Inertial Upper Stage
L'Inertial Upper Stage ou IUS (initialement Interim Upper Stage), est un étage supérieur de fusée développé par la société Boeing pour répondre aux besoins de lancement de satellites géostationnaires et de sondes interplanétaires par la navette spatiale américaine en attendant la mise au point du Space Tug. Après l'abandon de ce dernier puis l'arrêt de l'adaptation de l'étage Centaur après l'accident de la navette Challenger, l'IUS devient incontournable pour le lancement de satellites depuis la navette. Sa conception lui permet de servir d'étage supérieur au lanceur militaire Titan. Il comprend deux étages utilisant chacun un propulseur à propergol solide. Capable de placer un satellite de 2 à 3 tonnes sur une orbite géostationnaire, il est utilisé à 24 reprises entre 1989 et 2002 pour lancer des satellites de télécommunications, des satellites militaires et des sondes spatiales ainsi qu'un télescope spatial. L'arrêt des lancements de satellite depuis la navette spatiale trop coûteux puis le remplacement du lanceur Titan par les nouveaux lanceurs Atlas V et Delta IV entrainent son retrait du service.
Développement
Le début de la conception de l'IUS remonte à 1969 lorsque les premiers travaux sur la navette spatiale américaine sont entamés. Cette dernière ne peut pas dépasser l'orbite basse ; pour lancer avec la navette un satellite sur les orbites plus hautes, en particulier l'orbite géostationnaire, la NASA envisage le développement du Space Tug un remorqueur spatial réutilisable qui serait chargé de transférer le satellite de l'orbite basse vers son orbite définitive et pourrait se ravitailler auprès d'une station spatiale en orbite. En attendant la mise au point du Space Tug, la NASA et l'Armée de l'Air américaine décident de développer un engin temporaire l'Interim Upper Stage (étage supérieur intérimaire). L'architecture de ce dernier fait l'objet de longues études et débats. Finalement en 1985 le DOD propose de développer un étage utilisant du propergol solide pour des raisons de coût ; cette solution est acceptée par la NASA qui est à l'époque hostile à un étage à ergols liquides, comme le Centaur préconisé par certains, qui pourrait s'avérer dangereux à transporter par la navette spatiale. Peu avant le lancement de l'appel d'offres l'Armée de l'Air américaine décide d'ajouter une clause au cahier des charges : l'IUS devra pouvoir servir d'étage supérieur au lanceur lourd Titan utilisé par l'Armée pour lancer les satellites militaires les plus lourds et son avionique devra pouvoir guider le lanceur Titan dès le début du lancement. Fin 1977 le concept de Space Tug est abandonné par la NASA et l'IUS est rebaptisé Inertial Upper System (Inertial parce que l'étage dispose de son propre système de guidage). Le constructeur Boeing est retenu pour développer l'étage et les développements débutent en avril 1978. Celui-ci rencontrent de nombreux problèmes techniques touchant l'enveloppe du propergol, la tuyère déployable du second étage, le bloc de poudre, l'avionique et les logiciels de vol. Le projet est également handicapé par de nombreuses modifications du cahier des charges. Le vol inaugural de l'IUS a lieu le 30 octobre 1982 : il est utilisé comme étage supérieur d'un Titan 34D pour placer en orbite géostationnaire deux satellites de télécommunications militaires Defense Satellite Communications System. Malgré la perte de la télémétrie durant le vol, les deux satellites atteignent leur orbite. Le second vol de l'IUS a lieu depuis la navette spatiale le 4 avril 1983 : le lancement du satellite de la NASA TDRS connait également des péripéties mais les controleurs parviennent à rétablir la situation[1],[2]. L'arrêt des lancements de satellite depuis la navette spatiale trop coûteux et trop dangereux (dernier lancement en 1999) puis le remplacement du lanceur Titan par les nouveaux lanceurs Atlas V et Delta IV entrainent le retrait du service de l'IUS en 2004 après 24 vols et un seul échec imputable à l'étage.
Caractéristiques techniques
L'IUS est long de 5,18 mètres pour un diamètre de 2,8 mètres et un poids total de 14,742 tonnes. Il comprend deux étages utilisant chacun un propulseur à propergol solide. Le premier étage est propulsé par un moteur Orbus 21 contenant 9,7 tonnes de propergol et générant une poussée de 188,5 kNewtons. Le second étage est propulsé par un étage Orbus-6 contenant 2,7 tonnes de propergol avec une poussée de 80,8 kN. Le moteur principal peut fournir une poussée continue durant 150 secondes ce qui représente à l'époque un record. La charge en propergol peut être modifiée pour répondre aux exigences en termes de durée et de profil de la poussée propres à la mission. L'IUS dispose d'un système de guidage et de pilotage et est stabilisé 3 axes. Il dispose pour ces besoins de 3 calculateurs redondants prenant leur décision à la majorité, de deux centrales à inertie chacune comprenant 5 gyroscopes et 5 accéléromètres et d'un viseur d'étoiles. Les deux tuyères des propulseurs à propergol solide sont orientables. Par ailleurs l'étage dispose de petits propulseurs à hydrazine pour contrôler son orientation[3],[4].
L'IUS peut être utilisé par les lanceurs Titan-34D, Titan-4A-, Titan-4B et la navette spatiale américaine. L'étage permet de placer sur une orbite géostationnaire des satellites dont la masse dépend du lanceur utilisé :
- Navette spatiale: 2268 kg
- Titan-34D: 1817 kg
- Titan-4A: 2364 kg
- Titan-4B: 2860 kg
Mise en œuvre
Historique des lancements
L'IUS a été utilisé à 24 reprises pour lancer depuis la Navette spatiale américaine ou le lanceur Titan :
- des satellites de télécommunications de la NASA de la série TDRS
- des satellites militaires de télécommunications de la série Defense Satellite Communications System
- des satellites d'alerte avancée de la série DSP
- des satellites de reconnaissance américaine notamment de la série Magnum
- trois sondes spatiales (Magellan, Ulysses, Galileo) et le télescope spatial à rayons X Chandra
En octobre 1990, la sonde Ulysses présentait la particularité d'avoir été lancée en utilisant à la fois un IUS (numéro de série 17) et un Payload Assist Module (PAM-S), lequel rajoutait ainsi un troisième étage de propulsion aux deux de l'IUS, pour pouvoir atteindre la vitesse souhaitée.
N° ordre | Numéro de série | Date | Lanceur | Charge utile | Type de charge utile | Orbite | Remarque |
---|---|---|---|---|---|---|---|
1 | IUS-2 | 30 octobre 1982 | Titan-34D IUS | DSCS-2 F16, DSCS-3 A1 | deux satellites de télécommunications militaires | Orbite géostationnaire | |
2 | IUS-1 | 4 avril 1983 | Navette spatiale américaine et IUS | TDRS 1 | Satellite de télécommunications de la NASA | Orbite géostationnaire | |
3 | IUS-11 | 24 janvier 1985 | Navette spatiale américaine et IUS | Magnum 1 | Satellite de reconnaissance | Orbite géostationnaire | |
4 | IUS-12 | 3 octobre 1985 | Navette spatiale américaine et IUS | DSCS-3 B4, DSCS-3 B5 | deux satellites de télécommunications militaires | Orbite géostationnaire | |
5 | IUS-3 | 28 janvier 1986 | Navette spatiale américaine et IUS | TDRS 2 | Satellite de télécommunications de la NASA | Orbite géostationnaire | Échec : destruction de la navette spatiale Challenger |
6 | IUS-7 | 26 septembre1988 | Navette spatiale américaine et IUS | TDRS 3 | Satellite de télécommunications de la NASA | Orbite géostationnaire | |
7 | IUS-9 | 13 mars 1989 | Navette spatiale américaine et IUS | TDRS 4 | Satellite de télécommunications de la NASA | Orbite géostationnaire | |
8 | IUS-18 | 4 mai 1989 | Navette spatiale américaine et IUS | Magellan | Sonde spatiale pour Vénus | Orbite interplanétaire | |
9 | IUS-8 | 14 juin 1989 | Titan-4(02)A IUS | DSP-14 | Satellite d'alerte avancée | Orbite géostationnaire | |
10 | IUS-19 | 18 octobre 1989 | Navette spatiale américaine et IUS | Galileo | Sonde spatiale pour Jupiter | Orbite interplanétaire | |
11 | IUS-5 | 23 novembre 1989 | Navette spatiale américaine et IUS | Magnum 2 | Satellite de reconnaissance | Orbite géostationnaire | |
12 | IUS-17 | 6 octobre 1990 | Navette spatiale américaine et IUS et PAM-S | Ulysses | Sonde spatiale pour l'étude du Soleil | Orbite interplanétaire | |
13 | IUS-6 | 13 novembre 1990 | Titan-4(02)A IUS | DSP-15 | Satellite d'alerte avancée | Orbite géostationnaire | |
14 | IUS-15 | 2 aout 1991 | Navette spatiale américaine et IUS | TDRS 5 | Satellite de télécommunications de la NASA | Orbite géostationnaire | |
15 | IUS-14 | 24 novembre 1991 | Navette spatiale américaine et IUS | DSP-16 | Satellite d'alerte avancée | Orbite géostationnaire | |
16 | IUS-13 | 13 janvier 1993 | Navette spatiale américaine et IUS | TDRS 6 | Satellite de télécommunications de la NASA | Orbite géostationnaire | |
17 | IUS-20 | 22 décembre 1994 | Titan-4(02)A IUS | DSP-17 | Satellite d'alerte avancée | Orbite géostationnaire | |
18 | IUS-26 | 13 juillet 1995 | Navette spatiale américaine et IUS | TDRS 7 | Satellite de télécommunications de la NASA | Orbite géostationnaire | |
19 | IUS-4 | 23 février 1997 | Titan-4(02)B IUS | DSP-18 | Satellite d'alerte avancée | Orbite géostationnaire | |
20 | IUS-21 | 9 avril 1999 | Titan-4(02)B IUS | DSP-19 | Satellite d'alerte avancée | Orbite géostationnaire | Le satellite est placé sur une orbite inutilisable à la suite d'une défaillance de l'étage IUS. Le satellite est utilisé pour des expériences technologiques. |
21 | IUS-27 | 23 juillet 1999 | Navette spatiale américaine et IUS | Chandra | Télescope rayons X | Orbite haute à forte excentricité | |
22 | IUS-22 | 8 mai 2000 | Titan-4(02)B IUS | DSP-20 | Satellite d'alerte avancée | Orbite géostationnaire | |
23 | IUS-16 | 6 aout 2001 | Titan-4(02)B IUS | DSP-21 | Satellite d'alerte avancée | Orbite géostationnaire | |
24 | IUS-10 | 14 février 2004 | Titan-4(02)B IUS | DSP-22 | Satellite d'alerte avancée | Orbite géostationnaire |
Notes et références
- (en) J.D. Hunley, US Spece-launch vehicle technology : Viking to space shuttle, University press of Florida, (ISBN 978-0-8130-3178--[à vérifier : ISBN invalide]), p. 249-254
- (en) W. Paul Dunn, « Evolution of the Inertial Upper Stage », Crosslink,
- (en) J.D. Hunley, US Spece-launch vehicle technology : Viking to space shuttle, University press of Florida, (ISBN 978-0-8130-3178--[à vérifier : ISBN invalide]), p. 252-253
- (en) « Inertial Upper Stage », sur www.fas.org (consulté le )