Sitch zaporogue

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Terres libres de l'Ost de basse Zaporoguie
(uk) Вольностi Вiйська Запорозького Низового

15521775

Drapeau
Drapeau de la Sitch zaporogue
Description de cette image, également commentée ci-après
La Sitch zaporogue (en violet) entre l'Empire russe (en kaki), le khanat de Crimée (en rose) et la Pologne-Lituanie (en jaune)
Informations générales
Statut République cosaque
Capitale La Sitch (emplacements variables)
Langue(s) ukrainien
Religion Orthodoxie

Entités précédentes :

Entités suivantes :

La Sitch zaporogue (en ukrainien : Запорозька Січ, Zaporoz'ka Sich ; en polonais : Sicz Zaporoska ; en russe : Запорожская Сечь), aussi connue sous le nom de Вольностi Вiйська Запорозького Низового, Volnosti Viyska Zaporozkoho Nyzovoho, soit les terres franches de l'ost de basse Zaporoguie[1], était un régime politique semi-autonome et un proto-État[2] cosaque qui exista entre les XVIe et XVIIIe siècles.

emblème "Un cosaque avec un mousquet"

Il fonctionna en tant qu'État stratocratique indépendant au sein de l'Hetmanat cosaque pendant plus de cent ans [3],[4].

La Sitch zaporogue était centrée sur la région aujourd'hui située autour du réservoir de Kakhovka et s'étendait sur le cours inférieur du Dniepr, en Ukraine. À différentes périodes, la région est passée sous la souveraineté de la république des Deux Nations, de l'Empire ottoman, du tsarat de Russie et de l'Empire russe.

En 1775, peu de temps après que la Russie eut annexé les territoires qui lui avaient été cédés par l'Empire ottoman en vertu du traité de Küçük Kaynarca (1774), Catherine la Grande dissout la Sitch. Son territoire est incorporé au gouvernement de Nouvelle Russie.

Le terme de Sitch zaporogue peut également faire référence de manière métonymique et informelle à l'ensemble de l'organisation militaro-administrative de l'ost des cosaques zaporogues.

Nom[modifier | modifier le code]

Le nom « Zaporoguie » fait référence à l'organisation militaire et politique des cosaques et à la localisation de leur territoire autonome « au-delà des rapides » (za porohamy) du fleuve Dniepr[5]. Les rapides du Dniepr étaient un portage majeur sur la route commerciale Nord-Sud du Dniepr. Le terme « sitch » est un nom lié au verbe slave oriental setch' (сѣчь) – « hacher » ou « couper » ; il peut avoir été associé aux palissades en bois à pointes acérées habituellement dressées autour des colonies cosaques.

La Zaporoguie était située dans la région du réservoir de Kakhovka, dans le Sud-Est de l'Ukraine actuelle (une grande partie de son territoire est maintenant submergée par le réservoir). La zone était également connue sous le terme historique de Plaines sauvages.

Histoire[modifier | modifier le code]

Localisation des différentes Sitch le long du Dniepr.

Un précurseur possible de la Sitch zaporogue était une fortification (sitch) construite sur l'île de Tomakivka[6] au milieu du Dniepr dans l'actuelle région de Zaporoguie en Ukraine. Cependant, il n'y a à l'heure actuelle aucune preuve directe de l'existence de la Sitch de Tomakivka, alors que des données indirectes suggèrent qu'à l'époque de cette hypothétique Sitch de Tomakivka, la Sitch zaporogue n'existait quant à elle pas encore[7].

L'histoire de la Sitch zaporogue se subdivise en six périodes :

  • l'émergence de la Sitch (construction du château de Khortytsia) (1471–1583)
  • annexion à la province de Petite-Pologne (Voïvodie de Kiev) (1583–1657)
  • lutte contre la République des Deux Nations, l'Empire ottoman et le Khanat de Crimée pour l'indépendance de la partie ukrainienne de la Pologne (1657–1686)
  • la lutte avec la Crimée, l'Empire ottoman et la Russie pour préserver l'identité cosaque (1686–1709)
  • bras de fer avec le gouvernement russe lors de ses tentatives d'annuler l'autonomie gouvernementale de la Sitch ; puis chute finale de celle-ci (1734–1775)
  • Formation d'une Sitch danubienne en dehors de l'Empire russe et tentatives des cosaques de rentrer en Ukraine (1775–1828)

Formation[modifier | modifier le code]

La Sitch de Mala Khortytsia.

La Sitch zaporogue est apparue en tant que méthode de défense des colons slaves contre les raids fréquents et dévastateurs des Tatars de Crimée, qui capturaient et réduisaient en esclavage des centaines de milliers d'Ukrainiens, de Biélorusses et de Polonais au cours d'opérations appelées « la récolte de la steppe ». Les Ukrainiens formèrent une force d'autodéfense, les cosaques, assez féroces pour arrêter les hordes tatares, et construisirent des camps fortifiés (sitchi) qui furent plus tard réunis pour former une forteresse centrale, la Sitch zaporogue[5].

Le prince Dmytro Vychnevetsky établit en 1552 la première Sitch zaporogue sur l'île de Mala Khortytsia, construisant une forteresse à Niz Dnieprovsky et y plaçant une garnison cosaque. Les forces tatares détruisirent cette première forteresse en 1558. La Sitch de Tomakivka fut construite sur une île maintenant inondée située plus au Sud, près de la ville moderne de Marhanets ; les Tatars la rasèrent également, en 1593. Une troisième sitch vit rapidement le jour sur l'île de Bazavlouk, laquelle survécut jusqu'en 1638, date à laquelle elle fut détruite par un corps expéditionnaire polonais réprimant un soulèvement cosaque. Ces premières installations, fondés au XVIe siècle, étaient déjà assez complexes pour constituer un premier proto-état[2].

Lutte pour l'indépendance[modifier | modifier le code]

Arrière-garde des Zaporogues de Józef Brandt (huile sur toile; 72 × 112 cm, Musée national de Varsovie)
Un cosaque zaporogue au XVIIIe siècle.
Prière des cosaques zaporogues, fragment d'une icône de protection de la Sainte-Vierge.

Les cosaques zaporogues ont été inclus dans la voïvodie de Kiev de 1583 à 1657, laquelle faisait partie de la province de Petite-Pologne de la couronne polonaise. Cependant, ils vivaient mal la domination polonaise. Une des raisons en était la différence religieuse, les cosaques étant chrétiens orthodoxes alors que les Polonais étaient pour la plupart catholiques[2]. Les Zaporogues se sont bien vite engagés dans une longue lutte pour l'indépendance vis-à-vis des puissances voisines, que ce soit la République des Deux Nations, l'Empire ottoman, le Khanat de Crimée ou le Tsarat de Russie (devenu plus tard l'Empire russe). La Sitch devient le centre de la vie cosaque ; elle est gouvernée par le Conseil (Rada) de la Sitch et son Kosh Ataman (ou Hetman).

En 1648, Bohdan Khmelnytsky capture une sitch à Mykytyn Rih[8], près de l'actuelle Nikopol. De là, il lance son soulèvement contre l'État polono-lituanien : en découle la création de l'Hetmanat cosaque (1649–1764). Après le traité de Pereïaslav en 1654, l'ost zaporogue est divisé en deux : d'un côté l'Hetmanat, avec sa capitale à Tchérine ; et de l'autre la région plus autonome de la Zaporoguie, qui a continué de s'articuler autour de la Sitch. Au cours de cette période, la Sitch en tant que telle a changé plusieurs fois d'emplacement. Une nouvelle Sitch (la « vieille Sitch ») est bâtie en 1652 à l'embouchure de la rivière Tchortomlyk. En 1667, la trêve d'Androussovo fit de la Sitch et de la Zaporoguie un condominium dirigé conjointement par la Russie et la Pologne-Lituanie.

Sous le règne de Pierre le Grand, des cosaques ont été utilisés pour la construction de canaux et de lignes de fortification dans le nord de la Russie. On estime que 20 à 30 000 d'entre eux ont été mobilisés chaque année. Ces travaux forcés ont entraîné un taux de mortalité élevé chez les constructeurs, et seuls 40 % environ de ces cosaques sont rentrés chez eux[9].

Une colonne de granit unique du XVIIIe siècle, avec laquelle les Cosaques mesuraient le territoire. Trouvé dans le village de Moshoryne, dans la région de Kirovohrad

Après la bataille de Poltava de 1709, la « vieille Sitch » est détruite et Batouryn, la capitale de l'hetman Ivan Mazepa, est rasée. Une autre sitch a bien été construite à l'embouchure de la rivière Kamianets, mais elle est détruite dès 1711 par le gouvernement russe. Les cosaques s'enfuient alors vers le khanat de Crimée pour éviter les persécutions et fondent en 1711 la Sitch d'Olechky. En 1734, ils ont été autorisés à retourner dans l'Empire russe. Souffrant des discriminations en Crimée, les cosaques acceptent l'offre de retour et construisent une autre Sitch à proximité de Tchortomlyk : la « nouvelle Sitch ». La population de la région des steppes s'élevait à environ 52 000 habitants en 1768[10].

Se sentant menacée par l'indépendance de la Sitch, la Russie abolit l'Hetmanat en 1764. La classe des officiers cosaques est incorporée à la noblesse impériale russe (Dvoryanstvo). Cependant, les cosaques de base, y compris une partie substantielle des anciens Zaporogues, sont réduits au statut de paysan. La tension monte encore lorsque le besoin d'une frontière Sud cesse de se faire sentir après l'annexion de la Crimée par la Russie. La colonisation de la Nouvelle-Russie par des colons serbes et roumains parrainés par la Russie engendre un nouveau conflit. L'ennemi tatar vaincu, les cosaques zaporogues deviennent inutiles. L'armée russe détruit finalement la Sitch zaporogue en 1775 et incarcère l'ataman Kalnychevsky.

Destruction et après-coup[modifier | modifier le code]

Les Cosaques zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie, par Ilya Repine.
Le sitch actuelle île Khortytsia.

En mai 1775, le général russe Peter Tekeli reçoit de Grigory Potemkine l'ordre d'occuper et de détruire la Sitch zaporogue, ainsi qu'en avait décidé la tsarine Catherine la Grande. Le 5 juin 1775, Tekeli encercle la Sitch avec de l'artillerie et de l'infanterie. Les Zaporogues décident de se rendre. La Sitch est officiellement dissoute par le manifeste du 3 août 1775 de la tsarine Catherine, et est rasée.

Certains membres de la classe des officiers cosaques, les starshyna, sont intégrés à la noblesse russe héréditaire et reçoivent d'immenses terres malgré leurs tentatives précédentes de déplacer la Sitch en Amérique du Nord ou en Australie. Sous la direction d'une starshyna nommée Lyakh, un complot est organisé, qui permet à environ 5 000 Zaporogues de fuir, certains se rendant dans le delta du Danube où ils forment la Sitch danubienne, un protectorat de l'Empire ottoman. D'autres partent pour la Hongrie où ils forment une Sitch sous la protection de l'Empire autrichien. Selon le folklore, certains cosaques s'exilent à Malte, car les otamans et d'autres membres supérieurs de la starshyna se considéraient comme une sorte de chevalerie maltaise[11].

Le chef de l'ost zaporogue Petro Kalnyshevsky est arrêté et exilé aux îles Solovetsky (où il vécut jusqu'à l'âge de 112 ans). Quatre starshynas de haut niveau sont déportés, mourant plus tard dans des monastères sibériens. Les starshynas de niveau inférieur qui sont restés et sont passés du côté russe ont reçu des grades militaires et tous les privilèges qui les accompagnaient, et ont été autorisées à rejoindre les régiments de hussards et de dragons. La plupart des cosaques ordinaires sont devenus des paysans et parfois même des serfs[12].

En 1780, après avoir dissous l'ost des cosaques zaporogues, le général Grigorii Potemkine, tente de rassembler et de réorganiser les cosaques sur une base volontaire, et ces derniers aident à défendre l'Ukraine contre les Turcs durant la guerre russo-turque de 1787-1792. 12 000 d'entre eux sont réunis, qui deviendront les Cosaques de la mer Noire. Une fois le conflit terminé, plutôt que de permettre aux cosaques de s'installer dans le sud de l'Ukraine, le gouvernement russe décide de les relocaliser sur le fleuve Kouban. En 1860, on les rebaptise Cosaques du Kouban.

L'écrivain ukrainien Adrian Kaschenko (1858–1921)[13] et l'historienne Olena Apanovitch[14] notent que l'abolition de la Sitch a eu un fort effet symbolique et que les souvenirs de l'événement sont longtemps restés présents dans le folklore local.

L'Ukraine a fondé en 1983 le musée des cosaques de Zaporijjia.

Organisation et gouvernement[modifier | modifier le code]

Une rada (conseil) dans une sitch zaporogue.

L'ost zaporogue était dirigé par le conseil (Rada) de la Sitch qui élisait un Kosh Otaman au poste de chef. Ce dernier était aidé par un secrétaire en chef (pysar), un juge en chef, et un archiviste en chef. Pendant les opérations militaires, l'Otaman exerçait un pouvoir illimité et était soutenu par son état-major. Il décide d'un commun accord avec la Rada de soutenir certains Hetmans (comme Bohdan Khmelnytsky) ou d'autres chefs d'État.

Certaines sources qualifient la Sitch zaporogue de « république cosaque[15] », parce que le plus haut pouvoir en son sein appartenait à l'assemblée de tous ses membres, et ses dirigeants (starshyna) étaient élus. Les cosaques formaient une société (hromada) qui se composait de « kourines » (de bataillons de plusieurs centaines de cosaques). Un tribunal militaire cosaque punissait sévèrement la violence et le vol entre pairs, l'introduction de femmes dans la Sitch, la consommation d'alcool en période de conflit, et d'autres délits. L'administration de la Sitch installait des églises et de écoles orthodoxes pour permettre l'éducation religieuse et laïque des enfants.

La population de la Sitch était cosmopolite, comprenant des Ukrainiens, des Moldaves, des Tatars, des Polonais, des Lituaniens, des Juifs, des Russes, et de nombreuses autres ethnies. La structure sociale en était complexe, composée de nobles et de boyards démunis, de szlachcic (nobles polonais), de marchands, de paysans, de hors-la-loi en tous genres, d'esclaves en fuite des galères turques et de serfs en fuite (comme le polkovnyk [colonel] Pivtorakojoukha). Certains de ceux qui n'étaient pas acceptés dans l'ost formaient leurs propres bandes et prétendaient également être des cosaques. Cependant, après le soulèvement de Khmelnytsky, ces formations ont largement disparu et ont été intégrées dans la société du Hetmanat.

Armée et art de la guerre[modifier | modifier le code]

Les cosaques ont développé une grande flotte de navires rapides et légers. Leurs campagnes visaient les riches cités sur les rives de la mer Noire de l'Empire ottoman, et les menèrent plusieurs fois jusqu'à Constantinople[16] et Trébizonde.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. (uk) Yu Mytsyk, Вольностi Вiйська Запорозького Низового,‎ (lire en ligne).
  2. a b et c Essen (2018), p. 83.
  3. (uk) « Українська козацька держава », Ukrainian Historical Journal, no 4,‎ (ISSN 0130-5247, lire en ligne [archive du ], consulté le ).
  4. (uk) Saltovskiy, « uk:КОНЦЕПЦІЇ УКРАЇНСЬКОЇ ДЕРЖАВНОСТІ В ІСТОРІЇ ВІТЧИЗНЯНОЇ ПОЛІТИЧНОЇ ДУМКИ (від витоків до початку XX сторіччя) » [archive du ], litopys.org.ua, Kyiv,‎ (consulté le ).
  5. a et b « The Zaporozhia », dans Encyclopedia of Ukraine, (lire en ligne) (consulté le )
  6. Valeriy Smoliy (editor-in-chief), Kozatski sichi (narysy z istoriyi ukrayinskoho kozatstva XVI–XIX st.), NASU press, , 22 p. (ISBN 966-02-0324-1)
  7. Томаківська Січ, by Гурбик А.О., in: Історія українського козацтва: нариси у 2 т.\ Редкол: Смолій (відп. Ред) та інші. – Київ.: Вид.дім "Києво-Могилянська академія", 2006р, Т.1.
  8. (en) Roman Adrian Cybriwsky, Along Ukraine's River: A Social and Environmental History of the Dnipro, Central European University Press, (ISBN 978-963-386-204-9, lire en ligne)
  9. (uk) Antonovych, « uk:Про козацькі часи на Україні – Дев'ята глава » [archive du ], exlibris.org.ua,‎
  10. Steven J. Zipperstein, The Jews of Odessa: A Cultural History, 1794-1881, (ISBN 9780804766845, lire en ligne)
  11. Selezniov, « Capital city of liberties: How many Zaporozhian Siches were there? », day.kyiv.ua, (consulté le )
  12. Ukrains'ke kozatstvo. Mala entsyklopediia, Kyiv,
  13. (uk) Adrian Kashchenko, Opovidannia pro slavne viys'ko zaporoz'ke nyzove, Sich, (ISBN 978-5-7775-0301-5, lire en ligne)
  14. Olena Apanovich, "Ne propala ihnya slava", "Vitchizna" Magazine, N 9, 1990
  15. « Speech of H.E. Roman Shpek,Head of the Mission of Ukraine to EU on debate in the EP dedicated to 10th Anniversary of the Ukrainian Constitution » [archive du ], Mission of Ukraine to EU, (consulté le )
  16. « Cossack Navy 16th – 17th Centuries » [archive du ],

Ouvrages cités[modifier | modifier le code]

  • (en) Michael Fredholm von Essen, Muscovy's Soldiers. The Emergence of the Russian Army 1462–1689, Warwick, Helion & Company, (ISBN 978-1912390106)

Liens externes[modifier | modifier le code]