Antoine Bonfanti

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Antoine Bonfanti
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Antoine Bonfanti, Corse, 1994
Surnom Bonbon
Naissance
Ajaccio
Nationalité Française
Décès (à 82 ans)
Montpellier
Profession Chef opérateur du son
Films notables voir filmographie

Antoine Bonfanti, né le à Ajaccio (Corse) et mort le à Montpellier (Hérault), est un ingénieur du son français, chef-opérateur du son et mixeur, enseignant dans des écoles de cinéma (régulièrement à l’INSAS[1] à Bruxelles, l’EICTV [2]à Cuba et ponctuellement à la FEMIS - anciennement IDHEC - et à l'ENSLL ) et instituts de cinéma en France et à l’étranger.

Parcours[modifier | modifier le code]

Il commence à apprendre son métier comme stagiaire à la perche sur La Belle et la Bête de Jean Cocteau.

Considéré comme l’un des pionniers du son direct en décors naturels : "l’école du son-direct est française - a dit l’ingénieur du son Jean-Pierre Ruh - elle a commencé avec Antoine Bonfanti".

Il se caractérise par des collaborations marquantes avec des cinéastes importants, dont Bernardo Bertolucci, André Delvaux, Amos Gitaï, Jean Luc Godard, Joris Ivens, William Klein, Chris Marker, Gérard Oury, Boris Lehman, Alain Resnais, René Vautier, Paul Vecchiali… (voir filmographie ci-dessous).

Il est soucieux de l’authenticité absolue du son : il aime surtout construire l’univers sonore d’un film à toutes les étapes, du tournage au mixage (à savoir, au tournage : le son direct et les ambiances, et en auditorium : les bruitages, les doublages et le mixage) ; dans ce schéma, on peut compter 120 films dont 80 longs-métrages. Sinon, sa filmographie totale comprend plus de 420 titres environ (dont beaucoup "à l'œil" - et il en manque encore !).

Résistant, puis engagé au Bataillon de Choc pendant les années de guerre 1943 -1945, militant, communiste dans l’âme, témoin vigilant, il participe aussi au Collectif SLON devenu ISKRA[3], et aux groupes Medvedkine.

"Il a transmis son savoir-faire d’artiste du son et formé plusieurs générations d’ingénieurs du son dans de nombreux pays (Portugal, Algérie, Tunisie, Maroc, Angola, Mozambique, Argentine, Chili, Cuba, Pérou, Venezuela,Belgique), avec ce souci de transmission et d'engagement qui l'anime dans le soutien qu'il apporte aux cinéastes de pays où faire du cinéma relève souvent d’un combat".

Le film Antoine Bonfanti - Traces sonores d’une écoute engagée[4], de Suzanne Durand, reconstitue un trajet professionnel de plus de 50 ans qui manifeste un engagement bien au-delà du simple métier et de sa collaboration avec de si nombreux cinéastes ; c'est aussi une approche originale de la pratique du son[5]. Le film privilégie les rencontres avec quelques cinéastes qui témoignent de sa pratique et de son exigence (René Vautier, André Delvaux, Paul Vecchiali) et des moments de travail d'étudiants et de professionnels, de Cuba à Ouagadougou.

Il se raconte aussi, interviewé par Noël Simsolo dans une émission de France Culture, Mémoire du siècle, Antoine Bonfanti[6], diffusée le , et retransmise dans les Nuits de France-Culture le à minuit.

Biographie[modifier | modifier le code]

Antoine, appelé "Nono" dans sa famille corse, "Toni" par ses camarades de guerre, "Bonbon" dans le cinéma, est né en 1923 à Ajaccio. La famille repart en Afrique en 1926 (après avoir déjà passé quelques années à Conakry, en République de Guinée, anciennement "Guinée française"). Son père est receveur-principal des postes à Bobo-Dioulasso au Burkina-Faso (anciennement "Haute-Volta"). Antoine y passe quelques années de son enfance mais, quand son frère aîné Louis doit rentrer au lycée, ils reviennent en Corse, avant que son père ne soit nommé percepteur à Saint-Rambert-d’Albon, puis au Touquet-Paris-Plage.

Enfant, il découvre le cinéma du patronage en Corse. Au Touquet, il y va souvent en famille ; il en garde un fort souvenir lorsque son père organise, pour la mort de Roger Salengro en 1936, une projection des Marins de Kronstadt d’Efim Dzigan, d’où les spectateurs sortent en chantant L’Internationale.

Il a 13 ans pendant le Front populaire. Pensionnaire au collège Mariette à Boulogne-sur-Mer, il passe en train devant les usines-aciéries d’Outreau, occupées, des drapeaux rouges sur les toits, et reste très marqué par les ouvriers en grève qui saluent le train le poing levé.  Les "pour" et les "contre" se bagarrent dans la cour du collège. C’est là qu’Antoine a «eu la chance d’avoir Jean Marcenac comme professeur de "philosophie-français", qui lui a ouvert les yeux et sa bibliothèque»[6].

Son début de prise de conscience politique arrive en , après la "drôle de guerre" ; (ce qui lui fera dire toute sa vie "j'ai 17 ans !"). Il ne comprend pas la phrase de Paul Reynaud qui, après la débâcle disait : "je ne crois pas aux miracles, mais si on me disait que seul un miracle peut sauver la France, je croirais à ce miracle". Mais deux jours après, les Allemands étaient au Touquet.

En pension plus tard, au lycée à Orléans (les Frères sont plutôt collaborateurs - son "correspondant" est un commissaire de police corse), il est renvoyé en pour avoir mis K.O le "SurGé" (CPE) qui l’avait privé de repas ; Antoine faisait de la boxe poids-léger ! (il était aussi nageur talentueux et compétitif).

Il a envie de "résistance". Il fait de la gravure sur linoléum pour faire des tracts "en privé", et essaie à plusieurs reprises de passer en Angleterre avec des copains sur des petites barques. Il devient dangereux pour son père qui, lui, fait partie d’un réseau de Résistance. Lorsque Antoine reçoit une convocation des Allemands, en , pour la construction du "Mur de l’Atlantique", son père le prie de s’échapper pour aller en Corse (c’est le commissaire qui lui procure un laisser-passer).

Il fait alors partie de la "Résistance armée urbaine"[7] au "Front national" (Front national de libération et d'indépendance de la France, créé par le parti communiste) ; "Nous faisions une guerre de libération contre les Allemands et aussi une guerre révolutionnaire contre le régime de Pétain"[6].

En , il s’engage comme volontaire au Bataillon de Choc et devient chasseur dans la 4e compagnie. Après le débarquement à Toulon, son bataillon monte jusqu’au Tyrol ; Antoine y perd de nombreux camarades. À son grand dam, ce n'est qu'en qu'il sera démobilisé. Il a refusé son inscription à "l'Ordre du mérite" pour un fait d'armes exceptionnel, en solitaire. Il est furieux lorsqu'on lui propose de continuer "son engagement" en Indochine, (il se battait contre un occupant et ne pouvait concevoir d'aller occuper et martyriser un autre pays). Sur son carnet militaire était inscrit "Bon soldat, mauvais militaire"...

Il aura deux enfants d'un premier mariage, Jean-Claude[8] et Francis. Il épousera plus tard Maryvon Le Brishoual qu’il rencontre au Brésil en 1968, sur le tournage du film Le Grabuge (O tumulto) d’Edouard Luntz, produit par la Fox. Ils ont 3 enfants : Kalanna, Maël et Solène.

Fin 1945, il suit des cours par correspondance au Conservatoire des Arts et Métiers et, grâce à son cousin Mathieu Bonfanti, il est pris comme stagiaire sur La Belle et la Bête de Jean Cocteau, aux Studios de Saint Maurice où, par la suite, il apprend tous les postes, tous les métiers du son. En 1948, Il rentre à la Radiodiffusion française (qui deviendra la RTF en 1949 et l'ORTF en 1964) où il apprend "à faire ce qu’il ne faut pas faire… "[6].

Il se bagarre contre la politique américaine qui n’accepte pas les quotas ; "mais avec l’Accord Blum- Byrnes, Léon Blum sacrifie le cinéma français pour « remettre la France en route » avec l’acceptation du Plan Marshall annoncé en "[4].

Ce militantisme ne l’empêche pas d’entrer à la M.G.M - France (Metro Goldwyn Mayer), studio très prisé à l’époque, où il acquiert la maîtrise de la post-synchronisation et du mixage.

En 1958, il commence à travailler pour le cinéma avec la plupart des réalisateurs[9] "qui ont compté à une époque qui a compté, et qui rentraient peu ou prou dans la mouvance de la Nouvelle Vague"[6]. Il les rencontre à l’auditorium la SIMO à Boulogne-Billancourt où il admire et apprend beaucoup avec Jean Neny, le grand inventeur de nombreuses techniques de doublage et mixage en auditorium.

Quand les tournages de films sortent des studios, il cherche d’autres micros, fabrique des bonnettes contre le vent, des perchettes pour le documentaire et, plus tard, passera beaucoup de temps à créer un modèle de perche carrée.

En 1962, il fait le son, avec Pierre Lhomme à l’image, du film de Chris Marker, Le Joli Mai, devenu mythique. Il fait partie de SLON, créé par Chris Marker et Inger Servolin, devenu ISKRA[3] ensuite, (dont il sera gérant quelques années) et des groupes Medvedkine : c’est l’aventure extraordinaire avec les ouvriers de la Rhodiaceta à Besançon en 1967, et des usines Peugeot de Sochaux en 1968.

Dès 1962, il commence à donner des cours plusieurs fois par an à l’INSAS[1] à Bruxelles jusqu’au milieu des années 1980.

Antoine Bonfanti, "Toujours dire, raconter, convaincre…"

Il rentre "en communion" avec Cuba en 1963, sur le tournage du documentaire de Claude Otzenberger "Fidel si, Fidel no". Il fait don à l'ICAIC de ses appareils professionnels (le Nagra III et son micro fétiche Beyer M160). Pour lui, Cuba était « la découverte d’une application unique d’un concept socialiste, mais les Cubains, peuple extraordinaire, ne méritent pas ce qu’ils ont vécu ensuite »[6]. Il se révolte sans cesse contre l'embargo instauré en 1962 par les États-Unis (appelé « blocus » à Cuba) et qui demeure encore.

Antoine est profondément un insulaire, il aime être entouré par la mer, comme en Corse ou à l'île de Groix, près du pays de "sa Bretonne", où il acquiert une maison après le tournage du film "Un bruit qui court" de Jean Pierre Sentier, en 1983.

En 1986, il commence à donner des cours à l’EICTV[2] (à San Antonio de los Baños - Cuba) tous les ans jusqu'en  ; et réclamé ensuite mais des problèmes de santé l'en ont empêché.

En 1994, ils se réunissent entre amis et "hommes du son" : René Levert, Dominique Levert, Auguste Galli, Francis Bonfanti, pour créer un studio d'enregistrement et de repiquage de son, ainsi que de location de matériel : CINACCORD - Bd Voltaire à Paris, (où ils ont pu ainsi aider un grand nombre de jeunes réalisateurs et ingénieurs du son).

Des cinéastes comme René Vautier, Yann Le Masson, Bruno Muel, Jacqueline Meppiel sont ses camarades, ses frères et sœur de lutte. Mais Antoine est aussi collaborateur de gens très différents de sa famille politique de départ, à partir du moment où il peut « faire son son, pour devenir le son du film »[6], et que c'est d’autant plus facile pour lui d’imposer du son direct là où les acteurs improvisent et ne peuvent se doubler en post-synchro (comme Louis de Funès dans les films de Gérard Oury).

Il est invité à des colloques, séminaires et conférences sur le son, fait partie ou est président de jury de festivals, mais il intervient surtout dans un grand nombre d’offices, instituts, centres et écoles de cinéma dans de nombreux pays ; la Cinémathèque de Lisbonne[10] lui consacre une semaine en .

Malade, il est "descendu" vivre avec son épouse Maryvon à Montpellier, en , près de sa mer Méditerranée adorée. C’est là qu’il décède en . Ont suivi des messages d’amour et de reconnaissance innombrables (dans les milieux professionnel et privé), et des hommages.

Depuis... "au hasard des rencontres professionnelles, sur des tournages, en auditorium, au détour des conversations son nom surgit régulièrement comme une référence. Il reste un témoin actif et privilégié de son temps comme de son métier", comme il l'était déjà dans des écoles et facultés en option-cinéma.

Filmographie[modifier | modifier le code]

Filmographie (de plus de 50 ans de métier) de ses collaborations sonores diverses, à différents niveaux et à différents postes : pour les films (C.M. - L.M. de fiction ou documentaire) les dates sont celles ou de tournage ou des travaux en auditorium ou de sortie ; et pour les concerts et spectacles, les dates sont celles des enregistrements en live ou en studio).

Prix et nominations[modifier | modifier le code]

Publication[modifier | modifier le code]

Antoine Bonfanti et Pierre Ley, « Le film », dans Denis Mercier (dir.), Le Livre des Techniques du Son, Tome 3 : L'exploitation, Paris, Eyrolles, , p. 327-389

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « INSAS - Institut Supérieur des Arts », sur INSAS (consulté le )
  2. a et b « Inicio - Escuela Internacional de Cine y Televisión », sur www.eictv.org (consulté le )
  3. a et b « ISKRA:::Bienvenue sur le site ISKRA::: », sur www.iskra.fr (consulté le )
  4. a et b « Antoine Bonfanti, traces sonores d'une écoute engagée - vidéo Dailymotion », sur Dailymotion, (consulté le )
  5. Annick PEIGNE-GIULY, « Antoine Bonfanti, l'ingénieux du son », Libération,‎ (lire en ligne)
  6. a b c d e f et g Mémoire du siècle, Antoine Bonfanti
  7. « Libération de la Corse : mythes et réalités (1ère partie) », périodique,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. Jean-Claude sera notamment conseiller technique sur le film réalisé par Jacques Villeglé Un mythe dans la ville (1974-1998) [1]
  9. Olivier Khon et Hubert Niogret, « Témoignage d’Antoine Bonfanti : ingénieur du son », Positif, n° 433,‎ , p. 92-93 (lire en ligne)
  10. (pt) « Cinemateca »
  11. « Un général revient »
  12. « Le joli mai - Version restaurée 2013 »
  13. a b c d e f g h i j k et l « Chris Marker »
  14. Sophie Dufau, « «Octobre à Paris», le film interdit, projeté en avant-première au festival de Mediapart », Médiapart,‎ (lire en ligne)
  15. « Fidel si Fidel no - Vidéo Ina.fr »
  16. « Grupo Medvedkine de Besançon - Classe de lutte (1969) »
  17. « Lettre à mon ami Pol Cèbe »
  18. Institut National de l’Audiovisuel – Ina.fr, « André Delvaux à propos de son film "Belle" », sur Ina.fr, (consulté le )
  19. « René Vautier : Avoir 20 ans dans les Aurès »
  20. « Démocratie syndicale (la) », sur Ciné-Archives
  21. « La Société Du Spectacle (1973) »
  22. « La Folle de Toujane »
  23. « La nuit du phoque (1974) »
  24. « Luttes d'aujourd'hui », sur Ciné-Archives
  25. « Guerre du peuple en Angola »
  26. « La Spirale »
  27. « Le blanc de Bilbalogo »
  28. RadioTV Cyrnea, « San Bartuli, l'écho de la Castagniccia », (consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]