Démence

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La démence (du latin dementia signifiant « folie ») est une sérieuse perte ou réduction des capacités cognitives suffisamment importante pour retentir sur la vie d'un individu et entraîner une perte d'autonomie. Les fonctions cérébrales particulièrement atteintes peuvent être la mémoire, l'attention, et le langage. Elle peut être temporaire, à la suite d'une lésion cérébrale majeure ou d'un déclin psychologique à long terme.

Le terme de démence, en médecine, est un terme technique qui ne doit pas être confondu avec la signification commune de ce terme dans le langage courant (folie furieuse). Les démences sont synonymes de neurodégénérescences. Elle est classiquement définie comme un affaiblissement psychique profond, global et progressif qui altère les fonctions intellectuelles fondamentales et désintègre les conduites sociales. Elle atteint la personnalité en ce qui concerne le fait d'« être raisonnable », c'est-à-dire dans le système de ses valeurs logiques, de connaissances, de jugement et d'adaptation au milieu social. La démence a d'abord été définie par son caractère de déchéance progressive, incurable. Les progrès thérapeutiques depuis le début du XXe siècle (par exemple avec traitement de la paralysie générale) ont permis de relativiser cette image. il n'en reste pas moins que « spontanément » la démence évolue vers une aggravation progressive et la déchéance psychique terminale (Henri Ey, 1970).

Historique

À la fin du XIXe siècle, la démence était un concept clinique plus étendu, qui impliquait maladie mentale et plusieurs incapacités psychosociales incluant les cas qui peuvent être réversibles[1]. La démence se réfère à un individu ayant perdu la « raison », et s'applique également à certaines maladies mentales, des maladies « organiques » comme la syphilis qui peuvent causer de graves séquelles cérébrales et la démence associée à l'âge gériatrique.

La démence chez les aînés est appelée démence sénile[2] ou sénilité, et est perçue comme étant un aspect normal et, quelque part, inévitable chez les personnes âgées, plutôt qu'une maladie spécifique. En 1907, une maladie organique connue sous le nom de maladie d'Alzheimer a été décrite. Elle a été associée à des changements cérébraux microscopiques.

Durant les périodes 1913-1920, la schizophrénie est définie, et le terme de démence précoce a été suggéré pour qualifier le développement de la démence de type sénile dès le plus jeune âge.

En 1976, le neurologue Robert Katzmann pense qu'il y aurait une connexion entre la « démence sénile » et la maladie d'Alzheimer[3]. Katzmann pense que la plupart des démences séniles qui surviennent (par définition) après 65 ans, sont pathologiquement identiques à la maladie d'Alzheimer avant l'âge de 65 ans et ne devraient néanmoins pas être traitées différemment. Il note le fait que la « démence sénile » n'était pas considérée comme une maladie, mais qu'elle fait plutôt partie de la vieillesse[4]. Katzmann croit ainsi que la maladie d'Alzheimer, si celle-ci survient à l'âge de 65 ans, est répandue, et non rare, et la quatrième, voire cinquième, cause principale de mortalité.

Au XXIe siècle, un nombre d'autres types de démence ont été différenciés de la maladie d'Alzheimer et des démences vasculaires (les deux formes les plus communes). Cette différence est basée sur l'examen anatomopathologique des tissus cérébraux et notamment de leur symptomatologie. Les différentes formes de démence ont un pronostic différent, et diffèrent également par leurs facteurs de risques épidémiologiques. Les causes étiologiques, incluant celles de la maladie d'Alzheimer, restent cependant inconnues.

Signes et symptômes

La démence n'est pas seulement un problème de mémoire. Elle réduit la capacité à apprendre, à retenir ou à se rappeler les expériences passées et cause également un trouble des pensées, sensations et activités (Gelder et al. 2005). Ces problèmes mentaux et comportementaux affectent souvent les individus souffrant de démence, et peuvent influencer leur qualité de vie, l'entourage et le besoin d'apprendre. Alors que la démence empire, les individus peuvent se négliger eux-mêmes, mettre leur santé en péril et même devenir incontinents (Gelder et al. 2005).

La dépression affecte 20–30 % des individus souffrant de démence, et environ 20 % d'entre eux souffrent d'anxiété[5]. La psychose (souvent, sentiments de persécution) et l'agitation/humeur agressive accompagnent souvent la démence. Ces troubles de l'humeur peuvent être traités indépendamment[6].

Dans les stades évolués de la démence, les individus atteints peuvent être désorientés dans le temps (ignorant le jour, la semaine, le mois ou l'année), et dans l'espace (ignorant où ils se trouvent), ne plus reconnaître des personnes familières, ou encore avoir des difficultés pour communiquer. Certains patients présentent aussi des troubles du comportement.

Les symptômes de la démence peuvent être classifiés réversibles ou irréversibles, aux dépens de l'étiologie de la maladie. Moins de 10 % des cas ont des causes qui peuvent être soignées par traitement. Les formes les plus communes de démence incluent : maladie d'Alzheimer, leucoaraiose, dégénérescence lobaire fronto-temporale, démence sémantique et démence à corps de Lewy. Il est également possible qu'un patient puisse montrer d'autres caractéristiques de démence.

Épidémiologie

Espérance de vie corrigée de l'incapacité concernant les démences sur 100 000 habitants en 2002
  • no data
  • ≤ 50
  • 50-70
  • 70-90
  • 90-110
  • 110-130
  • 130-150
  • 150-170
  • 170-190
  • 190-210
  • 210-230
  • 230-250
  • ≥ 250

Une étude de 2005 estime la prévalence globale de la démence à 24,3 millions, avec 4,6 millions de nouveaux cas de démence par an. Le nombre d'individus affecté pourrait doubler à 81,1 millions d'ici 2040[7]. La plupart se trouvent dans les pays développés. Par ailleurs, 60-70 % des individus atteints de démences souffriraient de la maladie d'Alzheimer.

Les troubles cognitifs modérés atteindraient un peu moins du quart des personnes âgées de plus de 70 ans aux États-Unis. L'évolution vers un tableau démentiel concernerait 10 % de ces personnes par an[8].

Diagnostic

Clinique

Le diagnostic repose sur les critères de démence du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV). La recherche de ces critères impose une évaluation de plusieurs fonctions cognitives. Des outils simples pouvant être utilisés en médecine non spécialisée ont été mis au point pour aider le diagnostic de démence.

Les recommandations de la Haute Autorité de santé (France)[9] préconisent la réalisation du MMS pour évaluer l'état cognitif sans que cela ne préjuge du diagnostic.

D'autres tests de repérage, simples, peuvent être réalisés en pratique quotidienne : Le test Codex[10] est un test simple et rapide, réalisable en trois minutes qui permet d'approcher avec une très bonne fiabilité le diagnostic de démence. Sa sensibilité est de 92 % et sa spécificité de 85 % par rapport aux critères de référence du DSM-IV. Le MoCA (« Montreal Cognitive Assessment »)[11] est une batterie de tests rapide (10 minutes) qui explore différentes fonctions cognitives et qui a l'avantage d'être validé dans de nombreuses langues.

Une évaluation neuropsychologique approfondie peut être réalisée par des psychologues spécialisés (neuropsychologues) permettant de caractériser précisément les fonctions psychologiques altérées et préservées (cognitions, affects, émotions, personnalité).

Il n'y a aucun examen complémentaire qui puisse aider au diagnostic de démence, qui reste un diagnostic posé sur la clinique. En particulier, ni la biologie, ni l'imagerie cérébrale n'apportent de contribution au diagnostic positif de démence.

Différentiel

Une dépression chez la personne âgée peut mimer un syndrome démentiel (on parle alors de « pseudo-démence du sujet âgé »), ou l'accompagner. Le taux de suicide est, au Danemark, trois à dix fois plus élevé chez les personnes âgées atteintes de démence, après que cette maladie a été diagnostiquée chez elles[12], probablement parce qu'elles connaissent l'évolution de la maladie. Ces sujets ne veulent pas devenir un poids pour leurs proches à la suite de la perte de leurs capacités cognitives. Celui qui passe à l'acte laisse généralement préalablement entendre qu'il pense qu'il serait meilleur pour ses proches qu'il soit mort, notent les chercheurs.

Même sans diagnostic médical de démence préalable, le déclin lent des fonctions cognitives (d'origine démentielle ou non) d'un patient peut entraîner une dépression authentique.

Prévention

Une vie saine, caractérisée par une alimentation saine, l'absence de tabagisme et d'alcoolisme, la pratique d'activités physiques, avec absence de diabète, d'isolement social et de dépression diminue le risque de démence, mais une étude récente 2019, basée sur l'incidence de la démence chez 6 352 Néerlandais de 55 ans et plus, a montré que ce bénéfice disparait « chez les personnes présentant une prédisposition génétique élevée à la maladie » [13].

Une consommation modérée d'alcool (bière, vin, ou autres boissons alcoolisées) pourrait peut-être réduire les risques de démence[14],[15],[16] mais alors avec un risque accru de cancer.

Une alimentation humaine de type régime méditerranéen peut possiblement réduire les risques[17], notamment dans le déclin cognitif lié à l'âge chez des Espagnols à forts risques cardio-vasculaires où le régime méditerranéen non seulement aboutit à de meilleurs résultats cognitifs comparé à un simple régime pauvre en graisse mais aussi améliore les performances cognitives après 6 ans de régime riche en huile d'olive et noix[18]. L'effet semble être dû à la richesse en antioxydants qui réduisent les radicaux oxydatifs et contreraient ainsi le stress oxydatif qui est toxique pour le cerveau, que ce soit pour les vaisseaux nourriciers des neurones ou pour les neurones directement[19],[20].

Une étude a démontré un lien entre la pression artérielle sanguine élevée et le développement de la démence. L'étude, publiée dans le journal Lancet Neurology de juillet 2008, affirme que les médicaments baissant la pression du sang réduisaient la démence de 13 %[21],[22],[23].

Des activités cognitives pratiquées régulièrement peuvent réduire le risque de démence vasculaire ou d'Alzheimer [24]: apprentissage d'une nouvelle langue[25], pratique de jeux de société[26],[27] ou d'un instrument de musique. En 2012, une étude a montré que les personnes âgées utilisant des ordinateurs semblent avoir un risque réduit de démence[28].

Types de démences connues

Divers

Depuis juillet 2007, dans le cadre du Plan national Maladies rares[29] (PNMR), un centre de référence a été labellisé pour la prise en charge des personnes atteintes des démences rares suivantes : démence ou dégénérescence fronto-temporale (DFT), paralysie supranucléaire progressive (PSP), dégénérescence cortico-basale (DCB) et aphasie primaire progressive (APP). Ce centre de référence des Démences Rares[30], est localisé à l'hôpital de la Salpêtrière à Paris et travaille en collaboration avec 12 centres de compétence régionaux, pour améliorer la prise en charge des patients et des familles sur toute la France.

Notes et références

  1. (en) Berrios GE, Dementia during the seventeenth and eighteenth centuries: a conceptual history, vol. 17, (PMID 3324141, DOI 10.1017/S0033291700000623), p. 829–837.
  2. « Démence sénile », sur Santeweb (consulté le ).
  3. Gina Kolata, Drug Trials Test Bold Plan to Slow Alzheimer's, (lire en ligne).
  4. (en) [1].
  5. (en) Calleo J, Stanley M, Anxiety Disorders in Later Life Differentiated Diagnosis and Treatment Strategies, vol. 25, (lire en ligne).
  6. (en) Denis Shub et Kunik Mark E, Psychiatric Comorbidity in Persons With Dementia: Assessment and Treatment Strategies, vol. 26, (lire en ligne).
  7. (en) Ferri CP, Prince, M, Brayne, C, Brodaty, H, Fratiglioni, L, Ganguli, M, Hall, K, Hasegawa, K, Hendrie, H, Huang, Y, Jorm, A, Mathers, C, Menezes, PR, Rimmer, E, Scazufca, M, Alzheimer's Disease, International, Global prevalence of dementia: a Delphi consensus study, vol. 366, (PMID 16360788, PMCID 2850264, DOI 10.1016/S0140-6736(05)67889-0), p. 2112–2117.
  8. (en) Plassman BL, Langa KM, Fisher GG et al. Prevalence of cognitive impairment without dementia in the United States, Annals of Internal Medicine, 2008;148;427-434.
  9. Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : Version soumise à la validation du collège de la HAS le 25/04/07 diagnostic et prise en charge, HAS, novembre 2011
  10. Site Web du test Codex.
  11. Montreal cognitive assessment
  12. Étude danoise coordonné par Annette Erlangsen, Université d'Aarhus, avec le Pr Yeates Conwell (psychiatrie gériatrique, Centre Médical de l'Université de Rochester) et le Pr Steven H. Zarit (Gérontologie, Université de Pennsylvanie, États-Unis), ayant porté sur plus de 2 millions de personnes âgées de 50 ans et plus, suivis de 1990 à 2000, publiée le 29 février 2008 dans la revue American Journal of Geriatric Psychiatry. Remarque : ces chiffres proviennent de données hospitalières et ne prennent pas en compte les suicides qui concerneraient des patients uniquement soignés par des médecins généralistes.
  13. [Healthy habits ward off dementia — for select seniors ; For a fortunate group, exercise and the right diet could protect against cognitive symptoms that develop with age], 27 aout 2019
  14. (en) Mukamal KJ, Kuller LH, Fitzpatrick AL, Longstreth WT, Mittleman MA, Siscovick DS, Prospective study of alcohol consumption and risk of dementia in older adults, vol. 289, (PMID 12636463, DOI 10.1001/jama.289.11.1405), p. 1405-1413.
  15. (en) Ganguli M, Vander Bilt J, Saxton JA, Shen C, Dodge HH, « Alcohol consumption and cognitive function in late life: a longitudinal community study », Neurology, vol. 65, no 8,‎ , p. 1210–1217 (PMID 16247047, DOI 10.1212/01.wnl.0000180520.35181.24).
  16. (en) Huang W, Qiu C, Winblad B, Fratiglioni L, « Alcohol consumption and incidence of dementia in a community sample aged 75 years and older », J Clin Epidemiol, vol. 55,‎ , p. 959–964 (PMID 12464371, DOI 10.1016/S0895-4356(02)00462-6).
  17. (en) Sofi F, Cesari F, Abbate R, Gensini GF, Casini A, « Adherence to Mediterranean diet and health status: meta-analysis », BMJ, vol. 337,‎ , a1344 (PMID 18786971, PMCID 2533524, DOI 10.1136/bmj.a1344).
  18. (en) Valls-Pedret C, Sala-Vila A, Serra-Mir M, Corella D, Ros E et al., « Mediterranean diet and age-related cognitive decline: A randomized clinical trial », JAMA Internal Medicine,‎ (ISSN 2168-6106, PMID 25961184, DOI 10.1001/jamainternmed.2015.1668, lire en ligne, consulté le )
  19. (en) Albarracin SL, Stab B, Casas Z, Sutachan JJ, Barreto GE et al., « Effects of natural antioxidants in neurodegenerative disease », Nutr Neurosci, vol. 15, no 1,‎ , p. 1-9. (PMID 22305647, DOI 10.1179/1476830511Y.0000000028, lire en ligne [PDF]) modifier
  20. (en) Saura-Calixto, Fulgencio, et Isabel Goñi, « Antioxidant capacity of the Spanish Mediterranean diet », Food Chemistry, vol. 94, no 3,‎ , p. 442-447 (lire en ligne [PDF], consulté le )
  21. (en) Fillit H, Nash DT, Rundek T, Zuckerman A, « Cardiovascular risk factors and dementia », Am J Geriatr Pharmacother, vol. 6,‎ , p. 100–18 (PMID 18675769, DOI 10.1016/j.amjopharm.2008.06.004).
  22. (en) Peters R, Beckett N, Forette F, et al., « Incident dementia and blood pressure lowering in the Hypertension in the Very Elderly Trial cognitive function assessment (HYVET-COG): a double-blind, placebo controlled trial », Lancet Neurol, vol. 7,‎ , p. 683–689 (PMID 18614402, DOI 10.1016/S1474-4422(08)70143-1).
  23. Bernard Waeber, François Feihl, « Hypertension artérielle et démence » Forum Med Suisse, 2010;10(3):43-5.
  24. Joe Verghese, Richard B. Lipton, Mindy J. Katz et Charles B. Hall, « Leisure Activities and the Risk of Dementia in the Elderly », New England Journal of Medicine, vol. 348, no 25,‎ , p. 2508–2516 (ISSN 0028-4793, PMID 12815136, DOI 10.1056/NEJMoa022252, lire en ligne, consulté le )
  25. (en) S. Alladi, T. H. Bak, V. Duggirala et B. Surampudi, « Bilingualism delays age at onset of dementia, independent of education and immigration status », Neurology, vol. 81, no 22,‎ , p. 1938–1944 (ISSN 0028-3878 et 1526-632X, DOI 10.1212/01.wnl.0000436620.33155.a4, lire en ligne, consulté le )
  26. (en) Drew M. Altschul et Ian J. Deary, « Playing Analog Games Is Associated With Reduced Declines in Cognitive Function: A 68-Year Longitudinal Cohort Study », The Journals of Gerontology: Series B,‎ (DOI 10.1093/geronb/gbz149, lire en ligne, consulté le )
  27. (en) Jean François Dartigues, Alexandra Foubert-Samier, Mélanie Le Goff et Mélanie Viltard, « Playing board games, cognitive decline and dementia: a French population-based cohort study », BMJ Open, vol. 3, no 8,‎ (ISSN 2044-6055 et 2044-6055, PMID 23988362, PMCID PMC3758967, DOI 10.1136/bmjopen-2013-002998, lire en ligne, consulté le )
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  29. Plan National Maladies Rares [PDF].
  30. Cref-demarres.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes