Stabat Mater
Stabat Mater[1] (traduction du latin : La Mère se tenait) est une séquence composée au XIIIe siècle et attribuée au franciscain italien Jacopone da Todi.
Structure et signification du texte[modifier | modifier le code]
La séquence est divisée en vingt tercets ; chaque tercet a 8, 8 et 7 pieds. La succession des rimes est la suivante : AAB CCB DDE FFE, etc.
Le texte de la séquence évoque la souffrance de Marie lors de la crucifixion de son fils Jésus-Christ. Marie y est présentée plus comme une femme qui souffre que comme la reine des cieux[2].
Le titre est simplement un incipit, les premiers mots de Stabat Mater dolorosa, son premier vers, que l'on peut traduire ainsi : « La Mère se tenait là, endolorie… ». Les tercets 1 et 2 font référence à une prophétie biblique de Siméon, faite à la Vierge durant la Présentation au Temple de Jésus, quarante jours après sa naissance : "Et toi-même, ton cœur sera transpercé par une épée. Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d'un grand nombre." (Luc, II, 35). Les tercets 3 à 7 présentent une contemplation des souffrances de la Vierge : "Qu'elle était triste, anéantie, / La femme entre toutes bénie...". Les tercets 9 à 18 sont une prière qui demande à la Vierge de nous unir à sa souffrance : "Ô Mère, source de tendresse...". Les deux derniers tercets sont une prière au Christ : "Ô Christ, à l'heure de partir...".
Ce poème latin médiéval est souvent considéré[Par qui ?] comme l'expression classique d'une nouvelle forme de piété, plus empathique et émotive, caractéristique de la fin du Moyen Âge. L'affliction en demeure le thème central. Le croyant est plus à même de ressentir sa douleur humaine de mère que celle du fils d'essence divine, mais aussi de nature divine[réf. nécessaire].
Le thème pictural du Stabat mater (une Crucifixion avec la Vierge éplorée) a été repris par de nombreux peintres[Par exemple ?] ; il est élargi avec celui de la Déposition de croix.
Usage liturgique[modifier | modifier le code]
Comme la plupart des séquences, elle a été exclue de la liturgie dans la norme du Missel romain fixée par le Concile de Trente (1570), mais a été réintégrée en 1727. Elle est ainsi aujourd'hui la cinquième et dernière des séquences autorisées, mais est rarement chantée.
Le thème de la Mater dolorosa s'inscrit aussi dans l'explosion de la dévotion mariale, promue notamment par l'ordre des Frères mineurs (franciscains). La fête associée à cette séquence est celle de Notre-Dame des douleurs, objet d'une dévotion particulière qui s'instaure à la fin du XVe et au début du XVIe siècle dans la théologie de la Contre-Réforme, où les Jésuites auront un grand rôle[3].
Cette fête était célébrée principalement par les servites de Marie au XVIIe siècle. Elle fut étendue à toute l’Église en 1814 (elle a été fixée au en 1912)[4].
Les compositions musicales[modifier | modifier le code]
Le texte du Stabat Mater a été mis en musique par plusieurs compositeurs ; parmi eux, le compositeur Pergolèse (1736) a écrit une œuvre restée célèbre depuis le XVIIIe siècle.
Parmi les nombreux compositeurs :
- Moyen Âge et Renaissance : Josquin des Prés, Giovanni Pierluigi da Palestrina, Roland de Lassus.
- Baroque (XVIIe-1re moitié du XVIIIe siècle) : Alessandro Scarlatti, Antonio Caldara, Antonio Vivaldi, Emanuele d'Astorga, Domenico Scarlatti, Giovanni Battista Pergolesi, Agostino Steffani, Tommaso Traetta, Sébastien de Brossard, Giovanni Felice Sances, Marc-Antoine Charpentier, 2 compositions H.15 et H.387, Louis-Nicolas Clérambault.
- Classicisme (2e moitié du XVIIIe siècle) : Joseph Haydn, Luigi Boccherini, Antonio Salieri, Niccolò Antonio Zingarelli.
- Romantisme (XIXe siècle) : Gioachino Rossini, Charles Gounod, Franz Schubert, Franz Liszt, Josef Rheinberger, Antonín Dvořák. Le Stabat mater fut l'une des dernières compositions de Giuseppe Verdi. C'est le n° 2 de ses Quattro pezzi sacri (Quatre pièces sacrées), 189.
- XXe siècle : Lorenzo Perosi, Karol Szymanowski, Francis Poulenc, Krzysztof Penderecki, Arvo Pärt, François Fayt, Salvador Brotons.
- XXIe siècle : Patrick Burgan, Bruno Coulais, Christophe Looten, Karl Jenkins, Julien Joubert, Philippe Hersant, Thierry Pécou, Marco Rosano, Ludovic Amadeus Selmi, Vasco M. N. Pereira, Sir James MacMillan et Marc Garetto. En 2013 le groupe EPICA joue et chante Stabat Mater Dolorosa sur scène lors de leur live Retrospect .
Le texte original avec une traduction libre[modifier | modifier le code]





Latin | Français |
---|---|
Stabat Mater dolorosa |
Elle se tint là, la mère endolorie |
Cuius animam gementem, |
Son âme gémissante, |
O quam tristis et afflicta |
O qu'elle fut triste et affligée |
Quæ mœrebat et dolebat, |
Qu'elle souffrit et fut endeuillée, |
Quis est homo qui non fleret, |
Quel homme sans verser de pleurs |
Quis non posset contristari, |
Qui pourrait dans l'indifférence |
Pro peccatis suæ gentis |
Pour toutes les fautes humaines, |
Vidit suum dulcem natum |
Elle vit l'Enfant bien-aimé |
Eia Mater, fons amoris, |
Ô Mère, source de tendresse, |
Fac ut ardeat cor meum |
Fais que mon âme soit de feu |
Sancta Mater, istud agas, |
Mère sainte, daigne imprimer |
Tui nati vulnerati, |
Pour moi, ton Fils voulut mourir, |
Fac me tecum pie flere, |
Donne-moi de pleurer en toute vérité, |
Iuxta crucem tecum stare, |
Je désire auprès de la croix |
Virgo virginum præclara, |
Vierge des vierges, resplendissante, |
Fac ut portem Christi mortem, |
Du Christ fais-moi porter la mort, |
Fac me plagis vulnerari, |
Fais que Ses propres plaies me blessent, |
Flammis ne urar succensus |
Je crains les flammes éternelles; |
Christe, cum sit hinc exire, |
Ô Christ, à l'heure de partir, |
Quando corpus morietur, |
À l'heure où mon corps va mourir, |
Amen ! In sempiterna sæcula. Amen. |
Amen ! Pour les siècles des siècles. Amen. |
Stabat Mater speciosa[modifier | modifier le code]
Une autre séquence liturgique analogue au Stabat Mater dolorosa est attribuée à Jacopone da Todi. Elle reprend exactement la même structure pour sa versification. Moins connu, le Stabat mater speciosa décrit les joies de Marie dans l'étable de Bethléem, d'après le récit évangélique. Pratiquement oublié dès la fin du XVe siècle, le texte n'est redécouvert qu'à la moitié du XIXe siècle par l'historien catholique français Antoine-Frédéric Ozanam (Poètes Franciscains en Italie au Treizième siècle).
Comparativement au Stabat Mater dolorosa, peu de compositeurs ont mis en musique le Stabat Mater speciosa ; on retiendra la composition de Franz Liszt, troisième mouvement de son oratorio Christus. Notons que cette pièce fait partie de la première partie (oratorio de Noël), tandis que l'on trouve le Stabat Mater dolorosa dans la troisième partie (oratorio de la Passion).
À noter également, les Nativités pour 24 voix mixtes a cappella (2005) de Patrick Burgan. Dans cette œuvre, qui célèbre le miracle de la naissance en plusieurs langues, le Stabat Mater speciosa est confié au pupitre des alti.
Un Stabat mater speciosa a en outre été écrit en 2016 par le compositeur suisse Gonzague Monney[5].
Voici le texte original de la séquence et une traduction :
Latin |
Français |
---|---|
Stabat Mater speciosa Cuius animam gaudentem O quam laeta et beata Quae gaudebat et ridebat, Quis est, qui non gauderet, Quis non posset collaetari, Pro peccatis suae gentis Vidit suum dulcem natum Nati Christus in praesepe Stabat senex cum puella Eia Mater, fons amoris Fac, ut ardeat cor meum Sancta Mater, istud agas, Tui nati coelo lapsi, Fac me tecum congaudere In me sistat ardor tui Hunc ardorem fac communem, Virgo virginum praeclara, Fac, ut portem pulchrum fortem Fac me tecum satiari, Inflammatus et accensus Fac me nato custodiri Quando corpus morietur, |
De son âme festive Ô combien radieuse et bénie Ô combien heureuse, réjouie Qui ne se pavoiserait Qui ne se réjouirait aussi Pour les péchés de Son peuple Elle a vu sa douce progéniture Pour le Christ nouveau-né dans sa crèche Le vieil homme se tenait avec sa jeune épouse Ô Mère, fontaine d’amour, Embrasez mon cœur Sainte Mère, ne soyez pas sévère En compagnie de votre divin enfant Laissez-moi me réjouir avec vous, Puisse votre ardeur m’emplir Entraînez-moi dans cette ardeur Vierge des vierges, la plus élevée d’entre toutes, Puis-je en lui puiser la force, Puis-je avec vous être comblé, Ainsi enflammé du feu de l’amour Puisse le Premier-Né me protéger, Lorsque mon corps s’éteindra |
Notes et références[modifier | modifier le code]
- On prononce Matère et non Mateur. Toutes les lettres du mot Stabat se prononcent, telles qu'elles sont écrites.
- Voir sur id.erudit.org.
- Les Jésuites ne publièrent pas moins de quatre-vingt-douze ouvrages sur cette dévotion aux douleurs de Marie.
- Missel quotidien et vespéral, Dom Lefebvre, Société liturgique, ed. 1934.
- « Création mondiale sur un poème méconnu », sur laliberte.ch,
Voir aussi[modifier | modifier le code]
Articles connexes[modifier | modifier le code]
- Stabat Mater (Emanuele d'Astorga)
- Stabat Mater (Antonio Caldara)
- Stabat Mater (Boccherini)
- Stabat Mater des religieuses, H 15 et Stabat Mater, H 387 (Marc-Antoine Charpentier)
- Stabat Mater (Bruno Coulais)
- Stabat Mater (Antonín Dvořák)
- Stabat Mater (Joseph Haydn)
- Stabat Mater (Christophe Looten)
- Stabat Mater (Palestrina)
- Stabat Mater (Pärt)
- Stabat Mater (Pergolèse)
- Stabat Mater (Poulenc)
- Stabat Mater (Josef Rheinberger)
- Stabat Mater (Rossini)
- Stabat Mater (Alessandro Scarlatti)
- Stabat Mater (Domenico Scarlatti)
- Stabat Mater (Franz Schubert)
- Stabat Mater (Szymanowski)
- Stabat Mater (Vivaldi)