ainsi que Gabriel Schoenfeld, l'éditeur du magazine Commentary, qui écrit que « les propagandistes antisémites iraniens se sont attachés à effacer toutes distinctions entre Israël, le sionisme et les Juifs »[44], et Hillel Halkin, qui soutient « qu'Israël est l'État des Juifs … diffamer Israël, c'est diffamer les Juifs »[45]. Il semblerait qu'être antisémite, conclut Finkelstein, c'est « d'identifier et de ne pas identifier Israël avec les Juifs »[46].

Une redéfinition inappropriée

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En septembre 2008, Antony Lerman, écrit dans le journal israélien Haaretz que le concept de « nouvel antisémitisme » a conduit à « un changement révolutionnaire dans les discussions sur l'antisémitisme ». Il indique que la plupart des discussions contemporaines concernant l'antisémitisme se sont focalisées sur Israël et le sionisme, et que l'équation « antisionisme égale antisémitisme » est devenue pour beaucoup une « nouvelle orthodoxie ». Il ajoute que cette redéfinition a souvent conduit à « des juifs attaquant d'autres juifs pour leur supposé antisionisme antisémite ». Lerman accepte la « légitimité de principe » de la dénonciation d'un antisémitisme juif supposé, mais il ajoute que la littérature colossale dans ce domaine « dépasse tout entendement » ; les attaques sont souvent au vitriol, et incluent des points de vue qui ne sont pas forcément antisionistes.

Lerman soutient que cette redéfinition a eu des répercussions malencontreuses. Il écrit que les études sérieuses sur l'antisémitisme contemporain sont devenues « pratiquement inexistantes », et que le sujet est maintenant étudié et analysé principalement par « {{{1}}} ». Lerman conclut que cette redéfinition a servi en fin de compte à étouffer la discussion légitime, et qu'elle ne peut pas servir de base pour la lutte contre l'antisémitisme[47].

Peter Beaumont, dans The Observer, fait remarquer que les partisans du concept de « nouvel antisémitisme » ont essayé de mettre à profit les sentiments anti-juif et les attaques de certains musulmans européens pour faire taire toute opposition envers la politique du gouvernement israélien. « Critiquer Israël », écrit-il, « et vous êtes un antisémite, aussi sûrement que si vous jetiez de la peinture sur une synagogue de Paris »[48].

Perspectives internationales

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Union européenne

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L'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC) (remplacé en 2007 par l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne) note un développement des incidents antisémites en France, Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique et les Pays-Bas entre juillet 2003 et décembre 2004[49]. En septembre 2004, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, une commission du Conseil de l'Europe, appelle tous ses membres à vérifier que leurs lois contre le racisme couvrent bien l'antisémitisme, et en 2005, l'EUMC propose une définition de l'antisémitisme afin de définir un standard à utiliser pour la collecte des données[50] : « L'antisémitisme est une certaine perception des Juifs, qui peut s'exprimer sous forme de haine à l'égard des Juifs. Les manifestations rhétoriques et physiques de l'antisémitisme sont dirigées contre des Juifs et des individus non-juifs et/ou leurs biens, vers les institutions communautaires et les établissements religieux juifs ». Ce texte inclut à titre d'exemples :

  • dénier au peuple juif le droit à l'autodétermination, en déclarant que l'existence de l'État d'Israël est dans son principe raciste ;
  • appliquer un double standard en exigeant d'Israël un comportement non prévu ou non demandé aux autres nations démocratiques ;
  • utiliser des symboles et des images associés à l'antisémitisme classique (par exemple en proclamant que les Juifs ont tué le Christ ou en les accusant de meurtres rituels) pour caractériser Israël et les Israéliens ;
  • faire des comparaisons entre la politique des Israéliens actuels et celle des nazis ;
  • tenir les Juifs collectivement responsables de l'action de l'État d'Israël[51],[52].

L'EUMC ajoute que critiquer Israël ne peut pas être considéré comme de l'antisémitisme, tant que la critique est « identique à celle constatée contre d'autres nations »[51].

En 2004, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Dominique de Villepin demande un rapport sur le racisme et l'antisémitisme à Jean-Christophe Rufin, président d'Action contre la faim et ancien vice-président de Médecins sans frontières. Dans ce document daté d'octobre 2004, Rufin récuse la perception d'un nouvel antisémitisme en France provenant uniquement des immigrés d'Afrique du Nord et de l'extrême droite[53],[54]. Il écrit que « le nouvel antisémitisme apparaît plus hétérogène » et identifie ce qu'il appelle une nouvelle et « subtile » forme d'antisémitisme dans « l'antisionisme radical » tel qu'il est exprimé par les mouvements d'extrême gauche et d'antimondialisation, dans laquelle la critique des Juifs et d'Israël est utilisée comme prétexte pour « légitimer le conflit armé palestinien »[55],[56].

Meïr Waintrater, représentant le CRIF, conteste cette étude, « qui est en fait un petit article publié sur plusieurs sites Internet, » en arguant que son auteur interprète les données de façon tendancieuse, en omettant les statistiques relatives aux agressions racistes et antisémites, lesquelles montrent une augmentation quantitative et qualitative à partir de l’an 2000. Il reproche en outre à Laurent Mucchielli « d'accuser les institutions juives de ne pas être capables de prendre leurs distances vis-à-vis de l’État israélien, cette incapacité expliquant selon lui, sans la justifier bien sûr, la montée des actes antijuifs »[57].

Pascal Boniface.

Pascal Boniface, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques, réagissant le dans le Nouvel observateur aux propos de Manuel Valls qui a dénoncé « un nouvel antisémitisme qui se cache derrière un antisionisme de façade » a estimé que « le ministre de l’Intérieur a mis le doigt sur une réalité. Mais il en a occulté une partie ». Il a considéré qu'« Il est vrai que dans certains discours, le terme de "sioniste" a remplacé le terme de "juif" pour des raisons qui n'ont rien de saines. Afin d'échapper à la législation qui pénalise les propos antisémites, certains entretiennent une confusion volontaire entre juifs et sionistes, espérant échapper aux foudres de la loi en utilisant le second terme à la place du premier. On ne parle plus de complot juif mais de complot sioniste. Le terme sioniste est devenu péjoratif, disqualifiant et même injurieux » et que « cette confusion est lourde de sous-entendus, de confusion intellectuelle et de conséquences politiques ». Il considère qu'il y a « une confusion malsaine entre sionisme et hostilité à la reconnaissance des droits du peuple palestinien » soulignant qu'ils ne sont pas incompatibles, et qu'« au final ceux qui sont favorables à la solution des deux États ne peuvent pas être antisionistes ». Dans la même mesure il dénonce le fait que « de nombreux responsables institutionnels et intellectuels juifs français qui exhortent tous les juifs à être inconditionnellement solidaires du gouvernement d’Israël ont une grande part de responsabilité dans cette confusion. L'accusation récurrente d'antisémitisme opposée à ceux qui ne font qu'émettre une critique politique du gouvernement israélien crée un amalgame tout aussi funeste et contribue à l’importation du conflit israélo-palestinien en France »[58].

Le , 250 personnalités du monde intellectuel, politique ou religieux[59] signent un manifeste contre le nouvel antisémitisme où ils dénoncent le nouvel antisémitisme et demandent « que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés d’obsolescence par les autorités théologiques ». Ce manifeste provoque l'indignation de responsables musulmans; dont le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur qui écrit : « Le procès injuste et délirant d'antisémitisme fait aux citoyens français de confession musulmane et à l'islam de France à travers cette tribune présente le risque patent de dresser les communautés religieuses entre elles »[60] alors que pour Gunther Jikeli, professeur associé à l'université d'Indiana[61] « le fait que l’antisémitisme soit particulièrement répandu parmi les musulmans n’en reste pas moins une évidence écrasante »[62]. Dans une tribune publiée le 24 avril par le journal Le Monde[63], Tareq Oubrou et trente imams, après avoir exprimé leur « compassion » aux victimes de crimes antisémites, se déclarent « indignés […] comme musulmans qui souffrent de la confiscation de leur religion » et « en tant qu'imams et théologiens qui voyons l'islam tomber dans les mains d'une jeunesse ignorante, perturbée et désœuvrée »[63]. Ils réfutent aussi le fait que ce soit le Coran qui appelle au meurtre, qualifiant « cette idée funeste d'une violence inouïe ». Ils appellent les imams éclairés à s'investir et à s'engager dans le virtuel et prodiguer un contre-discours qui prévient toutes pratiques de rupture et toutes formes d'extrémisme pouvant directement ou indirectement conduire au terrorisme[63].

En avril 2018, après plusieurs incidents, la chancelière Angela Merkel dénonce à son tour un nouvel antisémitisme en déclarant : « nous avons des réfugiés ou des personnes d'origine arabe qui introduisent une autre forme d'antisémitisme dans le pays »[64].

Royaume-Uni

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La commission d'enquête interpartis du Parlement britannique, sur l'antisémitisme au Royaume-Uni, a publié son rapport en septembre 2006. Elle a adopté la position exprimée par le rapport MacPherson après le meurtre en 1993 du jeune noir Stephen Lawrence, qu'un acte raciste est défini par sa victime, et que c'est la communauté juive qui est le mieux à même de déterminer ce qui est antisémite[65].

Le rapport indique que les activistes d'extrême gauche et les extrémistes musulmans utilisent la critique d'Israël comme « prétexte » pour l'antisémitisme[66], et que la « découverte la plus inquiétante » est que l'antisémitisme apparaît être en train de se banaliser[67]. Il constate que l'antisionisme peut devenir antisémite quand il adopte la position que le sionisme est « une force globale de puissance et de malveillance illimitées tout au long de l'histoire », une définition qui « ne prend pas en considération ce que pense la plupart des Juifs de ce concept: que c'est un mouvement de libération nationale juif ». Ayant redéfini le sionisme, la rapport affirme que les motifs traditionnels antisémites de « puissance de conspiration, de manipulation et de subversion juives » sont souvent transférés des Juifs sur le sionisme. Le rapport note que c'est là le « cœur du nouvel antisémitisme, sur lequel beaucoup de choses ont été écrites », ajoutant que l'antisionisme est devenu la « lingua franca des mouvements antisémites »[68].

Lord Janner of Braunstone, ancien député travailliste d'origine juive, donne des témoignages concernant les remarques antisémites qui lui furent adressées au Parlement. Après l'arrestation de Saddam Hussein, une de ses pairs s'est approchée de lui et lui a dit : « Nous nous sommes débarrassés de Saddam Hussein. Les vôtres sont les suivants », et quand il lui demanda ce qu'elle entendait par « les vôtres », elle répondit : « Oui, vous ne pouvez pas en permanence continuer à tuer des Palestiniens, vous savez ». Oona King, de mère juive et de père afro-américain, ancienne députée travailliste de Bethnal Green and Bow, donne aussi comme témoignage que de nombreux électeurs lui ont dit qu'ils ne voteront pas pour elle car elle était financée par les services secrets israéliens[69].

En novembre 2001, en réponse à une émission télévisée d'Abou Dabi présentant Ariel Sharon buvant du sang d'enfants palestiniens, le gouvernement israélien met en place le « Forum de coordination pour contrecarrer l'antisémitisme », dirigé par le rabbin Michaël Melchior, vice-ministre des Affaires étrangères. Selon Melchior, « à chaque génération, l'antisémitisme essaie de cacher sa face hideuse derrière des déguisements variés, et la haine de l'État d'Israël est son déguisement actuel ». Il ajoute que « la haine contre Israël a franchi la ligne rouge, passant de la critique au venin antisémite effréné, qui est une traduction précise de l'antisémitisme classique dont les conséquences passées sont toutes trop connues du monde entier »[70].

Organisation des Nations unies

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De nombreux commentateurs confirment que l'Organisation des Nations unies (ONU) a bien condamné l'antisémitisme[71]. Lawrence Summers, à l'époque président de l'université Harvard, écrit que la Conférence mondiale contre le racisme de l'ONU a omis de condamner les violations des droits de l'homme en Chine, au Rwanda ou partout dans le monde arabe, tout en se focalisant sur un présumé « nettoyage ethnique » ou « crimes contre l'humanité » d'Israël[72].

David Matas, avocat-conseil du B'nai B'rith Canada, soutient que l'ONU est un forum pour les antisémites, citant l'exemple du représentant palestinien à la Commission des droits de l'homme de l'ONU, qui affirma en 1997 que les docteurs israéliens avaient injecté aux enfants palestiniens le virus du SIDA[73]. Steve Chabot, membre du Congrès américain, a déclaré à la Chambre des représentants en 2005, que la commission a mis « plusieurs mois pour corriger dans son rapport une affirmation de l'ambassadeur de Syrie que les Juifs avaient tué des enfants non-juifs pour faire de la matza pour Pessa'h (la Pâque juive) »[74].

Anne Bayefsky, une spécialiste canadienne du droit, qui a interpellé l'ONU concernant le traitement d'Israël, indique que l'ONU a détourné le langage des droits de l'homme pour discriminer et diaboliser les Juifs. Elle écrit que plus d'un quart des résolutions condamnant des violations des droits de l'homme par un État, ont été dirigées contre Israël. « Mais il n'y a pas eu une seule résolution sur la répression, qui dure depuis des décennies, des droits civils et politiques de 1,3 milliard de gens en Chine, ou sur le million de femmes travailleuses migrantes en Arabie saoudite, gardées comme des esclaves virtuelles, ou sur le racisme virulent au Zimbabwe qui a conduit plus de 600 000 personnes au bord de la famine »[75].

Le 10 novembre 1975, la résolution 3379 de l'Assemblée générale des Nations unies, titrée « Élimination de toutes les formes de discrimination raciale », considère que « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ». Elle a été révoquée le 16 décembre 1991 par la résolution 46/86. Le 21 juin 2004, à l'occasion de l'ouverture de la première conférence des Nations unies sur l'antisémitisme, le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan souligne : « Force est de reconnaître que les actions de l'Organisation des Nations unies en matière d'antisémitisme n'ont pas toujours été à la mesure de ses idéaux. Il est déplorable que l'Assemblée générale ait adopté en 1975 une résolution dans laquelle elle assimilait le sionisme au racisme et je me félicite qu'elle soit depuis revenue sur sa position »[76].

En 2008, dans un rapport sur l'antisémitisme rédigé par le Département d'État des États-Unis et adressé au Congrès américain :

« Les motifs pour critiquer Israël à l'ONU peuvent provenir de préoccupations légitimes sur la politique ou de préjugés illégitimes. (…) Cependant, indépendamment du but, les critiques disproportionnées d'Israël sont barbares et sans scrupules et les mesure discriminatoires correspondantes adoptées par l'ONU contre Israël ont pour effet d'associer des particularités négatives aux Juifs en général, et donc d'alimenter l'antisémitisme[77]. »

États-Unis

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Le Département d'État américain dans son rapport de 2004 sur le suivi de l'antisémitisme a identifié quatre sources de développement de l'antisémitisme, principalement en Europe :

  • « Les préjugés anti-juifs traditionnels… qui comprend les ultranationalistes et d'autres groupes, qui pensent que la communauté juive contrôle les gouvernements, les médias, les sociétés internationales et le monde de la finance ».
  • « Le fort sentiment anti-israélien qui franchit la ligne entre la critique objective de la politique israélienne et l'antisémitisme ».
  • « Les sentiments anti-Juifs exprimés par certains dans la population musulmane en forte croissance en Europe, basés sur une antipathie de longue date à l'égard d'Israël ainsi que des Juifs, ainsi que sur l'opposition musulmane à la politique en Israël et dans les territoires occupés, et plus récemment en Irak ».
  • « La critique des États-Unis et de la mondialisation qui englobe Israël et les Juifs qui sont identifiés aux deux »[49].

En juillet 2006, la Commission américaine des droits de l'homme a publié un rapport relatif à « l'antisémitisme sur les campus », qui déclare que « le sectarisme antisémite n'est pas moins déplorable moralement quand il est camouflé comme anti-israélien ou antisioniste »[78]. À cette époque, la Commission annonce aussi que l'antisémitisme est un « sérieux problème » sur de nombreux campus d'un bout à l'autre des États-Unis[79].

En septembre 2006, l'université Yale annonce qu'elle vient de créer le Yale Initiative for Interdisciplinary Study of Antisemitism (YIISA)[80], le premier institut en Amérique du Nord, situé dans une université et consacré à l'étude de l'antisémitisme. Charles Small, directeur de l'institut, a mentionné dans un communiqué de presse que l'antisémitisme « se manifeste de nouveau internationalement d'une manière que de nombreux chercheurs et décideurs politiques prennent très au sérieux… D'une façon croissante, les communautés juives de par le monde se sentent menacées. C'est presque comme retourner au labo. Je pense que nous devons comprendre la manifestation actuelle de cette maladie »[81]. YIISA a organisé plusieurs séminaires et publié plusieurs documents sur le sujet, par exemple : Le débat académique et public sur la signification du Nouvel antisémitisme.

Notes et références

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  7. Arnold Forster & Benjamin Epstein: The New Anti-Semitism. McGraw-Hill 1974, p. 324.
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Articles connexes

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Bibliographie

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En français

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Liens externes

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