Révolution de la Dignité

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Révolution de la Dignité
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Combats entre manifestants et forces gouvernementales sur la place Maïdan le 18 février 2014.
Informations
Date 18-
(5 jours)
Localisation Drapeau de l'Ukraine Ukraine
Caractéristiques
Issue Destitution de Viktor Ianoukovytch. Fin de l'Euromaïdan.
Début de la guerre d'Ukraine
Coordonnées 50° 27′ 00″ nord, 30° 31′ 27″ est
Parties au conflit civil
Drapeau de l’Union européenne Pro-européens
Drapeau de l'Ukraine Nationalistes ukrainiens
Drapeau de la Russie Pro-russes
Drapeau de l'Ukraine Gouvernement ukrainien (jusqu'au 22 février 2014)
Drapeau de l'Ukraine Pro-Ianoukovytch

La révolution de la Dignité, également dénommée révolution de Maïdan, ou révolution de Février, a lieu entre le 18 et le , à la suite de l'Euromaïdan, lorsque des affrontements meurtriers entre manifestants et forces de l'État éclatent dans la capitale ukrainienne, Kiev, aboutissent à la destitution par le Parlement du président élu et au retour à la Constitution de 2004. Cela conduit également au déclenchement de la guerre russo-ukrainienne[1],[2].

En novembre 2013, une vague de protestations à grande échelle (connue sous le nom d'Euromaïdan) débute en réponse à la décision soudaine du président de l'Ukraine Viktor Ianoukovytch de suspendre l’accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne et de « relance[r] un dialogue actif avec Moscou »[3], choisissant plutôt d'établir des liens plus étroits avec la Russie et l'Union économique eurasiatique. Plus tôt cette année-là, la Verkhovna Rada (parlement ukrainien) avait approuvé à une écrasante majorité la finalisation de l'accord avec l'UE[4]. La Russie fit pression sur l'Ukraine pour la rejeter[5]. La portée des manifestations prend alors de l'ampleur, avec des appels à la démission de Ianoukovytch et du gouvernement Azarov[6]. Les manifestants s'opposent à ce qu'ils considèrent comme une corruption généralisée du gouvernement et des abus de pouvoir, l'influence des oligarques, la violence policière et les violations des droits de l'homme[7],[8]. Les lois anti-manifestations répressives (en) alimentent davantage la colère[7]. Un grand camp de protestation barricadé occupe la place de l'Indépendance dans le centre de Kiev tout au long du « soulèvement de Maïdan ».

En janvier et février 2014, des affrontements à Kiev entre des manifestants et la police spéciale anti-émeute entraînent la mort de 108 manifestants et 13 policiers[9] et de nombreux blessés. Les premiers manifestants sont tués lors de violents affrontements (en) avec la police dans la rue Hrushevskyi du 19 au 22 janvier. À la suite de ces événements, des manifestants occupent des bâtiments gouvernementaux dans tout le pays et le gouvernement est forcé à démissionner. Les affrontements les plus meurtriers ont lieu du 18 au 20 février, qui s'avèrent être les violences les plus graves en Ukraine depuis l'indépendance du pays en août 1991[10]. Des milliers de manifestants avançant vers le parlement, menés par des militants équipés de boucliers et de casques, sont la cible des tireurs d'élite de la police[9]. Le 21 février, Ianoukovytch et l'opposition parlementaire signent un accord pour mettre en place un gouvernement d'union intérimaire, des réformes constitutionnelles et des élections anticipées[11]. La police abandonne le centre de Kiev cet après-midi-là et les manifestants en prennent le contrôle. Ianoukovytch fuit la ville ce soir-là[12]. Le lendemain, 22 février, le parlement ukrainien vote la destitution de Ianoukovytch par 328 voix contre 0 (72,8 % des 450 membres du parlement)[13],[14],[15].

L'ancien président destitué affirme que ce vote est frauduleux et demande l'aide de la Russie[16]. Le Kremlin considère le renversement de Ianoukovytch comme un coup d'État illégal (et une « prise de pouvoir militaire ») et ne reconnait pas le gouvernement intérimaire d'Oleksandr Tourtchynov[17],[18]. Des manifestations pro-russes et contre-révolutionnaires éclatent dans le sud et l'est de l'Ukraine. La Russie occupe puis annexe la Crimée[19],[20], tandis que des séparatistes pro-russes armés saisissent les bâtiments gouvernementaux et proclament les États indépendants de Donetsk et Lougansk, déclenchant la guerre du Donbass.

Le Parlement rétablit les amendements de 2004 à la constitution ukrainienne[21]. Un gouvernement intérimaire pro-européen, dirigé par Arseni Iatseniouk, signe l'accord d'association avec l'UE et dissous le Berkout. Petro Porochenko est élu président après une victoire aux élections présidentielles de 2014. Le nouveau gouvernement entame une révocation des fonctionnaires associés au régime renversé[22],[23],[24]. Une décommunisation (ou dé-soviétisation) généralisée du pays suivra.

Contexte[modifier | modifier le code]

Chronologie[modifier | modifier le code]

Viktor Ianoukovytch, la veille de sa destitution, en compagnie des chefs de l'opposition, après la signature d'un accord de sortie de crise.

Le 18 février, après des affrontements entre la police et des manifestants au cours desquels dix policiers sont tués par balles[25], le gouvernement lance un ultimatum aux contestataires leur enjoignant de quitter la place. Après la fin de l'ultimatum, les policiers tentent de reprendre la place de l'Indépendance, sans succès.

Le 20 février, le bilan est de 82 morts et 622 blessés. Les ministres des Affaires étrangères allemand, polonais et français entament sur place des négociations avec Ianoukovytch et les représentants de l'opposition, dans le but de signer un accord de sortie de crise.

Le président Ianoukovitch et l'opposition ukrainienne signent alors, en présence de la médiation européenne, un accord de sortie de crise prévoyant d'importantes concessions du pouvoir[26]: l'accord prévoyait notamment une élection présidentielle anticipée et le retour à la Constitution de 2004.

Le 21 février, Ianoukovytch annonce donc des élections anticipées en décembre 2014 et un retour à la Constitution amendée de 2004. Mais les manifestants attendent sa démission et continuent à occuper les rues. Dans la soirée, le président Ianoukovytch fuit Kiev pour une destination inconnue.

Le 22 février, alors que des rumeurs évoquent sa démission, Viktor Ianoukovytch réapparait mais dans son fief de Kharkiv, dans l'est pro-russe du pays. Il déclare lors d'une dernière allocution télévisée, qu'il refuse de démissionner et évoque un « coup d'État » en faisant un parallèle avec l'arrivée des nazis en Allemagne[27].

« Je n’ai pas l’intention de quitter le pays. Je n’ai pas l’intention de démissionner. Je suis un président légitimement élu. Tous les médiateurs internationaux avec lesquels j’ai travaillé m’ont donné des garanties pour ma sécurité : je vais voir comment ils vont remplir ce rôle. Tout ce qui se passe aujourd’hui, c’est bien sûr du vandalisme, du banditisme, et un coup d’Etat »[28],[29]

Aussitôt, du fait de son absence de Kiev non due à un cas de force majeure ou un problème de santé et en l'accusant de violation massive des droits de l'homme[30], Ianoukovytch est déclaré dans l'incapacité d'exercer ses fonctions par la Rada à 328 députés sur 450, soit 72 % des votes[31],[32] sur la base des articles 108 et 110 de la constitution[33]. Dans la foulée, la Rada limoge 5 membres du conseil constitutionnel dont son président[34],[35].

Le Parlement justifie cette décision par le fait que Viktor Ianoukovytch a abandonné ses fonctions et en l'accusant de violation massive des droits de l'homme[36]. Viktor Ianoukovytch dénonce un coup d'État[37].

Le Parlement fixe également au la prochaine élection présidentielle par 328 voix sur 450. Oleksandr Tourtchynov assure l'intérim et Ioulia Tymochenko, emprisonnée depuis deux ans et demi, retrouve la liberté[38],[39].

Conséquences[modifier | modifier le code]

Le , juste après le changement de gouvernement, les pro-Maïdan sont largement majoritaires en Ukraine, mais pas dans la Région du Donbass, dont les villes principales sont Donetsk, Louhansk et Kharkiv. Ce même jour, à Karkhiv, des anti-Maïdan empêchent les pro-Maïdan de déboulonner la statue de Lénine[40] sur la place de la Liberté[41].

Plus on se rapproche du Sud-Est, plus la population d'origine russe implantée de Catherine II à Staline est majoritairement pro-russe, voire ne reconnaît pas les nouvelles institutions et conteste la représentativité des députés du Parti des régions, qui ont lâché Ianoukovytch[42].

Mais ce qui met le feu aux poudres est l'abrogation de la loi sur les langues officielles régionales, votée par la Rada. Elle retire à la langue russe (comme au roumain, au hongrois et au tatar de Crimée) le statut de langue officielle dans 13 des 27 régions, lesquelles sont situées essentiellement au sud et à l'est du pays — même si le président par intérim explique que ces langues resteront pratiquées et enseignées et que cette mesure sera appliquée à long terme et non pas immediatement.

Du Donbass à la Crimée, des brigades d'autodéfense sont créées partout où la population est majoritairement de souche russe, particulièrement à Sébastopol[43], où se trouve la base navale louée par l'Ukraine à la Flotte russe de la mer Noire et où un maire pro-russe est élu à main levée pour « le retour à la stabilité »: Alexeï Tchaly[43].

Début , la république autonome de Crimée est de facto détachée de Kiev. Aussitôt, un référendum sur le statut de la péninsule de Crimée est organisé et tenu le . A la suite de cela, le , la république de Crimée signe un traité entérinant son rattachement à la fédération de Russie.

Dans le courant du mois d'avril, les pro-russes prennent d'assaut les institutions de plusieurs villes de l'oblast de Donetsk et de l'oblast de Louhansk et proclament l'indépendance des deux régions en tant que république populaire de Donetsk et république populaire de Louhansk. Des référendums d'autodétermination sont organisés le afin de « valider » ces déclarations d'indépendance, référendums qui ont recueilli selon les autorités qui les ont organisés une très large majorité de voix favorables.

Galerie d'images[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Everything you need to know about the Ukraine crisis, Vox (3 September 2014).
    Ukraine's 2014 revolution to Trump's push for a Ukrainian probe of Biden: A timeline, ABC News (1 October 2019).
    The February revolution, The Economist (27 February 2014)
    Ukraine: Everything you need to know about how we got here, CNN (3 February 2017).
  2. Ukraine profile - Timeline, BBC News.
  3. Arielle Thédrel, « L'Ukraine tourne le dos à l'Union européenne », in Le Figaro, vendredi 22 novembre 2013, page 6.
  4. « Parliament passes statement on Ukraine's aspirations for European integration », Kyiv Post,‎ (lire en ligne) :

    « A total of 315 of the 349 MPs registered in the sitting hall supported the document on Friday. The draft document reads that the Verkhovna Rada "within its powers, will ensure that the recommendations concerning the signing of the Association Agreement between Ukraine and the EU, which are stipulated in the resolutions of the European Parliament and the conclusions of the Council of the EU approved on December 10, 2012, at a meeting of the EU foreign ministers, will be fulfilled" »

    .
  5. The European Union in Crisis, Palgrave Macmillan, 3, 274.
  6. Kiev protesters gather, EU and Putin joust, Reuters (12 December 2013).
  7. a et b Ukraine's Euromaidan: Analyses of a Civil Revolution, Ibidem Press, , 9–14 p..
  8. Yanukovych Offers Opposition Leaders Key Posts, Radio Free Europe/Radio Liberty (25 January 2014).
  9. a et b « Accountability for killings in Ukraine from January 2014 to May 2016 », Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, p. 9, 21–25.
  10. « Europe's new battlefield », The Economist,‎ (lire en ligne) :

    « It is the worst violence Ukraine has known in its 22 years as an independent country »

    .
  11. (en) « Yanukovich impeached », Al Jazeera,‎ (lire en ligne).
  12. (en-US) Sam Frizell, « Ukraine Protestors Seize Kiev As President Flees », Time, (ISSN 0040-781X, consulté le ).
  13. (en-GB) « Parliament votes 328-0 to impeach Yanukovych on Feb. 22; sets May 25 for new election; Tymoshenko free », (consulté le ).
  14. (en-GB) « Ukraine MPs vote to oust president », (consulté le ).
  15. « Ukraine's parliament votes to oust president; former prime minister is freed from prison ».
  16. (en-US) Andrew E. Kramer, « Ukraine's Ex-President Is Convicted of Treason », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
  17. Putin on Ukraine crisis: 'It is an unconstitutional coup', BBC News (4 March 2014).
  18. Ukraine defends vote despite unrest, Putin pledges 'respect', Reuters (24 March 2014).
  19. Tim Sullivan, « Russian troops take over Ukraine's Crimea region », Associated Press,‎ (lire en ligne [archive du ]).
  20. Somini Sengupta, « Russia Vetoes U.N. Resolution on Crimea », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. Damien McElroy, « Ukraine revolution: live – Ukraine's president has disappeared as world awakes to the aftermath of a revolution », The Daily Telegraph,‎ (lire en ligne [archive du ] Accès payant).
  22. Yuliya Zabyelina, « Lustration Beyond Decommunization: Responding to the Crimes of the Powerful in Post-Euromaidan Ukraine », State Crime Journal, vol. 6, no 1,‎ , p. 55–78 (ISSN 2046-6056, DOI 10.13169/statecrime.6.1.0055, JSTOR 10.13169/statecrime.6.1.0055).
  23. (en) « Ukraine to launch 'full clean-out' of corrupt officials », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  24. (en-US) Ekaterina Mishina, « Risks of Delayed Lustrations », sur Institute of Modern Russia, (consulté le ).
  25. Olivier Berruyer, Ukraine : des vérités qui dérangent, Humanisme, 2014/2, pages 5 à 12.
  26. « L’Ukraine : le président du Parlement démissionne », sur Les Echos, (consulté le ).
  27. « Ukraine : Ianoukovitch annonce qu’il ne démissionnera pas », sur rfi.fr, (consulté le ).
  28. cf https://www.rfi.fr/fr/europe/2min/20140222-ukraine-ianoukovitch-annonce-demissionnera-pas-timochenko.
  29. « Ukraine : Ianoukovitch annonce qu’il ne démissionnera pas », sur RFI, (consulté le ).
  30. « Ukraine. Ianoukovitch destitué, Timochenko libérée », sur Courrierinternational.com, (consulté le ).
  31. VIDEO. Les députés ukrainiens destituent le président Ianoukovitch, FranceTVinfo, 22 février 2014.
  32. NB En temps normal, il aurait pu être destitué à condition du lancement préalable de cette procédure aboutissant à un vote réunissant minimum 338 voix soit 75 % des votes, selon l'article 111 de la Constitution de l'Ukraine et après enquête préalable et avis du conseil constitutionnel.
  33. cf les versions initiale et consolidées en francais : https://mjp.univ-perp.fr/constit/ua2011.htm#5.
  34. (en) Daisy Sindelar, « Was Yanukovych's Ouster Constitutional? », sur Radio Free Europe/Radio Liberty, (consulté le ).
  35. « Ukraine : l'intervention Russe sous l'angle du droit international », sur lepetitjuriste.fr, (consulté le ).
  36. « Ukraine. Ianoukovitch destitué, Timochenko libérée », sur Courrierinternational.com, (consulté le )
  37. « Ukraine : Ianoukovitch, destitué par le parlement, dénonce un coup d'Etat », sur L’Humanité, (consulté le )
  38. « En direct. Ukraine : le parlement a destitué le président Ianoukovitch », sur leparisien.fr, (consulté le ).
  39. « Ukraine : le président Ianoukovitch destitué, l'opposante Timochenko libérée », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  40. A Kharkiv, la statue de Lénine survivra à la révolution sur LeMonde.fr, article du 25 février 2014, consulté le 26 février 2014.
  41. A Kharkiv, les deux Ukraine se font face, sur LeMonde.fr, article du 24 février 2014, consulté le 26 février 2014.
  42. L'Est ne reconnaîtra jamais les nouvelles autorités sur LeMonde.fr, article du 23 février 2014, consulté le 26 février 2014.
  43. a et b En Crimée, bastion pro-russe : « Kiev a été prise par des fascistes » sur LeMonde.fr, article du 25 février 2014, consulté le 26 février 2014.