Utilisateur:Heynoun/Personnage de fiction

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Alice, personnage de fiction emblématique de l'œuvre de Lewis Carroll.

Un personnage de fiction, ou caractère, est un être imaginaire issu d'une œuvre de fiction. Le procédé de création et de développement des personnages est appelé caractérisation.

Origine[modifier | modifier le code]

Il correspond à une personne, persona, identité ou entité dont la création tire son origine dans un travail ou un rôle d'œuvre de fiction. En plus de personnes, les personnages peuvent être des entités extraterrestres telles que perçues dans la culture populaire, des animaux[1], des divinités, une intelligence artificielle ou plus rarement, des objets inanimés.

En latin, persona est le terme employé pour définir le masque de l’acteur (le suffixe « -age » provient du verbe agere : agir). Le personnage désigne donc le caractère représenté par le masque, incarné par un acteur. Dans le théâtre romain, plusieurs caractères étaient ainsi personnifiés : Maccus, Bucco, Dossenus, l'ogre Manducus et l'ogresse Lamia, etc. Dans la commedia dell'arte, le masque permet au public d'identifier immédiatement un personnage. De fait, « monter sur les planches, c’est à l’origine tout le contraire que "se donner en spectacle" : s’absenter, effacer sa personnalité au profit d’un personnage avec lequel l’acteur n’a en principe nulle accointance »[2].

Utilisé pour désigner le rôle interprété par l’acteur de théâtre, le terme évolue pour décrire dans une œuvre de fiction une individualité, une personnalité.

Elément d'une oeuvre[modifier | modifier le code]

Une telle existence est agréée par ceux qui participent à la performance tels que l'auditoire, le lecteur ou n'importe qui d'autre.

Les personnages sont largement considérés comme un élément essentiel des travaux de fiction, spécialement les romans et la comédie. Néanmoins, certains ont essayé de narrer une histoire sans l'utilisation de personnages. Finnegans Wake de James Joyce en est l'un des plus célèbres exemples. Même dans des travaux qui n'évoquent pas explicitement la présence de personnages, tels que dans la poésie, ceux-ci transpirent dans la qualité du narrateur ou de l'auditeur imaginé.

Dans diverses formes de théâtre, performances artistiques et du cinéma, les personnages de fiction sont interprétés par des acteurs, danseurs ou chanteurs. Dans le monde de l'animation et des marionnettes, différents aspects d'un personnage sont rendus séparativement à l'aide de diverses méthodes. Ainsi, dans l'animation par exemple, les manières et l'attitude sont le fruit du travail des animateurs 3D ou dessinateurs, tandis que les voix sont l'œuvre de doubleurs. Dans le genre cinématographique des machinimas, les voix sont parfois rendues en utilisant la technique de synthèse vocale.

À l'opposé du personnage de fiction, on retrouve le personnage historique qui existe ou a existé à travers l'Histoire, bien que ses exploits narrés puissent différer des faits réels.

Archétypes et stéréotypes[modifier | modifier le code]

Archétypes[modifier | modifier le code]

Carl Gustav Jung

Un personnage peut être basé sur un archétype particulier, lequel appartient à l'un des types communs de personnage listé ci-après. Ces archétypes tirent souvent leur source dans la mythologie, les légendes et le folklore. Par exemple, Puck de la pièce Songe d'une nuit d'été de Shakespeare et Bugs Bunny sont tous les deux des exemples de l'archétype du filou ou de la canaille car ils défient les normes établies de morale et d'éthique.

Même si Carl Gustav Jung identifia les premiers archétypes basés sur les types d'histoire en 1919[3], les auteurs tels que Joseph Campbell[4] et James Hillman ont continué le travail qu'il avait commencé. D'autres auteurs, tels que Christopher Vogler avec Le Guide du Scénariste, ont réorganisé la classification, souvent en joignant les archétypes Jungiens ou en définissant des sous-archétypes au sein de la structure définie par Jung.

Un unique personnage peut remplir plus qu'un seul rôle archétypal. Un personnage complexe peut piocher ses caractéristiques au sein de différents archétypes, exactement comme les personnes réelles ont en elle des aspects de chaque archétype. Selon l'écrivain psychologue Carolyn Kaufman, « Cependant dans les histoires, les archétypes sont...réduits en fragments dans différents personnages, dans la vraie vie où chacun de nous porte en lui des qualités de chaque archétype. Si nous ne les portions pas, nous ne pourrions pas apprécier les personnages qui représentent les archétypes qui nous manquent. »[5]

Découpage selon huit archétypes[modifier | modifier le code]

Melanie Anne Phillips et Chris Huntley, auteurs de Dramatica[6], définissent huit archétypes différents se démarquant par leurs caractéristiques d'action et de décision :

Nom Définition Exemple
Personnage principal Le personnage principal est celui au travers des yeux duquel le lecteur ou le spectateur suit l’histoire. Souvent, il s'agit du narrateur. En fait, son point de vue est l’angle de vue du récit, donnant un meilleur aperçu du héros, vu de l’extérieur. Le docteur Sheppard dans Le Meurtre de Roger Ackroyd d'Agatha Christie.
Protagoniste Le meneur de l'intrigue, celui qui force l'action. Principal instigateur de l’effort mis en œuvre pour atteindre l’objectif de l’histoire, il n'est pas nécessairement le personnage principal. Sa responsabilité est de faire avancer l’intrigue Lestat dans Entretien avec un vampire d’Anne Rice
Héros Combinaison du personnage principal et du protagoniste, le héros est à la fois le moteur principal de l’intrigue et l’acteur au travers duquel le public ressent l’histoire. Bob Morane, le héros inventé par Henri Vernes
Antagoniste L'antagoniste est le personnage directement opposé au protagoniste. Il se fond souvent dans le stéréotype du méchant. Son équivalent jungien est l'Ombre Apollo Creed dans Rocky est le personnage qui se dresse face à Rocky Balboa
Acolyte Personnage soutien, il est régulièrement le fidèle ami du protagoniste, il peut tout aussi bien être le soutien des autres types de personnage. Chewbacca est par exemple celui de Han Solo dans la La Guerre des étoiles
Obstacle Sans être forcément un antagoniste, le personnage obstacle est celui qui se met en travers du passage. Néanmoins, de la même manière que le protagoniste remplit souvent la fonction de personnage principal, antagoniste et personnage obstacle sont parfois mélangés. Mais si le premier est celui qui s’oppose au protagoniste, le personnage obstacle ne le fait pas obligatoirement. Il le gêne. Il peut le faire volontairement, par la tentation ou en le trompant. Mais l'inverse est aussi vrai. Le personnage obstacle d'Elsa Schneider use de son charme contre Indiana Jones dans Indiana Jones et la Dernière Croisade. D'un autre genre, Charles « Haywire » Patoshik dans Prison Break oblige Michael Scofield à modifier ses plans d'évasion.
Personnage de sang froid Le personnage de sang froid est logique, calme, serein, maître de lui-même, peut-être même froid. Il prend des décisions et agit entièrement sur le fondement de la logique. En général, son utilisation est régulièrement couplée avec un personnage au registre émotionnel poussé pour créer une source de conflit. Ainsi, une tension existe au sein de l’histoire. Dans Le Seigneur des anneaux de J. R. R. Tolkien, le personnage logique est Gandalf. Beaucoup des membres de la communauté de l'anneau sont des personnages émotionnels. Ainsi, Gandalf est là pour les recadrer et leur rappeler leur objectif.
Personnage émotif Le personnage émotif répond avec ses sentiments, mauvais ou bons, sans réfléchir. Il est donc à la fois incontrôlé et sensible. Il s'agit souvent d'un personnage qui s'emporte facilement, dépensant inutilement son énergie en s'énervant. Mais son émotivité sait le rendre aussi compatissant. le capitaine Haddock est un personnage colérique dont les emportements sont aussi brefs que spectaculaires. Mais, derrière cet aspect, il sait se montrer très sensible.

Découpage selon sept archétypes[modifier | modifier le code]

Un autre découpage[7], plus approprié au monde de la bande dessinée, des mangas ou de la fantasy, donne les archétypes suivants :

Nom Définition Exemple
Héros Personnage authentique, il ne renonce jamais. Son évolution est complète au cours de l'histoire, passant de la faiblesse à la force, du doute à l'assurance. Lanfeust dans Lanfeust de Troy
Ombre Il s'agit du rôle du méchant. Représentant le côté obscur, il s'oppose au héros. Dark Vador dans La Guerre des étoiles
Mentor Généralement plus âgé que le héros, le mentor apporte ses conseils à celui-ci. Son rôle est d'être un guide précieux, plein de sagesse et de savoir. Albus Dumbledore dans Harry Potter
Gardien du seuil Acolyte agressif du méchant, il s'oppose également au héros. le Nabot dans Il était une fois... l'Homme
Annonciateur Acolyte du héros, il le suit et le soutient dans ses aventures. Ami(e) ou Amant(e), ce personnage est une source de motivation pour le héros. Robin dans Batman
Métamorphe Envoutant ou charmeur, ce personnage ambigu trouble le héros dans sa quête. Il est une sorte d'épreuve. Il peut avoir par exemple les traits d'une femme fatale. Chihuahua Pearl dans Blueberry
Ludion C'est le personnage comique de l'œuvre. Il fait souvent preuve de stupidité ou du moins, la feint. Averell Dalton et Rantanplan dans Lucky Luke

Personnage principal, Protagoniste et Héros[modifier | modifier le code]

Selon la classification donnée dans Dramatica[6], il ne faut pas confondre le personnage principal avec le protagoniste, même s'il est courant pour les scénaristes de fusionner ces deux personnages pour créer le héros.

Néanmoins, l'un des avantages en termes de narration de les différencier est de donner ainsi plus de profondeur au protagoniste. En effet, un héros n'a pas toujours le recul nécessaire pour bien percevoir ses propres actions.

Par exemple, dans Entretien avec un vampire d’Anne Rice, toute l'histoire est racontée par Louis de Pointe du Lac, le personnage principal. En revanche, le protagoniste est bien Lestat, le vampire dont les faits et gestes animent l'histoire.

Il est tout de même très courant que le récit soit raconté du point de vue du protagonsite. Dans ce cas-là, le protagoniste et le personnage principal deviennent le héros, un autre stéréotype.

Antagoniste et Ombre[modifier | modifier le code]

L'antagoniste a pour équivalent jungien l'Ombre. Il existe deux types opposés. D'un côté, il peut avoir un rôle qui consiste à gêner ou arrêter le protagoniste dans la réussite de son objectif.

D'un autre, il peut poursuivre son propre objectif aux répercussions négatives. Dans ce cas, c'est le protagoniste qui tente de l'en empêcher. Dans Z comme Zorglub et L'ombre du Z, Spirou et son acolyte Fantasio mettent à mal les projets de Zorglub, l'antagoniste de ces deux albums.

Acolyte, Gardien du seuil et Annonciateur[modifier | modifier le code]

L'utilisation courante est celle du personnage comique. En général d'ailleurs, cela structure le duo comique avec l'Auguste et le clown blanc. Le premier est fruste, outrancier et désordonné comme Obélix. Le second est plus sérieux, intelligent et/ou rationnel, à la façon d'Astérix.

Son rôle peut aussi renforcer les objectifs ou les croyances du personnage qu’il soutient, comme Randy Hickey, le frère de Earl, dans Earl.

Il peut aussi être présent dans une œuvre pour renforcer les traits de l'antagoniste. Un contraste fort avec celui-ci est un moyen de lui apporter plus de profondeur, ce qu'apporte d'ailleurs Mini-moi à Docteur Denfer dans Austin Powers.

Stéréotypes[modifier | modifier le code]

Quand un personnage de fiction est particulièrement représentatif d'un trait de caractère ou d'un état d'esprit, son nom devient dans le langage courant synonyme de cet attribut. On parle ainsi d'un don juan pour évoquer un séducteur, d'un tartuffe pour un bonimenteur, d'un candide pour un naïf, etc.

Le cinéma, la littérature populaire et la bande dessinée ont aussi produit leurs personnages symboliques d'un attribut particulier, comme Superman qui incarne le super-héros, Sherlock Holmes, synonyme de perspicacité et de sens de la déduction, Tatie Danielle, vieille femme acariâtre, etc.

Propriétés d'un personnage de fiction[modifier | modifier le code]

Le nom[modifier | modifier le code]

Les noms des personnages de fiction sont souvent importants. Les conventions de nommage ont changé à travers le temps. Dans beaucoup de comédies anglaises, par exemple, les auteurs donnaient à leurs personnages des noms emblématiques sans équivalent réel : "Sir Fidget", "Mr. Pinchwife" et "Mrs. Squeamish" en sont des exemples typiques[8].

Certaines œuvres de la littérature du XVIIIe siècle et du XIXe siècle telles que Les Misérables représentent les noms des personnages en utilisant une simple lettre et un long tiret. Cette convention d'écriture est aussi utilisée pour d'autres noms propres comme les noms de lieu. Ceci a l'effet de suggérer que l'auteur pense à une personne réelle mais omet le nom complet pour garder secrète son identité. Au XXe siècle, une technique similaire est employée par Ian Fleming dans sa série de romans de James Bond, où le vrai nom de M, s'il est prononcé dans les dialogues, est toujours écrit « Adm. Sir M*** ». Il est encore commun d'écrire un adjectif ou une idée, si , pour suggérer les qualités d'un personnage. Le M.. Murdstone de David Copperfield suggère "murder" (traduction : "meurtre") et déplaisir.

Un nom de personnage fait parfois référence au monde réel, à la littérature ou à la mythologie. Par exemple, cela peut être simplement en appelant Roméo un personnage amoureux, ou bien Phœnix celui qui est sensé revenir d'outre-tombe.

Le physique[modifier | modifier le code]

À la différence des éléments du monde réel, un personnage de fiction est incomplet. C'est-à-dire que, par définition, il ne possède qu'un nombre limité de caractéristiques, celles décrites par l'auteur. En lisant un roman, la liste des propriétés des personnages connue du lecteur n'est pas infini. Dans Je m'en vais, Jean Echenoz, souvent montré du doigt pour le manque de consistance de ses personnages[9], s'amuse de cette particularité en faisant dire à son narrateur : « Nous n’avons pas pris le temps de décrire Ferrer physiquement. » [10].

Certaines approches expliquent qu'il est donc propre aux personnages de fiction que le lecteur accepte bien plus que les seules vérités décrites dans le texte, qu'il accepte « que les personnages ont du sang dans les veines, parce que ce sont des gens, même si leur sang n’est jamais mentionné, décrit, montré ou peint. Il est fictionnel dans La Grande Jatte que le couple qui se promène mange, dorme, travaille et joue; qu’ils ont des amis et des rivaux, des ambitions, des satisfactions et des déceptions; qu’ils vivent sur une planète qui tourne sur son axe et autour du soleil [...] et ainsi de suite »[11].

Compte tenu des inférences faites par les lecteurs à partir des données en leur possession, il n'est pas rare que lors d'une adaptation cinématographique, le choix d'un acteur déçoive les fans. Ainsi, Michael Keaton pour Batman ne faisait pas l'unanimité lorsque Tim Burton l'imposa[12]. À l'inverse, les fans voulaient à tout prix Patrick Stewart pour le rôle du Professeur X dans X-Men.

Le cas des adaptations est aussi problématique lorsque le choix de l'acteur va à l'encontre des propriétés décrites dans l'œuvre originale. Lors de la sortie du dernier James Bond, le choix d'un acteur blond, Daniel Craig, pour interpréter le héros choqua quelque peu[13]. Renaud, 20 ans plus vieux que le du roman Germinal, est aussi un choix surprenant. Même Anne Rice, l'auteur de la saga, fut surprise du choix de Tom Cruise dans le casting du film Entretien avec un vampire[14].

Classification des personnages[modifier | modifier le code]

Rond contre plat[modifier | modifier le code]

Dans une œuvre de fiction, chaque personnage n'a pas la même envergure. Les personnages ronds sont ceux qui motivent le récit. Toutes les informations sur eux sont donc intéressantes. À l'inverse, les personnages plats servent le récit. Pour eux, seul le strict nécessaire pour l'action est révélé.

Les personnages ronds sont les plus détaillés. Leur description est si complète qu'ils peuvent sembler parfois réels.

En général, les protagonistes ont cette caractéristique , bien qu'il existe de célèbres exceptions telles que Harrison Bergeron de Kurt Vonnegut[15]. Les antagonistes sont souvent ronds aussi, bien le rôle du méchant dans une comédie peut être particulièrement plat pour l'effet de farce.

Exemples de personnages ronds :

Le personnage plat se remarque par son manque de détails. Bien que la description d'un tel personnage puisse être précise, le personnage lui-même a tout juste un détail et généralement juste une caractéristique.

Plusieurs stéréotypes ou personnages type ont été développés tout au long de l'histoire du genre dramatique. On compte dans ces personnages le péquenaud, l'escroc et le citadin. Ces personnages sont souvent la base de personnages plats, bien que des éléments des personnages type peuvent être retrouvés dans des personnages ronds. La commedia dell'arte, une forme d'improvisation théâtrale originaire d'Italie, se base sur des personnages bien reconnaissables et stéréotypés dans des situations conventionnelles.

Les personnages secondaires sont généralement plats, étant donné que les rôles mineurs ne nécessitent pas d'être trop complexes. De plus, la littérature expérimentale et la fiction postmoderne utilisent souvent intentionnellement des personnages plats, même leurs protagonistes.

Dynamique contre statique[modifier | modifier le code]

Un personnage dynamique est celui qui change de façon significative au cours de l'histoire. Parmi les changements qui permettent de donner ce qualificatif, il y a ceux en termes de perspicacité et de compréhension, d'engagement personnel et enfin de valeurs. Les changements qui ne concernent pas le Soi du personnage, comme les modifications physiques (à moins qu'elles résultent d'un changement au sein du Soi), ne sont pas concernés[16].

Par définition, le protagoniste est presque toujours un personnage dynamique. Dans les romans de formation en particulier, le héros subit souvent un changement dramatique, passant de l'innocence à l'expérience.

Exemples de personnages dynamiques :

Les antagonistes, tels que Salieri dans Amadeus de Peter Shaffer, sont régulièrement dynamiques aussi.

Par contraste, un personnage statique ne connait pas de changement notable. Qu'il soit rond ou plat, sa personnalité reste essentiellement la même tout au long de l'histoire. Cela est souvent le cas pour les personnages secondaires dont le but est essentiellement de servir d'éléments d'intrigue ou thématiques.

Les personnages de soutien et les principaux, autres que le protagoniste, sont généralement statiques bien qu'il existe des exceptions.

Les différentes lectures d'un personnage[modifier | modifier le code]

Les lectures varient énormément la façon dont ils comprennent les personnages de fiction. La méthode la plus extrême est de les imaginer comme des personnes réelles. Cette mimésis dans les personnages de fiction est ainsi commentée par Milan Kundera : « Don Quichotte est quasi impensable comme être vivant. Pourtant, dans notre mémoire, quel personnage est plus vivant que lui. »[17].

À l'inverse, il est possible de les percevoir comme des créations purement artistiques qui n'ont rien à voir avec la vie réelle. Mais la plupart des styles de lecture se trouvent entre les deux.

Le personnage en tant que symbole[modifier | modifier le code]

Dans certaines lectures, certains personnages sont compris pour représenter une qualité ou une abstraction donnée. Plus qu'être simplement des gens, ces personnages représente quelque chose de plus large et universel. Certains symbôlisent le capitalisme triomphant (comme dans Gatsby le Magnifique de F. Scott Fitzgerald), d'autres le romantisme chimérique (Don Quichotte) ou encore le rêve américain (Rocky Balboa de la série des Rocky). D'ailleurs, trois des principaux personnages sont des métaphores des éléments de la civilisation :

  • Ralph représente l'instinct de civilisation,
  • Jack, l'instinct sauvage
  • et enfin Piggy, le côté rationnel de la nature humaine.

Le personnage en tant que représentant[modifier | modifier le code]

Une autre façon de lire les personnages symboliquement est de voir chacun d'entre eux comme représentatif d'un certain groupe de personnes. Par exemple, Bigger Thomas du roman Un enfant du pays (1940) de Richard Wright est souvent vu comme étant l'incarnation du jeune homme noir des années 30, condamné à une vie de pauvreté et d'exploitation.

En France, François Pignon représente monsieur tout le monde [18]. Ce personnage récurrent des comédies de Francis Veber a la particularité d'être joué par un interprète différent dans presque tous les films où il apparait. Mais l'utilisation de son patronyme indique au public ce qu'il représente : le français moyen[19].

Le personnage en tant que référence historique ou biographique[modifier | modifier le code]

Parfois, les personnages représentent clairement d'importantes figures historiques. Par exemple, le chasseur de nazis Ezra Lieberman[20] dans Ces garçons qui venaient du Brésil réalisé par Franklin J. Schaffner est souvent comparé au véritable Simon Wiesenthal, de même que le politicien corrompu Willie Stark dans Les Fous du roi (All the King's Men) de Robert Penn Warren au gouverneur de Louisiane Huey Pierce Long.

D'autres fois, les auteurs se basent sur des personnes de leur propre entourage pour créer leurs personnages. Glenarvon de Lady Caroline Lamb fait la chronique de son histoire d'amour avec Lord Byron, camouflant finement cela dans le rôle titre. Nicole, la femme destructrice et malade mentalement de Tendre est la nuit de F. Scott Fitzgerald, est souvent considérée comme étant une version romancée de la propre femme de Fitzgerald, Zelda.

De la même façon, les écrivains créent aussi des personnages "composites" qui piochent leurs caractéristiques dans plusieurs individus.

Le personnage en tant que patient[modifier | modifier le code]

L'analyse littéraire psychanalytique considère généralement les personnages de fiction comme des personnes réelles possédant une psychologie complexe. Cette approche est similaire de celle qu'utiliserait un analiste pour traiter un patient, essayant de comprendre ses rêves, son passé et son comportement.

Sinon, certains critiques psychanalytiques voient en ces personnages un reflet des peurs et désirs du publique. Plutôt que de représenter des psychologies réalistes, les personnages de fiction offrent aux lecteurs un moyen d'extérioriser leurs drames psychologiques bien à eux dans une forme symbolique et hyperbolique. L'un des exemples les plus connus est la lecture d'Œdipe par Sigmund Freud qui en tire le complexe d'Œdipe, à savoir l'ensemble de pulsions qui pousse l'enfant mâle à ressentir une attirance pour sa mère et une hostilité pour son père.

Utilisations inhabituelles[modifier | modifier le code]

La littérature postmoderne incorpore fréquemment des personnages réels dans des environnements fictifs et même réalistes. Dans le cinéma, l'apparition d'une personne réelle jouant son propre rôle dans une histoire fictive est un type de caméo. Par exemple, dans Annie Hall de Woody Allen, Alvy Singer - le personnage interprété par Allen - a recours au Marshall McLuhan pour résoudre un litige. Un autre exemple marquant de cette approche est le film Dans la peau de John Malkovich, dans lequel l'acteur John Malkovich joue l'acteur John Malkovich (bien que le véritable acteur et le personnage aient un deuxième prénom différent).

Dans des fictions expérimentales, il arrive aussi que l'auteur agisse en tant que personnage à l'intérieur de son propre texte. Dans Niebla de Miguel de Unamuno, une des scènes les plus marquantes est la confrontation entre le protagoniste Augusto Pérez et le romancier lui-même. Paul Auster emploie aussi cette technique dans son roman La Cité de verre, lequel commence avec son personnage principal lui passant un coup de téléphone.

Avec le règne du star système à Hollywood, plusieurs célèbres comédiens sont devenus si connus qu'il peut être difficile de limiter leur personnage à un seul film. Dans un certain sens, Bruce Lee est toujours Bruce Lee, idem pour Woody Allen, Tom Cruise ou encore Harrison Ford. Leur notoriété est telle que le public mélange la personnalité de l'acteur avec celle du personnage qu'il interprète. Ce principe a d'ailleurs été utilisé pour l'intrigue du film Last Action Hero avec Arnold Schwarzenegger.

Enfin, des fictions font parfois référence à des personnages qui n'apparaissent jamais. Ce type est appelé une arlésienne.

Notes et références de l'article[modifier | modifier le code]

  1. voir anthropomorphisme
  2. Pierre Hartmann, Le personnage de théâtre : entre masque et travestissement (document PDF en ligne)
  3. (en) The Emergence of Archetypes in Present-Day Science And Its Significance for a Contemporary Philosophy of Nature by Charles Card on the Compiler Press Compleat World Copyright Website
  4. (en) Biographie de Joseph Campbell
  5. « Though in stories the archetypes are...fragmented into individual characters, in real life each of us carries qualities of each archetype. If we didn't, we wouldn't be able to relate to characters who represent the archetypes we were missing. » - (en) A Primer on Archetypes and the Collective Unconscious. by Carolyn Kaufman online at Archetype Writing: The Fiction Writers' Guide to Psychology.
  6. a et b Dramatica: A New Theory of Story par Melanie Anne Phillips et Chris Huntley - Write Brothers, Inc - 2004 - (ISBN 978-0918973047 et 091897304X)
  7. Inventez vos personnages de Chris Patmore - Eyrolles - 2005 ( (ISBN 978-2212116106 et 2212116101))
  8. "Sir Fidget", "Mr. Pinchwife" et "Mrs. Squeamish" proviennent tous de The Country Wife de William Wycherley
  9. Transparences du roman (Le romancier et ses doubles au XXème siècle) de Pierre Brunel - editions José Corti - 1997 - (ISBN 2-7143-0598-9)
  10. Je m'en vais de Jean Echenoz - Éditions de Minuit (1999) - (ISBN 2-7073-1686-5) - p. 234
  11. Kendall Walton - Mimesis as Make-Believe, Cambridge, Harvard University Press, 1990, p. 142.
  12. Biographie de Michael Keaton sur le site de Première
  13. « Une blondeur qui a défrayé le Web et les tabloïds anglais » - Daniel Craig, un James Bond semblable et différent - Article de Emmanuèle Frois, publié le 22 novembre 2006
  14. « I was particularly stunned by the casting of Cruise, who is no more my Vampire Lestat than Edward G. Robinson is Rhett Butler. » - The Los Angeles Times - 23 août 1993
  15. Critical Concepts - "Flat" and "Round" Characterization
  16. (en) Critical Concept -"Static" and "Dynamic" Characterization
  17. L’art du roman - essai de Milan Kundera - Gallimard - 1986 - p.51
  18. Qui est François Pignon ? par Vanina Arrighi de Casanova et Manuel Merlet sur fluctuat.net
  19. CINEMA - François Pignon chez Pretty Woman par Delphine Minne - lepetitjournal.com - 4 avril 2006
  20. Yakov Liebermann dans le roman de Ira Levin

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Christine Montalbetti, Le Personnage (textes choisis et présentés par) , Garnier-Flammarion, 2003 ( (ISBN 978-2-08-073066-4 et 2-08-073066-5))
  • Joseph Campbell, Les Héros sont éternels, Seghers, 1987 (ISBN 978-2232101274 et 2232101274)
  • Christopher Vogler, Le Guide du scénariste, Dixit - EICAR, collection « Le guide du producteur », 2002 (ISBN 978-2844810526 et 2844810527)
  • Vincent Jouve, L’Effet-personnage dans le roman, PUF, 1992.
  • Tony Cartano, François Coupry et Claude Delarue, Roman : les personnages, Presses de la Renaissance, Paris, 1982 (ISBN 2-85616-245-2)
  • Dictionnaires des personnages du cinema, Bordas, 1988 (ISBN 2-04-016399-9)
  • Dictionnaire des personnages litteraires et dramatiques de tous les temps et de tous les pays : poesie, théâtre, roman, musique , Laffont, Paris, 1994 (ISBN 2-221-07942-6)
  • Pierre Glaudes et Yves Reuter, Personnage et histoire littérataire, PUM, Toulouse, 1991
  • Philippe Hamon, Pour un statut sémiologique du personnage, Le Seuil, 1977
  • Jean-Philippe Miraux, Le Personnage de roman, Genèse, continuité, rupture, Nathan, « collection 128 », 1997