Jeanne de France (1464-1505)

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Jeanne de France
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Jeanne de France

Titres

Reine de France


(8 mois et 10 jours)

Prédécesseur Anne de Bretagne
Successeur Anne de Bretagne

Duchesse d'Orléans


(21 ans, 6 mois et 30 jours)

Prédécesseur Marie de Clèves
Successeur Catherine de Médicis
Biographie
Dynastie Maison de Valois
Surnom « Jeanne l'Estropiée », « Jeanne la boiteuse »
Naissance
Nogent-le-Roi (France)
Décès (à 40 ans)
Bourges (France)
Père Louis XI de France
Mère Charlotte de Savoie
Conjoint Louis XII de France
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Jeanne de Valois
Image illustrative de l’article Jeanne de France (1464-1505)
Sainte
Nationalité française
Ordre religieux Tiers-Ordre franciscain et Sœurs de l'Annonciade
Béatification 18 juin 1742
par Benoît XIV
Canonisation 28 mai 1950
par Pie XII
Vénéré par l'Église catholique romaine
Fête 4 février

Jeanne de France, née le 23 avril 1464 à Nogent-le-Roi, morte le 4 février 1505 à Bourges, est la seconde fille de Louis XI et de Charlotte de Savoie après Anne de Beaujeu de trois ans son aînée. Aussi appelée « Jeanne la boiteuse » ou « Jeanne l'Estropiée » à cause de sa boiterie, elle devient duchesse d'Orléans puisqu'elle est mariée à l'âge de douze ans à Louis d'Orléans qui, devenu roi, fait annuler le mariage.

Avec le titre de duchesse de Berry, elle vit saintement à Bourges en fondant l'ordre monastique de l'Annonciade. Elle est béatifiée le 18 juin 1742 par Benoît XIV et canonisée le 28 mai 1950 par le pape Pie XII.

Biographie

Famille

Jeanne a pour parents le roi Louis XI et Charlotte de Savoie, fille du duc Louis Ier de Savoie. À leur mariage, le 9 mars 1451, Louis, veuf de Marguerite d'Écosse depuis 1445, a 28 ans mais Charlotte est âgée de seulement 10 ans. Contrairement à la législation catholique qui veut que l’âge légal du mariage des filles soit de 12 ans et en opposition avec la tradition qui veut que la mariée soit accueillie dans sa belle-famille, Charlotte reste auprès de ses parents à Chambéry[1].

Encore dauphin (depuis 1349, l’ainé héritier du trône reçoit en apanage le Dauphiné) Louis n'a probablement pas obtenu la dispense papale nécessaire à son union mais le mariage n’étant pas annulé, Louis vient chercher, en 1456, sa femme à Chambéry pour la ramener à Grenoble. Devant la colère de son père Charles VII qui le poursuit de sa vindicte, Louis, laissant la gestion du Dauphiné à ses lieutenants, part avec Charlotte auprès de son oncle maternel Philippe III, duc de Bourgogne. Ce dernier leur offre une résidence à Genappe en Brabant près de Bruxelles[2]. C’est là, que Charlotte apprend à Louis, entre deux chasses dans les forêts de Mons, sa future maternité et, le 18 octobre 1458, elle donne naissance à Louis qui meurt en 1460. Le 15 juillet 1459, à Genappe nait son second fils Joachim, qui meurt 4 mois plus tard le 29 novembre. Charlotte lui donne alors une fille en 1460, mais Louise meurt aussi en bas âge. En avril 1461 toujours à Genappe, nait de nouveau une fille, Anne qui enfin survivra et épousera Pierre de Beaujeu[3].

Cette même année 1461, Charles VII tombe malade et meurt le 22 juillet. Louis, devenant roi de France, désespère d’avoir un héritier mâle quand Charlotte donne naissance, à Nogent-le-Roi le 23 avril 1464, à une autre fille Jeanne, la future sainte Jeanne. Le 4 décembre 1466 nait François qui ne survécut pas à sa naissance. Enfin le 30 juin 1470 au château d’Amboise, Charlotte donne à Louis son premier héritier mâle, Charles, futur Charles VIII de France. Le 3 septembre 1472 nait François qui meurt lui aussi en juillet 1473[4]. Charlotte de Savoie aura accouché, entre l’âge de 13 et 28 ans, de huit enfants, cinq garçons et trois filles, dont seuls trois, Anne, Jeanne et Charles, survivront.

Petite enfance

Dès sa naissance au château de Pierre II de Brézé à Nogent-le-Roi, Jeanne à peine baptisée, Louis décide de tirer un profit immédiat de cette naissance féminine. Très politique, il décide de marier Jeanne sans attendre à Louis d’Orléans, alors âgé de 2 ans, fils de Charles d’Orléans et de Marie de Clèves. Il s’assurait ainsi, en l’absence d’héritier mâle, de pouvoir former à sa main ce prétendant à sa succession ou en la survenance d’un dauphin, il l’écartait d’une possible régence qui reviendrait à sa fille ainée[5]. L’acte de fiançailles est signé le 19 mai 1464 au château de Blois par le duc-poète Charles Ier et Jehan de Rochechouart, bailli de Chartres représentant du roi. Louis installe sa cour au château d’Amboise vaste mais surtout confortable où, malgré son refus du luxe et du faste, il s’attacha à ce que son épouse, la reine, y soit servie royalement[6]. Louis souvent absent pour les besoins du royaume, autorise Charlotte à recevoir à Amboise sa famille, ainsi Anne et Jeanne étaient souvent entourées d'Anne de Lusignan, mère de Charlotte et d'Agnès et de Bonne de Savoie, sœurs cadettes de Charlotte[5]. Les deux enfants étaient élevées dans le meilleur entourage possible mais rapidement Jeanne allait se distinguer. De visage agréable, comme le dit l'un de ses contemporains Jean de Troyes[7] ou son compagnon de jeu Louis de La Trémoille, de quatre ans son cadet[8], et cela contrairement à l’affirmation de beaucoup d’historiens. Certes, de constitution plus chétive que sa sœur ainée, Jeanne reste de taille petite et rapidement elle va se vouter, une épaule plus basse que l’autre, elle serait peut être aussi atteinte de claudication. Quoi qu’il en soit, le roi son père, va l’écarter de la cour en 1469 à l’âge de 5 ans en la confiant à son cousin le baron François de Linières et d’Amplepuis, sire de Beaujeu, et à son épouse Anne de Culan, alors qu’il aurait dû la confier à Marie de Clèves, veuve du duc d’Orléans, sa future belle-mère[9].

Jeunesse

François de Linières et Anne de Culan, mariés en 1445, sont restés sans enfant, ils vont reporter tout leur amour sur Jeanne. Jouissant de suffisamment de revenus ils pouvaient compléter la pension de 1 200 livres annuelles que leur versait le roi[10]. Ceux qui pourraient être considérés comme des parents adoptifs prirent soin de son éducation, lui apprenant la lecture et la poésie, l’écriture et l’arithmétique, le dessin et la peinture, la broderie et la tapisserie ainsi que la pratique du luth, lui enseignant aussi les hauts faits historiques de ses ancêtres. Chrétiens accomplis, ils l’initièrent dans la religion de sa famille en lui inculquant une foi solide[11]. Son père lui demande, malgré son jeune âge, le nom du confesseur qu’elle souhait prendre, elle lui donne alors le seul nom qu’elle connaisse, le père Jean de La Fontaine. Le roi approuve son choix et lui envoie celui qui était le gardien du couvent d’Amboise, qui malgré l’éloignement confessait régulièrement la princesse. Elle développe un plaisir particulier pour la prière et passe de longs moments dans l'oratoire de la chapelle seigneuriale au point que François de Linières y fit construire une cheminée pour la mauvaise saison[12]. En 1471, Louis XI institue dans tout son royaume la récitation de l’Ave Maria pour la paix. Jeanne appréciait cette prière, elle qui avait une affection particulière pour la Vierge Marie, mère de Jésus Christ. Elle écrira plus tard dans les statuts de l’Ordre qu’elle fondera, que c’est cette année-là qu’elle reçut une prédication de Marie : « Avant ta mort, tu fonderas une religion en mon honneur. Et ce faisant tu me feras un grand plaisir et tu me rendras service[13]. » Sur demande des Linères, Louis XI obtient en octobre 1471 du pape Sixte IV d’élever en collégiale l’église seigneuriale avec un chapitre composé d’un doyen et de six chanoines. Il fallut quand même attendre novembre 1473 pour constituer ce chapitre[14].

Mariages

Jeanne de France, fondatrice de l'Ordre de l'Annonciation.

Mais c'est en juillet 1473 que meurt le frère cadet de Jeanne, François. Louis XI n’ayant plus qu’un seul héritier, le dauphin, il se décide à confirmer sa politique d’alliance. Le 8 octobre 1473, il passe contrat de mariage à Jargeau pour sa fille cadette Jeanne, 9 ans, avec Louis d’Orléans, 11 ans, suivi le 3 novembre 1473, toujours à Jargeau pour son autre fille Anne, 12 ans, avec Pierre de Beaujeu, 35 ans, normalement destiné à épouser Marie, fille de Marie de Clèves. Les contrats sont assortis l’un comme l’autre d’une dot de 100 000 écus d’or[15],[16]. Les historiens se partagent, certains affirmant qu’il fallait une forte dot pour compenser le physique ingrat de Jeanne, d’autres repoussent cette idée remarquant que les deux sœurs ont la même dot, à quoi les premiers soutiennent que la sœur ainée ne pouvait avoir moins que la sœur cadette.

Si le mariage d'Anne et Pierre eut lieu l’année suivante en 1474, dès les 12 ans d'Anne, il fallut attendre une dispense de Rome car Jeanne et Louis étaient cousins (leurs bisaïeuls Charles VI de France et Louis Ier d’Orléans étaient frères) et Louis XI, le père de Jeanne, était le parrain de Louis. Cette dispense fut accordée par le pape Sixte IV le 19 février 1476[17] et le mariage est célébré le 8 septembre 1476 au château de Montrichard. Étaient absents, Louis XI (déjà absent au mariage d'Anne) ainsi que Marie de Clèves qui assistait le même jour au mariage de sa fille Marie avec Jean de Foix, vicomte de Narbonne[18].

Dès le lendemain, Louis présente sa jeune épouse à la population de Blois puis ils se séparent, chacun retournant à ses occupations. Louis à sa vie de plaisirs et de débauche, Jeanne à sa vie de prières et de visites aux pauvres et aux malades. Louis XI doit rappeler à son gendre de visiter sa femme pour que celui-ci vienne en séjour à Lignières où Jeanne approfondit et renforce sa dévotion à Notre-Dame au contact des chanoines de la collégiale[19]. Cela dure ainsi sept ans jusqu’au décès de Louis XI le 30 août 1483.

Apprenant la mort de son père, Jeanne accourt à Amboise où elle est accueillie par sa mère et sa sœur. Un appartement lui est attribué, où son mari la rejoint rapidement. Louis espère alors disputer la tutelle du nouveau roi de France Charles VIII, alors âgé de 13 ans, à Anne et Pierre de Beaujeu. Mais les États généraux réunis à Tours le 15 janvier 1484 confirment la volonté du défunt roi en nommant Anne régente. Entretemps Charlotte est morte le 1er décembre 1483, dotant Jeanne de la somme de 200 marcs d’argent. Louis refusant de subvenir au besoin de sa femme, c’est Anne qui pour lui assurer un train digne de son rang, lui fait verser une rente de 10 000 livres[20].

Gisant de la sainte Jeanne

Reine de France

Après la mort de son frère le roi Charles VIII en 1498, son mari accède au trône de France sous le nom de Louis XII. Dès son avènement, le nouveau roi s'empresse de faire annuler son mariage avec Jeanne, prétextant que celui-ci n'avait jamais été consommé. En vérité il était question pour lui d'affermir sa légitimité au trône en épousant la veuve de son prédécesseur, Anne de Bretagne, ce qui était également un moyen d'annexer le riche duché de Bretagne. Après un procès d'un tribunal ecclésiastique ouvert à la cathédrale Saint-Gatien de Tours le 10 août 1498 et qui invoque un mariage contraint et consanguin, le défaut d'âge lors du mariage et qu'elle était inapte à « recevoir la semence virile », le mariage est finalement cassé le 17 décembre par la bulle papale[21] d'Alexandre VI Borgia pour non consommation[22]. Leur union avait duré vingt-deux ans.

Le 8 janvier 1499, à Nantes, Louis XII épouse la reine Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII, et ce, en application d'une clause du contrat de mariage entre Charles VIII et Anne de Bretagne. En effet, cette clause spécifiait que la reine Anne devrait se remarier avec le successeur de Charles VIII si ce dernier n'avait pas de descendance mâle. Jeanne reçut alors, en compensation, le titre de duchesse de Berry et elle fonda à Bourges l'ordre monastique de l'Annonciade.

Sainte Jeanne de France

Le demande de canonisation est lancée en 1614. Elle est béatifiée le 18 juin 1742 par Benoît XIV. Le pape Pie XII la fait sainte par la bulle de canonisation Virum dolorum du 28 mai 1950, soit 445 ans après sa mort[23].

Ascendance

Bibliographie

  • Germaine Maillet, Une fille de Louis XI, la Bienheureuse Jeanne de France, Paris, Éditions Ariane, 1939, 150 p., in-8°.
  • Jean-François Drèze, Raison d'État, raison de Dieu. Politique et mystique chez Jeanne de France, Paris, Beauchesne, collection « Bibliothèque Beauchesne », 1991, 331 p.
  • Françoise Michaud-Fréjaville, « Inclitis et merita plena, Jeanne de France, duchesse de Berry (1499-1505) », in Sainte Jeanne de France, duchesse de Berry. 500e anniversaire de la fondation de l'Annonciade, 1502-2002, Actes de la journée d'études, Bourges, 21 septembre 2002, Cahiers d'Archéologie et d'Histoire du Berry, no 157-158, 2004, p. 17-26.
  • Dominique Dinet, Pierre Moracchini, Sœur Marie-Emmanuel Portebos (dir.), Jeanne de France et l'Annonciade. Actes du colloque international de l'Institut catholique de Paris (13-14 mars 2002), Les Éditions du Cerf, collection « Cerf Histoire », 2004, 512 p., (ISBN 2-204-07343-1)
  • Marc Joulin, Petite vie de Jeanne de France, Éditions Desclée de Brouwer, Paris, 1992, (ISBN 2-220-03319-8)
  • Antoine de Lévis-Mirepoix, Jeanne de France, fille de Louis XI, Paris, Flammarion, 1943.
  • Henri Pigaillem, Jeanne de France, Pygmalion, 2009.

Notes et références

  1. F. Bouchard (1999) p. 2
  2. F. Bouchard (1999) p. 2-3
  3. F. Bouchard (1999) p. 3-4
  4. F. Bouchard (1999) p. 4
  5. a et b F. Bouchard (1999) p. 6
  6. F. Bouchard (1999) p. 3
  7. R. de Mauldre de la Clavière (1883) p. 5
  8. J. Bouchet (sd) t. 14, p. 430
  9. F. Bouchard (1999) p. 15
  10. F. Bouchard (1999) p. 16
  11. F. Bouchard (1999) p. 18
  12. F. Bouchard (1999) p. 19
  13. F. Bouchard (1999) p. 20
  14. F. Bouchard (1999) p. 21
  15. F. Bouchard (1999) p. 26
  16. A. Redier (1945) p. 144
  17. F. Bouchard (1999) p. 28
  18. F. Bouchard (1999) p. 30
  19. F. Bouchard (1999) p. 35-36
  20. F. Bouchard (1999) p. 38
  21. La décision papale fut annoncée à Jeanne dans la collégiale Saint-Denis d'Amboise, devant la chapelle de la Vierge.
  22. Mauricette Vial-Andru, La princesse au grand cœur, sainte Jeanne de France, Éditions Pierre Téqui, , p. 70-73
  23. Jean-François Drèze, Raison d'État, raison de Dieu. Politique et mystique chez Jeanne de France, Éditions Beauchesne, , p. 306