Pétrole

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Le pétrole (en latin petroleum, du grec petra, « roche », et du latin oleum, « huile »), dit aussi Naphte dans l'antiquité, est une roche liquide d'origine naturelle, une huile minérale composée d'une multitude de composés organiques, essentiellement des hydrocarbures, piégée dans des formations géologiques particulières.

L'exploitation de cette source d'énergie fossile et d'hydrocarbures est l’un des piliers de l’économie industrielle contemporaine, car le pétrole fournit la quasi-totalité des carburants liquides — fioul, gazole, kérosène, essence, GPL — tandis que le naphta produit par le raffinage est à la base de la pétrochimie, dont sont issus un très grand nombre de matériaux usuels — plastiques, textiles synthétiques, caoutchoucs synthétiques (élastomères), détergents, adhésifs, engrais, cosmétiquesetc. — et que les fractions les plus lourdes conduisent aux bitumes, paraffines et lubrifiants. Le pétrole dans son gisement est fréquemment associé à des fractions légères qui se séparent spontanément du liquide à la pression atmosphérique, ainsi que diverses impuretés comme le dioxyde de carbone, le sulfure d'hydrogène, l'eau de formation et des traces métalliques.

Avec 32,0 % de l'énergie primaire consommée en 2017, le pétrole est la source d'énergie la plus utilisée dans le monde devant le charbon (27,1 %) et le gaz naturel (22,2 %) ; sa part a fortement reculé : elle atteignait 46,3 % en 1973.

En 2018, selon BP, les réserves mondiales prouvées de pétrole atteignaient 244,1 Gt (milliards de tonnes), en progression de 15,8 % par rapport à 2008 et de 51,6 % par rapport à 1998. Elles représentaient 50,0 années de production au rythme de 2018 : 4,47 Gt, dont 41,5 % produits par les pays membres de l'OPEP ; les trois principaux producteurs : États-Unis, Arabie saoudite et Russie, totalisaient 41,2 % de la production mondiale. Les principaux importateurs de pétrole sont l'Europe, la Chine, les États-Unis, l'Inde et le Japon ; les principaux exportateurs sont l'Arabie saoudite, la Russie, l'Irak, le Canada, les Émirats arabes unis et le Koweït.

L'Agence internationale de l'énergie évalue les émissions mondiales de CO2 dues au pétrole à 11 232 Mt (millions de tonnes) en 2016, en progression de 32,2 % depuis 1990 ; ces émissions représentent 34,6 % des émissions dues à l'énergie en 2017, contre 44,2 % pour le charbon et 20,5 % pour le gaz naturel.

Chevalet de pompage à Lubbock, Texas, aux États-Unis.

Étymologie

Le substantif masculin[1],[2],[3],[4] pétrole est un emprunt[1],[2] au latin médiéval petroleum, proprement « huile de pierre »[2], composé de petra et oleum, respectivement « pierre » et « huile » en latin classique.

Types et qualité du pétrole

Chaque gisement pétrolier recèle une qualité particulière de pétrole, déterminée par la proportion relative en molécules lourdes et légères, mais aussi par la quantité d'impuretés. L'industrie pétrolière caractérise la qualité d'un pétrole à l'aide de sa densité API, correspondant à sa « légèreté » : un brut de moins de 10 °API est plus dense que l'eau et correspond à un bitume, tandis qu'une huile de plus de 31,1 °API correspond à un brut léger. Les pétroles compris entre 10 et 45 °API étaient dits conventionnels, tandis qu'en dehors de cet intervalle les pétroles étaient dits non conventionnels ; cette définition est néanmoins évolutive car les technologies actuelles permettent de traiter par des procédés standards des pétroles jusqu'alors considérés comme exotiques : les condensats, situés au-delà des 45 °API, en sont une bonne illustration.

Affleurement de sable bitumineux à Trinité-et-Tobago.

Les diverses catégories de pétrole non conventionnel constituent aujourd'hui un axe majeur du développement de l'industrie pétrolière. Une de ces catégories est le pétrole brut de synthèse issu du schiste bitumineux et des sables bitumineux. BP estime les réserves de sables bitumineux fin 2018 à 424 Mds bl (261,4 Mds bl au Venezuela et 162,3 Mds bl au Canada) ; l'intégration du pétrole de schiste a plus que doublé les réserves des États-Unis, de 28,4 Mds bl en 2008 à 61,2 Mds bl en 2018[5]. Les réserves de sables bitumineux de l'Athabasca, dans la province de l'Alberta, au Canada dépassent de loin les réserves de brut conventionnel canadien, estimées à 5,5 Mds bl[5].

Si les quantités sont impressionnantes, la rentabilité économique de l'exploitation de ces gisements est sensiblement inférieure à celle des gisements de brut conventionnel du Moyen-Orient, avec des coûts d'exploitation de 10 à 14 CAD par baril[6] contre quelques USD par baril en Arabie saoudite. Mais les coûts complets de production, y compris investissements, sont beaucoup plus élevés, entre 40 et 80 Dollars canadiens par baril[7]. Les chiffres sont assez variables à ce sujet, tout en restant nettement plus élevés que ceux des productions traditionnelles. En 2011, le cours du baril à proximité de 100 USD rendait toutes ces opérations très rentables, ce qui n'est plus le cas en 2015 avec l'effondrement des cours du pétrole à 50 USD par baril, et encore moins début 2020 avec la chute de 45 % à environ $25 Dollars le baril.

Par ailleurs, l'exploitation (production et raffinage primaire) des sables bitumineux est fortement polluante (air, eau, terre) et est de ce fait fortement contestée tant au niveau de la production que des échanges.

D'autres variétés de pétrole non conventionnelles sont également envisagées, telles que le charbon liquéfié, l'essence synthétique et les pétroles issus de la biomasse.

Géologie

Le pétrole, tout comme le charbon, s'est formé par la décomposition de résidus d'organismes vivants qui se sont transformés en pétrole par des processus chimiques sur des millions d'années. Des scientifiques ont réussi à produire du pétrole à l'aide de certains types d'algues[8].

Formation

Le pétrole est un produit de l'histoire géologique d’une région[9], et particulièrement de la succession de trois conditions :

  • L'accumulation de matière organique, provenant de la décomposition d'organismes marins (principalement de plancton) accumulés dans des bassins sédimentaires, au fond des océans, des lacs et des deltas.
  • Sa maturation en hydrocarbures.
  • Son emprisonnement.

De grandes quantités de pétrole se sont ainsi formées il y a 20 à 350 millions d’années. Ensuite, comme un gisement de pétrole est entraîné dans la tectonique des plaques, l’histoire peut se poursuivre. Il peut être enfoui plus profondément et se pyrolyser à nouveau, donnant un gisement de gaz naturel - on parle alors de « gaz thermogénique secondaire », par opposition au « gaz thermogénique primaire » formé directement par pyrolyse du kérogène. Le gisement peut également fuir, et le pétrole migrer à nouveau, vers la surface ou un autre piège.

Il faut ainsi un concours de circonstances favorables pour que naisse un gisement de pétrole (ou de gaz), ce qui explique d’une part que seule une infime partie de la matière organique formée au cours des ères géologiques ait été transformée en énergie fossile et, d’autre part, que ces précieuses ressources soient réparties de manière très disparate dans le monde.

Accumulation de matière organique

En règle générale, la biosphère recycle la quasi-totalité des sous-produits et débris. Cependant, une petite minorité de la matière « morte » sédimente, c’est-à-dire qu’elle s'accumule par gravité et est enfouie au sein de la matière minérale, et dès lors coupée de la biosphère. Ce phénomène concerne des environnements particuliers, tels que les endroits confinés (milieux paraliques : lagunes, deltas…), surtout en milieu tropical et lors de périodes de réchauffement climatique intense (comme le silurien, le jurassique et le crétacé), où le volume de débris organiques excède la capacité de « recyclage » de l’écosystème local. C’est durant ces périodes que ces sédiments riches en matières organiques (surtout des lipides) s’accumulent.

Maturation de la matière organique

Au fur et à mesure que des couches de sédiments se déposent au-dessus de cette strate riche en matières organiques, la « roche-mère » ou « roche-source », croît en température et en pression. Dans ces conditions, avec certaines bactéries anaérobies, la matière organique se transforme en kérogène, un « extrait sec » disséminé dans la roche sous forme de petits grumeaux. Si la température devient suffisante (le seuil est à au moins 50 °C, généralement plus selon la nature de la roche et du kérogène), et si le milieu est réducteur, le kérogène sera pyrolysé, extrêmement lentement[10].

Le kérogène produit du pétrole et/ou du « gaz naturel », qui sont des matières plus riches en hydrogène, selon sa composition et les conditions d’enfouissement. Si la pression devient suffisante, ces fluides s’échappent, ce qu’on appelle la migration primaire. En général, la roche source a plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’années quand cette migration se produit. Le kérogène lui-même reste en place, appauvri en hydrogène.

Piégeage des hydrocarbures

Quant aux hydrocarbures expulsés, plus légers que l’eau, ils s’échappent en règle générale jusqu’à la surface de la Terre où ils sont oxydés, ou bio dégradés (ce dernier cas donne des sables bitumineux), mais une minime quantité est piégée : elle se retrouve dans une roche réservoir, zone perméable (généralement du sable, des carbonates ou des dolomites) d'où il ne peut s’échapper à cause d’une roche couverture couche imperméable (composée d’argile, de schiste et d'évaporites), la « roche piège » formant une structure-piège.

Il existe plusieurs types de pièges. Les plus grands gisements sont en général logés dans des pièges anticlinaux. On trouve aussi des pièges sur faille ou mixtes anticlinal-faille, des pièges formés par la traversée des couches par un dôme salin, ou encore créés par un récif corallien fossilisé.

Théorie du pétrole abiotique

La théorie du pétrole abiotique (aussi connue sous la dénomination anglaise de modern Russian-Ukrainian theory) fut essentiellement soutenue par les Soviétiques dans les années 1950 et 1960. Son principal promoteur, Nikolai Kudryavtsev, postulait la formation de pétrole dans le manteau terrestre à partir d'oxyde de fer II (FeO), de carbonate de calcium (CaCO3) et d'eau. Il indiquait également que cette réaction devait théoriquement se produire si la pression est supérieure à 30 kbar (correspondant aux conditions qui règnent naturellement à une profondeur supérieure à 100 km dans le manteau terrestre).

Rendue obsolète au fur et à mesure que la compréhension des phénomènes géologiques et thermodynamiques en jeu progressaient[11], la théorie du pétrole abiotique reste marginale au sein de la communauté scientifique. En pratique, elle n'a jamais pu être utilisée avec succès pour découvrir de nouveaux gisements.

Classifications des pétroles

On distingue les pétroles en fonction de leur origine et donc de leur composition chimique. Le mélange d’hydrocarbures issu de ce long processus comprend des chaînes carbonées linéaires plus ou moins longues, ainsi que des chaînes carbonées cycliques naphténiques ou aromatiques.

Il est aussi possible de distinguer les différents types de pétrole selon leur densité, leur fluidité, leur teneur en soufre et autres impuretés (vanadium, mercure et sels) et leurs proportions en différentes classes d’hydrocarbures. Le pétrole est alors paraffinique, naphténique ou aromatique.

On classe aussi les pétroles selon leur provenance (golfe Persique, mer du Nord, Venezuela, Nigeria), car le pétrole issu de gisements voisins a souvent des propriétés proches.

Il existe des centaines de bruts de par le monde ; certains servent d'étalon pour établir le prix du pétrole d’une région donnée : les plus utilisés sont l'Arabian Light (brut de référence du Moyen-Orient), le Brent (brut de référence européen) et le West Texas Intermediate (WTI, brut de référence américain). A un moindre niveau, les pétroles produits dans les provinces de l'ouest du Canada, en particulier l'Alberta ont un indice de prix moyen dit 'WCS' pour Western Canadian Select. Organisation des pays exportateurs de pétrole ('OPEP', 'OPEC' en anglais) publie un indice de référence de prix moyen établi sur un panier de différents types de pétroles produits par ses membres, dit 'ORB' (OPEC Reference Basket).

Selon sa provenance, le brut peut contenir du gaz dissous, de l’eau salée, du soufre et des produits sulfurés (thiols, mercaptans surtout). Il a une composition trop riche pour être décrite en détail. Il faut distinguer simplement trois catégories de brut :

  • À prédominance paraffinique : les hydrocarbures linéaires sont les plus abondants ; ces bruts sont les plus recherchés car ils donnent directement une grande proportion de produits légers comme l'essence et le gazole ;
  • À prédominance naphténique : avec beaucoup d'hydrocarbures à cycle saturé ;
  • À prédominance aromatique : les hydrocarbures présentant un cycle carboné insaturé sont plus abondants.

De plus, il existe des bruts aptes à faire du bitume, ce sont des bruts très lourds de type Boscan, Tia Juana, Bachaquero ou Safaniyah. Les deux principaux critères pour classer les centaines de bruts différents qui existent sont la densité et la teneur en soufre, depuis le plus léger et le moins sulfureux (qui a la plus haute valeur commerciale) qui est du condensat, jusqu’au plus lourd et au plus sulfureux qui contient 90 % de bitume environ : c’est un brut d’Italie.

Histoire

Feu grégeois, qui contenait peut-être du kérosène, obtenu à partir de la distillation du pétrole.
Source et ruisseau bitumeux du Puy de la Poix, sur la commune de Clermont-Ferrand (France).
Production mondiale de pétrole depuis 1900.

Le pétrole est connu et utilisé depuis la plus haute Antiquité. Il forme des affleurements[12] dans les lieux où il est abondant en sous-sol ; ces affleurements ont été utilisés de nombreuses façons : calfatage des bateaux[13], ciment pour le pavage des rues, source de chauffage et d'éclairage, et même produit pharmaceutique. Sa distillation, décrite dès le Moyen Âge, donne un intérêt supplémentaire à ce produit pour les lampes à pétrole.

D'après le Dictionnaire Général des Drogues[14] de Lemery revu et corrigé par Simon Morelot en 1807, « on se sert du pétrole en médecine, dans les maladies des muscles, la paralysie, la faiblesse des nerfs, et pour les membres gelés, en friction. On s'en sert aussi pour les ulcères des chevaux ».

À partir des années 1850, le pétrole fait l'objet d'une exploitation et d'une utilisation industrielle. Il est exploité en 1857 en Roumanie, en 1859 aux États-Unis, dans l'État de Pennsylvanie, et en 1861 à Boryslav en Ukraine. À partir de 1910, il est considéré comme une matière première stratégique, à l'origine de la géopolitique du pétrole. La période 1920-1970 est marquée par une série de grandes découvertes de gisements, particulièrement au Moyen-Orient, qui fait l'objet de toutes les convoitises. Les marchés des produits pétroliers se développent également ; outre les carburants comme l'essence, le gazole et le fioul lourd, qui accompagnent l'essor des transports dans leur ensemble, l'industrie pétrolière génère une myriade de produits dérivés, au nombre desquels les matières plastiques, les textiles et le caoutchouc artificiels, les colorants, les intermédiaires de synthèse pour la chimie et la pharmacie. Ces marchés permettent de valoriser la totalité des composants du pétrole. En 1970, la production de pétrole des États-Unis atteint un maximum, qu'avait prédit le géophysicien Marion King Hubbert.

La période 1973-1980 marque l'histoire du monde avec les premier et deuxième chocs pétroliers. À partir de 1986, le contre-choc pétrolier voit le prix du baril s'effondrer. En 2003, le prix du baril remonte, en dépit d'une production toujours assurée et d'une relative paix mondiale, à cause de la spéculation sur les matières premières en général ; quand cette spéculation s'arrêtera brutalement en 2008, le prix du baril suivra cette évolution spectaculaire. Les années 2000 voient plusieurs nouveaux géants du secteur public dans les BRICS, comme Petrobras et Petrochina, réaliser les plus grandes introductions en Bourse de l'histoire du pétrole, avec des valorisations symboles de la confiance des investisseurs dans leur croissance.

Économie

Source : BP[5]

Unités de mesure

Les unités couramment utilisées pour quantifier le volume de pétrole sont les Mbbl ou Gbbl pour les réserves mondiales, les Mbbl/j pour la production, « bbl » signifiant « blue barrel », les préfixes « M » et « G » signifiant respectivement million et milliard (méga et giga). Un baril représente exactement 42 gallons (américains), soit 158,987 litres. Cette unité, bien qu’universellement utilisée pour le pétrole, n’est pas une unité légale, même aux États-Unis. Un tonne métrique de pétrole (1 000 kg) représente 7,3 barils, soit 306,6 gallons, soit 1 161 litres ; son contenu énergétique avoisine les 10 Gcal, soit à peu près 42 GJ, ou 11,6 MWh (thermiques), pour un pétrole de qualité "moyenne" ; cette quantité d'énergie permet de définir la tonne d'équivalent pétrole (tep, ou toe en anglais "tonne of oil equivalent").

On trouve également des données en tonnes. Afin de permettre les comparaisons entre pétroles de pouvoir calorifique différent et avec les autres sources d'énergie, l'Agence internationale de l'énergie et nombre d'autres organismes (Eurostat, ministères de l'énergie de la plupart des pays) utilisent la tonne d'équivalent pétrole.

Pour avoir une idée des ordres de grandeur, il est possible d’examiner la capacité du plus grand réservoir connu de pétrole, Ghawar, qui est d’environ 70 Gbbl extractibles[N 1] et de la comparer à la production mondiale qui est de 81 Mbbl/j[N 2],[N 3]. On en déduit que le plus grand réservoir connu correspond à environ deux ans et demi de la consommation mondiale totale actuelle[N 4].

Réserves pétrolières

Réserves prouvées de pétrole en 2013[15].

En 2018, selon BP, les réserves mondiales prouvées (réserves estimées récupérables avec une certitude raisonnable dans les conditions techniques et économiques existantes) de pétrole atteignaient 244,1 milliards de tonnes (1 729,7 milliards de barils), en hausse de 0,1 % par rapport à l'année précédente, de 15,8 % par rapport à 2008 et de 51,6 % par rapport à 1998. Elles représentaient 50,0 années de production au rythme de 2018[5].

Les volumes d'hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) découverts ont chuté de 13 % en 2017 pour atteindre 11 milliards de barils, niveau le plus bas depuis les années 1990. Les dépenses d'exploration des compagnies ont chuté de 60 % depuis leur record atteint en 2014, et la taille des découvertes est de plus en plus petite[16].

Les réserves pétrolières désignent le volume de pétrole récupérable, à partir de champs de pétrole découverts, sur la base des contraintes économiques et techniques actuelles. Ce volume est estimé à partir de l'évaluation de la quantité de pétrole présente dans les champs déjà connus, affectée d'un coefficient minorant dépendant de la capacité des technologies existantes à extraire ce pétrole du sous-sol. Ce coefficient dépend de chaque champ, il peut varier de 10 à 50 %, avec une moyenne mondiale de l'ordre de 35 % en 2009. L'évolution des techniques tend à accroître ce coefficient (techniques de récupération assistée du pétrole).

Les réserves sont rangées dans différentes catégories, selon leur probabilité d'existence dans le sous-sol : réserves prouvées (probabilité de plus de 90 %), réserves probables (de 50 à 90 %) et réserves possibles (de 10 à 50 %).

On distingue également différentes sortes de réserves en fonction du type de pétrole : pétrole conventionnel ou pétroles non conventionnels. Les pétroles non conventionnels sont essentiellement constitués des huiles extra-lourdes, du sable bitumineux et des schistes bitumineux. La rentabilité des gisements de pétrole non conventionnels est incertaine, car la quantité d'énergie nécessaire à leur extraction est plus importante.

graphique temporel des réserves
Réserves prouvées dans les 5 plus gros pays détenteurs de réserves.

Jusqu'au début des années 2000, les statistiques de réserves correspondaient aux réserves prouvées de pétrole conventionnel. Mais l'intégration des réserves des sables bitumineux (Canada, Venezuela) et des schistes bitumineux (États-Unis) a fortement relevé l'estimation des réserves mondiales, qui est passée de 1 141 Mds bl (milliards de barils) en 1998 à 1 730 Mds bl en 2018, dont 424 Mds bl de sables bitumineux (261,4 Mds bl au Venezuela et 162,3 Mds bl au Canada) ; l'intégration du pétrole de schiste a plus que doublé les réserves des États-Unis, de 28,4 Mds bl en 2008 à 61,2 Mds bl en 2018[5].

La quantité de réserves dépend d'estimations très variables dans leur qualité et leur ancienneté. Elles sont donc remises à jour chaque année, au fur et à mesure que des informations plus précises sont apportées sur les gisements déjà découverts. Toutefois, les réserves des pays de l'OPEP, qui représentent les trois quarts des réserves mondiales, ont souvent été considérées comme sujettes à caution, car d'une part elles ont été artificiellement augmentées dans les années 1980, et d'autre part, les quantités de réserves annoncées par ces pays ne varient pas depuis cette augmentation malgré l'absence de découvertes majeures[17]. Ainsi, les réserves totales de onze pays de l'OPEP en 2003 varient entre 891 milliards de barils selon l'OPEP et 491 milliards de barils selon Colin Campbell, expert à l'ASPO[18]. Cependant, les statistiques de BP font ressortir une progression constante de ces réserves, de 828 milliards de barils en 1998 à 1 028 milliards de barils en 2008 et 1 242 milliards de barils en 2018, dont, il est vrai, 261,4 Mds bl de sables bitumineux au Venezuela[5].

La courbe d'évolution des réserves dépend en outre de la façon dont les mises à jour sont comptabilisées dans le temps. Si les mises à jour sont comptabilisées à la date de découverte du gisement, les réserves sont dites backdated. Selon cette méthode d'estimation, préconisée par les experts de l'ASPO, la quantité des réserves mondiales de pétrole décroît depuis l'année 1980[19].

Les réserves ne tiennent pas compte des régions pétrolifères non connues. En 2009, la découverte de pétrole non conventionnel dans la région de l'Orénoque au Venezuela avec une réserve de 513 milliards de barils, a permis de compenser en partie la diminution des réserves de pétrole conventionnel (voir réserves du Venezuela[20]).

Cependant, la tendance est à une diminution des découvertes de gisements depuis 1965. Au cours des années 2000, les quantités de pétrole découvertes chaque année représentaient approximativement un tiers de la production mondiale[21]. Les dix premiers gisements mondiaux en termes de débit de production ont tous été découverts avant 1976[22].

Pour autant, selon une étude datant de juin 2012 publiée par l'université Harvard, la production de brut devrait largement augmenter les prochaines années grâce notamment au pétrole non conventionnel[23]. L'Agence internationale de l'énergie prévoit que la production de pétrole continuera à progresser de 90 mb/j (millions de barils par jour) en 2013 à 104 mb/j en 2040[24].

Production de pétrole brut

Régions productrices de pétrole dans le monde en 2012 (en bleu : membres de l'OPEP).

La production mondiale de pétrole brut est estimée par l'AIE à 4 482 Mt en 2018 contre 2 869 Mt en 1973, soit une progression de 56 % en 45 ans ; les États-Unis sont en tête des pays producteurs avec 666 Mt, soit 14,9 % du total mondial, devant l'Arabie saoudite (575 Mt, 12,8 %) et la Russie (554 Mt, 12,4 %)[k 1]. La part du pétrole dans la production mondiale d'énergie primaire était en 2017 de 32,0 % contre 27,1 % pour le charbon et 22,2 % pour le gaz naturel ; cette part a fortement décliné : elle atteignait 46,3 % en 1973[k 2].

Production mondiale de pétrole brut[25]
Année Production (Mtep) Accroissement Part prod.énergie primaire
1973 2 869[k 3] 46,3 %[k 2]
1990 3 241,4 36,8 %
2000 3 702,7 36,9 %
2010 4 084,0 +2,2 % 31,9 %
2011 4 126,8 +1,2 % 31,5 %
2012 4 211,9 +2,1 % 31,7 %
2013 4 223,0 +0,3 % 31,4 %
2014 4 316,0 +2,2 % 31,5 %
2015 4 411,2 +2,2 % 31,9 %
2016 4 473,3 +1,4 % 32,5 %
2017 4 477,2 +0,1 % 31,9 %
2018p[k 1] 4 482 +0,1 % 32,0 %[k 2]

Selon l'AIE, l'Arabie saoudite avait retrouvé en 2016 le premier rang parmi les producteurs de pétrole, que les États-Unis lui avaient repris depuis 2014 grâce au boom du pétrole de schiste ; la chute des cours du brut, tombés de 110 dollars mi-2014 à 44,90 dollars en septembre 2016, a plombé l'équilibre financier de nombreux producteurs américains, qui ont sensiblement ralenti leur production ; à l'inverse, l'Arabie saoudite, dont les coûts de production sont particulièrement bas, a poussé ses pompes au maximum afin de maximiser ses revenus ; la production de brut est ainsi tombée à 8,7 millions de barils par jour (Mb/j) aux États-Unis en juin 2016, alors qu'elle atteignait 10,5 Mb/j en Arabie saoudite[26].

Selon BP, la production mondiale s'élevait en 2018 à 94,72 Mbbl/j, soit 4 474 Mt (millions de tonnes), en progression de 2,4 % en 2018 et de 14 % en dix ans (2008-2018) ; sur ce total, 39,34 Mbbl/j, soit 1 854 Mt (41,5 %), proviennent des pays membres de l’OPEP incluant en 2018 les pays suivants : Arabie saoudite, Iran, Irak, Émirats arabes unis, Koweït, Venezuela, Nigeria, Qatar (qui a quitté l'OPEP début 2019), Angola, Algérie, Libye, Équateur, Gabon, Guinée équatoriale, République du Congo. Le Moyen-orient représentait 33,5 % de la production mondiale de pétrole en 2018, l'Amérique du Nord 23,8 % et la Russie 12,1 %[5].

Agence internationale de l'énergie (AIE) annonce en janvier 2018 que les États-Unis vont battre en 2018 leur record de production de brut qui datait de 1970, devenant le deuxième producteur d'or noir derrière la Russie et passant devant l'Arabie saoudite, reléguée au troisième rang. La Russie restera à la première place mais les États-Unis pourraient la rattraper dès 2019 ou 2020 si la tendance se poursuit. Si l'on ajoute au pétrole brut les liquides de gaz naturel, les États-Unis étaient déjà numéro un mondial, devant l'Arabie saoudite et la Russie, depuis 2014. La production américaine devrait augmenter de 1,35 Mbbl/j (million de barils par jour) en 2018 ; avec un baril de WTI à plus de 60 dollars, la plupart des forages de pétrole de schiste américains sont redevenus rentables. La production aux États-Unis a déjà augmenté de 5 % en 2017, alors que la production saoudienne a reculé de 3 % et celle du Koweït de 6 %[27].

Production de pétrole des six principaux producteurs - Source : BP[28]

Le tableau ci-dessous classe les principaux pays producteurs par ordre décroissant de l'estimation de leur production en 2018, avec :

  • les quantités produites et consommées exprimées en Mbbl/j[N 5] incluant le brut, les liquides de gaz naturel et le pétrole non conventionnel — voir l’article : Classification des hydrocarbures liquides —, mais pas les autres combustibles liquides tels que les biocarburants et les dérivés du charbon et du gaz ;
  • les réserves, exprimées en milliards de barils[N 6] ;
  • les soldes disponibles pour l'exportation (production moins consommation).

D'importants pays producteurs de pétrole, dont certains sont exportateurs nets, ne sont pas membres de l'OPEP : les États-Unis, la Russie, le Canada, la Chine, le Mexique, le Brésil, la Norvège, le Kazakhstan, la Colombie, le Royaume-Uni, le Soudan et Oman.

Les 20 plus gros producteurs en 2018*
Pays Réserves Production R/P** Consommation Dispo pour export
unités milliards de barils Mbbl/j années Mbbl/j Mbbl/j
Drapeau des États-Unis États-Unis 61,2 15,31 11,0 20,46 -5,15
Drapeau de l'Arabie saoudite Arabie saoudite 297,7 12,29 66,4 3,72 8,57
Drapeau de la Russie Russie 106,2 11,44 25,4 3,23 8,21
Drapeau du Canada Canada 167,8 5,21 88,3[N 7] 2,45 2,76
Drapeau de l'Iran Iran 155,6 4,71 90,4[N 8] 1,88 2,83
Drapeau de l'Irak Irak 147,2 4,61 87,4 0,78 3,83
Drapeau des Émirats arabes unis Émirats arabes unis 97,8 3,94 68,0 0,99 2,95
Drapeau de la République populaire de Chine Chine 25,9 3,80 18,7 13,52 -9,72
Drapeau du Koweït Koweït 101,5 3,05 91,2 0,45 2,60
Drapeau du Brésil Brésil 13,4 2,68 13,7 3,08 -0,40
Drapeau du Mexique Mexique 7,7 2,07 10,2 1,81 0,26
Drapeau du Nigeria Nigeria 37,5 2,05 50,0 nd nd
Drapeau du Kazakhstan Kazakhstan 30,0 1,93 42,7 0,36 1,57
Drapeau du Qatar Qatar 25,2 1,88 36,8 0,33 1,55
Drapeau de la Norvège Norvège 8,6 1,84 12,8 0,23 1,61
Drapeau de l'Angola Angola 8,4 1,53 15,0 nd nd
Drapeau du Venezuela Venezuela 303,3 1,51 549[N 7] 0,41 1,10
Drapeau de l'Algérie Algérie 12,2 1,51 21,1 0,41 1,10
Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni 2,5 1,08 6,3 1,62 -0,54
Drapeau de la Libye Libye 48,4 1,01 131,3 nd nd
Total Monde 1 729,7 94,72 50,0 99,84 -5,12
dont OPEP 1 242,2 39,34 86,5 nd nd
Source : BP[5]. * OPEP : . ** R/P = Réserves/Production 2019.

La part de l'OPEP dans les réserves prouvées est de 71,8 % et dans la production de 41,5 %.

Pays consommateurs

Avec 32,0 % de l'énergie primaire consommée en 2017, le pétrole est la source d'énergie la plus utilisée dans le monde devant le charbon (27,1 %) et le gaz naturel (22,2 %) ; sa part a fortement reculé : elle atteignait 46,3 % en 1973[k 1].

La consommation estimée des principaux pays consommateurs en 2018 dans le tableau qui suit est indiquée en millions de tonnes par an et en millions de barils par jour[N 9] :

Les 20 plus gros consommateurs en 2018[5]
Pays Mtep/an % Mb/j
Drapeau des États-Unis États-Unis 919,7 19,7 % 20,46
Drapeau de la République populaire de Chine Chine 641,2 13,8 % 13,52
Drapeau de l'Inde Inde 239,1 5,1 % 5,16
Drapeau du Japon Japon 182,4 3,9 % 3,85
Drapeau de l'Arabie saoudite Arabie saoudite 162,6 3,5 % 3,72
Drapeau de la Russie Russie 152,3 3,3 % 3,23
Drapeau du Brésil Brésil 135,9 2,9 % 3,08
Drapeau de la Corée du Sud Corée du Sud 128,9 2,8 % 2,79
Drapeau de l'Allemagne Allemagne 113,2 2,4 % 2,32
Drapeau du Canada Canada 110,0 2,4 % 2,45
Drapeau de l'Iran Iran 86,2 1,8 % 1,88
Drapeau de l'Indonésie Indonésie 83,4 1,8 % 1,78
Drapeau du Mexique Mexique 82,8 1,8 % 1,81
Drapeau de la France France 78,9 1,7 % 1,61
Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni 77,0 1,7 % 1,62
Drapeau de Singapour Singapour 75,8 1,6 % 1,45
Drapeau de l'Espagne Espagne 66,6 1,4 % 1,33
Drapeau de la Thaïlande Thaïlande 65,8 1,4 % 1,48
Drapeau de l'Italie Italie 60,8 1,3 % 1,25
Drapeau de l'Australie Australie 53,3 1,1 % 1,09
Total Monde 4 662,1 100 % 99,84
Drapeau de l’Union européenne Union européenne 646,8 13,9 % 13,30
Afrique 191,3 4,1 % 3,96

Principaux exportateurs et importateurs

Soldes exportateurs (-) et importateurs (+) des principaux pays ou régions en 2018 (Mt)[5]
Pays solde pétrole brut solde produits pétroliers
 Europe +488,0 +90,7
Drapeau de la République populaire de Chine Chine +461,8 +26,2
Drapeau des États-Unis États-Unis +293,1 -147,7
Drapeau de l'Inde Inde +227,4 -22,1
Drapeau du Japon Japon +150,8 +26,1
Drapeau de l'Arabie saoudite Arabie saoudite -367,4 -45,3
Drapeau de la Russie Russie -275,4 -163,7
Drapeau de l'Irak Irak -200,9 -4,8
Drapeau du Canada Canada -161,8 +3,7
Drapeau des Émirats arabes unis Émirats arabes unis -116,1 -48,0
Drapeau du Koweït Koweït -103,0 -22,8

Exploration et production du pétrole

Plate-forme pétrolière : un des symboles de cette puissante industrie.

L’industrie pétrolière se subdivise schématiquement en « amont » (exploration, production) et en « aval » (raffinage, distribution).

L’exploration, c’est-à-dire la recherche de gisements, et la production sont souvent associées : les États accordent aux compagnies des concessions, pour lesquelles ces dernières assument le coût de l’exploration, en échange de quoi elles exploitent (pour une certaine durée) les gisements trouvés. Les mécanismes financiers sont variés : prêts à long terme, participation au capital, financement via des emprunts faits auprès de banques nationales, etc.

L’exploration commence par la connaissance géologique de la région, puis passe par l’étude détaillée des structures géologiques (principalement par imagerie sismique, même si la magnétométrie et la gravitométrie peuvent être utilisées) et la réalisation de puits. On parle d’exploration « frontière » lorsque la région n’a pas encore de réserve mondiale prouvée, le risque est alors très élevé mais le prix d’entrée est faible, et le retour peut être important.

La production, ou plutôt l’extraction du pétrole, peut être une opération complexe : pour maximiser la production finale, il faut gérer un réservoir composé de différents liquides aux propriétés physico-chimiques très différentes (densité, fluidité, température de combustion et toxicité, entre autres). Au cours de la vie d’un gisement, on ouvre de nouveaux puits pour accéder aux poches restées inexploitées. En règle générale, on injecte de l’eau et/ou du gaz dans le gisement, via des puits distincts de ceux qui extraient le pétrole. Une mauvaise stratégie d’exploitation (mauvais emplacement des puits, injection inadaptée, production trop rapide) peut diminuer de façon irréversible la quantité de pétrole extractible. Par exemple, l'interface entre la nappe de pétrole et celle d’un liquide chargé en soufre peut être brisée par simple brassage, polluant ainsi le pétrole.

Contrairement à une image répandue, un gisement de pétrole ne ressemble en rien à un lac souterrain. En effet, mélangé à de l'eau ainsi qu'à du gaz dissous, le pétrole occupe, en fait, les interstices microscopiques de la roche poreuse. Comparer un gisement à une éponge très rigide serait surement plus approprié[29].

Au cours des dernières décennies, l’exploration et la production se font en proportion croissante en offshore : l’onshore, plus facile d’accès, a été exploité le premier. La loi de Ricardo s’applique très bien au pétrole, et, en règle générale, le retour sur investissement tend à diminuer : les gisements sont de plus en plus petits, dispersés, et difficiles à exploiter. Il y a bien sûr des exceptions, comme dans des pays où l’exploration a longtemps été paralysée pour des raisons politiques.

Démantèlement des plates-formes pétrolières

Plus de 700 plates-formes pétrolières en mer du Nord devront être démantelées après la fin de l'exploitation des champs d'hydrocarbures, et plus de 7 000 puits rebouchés. Le Boston Consulting Group estime la facture totale entre 100 et 150 milliards de dollars de 2020 à 2050. Une grande part de cette facture est prise en charge par les contribuables car les États concernés (Royaume-Uni, Norvège, Pays-Bas et Danemark) accordent des déductions fiscales aux groupes pétroliers. L'État britannique prend en charge 50 % des dépenses, les Pays-Bas plus de 60 % et la Norvège près de 80 %, malgré les protestations des associations de défense de l'environnement[30].

Industrie aval

Le raffinage consistait simplement, à l’origine, en la distillation du pétrole, pour séparer les hydrocarbures plus ou moins lourds. La distillation sous pression atmosphérique s’est vue complétée d’une distillation sous vide, qui permet d’aller plus loin dans la séparation des différents hydrocarbures lourds. Au fil du temps, nombre de procédés ont été ajoutés, dans le but de maximiser la production des coupes les plus profitables (essence et gazole, entre autres) et de diminuer celle de fioul lourd, ainsi que de rendre les carburants plus propres à l’emploi (moins de soufre, de particules et de métaux lourds). Ces procédés, qui notamment comprennent le reformage, le désasphaltage, la viscoréduction, la désulfuration, l’hydrocraquage, consomment de l'énergie.

Ces procédés continuent à se multiplier, les raffineurs devant satisfaire des exigences de plus en plus grandes sur la qualité des produits (du fait de l’évolution de la structure du marché et des normes environnementales) alors que la qualité des pétroles bruts tend à diminuer, les pétroles plus lourds et plus riches en soufre représentant une part accrue de la production. Une autre évolution importante est la valorisation améliorée des gaz (GPL) et des solides (cokes de pétrole, asphalte) coproduits par le raffinage.

Les raffineries sont en général des infrastructures considérables, traitant des dizaines, voire des centaines de milliers de barils par jour. En France métropolitaine, il ne reste plus que huit raffineries en activité en 2014, dont quatre (représentant la moitié % de la capacité) sont contrôlées par Total. Les raffineries alimentent directement les réseaux de distribution de carburants, et la pétrochimie avec des produits de base.

Le transport du pétrole, tant du brut que des produits raffinés, utilise principalement les pétroliers et les oléoducs pour les grandes distances et les volumes importants. Le transport par chemin de fer, par barge en eau douce et par camion est surtout utilisé pour la distribution finale des produits. Le transport du pétrole est à lui seul un secteur économique important : ainsi, les pétroliers représentent environ 35 % du tonnage de la marine marchande mondiale[31].

Raffinerie ExxonMobil à Bâton-Rouge.

Compagnies pétrolières

L’industrie pétrolière est un pilier de l’économie mondiale : sur les douze plus grandes compagnies de la planète en 2014, sept sont des compagnies pétrolières[32]. De plus, certaines compagnies nationales dépassent largement la taille de ces majors privées. En effet, il existe plusieurs sortes de compagnies pétrolières :

  • les grandes compagnies privées multinationales et intégrées « verticalement » (c’est-à-dire concentrant tout ou partie des activités d’exploration, production, raffinage, et distribution), dites « majors », telles que ExxonMobil, Shell, BP, Total, ENI et Chevron ;
  • les raffineurs, dont l'activité concerne « l’aval » (raffineries et éventuellement stations-service) comme le suisse Petroplus ;
  • les indépendants, qui cherchent et produisent du brut pour le vendre à des raffineurs ; certaines sont des compagnies très importantes et agissent sur plusieurs continents, comme Anadarko, Occidental Petroleum ou Perenco. D’autres sont beaucoup plus petites, avec à l’extrême des compagnies familiales ne gérant qu’un puits ou deux (au Texas notamment) ;
  • les compagnies nationales, propriété d'état totale ou partielle, qui sont assez diverses ; Aramco (Arabie saoudite) ou Pemex (Mexique), par exemple, ont un monopole de la production dans leur pays, et se comportent comme un organe du gouvernement ; d’autres, comme les grandes compagnies pétrolières chinoises Sinopec (2e rang mondial) et China National Petroleum Corporation (4e rang mondial), cotées en Bourse mais contrôlées par l'état chinois, ainsi que Sonatrach (Algérie), Petronas (Malaisie), Petrobras (Brésil), Equinor (Norvège) et PDVSA (Venezuela) cherchent une expansion internationale, et tentent de se comporter comme des « majors » bien que leurs capitaux soient (en tout ou partie) publics ; en termes de production de pétrole, Aramco équivaut à quatre fois ExxonMobil, première compagnie privée par le chiffre d’affaires ; enfin, certains petits pays producteurs ont une compagnie nationale qui n’a guère d’activité industrielle et dont le rôle est principalement de commercialiser la part de la production revenant à l’État.

Consommation

Le pétrole est utilisé dans tous les secteurs énergétiques, mais c’est dans les transports que sa domination est la plus nette. Seul le transport ferroviaire est en grande partie électrifié, ainsi qu'une part des transports urbains (tramways et trolleybus) ; pour les autres moyens de transports, les alternatives sont encore marginales et coûteuses, bien que la voiture électrique et hybride rechargeable ainsi que divers types de véhicules électriques (bus, vélos, bateaux, etc) se développent. En 2017, 65,2 % des produits pétroliers étaient consommés dans le secteur des transports, couvrant 92,2 % de ses besoins en énergie[25].

La situation est différente dans la production d’électricité, où la part du pétrole a constamment diminué depuis plus de 30 ans pour tomber à 3,3 % en 2017 contre 11,1 % en 1990[33]. Le charbon, le gaz naturel, le nucléaire et les énergies renouvelables s’y sont largement substitués, sauf pour des cas particuliers (pays producteurs disposant de pétrole bon marché, îles et autres lieux difficiles d’accès). De plus, le produit pétrolier utilisé dans la production d’électricité est en majorité du fioul lourd, difficile à employer dans d’autres domaines (excepté la marine) sans transformation profonde.

L’agriculture ne représente qu’une fraction modeste de la consommation de pétrole, mais c’est peut-être ce secteur qui en est le plus dépendant, les engrais synthétiques et pesticides étant produits à partir du pétrole ou du gaz naturel. Parmi les engrais fréquemment utilisés, c'est-à-dire ceux basés sur l'azote, le phosphore et le potassium (N, P, K), les engrais azotés sont synthétisés à partir de gaz naturel.

Plus la demande est importante, plus il y a d’investissements dans l'exploration pétrolière, permettant ainsi de développer de nouveaux champs pétrolifères. Cependant les réserves sont limitées et seront épuisées à terme. Dans les situations où l'offre dépasse la demande, comme en 2014-2015, les prix du pétrole s'effondrent et les investissements subissent des coupes draconiennes ; la production décline alors progressivement, jusqu'à ce que le marché retrouve son équilibre.

Commerce du pétrole et des produits pétroliers

La valeur d’un pétrole brut dépend de sa provenance et de ses caractéristiques physico-chimiques propres qui permettent, après traitement, de générer une plus ou moins grande quantité de produits à haute valeur marchande. Pour simplifier, on peut dire que plus le brut est léger (c’est-à-dire apte à fournir, après traitement, une grande quantité de produits à forte valeur marchande) et moins il contient de soufre, plus sa valeur est élevée. Dans une moindre mesure, la distance entre le lieu de consommation du pétrole et les régions productrices intervient également. Le pétrole brut entre ensuite dans un processus de transformation industriel, dans lequel il sera raffiné et transformé en produits tels que le plastique, le verre...

Les acteurs du marché cherchant à se protéger des fluctuations de cours, le NYMEX introduit en 1978 les contrats futures sur le fioul domestique (heating oil). Le même type de contrat à terme existe pour le pétrole brut et les divers produits pétroliers : naphta, kérosène, carburants, fioul lourd, etc.

Impacts du pétrole

Le développement de l’industrie pétrolière a fourni les carburants liquides qui ont permis la deuxième révolution industrielle et a donc considérablement changé le cours de l’Histoire. En ce sens, le pétrole est véritablement le successeur du charbon, qui avait rendu possible la première révolution industrielle. Son utilisation est également source de controverses, car elle cause des dégradations majeures à l'environnement : réchauffement climatique, pollutions.

Économie

Le pétrole étant le plus gros commerce international de matières de la planète en valeur (et en volume), il a un poids important sur les équilibres commerciaux. Les grands pays producteurs disposent de recettes telles que leurs gouvernements ont souvent un excédent public à placer, qui leur donne un poids financier important. Par exemple, vers 1998, la Russie avait une dette publique très importante et semblait proche de la cessation de paiement. Depuis, la hausse du prix de pétrole et celle de sa production lui ont permis d’engranger des recettes fiscales telles que la dette a été pratiquement remboursée et que le pays avait la troisième réserve de devises au monde en 2006[34].

Les fluctuations du prix du pétrole ont un impact direct sur le budget des ménages, donc sur la consommation dans les pays développés. Elles influent aussi, en proportion variable, sur le prix d'une grande part des biens et services, car la plupart sont produits en utilisant du pétrole comme matière première ou comme source d'énergie.

La découverte de réserves de pétrole dans un pays est souvent perçue comme bénéfique pour son économie. Toutefois, l’afflux soudain de devises est parfois mal géré (voir syndrome hollandais), il peut encourager la corruption, des ingérences étrangères, des gaspillages et détourner les investissements et la main-d’œuvre des autres secteurs tels que l'agriculture. L’effet réel est donc souvent plus ambivalent, surtout pour les pays les plus pauvres, au point que l'on parle de malédiction pétrolière[35],[36],[37],[38].

Société

Devenu indispensable à la vie quotidienne dans la plupart des pays développés, le pétrole a un impact social important. Des émeutes parfois violentes ont éclaté dans certains pays à la suite de hausses de prix. En 2006, certains syndicats français ont demandé l’instauration d’un « chèque transport » pour aider les salariés qui se déplacent beaucoup à faire face au prix des carburants, qui est constitué pour les deux tiers au moins, de taxes.

Dans les pays développés, une hausse du prix du pétrole se traduit par un accroissement du budget consacré à la voiture, mais dans les pays les plus pauvres, elle signifie moins d’éclairage et moins d’aliments chauds, car le kérosène est souvent la seule source d’énergie domestique disponible.

Outre que le pétrole est utilisé dans la plupart des industries mécanisées comme énergie de base, ses dérivés chimiques servent à la fabrication de toutes sortes de produits, qu’ils soient hygiéniques (shampooing), cosmétiques, alimentaires, de protection, de contenant (matière plastique), tissus, intrants agricoles, etc. Ce faisant, le pétrole est devenu indispensable et par conséquent très sensible stratégiquement.

Environnement

Nettoyage des côtes de la baie du Prince William, en Alaska, après le naufrage du pétrolier Exxon Valdez en mars 1989.

Émissions de gaz à effet de serre

L’impact environnemental le plus inquiétant du pétrole est l’émission de dioxyde de carbone aux différentes étapes de sa production, de son transport et surtout de sa consommation, en particulier sous la forme de combustion comme carburant.

L'Agence internationale de l'énergie évaluait les émissions mondiales de CO2 dues à la combustion du pétrole à 11 232 Mt (millions de tonnes) en 2016, contre 6 671 Mt en 1971 et 8 497 Mt en 1990 ; la progression depuis 1990 est de 32,2 %[39].

En 2017, ces émissions représentaient 34,6 % des émissions dues à l'énergie, contre 44,2 % pour le charbon et 20,5 % pour le gaz naturel[k 4].

Pollution

La combustion du pétrole libère dans l’atmosphère d’autres polluants, comme le dioxyde de soufre (SO2), mais ceux-ci peuvent être maîtrisés, notamment par la désulfuration des carburants ou des suies. On estime cependant que si le pétrole est plus polluant que le gaz naturel, il le serait nettement moins que le charbon et les sables bitumineux.

L’extraction pétrolière elle-même n’est pas sans impact sur les écosystèmes locaux même si, comme dans toute industrie, les risques peuvent être réduits par des pratiques vigilantes. Néanmoins, certaines régions fragiles sont fermées à l’exploitation du pétrole, en raison des craintes pour les écosystèmes et la biodiversité. Enfin, les fuites de pétrole et de production peuvent être parfois désastreuses, l’exemple le plus spectaculaire étant celui des marées noires, ou encore celui des pollutions dues aux vols de pétrole dans le delta du Niger (cf Énergie au Nigeria). Les effets des dégazages ou même ceux plus cachés comme l’abandon des huiles usagées sont loin d'être négligeables.

Autres impacts

Le pétrole peut être cancérogène sous certaines formes, ainsi que certains de ses dérivés.

Les conséquences géologiques de son exploitation comme les séismes induits sont très peu étudiées.

Sciences et techniques

L’exploration et l'exploitation pétrolières ont exigé le progrès de nombreuses sciences et technologies pour leur développement, et particulièrement en géophysique. La gravimétrie, la sismique et la diagraphie (logging) ont été développés pour l'exploration pétrolière dès les années 1920. Depuis 2000 pour l'offshore, une nouvelle pratique, l'électrographie de fond de mer (seabed logging) s'est développée qui permet de détecter directement le pétrole[40]. La production a exigé de la sidérurgie des matériaux résistants aux gaz acides (gaz de Lacq), aux pressions et températures. L'industrie pétrolière est un terrain d'essai exigeant pour de nombreuses technologies naissantes, qui se révèleraient trop chères dans d'autres domaines : diamant synthétique pour les trépans, positionnement dynamique des navires, etc.

Géopolitique

Géopolitique du pétrole.

Depuis le tout début du XXe siècle, le pétrole est devenu une donnée essentielle de la géopolitique. La dépendance des pays développés envers cette matière première est telle que sa convoitise a déclenché, ou influé sur le cours de plusieurs guerres ; les guerres civiles sur fond de gisement pétrolier ne se comptent plus. L’approvisionnement en pétrole des belligérants a plusieurs fois influé sur le sort des armes, comme lors des deux guerres mondiales.

Culture et symbolique

Le pétrole est devenu un symbole de la richesse et de la chance, supplantant en partie l’or qui avait longtemps tenu ce rôle. La culture populaire en a tiré des images stéréotypées, qu’on retrouve par exemple dans la série Dallas, ou dans l’expression « rois du pétrole ». Les compagnies pétrolières privées sont emblématiques du système économique capitaliste, ainsi les auteurs de romans ou de films en feront souvent usage pour tenir le rôle du « méchant ». À l'inverse, les compagnies pétrolières publiques de certains pays sont un emblème d'indépendance nationale et de puissance économique, on pourra en donner comme exemple la construction des tours Petronas.

Perspectives

Le cours du baril présente un différentiel faible à l'intérieur des limites conventionnelles.

La compréhension du mécanisme de formation du pétrole laisse entendre que sa quantité totale sur la planète, léguée par des millions d'années de maturation, est limitée. Bien que cette quantité totale soit inconnue, elle laisse présager que l'exploitation qui en est faite s'approchera un jour de cette limite ultime.

Ce qu'on appelle « réserve prouvée » aujourd'hui est, par convention, constitué par un gisement identifié, exploitable avec des techniques disponibles, et à un prix compatible avec le prix de vente en cours. Cette définition est restée la même depuis près d'un siècle ; l'évolution des techniques a donc fait glisser progressivement des gisements considérés inexploitables à une époque, dans la catégorie exploitable dès que les techniques ont été disponibles. Ainsi le pétrole offshore, considéré comme « non conventionnel » avant 1930, est en 2011 extrêmement répandu, et considéré comme « conventionnel » jusqu'à des profondeurs d'eau de 1 500 m. Les sables bitumineux, longtemps considérés inexploitables, sont en 2011 exploités de façon courante.

Demande

Un rapport de BNP Paribas Asset Management publié en 2019 conclut que « le déclin de l’économie du pétrole pour les véhicules à essence et au diesel par rapport aux véhicules électriques alimentés par le vent et l’énergie solaire, est désormais irrémédiable et irréversible ». Les projets les plus récents d’énergie éolienne et solaire pourront fournir à un véhicule électrique 6 à 7 fois plus d’énergie utile que le pétrole à un véhicule thermique. Environ 36 % de la demande mondiale de pétrole est engendrée par les véhicules à moteur thermique et environ 5 % par la production d’électricité : le pétrole va donc perdre à terme 40 % de son marché[41].

L'AIE ne prévoit pas, en 2018, une baisse de la demande de pétrole dans le futur. Elle s'inquiète plutôt de la production qui n'arriverait pas à couvrir les besoins à partir de 2025[42].

Une étude du Boston Consulting Group publiée le 20 juillet 2017 prévoit quatre scénarios possibles d'évolution de la demande de pétrole d'ici 2040 : le scénario de référence, prolongeant les tendances récentes avec une hausse du PIB mondial de 3,5 % par an entre 2015 et 2040 et un baril autour de 60 dollars, mène à une croissance de la demande de 0,9 % par an jusqu'en 2040 ; les trois autres scénarios débouchent sur un pic de la demande entre 2025 et 2030, le premier avec une baisse du coût des batteries de voitures électriques à 100 dollars le kilowattheure contre autour de 250 en 2016, et une amélioration des capacités de charge, portant la part de marché des voitures électriques à 90 % en 2040 dans les pays développés ; le deuxième avec une croissance mondiale limitée à 3 %, couplée à une amélioration de l'efficacité énergétique des véhicules à combustion (avec une consommation de 4,3 litres pour 100 kilomètres dans les pays de l'OCDE, contre le double actuellement) ; le troisième avec la découverte et l'exploitation de larges gisements de gaz de schiste dans d'autres régions que les États-Unis, notamment en Chine, produisant des effets de remplacement du pétrole par le gaz dans l'industrie pétrochimique[43].

Production

Facteurs d'évolution

L'avenir de la production pétrolière mondiale dépendra d'un niveau technologique plus élevé et d'investissements plus importants, ainsi que de la prospection de territoires pour le moment inaccessibles. Ces points convergent pour aboutir à un pétrole plus cher.

Le taux de récupération du pétrole sur un plan mondial est en 2008 de l'ordre de 35 % ; ce taux, en augmentation lente, joue considérablement sur la production ; les techniques modernes visent à améliorer ce taux.

Certains territoires, comme l'Arctique, sont actuellement inaccessibles à l'exploration/production pour toutes sortes de raisons : politiques, climatiques, environnementales, zones enclavées, etc. Une augmentation éventuelle du cours du baril pourrait rendre rentable l'exploitation de ces régions.

Le pétrole offshore, popularisé en Europe par la mise en exploitation des gisements de mer du Nord dans les années 1970, a été exploité par des profondeurs d'eau croissantes depuis cette époque ; en 2008 on atteint couramment 2 000 m d'eau. Cette profondeur d'eau devra elle aussi augmenter pour permettre l'exploitation de gisements actuellement inaccessibles. Dans le même domaine, certaines conformations géologiques qui rendaient les instruments d'exploration classiques « aveugles », font l'objet de recherches fructueuses, ainsi que l'a démontré la découverte du gisement géant de Tupi[44] en 2006. Ce gisement fait partie d'un ensemble considérable, le bassin de Santos, qui a fait entrer soudainement le Brésil dans les 10 premières réserves mondiales[45].

Le pétrole profond fut lui aussi longtemps considéré inexploitable, soit pour des raisons de coût (en 2004, pour les puits d'une profondeur supérieure à 4 500 m, les 10 % ultimes du forage constituent 50 % de son coût[46]), soit en raison de problèmes techniques excédant la technologie disponible[46]. Le champ Elgin-Franklin présentait en 1995 le record des possibilités techniques, avec un gisement à 1 100 bar et 190 °C[47].

Les sables bitumineux sont un mélange naturel de bitume brut, de sable, d'argile minérale et d'eau. Le gisement le plus connu est celui de l'Alberta ; déjà exploité, il fournit en 2011 plus de 2 millions de barils par jour, permettant ainsi au Canada d'être le deuxième fournisseur de pétrole des États-Unis. Leur extraction pose de gros problèmes environnementaux[48] ; ce gisement géant équivaut à la moitié des réserves de l'Arabie saoudite. Le pétrole lourd, très visqueux, est aujourd'hui difficilement exploitable ; il constitue des réserves considérables, avec 315 milliards de barils pour le seul Venezuela.

Une méthode prédictive a été proposée par le géologue M. King Hubbert pour déterminer le moment où la production d’un champ pétrolifère atteint son point culminant. En 1956, il avait ainsi annoncé le pic pétrolier des États-Unis en 1970[49]. Selon le modèle de Hubbert, la production d’une ressource non renouvelable suit une courbe qui ressemble d’abord à une croissance exponentielle, puis plafonne et diminue. Cette méthode ne tient pas compte des éléments économiques, ni du développement d'alternatives technologiques. Quelles qu'en soient les raisons, la plupart des observateurs s'accordent à penser que la consommation mondiale de pétrole déclinera avant l'année 2040.

Prévisions récentes

Les découvertes de nouvelles réserves de pétrole et de gaz ont atteint, de 2016 à 2018, leur niveau le plus bas depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et 2019 reste sur la même tendance. Les compagnies pétrolières hésitent à investir dans l'exploration, un métier coûteux et risqué dans un contexte déprimé pour les cours du brut ; le pétrole et le gaz de schiste américain, dont les réserves sont connues depuis des décennies et ne nécessitent donc pas d'exploration, offrent une grande flexibilité pour les producteurs, qui peuvent arrêter ou reporter les forages en quelques jours si les prix baissent. Les découvertes de 2019 ne représentent que 16 % des barils qui ont été consommés dans l'année, alors que ce taux frôlait les 40 % en 2015. Compte tenu du temps de développement des projets, le recul des découvertes des années 2015-2019 n'aura des conséquences sur la production qu'à partir du milieu de la décennie 2020[50].

Le rapport annuel 2019 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prédit une forte augmentation de la production de pétrole des États-Unis, qui passerait de 11 Mbl/j (millions de barils par jour) en 2018 à 13,8 Mbl/j en 2022, ce qui représentera plus des deux tiers de l'accroissement des volumes mondiaux. L'essentiel proviendra du Bassin permien. La Russie et l'Arabie saoudite plafonneront entre 11 et 12 Mbl/j. Comme la consommation intérieure de pétrole des États-Unis stagne, le supplément de production sera exporté : les exportations brutes américaines atteindront 9 Mbl/j en 2024, dépassant la Russie et rattrapant l'Arabie saoudite. L'AIE reconnait que le rythme de l'expansion américaine n'est pas totalement certain, car il dépendra en partie de l'évolution du prix du baril. Mais les réserves sont gigantesques : 155 milliards de barils, soit 35 années de production au rythme actuel, et elles ne cessent d'être réévaluées à la hausse[51].

Le rapport annuel 2018 de l’Agence internationale de l’énergie envisage un ralentissement global après 2020 du fait des programmes de diversification des sources d'énergie lancés dans plusieurs pays, en particulier en Chine : transports en commun roulant au gaz naturel, développement des véhicules électriques. Les États-Unis, dont la production a dépassé 10 Mbbl/j, devraient encore accélérer en 2018 puis devenir le premier producteur mondial en 2023 avec 12,1 Mbbl/j, devant la Russie ; le pétrole de schiste pesait un peu moins de la moitié de la production de brut américain en 2017 et pourrait en représenter les deux tiers en 2023. Les sables bitumineux du Canada, le Brésil et la Norvège connaîtront aussi une forte croissance[52].

Le rapport 2015 de l’AIE (World Energy Outlook 2015 ) prévoyait la poursuite de la croissance de la consommation de pétrole, de 91 millions de barils par jour (Mbbl/j) en 2014 à 103,5 Mbbl/j en 2040. La crise pétrolière qui a fait chuter le prix du pétrole à 50 $/baril est due à un excès de production : le boom du pétrole de schiste aux États-Unis a créé une surcapacité mondiale de 1 à 2 millions de barils par jour, qui se résorbera progressivement : le prix du baril de Brent ne remontera pas à 80 $ avant 2020, pour atteindre 128 $ en 2040[53].

Le rapport annuel 2015 de l'OPEP évalue la production de pétrole à 97,4 Mbbl/j en 2020 et à 109,8 Mbbl/j en 2040, contre 92,8 Mbbl/j en 2015. L’organisation a revu ses estimations à long terme à la baisse, pour tenir compte des efforts d'économies d’énergie et de réductions d’émissions de gaz à effet de serre : elle tablait un an auparavant sur plus de 111 Mbbl/j pour 2040. Ses projections n’en restent pas moins largement supérieures à celles de l’AIE : 103,5 Mbbl/j en 2040. L'OPEP prévoit une baisse de sa part de marché de 39,2 % en 2015 à 38,3 % en 2020, puis une remontée à 45,6 % en 2040. La production de pétrole de schiste américain passerait de 4,4 Mbbl/j à 5,2 Mbbl/j en 2020, puis retomberait à 4,6 Mbbl/j en 2040. Le cours du baril remonterait à 80 $ en 2020[54].

La chute des prix du pétrole a eu un impact massif sur l'investissement des compagnies pétrolières : depuis que ces prix ont amorcé leur dégringolade mi-2014 jusqu'à fin 2015, les groupes pétroliers ont repoussé 68 grands projets de développement d'hydrocarbures, soit 380 milliards de dollars d'investissements, selon le cabinet Wood Mackenzie. Dans le pétrole, l'offshore profond a été le plus affecté, en Angola (75 milliards d'investissements décalés), au Nigeria et dans le golfe du Mexique. Le rapport cite aussi les sables bitumineux au Canada, particulièrement coûteux à développer. L'ampleur des chiffres cités est aussi liée au report de la phase 2 du méga-projet gazier de Kashagan, au Kazakhstan. Ces reports entraineront à la baisse la production future, dès le début de la prochaine décennie : Wood Mackenzie estime leur impact à 1,5 million de barils par jour (Mb/j) en 2021 et à 2,9 Mb/j en 2025[55].

Alternatives énergétiques

L'approvisionnement en pétrole pose aux pays importateurs de nombreux problèmes, principalement géopolitique, financier (devises), environnemental (émissions de CO2). De nombreux pays (européens entre autres) ont donc engagé une politique de réduction de leur dépendance au pétrole depuis les chocs pétroliers de la décennie 1970. Le tableau ci-dessous montre un certain succès de cette politique, avec une décroissance de la consommation européenne de 19 % sur la période 1973-2014[56] malgré l'augmentation démographique et l'élévation du niveau de vie ; une part importante de ces économies ont été obtenues au début des années 1990 dans les anciens pays du bloc communiste après la chute des régimes communistes en Europe, grâce à l'élimination de nombreux gaspillages. Mais on observe une nette remontée de la consommation depuis 2014 : +6,7 % entre 2014 et 2017.

Consommation pétrolière, Europe (Turquie incluse), millions de tonnes
1965 1973 1980 1990 2000 2010 2013 2014 2015 2016 2017
421,8 820,7 779,2 729,4 762,5 734,2 675,6 663,8 681,2 697,2 708,3

Les alternatives sont :

Citons pour mémoire la fusion nucléaire et l'exploitation des hydrates de méthanes, deux sources d'énergie aux réserves bien plus vastes, mais pour lesquelles nous ne disposons pas encore de technologie fonctionnelle.

Charbon, gaz naturel

Le charbon est, comme le pétrole, un mélange d'hydrocarbures ; il lui est substituable soit de façon directe, soit sous forme transformée par une réaction de type Fischer-Tropsch. Le gaz naturel exige des installations fixes (gazoducs, méthaniers, terminaux gaziers, sites de stockage), ainsi que des contrats à très long terme qui ralentissent actuellement son expansion. Lui aussi peut se substituer au pétrole soit de façon directe, en source d'énergie, soit sous forme transformée.

Consommer moins

  • Limiter les gaspillages (éclairage nocturne, enseignes lumineuses),
  • Augmenter la durée de vie des objets, réparés et non jetés, favoriser le recyclage,
  • Favoriser le transport de groupe, covoiturage, transports en commun.

Efficacité énergétique

Accroitre l'efficacité énergétique[57],[58],[59] consiste à produire les mêmes biens et services avec moins d'énergie, et dans notre cas, de produits pétroliers. Puisqu'elle apporte une solution aux trois problèmes évoqués ci-dessus cette méthode apparaît comme satisfaisante lorsqu'elle n'est pas contrebalancée par un effet rebond équivalent ou supérieur. Les moyens de l'efficacité énergétique ont l'avantage d'être fréquemment intuitifs et connus de tous :

  • construire des habitations mieux isolées (efficacité énergétique passive) ;
  • utiliser des systèmes de régulation d'énergie permettant d'optimiser la consommation énergétique des habitats (efficacité énergétique active)[60] ;
  • utiliser des moteurs thermiques plus économes (ayant une consommation spécifique plus basse). Cela s'applique à l'automobile, mais aussi aux transports qui utilisent quasi exclusivement des énergies fossiles (navires, avions), aux machines agricoles, machines de chantiers, groupes électrogènes, etc.

Ces méthodes font lentement des progrès dans les pays développés où l'énergie est rendue artificiellement chère (taxes, subventions aux méthodes vertueuses). Entre autres, l’isolation se présente de plus en plus comme l'alternative du futur dans les pays tempérés (BedZED), mais peine à pénétrer le marché.

Réduction des trajets domicile-travail

L'éloignement des habitants de leur lieu de travail favorise aujourd’hui le recours à la voiture et donc la consommation de pétrole. En encourageant les habitants à se rapprocher de leur lieu de travail, on contribue à diminuer la consommation de pétrole.

Notes et références

Notes

  1. Soit environ 10 milliards de tonnes métriques.
  2. Soit environ 4 milliards de tonnes par an.
  3. C’est-à-dire, pour mémoire, 12,9 milliards de litres par jour, ou encore 12,9 millions de mètres-cubes par jour.
  4. Il suffit en effet de diviser la capacité du réservoir — 10 (milliards de tonnes) — par la consommation mondiale annuelle — 4 (milliards de tonnes).
  5. Un million de barils par jour équivaut en moyenne à environ 48 millions de tonnes par an.
  6. Un milliard de barils équivaut environ à 150 millions de tonnes, ce qui revient à diviser par sept environ le nombre exprimé en milliards de barils pour disposer d'une approximation de la réserve exprimée en milliards de tonnes.
  7. a et b peu significatif car la majeure partie des réserves sont des sables bitumineux, dont l'avenir de l'extraction, coûteuse et très polluante, n'est pas assuré.
  8. peu significatif car la production est en partie diminuée par les sanctions américaines.
  9. une tonne représente un volume de 7 à 9,3 (7,6 en moyenne) barils selon la densité du pétrole considéré ; un million de barils par jour équivaut donc à 39 à 52 millions de tonnes par an (48 en moyenne).

Références

  1. a b et c p. 13
  2. a b et c p. 6
  3. p. 12
  4. p. 54

Autres références :

  1. a et b « Pétrole », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 13 octobre 2017].
  2. a b et c Informations lexicographiques et étymologiques de « pétrole » (sens A) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 13 octobre 2017].
  3. Entrée « pétrole » (sens 1) des Dictionnaires de français [en ligne], sur le site des éditions Larousse [consulté le 13 octobre 2017].
  4. Entrée « pétrole ».
  5. a b c d e f g h i et j (en) [PDF] BP Statistical Review of World Energy 2019 - 68th edition (pages 14 à 29), BP, 11 juin 2019.
  6. [PDF]Les sables bitumineux du Canada – Perspectives et défis jusqu'en 2015 : mise à jour, Office National canadien de l'Énergie.
  7. (en) Production cost and the Canadian oil sands in a lower price environment, IHS Markit, 17 février 2016.
  8. « Du pétrole d’algues : un processus qui ne prend que quelques minutes – Enerzine », sur www.enerzine.com (consulté le )
  9. Référence pour cette section : Géologie sédimentaire : bassins, environnements de dépôts, formation du pétrole, de Bernard Biju-Duval, Éd. Technip, 1999.
  10. Fiche pédagogique : Formation du pétrole, Connaissance des énergies, 23 mars 2015.
  11. Glasby, GP, "Abiogenic origin of hydrocarbons: An historical overview", Resource Geology, vol. 56, 1:83-96, 2006.
  12. (fr) « Source bitumineuse de La Poix » (consulté le ).
  13. (en) Bitumen history.
  14. Simon Morelot, professeur de pharmacie-chimique au Collège de pharmacie de Paris, Nouveau Dictionnaire Général des Drogues simples et composées, de Lemery, Paris, Rémont Libraire, rue Pavée S.-André, N°.11, , 788 tome premier, p. 714
  15. (en) CIA World Factbook « Oil Proven Reserves. »
  16. Pétrole : les découvertes au plus bas depuis trente ans, Les Échos, 11 juillet 2018.
  17. Voir réserves de pétrole des pays de l'OPEP.
  18. Jean-Luc Wingert, La vie après le pétrole, p. 59-64.
  19. Jean-Luc Wingert, La vie après le pétrole, p. 65-66.
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  21. Jean-Luc Wingert, La vie après le pétrole, p. 70.
  22. Jean-Luc Wingert, La vie après le pétrole, p. 48.
  23. Le boum du schiste devrait faire des USA le 2e producteur mondial de pétrole, Afrique Expansion, 28 juin 2012.
  24. World energy outlook 2014 - Résumé en français, Agence internationale de l'énergie, novembre 2014.
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  26. Pétrole : l'Arabie saoudite retrouve son rang de numéro 1, Les Échos, 14 septembre 2016.
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  28. (en) [xls] BP Statistical Review of world energy - all data (feuille 8), BP, 11 juin 2019
  29. Xavier Boy de la Tour, Le pétrole: Au-delà du mythe, Les éditions TECHNIP, , 170 p., p. 40-41.
  30. Pétrole : le démantèlement des plates-formes de la Mer du Nord coûtera 100 milliards, Les Échos, 7 novembre 2019.
  31. 241 000 tonnes sur un total de 672 000 tonnes, chiffres de Lloyd's Register.
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  52. Pétrole : vers un ralentissement mondial après 2020 ?, Les Échos, 5 mars 2018.
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  57. Agence de l'efficacité énergétique du Québec.
  58. Les économies d'énergie en France.
  59. (en) L'efficacité énergétique pour l'Union Européenne, sur le site europa.eu.
  60. Delphine Batho conquise par l’efficacité énergétique active de Schneider, sur le site usinenouvelle.com du 11 janvier 2013.

Voir aussi

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Bibliographie

Articles connexes

Économie et géopolitique du pétrole
Physique-chimie
Problèmes environnementaux

Liens externes

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