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Passion du Christ

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Représentation d'épisodes de la Passion du Christ : arrestation sur le mont des Oliviers, flagellation, port de la croix, crucifixion (fin du XVe siècle - début du XVIe)

La Passion du Christ est l’ensemble des événements qui ont précédé et accompagné la mort de Jésus de Nazareth. Le récit et les annonces de la Passion se trouvent dans le Nouveau Testament, en particulier les Évangiles synoptiques et l’Évangile selon Jean, ainsi que dans divers textes apocryphes.

Il s'agit de textes à caractère religieux qui expriment la foi de leurs rédacteurs. L'exégèse permet de distinguer entre les éléments historiques et leur interprétation théologique, notamment dans les diverses métaphores de l'expiation.

Origines de la Passion

Personnages de l'AT préfigurant le Christ dans sa Passion

Selon la vision chrétienne, plusieurs personnages de l'Ancien Testament préfigurant le Christ ont vécu par anticipation la Passion de Jésus[1] :

  • Le meurtre d'Abel le juste qui était berger par son frère Caïn, annonce la mort de Jésus, pasteur d'Israël emmenés par ses « frères » hors de Jérusalem pour y être crucifié.
  • Le sacrifice en holocauste (ligature d'Isaac) d'Isaac, demandé par Dieu. Isaac est le « fils unique chéri » d'Abraham, et ce dernier accepte ce sacrifice en preuve de sa foi. Le sacrifice humain est finalement annulé par l'ange de Dieu, un agneau, prenant la place d'Isaac. Isaac est une image du Christ, le Fils bien-aimé du Père, qui mourra immolé sur la croix, tel l'agneau pascal.
  • Joseph, fils de Jacob, d'abord haï par ses frères qui le dépouillèrent de sa tunique et l'abandonnèrent dans une fosse profonde pour y mourir, mais qui survivra et finalement les sauvera plus tard de la famine, lors de leur séjour en Egypte.
  • Le prophète Jonas qui pris en mer dans une tempête demanda aux marins de l'y jeter pour qu'elle s'apaise. Il fut alors avalé par un gros poisson qui le régurgita trois jours après. Jésus évoquera Jonas dans son enseignement  : « De même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre du monstre marin, de même le Fils de l'homme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits ». (Matthieu 12, 40)
  • David gravissant en pleurant le Mont des Oliviers, tête voilée et pieds nus, préfigure Jésus à Gethsémani au pied du même mont.
  • Absalon, fils de David, suspendu au bois d'un arbre entre ciel et terre, le cœur transpercé d'une lance (II S 18, 9-14) est une image du Christ crucifié dont le côté sera transpercé par la lance romaine.
  • Le prophète des Lamentations criant vers Dieu, rejeté par ses concitoyens et jeté dans une fosse profonde (Lamentations 3, 53-62) est une image de Jésus sur la croix, sur le point de mourir et criant vers son Père.
  • L'oracle du Serviteur souffrant d'Isaïe, le plus cité de tout le Nouveau Testament, a été à la base de l'intelligibilité de la Passion dès la première génération chrétienne : « Il a été transpercé à cause de nos péchés, brisé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui, et c'est par ses meurtrissures que nous avons été guéris »(Isaïe 53, 5).

Annonces de la Passion

Panneau du chemin de croix d’Albrecht Altdorfer (vers 1509-1516).

Dans les Évangiles synoptiques, le Christ annonce sa mort et sa Résurrection à plusieurs reprises[2] :

  • aux disciples, après sa reconnaissance par l'apôtre Simon-Pierre comme Messie, dans la région de Césarée en Israël (Mt 16:2 ; Mc 8:31-33 ; Lc 9:22) ;
  • aux disciples, réunis en Galilée (Mt 17:22-23 ; Mc 9:30-32 ; Lc 9:44-45) ;
  • aux Douze Apôtres sur la route de Jérusalem (Mt 20:17 ; Mc 10:32-34 ; Lc 18:31-33) ;
  • après la Transfiguration, à Pierre, Jacques et Jean (Mt 17:9);
  • en réponse à des scribes et des Pharisiens qui voulaient le voir faire un miracle, Christ répond qu’il « sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre » (Mt 12:39-40).
  • En réponse aux Juifs demandant un signe, disant, parlant du sanctuaire qu'était son corps : « Détruisez ce sanctuaire et je le reconstruirai en trois jours » (Jean 2: 19-22).

Ces annonces prédisent :

  • que Jésus va être livré aux grands-prêtres et aux scribes, qui le condamneront à mort ;
  • qu’il souffrira beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes ;
  • qu’il sera livré aux païens (ce mot désigne les Romains) ;
  • qu’il sera bafoué, flagellé, mis en croix et mourra;
  • qu'il ressuscitera le troisième jour.

Datation des annonces

Selon l'historienne Paula Fredriksen, les détails incitent le lecteur à penser que ces annonces « sont postérieures à l'évènement, qu'elles ont été replacées dans le ministère de Jésus par les évangélistes, qui ne réussissent cependant pas à les intégrer dans leur histoire. Une fois à Jérusalem en effet, les disciples sont accablés par les évènements auxquels les prédictions de la Passion auraient dû les préparer »[3].

Contrairement aux récits antiques de morts nobles ou héroïques, ceux des évangélistes concernant la Passion de Jésus se singularisent en n'excluant pas les femmes dont la fidélité est manifeste, alors que les apôtres choisis par le Seigneur l'abandonnent à l'exception de Jean[4].

Témoignages

Le Dictionnaire Jésus insiste sur le fait que les récits de la mort de Jésus sont tous attachés à des témoins soigneusement nommés. Pour illustrer, il cite l'évangéliste Jean qui, après le coup de lance qui a fait couler du sang et de l'eau, commente ainsi : « celui qui a vu rend témoignage; son témoignage est véridique, et celui-là sait qu'il dit vrai » (Jean 19, 35), et rappelle que Jean in fine écrit : « c'est ce disciple qui témoigne de ces faits et qui les a écrits, et nous savons que son témoignage est véridique » (Jean 21, 24). Or, dit le Dictionnaire, le témoignage est une catégorie importante de l'historiographie antique. Les témoignages sur la Passion relatés dans les Evangiles demandent, toujours selon le Dictionnaire, à être lus comme des compte rendus historiques donnant accès aux évènements concernant Jésus selon les critères de l'historiographie antique[5].

Récits de la Passion

Le domaine de Gethsémani borde le torrent du Cédron, au pied du mont des Oliviers, à droite de la carte[Laquelle ?].
La Via Dolorosa est figurée en pointillés entre la forteresse Antonia et la colline du « crâne » (Golgotha).

Gethsémani

Jésus s'en alla avec ses disciples à Gethsémani au mont des Oliviers de l'autre côté du Cédron. Il les invita à prier pour ne pas entrer en tentation. Alors que l'on n'avait pas encore mis la main sur lui, il commença à se sentir triste et angoissé et dit à ses disciples : « Mon âme est triste à en mourir » (Matthieu 26, 37-38). Puis il s'adressa à son Père : « Mon Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi. Cependant, pas comme je veux, mais comme tu veux » (Matthieu 26, 39). Cette prière est la mise en pratique par Jésus de la troisième demande du Notre Père « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » qu'il avait enseignée à ses apôtres (Matthieu 6, 10). Luc rapporte en outre que Jésus étant « entré en agonie, priait de façon plus insistante » et que « sa sueur devint comme des gouttes de sang » (Luc 22, 43). Durant ses prières qu'il renouvela trois fois, Jésus demanda à Pierre, Jacques et Jean de veiller avec lui, mais ils s'endormirent chaque fois malgré son insistance le laissant dans la solitude[6].

Arrestation de Jésus

Dans les Évangiles synoptiques, deux jours avant la Pâque juive (Pessah), Jésus se rend au jardin de Gethsémani, avec les apôtres Pierre, Jacques le Majeur et Jean où il veut s'isoler pour prier son Père, tandis que les autres apôtres se reposent (Mt 26:36 ; Mc 14:43 ; Lc 22:47)[7].

Carte de Jérusalem à l’époque du Nouveau Testament (vers 1885)

L'apôtre Judas arrive alors, menant une bande armée romaine envoyée par les grands-prêtres juifs et les anciens. Judas désigne Jésus en lui donnant un baiser.

Les gardes se saisissent de Jésus et l’emmènent devant les autorités juives pour qu’il soit jugé. Un disciple de Jésus (non nommé dans trois des évangiles, Pierre, selon Jean) sort son glaive et coupe l’oreille du serviteur du Grand Prêtre (Mt 26:51 ; Mc 14:47 ; Lc 22:50 ; Jn 18:10). Jésus guérit le serviteur (selon Luc, mais non pas selon Jean) et dit à Pierre (Mt 26:52) : « Rengaine ton glaive ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive ».

Jésus s'adresse alors aux gardes : « Comme pour un bandit, vous êtes partis avec des épées et des bâtons pour vous saisir de moi ! » (Lc 22:52 ; Mt 26:55 ; Mc 14:48).

Jésus n'a peut-être pas été arrêté seul. Du moins, l'exégèse peut-elle s'interroger sur le sort du groupe de disciples qui l'entouraient. Rudolf Bultmann écrit[8] : « Pourquoi Jésus est-il le seul à avoir été arrêté ? N'avaient-ils pas l'intention [les Romains] d'arrêter ses disciples ? » Alfred Loisy remarque[9] : « On se demande naturellement pourquoi les disciples n'ont pas continué à se battre et pourquoi les membres du Sanhédrin n'ont pas pris leur revanche sur celui qui avait dégainé [dans le groupe de Jésus] en se jetant sur lui ». Quoi qu'il en soit de ces inquiétudes d'exégètes, si on se réfère aux Évangiles considérés comme les plus anciens, tous les disciples de Jésus qui refusait de se défendre l'abandonnèrent et s'enfuirent (Matthieu 26, 56; Marc 14, 50), même si Pierre suivit Jésus de loin (Luc 22, 54)[10].

Jésus devant le Sanhédrin

Comparution de Jésus devant le Sanhédrin, collégiale Saint-Salvi d'Albi (1490)

Les Évangiles synoptiques rapportent que Jésus est emmené devant le grand prêtre Caïphe, où se réunissent les scribes et les anciens[11]. À l’issue de son interrogatoire, Jésus proclame publiquement être le Messie. Jésus aurait alors été condamné à mort pour blasphème.

Pour les historiens, comme Marie-Françoise Baslez, ce procès juif est une impossibilité[12]car, d'une part, les Évangiles présentent une séance de nuit du Sanhédrin, ce qui serait irréaliste, d'autre part le Sanhédrin n'avait pas à cette époque le pouvoir d'appliquer la peine capitale. Plus précisément, une réunion formelle du Sanhédrin érigé en tribunal est incompatible avec les procédures judiciaires consignées dans la Mishna, celle-ci stipulant que les délibérations et les condamnations ne doivent avoir lieu que le jour et non la veille d'un jour de fête ou d'un sabbat. En outre, rien ne dit que la réglementation de la mishna était en vigueur à l'époque de Jésus. Tout penche pour un interrogatoire informel dans la nuit en présence d'Anne, suivi d'une condamnation formelle au matin chez le grand prêtre Caïphe, laquelle était non applicable car les autorités juives s'étaient vu retirer le bras séculier par les romains[13].

La version de l’Évangile selon Jean est assez différente, car prenant en compte ce problème de compétences juridiques : Jésus est mené devant Anne (Anân), le beau-père de Caïphe et ancien grand-prêtre. Celui-ci interroge Jésus sur ses disciples et sa doctrine : « Après avoir été giflé par l’un des gardes, Jésus est envoyé chez le grand prêtre Caïphe ».

Pendant l’interrogatoire de Jésus, Pierre se tenait dans la cour du grand-prêtre. Interrogé à plusieurs reprises sur son appartenance aux disciples de Jésus, Pierre nie trois fois avant le chant du coq, comme cela lui avait été prédit par Jésus (Matthieu 26, 31-32; Marc 14, 26-31; Luc 22, 39 et 31-34; Jean 13, 36-38). Pierre trahit le christ en une graduation qui le conduit du mensonge (Marc 14, 68), puis au parjure (Marc 14, 70) et enfin au blasphème (Marc 14, 71), le terme grec utilisé étant anathématizein, autrement dit maudire. Lors du chant du coq, il pleurera amèrement sa trahison. "Le fait que la tradition évangélique ait conservé une histoire aussi embarrassante concernant un personnage de l'importance de Pierre et des détails réalistes comme le chant du coq ou l'accent galiléen plaide en faveur de son historicité ", d'autant que Pierre en est vraisemblablement la source dans l'Evangile de Marc[14].

Jésus devant le préfet romain

Le Christ devant Pilate, Suiveur de Jérôme Bosch (vers 1520)

La possibilité d'appliquer la peine de mort ayant été retirée aux juifs vers 29-30, la condamnation attendue par les autorités du Temple dont les raisons étaient d'ordre religieux, ne pouvait être prononcée que par les Romains, d'où la nécessité d'un nouveau procès et d'un motif de condamnation relevant du droit romain que seul peut présider le procurateur Pilate du lieu. Comme le chef d'accusation de blasphème avec lequel Jésus est transféré devant Pilate par les princes des prêtres présente un danger pour l'ordre public romain, les autorités du Temple mirent en avant le grief que Jésus pervertissait le peuple, refusait le tribut de César et se faisait appeler messie et roi[15].

Le lendemain matin, Jésus est donc emmené et jugé devant le préfet Ponce Pilate[16]. Selon Luc, Pilate, apprenant que Jésus était un Galiléen et donc sous la juridiction d'Hérode Antipas, roi fantoche de Galilée, l'envoya à Antipas, qui était aussi à Jérusalem. Initialement, Antipas a été heureux de voir Jésus, dans l'espoir de le voir faire un miracle, mais, lorsque Jésus est resté silencieux face à ses questions, Antipas se moqua de lui et le renvoya à Pilate. L'envoi devant Antipas peut s'entendre comme un simple complément d'enquête et comme un rebondissement dans une situation où Pilate et le haut clergé du Temple cherchent à fuir leurs responsabilités. Pierre présentera plus tard Pilate et Hérode dans sa catéchèse (Actes 4, 27), comme entrant dans la logique d'accomplissement de la prophétie selon laquelle "les rois de la terre se sont rassemblés contre le Seigneur et son Christ" (Psaume 2, 2)[17].

Pilate cherchant momentanément à éviter une exécution à Jésus qu'il juge innocent propose à la foule de libérer un prisonnier, car les Romains accordaient parfois des amnisties générales à l'occasion de fêtes locales, coutume attestée alors, en particulier par Tite-Live, dans plusieurs autres cultures de la Méditerranée et du Proche-Orient. Pilate proposa de libérer soit Jésus, soit Barabbas. Certains manuscrits l'appellent Jésus Barabbas, ce qui semble avoir été son nom complet. Barabbas est un patronyme dérivé de bar-Abba signifiant fils du Père. Par son nom de " Jésus fils du père" Barabbas dont l'Evangile précise qu'il était un brigand entre en concurrence avec Jésus-Christ le juste sans péché Fils du Père. Il apparaît donc comme le double inversé de Jésus. La foule demandera à grands cris la condamnation de Jésus et la libération de Barabbas, ce qu'elle obtiendra dans les deux cas[18]. A l'instant crucial où Pilate va trancher en faveur de la libération de Barabbas et la condamnation subséquente de Jésus, Pilate se lave les mains selon Matthieu Matthieu (27, 24) qui est le seul à le préciser. Par cette mise en scène, Pilate veut placer la responsabilité de la mort de Jésus sur ceux qui la réclamaient. Sous la menace de la lex majestate, Pilate préfère sacrifier un innocent que risquer un trouble qui le ferait accuser à Rome de négligence[19].

Matthieu est aussi le seul Evangéliste à parler de l'épouse de Pilate qui intervint auprès de lui en faveur de Jésus en se réclamant d'un songe qu'elle avait eu pendant la nuit (Matthieu 27, 19). Même si certains exégètes considèrent cette intervention comme un enrichissement narratif, il n'en reste pas moins que l'intervention d'une femme connue des historiens (Claudia Procula) tranche sur le contexte du procès exclusivement masculin. Bien plus, alors que la plupart des hommes sont tout au long de la Passion du côté de l'humanité pécheresse par peur ou par haine, presque toutes les femmes à l'exception des servantes sont fidèles d'une manière ou d'une autre à Jésus dans ses épreuves[20].

Pilate en gouverneur romain de Jérusalem et de la Judée y disposait d'un pouvoir discrétionnaire absolu. Toutefois il ne pouvait pas se conduire de façon trop arbitraire sans s'aliéner l'aristocratie locale qui était son principal relai auprès de ses administrés, et il semble avoir su dans son gouvernement de dix ans obtenir un maximum d'effets avec un minimum de moyens (une cohorte pour la Judée). Jean semble faire de Pilate quelqu'un préoccupé de vérité qui essaya de relâcher Jésus avant de se laisser vaincre par lâcheté sous la pression populaire. Finalement, les quatre Evangiles sont unanimes à préciser que Pilate condamna Jésus à la crucifixion[21].

Flagellation
Flagellation du Christ par Rubens (1617)

Une fois condamné à mort par Pilate, il est d’abord flagellé, c’est-à-dire lié à une colonne où il est frappé avec un fouet aux lanières lestées d’os ou de métal (Brown et al., 628) ou d'un long clou.

Cette flagellation est attestée par Marc, Matthieu et Jean. Son absence chez Luc s'explique peut-être par l'horreur extrême de ce supplice romain. En effet, la flagellation était le plus atroce châtiment corporel qui suscitait l'horreur (Cicéron, Horace); le nombre de coups de fouet n'était pas limité par le règlement, en sorte que même des victimes non condamnées à mort pouvaient parfois en mourir ou demeurer handicapées à vie. Paradoxalement, cette violence inouïe pouvait abréger la peine des condamnés à la croix, l'hémorragie provoquée par la flagellation limitant la durée de survie et partant les tortures de la crucifixion[22].

Couronnement d'épines
Le couronnement d'épines par le Titien (vers 1570).

Les Évangiles canoniques, à l’exception de l’Évangile selon Luc, rapportent que Jésus est emmené au prétoire (Prætorium), supposé être soit le palais du roi de Galilée Hérode Antipas, soit le Fort Antonia (Brown et al., 628). Matthieu et Marc relatent tous deux qu’une compagnie entière de soldats, qui étaient probablement pour la plupart des recrues de Palestine ou de Syrie (Brown et al., 628), punit Jésus. Jean n'indique pas combien de soldats étaient présents. Ils le revêtent d’une tunique pourpre, et lui placent une couronne d'épines sur la tête, et l’acclament comme roi des Juifs[23]. Ils feignent de lui rendre hommage, en lui cognant la tête avec un bâton qui, d’après l’Évangile selon Matthieu, avait été fait pour le soutenir. Les Évangiles essaient de montrer que les soldats accomplissent involontairement les desseins de Dieu (Miller, 50).

Le couronnement de Jésus avec imposition de la chlamyde, de la couronne d'épine et du roseau s'inscrit dans les procédés romains d'exécution des condamnés, car les Romains introduisaient souvent un élément parodique dans les peines infligées aux condamnés qui mimait le crime dont ils étaient jugés coupables ; en particulier à ceux qui s'étaient révoltés contre l'autorité impériale. Or, la parodie est bien visible lors du procès de Jésus accusé par les princes des prêtres de vouloir être « roi des Juifs » : chlamyde écarlate en guise de manteau royal en pourpre, couronne d'épines pour la couronne de laurier en or, et un roseau pour le sceptre en or. Il faut ajouter que Jésus a reçu, selon les premiers chrétiens (Justin, Origène, Jérôme, Ephrem le syrien) un authentique couronnement confirmant sa réponse à Pilate qui l'interrogeait pour savoir s'il était roi - couronnement que ses ennemis ont voulu rendre dérisoire, sans y parvenir[24].

Ecce homo
Ecce Homo, Elias Garcia Martinez (vers 1890)

Après cet épisode, Marc et Matthieu notent que les soldats rendent à Jésus ses vêtements, mais d’après l’Évangile selon Jean, ils lui laissent la robe pourpre et la couronne. C'est alors que Ponce Pilate présente Jésus aux outrages à la foule (Ecce homo) et demande au public hébreu présent dans la petite cour du Temple de Jérusalem de choisir qui de Jésus ou de Barabbas (un brigand) échappera à l'exécution. Or, cette foule s'exclame, selon les textes, « Libérez Barabbas », laissant du même coup exécuter Jésus.

Cet épisode, et en particulier l'exclamation « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » (Mt 27:25), est probablement à l'origine de croyances selon lesquelles le peuple juif aurait été responsable de la mort du Christ (voir peuple déicide). Ces croyances, condamnées par la doctrine, ont pu s'appuyer sur une mauvaise compréhension de la prière du Vendredi saint (Oremus et pro perfidis Judæis). Le cardinal Ratzinger considère qu'il faut interpréter ce sang avec un nouveau regard conforme à la foi, non comme une malédiction, mais comme une prophétie de la rédemption des Juifs par le sang de Jésus tombant sur eux, en analogie avec l'intervention de Caïphe, prophétisant selon Jean, recommandant qu'un seul meure pour que l'ensemble du peuple soit sauvé[25][pas clair].

Crucifixion

Crucifixion de Jésus de Nazareth par Gustave Doré (1866)

Juste avant que Pilate ne prononce la condamnation de Jésus, l'Évangile selon Jean précise que c'est la « sixième heure », c'est-à-dire midi, alors que dans les Évangiles synoptiques à la « sixième heure » Jésus est déjà crucifié et c'est le moment où l'obscurité se fait sur Jérusalem [16]. Cette différence de comptage des heures est due au fait que les Juifs et les Romains utilisaient deux systèmes horaires différents : les Évangiles synoptiques se réfèrent au système juif, tandis que Jean décompte les heures sur le modèle romain.

D’après l’Évangile, Jésus fut obligé, comme d’autres condamnés au crucifiement (qui deviendra pour ce cas précis la Crucifixion), de porter sa propre croix jusqu’au mont du Golgotha (la place du crâne), le lieu de l’exécution[26]. D’après les synoptiques, sur la route du Golgotha, les soldats obligent un passant, Simon de Cyrène, à porter la croix de Jésus. La raison n’en est pas donnée dans les Évangiles, mais Marc trouve opportun de citer les enfants de Simon, Alexandre de Cyrène et Rufus, comme s’ils avaient été des personnages connus des lecteurs (Brown et al., 628). Paul cite aussi un Rufus dans son Épître aux Romains. Luc ajoute que les femmes disciples suivaient Jésus, et pleuraient sur son destin, mais qu’il a répondu par une citation biblique du Livre d'Osée, chapitre 10 verset 8.

Quand ils arrivent au Golgotha, il lui est proposé du « vin parfumé de myrrhe » ou « du vin mêlé de fiel » qu'il refuse de boire, après en avoir goûté selon l’Évangile selon Matthieu.

Jésus est alors crucifié, d’après les synoptiques, à la troisième heure du jour (9 h).

Les synoptiques ajoutent que la croix comportait, sur un écriteau « Le roi des Juifs », avec des variantes mineures[27]. Dans l'Évangile selon Jean, l’inscription est « Jésus le nazaréen, roi des Juifs » en trois langues (INRI). Il est précisé que c'est Pilate qui a rédigé cette inscription sur un titulus (écriteau), en hébreu, en latin et en grec ancien. L'indication « le Nazaréen », montre que l'appellation polémique est acceptée au moment de la rédaction de l'Évangile selon Jean.

L'indication de l'emplacement du titulus (Matthieu 27, 37) suggère que Jésus fut crucifié sur une croix à quatre bras, (et non sur une croix en X ou en T) une poutre horizontale croisant une poutre verticale. Cette dernière pouvant mesurer usuellement entre 1,75 et 3 mètres, l'emploi de roseau pour donner à boire à Jésus crucifié (Matthieu 27, 48), ou celui d'une lance utilisée par un soldat pour lui transpercer le coeur (Jean 19, 29) laisse à penser que la croix de Jésus devait être haute. En outre, la mise en place d'un soutien pour les pieds (suppedaneum) visant à empêcher le corps de s'affaisser en provoquant une mort rapide par asphyxie, avait pour but que la crucifixion fut un supplice long. Enfin on employait pour attacher les crucifiés des cordes et parfois des clous comme pour jésus (Jean 20, 25, Colossiens 2, 14)[28].

Les Évangiles canoniques déclarent alors que les vêtements de Jésus lui furent retirés par les soldats, pour être répartis entre eux en plusieurs lots[29]. L’Évangile selon Jean prétend que ceci accomplit une prophétie du psaume biblique (partage des vêtements)[30]. D’après Luc, les deux voleurs crucifiés aux côtés de Jésus lui parlent. Luc déclare que l’un railla Jésus, et que l’autre le respecta, et que Jésus déclara que le voleur respectueux, Dismas (le bon larron), gagnerait promptement son entrée au paradis ; traditionnellement l’autre, Gesmas ou Gestas (le mauvais larron), est considéré comme voué à l’enfer. Dismas est considéré comme sauvé par Jésus, par sa seule déclaration de foi : « Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis »[31].

Dans les quatre Évangiles canoniques, alors que Jésus est sur la croix, on lui propose de boire du vinaigre, imbibé dans une éponge selon trois d'entre eux[32]. L'Évangile selon Jean précise que cela a lieu pour que l'Écriture soit parfaitement accomplie. Jésus refuse de le boire.

Le Christ en croix est souvent représenté portant le périzonium (un pagne).

Il est à observer que les Evangélistes ne donnent que peu de détails concernant le supplice de la crucifixion de Jésus et les souffrances qu'il a alors subies. Or, celle-ci constituait la punition romaine considérée alors comme la punition la plus horrible, entraînant des souffrances longues et insupportables, marquant les condamnés maudits du sceau de l'infamie. Quoi que très répandue, elle était d'une telle horreur que les auteurs gréco-romains demeuraient discrets quand ils y faisaient référence[33].

Mort de Jésus

Le Christ en croix, Jacques-Louis David, 1782.

On attribue au Christ en croix sept dernières paroles. Parmi elles, il y a son adresse à son Père "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné' qui est le début du Psaume 22 (Matthieu 27, 46 et Marc 15, 34)[34]. Il y a aussi, juste avant de mourir : « Père entre tes mains je remets mon esprit » (Luc 23, 46). Il y a enfin : « tout est accompli » (Jean 19, 30)[35].

Jean est le seul à préciser qu'un soldat romain transperça le côté de Jésus de sa lance, et qu'il en sortit aussi tôt du sang et de l'eau (19, 34-35). Or il est important de noter que Jean attache à cet épisode apparemment insignifiant une très grande importance. En effet parlant de lui il écrit : "celui qui a vu rend témoignage (...) il sait que ce qu'il dit est vrai afin que vous aussi vous croyiez." Cet épisode important pour Jean sera approfondi spirituellement par les Pères de l'Eglise qui y verront la naissance de l'Eglise. C'est ainsi que Cyrille de Jérusalem dira à propos côté du Christ qu'il qualifie de nouvel Adam qu'il s'est ouvert comme celui du premier Adam, et qu'il en est sorti une nouvelle Eve qui n'est autre que l'Eglise signifiée par l'eau du baptême et le sang de l'Eucharistie. De même Augustin d'Hippone verra dans l'ouverture du côté de Jésus celle par où ont coulé les sacrements de l'Eglise[36].

En outre, d'après les quatre Évangiles, Jésus est mort un jour de préparation de la Pâque. Or, le repos sabbatique tout proche obligeait à décrocher le corps de Jésus et ceux des deux larrons (Deutéronome 21, 23) pour éviter de profaner le shabbat par l'exposition de crucifiés souillant la terre d'Israël. C'est pourquoi, on brisa les jambes de ces derniers afin d'accélérer leur mort, mais non celles de Jésus qui était déjà mort. Cependant, si « on ne lui brisa pas un os » (Jean 19, 36), Jean relie cela à la prescription rituelle de ne pas briser les os de l'agneau pascal (Exode 12, 46), ce que Jean met implicitement en relation avec le « voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » du début de son Evangile (Jean 1, 29)[37].

Mort de Jésus et celle des héros antiques

Le Dictionnaire Jésus fait observer que la Passion et la mort de Jésus relatées par les Évangélistes qui sont accompagnées de ricanements, d'insultes, de moqueries et de crachats sont aux antipodes des récits de mort héroïque de l'Antiquité. Pour la culture antique, la mort de Jésus n'est en rien édifiante. Jamais dans l'histoire de la littérature ancienne, on n'avait mis tant de minutie à rendre compte de l'ignominie et de l'abjection de la mort d'un héros. C'est ainsi que le philosophe gréco-romain Celse considérait vers 180 comme un degré suprême de la décadence que l'on puisse honorer un dieu chez un personnage mort d'une manière si vile. Ainsi, les récits évangéliques de la Passion sont éloignés d'un souci d'édification morale du monde cultivé antique[38].

Mise au tombeau de Jésus

Mise au tombeau, mosaïque créée sur un mur de l'Église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem.

La relation de la sépulture de Jésus clôt le soir de sa mort le récit de sa passion initiée par la dernière Cène (Matthieu 26, 17-19). À la mise au tombeau ses amis reçoivent son corps une fois le sacrifice achevé et accomplissent les paroles de Jésus à la Cène : "prenez mon corps". De manière inattendue pour un supplicié des Romains, au lieu d'être jeté dans une fosse commune, Jésus reçoit une sépulture décente quoi que hâtive dans un tombeau non encore usagé de Joseph d'Arimathie. En effet l'enterrement de tout mort, un devoir essentiel dans le monde juif devait avoir lieu avant le crépuscule, y compris pour les condamnés (Deutéronome 21, 23)[39]

Place importante des femmes lors de la Passion

Contrairement aux récits antiques païens de morts nobles ou héroïques, celui de la mort de Jésus n'exclue pas les femmes. Matthieu évoque de "nombreuses femmes qui regardaient à distance, celles-là même qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée et le servaient, entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques et Joseph et la mère des fils de Zébédée" (27, 55-56). Marc note de son côté Marie de Magdala, Marie mère de Jacques et José et Salomé (15, 40). Luc se limite à signaler la présence des femmes qui l'accompagnaient depuis la Galilée (23, 49) dont il avait donné les noms plus haut à savoir Marie de Magdala, Jeanne femme de Choulza et Suzanne (8, 2-3). Enfin Jean évoque la mère de Jésus, sa sœur Marie de Clopas et Marie de Magdala (19, 25-27). La fidélité de ces femmes à Jésus lors de sa Passion est à souligner car elle est en contraste avec l'attitude des apôtres qui l'abandonnèrent à l'exception du disciple bien-aimé. (En outre on ne doit pas oublier l'intervention de la femme de Pilate, Claudia Procula, en faveur de Jésus (Matthieu 27, 19) évoquée plus haut). On peut se demander si la mention de ces femmes ne serait pas le vestige de leurs récits sur la mort de Jésus aux tout premiers temps de la tradition orale. Par ailleurs il faut remarquer que des récits de l'AT présentent des femmes dans la "mort d'un juste"[40].

Enracinement vétérotestamentaires des souffrances du Christ

Les évangélistes ont reconnu dans les souffrances de Jésus lors de sa Passion de nombreux versets de l'Ancien Testament :

Le Christ serait rejeté (Isaïe 53), trahi (Psaumes 41, 10 et 55, 14), abandonné par les siens (Psaumes 31, 12; 37, 12;88, 19), assailli par la tristesse et l'angoisse (Psaume 42, 6), vendu trente sicles d'argent (Zacharie 11, 12-13), jugé (Isaïe 53, 8) injustement (Jérémie 11, 19). Il garderait le silence devant ses accusateurs (Isaïe 53, 7) serait insulté, raillé (Psaume 22, 8-9), frappé (Isaïe 50, 6), compté parmi les criminels (Isaïe 53, 12), dépouillé de ses vêtements (Psaume 22, 19). Il aurait les pieds et les mains transpercés (Psaume 22, 17). Il se sentirait abandonné de Dieu (Psaume 22, 2). Il serait assoiffé (Psaume 22, 16), serait abreuvé de vinaigre (Psaume 69, 22), serait transpercé (Zacharie 12, 10) par une lance, sans que ses os ne soient brisés (Psaume 34, 21). La terre se couvrirait de ténèbres (Amos 8, 9) et il serait mis au tombeau (Isaïe 53, 9)[41].

Signification salvifique de la Passion

Allégorie de la sainte Eucharistie, Miguel Cabrera, 1750.

Quelques heures avant sa passion, lors de la Cène, Jésus a proposé à ses disciples de boire son sang, le « sang de l'alliance qui va être répandu pour une multitude pour le pardon des péchés » (Matthieu 26, 28), ce qui est une citation presque littérale du sacrifice ayant scellé l'Alliance avec Israël sur le mont Sinaï. Si dans ce dernier cas, l'offrande liée au sang versé n'est pas expiatoire, celle-ci est présente dans le passage suivant d'Isaïe auquel le verset de Matthieu fait allusion : « Comme l'agneau conduit à l'abattoir, il n'ouvrait pas la bouche (...) S'il offre sa vie en sacrifice d'expiation, il verra une postérité (...) alors qu'il portait les péchés d'une multitude » (Isaïe 53, 7; 10; 12)[42]

Jésus dans l'obéissance filiale à son Père qui le mène à la Passion et à la Croix accomplit devant Dieu un acte de valeur infinie qui efface le poids de toutes les fautes passées présentes et à venir de ses frères humains. Il offre un unique sacrifice, une fois pour toutes, pour les péchés du peuple (Hébreux 7, 27). Par la vertu de son sang, il obtient une fois pour toutes la libération définitive (Hébreux 9, 12). Par l'offrande de son corps, Jésus sanctifie volontairement les fidèles une fois pour toutes (Hébreux 10, 10).

L'Epitre aux Hébreux commente ainsi l'agonie de Jésus : « Lui qui, au jour de sa chair, ayant présenté avec un grand cri et des larmes des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, ayant été exaucé à cause de sa piété, quoi qu'il fut fils, il apprit l'obéissance : ayant été ainsi rendu parfait, il est devenu cause de salut éternel pour tous ceux qui lui obéissent » (Hébreux 5, 7-9).

De même, Paul écrit à propos de Jésus : « Dieu n'a pas épargné son propre Fils, mais Il l'a livré pour nous tous » (Romains 8, 32). En effet, « ce que Dieu veut, c'est que tous soient sauvés » (I Timothée 2, 4) « Car c'était Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes, et mettant en nous la parole de la réconciliation » (II Corinthiens 5, 19)[43].

Datation des événements

Dans les Évangiles synoptiques, Jésus aurait été crucifié le jour de la Pâque juive (Pessah), un vendredi 14 nissan, la veille de la fête du premier jour des pains sans levain (azyme), qui est aussi un Shabbat[44]. En revanche, dans l'Évangile attribué à Jean, Jésus est crucifié la veille de la Pâque, un vendredi 13 nissan.

Les Évangiles synoptiques situent la mort de Jésus (Jn 19:42) le jour de la préparation de la Pâque juive, le 14 nissan. À partir des éléments du Nouveau Testament associés à la connaissance d’évènements historiques et astronomiques, les historiens datent généralement l’évènement supposé de la Passion du Christ entre 28 et 33, fin mars ou début avril.

Crucifixion par Albrecht Altdorfer.

La Passion est célébrée pendant le triduum pascal et plus particulièrement pendant le Vendredi saint. Pour le texte de la prière universelle prononcée ce jour-là, voir la prière du Vendredi saint.

Exégèse

Les quatre Évangiles canoniques relatent des événements relatifs à la Passion, mais selon l'historien Étienne Trocmé, ils ne constituent pas des sources absolument fiables : ces récits étaient intégrés dans un rituel ou un culte rendu à Jésus-Christ, et ne visaient pas la fidélité au réel : « La quadruple narration de ces dramatiques journées que nous donnent les Évangiles du Nouveau Testament remontent à un archétype composé à Jérusalem peu d'années après l'événement. Mais ce texte, destiné à être lu lors des célébrations solennelles avec les pèlerins gagnés à la foi chrétienne, est plus liturgique qu'historique et ne nous donne qu'une image très imparfaite et très biaisée de ce qui s'est passé durant ces tragiques journées »[45].

L'exégète Jean-Pierre Lémonon a tenté de dégager certains aspects propres aux Evangiles dans leurs présentations de la passion de Jésus : Marc, en faisant appel aux psaumes 22 et 69 (Marc 15, 33-41), invite à contempler dans le juste en croix abandonné par les siens le Messie et le Fils de Dieu (Marc 14, 53-64). Matthieu montre dans les évènements liés à la passion la réalisation d'annonces provenant de l'Ancien Testament tirées de Zacharie et de Jérémie. Luc perçoit la Passion de Jésus comme une voie dans laquelle les disciples s'engagent à la suite de leur maître (Luc 23, 26-32 et 23, 39), et présente Jésus comme le Serviteur Souffrant d'Isaïe. Enfin, Jean contemple dans celui qui est traité comme un esclave, un souverain ayant tout pouvoir (Jean 18, 6), et dans la victime qu'est Jésus, l'Agneau pascal " (Jean 19, 36) qui enlève le péché du monde" (Jean 1, 29)[46].

« Les sources concernant la mort de Jésus sont essentiellement chrétiennes », écrit Simon Claude Mimouni : il s'agit des Évangiles canoniques et apocryphes. Or « ces textes ne sont pas d'abord des écrits pour servir de documentation. Ils ont été rédigés plutôt pour la liturgie des premiers disciples ». Ainsi, « pour l'historien, la reconstruction de ces évènements est périlleuse »[47]. Si certains (Justin et Tertullien) ont pu alléguer l'existence d'une source non chrétienne, « les affirmations de Justin (Apologie, I, 35, 9 et 48, 3) et de Tertullien (Apologétique, 5, 2 et 21, 20) selon lesquelles un document envoyé par Pilate à Tibère est conservé dans les archives impériales ne doivent pas être prises pour autre chose que des suppositions », écrit encore Mimouni[47].

Interprétations artistiques

Arts visuels

Des milliers de peintures et de sculptures représentent la Passion.

Musique sacrée

De très nombreuses œuvres ont pour thème a Passion, parmi lesquelles :

Scènes de la Passion du Christ, Duccio di Buoninsegna, 1308.

Notes et références

  1. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , 1274 p., p. 49-50.
  2. Daniel J. Harrington, SJ, Historical Dictionary of Jesus, Scarecrow Press, USA, 2010, p. 117
  3. Paula Fredriksen, De Jésus aux Christs, éd. du Cerf, 1992, p. 169.
  4. Ecole Biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 999.
  5. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 1086 et 1090.
  6. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, p. 26-31.
  7. Daniel J. Harrington, SJ, Historical Dictionary of Jesus, Scarecrow Press, USA, 2010, p. 23
  8. The History of Synoptic Tradition, p. 269.
  9. Les Évangiles synoptiques, vol. 2, p. 585.
  10. Ecole Biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 95.
  11. Daniel J. Harrington, SJ, Historical Dictionary of Jesus, Scarecrow Press, USA, 2010, p. 140
  12. Marie-Françoise Baslez, Bible et histoire, p. 211.
  13. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 872.
  14. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 933-934.
  15. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 876-877.
  16. a et b Daniel J. Harrington, SJ, Historical Dictionary of Jesus, Scarecrow Press, USA, 2010, p. 163
  17. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 442.
  18. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 113-114.
  19. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 555-556.
  20. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 185-187.
  21. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 847-849.
  22. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 387-388
  23. Daniel J. Harrington, SJ, Historical Dictionary of Jesus, Scarecrow Press, USA, 2010, p. 41
  24. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 212-214.
  25. Joseph Ratzinger-Benoit XVI, Jésus de Nazareth, Vol II, Paris, Rocher, , p. 215-216
  26. Daniel J. Harrington, SJ, Historical Dictionary of Jesus, Scarecrow Press, USA, 2010, p. 32, 41
  27. Daniel J. Harrington, SJ, Historical Dictionary of Jesus, Scarecrow Press, USA, 2010, p. 161
  28. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 227-228.
  29. Joel B. Green, Scot McKnight, I. Howard Marshall, Dictionary of Jesus and the Gospels: A Compendium of Contemporary Biblical Scholarship, InterVarsity Press, USA, 1992, p. 149
  30. Ps. 22:18-19
  31. Daniel J. Harrington, SJ, Historical Dictionary of Jesus, Scarecrow Press, USA, 2010, p. 116
  32. Joel B. Green, Scot McKnight, I. Howard Marshall, Dictionary of Jesus and the Gospels: A Compendium of Contemporary Biblical Scholarship, InterVarsity Press, USA, 1992, p. 864
  33. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 224-227.
  34. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 447.
  35. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 716
  36. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 206-209.
  37. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 23.
  38. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 716-718.
  39. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 687-689
  40. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 999-101.
  41. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 50;
  42. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 24.
  43. Ecole biblique de Jérusalem, Dictionnaire Jésus, Paris, Laffont, , p. 1020-1023.
  44. Daniel J. Harrington, SJ, Historical Dictionary of Jesus, Scarecrow Press, USA, 2010, p. 37
  45. Étienne Trocmé, L'Enfance du christianisme, Noésis, 1997, p. 34. Pour la démonstration de cette assertion, E. Trocmé renvoie à son ouvrage The Passion as liturgy, 1983.
  46. Jean-Pierre Lémonon, « La mort du prophète abandonné des siens », Le Monde de la Bible. Hors Série: Que sait-on de Jésus?,‎ printemps 2009., p. 38 et 39.
  47. a et b Simon Claude Mimouni et Pierre Marval, Le Christianisme des origines à Constantin, PUF, 2006, p. 113.

Voir aussi

Bibliographie

  • Charles Journet, Les sept paroles du Christ en croix, Le Seuil, Paris, 1952.
  • Maurice Goguel, « Juifs et Romains dans l’histoire de la Passion », Recherches de Science Religieuse no 62, 1910, p. 165-182 ; 295-322.
  • Elias J. Bickerman, « Utilitas crucis. Observations sur les récits du procès de Jésus dans les évangiles », dans : Studies in Jewish and Christian history Vol. III, Leiden: Brill, 1986, p. 82-138.
  • Jonathan Bourgel, « Les récits synoptiques de la Passion préservent-ils une couche narrative composée à la veille de la Grande révolte juive ? », New Testament Studies no 58, 2012, p. 503-521.

Articles connexes

La flagellation et le début du chemin de croix par Théophane le Crétois, icône byzantine du mont Athos.

Et toutes les représentations artistiques de la peinture chrétienne sur ce thème.

Liens externes